Deuxième partie
Un fragile équilibre des factions catalanes et des gouvernants français : l’âge « classique » des vice-rois (1644-1648)
I. Les vice-rois face à Pierre de Marca
1. Pouvoirs et premières actions de Pierre de Marca
La distributions générale est retardée puis annulée sur les instances de Marca et contre l’avis de la Mothe
Au tournant de 1643 et 1644, après de nombreuses plaintes et récriminations venues de toute la Catalogne, la cour décide d’envoyer un homme fort, Pierre de Marca, évêque de Couserans et président du parlement de Navarre. Il reçoit un pouvoir de visiteur général le 28 janvier 1644[1] ; jusqu’à la révocation de La Mothe, au mois d’octobre, Marca cohabite avec ce dernier. Derrière cette fonction traditionnelle en Catalogne – le visiteur général effectue une visite des officiers de la province et corrige les abus –, Marca a la mission de suppléer La Mothe lorsqu’il est en campagne. La réputation de ce dernier s’étant sérieusement entamée aux yeux de Mazarin, le vrai travail de Marca sera de le surveiller lui et ses fidèles… L’instruction donnée à Marca lors de son départ[2] montre explicitement les réponses que l’on souhaitait apporter aux désordres des affaires politiques de la province. L’accent est mis sur les problèmes rencontrés avec les ecclésiastiques catalans, qui se sont plaints que des pairs aient été jugés par des juges laïcs et bannis ; Marca devra entendre leurs griefs et y pourvoir. La question des confiscations est largement abordée en plusieurs passages qu’il importe de commenter. Les fonctions de visiteur général comportaient traditionnellement la charge de prendre connaissance des affaires relatives au domaine et patrimoine royal ; s’y ajoute un grand pouvoir de contrôle et de tutelle sur les recettes et les dépenses. Marca devra aussi exercer à la fois des fonctions quasi régaliennes et judiciaires…
« Et a l’esgard des biens meubles et immeubles confisquez, Sa Majesté ne faisant pas estat d’en retirer aucun proffit pour elle, mais seulement d’en faire la distribution a ceux du pays qui l’ont servie, et servent avec une veritable affection et perseverence, il s’informera bien particulierement de la qualité et valeur des biens meubles et immeubles confisquez, et a confisquer, et la consistence, qualité et revenu des fiefs, terres et seigneuries, maisons et autres fonds que les rebelles ont possedez et en fera dresser des estatz y speciffiant ce qui a esté donné et a qui, et en vertu de quoy, comme ce qui reste a donner pour les envoyer a Sa Majesté. Il s’informera pareillement si les parens des rebelles et condemnez ont retenu, ou se sont faict donner leurs biens par surprise comme l’on l’a faict entendre à Sa Majesté, se fera rapporter par les archivaires les sentences données autresfois contre les rebelles, pour sçavoir comme quoy il en a esté usé, pour appliquer leurs biens au domaine royal, nonobstant toutes successions et n’obmettra rien de ce qu’il verra estre a faire pour empescher cet abus.
Si en ce faisant il trouve que quelqu’un ait esté condamné par animosité, ou par artifice, pour l’opprimer ou pour proffiter de son bien, sans qu’il y en ait eu juste sujet, il advisera aux moyens de le restituer, et restablir apres une entiere congnoissance du faict et de la verité, et agira en ces recherches en sorte que chacun cognoisse que leurs Majestez entendent que la Justice soit rendue a un chacun, sans passion ny interest, et desirent autant de voir regner la concorde et la Justice qu’elles haissent l’imposture et la calomnie. »
Ce passage fait clairement référence à plusieurs points qui sont abordés dans tous les pamphlets envoyés par les Catalans à la cour de France, et que nous avons déjà commentés. Il permet néanmoins de faire la lumière sur l’impact de ces pamphlets, finalement non négligeable, et sur la véritable connaissance de l’affaire des confiscations par les plus hautes sphères du gouvernement. L’ordre était une nouvelle fois donné à Marca de s’informer « de la qualité et valeur » des biens confisqués, et, il faut le noter, « à confisquer », ce qui montre que le ou les mémoires qui en avaient été envoyés à la cour étaient considérés soit comme obsolètes, soit comme faux – ou bien qu’ils n’avaient pas été utilisés ; et que l’on était encore dans le flou pour savoir ce qui avait été donné ou pas. Un leitmotiv, l’impératif de dresser des « estatz » de ces biens, revenait donc naturellement. En revanche, grâce aux pamphlets et aux « informateurs » directs et indirects, on se doutait bien que des « parens des rebelles et condemnez » s’étaient fait donner des biens « par surprise »… Il s’agit d’une référence aux nombreux procès alors intentés devant l’Audience par des veuves ou des épouses sur la base des Constitutions de Catalogne qui leur garantissaient des droits sur les biens de leurs maris, fût-il condamné pour crime de lèse-majesté. Ce problème épineux, totalement inconcevable pour un Français, est aussi évoqué plus loin par l’expression « nonobstant toutes successions ». Dans ces instructions à Marca, il semble que la cour montre pour la première fois qu’elle a conscience de l’existence d’une procédure spécifique à la Catalogne, ne dépendant pas uniquement du droit de la guerre ou des droits régaliens, mais d’un cheminement complexe et formel que nous avons introduit plus haut. Marca, lit-on, « se fera rapporter par les archivaires les sentences données autresfois contre les rebelles, pour sçavoir comme quoy il en a esté usé, pour appliquer leurs biens au domaine royal », claire allusion au fait que toute condamnation est nécessairement postérieure à une sentence judiciaire, et que donc toute décision relative à un bien confisqué avant cette sentence est réputée survenue « par surprise ». C’est aussi la première évocation dans un contexte aussi officiel et solennel de l’importance de la fonction des « archivaires », et donc de l’enregistrement des décisions judiciaires. Aussi, on trouve là un aveu, quasiment à découvert, que les confiscations avant 1644 avaient été gérées de façon empirique voire malhonnête, sans vrai respect des formes… et que, parfois même, des exils et condamnations avaient pu être ordonnés injustement, pour des raisons captieuses comme, par exemple, se venger ou récupérer des biens à moindre frais… Argument qui, là aussi, était couramment agité par les propagandistes castillans[3]. Il fallait donc véritablement enquêter à travers les archives pour savoir ce qu’il en était, et réparer les abus.
La dimension proprement politique des ces instructions apparaît à un autre endroit, où le visiteur général, comme le remarque Sanabre[4], se voit attribuer des fonctions qui, jusque-là, étaient officiellement imparties au vice-roi lui-même. Elles naissent même de la personne même du souverain, puisqu’il s’agit principalement du pouvoir de dispenser la grâce et de récompenser les mérites…
« Il apportera toute la diligence possible pour cognoistre ceux qui meritent d’estre appellez aux dignitez ecclesiastiques et benefices, et aux offices et charges, et d’estre gratiffiez desdictes confiscations pour en rendre compte a Sa Majesté et en faire la distribution comme de toutes autres graces sur les bons advis qu’elle recevra dudit sieur mareschal de la Motte et de luy, et en sorte que l’on ne les departe que selon le merite des personnes, et que l’on en ait l’obligation qu’il convient a Sa Majesté. Et il sera bon que ledict sieur de Marca publie qu’il a ordre expres de prendre congnoissance des bonnes qualitez et des services de tous ceux qui se sont signalés dans les occasions passées et presentes pour les preferer aux autres. Et en effect leurs Majestez desirent qu’il leur en donne un compte particulier, et qu’il marque quelle gratiffications on leur pourroit faire chacun selon sa condition et le merite de ses services. »
On retrouve encore une fois ici, en creux, les dénonciations d’injustice du gouvernement de Catalogne de la part des pamphlétaires, et particulièrement de Pujolar. La formulation est volontairement ambiguë : Marca devra « en rendre compte a sa Majesté et en faire la distribution comme de toutes autres graces », comme s’il devait lui-même faire la distribution et égalait, voire surpassait La Mothe. Les éventuelles oppositions à ce pouvoir immense sont envisagées, il faut que Marca « publie qu’il a ordre expres de prendre cognoissance des bonnes qualitez et des services… ». En apparence, les instructions n’accusent pas directement le vice-roi, et ne mettent pas Marca au-dessus de lui, mais elles comportent une addition – sans doute secrète – qui révèle bien leur substance profonde : le visiteur général se voit recommander de s’informer sur la personne du secrétaire catalan du maréchal, qui, sous prétexte d’ « advancer le service de Sa Majesté aux expeditions qui doivent estre faictes en la langue du pays », « ayant confiance de son maistre, obtient des graces pour ses amis et pour ceux qui le gratiffient, et faict que les autres en sont exclus, d’où il arrive beaucoup de degoust et de mauvaise reputation aux affaire de Sa Majesté, mesme contre la personne dudict sieur mareschal »[5]. On voit que le vice-roi avait de quoi prendre ombrage de cette ingérence. Plus encore, dans le domaine précis des confiscations, Marca semble ne devoir souffrir aucune concurrence ; un autre partie de l’instruction lui attribue un pouvoir décisionnel pour trancher si des biens doivent être donnés en propriété ou non…
« Sur quoy leurs Majestez ayans esté adverties qu’il seroit expedient de donner seulement une partie des biens confisquez en proprieté a ceux qui meritent le plus, aux autres une partie a vie, et de reserver sur chaque domaine une portion du revenu pour servir a donner des pensions aussy a vie. Ledict sieur de Marca verra comme cela pourra estre faict pour le mieux, et comme quoy toutes les graces qui deppendent d’elle debvront estre departies pour s’acquerir des serviteurs, et confirmer dans le service ceux qui luy sont affectionnez pour de tout rendre un compte particulier a leurs Majestez ».
Il faut, semble-t-il, comprendre ce passage ainsi : Marca devenant une sorte de « surintendant des confiscations », au milieu d’autres attributions d’importance, représentait lui-même, par sa personne, la solution au problème de légitimité de leurs responsables successifs de fait ou de droit (Argenson, Sangenís, la Junta…). Rappellons que dans un des pamphlets évoqués avant, Margarit était accusé de vouloir se hisser à cette fonction[6]. Dans ses instructions, la hiérarchie était rappelée, ou plutôt redéfinie, de sorte que Margarit, « en particuliere consideration a leurs Majestez », soit gratifié sur les biens confisqués en premier lieu, et que chacun des premiers fidèles de la couronne reçoive un présent, par l’intermédiaire du maréchal : Leurs Majestés « envoyent audict Sr Mareschal de la Motte un present pour luy donner de leur part, desirans que chacun cognoisse le soin que Leurs Majestez veulent prendre de ceux qui ont genereusement servy cette Couronne ». La Mothe se trouvait presque réduit à une fonction honorifique. Enfin, pour le châtiment des mal affectes, grande affaire de cette vice-royauté, les instructions étaient encore plus explicites :
« L’on a estimé qu’il n’y avoit point de meilleur expedient pour cela que de les faire venir a la suitte du Roy, et pour cet effect l’on met une vingtaine de lettres de cachet de Sa Majesté ez mains dudict sieur de Marca pour les donner audit sieur Mareschal de La Motte, et ledict Sr de Marca prendra bien garde avec ledict Sr Mareschal que l’on ne fasse pas ce commandement, sinon a ceux que l’on sçaura estre veritablement mal affectionnez au service de Sa Majesté. Et quant aux procedures qui seront a faire par contumace contre les rebelles absens, ou contre ceux qui tomberoyent ez mains de la Justice, estans convaincus de quelque conspiration, ou crime de leze Majesté ledict sieur de Marca tiendra la main a ce qu’il y soit procedé par les voyes ordinaires et accoustumées de la Justice, et en sorte que l’on voye un soin particulier de la part de Sa Majesté a garder aussy bien l’equité dans la punition des crimes que dans la recompense de la vertu et des bonnes actions. »
Responsable direct de la justice, Marca faisait bien plus que suppléer le vice-roi, il le remplaçait. Il devenait un intermédiaire de plus dans la transmission des ordres de Paris à la Catalogne, et dans la transmission de l’information de la Catalogne à Paris. Intermédiaire désormais principal, ayant en main, avant même le vice-roi, les actes authentiques du pouvoir régalien – avec faculté implicite d’en faire ce qu’il jugerait à propos, c’est-à-dire de les donner ou non…
La question de l’expédition des actes et de la diplomatique, dont la criante désorganisation était inversement proportionnelle à son importance cruciale, est donc également sortie de l’ombre et ramenée au premier plan des préoccupations royales. Pour la première fois, sa dimension régalienne est affirmée ; Marca reçoit dans ce domaine un rôle très spécifique et méconnu.
« Il prendra aussy une information bien particuliere […] de tous les offices et charges dont la provision deppend de Sa Majesté, et comme quoy lesdictes nominations et provisions des ecclesiastiques et officiers ont accoustumé d’estre faictes, et de l’expedition des annoblissemens, privileges de communautez et particulliers, et toutes autres graces qui sont celles qui doibvent estre renvoyées a Sa Majesté, et esmanées d’elle seulement, et lesquelles peuvent estre expediées dans le pays ; et du tout en envoyer des bons memoires a Sa Majesté avec les formulaires desdictes provisions et graces, en sorte que l’on s’y puisse conformer a l’advenir avec asseurance qu’il n’y sera rien faict que selon l’usage et les formes ordinaires. »
Dans plusieurs pamphlets apparaissait, également, la difficulté d’enregistrement que rencontraient localement les actes émanés de la cour. Par exemple, le brevet de Pujolar était botté en touche sous prétexte que cette forme diplomatique était inaccoutumée ; ou bien la Junta se réservait parfois un pouvoir discrétionnaire sur les lettres patentes. Désormais, présent sur place, bien informé de la matière, Marca devait envoyer des « formulaires desdictes provisions et graces », en tirant des archives des exemples des « formes ordinaires », c’est-à-dire accoutumées en Catalogne avant la période française et conformes aux Constitutions ; de la sorte, il pouvait mettre fin aux récriminations et aux accusations d’illégalité.
Couchés sur le papier, tous ces grands pouvoirs se concrétisent cependant dès l’arrivée de Marca en Catalogne. Passé en Roussillon en avril 1644, « ses premières actions donnent la sensation que ses pouvoirs sont sans limite »[7]. Il entre à Barcelona le 25 avril, et, monté dans le carosse du vice-roi, accompagné du Gouverneur, il reçoit l’hommage de l’Audiència et des hauts officiers. Une abondante correspondance débute alors avec la cour, et particulièrement avec le secrétaire d’Etat de la guerre, Michel Le Tellier. Dès le début, elle montre la réelle confiance du ministre, mais aussi l’existence d’un double discours entre, d’un côté, des informations secrètes envoyées et reçues par Marca, et, de l’autre, des ordres souvent vagues et généraux envoyés au vice-roi, parfois totalement déviants par rapport aux véritables résolutions. Quelques jours après son arrivée, on envoie à Marca des lettres pour l’inviter à veiller à l’exécution des grâces données à Pujolar[8] et à Cabanyes[9], ce qui montre clairement que, pour la cour, il est immédiatement perçu comme le responsable des confiscations. A peine un mois après, le 27 mai, Le Tellier envoie deux lettres bien différentes au vice-roi et au visiteur général : d’un côté, il mande à La Mothe de surseoir au don fait à Cabanyes, et temporise en lui prescrivant de ne distribuer aucun bien confisqué avant d’en avoir reçu les lettres patentes, qu’on est en train d’élaborer sur ses propositions[10]. Il l’entretient dans l’illusion de son autorité en lui demandant s’il vaut mieux attendre ou non la fin de la campagne « de crainte de desgoutter ceux qui se trouveront trompez dans leurs esperances ». Ce qu’il écrit à Marca[11] montre qu’en réalité la décision est déjà prise : à l’opposé de la volonté de La Mothe, la distribution générale tant attendue en Catalogne est ajournée. Le Tellier a beau jeu de dire à La Mothe qu’il a scrupuleusement suivi ses avis, et qu’il a parlé au roi dans ce sens. Ainsi, les dons faits par le passés sont suspendus, et la distribution repoussée après la campagne ; le tout est solennellement mis dans un ordre écrit du souverain qu’il lui envoie. L’idée de l’ajournement avait été puissamment relayée à la cour par l’informateur catalan que Marca, selon une tenace habitude, venait de s’attacher, le docteur Pere Pont ; ce dernier avait écrit à Hugues de Lionne pour montrer que cette décision serait sage et de bonne politique, en préconisant même de ne pas faire de distribution tant que durerait la guerre[12].
Si Le Tellier précise bien à Marca que « presentement l’on travaille a faire les brevets et lettres patentes des biens confisquez sur les memoires que m’a envoyé monsieur le maréchal de la Motte » [13], les actes que l’on est en train d’établir à Paris ne semblent être que des brevets donnant des pensions, et non, comme cela était souhaité en Catalogne et par le vice-roi, des lettres patentes de pleine propriété. La preuve matérielle de l’élaboration de ces actes par les commis du secrétaire d’Etat de la guerre est apportée dans le volume A1 88 des archives du Service historique de la Défense : pas moins de 46 minutes de brevets d’avril et mai 1644 y sont conservées. Certaines sont désignées comme modèles[14], et nous pensons que ces modèles ont été élaborés à partir de formulaires envoyés par Marca, comme le presctivaient ses instructions[15]. Sans admettre cela au titre de preuve, nous noterons que nous n’avons trouvé, ni dans les archives françaises ni dans les registres de la chancellerie de Catalogne, de minute ou d’enregistrement de lettres patentes de don pour cette période et jusqu’à la révocation de La Mothe. Certes, la cour pensait faire une distribution après la campagne, mais une distribution de pensions sur les biens confisqués et non de propriétés. En outre, nous n’avons pas non plus trouvé de trace d’enregistrement de ces brevets en Catalogne, et il est fort probable qu’ils n’aient jamais existé en tant qu’actes, la révocation de La Mothe stoppant peut-être leur élaboration…
Cote (SHD) | Article | Date | Intitulé |
A1 88 | n°406 | 1644/04/19 | Brevet de don en faveur du docteur Francesc Martí de 400 l. t. de pension |
A1 88 | n°407 | 1644/04/30 | Brevet de don à l’abbé et aux religieux de l’abbaye de Poblet de 500 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°455 | 1644/05 | Modèle de lettres de Noblesse accordées à plusieurs Catalans |
A1 88 | n°408 | 1644/05/06 | Brevet de don en faveur de Dionis Ciurana i de Ros de la somme de 200 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°409 | 1644/05/07 | Brevet de Joan Sivilla de la somme de 250 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°410 | 1644/05/07 | Brevet en faveur de dame Clemencia d’Armengol veuve du feu baron de Rocafort de la somme de 300 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°411 | 1644/05/08 | Brevet en faveur des chanoines et chapitre de l’église cathédrale d’Urgell de 3000 l. t. de pension |
A1 88 | n°412 | 1644/05/12 | Brevet en faveur du capitaine Jaume Guerra de 200 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°413 | 1644/05/12 | Brevet en faveur de Julià de Palmerola de 350 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°414 | 1644/05/12 | Brevet en faveur de la veuve de don Joan de Tamarit de 200 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°415 | 1644/05/20 | Brevet (sans nom) de pension de 150 l. de Catalogne |
A1 88 | n°416 | 1644/05/20 | Brevet de don Francesc de Vilalba de 400 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°417 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de fra Henrich Joan de 350 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°418 | 1644/05/20 | Brevet de don (sans nom) de 200 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°419 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Baptiste Valls de 55 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°420 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Josep Queralt de 200 l. catalanes de pension (note « Ce brevet a servy de model pour l’expedition de deux autres contenants don de pareille somme de 200 de pension en faveur de chacuns des docteurs Narcis Peralta et François Vidal ») |
A1 88 | n°421 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur du capitaine Francesc Borrell de 350 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°422 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Jeroni Caldes de 100 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°423 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Francesc Puiggener de 100 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°424 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Miquel Ballester de 50 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°425 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de « Jean Japioles, lieutenant de Josep d’Ardena » [sic] de 200 l. catalanes de pension (note : « Ce brevet a servy de model pour l’expedition de six autres contenant don de pareille somme de 200 l. de pension en faveur de dom Josep Amat, Dom Manuel de Aux, du sieur de Joan Piguin [sic], de Josep Ximenes Sauri, Joan Anton Riu i de Coronat, et Gabriel Verges« ) |
A1 88 | n°426-427 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Jeroni de Gàver de 120 l. t. de pension, minutes dont une en grosse sur parchemin |
A1 88 | n°428 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Josep Bru de 100 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°429 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur du sieur Ximemes i Sauri de 200 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°430 | 1644/05/20 | Brevet de don de pension en faveur de don Francesc de Ayguaviva de 200 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°431 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de religieux et couvent de l’ordre de St Dominique de Lleida de 150 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°432 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur du capitaine Antoni Potau de 150 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°433 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Josep Serda de 250 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°434 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Josep de Saportella de 300 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°435 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Ramon de Voltor de 100 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°436 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur des religieuses du monastère d’Alguaire de 150 l. de pension catalanes |
A1 88 | n°437 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de don Francesc Amat de 100 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°438 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Rafel Antich de 250 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°439 | 1644/05/20 | Note de l’expédition de deux brevets en blanc l’un de 300 l. et l’autre de 100 l. catalanes |
A1 88 | n°440 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de la veuve Vilossa et ses enfants de 250 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°441 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Baldo de 150 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°442 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Josep Corbera de 250 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°443 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur du frère du capitaine Cancer de 250 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°444 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de don Joan de Peguera de 100 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°445 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur du capitaine Josep Bassedes de 150 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°446 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur du capitaine Soler de 1500 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°447 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de don Dalmau de Ivorra de 150 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°448-449 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur du docteur Claris de 150 l. catalanes de pension, minutes dont une en grosse sur parchemin |
A1 88 | n°450 | 1644/05/20 | Note de l’expédition d’un brevet de don de 200 l. catalanes de pension (sans nom) |
A1 88 | n°451 | 1644/05/20 | Brevet de don en faveur de Joan Baptista Valls de 100 l. catalanes de pension |
A1 88 | n°454 | 1644/05/20 | Brevet de don et remise en faveur des habitants de la ville de Lleida de 225 l. catalanes de rente dont ladite ville se trouve chargée envers le comte de Vallfogona confisquée a Sa Majesté par la rebellion dudit Comte qui s’est retiré parmi les Ennemis déclarés de cet Etat |
Premiers contacts avec la noblesse
A l’exception de sa fameuse « visite » – qu’il ne fera jamais –, Marca exerce chacun de ses pouvoirs, et, en tout, fait pièce au vice-roi, en mettant à profit l’absence de ce dernier pour enraciner son propre pouvoir. Au cours du printemps, alors que La Mothe se débat pour endiguer la progression espagnole dans la région de Lleida, Marca prend contrôle de la Junta. Tous les mercredis, il réunit autour de lui le chancelier, le Gouverneur, le Régent, le trésorier et l’avocat fiscal, et il préside les séances ; il écrit à Le Tellier qu’il entend bien renouer avec les usages anciens et réintroduire au sein de ce conseil le respect des formes : débattre – après examen des rapports des membres de l’Audiència –, des provisions d’offices, bénéfices et gratifications, en dresser le rôle (appelé « terne ») afin de le transmettre au roi pour qu’il décide in fine ; « que les expeditions ne soient point delivrees aux interessez, mais envoyees au viceroy avec lettre à luy et au visiteur, pour les donner au pourveu de la part de sa Majesté », car, dit-il, « plusieurs se plaignent des provisions des offices et des benefices que lon fait à la cour sans connoissance de cause. L’on dit qu’on les y expedie, comme en la datterie de Rome en faveur du premier qui les demande. Et que du costé de deça on escrit en faveur d’un particulier sans consulter »[16]. Les évènements militaires ne font que renforcer la tendance déjà amorcée. Début mai 1644, La Mothe, informé que l’armée espagnole avançait vers Balaguer et avait déjà coupé les communications avec Lleida, quitte Barcelona avec 3000 hommes pour interrompre sa progression ; le 15, après un affrontement indécis, les troupes du maréchal se débandent devant Lleida. Les Espagnols se mettent alors à assiéger la ville, pendant qu’à l’intérieur se trame une terrible conjuration contre les Français. Pour calmer la situation, on envoie un docteur de l’Audiència, Onofre Anglesill, connu pour sa participation aux procès politiques de 1642 sous les ordres d’Argenson. Tentant de châtier les partisans d’une reddition de la ville, il est assassiné le 7 juillet. A la fin du mois, le vice-roi se résout à la perspective, et autorise les jurés à signer la capitulation. Le 7 août, Philippe IV entre triomphalement ; sa présence en Catalogne est un coup de tonnerre[17]. La Mothe décide ensuite d’assiéger Tarragona, dont la garnison espagnole lui semble faible : après plusieurs jours de combats culminant de façon sanglante le 10 septembre, il est contraint de lever le siège. Avant l’arrivée de l’hiver, les Espagnols se rendent maîtres de Balaguer, Agramunt et Àger.
Les conséquences de ces désastres sont immenses. En premier lieu, la parole politique se libère contre La Mothe. Marca le premier en tire une hausse de pouvoir significative. La Mothe, conformément à ce qu’il avait fait par le passé, avait pris l’initiative d’envoyer un mémoire des personnes qu’il pensait mériter une gratification, notamment sur les biens confisqués. Marca, l’ayant appris, se plaint avec véhémence à Le Tellier de n’avoir pas été associé à sa rédaction, et laisse enfin libre à cours à toutes ses critiques latentes contre la politique du vice-roi :
« Examinant le memoire de monsieur le maréchal qu’il envoye par monsieur de Beauvais Plessian, faisant la lecture de l’article qui porte qu’il est necessaire d’envoyer les recompenses pour ceux qui ont servy, je fis ma plainte a monsieur le Gouverneur de ce que luy ayant declaré que j’avois ordre du Roy de m’informer des merites d’un chacun, de la valleur des biens donnez en recompense, et des personnes qui estoient omises, je n’avois peu obtenir ni de luy, ni du sieur de la Vallée, qui estoit la present, qu’ils me donassent une coppie du memoire porté a la cour pour faire les expeditions. Ils repondirent qu’ils n’avoient aucune copie de ce memoire, qui avoit esté envoyé a la cour, d’où je pourrois le retirer pour informer Sa Majesté de ma part. Cette retenuë me donna quelque soupçon qu’il y a quelque chose qui n’est pas bien mesurée, soit pour les choses, soit pour les personnes. C’est pourquoy je vous suplie, monsieur, de donner ordre qu’on m’envoye les noms des personnes que l’on pretend gratiffier, et des biens confisquez qu’on leur assigne »[18].
Pour remédier à cet affront, Marca propose au ministre une alternative très habile : il peut soit lui envoyer les dépêches d’un petit nombre de personnes contenues dans le mémoire, afin de les remettre au maréchal et ainsi contenter les uns et faire espérer les autres ; soit lui envoyer toutes celles qui ont été faites, avec le pouvoir de signifier par retour de courrier celles qu’il faudra « reformer » (comprendre anéantir), et de signaler les personnes omises. Il souligne aussi que la non-exécution de la grâce faite à Francesc Cabanyes a « tellement offencé tous ceux qui servent qu’il sera necessaire dy apporter du changement ». La précipitation des évènements empêchera la réalisation du mémoire de La Mothe et le propulsera dans l’oubli. Cependant, malgré ses plaintes, la tutelle du visiteur général sur la faveur royale est déjà bien réelle. Au cours de l’été, il s’occupe de défendre auprès de Le Tellier les intérêts de Candia Anglesill, veuve du docteur assassiné pendant la sédition de Lleida, à qui il fait attribuer un brevet de pension de 3000 livres à vie sur les biens confisqués[19] ; il a la latitude de délivrer l’acte à la bénéficiaire quand il le souhaitera[20] ; sur sa proposition, ses enfants sont envoyés à Paris étudier au collège de Clermont, où, dit-il, ils seront habillés à la française[21]. Quant à Cabanyes, Marca adopte une solution de fortune afin de le satisfaire en attendant mieux : il lui fait expédier un décret de la chancellerie catalane lui donnant la jouissance des fruits des baronnies de Llagostera et de Caldes de Malavella… dont il avait obtenu le titre en mars, sans effet[22]… Les actes de la chancellerie portent même, dans leur texte, des traces de l’action immédiate du visiteur général : c’est à ce dernier, par exemple, que sont directement envoyées les lettres missives visant au remboursement d’un grand pourvoyeur de fonds, Pere Lacavalleria, pour plus d’efficacité[23].
Depuis l’accession de La Mothe à la vice-royauté, son action politique s’était essentiellement illustrée par la poursuite des mal affectes et de leurs biens, leur exil ou leur condamnation. Un climat de terreur dénoncé par les pamphlétaires et une partie des nobles comme inique et arbitraire. Marca reprend ce système à son compte, mais, dans un premier temps, avec d’importantes nuances. Peu de temps après son arrivée, au cours du mois de mai, il prend conscience du risque de conspiration sur Barcelona, et décide avec la Junta de faire garder les portes de la ville[24]. La tournure tragique des évènements militaires ne fait que renforcer cette tendance, et en juin, il écrit à Le Tellier que des alliés des Castillans ont placardé aux portes des églises des copies imprimées du pardon général accordé par le roi d’Espagne aux Catalans[25]. Il a bien conscience qu’une bonne partie du peuple, même parmi ceux qui montrent une apparente obéissance, se méfie des Français, mais, contrairement à La Mothe, essaie d’en comprendre les raisons et d’y trouver des solutions plus mesurées. Il s’en ouvre quelques jours après à son maître, le cardinal Mazarin, qui l’avait sommé de l’informer de la « disposition des esprits » après le siège de Lleida ; ce passage, très important pour l’intelligence des premières actions de Marca, doit être largement cité :
« Ce sont les motifs exterieurs qui peuvent causer quelque alteration dans les volontés. Il en y a d’autres qui consistent en la disposition interieure des habitants. Ceux-ci regardent leurs fins particulieres, en sorte que suivant les mouvements de crainte, et d’esperance, ils se portent a desirer le bon, ou le mauvais succes des deux partis. Ceux qui sont engagés a la France par les charges, offices et bienfaicts qu’ils ont receus, ne trouvent point des avantages si grands, ni mesmes de la seureté dans le parti de Castille. Et partant ils sont affectionnés par necessité, et encore par inclination. Mais le nombre de ceux cy n’est pas si grand, soit que l’on considere leurs persones, soit celle de leurs parens et amis. Et d’ailleurs ceux qui pourroient estre engagés dans leur parti par l’interest de sang ou d’amitié, sont divertis de ces bons mouvemens par une contraire passion, qui est celle de l’envie naturele a la nation ; laquelle ne leur permet pas de donner un consentement entier au bien de leurs amis.
L’esperance des graces en attache d’autres aux interests de la France. Mais comme les choses ne sont pas presentes, elles font une plus foible impression sur leurs esprits, et les conservent seulement dans quelque tiedeur.
Ceux qui ont de l’affection pour Castille sont une partie des gentilshommes dont le nombre n’est pas grand, lesquels l’ont contractee par les habitudes qu’ils ont eues a la cour d’Espaigne, et la conservent dans l’esperance des bienfaicts, et la fortifient par l’envie qu’ils portent a ceux qui ont esté gratifiés par la France. Ils sont plus puissans par leur industrie que par le respect qu’on porte a leur qualité dans Barcelone, quoi qu’a la campagne ils ayent du pouvoir sur leurs subietcs. Les ecclesiastiques seculiers et reguliers, dont l’auctorité est fort considerable sont partagés en leurs affections, suivant l’esperance qu’ils ont d’estre recompensés en leur particulier par l’un des partis. Et cependant ils sont piqués de jalousie de l’avancement qui a esté faict de quelqu’un d’entr’eux.
S’il arrivoit que nostre armée fut entierement rompue, et que la victoire fut si pleine entre les mains des ennemis qu’ils eussent le moyen de se presenter devant Barcelone, je pense que la ville ne souffriroit point un siege, et qu’elle se porteroit a faire sa composition avec le roi d’Espaigne qui promet toutes choses, et que la consideration du danger present l’emporteroit par la crainte d’estre trompé a l’avenir. Les habitans trouveroient la doctrine de leurs theologiens conforme a leur sentiment, qui diroient que la fidelité promise a la France n’ayant autre fondement que la protection qu’elle a promise, ils sont deschargés de leur serment par le defaut de cette protection ; que la resistance contre Castille, qui promet maintenant la confirmation des privileges et le pardon general, ne seroit pas dans les termes de cette iustice qu’elle avoit les annees dernieres pour la defense de la vie, des biens et de la liberté et qu’il suffiroit de faire comprendre dans la grace tous ceux qui ont temoigné de l’affection pour les libertés du pais ; qu’il y a necessité de traicter avec Castille, pour faire cesser la guerre dans le province, et restablir la Catalogne dans l’abondance des commodités dont elle a esté privee par ces mouvemens »[26].
Contrairement au discours officiel toujours utilisé dans les lettres royales, Marca ne se fait donc aucune illusion sur la véritable inclination des Catalans : elle est davantage à la tranquillité, ou subsidiairement à l’intérêt, qu’à un véritable mouvement d’adhésion idéologique ou national. Assez dur et moqueur pour ce peuple, ce portrait est néanmoins un des rares qui lui reconnaisse des justifications, au-delà de ce que le langage du temps appelle « émotions » ou « mouvements ». Marca, comme ses prédécesseurs français, a compris que le maniement de la faveur royale serait la clef du maintien ou non de l’autorité française dans la province ; mais, contrairement à eux, il est convaincu qu’il faut y joindre de la clémence. Dans un premier temps, ses grands ennemis ne sont pas les nobles, mais les ecclésiastiques, ces « theologiens » qui, comme il le dit à Mazarin, engagent le peuple, dans leurs sermons et leurs discours, à se réconcilier intérieurement avec l’ennemi castillan. En juillet, il réunit un certain nombre de membres du clergé régulier pour les inciter à encourager la fidélité et à prier pour le roi Louis, ainsi qu’à livrer aux juges séculiers leurs ouailles rebelles. Mais le mois d’après, quand trois franciscains sont arrêtés devant Tarragona avec des lettres de créances du Roi Catholique, il les fait envoyer immédiatement en France pour couper court à tous les conflits de juridiction. La répression des mois suivants est sans pitié, et plusieurs dizaines de prêtres soupçonnés connaissent le même sort. Les biens du doyen de Girona, du curé de Montblanch, du prieur de Rocafort, du prieur de Santa Ana de Barcelona, de l’abbé de Besalu, sont mis d’emblée sous séquestre[27].
Avec les nobles, l’état d’esprit des premiers mois est très différent. Marca souhaite s’attacher le plus de personnes possible. Sa première action, à son arrivée en Catalogne, est d’intervenir auprès de la reine et de La Mothe[28] pour faire libérer Josep de Sorribes, suspect d’intelligence avec l’ennemi, qui avait été emprisonné au château de Leucate ; son frère se porte caution pour une somme qui sera déterminée par La Mothe, et don Josep a le choix d’aller à la cour ou à Rome. Marca prend la peine d’envoyer lui-même à Le Tellier des lettres où Sorribes se justifie[29]. Plusieurs fois, il écrit qu’il veut réunir plutôt que diviser, travaillant à « composer une petite assemblée de personnes choisies des deux Consistoires de la Députation et de la Cité, avec messieurs le Chancelier, le Gouverneur et le Maistre Rational, qui est le sieur Tamarit ; par ce moyen, je réunirai les esprits de la ville avec les officiers du roi »[30]. Alors que l’évêque de Vic, castillan déclaré, est dans sa ligne de mire, il s’efforce de s’attacher certains chanoines, pourtant membres de puissantes familles du camp opposé : « J’y a amityé avec don Louis de Moncade doyen du chapitre, qui est puissant dans la ville et m’a protesté qu’il seroit bon François ; il a attiré a soy un autre homme de lettres nommé Maranges, qui m’a fait la mesme protestation, par quelques vers latins qu’il m’a addressez, d’où j’ay pris occasion de louer la dignité, l’antiquité et la fidelité de la ville de Vic en vers latins, que j’ai faits pour le service du Roy, lesquels je vous envoye. Ces peuples se gaignent par flaterie : je me suis abbaissé jusques là que de les servir d’une mauvaise poesie, après avoir abandonné le soin des vers depuis vingt ans et plus »[31]. Il rechigne à les flatter, mais il les flatte quand même. Surtout, aux gentilshommes, il souhaite montrer qu’il rompt avec la politique passée en leur rendant le rôle qu’ils occupent naturellement. Il donne l’ordre à Francesc Vilalba, ancien client d’Argenson et de La Mothe, et au baron de Monclar, de se rentre aux frontières pour « assurer les peuples », réclame à Le Tellier la création d’un nouveau régiment de cavalerie catalane aux dépens du roi « pour donner de l’employ a la noblesse », tout et en rendant hommage à la résistance héroïque du mestre de camp catalan Jaume d’Erill lors de la prise d’Ager. Ce dernier ayant été fait prisonnier, Marca demande au ministre qu’il insiste auprès du roi d’Espagne pour que ses conditions de détention soient adoucies, afin de montrer à la noblesse catalane le cas que l’on fait de son service[32].
La stratégie de Marca, fondée sur le coup d’éclat, s’illustre d’autant plus quand la disgrâce du maréchal de La Mothe provoque son retrait de Catalogne et qu’on lui choisit un successeur. Marca, amené à exercer le pouvoir jusqu’à l’arrivée du nouveau titulaire, cherche sans doute à se démarquer de la politique répressive en vigueur jusque là, conscient que son échec a pu renforcer l’opposition. En novembre, il écrit à Le Tellier pour défendre sans ambages une politique de conciliation.
« Ayant consideré que le desir de plusieurs personnes de la province estoit porté a ce que lon essayat de gaigner par douceur les volontez de ceux qui sont suspects aux affaires publiques, j’ay commencé a prattiquer ce moyen, ayant eu cette precaution de ne m’engager sinon a l’endroit de ceux pour lesquels les deputez du principat et autres persones de consideration m’ont fait instance affin qu’ils soient comme cautions de la fidelité de ceux que je favoriserois. »
Dans la foulée, il libère donc Sorribes, qui n’était toujours pas sorti de Leucate – il faut dire que ses frères ont finalement consenti une caution de 6000 ducats –, avec l’ordre de ne jamais se rendre sur les terres des ennemis. Il fait un geste hautement symbolique en relâchant également l’une des conspiratrices les plus distinguées… avec quelques restrictions cependant. Mais l’important est de montrer le grand cas qu’il fait de l’avis des députés de la Generalitat.
« Dona Teresa de Oms est dame de la condition la plus relevée qui soit dans la province, mais fort affectionnée a Castille. Ce qui obligea monsieur le mareschal de la faire retirer en Roussillon, affin qu’elle ne gâtat point les peuples proches de sa maison. Les deputtez m’ont prié de la r’appeller, m’asseurans qu’elle avoit changé d’inclination. Je leur ay accordé la permission pour elle de venir a Barcelone, ou ses actions peuvent estre considerées, mais non pas a sa maison des champs a cause du soupçon que nous avons eu de ses practiques ».
Ces coups d’éclat semblent devoir s’insérer dans une volonté plus générale, puisque Marca à qui on a parlé « en faveur d’autres gentilshommes qui sont escartez », « donne des esperances pour ne les mecontenter pas, et cependant (s’instruit) de leurs deportements, et de ce qu’il faut esperer ou craindre de leur part »[33]. En effet, le même jour, son ami le docteur Pont écrit à Hugues de Lionne qu’à l’occasion de l’arrivée prochaine du nouveau vice-roi, il faut rappeler à Barcelona tous les nobles qui avaient été exilés sous La Mothe, car ils pourront servir « con poca recompensa y mucho agasajo »[34]…
Mais le signe distinctif de Marca reste son dessein de connaître la noblesse pour mieux la dominer. Un peu comme Argenson, mais avec plus d’habileté, et surtout d’efficacité. Un document particulièrement important, et dont nous donnons la reproduction, dut sans doute y concourir : la liste des personnes ayant prêté le serment de fidélité au roi en 1643, imprimée en 1644, et authentifiée par un notaire à la fin du mois d’août de cette année[35], soit quelques jours à peine après la perte de Lleida. Elle est certifiée conforme à la liste originale par le seing manuel du notaire et scrivà de manament Josep Fita. Elle porte aussi la signature du chancelier de Catalogne, Llorenç de Barutell, qui l’a annotée en de nombreux endroits, et probablement aussi Du Plessis-Besançon (cette pièce figure dans ses archives)… Barutell est aussi, depuis le mois de juin quand la Junta a commencé à se réunir chez le visiteur général, en relation directe avec Marca avec qui il juge les affaires des mal affectes[36]. Ce document montre d’abord une chose : l’idée de lister les personnes n’avait pas disparu. Et la teneur des annotations du chancelier indique immédiatement l’usage d’une telle liste : certains noms portent la mention « sospechoso », « con el enemigo », ou encore « esta en Genova »… Nous avons déjà vu que, postérieurement au moment où ils avaient prêté serment (1643), certains gentilshommes avaient rejoint le service d’Espagne. Désormais, une telle liste, mise à jour (d’autres noms portant la mention « mort »), constituait un véritable annuaire des Catalans à l’usage des décideurs politiques, exactement ce après quoi ils avaient soupiré les années précédentes sans y parvenir. Marca s’informe particulièrement des nobles impliqués dans les complots, comme celui de la région de Rosas tramé par le comte de Peralada et sa sœur Praxedis de Rocabertí, celui de Ripoll, Puigcerdà et la Seu d’Urgell mis sur pied par Lluis Descallar. Ces grands noms sont déjà ouvertement castillans ; il veut savoir, en réalité, qui, parmi les fidèles d’apparence – ceux qui ont juré le serment de fidélité et figurent sur la liste de base –, appartient à leur réseau de clientèle et de fidélité. Les interrogatoires imposés à ceux que l’on capture ne sont fait que pour soutirer des noms[37], de sorte à compléter ou à amender ses listes. Mais Marca doit se rendre à l’évidence que la liste des exilés volontaires s’élargit un peu plus chaque jour. Il sacrifiera bientôt une part de sa clémence.
Explosion « anti-motiste », utilisation politique de la question des confiscations et crispation des déceptions (automne 1644)
L’ambiance était déjà plus que tendue entre le vice-roi et Marca, et les querelles se multipliaient entre les groupes d’influence, intensifiées par la présence aux côtés du visiteur général du docteur Pont[38]. Comme nous l’avons vu, ce dernier était devenu l’un des correspondants privilégiés d’Hugues de Lionne[39]. Mais après ses disgrâces, une terrible campagne se déchaîne contre La Mothe, alimentée par la plume de nombreux catalans, à Barcelona et à la cour. Comme l’explique Daniel Aznar[40], deux partis s’affrontent sans pitié : les « motistes » et les « anti-motistes ». Parmi les soutiens du maréchal, le Gouverneur Josep de Margarit, puis, notamment, le lloctinent del Mestre Racional Francesc de Tamarit, Francesc Sangenís… C’est-à-dire les premiers bénéficiaires des faveurs du vice-roi. Le groupe opposé, mené par le Régent Fontanella, Josep d’Ardena, compte plusieurs déçus du pouvoir, comme Francesc de Vergós, Francesc de Vilaplana… A Paris, le relais du camp « motiste » est le précepteur des enfants de Margarit, le docteur Magí Sivilla ; dans l’autre camp, Pujolar, opposant traditionnel, continue ses dénonciations et acquiert un nouveau poids politique. Le système des réseaux d’influence et du monopole de l’information, développé depuis 1642, joue alors à plein. Le faîte est atteint lorsque les Consistoires, désireux de demander au roi le rappel du vice-roi, décident d’envoyer une ambassade à la Cour. La Mothe réussit à faire envoyer l’abbé de Banyoles, Francesc de Monpalau, qui lui est favorable, aux côtés de Gaspar Sala, abbé de Sant Cugat. Mais ce dernier se ligue avec Pujolar, et tous les deux se présentent à la cour, à Fontainebleau, avec des mémoires à charge contenant notamment des accusations de trafic de vivres et de monnaie [41]. Cela au milieu d’un flot d’autres documents, dont nous avons déjà commenté certains[42]. Cette campagne déchaînée laisse largement voir le dégoût causé par la politique de confiscations menée par La Mothe et ses partisans, principalement Margarit ; le mémoire commun des Pujolar et Sala l’appelle « la sangsue de la province »[43]. Peut-être Sala avait-il eu un aperçu du contenu du mémoire des biens confisqués envoyé à la cour par La Mothe, et dans lequel, selon toute vraisemblance, Margarit était privilégié ? Ayant intercepté une lettre de ce dernier à son confident Sivilla, dans laquelle il invoque la bonté divine, l’abbé commente, déchaîné :
« Le Gouverneur, par sa naissance, est un cavaller ordinaire, comme les autres, parce qu’il n’est ni titré, ni des neuf maisons nobles de Barons, ni des plus grandes familles. Son patrimoine légitime est si mince, que pour se marier avec une femme riche, il fut obligé d’abandonner son propre patronyme qui est Margarit, et prendre celui de Biure qui est meilleur, et le nom de son épouse ; ainsi, il signe don Josep de Biure i de Margarit. […]
En Catalogne se trouvent tous les plus grands officiers de la cavalerie et de l’infanterie catalane, qui servent Sa Majesté sans interruption depuis quatre ans à la guerre, en été comme en hiver, et qui sont par leur naissance de très bonnes maisons, et supérieures à celles de Margarit et de Biure ; ces chevaliers ont dépensé et dépensent leur patrimoine pour la guerre. Et jamais le maréchal de La Motte, ni ses amis, ne les ont proposés à Sa Majesté, ni aux ministres de la cour ; dans les relations, on ne fait pas plus mention de leurs services ; et pour cette raison, on ne leur a donné aucune aide financière, ni grâce. Et comme ils sont des personnes de qualité, ils ne cessent de souffrir de leur mauvaise fortune, tout en voyant que malgré leur sacrifice pour le service, on ne fait mention à la cour que du Gouverneur, qui se trouve bien aise que cette chose arrive à tous les autres. Et ainsi, il ne s’est jamais vu tel langage, qu’un homme dise attendre une récompense de Dieu, quand il est le plus récompensé de toute la Catalogne »[44].
On retrouve là l’argument de la naissance, très utilisé par les libellistes catalans, et que Margarit a lui-même brandi contre Cabanyes. Pour ainsi dire, en matière de grâce et de faveur royale, c’est toujours l’autre qui est de naissance infâme. D’ailleurs, Gaspar Sala est lui aussi victime de telles dépréciations de la part des abbés bénédictins, comme Gispert Amat, qui répète à l’envi que l’abbaye de Sant Cugat, dont Sala a été nommé abbé, ne comptait traditionnellement que des moines issus des plus hautes lignées de Catalogne, et qu’il était inégal d’y voir un abbé d’aussi obscure naissance : Sala, dans le même écrit, s’en défend en se présentant comme l’un des premiers lettrés et prédicateurs de Catalogne, auteur de la Proclamacion cathólica en faveur de la France, et qu’après ses agissements à Paris, Margarit a voulu se venger en le faisant tuer ainsi que Pujolar, conformément à ses méthodes de « bandoler » (chef de bande armée) du clan des Cadells. La Mothe a envoyé une nouvelle fois son fidèle ami, La Vallée, afin de défendre sa cause et de le laver des accusations ; La Vallée retourne donc l’argument de l’intérêt contre Pujolar et Sala, qu’il dit motivés davantage par l’espoir d’une grâce royale que par leur mission d’ambassadeur. L’abbé s’en défend en disant qu’il est interdit aux ambassadeurs de recevoir une grâce royale dans leur mission, et qu’ils la refuseraient[45]… Explication un peu courte, si l’on pense aux faveurs déjà obtenues par Pujolar, pour ne citer que cet exemple.
Dans la quasi totalité de ses lettres à Lionne, le docteur Pont revient sur les confiscations, martelant à l’envi les mêmes arguments pour marquer l’esprit : il faut que la distribution des grâces ait lieu par le roi, et par lui seul – faute de cela, les nobles dégoûtés ou malcontents se détournent du service, les grâces demeurant à la merci d’une annulation dans les règles, synonyme pour eux d’une blessure de l’honneur[46] ; les grâces ne devraient jamais être données de façon permanente et héréditaire, mais viagère ou sous forme de pensions pour éviter les jalousies ; l’administration des biens confisqués devrait être prise en main par un officier de la couronne, et non par un privé – les deux dernières solutions, unies, fournissant le moyen de mieux connaître les biens, et ainsi de les répartir rationnellement[47] ; il faudrait punir par un décret ceux qui ne veulent pas reconnaître les actes émanés du souverain[48]. Finalement, « la réparatition des confiscations, dit-il, a été la peste de la province, parce qu’à l’un on a promis un marquisat, à l’autre un comté, et ceux-là, pour ne pas échouer dans leur prétention et perdre ce qui leur a été promis, écrivent et font mille sottises, et en signalent autant d’autres »[49]. Comme Pujolar, Pont est personnellement concerné par la question, puisqu’il a obtenu le don de l’abbaye confisquée de Sant Pere de Rodes, en Empordà, dont Margarit l’a empêché de jouir. Ce dernier fait siens les arguments du nouveau député ecclésiastique, Gispert Amat, abbé de Sant Pere de Galligans, dont la doctrine est que seuls des moines bénédictins devraient être abbés de monastères de cet ordre[50]. Pujolar, solidaire avec Pont mais aussi avec Sala qui souffre le même type de litige, montre cette revendication comme un prétexte pour empêcher les bons serviteurs de s’enraciner en Catalogne, et pour, in fine, préserver un clergé pro-castillan[51].
Le thème de l’intérêt personnel de La Mothe dans les confiscations et de ses extorsions est également repris de part et d’autre. Dans son commentaire à la lettre de Margarit à Sivilla, Gaspar Sala signale que le procureur général de l’abbaye de Montserrat, fray Martell, est « poursuivi » par le maréchal, car il est présent à la cour pour défendre l’exécution de la grâce que Louis XIII avait faite à l’abbaye de 4000 écus de rente sur le sel de Cardona[52], « et aussi parce qu’il est l’ami de Sala et Pujolar et qu’il ne veut pas l’être du docteur Sivilla, car ils se sont rendu compte que c’est un espion double des affaires de Catalogne »[53]. La Mothe voyait d’un mauvais œil que le roi attribue à des tiers des pensions sur les revenus de son duché, et faisait barrage. Déjà, au mois de juin, le Conseil des Cent de Barcelona avait écrit au cardinal Mazarin afin d’y remédier, arguant que l’abbaye avait déjà perdu, à cause de la guerre, plus de 8000 livres de rente par an, et que la Vierge de Montserrat était la patronne de la Catalogne, très révérée dans la ville et la province.[54] La parole politique, déjà déchaînée, se libère encore plus quand, les institutions catalanes s’étant finalement accordées pour demander una voce le renvoi du maréchal, et ce dernier ayant commis l’erreur majeure de rejeter la faute de ses désastres sur Le Tellier, la nomination d’un nouveau vice-roi est confirmée en la personne d’Henri de Lorraine, comte d’Harcourt, à la fin du mois de septembre[55]. Le docteur Pont ne se gêne pas pour écrire à Lionne les erreurs qu’il faudra éviter de reproduire avec ce nouveau titulaire : « Il conviendrait fort que le vice-roi de Catalogne reste toujours désintéressé, sans qu’il ait de patrimoine en Catalogne, parce qu’entrant en intérêt, il sort du service du roi. » ; il devra aussi éloigner le Gouverneur des affaires politiques, et de la ville même de Barcelona, car il y crée des coteries et est réputé favoriser les Cadells contre les Nyerros, ce qui menace la tranquillité publique. Pont préconise aussi de faire une sorte d’épuration : le vice-roi, dit-il, devra aller avec Marca au sein de l’Audiència pour donner à certains docteurs une pension avec licence de se retirer dans leurs maisons, et les remplacer[56]. L’Audiència était en effet traversée, comme nous l’avons déjà vu plus haut en observant les listes de fidélités, par les mêmes affiliations que la noblesse militaire, et une partie était considérée comme « motiste ». Pour les Consistoires, Marca venait juste d’obtenir que le conseller en cap de Barcelona, « anti-motiste », soit maintenu en fonction nonobstant les nouvelles élections[57]. Pujolar va strictement dans le même sens, qui réclame que toutes les personnes qui avaient la main dans les matières de gouvernement sous La Mothe ne l’aient plus sous Harcourt, car elles sont haïes du peuple. En effet, même après le départ du maréchal, ses sbires restent en place à l’intérieur du duché de Cardona, son intendant général se rendant coupable de nombreuses exactions sur le peuple en compagnie de son secrétaire. Avant cela, le duché était gouverné directement par les ducs ou par un gouverneur séculier ; La Mothe y a installé un clerc, son aumônier Louis de Niort de Bélesta, qui, curieusement, au moment où La Mothe venait d’être désavoué, rapatriait de grosses sommes d’argent en France[58]…
Si, du côté des serviteurs de Marca et des correspondants « anti-motistes », les confiscations sont utilisées comme un moyen de dénonciation du gouvernement, et que la remise de la distribution après la guerre – voire aux calendes grecques – fait l’unanimité, du côté de la noblesse, il n’en est pas du tout ainsi. Selon le docteur Pont, une telle distribution en pleines opérations militaires, entraîne que « pour un content et récompensé, on fait dix malcontents et dégoûtés » ; et, de toute façon, même en temps de paix, il ne faudrait pas donner en grâce des fiefs héréditaires, mais des propriétés ou pensions viagères, réparties de façon progressive afin de donner aux autres l’envie de servir[59]. Ces solutions sont inacceptables pour la noblesse, surtout celle qui s’est impliquée dans les opérations militaires de l’année 1644. Les gentilshommes déçus par la politique de récompense, après un bref espoir représenté par l’arrivée de Pierre de Marca, reprennent la plume et montent au créneau pour essayer de mettre à profit l’agitation politique. Là où on retrouve Ramon de Guimerà. Au cas où Mazarin l’aurait oublié, il lui réécrit dès l’été, afin de le supplier, pour l’intérêt général et particulier à la fois, de ne plus retarder les grâces, d’autant plus que cette année-là la campagne a été particulièrement difficile et douloureuse : se trouvant personnellement à la bataille de Lleida, Guimerà a perdu 15 de ses vassaux, 30 ont été faits prisonniers, et il a failli perdre trois fois la vie ; tout le monde s’est accordé à dire que cette bataille était l’un des pires désordres jamais observés. Cependant, eu égard à son correspondant, il prend bien garde de dire que la défaite n’a pas entamé l’amour des Catalans, et qu’au contraire elle l’a aiguillonné. Au lendemain de la bataille, il est allé voir le maréchal de La Mothe, en attendant un accueil chaleureux et de la considération…
« J’ai passé toute la matinée avec le vice-roi, et bien qu’il m’ait parlé aimablement et calmement, il fut si secret qu’il sembla contre moi, comme si je n’avais pas été là quand il arriva de France au conseil de guerre, et comme s’il ne pouvait pas voir chez moi de l’affection […]. Ces choses-là sont de grandes affaires, supérieures à mon état et talent, et maintenant à ma fortune, puisque je suis dans la pauvreté, bien que M. le Président de Marca me connaisse et me favorise […]. Il est certain que différer autant les grâces présente peu de mérites pour notre part, ou peu de gain pour qui les fait, et cela ne se peut ; mais beaucoup de commodité pour qui sait tirer parti et profiter des périodes d’intérim. […] Je vous informe qu’il y a en Catalogne des envies, et pour faire obstacle aux faveurs, il faut moins qu’un fil d’araignée. Fuir n’a pas été un délit, puisque tous l’ont fait : naturellement, ils sont restés en vie. Voilà les objections que l’on peut donner, quand on a (comme moi) aventuré sa propre vie et celle de vos vassaux, dont je dédommage généreusement les pertes sans qu’on le fasse pour moi. J’y ai perdu plus de 500 ducats de clous, de tissus, de couchages, d’argent et de montures ; et encore, seulement cela parce que, comme c’était près de mes domaines, j’y allais légèrement »[60].
Pour un gentilhomme comme Guimerà, loin de calmer les esprits et d’apporter la justice, le report de la distribution des confiscations ne fait que profiter à ceux qui savent « tirer parti et profiter des périodes d’intérim ». C’est une référence directe à l’administration des biens qui était alors en place, confiée à des personnes choisies par clientélisme comme l’abbé de Bélesta. Derrière la beauté des discours de Pont, le principe de réalité : même si la distribution pouvait entraîner des injustices, la retarder ne faisait que prolonger un système encore plus inique, du moins défavorable aux intérêts nobiliaires. Guimerà, en effet, s’était vu progressivement écarter du devant de la scène, retirer le séquestre qu’il avait obtenu, et, à présent, était reçu avec froideur. Après le désastre de Lleida, attendre était encore plus intolérable, le cours funeste des évènements militaires rendant nécessaire un vrai geste tangible.
La campagne politique et diffamatoire a finalement raison du maréchal de La Mothe, et en octobre 1644, l’ordre de son retrait et la nomination de son successeurs sont signés. Le messager arrive à Barcelona, le dernier jour d’octobre 1644[61], portant aussi une convocation du Gouverneur Margarit à la cour. Lorsque ce dernier apprend la nouvelle, elle le heurte comme un affront. Il supplie le cardinal Mazarin d’ordonner à Marca de faire une information à son sujet afin de l’inculper ou de l’innocenter des accusations que Sala et Pujolar ont faites dans leurs mémoires. Sans cela, il se verra contraint de rentrer dans ses foyers[62]. A la reine, La Mothe écrit avec autant d’emphase :
« J’espere que Votre Majesté qui rend la justice a tous ses suiets, ne la refusera pas a un gentilhomme au services duquel le feu roy a eu la bonté de donner un office de sa couronne pour le recompenser et Votre Majesté me pardonnera s’il luy plaist si j’ose luy dire qu’il seroit honteux à la France et bien rude a un homme de ma condition de souffrir que des gens de celle de ces imposteurs, desquels le chef est fugitif de ce pays pour l’enormité de ses crimes, trouvassent de l’appuy dans vostre cour, qui les mit a couvert du chastiment qu’ils meritent »[63].
Dans les mois qui suivent, l’épuration préconisée par Marca et Pont a réellement lieu, toujours dans un climat de délation. Les anciens privilégiés se sentent vaciller ; tel docteur de l’Audiència chargé de poursuivre les mal affectes demande une enquête pour se blanchir des accusations d’un collègue[64] ; tel gentilhomme écrit à la cour pour montrer sa fidélité… Le maréchal de La Mothe sort de Barcelona le 7 décembre 1644, pour rejoindre Lyon, avant d’être transféré au château de Pierre Scize où il restera emprisonné quatre ans, durée de son procès. Derrière toutes ces questions de trafics d’influence, d’envies et de jalousies, se cachent des griefs bien plus graves, responsables de la chute du grand capitaine : les détournements d’argent, et surtout les immenses profits prétendument faits par le maréchal sur le change des monnaies, en complicité avec les intendants et commissaires des guerres Doré, Talon, Colas, de part et d’autre des Pyrénées. Après le départ de La Mothe, ces derniers sont arrêtés ; 25 de ses proches collaborateurs et amis en tout sont concernés, comme son secrétaire, son aumônier Bélesta qui est aussi l’intendant général de Cardona[65]. Ce duché est retiré au maréchal de La Mothe, ainsi que toutes ses autres dignités. Deux ans d’une administration des plus contestées, des plus obscures et difficiles à retracer pour le chercheur également, s’achèvent sur cette date stratégique et fatidique de 1644. C’est aussi un nouveau départ, l’inauguration de nouvelles méthodes de gouvernement, dominées par la redoutable figure de Pierre de Marca, qui, pour reprendre les mots de Sanabre, « comme un vice-roi permanent, étant donné les multiples changements, longs intérims et absences des lieutenants du roi, dura plus longtemps, et avec plus d’efficacité que les vice-rois eux-mêmes. »[66] Mais, comme nous allons le voir, cette rupture ne signifie pas pour autant un changement de paradigme : quand le comte d’Harcourt met le pied à Barcelona, certains Catalans ont à l’esprit que la distribution des grâces n’a toujours pas eu lieu…
2. Opposition frontale avec le comte d’Harcourt
Voyage de Plessis-Besançon et arrivée du comte d’Harcourt. Opposition Harcourt/Marca et nouveau report de la distribution des biens confisqués
La nomination du comte d’Harcourt produit un soulagement chez une partie des Catalans, et relance fortement l’espoir de voir triompher les armes de France. Bien vu du cardinal Mazarin et de la régente, qui lui avait donné la charge de Grand Ecuyer de France, Harcourt était avant tout un prince de la maison de Lorraine, qualifié d’Altesse et proche parent du roi. Il avait remporté de grandes victoires en Italie, à Casal et à Tori. Par son intermédiaire, la couronne veut reprendre le contrôle du gouvernement de Catalogne et y remettre de l’ordre[67]. Avant même le départ d’Harcourt, plusieurs gentilshommes catalans se rendent à la cour pour le saluer et lui offrir leur soumission. Il s’agit notamment de Josep d’Ardena, lieutenant général de la cavalerie catalane, de Josep de Caramany, ennemis de La Mothe, qui ne les avait pas autorisés à aller près du roi[68]. Au même moment, Josep de Sacosta, lui aussi officier de cavalerie catalane, fait le même voyage afin de défendre La Mothe[69]. Autant dire qu’Harcourt est immédiatement plongé dans le bain des factions locales. Le 18 janvier 1645, une instruction est rédigée à son intention pour lui donner les grandes lignes de sa mission, et où il est vivement sommé de ne pas prendre parti dans les divisions de Catalogne qui ont sévi sous son prédécesseur, et de toujours maintenir une égalité entre tous. Les pouvoirs réels du vice-roi se trouvent clairement limités.
« Bien que les provisions de la charge de viceroy luy donnent toutte auctorité au faict de la Justice, et en toutes chose comme le roy l’auroit luy mesme s’il estoit present dans la province, neantmoins l’intention de Sa Majesté est que selon l’usage observé de tout temps, il ne donne aucune provision d’offices a vie, ny de benefices, ny aucun des privileges de noblesse, de chevallerie, don des biens vacantz et admortissements, legitimations, naturalitez ou autres telles graces que les particuliers ou communautez pourraient pretendre, Sa Majesté se reservant d’en disposer, avec intention neantmoins de le faire tousjours apres les advis dudict sieur Comte d’Harcourt, ainsy qu’il en a esté usé lors de la domination du Roy Catholique » [70].
Sur les instances de Marca, accompagnées d’un panache de mémoriaux catalans pointant les méfaits d’une disposition locale de la faveur royale, la cour reconnaissait finalement la nécessité de défendre formellement au vice-roi l’exercice du pouvoir gracieux. Dans ce sens allait, quelques mois auparavant, le plaidoyer du visiteur général auprès du chancelier Séguier, son protecteur, afin de transporter à Paris le Grand Sceau de Catalogne[71]. Ce dernier[72] était conservé au sein du Conseil d’Aragon ; du fait du retrait d’obédience de 1641, la Catalogne s’en trouvait dépourvue, laissant une situation de flou juridique. Marca avait envoyé à Paris son cousin l’abbé Faget pour présenter les affaires de Catalogne au comte d’Harcourt, et l’avait chargé de donner à Séguier son mémoire[73], où il proposait de transférer les ex attributions du Conseil d’Aragon à un Conseil d’Etat de Catalogne rattaché au Conseil d’Etat de France, et de mettre le Sceau de Catalogne à la chancellerie de France. Dans cette perspective, les lettres patentes devaient être scellées de ce sceau, signées d’un secrétaire d’Etat à la cour, contresignées du visiteur général, du Chancelier de Catalogne et du Régent. Daniel Aznar et Sophie González[74], qui ont justement commenté ce projet de Marca, n’ont pas précisé, cependant, qu’il est resté dans les cartons et n’a pas été suivi d’effet à Paris, les expéditions continuant, comme nous allons le voir, selon l’ancienne mode… Par ses instructions, Harcourt ne pouvait plus ignorer la réelle volonté de la couronne, qui, contrairement à Brézé et La Mothe envoyés en Catalogne sans instructions politiques, limitait cette fois toute interprétation libre des pouvoirs de vice-roi. Pour la question précise des confiscations, la volonté royale, à première vue, semble tout aussi claire…
« Et parce que Sa Majesté sera bien aise de ne plus differer la donation des biens confisquez, par le moyen desquelz l’on a fait esperer a plusieurs de les recompenser de leurs services, il prendra une cognoissance bien particuliere de ce qui a esté faict jusques a present des biens confisquez, comme quoy les fruictz et revenus d’iceux ont esté administrez, si ça esté par des sequestres et administrateurs establis par le Roy, ou autrement, ou bien si des donnataires en ont jouy. De quoy il fera qu’il soit dressé par l’advis dudit sieur de Marca un memoire bien exact. Et pour faire ladicte distribution comme il sera plus convenable au bien du sevice de Sa Majesté, il l’informera s’il sera a propos d’en donner les revenus a vie ou des pensions pour un temps seullement ou bien a quelques uns les biens a perpetuité, quelles personnes meritteront le mieux d’estre gratiffiées, en dresser un memoire separé, et les distinguer par classes selon leur condition, s’il sera a propos de donner les biens des particuliers a des Communautez et ainsy de tout ce qui sera a faire au subject dedictes confiscations, quel bien l’on donnera a chacun, de quel revenu, de quelle nature, et en quelle maniere, n’y comprenant personne qui n’ayt bien merité du Roy et de la patrie, et y observant une telle esgallité selon les conditions et les services de chacun qu’il n’y ait aucun subject de Jalousye ny de mauvaise satisfaction, examinant sur ce sujet le memoire qui a esté cy devant envoyé a Sa Majesté par le Mareschal de La Motte duquel il a esté depuis addressé coppie audict Sr de Marca, et y reformant et adjoustant tout ce qu’il trouvera pour le mieux. »
L’instruction reprenait les demandes qui avaient été faites à La Mothe un an auparavant de s’informer des mérites de chacun pour procéder à une distribution des biens confisqués, et sur lesquelles on avait rapidement reculé[75]. Là encore, comme nous allons bientôt le voir, la volonté royale sera modifiée, pour ainsi dire, réorientée au cours des évènements… On retrouve aussi un questionnement sur la situation exacte de l’administration des biens, récurrent depuis 1642, et qui, début 1645, n’a toujours pas changé dans ses termes : il s’agit de savoir si les biens ont été administrés par des séquestres, des administrateurs établis par le roi, ou si les donataires en ont joui ; autrement dit, la cour n’était toujours pas au courant, même depuis l’arrivée de Marca, des aspects pratiques de la question. Enfin, les avis des Catalans comme Pont sont pris en compte, mais de façon indicative, la cour demandant à Harcourt s’il préfère des donations viagères ou définitives, à des particuliers ou à des communautés, et gardant in fine le pouvoir de trancher. La nécessité d’un mémoire précis faisant le point sur la situation, une fois de plus, se faisait sentir ; le document produit l’année d’avant par La Mothe, insuffisant, restant le seul pour l’instant disponible.
Afin de préparer l’arrivée d’Harcourt, particulièrement pour éviter qu’il soit submergé par l’opposition des deux camps en présence, Mazarin décide dès décembre 1644 l’envoi en Catalogne de Bernard du Plessis-Besançon, qui était chaudement réclamé par les Catalans[76]. Cet homme habile, diplomate et homme de guerre, s’était en effet distingué à leurs yeux et rendu populaire en donnant un tour décisif aux négociations franco-catalanes par la signature, dans un contexte difficile, des pactes de Céret le 7 septembre 1640 avec Guimerà, puis par celle, le 28 janvier 1641, du traité que le roi accepta à Péronne en septembre. Ayant quitté la Catalogne ensuite, il revenait triomphalement quatre ans après. On attendait de lui un rôle médiateur et pacificateur, restaurateur de l’intérêt général. La situation militaire est alors très sensible, les Espagnols ayant Lleida et pouvant ainsi facilement rentrer dans la zone française, par Cervera. Sur le plan politique, en plus du voyage des gentilshommes catalans pour défendre leurs camps respectifs, un mémoire avait été envoyé, présentant Francesc Cabanyes et le juriste Francesc Martí i Viladamor comme les artisans de l’envoi d’Harcourt comme vice-roi, car les « motistes » auraient préféré voir le duc d’Enghien, dont la qualité de prince de sang n’aurait pas fait d’ombre à La Mothe et lui aurait permis de garder des soutiens en Catalogne ; ce texte, que nous avons abondamment commenté car il présente le détournement de la faveur royale entre 1642 et 1644, était probablement destiné à « informer » Plessis-Besançon, du moins à situer la justice et l’intérêt général dans un camp plutôt que l’autre[77]. Le 23 janvier, il arrive à Barcelona. Il visite Marca, le gouverneur, puis, le lendemain, se rend devant les Consistoires, où il lit ses dépêches expliquant les intentions de leurs Majestés. Sa première réaction est d’écrire à Mazarin une lettre donnant la température du moment, et surtout, de lui adresser de précieux conseils pour le nouveau vice-roi : tout d’abord, Harcourt devra venir le plus rapidement possible, afin de ne pas faire attendre davantage les Catalans, et, avec « les mains pleines de graces pour les bons (lesquelles doivent estre de differentes natures) et de terreur ou de justice pour le chastiment des meschans, qui sont en tres grand nombre en ce pays ». Il explique que les mal affectes ne se situent pas parmi le peuple, mais parmi la noblesse et le clergé. Le peuple est resté fidèle malgré les excès de la soldatesque, et, dit-il en améliorant quelque peu la réalité, aucun village ne s’est révolté malgré les défaites de la dernière campagne. Pour les biens confisqués, il évoque les deux cas les plus célèbres et glosés à la cour, puisqu’ils concernent l’ex vice-roi et l’ex intendant…
« Et par ce qu’il importe d’ailleurs que ces mesmes graces que leurs Majestez voudront faire des biens, ou sur les biens confisquez, soient faits avec beaucoup de circonspection, je suplye tres humblement Votre Eminence d’avoir agreable que je luy dise qu’on ne doit jamais se dessaisir de la proprieté des duché de Cardonne et marquisat d’Ayetonne, parce que ce sont des pieces de tres grande consequence, tant a cause du sel, qui est veritablement un domayne royal, l’autre d’autant que Palamos, et Blanes, places maritimes, en dependent. Et j’ay creu que Votre Eminence debvoit estre advertye de ces choses a l’avance, afin que la liberalité du Roy ne soit pas surprise en ce rencontre au prejudice du bien de son service, et de son authorité »[78].
La dernière phrase faisant délibérément allusion à des faits désormais célèbres, l’attribution du duché de Cardona à La Mothe rendue possible en ayant trompé le roi sur sa valeur, et la même chose sur le point d’être réalisée avec Aitona pour Argenson. Mais la cour était déjà bien informée de la chose : au même moment, Le Tellier ordonne à Marca de saisir immédiatement les fruits et revenus du duché de Cardona ainsi que toutes ses dépendances, en y établissant un commissaire pour l’administrer, origine d’un nouveau régime amené à durer un certain nombre d’années[79]. Les conseils de Plessis-Besançon sont néanmoins pris très au sérieux. Pendant son voyage vers Barcelona, Harcourt reçoit la vive suggestion du secrétaire d’Etat de les suivre, en « faisant valloir les graces que Sa Majesté s’est remise à vous de distribuer touchant les confiscations »[80].
La politique menée autour du duché de Cardona est en elle-même une preuve suffisante de la prise de conscience intervenue depuis l’arrivée de Marca. En effet, ce dernier s’était progressivement informé, non seulement sur la noblesse, mais aussi sur la législation catalane, multipliant les lectures et les contacts avec les institutions de la terre. C’est avec beaucoup de clarté – à l’opposé exact de la méconnaissance plus ou moins volontaire que nous avions relevée au chapitre précédent chez les Français – qu’il pouvait écrire à Le Tellier que le duché de Cardona, lorsqu’il avait été donné au maréchal de La Mothe, ne se trouvait pas confisqué et attribuable, mais seulement saisi, car la duchesse de Cardona n’avait pas encore été jugée ; de plus, quand bien même on eût jugé la duchesse, ses enfants ou parents auraient pu prétendre à ses biens en vertu de la règle des substitutions et nonobstant le crime de lèse-majesté. Ces nuances inconnues du droit français, une fois prises en compte, avaient permis à Marca de proposer l’habile pirouette que le roi retire le duché à soi « par les voyes de droit, sans faire tort a monsieur le maréchal de la Motte » ; volonté devancée par le maréchal qui fit instruire le procès nécessaire à sa légitimation… mais finalement réalisée après la disgrâce du maréchal par sentence de confiscation en bonne et due forme, mais, cette fois, en faveur du roi. Marca avait vivement bataillé pour obtenir cette dernière, versant au besoin une foule de documents et d’arguments face aux juristes frileux[81]. Dès l’arrivée d’Harcourt, peu après le 13 mars, Marca fait procéder à la saisie des biens des Cardona par le procureur fiscal[82], en attendant de pouvoir nommer un administrateur pour le roi ; mettant aussi à exécution les fonctions de justice du vice-roi, il fait reprendre les procès contre les mal affectes qui avaient été stoppés faute de légitimité, ce qui occasionne parfois la confiscation légale de biens qui étaient déjà réputés tels auparavant[83]… tout en cherchant à faire appliquer la loi, c’est-à-dire permettre aux bénéficiaires de lettres patentes royales de jouir de leurs biens[84]. Mais malgré toutes les précautions prises, et les hauts objectifs affichés par ses instructions, lors de l’arrivée d’Harcourt, le climat est tendu et l’accueil mitigé : au moment où le pouvoir du vice-roi est présenté aux Consistoires, la noblesse s’oppose fortement à sa réception, car le vice-roi y est autorisé à réunir les Corts, attribution exclusive du roi d’après les Constitutions : il faut une forte pression de Plessis et de Marca pour calmer le jeu, ce dernier donnant l’assurance qu’un nouveau pouvoir sera envoyé, identique à celui du maréchal de Brézé[85]… La proposition des Consistoires de vendre une partie des biens confisqués afin de financer le bataillon catalan est rejetée en bloc par les autorités françaises[86]. Dans le même temps, une affaire complique encore plus les rapports entre Français et Catalans : des négociations de paix ayant repris entre la France et l’Espagne à Münster, la couronne avait demandé aux Consistoires d’y envoyer un Catalan afin de renforcer les prétentions françaises à conserver la province, et ils avaient choisi le Régent Fontanella. Ce dernier, peu de temps après son arrivée, est accusé de trahir la France en négociant secrètement avec les Espagnols, et il est immédiatement renvoyé en Catalogne ; si, dans les jours qui suivent, cette affaire est finalement attribuée à un malentendu, elle jette un trouble immense, d’autant que les Castillans ont répandu que la France allait abandonner la Catalogne dans le traité de paix[87]…
Plessis-Besançon, bien qu’il dise dans ses Mémoires postérieurs avoir réussi à contrôler la situation, envoie à son maître le cardinal un nouveau tableau du pays, bien inquiétant[88]. Ce texte important, qu’il appelle « Observations et advis necessaires touchant la Catalogne » a été édité par Oscar Jané[89], qui en ignore cependant l’auteur ; la lettre au cardinal qu’accompagnait ce document se trouve tout simplement ailleurs[90]. « Il est d’autant plus necessaire en ce rencontre, dit Plessis, de parler de toutes ces choses pour en informer les ministres supérieurs qui ne les peuvent voir que par le moien de leurs émissaires, que la nation catalane est difficile a gouverner, la Catalogne un nouvel Estat, et fort esloigné de la cour ; afin qu’ils puissent avoir des fondements certains pour apuier leur conduite ». Il s’y emploie à séparer la société catalane en plusieurs catégories facilement identifiables afin de rendre la situation lisible, comme le font d’autres écrits politiques contemporains tel le mémoire attribué au docteur Martí[91]. Mais alors que ce dernier établissait trois camps bien définis (les fidèles ou bienaffectos, les mal affectes et les malcontents), Plessis-Besançon en rajoute un quatrième, celui des « gens timides et indiferends[92], que les progrez des ennemys et la mauvaise conduite des affaires tient plutost en eschec et retirez, qu’aucune volonté sinistre ou adversion contre la France ». De ceux-là, « il n’y a pas grande chose à craindre, sy ce n’est dans l’occasion de quelque soulevement ou perte de bataille en Catalogne, les ennemis se trouvans proches et puissans pour donner terreur a Barcelonne (qui est tout en ce pays), et nous foibles, et les secours esloignez pour nous y oposer, auquel cas il seroit à craindre que le peuple mesme, qui a esté jusques icy le principal frain des malaffectos) ne changeast de volonté pour nous ». Plessis entretient la théorie d’après laquelle seule la noblesse est viciée de l’intérieur, traversée par la haine « de ces deux partis appelés Nieros et Cadells », prompte à la vengeance, violente de façon endémique et avide de récompenses ; alors que le peuple, à l’opposé, est pacifique et favorable à la France pour la liberté qu’elle lui apporte. Cette vision des gentilshommes, très dure, se retrouve donc dans sa conception politique de la faveur et de la gratification, dont le caractère divergent avec celle de Marca, et l’absence d’illusions[93], méritent d’être particulièrement relevés :
Aux « bien affectos », il faut « faire du bien soit en proprieté ou par usufruit et pension seulement, selon la nature des choses, les services, et la qualité des personnes, et se gouverner de sorte avec eux qu’ils ayent subjet et d’en esperer encore davantage, les bienfaits presents n’estans pas sy puissants que ceux de l’avenir pour assouvir l’avidite des hommes, d’autant que les premiers sont limitez par la cognoissance et que les autres conviennent mieux a leur ambition, tant a cause que ceste passion a son objet hors d’elle mesme, que pour estre indeterminée ».
La réflexion de Plessis-Besançon le portait donc personnellement, alors que la résolution était prise à la cour de faire d’Harcourt le dispensateur tant attendu des bienfaits royaux, à ne souhaiter des grâces qu’en pension ou en usufruit, et, plus encore, qu’en promesse lointaine afin de faire soupirer. En allant jusqu’au bout de cette pensée, la distribution était intrinsèquement impossible car liée à un paramètre psychologique : l’infini absolu du désir, appelé dans le vocabulaire des hommes du XVIIe siècle la « passion ». Ce que l’on connaît – ce que l’on a – perd rapidement tout son intérêt. Et concrètement, s’y ajoute l’immensité de l’affaire : les grâces de toute une province, immédiatement rendues disponibles par le changement de souveraineté… La politique à adopter avec les mal affectes et les malcontents procède des mêmes conceptions : pour les premiers, « il se faut bien garder de leur faire du bien, d’autant qu’outre la puissance et la commodité que cela leur donne de mal faire, ils en deviennent aussy plus insolens et plus propres a faire valoir leurs perfidies, atribuant plutost les advantages quilz recevront a la necessité qu’on a d’eux, ou a la crainte et faiblesse des ministres, qu’a leur bonté, ou au dessein de les ramener par les douces voies », c’est-à-dire l’inverse de la politique de tolérance d’abord envisagée par Marca, et de son idée d’alors de rappeler une partie des exilés afin de calmer les remous nobiliaires (la seule solution : les châtier « soit en les punissant corporellement, soit en les banissant et transplantant du costé de France »). Pour les malcontents, il n’est pas non plus efficace d’espérer les attirer par une grande distribution. Certes, on peut « les ramener au bon chemin, et tous les indiferens a leur exemple », mais uniquement avec de petites choses, de crainte qu’ils ne prennent trop d’aplomb.
« De petits bienfaits, pour les estendre a plus grand nombre de personnes, l’employ des charges militaires dans les nouvelles levées, et la bonne distribution des benefices et des dismes d’aumoniers et de predicateurs de leurs Majestés (a l’egard des ecclesiastiques), joints a l’establissement des Juges de bref pour contenir et chastier ceux de cet ordre, seront des moiens tres utiles, et par dessus tout, les bons succes et la puissance des armes du roy dans le pays, ouvrant le chemin de la cour aux Catalans par la necessité d’y aller pretendre et impetrer les graces qui seront en consideration, afin de leur en faire cognoistre la douceur et la magnificience, et porter leurs plaintes legitimes aux ministres superieurs. Pour tenir ceux de deça dans les bornes de la bienseance et du devoir, observons touiours neamoins, en choses de consequence, de ne resoudre rien sans leurs tesmoignages afin de les maintenir dans la juste authorité qui est necessaire aux subalternes, en un pays sy esloigne du siège de la Monarchie ».
La province est en pleine guerre, et, malgré tout l’arsenal juridique et idéologique déployé par la France pour justifier et affermir sa possession, le changement de souveraineté est récent et encore fragile, capable de s’écrouler à tout moment – les plus fidèles en apparence, comme Fontanella, semblant vaciller. Plus qu’une grande distribution des bienfaits, comme pour récompenser les troupes une fois le combat fini, il faut les habituer à la fidélité, les éduquer au nouveau maître, car c’est une chose lente, et que le combat est encore ardent. Plessis-Besançon fournissait, finalement, les arguments essentiels pour ne pas donner les confiscations.
S’ajoutant à la situation et aux renoncements subséquents, des impondérables ramènent la question dans le camp de la lenteur et de l’indéterminé. Alors que le comte d’Harcourt entreprend le redressement de la situation en repartant en campagne, et en poussant l’offensive du côté de l’Aragon par une entrée dans la plaine d’Urgell, à la tête d’une puissante armée de plus de 10 000 hommes et de 3500 cavaliers[94], Marca tombe malade au début du mois d’avril. Deux semaines après, Plessis-Besançon informe Mazarin qu’en raison de cette indisposition, ils n’ont pu, comme il le leur avait ordonné, continuer à travailler sur le mémoire des biens confisqués[95]. Loin d’être une simple anecdote, l’état de santé de Marca, même s’il s’efforce de recevoir des audiences au lit, influe sur la politique générale. Harcourt, alors totalement occupé par les opérations militaires – conquête des villages de la région Ouest de Lleida, aux alentours de Cervera et de Linyola, où il installe son camp –, se trouve au dépourvu pour travailler correctement au mémoire des confiscations que le roi lui a également ordonné de dresser[96]… il demande rapidement à Marca de lui envoyer au moins, même si sa santé ne lui permet pas encore de travailler, le mémoire qu’avait fait La Mothe, pour partir de quelque chose[97] ! Puis survient une nouvelle avanie, latente depuis son arrivée : un sérieux antagonisme entre ces deux individus. Comme si, par essence, la fonction de visiteur général devait nécessairement entraîner la défiance du vice-roi. Très rapidement, Harcourt n’avait pas suivi les conseils de neutralité et d’égalité de ses instructions, favorisant ostensiblement le parti « anti-motiste » et n’accordant pas sa confiance au Gouverneur Margarit. Marca de son côté, alors qu’il avait lui-même hautement participé à la disgrâce de La Mothe en sapant son pouvoir en Catalogne, une fois l’orage passé, n’avait cessé de travailler à se réconcilier avec les « motistes », finissant par obtenir la collaboration, et même la sympathie du Gouverneur… Fin avril, Harcourt décidait, avec grand tapage, de chasser de son entourage tous les Catalans partisans de La Mothe, comme l’abbé de Bélesta, durement retiré du gouvernement du duché de Cardona lors de sa saisie par le procureur royal[98] ; il écrivait aussi son ressentiment à Le Tellier, ayant non seulement appris que le « motiste » Josep de Sacosta avait obtenu à la cour le don d’une pension sans qu’il ait été consulté, mais aussi que les expéditions de ce don avaient été remises à Magi Sivilla, confident du Gouveneur[99]… L’antagonisme éclate avec Marca, en pleine offensive autour de Cervera, autour de la question des bénéfices. Très semblable à celle des confiscations laïques, elle était ainsi réglée : le vice-roi devait établir une liste des candidats qu’il soutenait (appelée « terna » en catalan, terne en français), avant de l’adresser au roi pour que ce dernier puisse faire son choix… mais avec l’avis préalable du visiteur général. Le 5 juin, Harcourt lui envoie le mémoire qu’il a fini par produire sur les confiscations[100]. Mais dans la lettre qui accompagne le document[101], il l’informe que, « considerant qu’un plus grand retardement de nommer au roy des personnes capables de remplir la dignité de l’evesque de Solsone qui vacque depuis long temps » est préjudiciable, il a décidé de mettre en première place sur la terne le docteur Pere Morell, seulement écolâtre de Lleida, issu d’une lignée sans éclat et ennemi du Gouverneur, alors que ce dernier avait obtenu l’assurance de voir ce siège donné à son frère Vicenç Margarit, nommé auparavant évêque de Lleida mais qui avait été dépossédé de son siège après la prise de la ville. Il poursuit avec un ton autoritaire :
« Vous sçavés que les services que rend depuis longtemps et que continue tres utilement le docteur Morell, qui est aussy en aage de servir le Roy plus longuement que les autres, le rendent preferable en cette eslection, ce que je fay remarquer a la Cour ou je vous prie d’escrire aussi avec pareil sentiment si vostre santé vous le peut permettre.
Comme aussy conformement au memoire cy joint touchant l’assurance que je demande de la confiscation des biens telle que vous verrés, en faveur des principaux pretendans qui sont depuis long temps dans le service y employans leurs biens et hazardant tous les jours leurs vies sans avoir receu aucune marque de la reconnoissance et de la bonté du Roy, ce qui commençoit a fort débaucher ces personnes les plus affectionnées et donner tres mauvais exemples aux autres. Il me sufira d’avoir seulement l’assurance de la volonté du Roy sur le sujet dedictes confiscations, les expedicions pouvant estre remises jusques a la fin de la campagne ou nous pourrons travailler a une plus grande distribution des biens confisquez. »
La mince justification du choix de Morell, assez surprenante d’ailleurs en matière de bénéfices (son âge qui lui permettra de servir plus longtemps le roi), a tout pour déplaire à Marca, sans même parler du Gouverneur. Là comme dans le cas du mémoire des confiscations laïques, il demande clairement l’« assurance » – répétant le mot à deux reprises – que cette première liste provisoire sera suivie, quelque observation qu’y fasse Marca. Il s’agit des personnes qu’il veut absolument voir gratifiées, essentiellement des officiers qui servent près de lui à la campagne, et on y retrouve évidemment la principale figure du clan « anti-motiste », ennemi personnel de Margarit amené à devenir le protégé d’Harcourt, Josep d’Ardena, pour qui il demande la vicomté d’Ille avec érection en comté. Ramon de Guimerà, qui avait perdu l’accès aux faveurs de La Mothe, se voit ici pourvu du comté de Guimerà dont on lui avait retiré le séquestre. Ces seigneuries sont grevées de pensions pour d’autres membres de ce clan comme les héritiers Montaner, dont le père avait œuvré du Conseil des Cent pour faire envoyer à Paris un ambassadeur « anti-motiste », l’abbé Sala ; ou encore les Marti, père et fils, proches de Josep d’Ardena, et dont le premier était employé à enquêter sur la fabrication de fausse monnaie par La Mothe et ses sbires… Margarit ne figure pas dans ce mémoire ! Mais il semble que le vice-roi se soit ravisé par la suite, proposant pour lui le marquisat d’Aitona, qu’il convoitait depuis longtemps[102]. Nous verrons bientôt que les demandes du comte d’Harcourt seront entachées des pires soupçons…
Sur les deux fronts, Marca réagit comme il se doit. Pour lui, le roi est obligé de nommer Margarit à l’évêché de Solsona ; néanmoins, il propose à Le Tellier un expédient afin de calmer le jeu : réserver 1000 écus de pension sur les 9000 que rapporte la ferme des revenus de cet évêché en faveur du docteur Morell, en attendant de le nommer à un autre bénéfice « convenable ». Pour les biens confisqués, le roi peut certes donner à Harcourt l’assurance qu’il demande en faveur des bénéficiaires qu’il a listés, mais « sous les reserves que Sa Majesté entend faire sur toutes les autres gratiffications de cette nature, sur lesquelles reserves je vous envoyeray, monsieur, une fort bonne instruction qui regarde de pres le service du Roy »[103], façon claire de rappeler clairement son rôle, visiblement bafoué par l’affaire de Morell, et de montrer que, même si le petit nombre de noms spécifié sur le premier document provisoire n’avait (pour l’instant) aucune raison d’être repoussé, la distribution générale ne pourrait se faire du seul avis d’Harcourt. Au même moment, ce dernier écrit au cardinal Mazarin pour justifier son choix de Morell et dénigrer les arguments de Marca : pour lui, Vicenç Margarit, dominicain, ne fait pas beaucoup parler de lui dans son ordre, en dehors de sa naissance ; en revanche, Morell sert le roi de longue date et sera fort utile pour venir à bout des factions pro-castillanes dans un évêché aussi stratégique[104]. Il faut en effet rappeler que Morell sert depuis plus d’un an déjà en tant qu’espion[105] et informateur, par correspondance via l’intermédiaire de Pont ou de Pujolar, sur l’avancée des ennemis[106]. L’intéressé ne tarde pas à réagir lui-même, et il expose ses arguments à Pujolar, dont il espère un secours à la cour : Harcourt lui a promis publiquement l’évêché de Solsona ; selon lui, l’opposition de Marca n’est due qu’à Margarit, qui veut continuer à monopoliser les faveurs, et il liste toutes les gratifications déjà obtenues par le Gouverneur : ses gages de 2000 écus pour cette charge, ceux de maréchal de camp de 4000 écus, 3000 pour son fils possédant le même grade, une pension de 1000 écus, et le séquestre de l’évêché de Girona, déjà attribué à son frère Vicenç Margarit[107]. Le 24 juin, Le Tellier, qui a reçu les lettres de Marca et d’Harcourt ainsi que le mémoire de ce dernier, leur répond qu’avant de faire quoi que ce soit, il attend de voir si Harcourt a pu « changer de resolution » après concertation avec Marca[108]. Mais son opinion est déjà faite, et il perçoit l’attitude d’Harcourt comme un abus de pouvoir : à Plessis-Besançon, il écrit que les « expeditions ne peuvent estre faites ailleurs qu’icy et non en Catalongne, la concession de ses graces appartenant a Sa Majesté. Et il ne se trouvera pas que du temps de monsieur le maréchal de la Motte, que l’on dit avoir beaucoup entrepris sur l’autorité du roy, il ayt esté touché a une chose de si grande consequence »[109]. Certes, Harcourt s’était frontalement opposé à Marca en défendant son choix, mais il n’avait pas pour autant prétendu disposer des grâces du roi sans passer par la cour… Le Tellier accordait donc d’emblée sa confiance au visiteur général, sans laisser de vraie marge de manœuvre au vice-roi : le 6 juillet, il faisait envoyer à Harcourt une lettre missive du roi lui interdisant formellement de distribuer les biens avant d’avoir consulté Marca[110]… mais l’autorisant à donner d’emblée, aux personnes qu’il voulait récompenser, des sommes tirées sur le revenu des biens confisqués. Situation provisoire qui, dans les faits, ne faisait que prolonger ce qui était déjà en place[111].
Cette affaire est intéressante à plus d’un titre, et en premier lieu parce qu’elle montre la crispation des intérêts et place avec précision tous les acteurs sur le nouvel échiquier politique. A ce stade de la campagne, Harcourt est victorieux : le 22 juin, ayant continué sa progression depuis Cervera, il traverse le Segre à Camarasa, et défait l’armée espagnole entre Llorens et Ger, faisant prisonnier le marquis de Mortara[112]. En matière politique, ni lui ni Marca ne lâchent un pouce de terrain : Harcourt persiste dans son choix, disant « ce qui est fait est fait, je ne puis plus revoquer ma parolle dont je ne voy pas aussy qu’il y ait sujet de me repentir »[113], et Marca trouve à chaque lettre un nouvel argument contre Morell[114]. Mais Mazarin soutient l’avis de Marca qu’il est essentiel de conserver la fidélité de Josep Margarit, dont la perte pourrait menacer la conservation de la Catalogne à la France[115]. Comme l’explique bien Daniel Aznar, il préférait fermer les yeux sur les abus de l’ancienne clientèle de La Mothe, et tenter de l’inciter à lui être fidèle en lui montrant que les bienfaits de la Cour étaient préférables à ceux obtenus par les brigues locales[116]. Margarit, conscient de cette situation, en profite pour maintenir ses exigences et fait mine d’être blessé dans son honneur afin de pouvoir les augmenter : il déclare qu’il préfère renoncer pour son frère à l’évêché plutôt que de se priver des faveurs du vice-roi, remet sur le tapis l’affaire de Cabanyes en écrivant à son confident Sivilla qu’il refuserait le marquisat d’Aitona, qui lui était proposé par Harcourt, plutôt que de le voir démembré de la baronnie de Llagostera en faveur de Cabanyes[117]. Il faut dire que l’intégralité du mémoire d’Harcourt lui était défavorable, puisque plusieurs seigneuries qu’il proposait pour récompenser Ardena (Ille) et Cabanyes (Caldes et Llagostera) étaient dans le patrimoine d’Aitona… Evidemment, c’est l’avis de Marca qui l’emporte finalement au détriment de Morell : dans la même lettre, Le Tellier explique à Harcourt qu’il en va du « contentement de la reine », et que Marca est en Catalogne l’équivalent de « Monsieur Vincent » en France. Ce qui n’appelle pas de réplique[118]. Mais tout ce manège ne produit à la cour que la lassitude et la défiance ; Le Tellier en fait part à Plessis-Besançon, présent sur le champ de bataille aux côtés du vice-roi, et qui a pris une grande part dans le choix des personnes à gratifier :
« Je ne doibz pas vous celer que comme vous faites paroistre par vos lettres que les mouvemens que monsieur le comte d’Harcourt a pris en ces affaires viennent de vous, et qu’en effect n’ayant pas encores eu le temps de prendre congnoissance de ceux qui merittent le plus d’entrer dans les benefices et offices vaccans dans la Catalongne, il est bien aysé de juger qu’il a beson de s’en raporter a quelq’un, le desplaisir que l’on a de ne luy pas donner satisfaction comme l’on le desireroit en tout et partout retombe sur vous, et qu’il vous importe plus que je ne vous sçaurois dire que l’on ne voye plus de partialité d’opinions aux choses de cette nature et consequence, dans lesquelles l’on se trouve a la gehenne pour ne point prendre de resolution, ou si on la prend pour se voir forcé a ne pas acquiesçer a l’opinion de celuy a qui l’on veut absolument conserver le credit et l’autorité entiere » [119].
Littéralement désemparé par l’affaire des confiscations catalanes, ne sachant plus quelle solution trouver, Le Tellier ne faisait que tirer le bilan de la politique choisie avant lui puis reprise par lui, empirique et changeante, mais à laquelle aucune autre alternative ne s’était posée. Et on ne sera pas surpris de voir la reine prendre peu après une décision comparable à celle qui avait outré les Catalans l’année précédente : remettre une nouvelle fois la distribution après la campagne, une fois que les troupes seront dans leur quartier d’hiver[120]…
La fin de la campagne est éprouvante, mais victorieuse. Après avoir triomphé à Llorens, Harcourt se trouve en manque de vivres, et, dans cette situation difficile, se voit obligé d’abandonner les desseins de Lleida et Tarragona, et de limiter ses objectifs à l’assaut des villes de Flix, reprise en août, et de Balaguer. L’assaut de Flix commence, sous la direction de Charles, comte de Chabot, cousin d’Harcourt, maréchal de camp et gouverneur de plusieurs villes de l’Empordà, qui parvient rapidement à ses fins, le 1er septembre. Balaguer se révèle beaucoup plus difficile à prendre. Chabot se joint à monsieur d’Aubigny, aide de camp ; ils mènent une bataille sanglante, voyant leurs troupes décimées par la maladie et les défections, alors que les Espagnols multiplient les diversions à Lleida et à Tarragona. Mais la ténacité paye, et au cours du mois d’octobre, le général Mascareñas commence à parlementer avec les Français, puis signe la capitulation le 18. Harcourt ordonne une terrible répression contre la population[121]. Avec le siège de Balaguer s’achève la campagne de 1645. Les victoires obtenues, reçues à Paris avec une grande joie, ne dissimulent pas cependant une situation alarmante, en plus des rivalités dont nous venons de parler : les Français deviennent de jour en jour plus impopulaires, et, depuis l’hiver 1644, les rumeurs de sédition se sont multipliées à l’intérieur de Barcelona. Les Espagnols ont constamment fait manœuvrer leur armée navale au large de la ville pour impressionner les habitants, alors qu’à l’intérieur de plus en plus de personnes de condition se sont ouvertement déclarées de leur côté, tout en évitant soigneusement la condamnation : « les gens de condition, note Marca, estiment que c’est une lascheté d’accuser un autre, outre les parens et les amys font estat de garder la fidelité entre eux. ». Il note amèrement qu’« il n’y a dans l’armée que trois cens soldats du bataillon, comme si les Catalans pretendoient n’estre que des spectateurs de la guerre entre France et Espagne »[122]. Plusieurs gentilshommes mal affectes qui avaient été bannis, comme Tomàs Fontanet, Lluis de Montsuar, Bernardí de Marimon, Cristòfol d’Icart, reviennent à Barcelona sans autorisation, et sont reçus au couvent de Sant Pau sur l’instigation du député ecclésiastique de la Generalitat, Gispert Amat, abbé de Sant Pere de Galligans. Margarit tente d’y remédier en lançant une enquête, mais la Generalitat fait savoir qu’il n’en a pas le pouvoir, ces chevaliers étant criminels de lèse-majesté et donc poursuivis devant le Real Consejo, formation de l’Audiència qui ne peut se tenir qu’en présence du vice-roi. Harcourt envoie alors le comte de Chabot, auréolé de sa victoire à Flix, et aimé des Catalans, pour ramener l’ordre dans la ville ; il conclut pour l’heure que la situation peut se maintenir dans le calme, sans risque de conspiration générale, le peuple étant fidèle[123]…
L’abbé de Galligans s’était distingué dans les derniers temps de La Mothe par ses dénonciations des violences militaires et des violations des Constitutions de Catalogne. Début 1645, il avait réutilisé les mêmes arguments de bien public pour dénoncer la politique bénéficiale de Marca en s’opposant à la mise sous séquestre des revenus des évêchés de Barcelona et de Girona. Puis il avait chargé Pujolar de réclamer à la cour l’application de l’article 8 du traité de Péronne spécifiant que seuls des Catalans seraient nommés gouverneurs des châteaux et forteresses[124]. Marca l’avait amadoué en intervenant auprès de Le Tellier pour lui faire obtenir l’abbaye d’Arles et une pension de 1000 livres sur ces mêmes revenus séquestrés qu’il montrait du doigt[125]… Mais, pour nuire à son ennemi Margarit, Amat avait été jusqu’à défendre au sein des Consistoires une prétention contraire à ses convictions habituelles : le désir de Chabot de se voir attribuer le marquisat d’Aitona. Sur son instigation, la Generalitat avait écrit des lettres de créances pour l’appuyer[126]. En tant que Français, Chabot[127] était réputé n’avoir aucun droit à un don de confiscation[128], mais il était également encouragé en sous-main par Harcourt, échaudé par l’affaire Morell, heureux de pouvoir faire pièce au Gouverneur qui désirait ardemment ce patrimoine[129]. Face à ses prétentions, la cour et Marca font front afin de sauvegarder les intérêts de Margarit.
« En attendant que vers la fin de la campagne vous puissiez envoyer a sa Majesté les memoires des biens confisquez et ceux a qui on les pourra accordre entre lesquels Sa Majesté trouvera bon que vous compreniez monsieur de Chabot pour un autre bien que celuy que vous proposiez de luy donner. Presentement, Sa Majesté laisse a vostre liberté de luy ordonner quelque chose sur les deniers provenant desdictes confiscations si vous jugez que cela ne fasse point de prejudice au bien du service de Sa Majesté et ne tire point a consequence »[130].
La prétendue « assurance » laissée à Harcourt de voir gratifiés les gens qu’il inscrirait après la campagne sur son mémoire définitif, n’en gardant que le nom, prit la forme d’un pouvoir boîteux et embarrassant…
La découverte de la conspiration de 1645 est une rupture politique ; la distribution immédiate et particulière voulue par Marca se change en distribution générale et à retardement
Lors de son retour à Barcelona, le 29 octobre 1645, Harcourt semble disposé à mettre de l’ordre dans les affaires politiques, qui ont empiré pendant son absence, et à se rapprocher de Marca : il lui promet de vivre en bonne intelligence avec lui[131]. Comme nous l’avons vu, les ordres royaux ont clairement spécifié que la distribution des biens confisqués aurait lieu à ce moment-là, par le souverain seul, et sur les avis d’Harcourt et de Marca, après s’être concertés entre eux et avoir envoyé leurs résolutions à la cour. Marca obéit, et remet à Harcourt, quelques jours seulement après son retour, un mémoire contenant toutes ses observations : De la distribution des biens confisquez[132], texte important et éclairant par sa totale adéquation avec la situation politique, ce pourquoi nous en donnons l’édition. Marca y revient sommairement sur tous les débats qui avaient eu lieu autour de la question, relayés par les correspondants de la cour comme Pujolar et Pont ou par les divers pamphlétaires, en tentant de trouver une voie moyenne entre différentes solutions contraires. Le premier point touche à la consistance des récompenses : le fonds disponible étant limité, si l’on donne beaucoup, on ne pourra donner qu’à peu de gens, et si l’on donne peu à beaucoup de gens, on froissera « les principaux qui ne veulent recevoir qu’une récompense notable ». Ce point est illustré par la répugnance de Margarit à voir démembré le marquisat d’Aitona, afin de récompenser plusieurs personnes (Ille pour Ardena, Caldes et Llagostera pour Cabanyes). De la même limite découle un autre inconvénient, que si l’on distribue tout le fonds dès la première récompense, il sera ensuite épuisé et le roi n’aura plus de biens à disposition pour faire des gratifications – commentaire qui ne tient pas compte, cependant (sans doute pour ne pas gonfler le poids des ennemis), du nombre croissant de mal affectes, qui sera particulièrement augmenté en 1646 et causera de nombreuses confiscations. Un second aspect est le choix possible entre deux solutions seulement (alors que de nombreux autres cas de figures s’étaient présentés dans la période 1642-1644) : soit un don des revenus, soit un don en pleine propriété. Sous « l’administration des officiers du roy », comme par exemple celle du trésorier Bru, les biens restent propriété de la couronne, et leurs revenus sont prélevés par des officiers pour être ensuite redistribués, ce qui était le cas des biens gérés par le trésorier Bru, et aussi dans une certaine mesure de ceux gérés par Francesc Sangenís. Si, comme nous l’avons vu, il est difficile de donner le statut exact de ce dernier personnage, les biens qu’il gérait restaient clairement la propriété de la couronne. Marca ne cite pas la création ou la reconduction de séquestres parmi les possibilités offertes dans la distribution des biens ; il comprend sans doute implicitement les séquestres dans la catégorie des « officiers du Roy », alors que précisément les séquestres n’étaient pas des officiers mais des personnes privées que l’on chargeait de prélever les revenus des biens, sans la possibilité de les aliéner. Accréditant l’idée de cette évocation implicite (faite pour écarter d’emblée ce système), l’attribution à ces « officiers » des reproches faits aux séquestres par les pamphlétaires[133]: « la proprieté demeurant sous l’administration des officiers du Roy sera negligée, a cause qu’elle ne fait un corps ; le bien vaudra moins de ferme, et sera ruiné par debtes supposees et autre nature de proces comme l’on voit par l’experience de deux années. » Le fait que la propriété ne fasse pas « un corps », comprenons une universalité juridique aux mains d’un individu, affaiblit son statut, l’empêchant, dans le cas des séquestres comme des officiers royaux, d’être défendue par un propriétaire attitré qui aurait intérêt à soutenir la chicane pour sauver son bien ; et surtout diminue la valeur de la « ferme » car un propriétaire particulier investit davantage dans le faire-valoir de sa terre[134], d’autant plus qu’il peut la revendre ou la transmettre. A cela s’ajoute un déficit de « prestige », l’attribution d’une propriété pouvant, dans le cas des seigneuries, revêtir un titre de noblesse héréditaire qui flatte l’honneur et la vanité. Marca ne cite pas non plus le cas précis des usufruits, où la personne pouvait prendre en main le bien sans avoir sur lui de droit éminent ; cet expédient, utilisé lui aussi pendant la période 1642-1644, établissait dans les faits une quasi propriété, et la faiblesse du fisc royal éloignait un éventuel contrôle, d’où la méfiance probable du visiteur général. La seconde solution proposée est donc le don du bien en pleine propriété. Cette solution, si elle a l’avantage de n’avoir pas les inconvénients cités plus haut, a celui de ruiner « les affections du peuple », en replaçant les habitants des villes de barons sous la juridiction immédiate d’un seigneur, alors que la confiscation les avaient mises provisoirement sous la juridiction royale. Un aspect « républicain » et populaire avait participé à encourager la révolte de 1640, malgré sa récupération politique par les élites[135]. Il convenait donc, selon Marca, d’avoir égard aux aspirations du peuple, particulièrement en cette fin d’année 1645 où les trahisons s’étaient multipliées, encouragées par les succès espagnols de l’année précédente.
La question principale, et la plus liée au contexte précis de la fin 1645, était de savoir si on ferait immédiatement la distribution, ou si on la retarderait encore afin de fortifier la connaissance des biens et des personnes à gratifier. S’il a laissé l’alternative entre propriété et revenus, Marca défend sans équivoque la nécessité absolue d’une distribution immédiate, quelques inconvénients qu’elle puisse avoir : « Quant aux inconveniens que le partage produira necessairement, il faudra eviter les plus grands, et essuyer les moindres suivant les maximes de la bonne politique ». Il valait mieux, dans une affaire qui de toute façon ferait des mécontents par son essence même, privilégier les moyens d’empêcher une nouvelle hémorragie de serviteurs du roi en donnant un signal fort de considération des services. Et en suivant le même type d’arguments, il valait mieux faire une distribution particulière (« d’une partie seulement » des biens disponibles) que générale, car cette dernière option, en éteignant le fonds des confiscations, empêchait de gratifier d’autres personnes dans l’immédiat, conduisant à une impasse ; la distribution particulière était un moindre mal : « Si l’on ne gratifie presentement que certaines personnes avec esperance de continuer en faveur des autres : on ne tombe que dans le degoust que cause une jalousie de preference ». Marca précise ensuite plusieurs solutions pratiques pour mettre en œuvre cette distribution au pied levé : tout d’abord, pour la répartition des biens, il faudrait prendre en premier « ceux qui ont servi a faire le changement de l’estat de la province, et ceux qui l’ont appuyé depuis par leurs services dans les occasions de la guerre et qui ont desir de les continuer », ce qui introduit deux critères objectifs : l’un chronologique (l’ancienneté de service, et la présence lors des évènements qui ont conduit le changement de souveraineté – ce qui réduit un peu les possibilités), l’autre fonctionnel (avoir servi à l’armée). Les acteurs des changements de 1640 et 1641, tels Ramon de Guimerà, Francesc de Vergós, Francesc de Vilaplana, comme nous l’avons vu, revendiquaient dans leurs lettres une place éminente et symbolique, considérant que la Catalogne se trouvait française grâce à eux ; de la même façon, ils liaient fonctionnellement appartenance à la noblesse, maniement des armes et service du roi. Ces personnes méritent des seigneuries en titre et en pleine propriété. Cependant, Marca prévoit des mesures d’un genre nouveau pour ne pas les gonfler excessivement, afin « que par les conditions de l’investiture on les oblige a esperer des nouvelles graces » : mettre dans la forme des privilèges de petites limites, symboliques mais substantielles, afin de rappeler qui est le maître, et aussi de contenter le peuple. Il faut clairement insister sur la nature juridique de la terre qui sera donnée, contrairement aux dons faits en 1642-1644 qui se trouvaient dans un « entre deux » préjudiciable : elle ne sera pas détachée du lien féodal avec le souverain, devant « foy, homage, service personnel, lots et ventes, que lon nomme icy Loismes, et a tous les autres devoirs que font ordinairement les terres, et seigneuries tenuës en fief dans la Catalogne ». Cette disposition va dans le même sens que la politique féodale appliquée par Louis XI en Roussillon, profitant de la confiscation des seigneuries pour redéfinir la pyramide des liens personnels en sa faveur. Elle assure au roi le maintien d’un lien avec le bénéficiaire, par le paiement des droits de mutation (lauzimes), et par la nécessité d’un nouveau privilège pour pouvoir léguer le titre en voie féminine. Afin de protéger les intérêts du peuple, les villes auront un statut hybride, bénéficiant de celui de ville royale[136] tout en étant des fiefs, le roi gardant la haute justice alors que le seigneur n’exercera que la basse. Mais la principale mesure du système est l’assignation, sur les revenus de la seigneurie, d’une pension à verser au roi.
« Que ces fiefs seront chargez d’une pension annuele, qui sera taxée sur chacun d’eux, dont Sa Majesté se reservera la disposition pour en gratifier ses serviteurs a la charge qu’a faute de payement de cette pension durant trois ans le fief reviendra au Roy. »
Cette mesure est conforme aux maximes édictées par Plessis-Besançon : il faut, dit-il, « se gouverner de sorte avec (les bénéficiaires) qu’ils ayent subjet et d’en esperer encore davantage, les bienfaits presents n’estans pas sy puissants que ceux de l’avenir pour assouvir l’avidite des hommes », et « tenir ceux de deça dans les bornes de la bienseance et du devoir, […] les maintenir dans la juste authorité qui est necessaire aux subalternes »[137]. La grâce, si elle donne accès à la propriété et jouissance du bien, à l’honneur d’un titre, ramène justement le bénéficiaire à sa situation d’obligé et de subalterne en le forçant à acquitter annuellement une « taxe », et rappelle avec puissance le caractère révocable de la faveur royale. Marca théorise ici pour la première fois de façon claire et délibérée un système qu’il avait commencé à imaginer depuis son arrivée en Catalogne… Tâchant de considérer les revendications des Catalans, qu’il connaît bien, il trouve un moyen de résoudre un problème de façon réaliste et « politique » (en visant au moindre mal), mais surtout de ménager l’autorité royale.
Néanmoins ces prescriptions, déjà très lucides, n’empêchent qu’une distribution beaucoup plus empirique et inégale ait lieu, finalement proche de la confusion des années précédentes… Le comte d’Harcourt gardait une solide rancune de l’affaire Morell, et n’entendait pas abaisser son autorité en faveur du visiteur général, comme la cour le lui suggérait. Ayant obtenu l’assurance que les personnes qu’il avait recommandées recevraient des lettres patentes[138], à son arrivée, il profite de la lettre missive du roi qui lui avait été envoyée le 6 juillet dernier, et qui, tout en lui interdisant de distribuer les biens sans l’avis de Marca, l’autorisait à donner d’emblée à ces gens des sommes tirées sur le revenu des biens confisqués[139]. Son système est de la même nature que celui d’Argenson en 1642 et 1643 : donner à ces personnes la possession officieuse des biens qu’il demandait pour elles, avant (ou sans) qu’ils en aient obtenu les actes officiels… par l’intermédiaire de l’usufruit ! En cela, il tourne quelque peu les véritables pouvoirs qui lui étaient donnés dans l’intention royale[140]. Ainsi, dès la deuxième semaine de novembre, il procède à une série de dons, avant même que la cour ait reçu le mémoire de Marca sur la distribution. Le 7 novembre 1645, il attribue à Jeroni de Tamarit l’usufruit de la baronnie de Sant Boi[141], qu’il avait demandé pour lui dans son mémoire provisoire du mois de juin[142]… Le lendemain, c’est Ramon de Guimerà (lui aussi présent sur le mémoire) qui se voit enfin gratifié des fruits du comté de Guimerà[143], qu’il convoite passionnément depuis des années et dont on lui avait retiré le séquestre en 1643 après quelques mois de jouissance… Sangenís, qui s’en était ensuite occupé, a ordre de ne plus en prélever les fruits. Dans les faits, cela équivaut à rendre son séquestre à Guimerà, puisque les arrendateurs doivent simplement lui donner les fruits à la place de Sangenís. Même si la promesse royale d’expédier les actes voulus par Harcourt est encore loin d’être tenue, l’opinion s’est répandue que la distribution est en cours, et que les nobles catalans vont enfin être récompensés. Guimerà écrit à Mazarin une lettre pleine de reconnaissance pour le remercier de la donation du comté (dont il n’a pas encore reçu les lettres patentes !), en lui attribuant personnellement cette faveur, ainsi qu’à la présence de Plessis-Besançon qui se souvenait du rôle de Guimerà en 1641 ; il en rend aussi grâce au comte d’Harcourt[144]. Harcourt gratifie aussi Aubigny, l’aide de camp qui s’était distingué en octobre au siège de Balaguer aux côtés de Chabot. Il reçoit le 26 novembre l’usufruit de tous les biens confisqués dans le Val d’Aran[145]. C’est, semble-t-il, le premier Français à obtenir un tel don. Le vice-roi avait entre-temps demandé pour lui le don de la baronnie de la Portella et des biens confisqués à Hug d’Ortaffa[146]. Pour l’heure, Marca met tout en œuvre afin de vivre en bonne intelligence avec Harcourt, comme ils l’avaient résolu à son retour. Il écrit donc à la cour pour soutenir la demande du vice-roi pour Aubigny – mais en profite pour rappeler que les privilèges que l’on expédiera devront comporter les « réserves » qu’il a pointées dans son mémoire, notamment la réserve au roi de la basse justice[147]. Il soutient aussi la prétention de Chabot : ce dernier a finalement renoncé au marquisat d’Aitona pour ne pas désavantager Margarit, comme le roi le lui demandait… mais il demande encore l’office de Mestre Racional qui revenait de façon héreditaire aux marquis d’Aitona, ainsi que la vicomté d’Evol et les biens de Ramon de Çagarriga[148]. Et il a toujours le soutien du député ecclésiastique de la Generalitat, l’abbé Gispert Amat, et de son frère Josep Amat, « qui luy ont promis toute sorte de bons offices »… malgré l’attitude de plus en plus équivoque de ce député.
Dans ce contexte, Josep d’Ardena[149], proche du comte d’Harcourt, principal chef de la faction « anti-motiste » et ennemi juré du Gouverneur Margarit, est choisi comme ambassadeur à la cour. Depuis plusieurs mois, en effet, la Generalitat a progressivement intensifié sa dénonciation des abus de l’administration française, par la voix de Gispert Amat qui, fin novembre 1645, se rend au palais du vice-roi et lui remet un mémoire sur les excès des soldats[150] ; au même moment, les deux Consistoires s’accordent pour envoyer Ardena comme ambassadeur[151], et rédigent à son intention des instructions officielles[152] comportant, entre autres, deux volets : un diplomatique, et un politique. Sur le plan diplomatique, il s’agit surtout d’obtenir des souverains l’assurance que la négociation de paix à Münster ne débouchera pas sur la restitution de la Catalogne à l’Espagne, rumeur qui se répandait fortement depuis un an dans la province et augmentait la défiance vis-à-vis de la France. Nous reviendrons sur cet aspect essentiel dans un chapitre à part[153]. Sur le plan politique, Ardena devra remettre des lettres aux souverains, au duc d’Anjou, au duc d’Orléans et aux ministres, afin d’appuyer leurs demandes. Il exprimera la satisfaction des Consistoires de la conduite du comte d’Harcourt, mais formulera aussi des remontrances sur l’armée et sa subsistance (le manque de grains a été préjudiciable et il faut l’éviter pour les quartiers d’hiver), en remettant aussi au comte de Brienne, secrétaire d’Etat, une lettre afin d’obtenir le remboursement des 670 dobles que la ville a prêtés au roi pour l’aide aux galères, et en rencontrant l’ancien intendant La Berchère pour lui rappeler le recouvement des 25000 livres restantes sur les 50000 prêtées par la ville au maréchal de La Mothe pour le service du roi. Cependant, début décembre, la Generalitat y ajoute des instructions secrètes, formées par le député ecclésiastique, qui ordonnent à Josep d’Ardena de représenter les graves offenses et oppressions faites à la noblesse et au clergé sous prétexte de punir les mal affectes, et qui offensent la loyauté des Catalans. On demande que le vice-roi nomme un membre du Reial Consell afin de rejuger les procès et de châtier les ministres catalans coupables de partialité[154]… Cet aspect des choses n’est pas encore connu de Marca et d’Harcourt, et reste pour l’heure sous le manteau.
Harcourt est très proche d’Ardena, qu’il soutient depuis son arrivée. Dans la perspective de son ambassade, il insiste auprès de Mazarin pour lui faire obtenir le brevet de maréchal de camp[155]. Sans doute avec les mêmes motivations, Marca écrit à Le Tellier pous l’inciter à concrétiser le don demandé par le vice-roi pour Ardena : la vicomté d’Ille[156] avec érection en comté[157]. Il s’agissait autant de flatter l’individu que de satisfaire les Consistoires en montrant qu’on faisait grand cas de la personne qu’ils avaient choisie, qu’on lui donnait tout le prestige nécessaire à sa nouvelle fonction d’ambassadeur en le faisant comte. Ses lettres patentes sont alors formées –elles seront enregistrées au cours de l’année suivante dans les registres de la chancellerie de Catalogne[158]. Elles montrent de façon éloquente que le secrétaire d’Etat avait ordonné de suivre scrupuleusement les instructions édictées par Marca dans son mémoire et dans sa lettre au sujet d’Ardena. Dans le dispositif des lettres patentes, plusieurs formules sont comme calquées sur les expressions qu’il y utilisait : Ardena reçoit la totalité des droits sur Ille qui pouvaient appartenir au marquis d’Aitona et au comte de Vallfogona (« donnons cédons et octroyons tous et chacuns les droicts, rentes, redevances et honneurs ausquels le vicomté d’Ille et les possesseurs d’iceluy peuvent avoir esté ou estre tenus envers le comte de Vallfogona qui est aussy dans le party et au service des ennemys »), ce que Marca suggérait à Le Tellier ; et, conformément aux prescriptions de son mémoire, le roi se réserve les foi et hommage, droits de mutation (« sans que nous entendions nous retenir ni reserver aucune chose audit vicomté d’Illes et en ses deppendances pour nous et nos successeurs Roys fors et excepté les foy et hommages, le service personnel, les droicts de lots ou loizines, ventes et autres droicts seigneuriaux qui nous en peuvent estre deuts avec le ressort et souveraineté »), introduisant la clause spéciale que le comté ne pourra être transmis qu’en ligne masculine et directe, et qu’il faudra solliciter un nouvel acte royal pour y déroger (« voulant que le dit dom Joseph Dardenne et apres luy ses enfans masles procrees en legal mariage et leurs descendans masles procrees en legal mariage en ligne directe en jouissent et usent plainement paisiblement et perpetuellement […] et en outre à condition que la succession de ladite terre ne pourra passer aux filles dudit Dardenne ny aux filles de ses descendans ny mesmes a ses herittiers masles en ligne collateralle si ce n’est par privilege special de nous ou de nos successeurs Roys, nous reservant et a eux de les en gratiffier selon que leurs services ou ceux des possesseurs de ladite terre nous y pourront convier »). Peu après, Ardena entame son voyage vers Paris. Il restera près de la cour jusqu’en juin 1646. A son départ, se situe une importante rupture : c’est pendant son voyage qu’allait être découverte la première grande conspiration depuis le début de la période française et qui, par ses liens de parenté et d’amitié avec les coupables, allait l’éclabousser, et, plus largement, bouleverser en profondeur la situation politique de Catalogne.
L’opposition à la France et la volonté conspiratrice se manifestent graduellement. Début août 1645, Marca, en l’absence du vice-roi, avait fait part à Le Tellier de son alarme après avoir vu une escadre espagnole tenter de mouiller aux alentours de Barcelona. Il renforça la protection de la ville et la surveillance des personnes. Voyant le peu de membres du bataillon catalan, il acquit alors la certitude que les principaux nobles et ecclésiastiques penchaient pour l’Espagne, impression renforcée lorsqu’un soldat italien déserteur de Tarragona révéla l’existence d’un plan pour organiser un débarquement de troupes espagnoles à Barcelona à partir de ce port[159]. Mais les participants de la conspiration n’étaient pas encore connus. Ce ne fut qu’au retour du vice-roi que commencèrent l’enquête et la répression, quand, après le mois de décembre, des noms furent découverts. Le nouveau docteur de la chambre criminelle de l’Audience, Felip de Copons[160], qui venait de succéder à la place d’Onofre Anglesill, se chargea de l’enquête. Il y montra le même zèle que son prédécesseur, et participa à une des plus terribles campagnes de répression de la période française, souvent montrée comme ignoble par les historiens catalanistes. Un conflit entre le vice-roi et le chapitre cathédral de Barcelona montra l’opposition d’une partie de l’estament ecclésiastique. Depuis le début de la présence française, la question bénéficiale était au clergé ce que celle des confiscations était à la noblesse, c’est-à-dire une pomme de discorde. Alors que la tendance était déjà importante, Innocent X refuse d’expédier les bulles aux ecclésiastiques nommés par la France, ce à quoi la France répond en interdisant l’investiture des personnes présentées par le roi d’Espagne. A l’hiver 1645, Pere de Rocabertí, frère d’un grand partisan de Castille, Ramon Dalmau de Rocabertí, comte de Peralada, se rend à Barcelona dans le but de prendre possession d’un canonicat qu’il avait obtenu d’Innocent X, sur les instances de son frère et de l’ambassadeur de Philippe IV à la cour pontificale. Marca fait interdire les bulles par le Conseil Royal, et, à son arrivée, Harcourt le notifie au chapitre cathédral. Mais le 12 décembre, le chapitre procède à l’intronisation de Pere de Rocabertí. La réaction du vice-roi est immédiate : le 14, il fait arrêter trois chanoines, Coll, Taberner et Osona, et les fait embarquer immédiatement pour l’Italie, officiellement pour être « punis par Sa Sainteté », en même temps que Rocabertí est expulsé de la ville[161]. Les Consistoires, menés par l’abbé de Galligans qui depuis plusieurs mois déjà s’insurge contre la France, prennent parti pour les chanoines, et engagent une bataille juridique. Cet engagement du député ecclésiastique le fait décidément basculer du côté des suspects.
Marca commence à avoir des doutes sur les bénéficiaires des gratifications d’Harcourt, parmi lesquels il voit de possibles conspirateurs. Il alerte Le Tellier sur le don demandé par Harcourt des baronnies de Baga, Pinós et Mataplana à Josep Amat, frère du député ecclésiastique, qu’il croît « disproportionné à ses services », et, finalement, sur la politique de gratification anticipée du vice-roi, réouvrant le litige qui les opposait et somnolait depuis quelque temps en faisant implicitement remarquer qu’Harcourt n’avait pas tenu compte de son mémoire[162]. Alors que l’enquête de Copons avance, menant à l’exécution de plusieurs nobles inculpés de trahison[163], Le Tellier relaie les inquiétudes de Marca, et décide une nouvelle fois d’arrêter la marche de la distribution des confiscations, le suggérant à Harcourt fin février 1646 : il veut savoir si, finalement, il était bien sage d’ériger la vicomté d’Ille en comté, si on ne pourrait pas y réserver une pension pour le roi comme le prescrivait Marca ; s’il était bon que Cabanyes puisse jouir de son ancien don, que Ramon de Guimerà et Jeroni de Tamarit reçoivent ceux qu’il suggérait. « Il est aussy necessaire, précise-t-il, de sçavoir les noms de ceux, sur lesquelz lesdicts biens ont esté confisquez, et que vous preniez la peine de marquer les lieu, qu’on doibt eriger en villes royalles, comm’aussy sil ne seroit pas apropos de differer l’expedition du baron d’Amat a cause de la mauvaise conduitte du deputté ecclesiastique son frere ». En effet – à dessein, à la mode d’Argenson – le document qu’Harcourt avait envoyé ne comportait que le nom des bénéficiaires ! Il rappelle également qu’il ne faut pas omettre de charger les gratifications proposées de pensions en faveur du roi ou d’une autre personne que l’on veut gratifier, remettant sur le tapis les suggestions de Marca. Enfin, il écarte le don de confiscations à des Français comme Chabot et Aubigny, car c’est incompatible avec le traité de Péronne[164]… alors même qu’Harcourt leur avait fait le don d’un séquestre[165]. On le voit, Le Tellier détruisait là toute la charpente du projet d’Harcourt, dont ce dernier avait pourtant cru obtenir l’« assurance »… Le doute commençait à régner.
Lorsque l’identité des premiers conjurés éclate au grand jour, l’antagonisme entre Marca et le vice-roi se fait encore plus fort. Copons procède en février à la détention de Jeroni Fornells, batlle de la ville de Mataró, et de l’assesseur de la Generalitat, Joan Josep de Amigant. Sous la torture, Amigant avoue les noms de certains conjurés : y figurent un autre membre de la Generalitat, Josep Ferrer, ancien député dans le Consistoire antérieur, l’abbé de Sant Pau del Camp, le riche marchand Onofre Aquiles… Ils sont arrêtés le 13 mars. Mais lorsque Aquiles, conseillé par son confesseur, passe lui-même aux aveux, un véritable raz de marée se produit[166] : il confirme les soupçons accumulés depuis plusieurs mois, en attestant de la participation du député ecclésiastique, Gispert Amat, et surtout, comme chef du mouvement, d’Hipolita de Aragón, baronne del Albi et propre belle-sœur de Josep d’Ardena[167]. Toutes ces personnes appartiennent au milieu des « anti-motistes », et, à ce titre, aux cercles proches d’Harcourt : Aquiles était ami du comte de Chabot, Amigant du Régent Fontanella, quant à la baronne del Albi, sa faute rejaillissait sur son beau-frère qui venait de bénéficier des faveurs du gouvernement. Les conjurés sont alors arrêtés et emprisonnés. Cependant, la conduite d’Harcourt en ces circonstances scandalise Marca, qui l’accuse de continuer à privilégier cette faction, et de cautionner ce qui vient d’être révélé comme l’un des objectifs de la conspiration : perdre Josep de Margarit. Tout d’abord, il écrit le 13 mars 1646, jour même de l’arrestation d’Aquiles, une lettre à Le Tellier[168] et envoie le lendemain un mémoire à Mazarin reprenant le même texte, où il fait état des mauvais procédés du vice-roi et de sa volonté de le laisser en dehors des affaires politiques, qu’il attribue à la rancœur accumulée de l’affaire Morell. Quand Marca lui remontre que le danger est peut-être encore présent, et qu’il faut continuer à arrêter des membres de la noblesse, Harcourt se fâche : « Il interrompit mon discours avec cholere, me disant quil estoit fort asseuré qu’il n’y avoit point de personnes mal affectionnées, mais seulement des mescontentes. Et que le Gouverneur avec son mauvais procedé, pour un homme qu’il avoit chastié mal a propos, en avoit rendu cent de mescontans ». Voulant gouverner seul, le vice-roi ne convoque pas Marca, et règle toutes les affaires politiques avec son secrétaire français Martin de Moirous[169] et avec Morell. Ainsi, comme s’en plaignent le lloctinent del Mestre Racional Tamarit et le trésorier Bru, qui appellent Morell le « picaro », les demandes faites par Harcourt de biens confisqués pour des personnes « indignes et traitres » émanent de ces personnes de petite condition. Un soir, Harcourt accorde à Marca de venir dîner chez lui ; après le repas, ils remettent sur le tapis la distribution des biens confisqués, mais, cette fois, le visiteur général dénonce frontalement la politique menée depuis plusieurs mois : il réaffirme la nécessité d’enquêter sur les réels services des six personnes qu’il a décidé de gratifier, et s’oppose à l’expédient qu’Harcourt avait en réalité déjà mis en œuvre : donner des usufruits en attendant la grâce royale…
« Son Altesse proposa ensuitte qu’en attendant les lettres du Roy, il vouloit les mettre en possession de ces biens confisquez ; a quoy je resistay extremement, et remontray que c’estoit prejudicier a l’authorité de sa Majesté, que de donner l’effect de la proprieté, avant que le don en eut esté expedié par des lettres scellées au grand sceau, qu’il avoit le pouvoir entier de sa majesté pour representer sa personne en ce qui regarde la dignité, et l’exercice des armes, et de la jurisdiction, mais que pour le regard du patrimoine, il ne trouveroit pas dans son privilege qu’il eut la faculté de l’aliener. »
A ces arguments, c’est Moirous qui réplique, se réfugiant derrière l’ouverture qui avait été faite par Le Tellier, comme nous l’avons commenté, de pouvoir distribuer quelques revenus[170]…
« Ce qui obligea le sieur Moirous d’asseurer qu’il y avoit une de vos lettres, monsieur, qui permettoit a S.A. de donner la jouyssance presente de ces biens. Je repliquay que peut estre il y avoit quelque pouvoir general de gratiffier, mais non pas d’une permission expresse de mettre en possession ; a quoy je m’affermis cinq ou six fois, dautant que par vostre lettre vous m’aviez tenu adverty que l’on mandoit a S.A. qu’il pourroit ordonner quelque gratification a ceux, qui ont servy, sans faire aucune assignation speciale. Mais je ne voulus pas produire cette lettre, dans l’incertitude s’ils en avoient quelqu’une qui fut differente, pour eviter de faire paroistre une contradiction. En tout cas il estoit si resolu a donner cette possession, parce quil l’avoit promise, qu’il n’y avoit consideration aucune qui l’eut empesché de le faire. On dressa ensuitte les depesches pour cette possession, que je fis reformer parce qu’elles estoient conceuës en termes sy advantageux, qu’elles sembloient des lettres patentes du don de la proprieté, ensorte que les lettres du Roy n’eussent esté qu’une confirmation du don. »
Marca ne peut que constater le fait accompli, et médire, avec une nouvelle marée de Catalans froissés par cette distribution, sur le rôle équivoque de certaines femmes[171].
Mais, à la suite de l’arrestation des principaux chefs dont Gispert Amat et la baronne del Albi, Marca donne une nouvelle puissance à sa critique, finissant par mettre dangereusement en parallèle les largesses d’Harcourt et les tractations des conjurés. Dans une grande « Relation du 3e Avril 1646 »[172], sans doute envoyée à Le Tellier, il donne sa propre interprétation de la conjuration et des faits suivant sa découverte. Il faut lire attentivement ce texte, dont nous donnons l’édition, mais aussi s’en méfier. En effet, il s’agit d’une vision partiale, dans laquelle Marca exagère volontiers les torts de chacun, et surtout ceux de ses adversaires, multipliant les références aux « passions », en appelant aussi aux rumeurs les plus extravagantes. Tout, dans ce texte, revient à la défense d’une théorie simple : le gouvernement de Catalogne va mal car Marca n’a pas été assez écouté… Il reprend d’abord les nombreuses critiques qui avaient été faites contre la Junta patrimonial. Le député ecclésiastique n’avait pas manqué de l’égratigner, elle non plus : selon Marca, parce que le Gouverneur y siégeait et « voyant que les deliberations de cette junta estoient opposées a son mauvais dessein ». Mais, selon lui – rappellons que Marca avait pris la suite d’Argenson et l’habitude de réunir ce conseil en sa demeure – ces critiques étaient biaisées et la Junta n’avait pas de juridiction propre, mais était fort utile, en revanche, pour servir de conseil d’information formé de Catalans à l’usage du « surintendant françois »[173]. Il accuse Plessis-Besançon d’avoir, lors de son retour en Catalogne début 1645, donné du crédit à ces critiques, et de les avoir relayées auprès d’Harcourt, en intensifiant son penchant déjà naturel à détester le Gouverneur. Harcourt voulait désormais « régner seul »… Marca avait beau jeu de défendre ici en bloc une institution qu’il avait reprise en main, alors qu’avant son arrivée, comme nous avons pu le voir dans notre chapitre sur la période 1642-1644, elle avait été responsable, au moins partiellement, d’un véritable sentiment d’inégalité au sein de la noblesse. Avant même de parler de la conspiration, Marca évoque ensuite la « ligue ouverte contre le Gouverneur » qui s’était formée « avec dessein de le ruiner pres de monsieur le Viceroy, et ensuitte a la cour » : il s’agit des gentilshommes qui, présents aux côtés du vice-roi à Guissona, à la faveur de la maladie de Marca, ont réussi à obtenir la promesse de recevoir les biens confisqués. Selon le texte, leur conduite a été hautement machiavélique, comme une association de malfaiteurs ayant chacun son intérêt particulier à faire disparaître leur ennemi et pour lesquels la fin justifie les moyens :
« C’estoit entre le deputé ecclesiastique, monsieur le comte Chabot, don Joseph d’Ardene, et ses amys, les docteurs Martin pere et fils, Cabannes, et Morel. Les motifs et les desseins estoient differens, mais ils concouroient tous à la ruine du Gouverneur. Le deputé s’en vouloit defaire pour executter plus facilement sa trahison ; le comte Chabot pour n’avoir point de contradicteur en sa pretention du marquisat d’Aytone, qu’il sçavoit que lon avoit destiné pour le Gouverneur, et encore pour gratifier le deputé affin qu’il favorise l’execution du don que S.M. luy feroit des biens confisquez. Don Joseph d’Ardene, pour estre appuyé par le comte Chabot en sa pretention et en celle de ses amys sur les biens confisquez, et pour complaire au deputé duquel il estoit devenu bon amy. Cabannes, qui avoit servy autrefois de capitaine de miquelets sous le commendement du Gouverneur, s’estoit declaré son enemy en 1644, à cause qu’il pretendoit que celuy cy empechoit la jouyssance de la baronie de Lagostera qu’il avoit fait demembrer des terres de la maison d’Aytone. Martin hayssoit le gouverneur à cause qu’il avoit bany le capiscol Prexens comme mal affectionné, lequel estoit beaufrere de Martin. Quant à Morel, c’estoit un pauvre prestre que le gouverneur avoit fait employer par monsieur le Marechal de la Motte pour envoyer des espions parmi les enemis, et ensuitte l’avoit fait gratiffier d’une pension de mil escus sur les revenus de l’evesché de Barcelonne, dont il jouyt encore ».
Marca, à la lumière de ses dernières découvertes au sujet des conjurés, voyait donc la question des biens confisqués comme le trait d’union qui réunissait des personnes fidèles, malgré leurs défauts, et de vrais traîtres dont le dessein profond était de faire revenir la Catalogne à Philippe IV. Chacun utilisant l’autre dans un subtil jeu de dominos, avec Margarit pour victime expiatoire. Il est permis de penser que le tableau, même s’il reflète probablement la réalité – les confiscations ayant réellement pourri les relations entre le vice-roi et Marca – est en partie exagéré ; du moins, on peut s’interroger sur la vérité de ce stratagème d’une extrême perversité :
« Ces messieurs, outre la satisfaction qu’ils recevoient de la distribution des biens confisquez, estoient tres ayses de l’injure qu’ils pretendoient estre faite au gouveneur en ce qu’il estoit oublié en cette distribution, et que sa pretention estoit donnée a un autre, esperans mesme qu’il tesmoigneroit son ressentiment par quelque action qui offenseroit monsieur le Viceroy, et l’engageroit a bon escient dans leur party ».
Dans le même registre, Marca montre l’affaire Morell comme un autre stratagème artificiel et perfide afin de pousser Margarit dans ses retranchements. L’affaire des confiscations est si viscérale, que Marca et Margarit, lit-on, sont accusés de les avoir retardées alors que c’est la cour qui avait décidé du retardement ! Résultat : « pour la vengeance de cette injure, on traitoit de faire un bando contre eux, c’est à dire de les faire tuer ». De véritables méthodes de mafieux[174]… Ces accusations, certes plausibles vu l’extrême violence de la période, dans chaque camp – manifestée bientôt par l’exécution et le garrot des conjurés –, ne sont cependant pas relayées dans d’autres documents. Mais Marca frise toujours avec les plus graves accusations, comme quand il insinue que le vice-roi connaissait l’existence, ou cautionnait l’envoi à la cour, pendant l’ambassade de Josep d’Ardena, d’un cahier secret rédigé à l’intention du roi par le docteur Marti, rempli d’accusations contre le Gouverneur. Enfin, il n’avance aucune preuve formelle pour juger de la participation d’Ardena et de Jeroni de Tamarit, mais fait feu de tout bois pour montrer qu’ils doivent être surveillés : Ardena est automatiquement suspect du fait de sa parenté avec Hipolita de Aragón, et qu’il est parti à Paris avec une instruction secrète donnée par le député ecclésiastique ; de plus, le riche marchand Onofre Aquiles lui avait prêté « six mille escus sans profit ». L’argument du lien de parenté suffit toujours à incriminer : « Don Joseph Amat, frere du deputé ecclesiastique, est tenu publiquement pour complice de la conjuration […] parce qu’il est frere de celuy qui en est le chef ». On pourra apporter une réfutation à cette vision simpliste (quoique compréhensible vu l’actualité brûlante et le danger pesant sur Barcelona) : la parenté est essentielle dans les groupes nobiliaires, mais ne détermine pas tout. Elle peut procurer un crédit favorable, explicable par l’endettement chronique des nobles, mais pas forcément des identités politiques : rappelons que le lloctinent del Mestre Racional, Francesc de Tamarit, « motiste » historique et proche de Marca, a épousé Eularia Amat, sœur de Josep et de Gispert Amat ; et pourtant, Marca ne le cite pas dans ce texte alors qu’il a le même lien de parenté que celui qu’a Josep d’Ardena avec Hipolita de Aragón… Enfin, l’écclésiastique Marca n’hésite pas à prendre renfort de rumeurs graveleuses :
« Outre cela, don Hieronimo Tamarit l’amy secret de don Joseph, et son compagnon en toutes les factions, s’estoit rendu le galant de donna Hipolita, et cette femme à l’exemple d’Agrippine dans Tacite, ne se relachoit point aux delices de son sexe que pour la domination ».
Marca envoie aussi un « Procès-verbal de visite »[175] où il s’attache à réfuter toutes les critiques faites contre le Gouverneur dans le libelle envoyé par le député ecclésiastique. Il abandonne définitivement toute l’indulgence et l’attitude conciliatrice qu’il avait tentée vis-à-vis de la noblesse au début de son mandat, niant désormais l’existence d’une troisième catégorie de « malcontents » après les bien affectionnés et les mal affectes. Il attribue la « distinction scrupuleuse qui est au front de ce libelle » à l’artifice du seul député ecclésiastique désireux de rendre Margarit responsable du malcontentement… alors que nous avions vu cette théorie reprise notamment chez le Français Plessis-Besançon ! Désormais, il n’y aura plus que blanc ou noir. Avec le temps, cédant à la paranoïa, Marca abandonnait ses propres illusions : « Le temps a fait voir que ceux que l’on vouloit proteger sous le nom de mescontans estoient des traitres au Roy et a leur patrie, et que leur chef estoit le deputé ecclesiastique ».
Partage des dépouilles des conjurés et déclin du comte d’Harcourt
Les procès des conjurés, dirigés par le vice-roi et auxquels Marca prend une grande part selon Sanabre[176], malgré ses plaintes d’être éloigné et sa méfiance pour le Régent Fontanella, sont rapides et expéditifs. La cour est pour lors satisfaite de la grande dureté avec laquelle la conspiration est réprimée. Aquiles, Amigant et Ferrer sont exécutés, malgré le caractère incomplet de leurs aveux et la possibilité d’en tirer de nouveaux. Les ecclésiastiques sont transférés vers des forteresses : Amat à Salses, l’abbé de Sant Pau à la Trinitat de Rosas… Le coup de filet est de grande ampleur, et coûte la vie à de nombreux chefs de familles importantes ; d’autres, comme Tomàs et Francesc de Sullar, Francesc de Areny, Miquel Joan Granollachs, sont exilés en France. Les volumes des Intrusos renferment de nombreux décrets déclarant ces individus traîtres et criminels de lèse-majesté, et légitimant la confiscation de leurs biens. Le fonds des confiscations, dont les Français craignaient qu’il ne s’éteigne si on le distribuait, se voit brusquement augmenté, et la plus grande diversité sociale des conjurés et de leurs alliés ouvre sur un spectre plus large de patrimoines[177]. Cela donne lieu à une grande avidité et à une volonté du vice-roi de mettre la main dessus. Le 11 avril 1646, il reprend la prescription édictée sous La Mothe[178] de donner un quart des biens meubles appartenant aux traîtres et restés en Catalogne (comme les bijoux cachés) à ceux qui dénonceraient ces biens : ceux qui les tairont devront payer la valeur de la moitié ; la mesure s’appliquera autant aux biens qui ont déjà été confisqués qu’à ceux qui le seront à l’avenir[179]. Il la renforce quelques mois plus tard en y ajoutant une clause ordonnant de dénoncer aussi les débiteurs des patrimoines en question (naturellement plus difficiles à retrouver que les créanciers !) afin que le trésor royal puisse entrer en possession des sommes dues, et en donnant une longue liste de condamnés soupçonnés d’avoir encore des biens inconnus – où les conjurés sont ajoutés à la fin[180]. En janvier 1647, la veuve d’Onofre Aquiles finira par avouer qu’elle possèdait, venant de son mari, deux splendides bijoux pendentifs que la baronne del Albi avait mis en gage chez lui : l’un incrusté de 331 diamants avec au revers une porte pour y insérer un portrait en miniature, l’autre appelé « paradis » de 13 gros diamants sertis… Harcourt ordonne oralement au trésorier Bru de les faire saisir et de les lui remettre ; quelques jours plus tard, le trésorier lui demande de faire un acte officiel afin de le décharger de la responsabilité[181]. Le goût d’Harcourt pour les bijoux se rapproche étrangement de celui du maréchal de La Mothe qui avait semblablement fait saisir ceux de la duchesse de Cardona[182]… goût peut-être augmenté, cependant, par le non-paiement, pour l’un et pour l’autre, de leurs gages de vice-roi.
Comme il avait résolu, peu avant la découverte de la conspiration, de fragmenter en faveur de certaines personnes les patrimoines disponibles, Harcourt décide de faire plusieurs lots avec ceux qui viennent d’être confisqués aux conjurés, et, là encore, en donne la jouissance aux gens de son choix sans passer par un acte royal. Le 12 avril 1646 il fait don à Francesc de Cabanyes, en pleine propriété, de plusieurs maisons situées à Barcelona, dans le carrer d’en Jutge[183], et qui appartenaient à Baltasar de Cárcer, arrêté le même jour qu’Onofre Aquiles. L’acte précise même que le roi lui avait fait auparavant le don d’une autre maison saisie à un exilé plus ancien, Garau de Guardiola[184], mais qu’entre temps le vice-roi en avait disposé autrement ! on entendait ainsi le dédommager… Le même jour, un autre bout du patrimoine Cárcer est attribué, à un Français, Guillaume Parmentier de Grandville, commissaire de l’artillerie : il s’agit de l’usufruit de la tour et des terres que Cárcer possédait à Horta et à Sant Andreu de Palomar[185]. Les brigues pour obtenir les dépouilles sont nombreuses. Nous ne citerons que l’une d’entre elles, à la fois pour l’intérêt de l’exemple, mais aussi parce qu’elle a été soutenue par Marca. Joan Josep de Amigant, l’un des premiers conjurés appréhendés, celui qui avait dénoncé Ferrer et Aquiles, est exécuté par garrot le 14 avril 1646[186], avec l’interdiction de faire un testament et sans droit à une sépulture chrétienne[187]. A peine une quinzaine de jours après, les Jésuites de Manresa se rendent auprès de Marca afin de lui demander les biens qu’Amigant possédait dans cette ville, notamment sa maison : elle leur est chère, disent-ils, car leur fondateur, Ignace de Loyola, avait fait sa pénitence dans une grotte voisine « où il forma le dessein des exercices spirituels, dont ces bons peres font un si grand estat qu’ils disent que l’idée luy en fut donnée par revelation lors qu’il estoit en ses extases, quoy que les religieux de Montserrat asseurent qu’il aprit la pratique de ces exercices dans leur couvent […] Ils adjoustent une consideration de bienseance, sçavoir que sieur Ignace estant tombé malade pendant le travail de ses exercices fut traicté et recouvra la santé dans une chambre de la maison d’Amigant ». Le fait, quoiqu’accrédité par des travaux plus récents[188], arrange bien les religieux, d’autant que, précisent-ils, la maison ne vaut que 1500 livres et que le père Magin, qui a servi « pour disposer Onofre Aquilles a descouvrir les chefs de la conjuration, lesquels il cachoit parmi les efforts de la torture », était un jésuite[189]… Après que Marca en ait touché mot à Le Tellier, la reine consent à leur donner la très symbolique maison d’Amigant, mais leur refuse les autres biens du condamné[190]. Selon Marca, Amigant, approchant de la mort, avait déclaré qu’il avait accusé faussement Ferrer en croyant sauver sa vie : Marca écrit à Le Tellier afin de faire gratifier le père de Ferrer, sa veuve et ses enfants, de ce qu’il restait de ses biens, soit 200 écus… à défaut de pouvoir récupérer leur parent exécuté[191]…
Durant les mois qui suivent la découverte de la conspiration, Harcourt veut continuer sa politique de gratification sans rien y altérer, alors que, progressivement, ses agissements deviennent suspects. Il continue à laisser une marge de manoeuvre à ses fidèles Moirous et Morell, qui servent largement la politique voulue par leur maître : faire l’autruche sur la question des confiscations et temporiser face à Marca… alors même que le roi a expressément ordonné que ce dernier dirige les affaires politiques en l’absence du vice-roi[192] : « Le sieur Moirous retarde à me remettre en main l’estat de tous les biens confisquez, et la distribution que monsieur le viceroy a faite de plusieurs membres, sans men donner aucune connoissance depuis le premier departement qu’il a fait aux six, dont vous estes informé. Ce qui m’a empesché de vous envoyer avis sur cette matiere, mais j’y travailleray avec soin apres que j’auray descouvert toutes les gratifications particulieres qui ont esté faites, dont je ne suis averty que par les plaintes de ceux a qui elles ne plaisent pas… »[193] Peu après, Marca découvre avec stupeur que le vice-roi a donné quelques jours avant son départ la jouissance de la vicomté de Canet (valant plus de 2000 écus de revenu) au Régent Fontanella[194], sur lequel lui-même apportait tant de réserves pour les efforts qu’il avait mis en œuvre afin de sauver Amigant, son ami et parent ; ainsi que les donations à Aubigny et à Chabot, malgré les ordres exprès du roi de ne pas gratifier des Français : « Il ne faut point esperer un avis concerté entre monsieur le viceroy et moy touchant le don des biens confisquez. Il en dispose seul, et donne la iouyssance a ceu qu’il luy plaist »[195]. Le système perdurera jusqu’au départ d’Harcourt[196]. Le printemps revenu, Harcourt est prié par Mazarin de tenter quelque action contre les Espagnols, qui avaient profité de son occupation à châtier le complot pour s’installer dans plusieurs zones du Campo de Tarragona et pour prendre les forts d’Escornalbou et de Termens. Aux premiers jours de mai, le vice-roi se porte donc sur le front de Lleida pour contenir les incursions ennemies vers Balaguer, réussissant à couper les communications de la ville avec l’Aragon. L’encerclement de Lleida, que Mazarin désire fortement reprendre, est confié à la direction du lieutenant de Couvonges, de Chabot et du général de cavalerie Saint-Aunez, à la tête de 20000 hommes[197].
Cependant, les plaintes de Marca commencent à avoir un effet à la cour, et la position d’Harcourt s’affaiblit progressivement. En même temps, Marca reprend pied en son absence, rassemblant chez lui deux fois par semaine le chancelier, le Gouverneur, trois docteurs de l’Audience et le lloctinent del Mestre Racional afin de parler des affaires[198]. Comme l’explique Daniel Aznar, « la dureté avec laquelle Harcourt va punir les conspirateurs ne va pas le délivrer du discrédit à la cour. Le fait que l’un des objectifs premiers des conjurés fût l’élimination de Margarit va renforcer la posture du Gouverneur, ses ennemis étant les mêmes que ceux du roi. Mazarin va éviter à Ardena la disgrâce publique, mais il était évident que le parti de Margarit en sortait gagnant. »[199] Ainsi, Mazarin[200] et Le Tellier[201] écrivent personnellement à Margarit pour lui réitérer la confiance qu’ils portent en lui, et lui dire qu’il est avantageux d’avoir été accusé par les complices de la conjuration. La grande affaire de l’ambassade de Josep d’Ardena à Paris, la délivrance au roi d’un mémoire rédigé par le député Amat dénonçant les agissements de Margarit et de Marca et demandant leur révocation (dont Marca attribue la volonté à Harcourt même[202]), tourne finalement largement à l’avantage de ces derniers : on ne fera rien contre les intérêts de ceux à qui on a voulu nuire. En revanche, l’avis de Marca d’écarter tout don sur les biens confisqués à Chabot est entièrement approuvé, et Le Tellier ordonne expressément qu’on le gratifie sur un autre fonds[203]. Après s’être vu blâmé devant la reine, en plein Conseil, d’avoir éloigné Marca du jugement de la conjuration et d’avoir eu un « maltalent » avec lui au sujet de l’affaire Morell[204], Harcourt reçoit une lettre missive du roi lui disant sur un ton de reproche qu’il aurait souhaité, avant de laisser Ardena repartir en Catalogne, « avoir un eclaircissement entier des choses dont vous avés veu par les lettres du Sr Le Tellier, Secretaire d’Estat, que l’on estoit en difficulté sur l’expedition du don que j’ay trouvé bon de luy faire du vicomté d’Illes avec creation d’icelluy en comté. » Il se voit aussi vivement ordonner, une nouvelle fois, d’envoyer le fameux état des biens confisqués, et interdire de les distribuer en dehors d’assignations faites sur les recettes confiées au « séquestre général » (Sangenís)[205]… Ardena avait de part et d’autre accumulé les soupçons contre lui pendant son séjour parisien : en plus d’être le beau-frère de la baronne del Albi et l’ami de plusieurs conjurés, en plus du mémoire contre Margarit et Marca, il venait de se voir désavoué par les Consistoires pour ses agissements avec Mazarin, auprès duquel il avait accepté l’idée d’une trêve pour la Catalogne entre la France et l’Espagne, contrairement à ses instructions de départ[206]. Mais la volonté de Mazarin était de ne pas l’enfoncer davantage, et dans la même lettre missive du roi, Ardena se voyait assuré malgré tout de l’expédition de ses lettres patentes (avec les réserves voulues par Marca), avec lesquelles il devait revenir en Catalogne[207], ainsi que de la satisfaction du roi à son égard[208].
A la fin du mois de mai, Harcourt se trouve affaibli sur le champ de bataille devant Lleida, par plusieurs sorties du maréchal espagnol Brito, qui parviennent à dérouter les soldats des tranchées. Chabot trouve la mort au cours de l’un de ces affrontements, le 22 mai 1646. Au même moment, le vice-roi reçoit un terrible mémoire du roi lui disant qu’il est douteux du succès du siège, que les Espagnols supportent bien un siège par la faim, et que les hautes températures détruiraient l’armée et la cavalerie ! Selon Sanabre, Mazarin se désintéressait du front catalan au profit de l’Italie, où il essayait de fomenter la révolte de Naples contre les Espagnols[209]. Dans ce climat défavorable, le vice-roi tente un timide rapprochement avec Marca : il lui fait dire par Moirous qu’il lui promet son amitié, et il l’autorise à commencer une ébauche de mémoire sur la répartition des biens confisqués. Au même moment, Marca saisit l’occasion de cette nouvelle bonne humeur pour aider Margarit. Depuis plusieurs mois, le Gouverneur avait le projet de marier sa fille à Josep de Pinós, un des plus illustres gentilshommes catalans qui se trouvait exilé à Gênes depuis les grandes expulsions de La Mothe en 1643. Marca écrit à Le Tellier pour qu’il insiste auprès du vice-roi afin d’accorder à Margarit un passeport pour Pinós, qu’il avait déjà refusé à plusieurs reprises[210], ce que fait Le Tellier, en insistant pour qu’Harcourt expédie lui-même le document afin que Margarit lui soit obligé[211]. Dans la même lettre, le ministre tente d’aplanir les choses et explique qu’il ne croit pas que les poursuites dont Ardena et le docteur Marti, envoyé à sa suite comme ambassadeur, sont victimes de la part des Consistoires pour ne pas avoir respecté leurs instructions, ont été diligentées par le Gouverneur, comme Harcourt le publie. Il pousse Marca, qui n’apprécie ni Ardena ni Marti, à tout faire pour que ce dernier ne perde pas sa charge d’avocat fiscal de la Batllia General[212]. Mais les mauvais penchants reprennent vite le pas : Marca répugne à appliquer ces ordres, et n’empêche pas que le Conseil des Cent révoque Marti. De son côté, Harcout ne donne toujours pas le passeport au Gouverneur ; plus encore, il l’envoie à Vilafranca del Panadés, à l’Ouest de Barcelona, alors que le centre des combats se trouve à Lleida[213]… Quant aux biens confisqués, devant la totale inapplication des ordres, après avoir tout essayé, la patience de Le Tellier atteint ses limites, et il laisse enfin éclater sa colère contre le vice-roi, lui faisant voir qu’il n’est pas dupe et qu’il interprète son silence comme une claire volonté de faire sa propre distribution :
« Si ceux qui gardent les lettres qui vous sont escrites eussent pris soin de vous representer celle du roy qui vous fust envoyée le VIIIe juillet de l’année derniere, et celle que je me donnay l’honneur de vous escrire le XXIIe aoust ensuivant, dont je vous envoye les coppies, sur le subiect des biens confisques en Catalongne, je m’asseure que vous n’auriez point trouvé occasion de vous estonner de ce que Sa Majesté vous escrit par celle du XVIIIe may dernier qu’elle n’entend pas qu’aucun prenne la possession ny la jouissance des biens confisquez, si ce n’est apres en avoir eu les lettres pattentes de Sa Majesté ; et quand ladicte despesche du VIIIe juillet de l’année derniere et ce que j’euz l’honneur de vous escrire au mois d’aoust ensuivant auroit pû estre interpretté au sens que vous luy avez donné, ce n’auroit pû estre qu’a lesgard des quatre personnes denommées au memoire, que vous anvoyastes alors, et non pour tous ceux ausquels, indifferemment, vous avez depuis expedie des ordres. Que si cette distribution s’est faite avec la participation de Monsieur de Marca, il ne se sçauroit excuser d’avoir directement contrevenu aux ordres qui luy ont esté envoyez de la part du roy, conformes a ceux que vous avez receus sur ce subiect, par lesquels il paroist clairement ainsy qu’il est dit cy dessus que Sa majesté n’a pas entendu qu’aucune personne fust mise en possession des biens confisquez, si ce n’est en vertu de ses lettres patentes, qui doibvent estre expediees ensuitte de l’estat general quelle vous a plusieurs mandé de luy envoyer de tous lesdicts biens confisquez et des personnes qui meritent d’en estre gratiffiées. Mais bien qu’elle trouvoit bon que, des deniers provenans du revenu d’iceux, il fust donné aux personnes denommées audit memoire particulier que vous avez envoyé la valleur en argent des revenus des biens dont vous proposiez qu’ilz fussent gratiffiez, à toucher par les mains du receveur ou sequestre d’iceux – et vous jugerez bien, Monseigneur, qu’il n’y a pas de difference en cette matiere entre la possession, a la proprietté –, et qu’il semble que ceux qui vous ont surpris en l’expedition de ces ordres, n’en ont inventé la distinction que pour avoir moyen de favoriser quelques particuliers Catalans sans la participation de Sa Majesté, contre la teneur de l’instruction qui vous a esté donnée a vostre depart et des despesches qui vous ont esté depuis adressées sur ce subject, mesme de ce qui s’est touiours praticqué dans la province aussy bien depuis sa soubmission a cette couronne que pendant le temps qu’elle a esté soubz la domination du Roy Catholicque ; aussy est-ce ce qui a donné subject a la dicte depesche de sa Majesté du XVIIIe may dernier, à l’execution de laquelle vous debvez s’il vous plaist tenir exactement la main, et cependant envoyer l’estat general des biens confisqués, en la forme qu’il vous a esté demandé, afin que Sa majesté puisse mettre la derniere main a cette affaire, qui dure trop long temps pour la satisfaction de ceux qui ont merité des recompenses de cette nature pour les services qu’ils ont rendus a Sa Majesté et l’affection, qu’ils ont monstrée pour le bien de leur patrie »[214].
La mise au point était claire, nette, sans interprétation possible : le vice-roi avait certes gratifié des gens, mais cette distribution ne satisfaisait pas la reine car elle s’était faite sans sa participation, par l’incompréhensible détournement d’un pouvoir régalien ; et qu’elle se situait de ce fait hors du domaine du droit, étant illégitimes.
Ce dernier coup de semonce clôt une longue série, et constitue une étape notable dans l’évolution de la perception par la cour de l’attitude du comte d’Harcourt. Une nouvelle fois, la situation est devenue intenable, et les tensions sont prêtes à éclater, alors qu’au début du mois d’août l’armée espagnole commence à parcourir le Campo de Tarragona, le Panadés, la Conca de Barberá, en semant la terreur sur son passage[215]. En dernier recours, le comte de Noailles, capitaine des gardes de Mazarin et gouveneur de Perpignan, est envoyé de toute urgence à Barcelona afin d’accommoder Marca et Margarit avec le comte d’Harcourt : selon ses instructions, Noailles devait défendre la thèse selon laquelle les ennemis de Margarit s’étaient servis de l’occasion des représailles contre Ardena et Marti pour montrer à Harcourt qu’on voulait faire obstacle à ses volontés ; il devait faire se réunir le Gouverneur et Marca chez le vice-roi afin d’obtenir des promesses mutuelles[216]. Mais Harcourt se trouve de plus en plus affaibli sur le champ de bataille, face aux désertions et aux maladies. Il est en position délicate avec les Consistoires au bord de la subversion à cause de l’idée, de plus en plus prégnante, que le roi va consentir une trêve à l’Espagne – ce qui baisse, pour eux, l’intérêt de combattre pour la France et de soutenir le siège de Lleida. Sur les instances de Noailles, il consent alors à donner le fameux passeport pour Pinós à Josep de Margarit[217].
Mais ce revirement trop tardif n’empêche pas la suite tragique des évènements de précipiter le désaveu du vice-roi. Le 29 septembre, l’armée espagnole commandée par le marquis de Leganés, composée de 1200 soldats et de 3800 cavaliers, traverse le Segre au sud de Lleida, et atteint Tàrrega et Pons, coupant les Français de leur approvisionnement. Le roi ordonne alors que la majorité des troupes stationnées à Casal et sur les côtes de Toscane se dirigent vers la Catalogne. Toutefois, les 21 et 22 novembre, les Espagnols, feignant de se porter du côté de Flix, fondent sur une armée démoralisée et décimée. Ils prennent un fortin que les Français avaient réussi à lever. Les troupes françaises se débandent alors vers Cervera. Tous les maréchaux de camp sont tués dans cette opération, Français comme Catalans : Couvonges, Jeroni de Tamarit… Ardena est grièvement blessé[218]. Le bruit court dès lors que la garnison du fort aurait convenu de son abandon aux Espagnols, ou que les officiers auraient été trop peu zélés, ce dont Harcourt se plaint hautement. Le roi dépêche alors Nicolas Fouquet sur les lieux pour faire une enquête afin de déterminer les torts de chacun – en fait, pour mettre au clair les soupçons qu’on a contre le vice-roi[219]. A la mi-décembre, Harcourt, vaincu, rentre à Barcelona où il est la cible d’une terrible campagne de propagande, alimentée par Marca qui dit publiquement qu’il mériterait le sort de La Mothe[220]. Il doit faire face à la vindicte des Consistoires, remontés à bloc par la perspective de la trêve, qu’ils refusent catégoriquement… Lorsque Fouquet arrive sur les lieux, il procède à une dure répression : en janvier 1647 il fait arrêter plusieurs grands officiers comme La Baume, La Trousse, Rebé et Mérinville[221]. On envoie hors de Catalogne le docteur Morell, honni pour son amitié avec Harcourt, qui risque à tout moment d’être assassiné[222]. Au cours du mois de février, Harcourt ayant demandé de s’en retourner à Paris pour se justifier, la reine décide de le relever de ses fonctions de vice-roi et de nommer à se place le jeune prince de Condé ; nouvelle qui est reçue en Catalogne avec un enthousiasme extraordinaire. En disant au revoir d’une main à Harcourt, qu’il n’avait décidément jamais pu supporter, Marca écrivait de l’autre à Le Tellier qu’à l’occasion de l’arrivée du Prince, il était impératif que tous les dons de biens confisqués et de séquestres faits par le précédent titulaire, séculiers comme ecclésiastiques, soient révoqués : « les abus sont sy grands que le tout requiert une reformation generale. Et la seule esperance de la voir faite donne quelque satisfaction aux esprits de plusieurs. Ce que je dis en secret. (…) Et de plus il faut prendre garde que M. du Plessis Besançon ne trouble avec ses avis le gouvernement comme il a fait celuy de M. le comte d’Harcourt… »[223]. Le lendemain, le 27, ce dernier s’était éclipsé. Marca n’allait pas renoncer de sitôt à la place que la faveur jamais démentie de Mazarin et de Michel Le Tellier lui permettaient d’espérer, ne souffrant plus aucune concurrence. Le résultat de ces deux ans de vice-royauté fut que, d’aucune manière, les Catalans ne purent se sentir durablement gratifiés, le changement final de gouvernement menaçant de tout remettre à plat, et la distribution attendue n’ayant pas eu lieu de façon digne.
3. Condé et le premier interrègne de Pierre de Marca
Monsieur le Prince : un espoir éphémère
La Catalogne se trouvait donc pourvue, pour la quatrième fois depuis sa soumission à la France, d’un nouveau vice-roi, nommé comme les autres dans des circonstances pressantes et dramatiques. Louis II de Bourbon-Condé, choisi pour cette charge au début de l’année 1647, bénéficiait cependant d’un relief que n’avait aucun des autres titulaires : depuis la mort de son père en décembre 1646, il était en effet prince de Condé, chef de sa branche, premier prince du sang et troisième héritier de la couronne après le duc d’Anjou et Gaston d’Orléans. Cette nomination avait plusieurs motivations de divers ordres, plus ou moins officiels, qui allaient fortement jouer sur sa réception et sur son action : premièrement, il s’agissait de montrer aux Catalans que les souverains ne se désintéressaient pas de la province, et qu’ils n’avaient pas, contrairement aux rumeurs qui couraient, l’intention d’échanger la Catalogne avec les Pays-Bas. L’envoi du premier prince du sang, également auréolé de ses victoires contre les Espagnols comme Rocroi, devait être preuve d’attachement, et aussi d’une forte volonté de redresser les armes royales en Catalogne, entâchées par la récente disgrâce de Lleida. Aznar explique aussi que l’immense fortune de Condé devait assurer le paiement rapide des dépenses à faire en Catalogne, dans une période où les caisses royales étaient vides. Mais il semble qu’une motivation décisive de Mazarin pour envoyer Condé en Catalogne fut de l’éloigner de la cour, alors qu’il semblait tout désigné pour s’unir à son oncle Gaston d’Orléans à la faveur de l’opposition parlementaire montante ; Mazarin essayait depuis plusieurs mois de le brider en lui refusant le titre d’amiral de France et en faisant obstacle aux faveurs qu’il demandait pour ses clients[224]. La nomination d’un tel personnage sembla d’abord produire l’effet escompté : Marca prononça devant les Consistoires un discours solennel où il représenta cette version officielle, et où il réussit à faire accepter la différence si controversée, qui commençait à être envisagée par les plénipotentiaires de Münster, entre le Roussillon que la France garderait en pleine propriété et le reste du Principat qui bénéficierait seulement d’une longue trêve. Il protestait que la Catalogne trouverait ainsi la paix à laquelle elle aspirait. Son allocution fit grande impression et dissipa momentanément les méfiances nées sous le comte d’Harcourt. En conséquence de l’enquête de Fouquet et afin de donner au prince de nouveaux collaborateurs, l’équipe des chefs militaires est également remaniée : les généraux Marchin, Gramont et Châtillon sont envoyés en Catalogne.
Condé, dans la surprise générale, décide de quitter rapidement la cour : parti à la fin de mars 1647, il arrive à Perpignan la première semaine d’avril, où il se voit escorté par les membres du Consell Reial, puis par les représentants de la ville de Barcelona, jusqu’à son arrivée sur place le 11. Après avoir prêté serment dans la cathédrale, il est salué par une salve de coups de canons, il inspecte les murailles avec Gramont et Châtillon, fait défiler les 400 soldats de sa garde personnelle. Les Catalans sont enivrés par tant de faste, et flattés par l’importance du personnage[225]. Les instructions délivrées à Condé, bien qu’elles soient essentiellement d’ordre militaire – car les affaires politiques y sont clairement confiées à Marca –, font beaucoup penser à celles qui avaient été données à Harcourt : il faudra éteindre les querelles survenues entre les principaux de la province, ménager Margarit mais aussi Ardena, notamment pour sa récente distinction à Lleida, surveiller le clergé dans ses agissements et l’empêcher de nuire, faire que les séquestres religieux ne soient pas le prétexte à des abus, veiller à ce que l’armée ne perpétue pas les siens lors des logements chez l’habitant[226]. Mais, cette fois, Condé devra particulièrement tirer parti de sa condition afin d’inciter les Catalans à la concorde. Marca, qui avait précédé l’arrivée du prince en envoyant à la cour un « Mémoire sur le conseil que doit prendre le viceroi pour bien gouverner »[227], plaidant la nécessité de réunir ce fameux conseil – dominé largement par lui –, aura la chance de trouver en Condé l’accueil favorable qu’il n’avait jamais trouvé chez ses prédécesseurs. Dès son arrivée, il l’assure qu’il suivra ses conseils, et réunit effectivement ce conseil deux fois par semaines. La première action politique de Condé est de convoquer Josep d’Ardena pour lui expliquer la nécessité de se réconcilier avec son ennemi. Ardena acquiesce au discours du prince, et lui fait la promesse d’y travailler[228].
En ce qui concerne les confiscations et les querelles de faveurs, Condé apparaît comme un potentiel sauveur, et un espoir pour tout un chacun d’être entendu et soutenu : poids considérable qui repose sur ses épaules. Il doit d’abord réparer les bévues commises sous la vice-royauté précédente ; d’eux d’entre elles paraissent particulièrement sensibles et difficiles à rattraper : la première est l’affaire de Cabanyes, ancienne et apparemment sans fin, sur laquelle venait de survenir un nouveau rebondissement. Ayant obtenu des lettres patentes de la cour lui donnant la baronnie de Caldes de Malavella et de Llagostera, n’ayant jamais pu en prendre possession à cause de l’opposition du Gouverneur Margarit, Francesc de Cabanyes était évidemment revenu en faveur sous le comte d’Harcourt qui cherchait tous les moyens pour froisser Margarit : selon sa méthode habituelle, il lui avait permis de jouir de l’usufruit. Mais entre-temps, la cour était revenue sur l’ancienne gratification et faisait tout, en sous-main, pour que la grâce ne soit jamais exécutée. Dans les derniers jours d’Harcourt, « il a eté fait une tres grande surprise pour le regard des lettres accordées cy devant a Cabagnes » : alors que ce dernier semblait s’accommoder du seul usufruit – ayant même consenti que les baronnies soient grevées d’une pension en faveur d’un nommé Francolí[229] –, il fait brusquement enregistrer les lettres de don de 1644… au cours du mois d’avril 1647[230] ! « M. le Comte d’Harcourt quatre jours avant son depart resolut avec mon avis qu’on ne luy bailleroit point le visa de ses lettres jusqu’a ce qu’il eust obtenu les lettres de declaration. Cependant deux jours apres M. le Regent visa les lettres, et ensuite Cabagnes leva l’executoire de la Bailie generale, et s’est fait mettre en possession »[231]. A l’arrivée de Condé, Cabanyes était donc en possession de la baronnie donnée par lettres royales mais que l’autorité royale même désavouait… Situation épineuse et quasi insoluble, dont Le Tellier confie le règlement au prince[232]… et que ce dernier réussit à temporiser en assurant Cabanyes du paiement (sur les revenus du duché de Cardona) d’une vieille pension qu’il avait obtenue avant les baronnies sans jamais avoir pu la percevoir, en le faisant une nouvelle fois consentir au versement de la pension à Francolí, mais, in fine, en ne lui contestant pas la possession effective de Caldes et Llagostera[233]… Exemple précis qui montre la difficulté de mise en application de la (fausse) bonne idée, conçue par Marca, de grever les dons de pensions.
Une deuxième affaire sensible est celle de la récente prétention du Régent Fontanella sur la vicomté de Canet, qu’Harcourt avait réveillée en lui faisant la donation de l’usufruit, là aussi sans consulter le roi. Pendant son voyage vers la Catalogne, Condé était prévenu par Le Tellier que, dès son arrivée, il serait assailli des demandes du Régent afin d’obtenir la véritable possession de cette vicomté, « qui est le bien dont on voulloit le moins disposer, ayant mesme esté refusé a monsieur le maréchal de Turenne, lorsque le feu roy estoit dans le Roussillon au siege de Perpignan » ; il faudrait lui opposer un refus catégorique[234]. Quelques jours après, Mazarin s’en expliquait sans ambages à Condé :
« Je mets dans le nombre (des gens à considérer) le Regent Fontanella qui est habile homme et à qui sa charge donne grande auctorité dans la province. Il est adroict et sans doute s’estudiera de vous plaire, mais en l’accueillant il ne sera que bon sans faire semblant de rien d’avoir l’oeil de pres a ses actions qui n’ont pas tousjours donné un entier sujet de s’y bien asseurer »[235].
Le cardinal faisait évidemment référence aux soupçons d’intelligence avec l’ennemi que Fontanella s’était attirés durant son voyage à Münster ; plus loin, il précisait au prince que, derrière la couverture d’un simple regret du comte d’Harcourt, manifestée par ses anciens partisans, se cachait peut-être en réalité une affinité castillane. Entre-temps, Mazarin avait pris la décision de réunir la vicomté au domaine royal, afin de couper court à toute prétention et d’empêcher Fontanella de se plaindre : une nouvelle fois, Condé devait s’occuper sur place d’arrondir les angles. Mais le Régent, croyant pouvoir se passer de l’intervention du vice-roi, continuait à écrire directement à Mazarin pour avancer ses propres intérêts, en se présentant comme sa créature et son serviteur le plus fidèle. Visiblement froissé par le projet de réunion de la vicomté, il tentait, usant d’une rhétorique très curieuse, de justifier sa demande sans pour autant contester la décision de son « patron » :
« Au sujet de ce que Votre Eminence a eu l’honneur de m’écrire touchant la vicomté de Canet, je dirai seulement à Votre Eminence que mon intention n’a jamais été que de servir Sa Majesté sans avoir un autre but que le service de mon roi [sic], auquel doivent satisfaire tous ceux qui se prétendent ses fidèles vassaux ; quand le comte d’Harcourt, pour rémunération des dépenses que je faisais pendant la campagne, m’en donna les fruits, il me donna quelque espoir d’en briguer la propriété ; j’ignorais alors l’intention de Sa Majesté, que Votre Eminence m’explique dans sa lettre ; et que comme on avait donné la propriété de Caldes et Llagostera à Cabanyes, celle de Peramola à Caramany, et celle du comté d’Ille en Roussillon à Josep d’Ardena, je ne pensai pas qu’il pût en être autrement de Canet »[236].
Une nouvelle fois, on agitait l’argument imparable de l’égalité à tenir entre les grands serviteurs… d’autant plus puissant que la cour disait officiellement attendre le fameux mémoire afin de commencer la distribution, tout en laissant passer des dons effectifs… Cependant, on sent clairement le Régent en position de faiblesse : dans son dernier courrier, semble-t-il, il avait estimé les revenus annuels de la vicomté à 1500 livres, sans préciser exactement s’il s’agissait de livres catalanes ou livres françaises. Or, cette imprécision – entretenue entre 1642 et 1644, notamment dans les différents mémoires envoyés à la cour, comme nous l’avons vu –, devenait désormais inacceptable, Marca ayant tiré la sonnette d’alarme. En effet, la livre française ayant une valeur beaucoup plus faible que la livre barcelonaise (Marca, répondant à une demande pressante de Le Tellier, estimera fin juillet 1647 que 1000 livres barcelonaises valent 2500 livres tournois[237]), de telles estimations avantageaient clairement les bénéficiaires des gratifications. Fontanella, dans la même lettre, finissait donc par avouer que l’estimation de 1500 livres était bien en livres barcelonaises, et se défendait de tout mauvais procédé : « je ne voudrais pas qu’à un seul moment Votre Eminence puisse croire que j’avais dissimulé la vérité »… Il avait frôlé d’un cheveu un incident diplomatique. Mazarin, usant de toute son habileté, répondait à Fontanella en lui demandant d’envoyer lui-même un état des confiscations dans leur valeur réelle[238] afin de pouvoir le gratifier raisonnablement : « quoy que je ne vous promette pas precisement ce bien cy ou celuy la, vous ne devez pas laisser neantmoins d’estre asseuré que je m’employeray avec joye pour vous en procurer quelqu’un »… Demande à laquelle le Régent finit par se dérober courtoisement[239], se résignant pour l’heure à sa relative faiblesse. Il avait désormais perdu toute la confiance de Marca qui ne cessait de le desservir auprès de Condé.
L’autre grand espoir reposant sur le prince est la réalisation, avec la collaboration de Marca, de ce fameux mémoire, jamais envoyé par Harcourt, pour informer le roi sur la consistance exacte des biens et sur les potentiels bénéficiaires. Peu avant de repartir en campagne, Condé fait savoir à Marca qu’il souhaite régler rapidement cette affaire, et s’en remet à lui. Heureux de se voir ainsi considéré, le visiteur général rend rapidement le document préparé depuis des mois, qu’il envoie à Le Tellier dans les premiers jours de mai. Par la même occasion, le prince signifie son avis au roi. Et, fait remarquable, pour la première fois les souhaits d’un vice-roi concordent parfaitement avec ceux de Marca : il demande la révocation de toutes les gratifications des vice-rois précédents, afin de remédier aux nombreux désordres. Malheureusement, nous n’avons pas retrouvé la trace de ce mémoire fondamental, mais, grâce au commentaire qu’en fait son propre auteur, on peut en mesurer les grands traits et les enjeux :
« On a fait des dons excessifs a quelques uns, et on n’avoit donné quoy que ce soit a d’autres qui le meritent. Il est vray que l’on tombe dans cette incommodité par la revocation que l’on offencera quelqu’un de ceux qui ont esté pourveus, mais on contentera un plus grand nombre, et apres tout on fera justice.
Par l’estat qu’on dressé on donne la satisfaction a plusieurs qui eussent esté contens du peu qu’on leur distribue, s’ils n’eussent esperé des recompenses sans mesure a l’exemple de ce que l’on faisoit pour autres, qu’ils pensoient estre inferieurs a leur merite.
J’envoye les estats des biens confisquez suivant la distinction des deux receptes qu’il y a, dont chacun des estats est au long et en sommaire.
Il y a de plus un estat des personnes qui ont bien servy avec la taxe de la pension qui leur peut estre donnée. Tous ne sont pas compris dans cet estat, et plusieurs meritent plus qu’on ne leur donne, mais il a falu proportionner les pensions au fonds qu’il y a »[240].
Il semble que, dans ce mémoire, figuraient « la distinction des deux receptes qu’il y a », c’est-à-dire le fonds des biens confié à Francesc Sangenís, et celui confié au trésorier Jaume Bru. Au printemps 1647, la cour recevait donc pour la première fois des données précises sur une organisation en place depuis… 1643. En partant de ces bonnes bases, une solution paraissait désormais possible. Alors que, pour reprendre les mots du duc d’Aumale, « l’ordre et la paix intérieure semblent rétablis »[241], Le Tellier répond le 10 juin qu’il a bien reçu le mémoire, dont il prendra compte dans les prochaines expéditions : « vous recongnoistrez que l’advis de Monseigneur et le vostre auront esté suivis »[242]… Il ne manquait plus au prince que de remporter une nouvelle victoire digne de ce nom afin de compléter le tableau.
Condé a alors pour principal souci d’assurer les meilleurs préparatifs aux opérations militaires pour lesquelles il a été envoyé en Catalogne. La sensibilité de la situation venait du manque de soldats et de matériel, malgré un nombre important d’officiers, ajouté à la difficulté des chemins pour acheminer les vivres et les équipements. Dans ces circonstances, les querelles d’honneur – si liées à la question des récompenses, on le sait – se déchaînent et se posent avec une violence encore inégalée. Fin avril, 12000 recrues des régiments de la maison de Condé accostent à Barcelona ; Condé travaille à l’Etat major avec son intendant Champlâtreux et le maréchal de bataille La Vallière[243]. Il décide de donner un coup décisif à la réformation du bataillon catalan, connu pour son insuffisance et sa participation quasi anecdotique aux opérations militaires, et ordonne de réunir à Perpignan la Junta del Batalló, le conseil des officiers du bataillon chargé de la nomination des nouveaux mestres de camp et sergents-majors avec l’avis du vice-roi. Mais une fraction d’officiers opposée à Margarit et proche d’Ardena décide alors de se réunir la veille afin de placer leurs propres candidats : ils nomment pour mestre de camp Mostaros, « neveu du beau frere de monsieur le Regent, et grand amy du beau frere de don Joseph d’Ardenne », et pour sergent-major « le capitaine Marti du même party, afin d’estre puissans dans l’infanterie dont les officiers ne s’accommodent pas bien avec eux. » Le prince répond à cet affront en ordonnant de suspendre les décisions, mais les officiers menacent de porter l’affaire aux Consistoires, où l’on parle déjà de violation des privilèges de la province… Les blessures de l’honneur se réveillent alors et éclatent au grand jour, donnant lieu au premier duel de Catalans depuis la soumission à la France : Mostaros provoque « trois a trois » Josep de Tord[244], mestre de camp régulier et proche du clan du Gouverneur. Cette nouvelle injure a pour résultat de courroucer Condé, qui casse définitivement Mostaros pour le punir et décide de laisser sa place vacante[245] ; parallèlement, Magarit obtient l’autorisation d’organiser quatre compagnies de soldats[246]. Le prince et Marca craignent aussi les suites de l’affaire de Josep Amat. Ce dernier avait obtenu d’Harcourt le don des baronnies de Baga, Pinós et Mataplana, mais restait hautement suspect à Marca pour être le frère de Gispert Amat, chef de la conspiration de 1645 : en avril, le visiteur général réussissait à lui faire expédier une expulsion sous la forme d’une convocation à la cour[247]. L’attitude d’Amat ne faisait que confirmer les soupçons, et jetait aussi un doute nocif à la veille de la campagne :
« Monseigneur le Prince m’ayant envoié la lettre du roy pour dom Joseph Amat, j’assemblay messieurs le Chancelier, Gouverneur, Queralt et dom Philippe Copons, qui trouverent apropos deux choses, l’une que Son Altesse apelât au camp cet Amat, et luy baillât de sa main la lettre du roy, affin qu’elle fût receüe avec plus de respect, et qu’il ne fît pas difficulté d’y obeir. La seconde que l’on le retint a Paris pendant trois ou quatre ans, par ce que s’il revenoit, incontinent il ne penseroit qu’a se vanger par des assasinats contre les ministres du roy, nommément apres la revocation de la grace que M. le comte d’Harcourt luy avoit faite de baronnies de Baga. Il est si reconnessant de cette gratification que sur le point de l’arrivée de Son Altesse il s’est demis de la charge d’une compagnie du regiment de la cavalerye catalane, pour n’estre pas obligé de servir, et a quitté les habits qu’il portoit a la françoise et s’est habillé a la catalane. Il a refusé d’envoier ses mules et sa charrette pour faire une voiture de munitions de guerre a l’armée, dont il avoit esté prié comme les autres cavaliers et dames qui l’ont fait de bonne grace a mon exemple, et celuy de mr le Gouverneur et des officiers de l’Audience, qui prismes cette resolution chez moy dans la necessité extreme ou nous estions reduits, ne trouvans pour le nombre des voitures qu’il faloit pour faire ce service en diligence. Dom Joseph d’Ardenne refusa aussy d’envoyer les mules de sa femme, ayant respndu a l’abbé Pont par qui je l’en faisois prier que ses chevaux avoient accoutumé d’aller aux coups de mousquets, et l’y porter comme sa blessure le temoignoit, qu’il ne faisoit point sa charge de marechal de camp dans la ville»[248].
Ces affaires, loin d’être anecdotiques, montrent la profondeur des conséquences de la conspiration et leur particulière gravité à la veille de la nouvelle campagne. Condé préfère clairement éloigner les gentilshommes suspects plutôt que de les voir mal servir aux armées : secrètement, afin de préserver leur honneur, il commande à un certain nombre de personnes de se retirer « en leurs maisons des champs ».
Lorsque le départ en campagne est réglé, Condé a trois options d’attaque : soit Lleida, qui venait de résister une fois de plus à Harcourt, soit Tarragona, grenier des escadres espagnoles mais difficile à prendre en l’absence d’un amiral compétent, soit Fraga, située au milieu d’un désert très difficile à supporter pour les troupes. Condé opte finalement pour Lleida, quitte Barcelona le 10 mai, traverse le Segre et arrive le lendemain devant la place[249]. Les Français coupent les communications espagnoles avec l’Aragon, et profitent des tranchées creusées l’année précédente pour la circonvallation. Le siège, initialement prévu pour 20 jours, s’éternise et se révèle sanglant : le 27 mai, on atteint difficilement le château, avant d’occuper un couvent. Dans les premiers jours de juin, les Espagnols font plusieurs sorties très violentes. Le 11 et le 12, les soldats chargés de miner les fortifications sont quasiment arrivés au bout de leur travail, et la place est presque tenue pour acquise ; mais au cours d’une autre sortie, les Espagnols parviennent à les localiser et à les tuer. Dans la nuit du 7 juin, enfin, ils font irruption sur le reste de l’armée exténuée, et provoquent un massacre. L’issue funeste du siège arrive finalement le 18, quand Condé se résout à abandonner l’assaut et se replie vers Les Borges Blanques, sans espoir face aux renforts espagnols commençant à arriver de Fraga[250]. Ce nouvel échec, si retentissant dans l’Europe entière que des pamphlets appelés « Léridas » circulent jusque sous le nez de la reine, provoque plusieurs effets imédiats sur notre affaire. C’est un coup d’arrêt à la dynamique positive et conquérante partagée par le prince et Marca, et qui comptait avec la croyance, plus ou moins sincère de la part des Catalans, que le prince resterait longtemps dans la province afin de redresser les affaires de façon durable. Comme le comte d’Harcourt avait été désavoué après son échec devant Lleida, Condé peut difficilement supporter de rester dans la province et demande lui-même son retrait que Mazarin, malgré son désir de le garder éloigné de la cour, ne peut refuser ; il obtient cependant de retarder le départ de quelques mois[251]. Déchaînées par les évènements, les partialités reprennent de plus belle. Le 2 août, Marca dévoile le fond de sa pensée à Le Tellier. Pour lui, tout ce qui s’est passé confirme largement ses soupçons et prouve le lien entre la faction d’Ardena et l’ennemi, à commencer par le scandale autour de la nomination des officiers du bataillon catalan, motivée par le comte d’Ille. Les officiers de son régiment disent d’ailleurs hautement que, s’ils croisent des officiers du régiment de Margarit, ils les battront. La disgrâce de Lleida, dit-il, n’a fait que révéler et renforcer la faction, de même que la présence de l’armée navale espagnole devant Tarragona. L’initiative de Marca d’éloigner les suspects, dont Josep Amat, est dénoncée par Ardena comme une manœuvre fomentée par Margarit et « une persecution contre la noblesse ». Enfin, comble de l’horreur, le docteur Morell, âme damnée de la faction, est revenu triomphant de la cour – où il avait été convoqué pour répondre de ses torts –, ayant reçu en cadeau une chaîne d’or qu’il exhibe fièrement aux amis du Gouverneur, ainsi qu’une lettre missive du roi en sa faveur. Marca concluait donc sur ce nouvel échec des tentatives de pacification par la récompense : « Je ne dois pas omettre en ce lieu que ces bienfaits mal emploiés portent les Catalans a tel mepris de nostre procédé qu’ils disent que dom Joseph Amat reviendra bien tost avec le tilre de Comte » [252]…
Après avoir organisé une action défensive dans le Campo de Tarragona et le Pla d’Urgell, ayant démarré la construction de forts, Condé est de retour à Barcelona au début du mois de septembre. A la cour, Mazarin redouble alors ses efforts pour régler ce qui est devenu la principale affaire politique de Catalogne : réconcilier Margarit et Ardena. Le 9, il écrit au Gouverneur qu’« il y a place pour tous dans les bonnes graces de S.M. et la seule emulation que ses bons serviteurs doivent avoir apres celle de son service, est de se surmonter les uns et les autres en offices d’amitié », ajoutant de sa propre main une mention manuscrite à la lettre : « Elle servira aussi pour don Joseph d’Ardenne en mettant seulement au lieu de son nom aux deux endroits ou il est mentionné en cette lettre celuy de don Joseph de Marguerit. »[253] Il charge le docteur Morell de travailler personnellement à cette réconciliation[254], qui a lieu publiquement, entre les mains du prince, le 16 du même mois[255]. Réconciliation de courte durée, cependant, puisque, dès le 10 octobre, Margarit réécrivait à Mazarin qu’il ne pourrait pas s’ajuster avec une faction entâchée de trahison, car, voyant récompenser par des pensions et des confiscations ses ennemis Ardena, Cabanyes, Pujolar, l’abbé Sala, le docteur Marti, il commençait à croire qu’on doutait de sa propre fidélité. Tant que Morell serait entre eux deux, fomentant les échauffourées entre leurs régiments respectifs, aucun tempérament ne serait possible[256]. Enfin, les grandes espérances créées par la présence du prince devaient s’évanouir avec l’issue donnée à la révocation générale des dons des vice-rois. En effet, le mémoire de Condé et de Marca était bien parvenu à la cour au printemps. Le visiteur général avait dit à Le Tellier attendre les expéditions de la cour[257]… mais, depuis, aucune grande décision n’avait été prise, rien n’avait bougé. La suite des évènements, dans son aspect médiocre, clôt aussi piètrement ce temps d’illusions que les expédients trouvés durant les années précédentes : officieusement et sans attendre les ordres du roi, certaines donations sont révoquées, soulevant l’opposition des victimes, principalement le docteur Morell, grand bénéficiaire des largesses d’Harcourt, qui perdait une pension de 1000 livres et un séquestre[258] ; selon lui, la manoeuvre venait évidemment du visiteur général et de ses ennemis[259]. Mais le plus curieux dans cette mesure est que, de l’avis même de Marca, certains séquestres ne sont pas révoqués. Dans les faits, on bouleversait donc la précédente distribution (accusée de répondre aux désirs d’un clan) en fonction de ceux de l’autre clan. Ainsi, après avoir tenté quelques dernières opérations dans le Pla d’Urgell, ayant réussi à repousser l’armée espagnole en Aragon, Condé revient une dernière fois à Barcelona le 2 novembre, et procède à cette distribution bien peu prestigieuse, grevée par les dettes :
« Il n’a pû s’empêcher neantmoins de gratifier de quelque somme de deniers les mestres de camp du bataillon, et quelques capitaines qui avoient servi a la campagne avec satisfaction, et par ce qu’il n’y a point de fonds aux biens confisqués qui sont entre les mains du tresorier, et que les autres ont esté aliénés par les sequestres de M. le comte d’Harcourt, il a esté obligé d’en assigner le paiement sur le sel de Cardone, sur lequel fonds il a estiné en outre mil livres B. de pension pour dom Jayme d’Eril, et 500 livres barcelonaises pour Denis Ciurana, de quoy il vous escrit »[260].
Délivrant, pendant ses derniers jours en Catalogne, un nombre impressionnant de privilèges (notamment de ciutadans Honrats de Barcelona et de burgesos honrats de Perpignan, qui seront dénoncés par la suite), Condé favorise clairement les alliés de Margarit. Le neveu du Chancelier (ancienne âme du parti motiste), Hug de Barutell, est fait châtelain de Bellver ; le jour même de la lettre de Marca, Josep de Tord i de Peguera – qui s’était battu en duel avec Mostaros, cette créature d’Ardena – reçoit 500 livres sur les revenus du duché de Cardona[261], comme son ami Erill ; le capitaine Francesc de Calvo, propre beau-frère de Margarit, en reçoit 400[262] ; le Gouverneur lui-même reçoit la totalité des droits appartenant au roi dans la ville d’Agramunt, communauté condamnée pour crime de lèse-majesté, avec laquelle il avait un procès[263], pour ne citer qu’eux. L’extrême précipitation avec laquelle ces dons étaient faits contrastaient avec l’ambition manifestée par Condé à son arrivée d’aplanir tous les différends et de donner enfin à la province une bonne politique. Le 7 novembre 1647, à peine venait-il de tirer une dernière salve de privilèges qu’il reprenait la route de la cour, déjà aigri par les oppositions de Mazarin à la promotion de plusieurs de ses clients[264], et bientôt amené à donner une expression beaucoup plus forte et conséquente à cet antagonisme.
Premier interrègne. Voyage à la cour de plusieurs gentilshommes catalans. Marca, ayant révélé au grand jour l’endettement absolu, essaie de « remédier aux désordres qui sont aux biens confisqués ».
La déception causée par l’action de Condé, dont on attendait monts et merveilles, est un nouveau coup qui éloigne les Catalans d’une bonne entente avec le gouvernement français, et particulièrement la noblesse. Lorsque Condé fait savoir à Mazarin son désir de partir à la cour, ce dernier choisit pour lui succéder son propre frère, Michel Mazarin, archevêque d’Aix – qui deviendra bientôt « cardinal de Sainte-Cécile ». La nouvelle est envoyée en Catalogne à la fin du mois de juin : de la part du principal ministre, il s’agit de montrer aux Catalans qu’en envoyant un membre de sa famille, il ne les néglige pas, et qu’il prolonge l’estime manifestée par l’envoi du premier prince du sang[265]… Toutefois, Michel Mazarin fait preuve de bien peu d’enthousiasme pour gagner la Catalogne, et retarde son voyage. Après le départ de Condé, Pierre de Marca demeure quasiment le seul dirigeant sur place, durant une période d’interrègne allant de novembre 1647 à janvier 1648, moment où le cardinal finira par rejoindre son poste. Marca doit alors faire face à une répétition du scénario observé en Catalogne en 1643 : momentanément éloigné par d’ambitieuses opérations militaires et des perspectives de victoire, le malcontentement éclate à nouveau, cette fois renforcé par la méfiance de l’action diplomatique de Mazarin qui est réputé vouloir troquer la province contre les Pays-Bas. En plus de cela, les fossés inexorables creusés sous Harcourt et Condé entre les différentes factions. Et enfin, toujours, une absence de décision claire concernant les confiscations. La cour exprime son intention de révoquer les donations faites par les vice-rois, mais ne le fait pas, donnant lieu à de nouvelles attentes et incertitudes. Il n’est pas d’ailleurs exclu que Marca, comme Morell l’en accuse, ait profité de cette situation d’interrègne pour ne faire verser les pensions qu’à ses proches en faisant obstacle à ses opposants[266]…
De toute cette situation critique témoignent plusieurs affaires, que le visiteur général reçoit l’ordre de régler avec ses propres moyens, bien que n’ayant pas le prestige, l’autorité judiciaire ni encore le pouvoir effectif réservé au vice-roi. On a vu que les restes du marquisat d’Aitona et la vicomté de Canet avaient excité les convoitises, et que finalement, malgré le discours officiel disant qu’on ne distribuerait rien, le premier avait été partagé entre Ardena et Cabanyes, et que la vicomté, pourtant destinée à être réunie au domaine royal, était en réalité aux mains du Régent Fontanella[267]. Une autre grande seigneurie roussillonnaise, la vicomté d’Evol, avait également fait jaser, réclamée d’abord par le chapitre d’Urgell, puis par le comte de Chabot, tous deux écartés de leur prétention, le premier parce que Mazarin ne voulait pas donner trop de pouvoir aux communautés écclésiastiques, le deuxième parce qu’il était Français. A présent, c’était le magistrat Felip de Copons, cheville ouvrière du procès des conspirateurs de 1645 et très proche de Pierre de Marca, qui y jetait son dévolu. Copons, issu d’une lignée de la très ancienne noblesse d’épée, était cependant fils cadet et par conséquent lettré. Il jouait donc sur les deux tableaux, capable de prétendre par le sang à porter un titre seigneurial tel que celui de vicomte, mais aussi de faire valoir sa qualité primordiale de serviteur du roi : pour cette raison, l’appui de Marca avait pesé[268] et lui avait fait obtenir la place de conseiller en l’Audience Royale[269], vacante par la mort d’Anglesill assassiné lors de la révolte de Lleida. Le zèle mis dans l’enquête sur la conspiration, hautement reconnu par Mazarin[270], après une nouvelle campagne de Marca qui opposait le désintéressement de Copons au double jeu de Fontanella[271], lui avait valu le titre de Conseiller d’Etat[272]. Oublié par le comte d’Harcourt dans ses propres demandes[273] favorables au clan Fontanella, Harcourt déclare sa prétention sur Evol en mai 1647, alors que Marca et Condé travaillent à l’élaboration de leur propre mémoire. Mais, cette fois, la prudence du visiteur général y fait barrage : Marca ne s’écarte pas une seconde de son désir de faire révoquer toutes les donations des vice-rois, et croyant que la cour tranchera bientôt de cette manière, estime qu’il ne faut pas donner Evol à Copons puisqu’on enlèvera Canet à Fontanella[274]. La lettre missive que le roi envoie à Copons va dans ce sens : il est prévu, dit-elle, de révoquer les donations, aussi estime-t-on « apropos, pour esviter les jalouzies qui arriveroient entre ceux qui auroient esté gratiffiés desd. biens si l’on donnoit la proprieté aux uns et que l’on la refusoit aux autres, de rendre la condition de ces donnataires esgalle a l’endroit de tous »[275].
Lorsque Marca se retrouve seul, l’affaire prend un autre tour et finit par se relier aux oppositions de clans. L’Audience étant constituée de trois chambres (les salas), Marca avait fait pression sur Condé pour que le docteur Vidal, avocat fiscal à la tercera sala et proche ami de Fontanella, soit muté dans la sala du chancelier (l’une des chambres civiles), afin de limiter l’influence du Régent. Vidal avait déclaré qu’il préférait démissionner de la charge d’avocat fiscal et se retirer plutôt que d’être dégradé, et envoyé une requête au roi afin d’être maintenu. A côté de cela, Marca voulait que Copons prenne la place de Vidal. Son argument pour lui faire accepter cet expédient était que, comme il allait être bientôt gratifié de la vicomté d’Evol, il devait tolérer de baisser un peu en grade. Or, voilà que Copons refuse catégoriquement puisque finalement, après la réception de la lettre royale, il voyait ce don retardé[276] ! On saisit ici les conséquences parfois très lourdes de la confusion des décisions royales, et la tentation très répandue de croire à la moindre ouverture ou allusion (ici exploitée par Marca). Finalement, n’ayant aucune récompense suffisante à offrir aux uns et aux autres pour les faire taire, chacun restera à sa place ; Copons reçoit une réponse dilatoire concernant Evol[277]. Marca identifie immédiatement les rivalités qui renaissent, à l’occasion de la provision de divers offices, avec la lutte ancestrale des Nyerros et des Cadells : il a de grandes difficultés à faire accepter pacifiquement les nominations auxquelles a procédé le prince de Condé à son départ. A la mort de Diego de Vergós, qui possédait les deux charges de châtelain de Bellver et de correu major (responsable des postes en Catalogne), plusieurs prétendants s’étaient affrontés pour les obtenir. Marca avait écarté de celle de correu major l’un des frères Sangenís pour la petitesse de sa condition, en faveur de Francesc de Ayguaviva, oncle de Felip de Copons ; quant à la châtellenie de Bellver, un neveu du Chancelier Barutell l’avait obtenue : « Ces considerations, explique Marca, obligerent S.A. de preferer Aiguaviva selon mon avis, qui en ce cas ay favorisé les Gnerros, contre le desir des Cadels, par ce que je prends la raison, et non pas la passion pour regle des actions, le chateau de Belver a esté donné a un Cadell ». On observe le subtil décrochement entre les deux partitions : Ardena/Margarit et Nyerros/Cadells, qui ne correspondent pas tout à fait, car Copons s’est clairement positionné contre le Régent et que les Barutell sont des « motistes » notoires[278]… Ces nominations attirent des foudres et des haines sur le visiteur général[279].
C’est le moment où plusieurs gentilshommes décident, de façon très remarquée, de faire le voyage à Paris afin de défendre leurs diverses prétentions, sans doute excités par la rumeur d’une prochaine révocation des dons précédents… En tête de ces gentilshommes, un membre historique du clan des Nyerros, Tomàs de Banyuls i d’Oris, seigneur de Nyer. Ce dernier était le petit-fils de Tomàs de Banyuls i de Llupià, dont il avait hérité de nombreuses forges dans les vigueries de Conflent et Vallespir (Leca, Montferrer), et qui avait mené dans les années 1580 les bandositats (luttes armées) contre les Llupià, vicomtes de Castellnou, ses rivaux pour certains droits seigneuriaux, et Joan Cadell, seigneur d’Arseguell et viguier de Conflent. Les Banyuls, en tant que seigneurs de Nyer, étaient vassaux du vicomte d’Evol. Ils nourissaient aussi l’ambition de s’emparer des domaines de cette vicomté possédée par des seigneurs lointains, les comtes de Vallfogona : dont d’immenses forêts utiles pour l’exploitation de leurs forges. Le changement d’obédience de la Catalogne et les confiscations permettent à Tomàs de Banyuls d’espérer la réalisation de ce dessein. Cumulant déjà les fonctions de gouverneur du Roussillon (ayant succédé à Ramon de Bas) et de Procurador Reial des comtés de Roussillon et Cerdagne – théoriquement incompatibles – Banyuls venait d’obtenir du comte d’Harcourt les charges de gouverneur de la vicomté d’Evol et du comté de Formiguera, attenant à Evol[280]. A peine ce don obtenu, profitant sans doute de la faiblesse institutionnelle et politique de l’interrègne, il commence à agir comme le véritable maître de la vicomté, ordonnant des grandes coupes de bois appartenant théoriquement au patrimoine royal. Des plaintes s’élèvent localement, et parviennent à Pujolar dans le but d’empêcher Banyuls d’obtenir ce qu’il souhaite lors de son déplacement à Paris[281] : ajoutant ses offices à sa tutelle sur Evol, Banyuls est devenu un « petit roi » (« pequeño rey ») en Roussillon ; si on accède à ses demandes, « il finira un jour par s’intituler comte de Roussillon et de Cerdagne »… Marca informe vite Le Tellier des travers du personnage, malgré de grands atout qu’il faut savoir ménager[282]. En tout état de cause, il se montre clairement dubitatif devant la perspective d’un tel voyage à la cour. En effet, il souhaitait restaurer l’image et les fonctions du vice-roi, largement détournées de leur pureté juridique par Harcourt. Condé n’était pas resté suffisamment afin de tout restaurer. Ainsi, accéder à des demandes comme celles de Banyuls, passant directement par la cour sans en référer à un vice-roi, risquait de créer un appel d’air ; il fallait les refuser de la même manière qu’on opposait un refus à Copons.
D’autres gentilshommes catalans ont la même initiative de se rendre à la cour. L’idée vient sans doute de l’attente interminable du Cardinal de Sainte-Cécile. Mais, pour la première fois depuis la soumission de la province, ils décident de venir en délégation, probablement pour donner plus de force à leurs revendications. Les circonstances de ce voyage sont éclairées par un écrit du religieux augustin Lluis Alosi, commissaire de l’Inquisition, qui venait de se plaindre à Pujolar des abus de pouvoir de Banyuls : dans une lettre à Mazarin, il justifie ces gentilshommes-là en expliquant qu’ils ont pris ombrage de la nomination d’Hug de Barutell. Ils sont surtout blessés dans leur honneur de voir que les personnes récompensées sont les parents, les amis de tel ou tel personnage, sans égard au grade militaire et aux états de service. Ainsi, pour la première fois, apparaît clairement formulée la revendication d’ordonner la distribution des confiscations en fonction du rang militaire : Alosi avance que le mestre de camp Jaume de Erill aurait dû « de droit » être préféré à Barutell pour commander à Bellver, ou bien un autre officier du bataillon catalan[283]. Condé avait souhaité réformer ce bataillon, mais s’était affronté à l’emprise des factions à l’intérieur même du corps. Nous avons vu précédemment à travers des graphiques que les principaux bénéficiaires des pensions sur les biens confisqués depuis 1642 n’étaient pas les militaires, tendance qui n’avait pas changé après 1644. A présent, le bataillon souhaitait être distingué pour ses services et voir ses membres (la fine fleur des officiers catalans servant la France) récompensés en priorité. Alosi déplore ainsi que la course aux confiscations ait produit exactement l’effet inverse de ce qui était souhaité : « Dans le temps passé, tous les ministres royaux étaient très contents de pouvoir obtenir un poste, la seule prétention était de monter en grade, et non pas d’être ducs et comtes, comme aujourd’hui ». Les officiers qui partent à Paris sont tous des membres du bataillon, qui avaient obtenu des grâces « d’attente » dans les derniers jours de Condé (des pensions sur les revenus de Cardona), mais aspiraient à une plus grande récompense : le mestre de camp en question, Jaume de Erill, mais aussi Josep de Tord et Francesc Calvo. Dionis Ciurana, Llorenç de Senesterra et le capitaine Borell se joignent à eux. Marca écrit à Le Tellier pour obtenir à Erill, Tord et Calvo une lettre missive du roi les autorisant à faire le voyage, en leur donnant à chacun des lettres particulières[284] :
« Le nom de dom Jayme d’Eril, mestre de camp d’un des regiments du bataillon catalan, vous est si conneu par le service qu’il rendit dans Ager sur la fin de l’an 1644 et par la longueur de son emprisonnement parmy les ennemis qu’il est comme superflu que je vous informe de ce qui est deû a ses merites. Je ne dois pas neantmoins omettre de vous representer que sa resistance et le refus qu’il fist des compositions honorables que les ennemis luy offroient, ayant retardé le progrés de leurs armes nous donna moien de conserver la Catalogne au dela de la Segre, et la Cerdagne, qu’ils eussent autrement emportée et uni cette conqueste avec Roses.
Il est de tres bonne famille, mais incommodé comme puisné de sa maison. Et sans doute il merite plus de recompence que d’autres qui ont esté gratifiés a la Cour. Les affaires du Roy sont tellement epuisées par deça que je ne sçay qu’est-ce que l’on peut proposer pour l’accommoder. La portion du comté d’Eril que Monseigneur le Prince avoit proposé pour luy ne peut avoir lieu a cause du procés qui est sur le point d’estre jugé touchant la proprieté de tout le Comté au profit d’un proche. S.A., considerant cela, avoit crû qu’il estoit apropos de luy bailler mil escus barcelonais de pension sur le sel de Cardonne, en attendant qu’il fust gratifié de quelque bien en proprieté, qui fust de cette valeur, comme il conste par la lettre qui vous est adressée, Monsieur, et qu’il me remist en main pour vous l’envoier. Je ne sçay pas la pretention precise dudit don Jayme, mais je sçay bien que les gratiffications extraordinaires qui ont esté faites a d’autres persuadent a ces Messieurs, qui ont servy et n’ont rien eu, que les choses mediocres sont au dessous de leur merite. Une ordonnance de voyage pour luy et pour dom Joseph Tort mestre de Camp et pour don Francisco Calbon, auxquels j’ai donné des lettres particuliere de recommandation, leur donnera beaucoup de satisfaction… »[285]
Ils arrivent à la cour au début de janvier 1648, et, selon les termes de Le Tellier, sont « receuz avec le bon acceuil, et la courtoisie qui se debvoit a l’endroit de personnes de merite et de service […] l’on espere de leur donner satisfaction dans leurs interests particuliers, avant qu’ilz s’en retournent. »[286] Le message a été compris, et plusieurs membres du bataillon, comme le capitaine Sentis, reçoivent de petits dons comme des chaînes et médailles en or. Les gentilshommes venus à Paris rentrent en Catalogne avant l’arivée du Cardinal de Sainte-Cécile, mais lorsque la nouvelle de son départ de Rome est enfin confirmée. Jaume d’Erill reçoit la baronnie de Malpas et la juridiction d’Erill[287], Tord[288], Calvo, Ciurana[289], Senesterra[290], Borrell[291], reçoivent à nouveau des pensions… à toucher sur les revenus confiés à Sangenís ! Ce qui, pour eux, ne représente pas une avancée immédiate, ce fonds étant pour l’heure épuisé… Le roi charge le nouveau vice-roi de leur remettre, à son arrivée, les gratifications qu’ils ont obtenues[292].
Certains évènements survenus pendant l’interrègne précipitent également les gratifications du Gouverneur Margarit. Ce dernier, déjà pourvu d’un certain nombre de pensions et de charges honorifiques, en plus de son patrimoine héréditaire dans l’Empordà, était par son épouse, Maria de Biure, le possesseur des baronnies de Vallespinosa et d’Aguilar[293], d’un rapport estimé à 33000 livres par an ; il avait envoyé à la cour un mémoire montrant l’importance des ses propriétés occupées par les ennemis, afin d’obtenir dédommagement[294]. Par ailleurs, comme nous l’avons vu, il avait signifié à Mazarin son immense aigreur de voir ses ennemis gratifiés, donnant une longue déduction de griefs contre Ardena et son clan, malgré la réconciliation publique qui les avait réunis dans les mains du prince de Condé[295]… Le cardinal déploie alors des trésors de diplomatie et d’habileté pour désamorcer les tensions : il veut croire, dit-il, que Margarit lui a listé les torts immenses d’Ardena pour montrer l’ampleur des concessions dont il est capable pour le service du roi[296]… Quant à la chasse gardée de Margarit sur les biens confisqués, il l’écarte avec autant de diplomatie :
« Je respondray seulement a ce que vous me dites des graces que l’on a faites a quelques uns de ceux qui ne paroissoient pas estre de vos amys, que vous estes trop juste et trop zelé au service du roy pour vouloir exiger de Sa Majesté quelle privast entierement de ses graces tous ceux generalement qui ne vivoient pas bien avec vous. Vous jugerez assez que c’eust esté porter dans le desespoir tout ce party la et que la prudence vouloit qu’on essayast plutost de vous les regaigner par divers bien faits et de l’unir etroittement avec vous. Et cela d’autant plus que la puissance de Sa Majesté estoit assez grande pour pouvoir en mesme temps gratifier vos amis de choses plus considerables ».
Au passage, il n’hésite pas à user de boniments, le fonds des confiscations étant, d’après les avis de Marca, totalement épuisé… Margarit, qui se voit attribuer les regalias (pouvoir de connaître des cas royaux en l’absence du vice-roi[297]), se raisonne et répond au cardinal en confirmant son interprétation[298]. Cependant, le début de l’année 1648 est funeste pour le Gouverneur : en janvier, il apprend que son château de Vallespinosa, situé dans la région de Lleida fréquemment déchirée par les combats, a été brûlé et dévasté par les ennemis en motif de représailles. Au même moment, d’autres détachements espagnols parviennent jusqu’au cœur de l’Empordà et saccagent ses domaines de Castell d’Empordà et de Torroella de Montgrí[299].
La destruction sans pitié de Vallespinosa, la plus importante baronnie du Gouverneur, suscite l’émotion. Marca soutient puissamment la cause de Margarit[300], et réclame à Le Tellier qu’il fasse expédier immédiatement les dons des biens que Condé avait réclamés pour lui, et que Margarit n’avait pas encore obtenus : « sa recompense, dit-il, est autant une indemnité de justice qu’une gratification », qui plus est, d’autres ayant moins servi jouissent déjà de séquestres attribués par les vice-rois. Dans son mémoire, le prince avait proposé les vicomtés de Cabrera et Bas, démembrées du patrimoine d’Aitona. Marca met alors au point de subtiles substitutions afin que le Gouverneur puisse réellement en jouir, car les vicomtés se révélaient grevés de 30000 livres barcelonaises de dettes. Parmi ces dettes, un censal de 2000 livres devait être versé au comte de Peralada. Les biens de ce dernier ayant été également confisqués (ce qui tombait bien), le mémoire de Condé proposait de faire cadeau de cette rente au Gouverneur. Mais, chicane supplémentaire, les 2000 livres dues au comte de Peralada devaient à leur tour être grevées de 1000 livres pour participer au paiement des propres dettes de ce seigneur ! Le mémoire proposait donc, rajoutant un rouage à la machine, de suppléer cela par une pension que l’on réserverait sur les baronnies de Caldes et Llagostera… Finalement, ces baronnies étant possédées par Francesc de Cabanyes, et cela créant litige, Marca proposait de tirer parti d’un autre événement récemment survenu : le décès du sieur d’Aubigny, qui jouissait du séquestre de la baronnie de la Portella. En mettant la Portella dans les mains du trésorier, on pourrait tirer des revenus de cette baronnie de quoi suppléer aux dettes du comté de Peralada… Et du coup, par un effet de dominos en sens inverse : « on peut decharger du paiement des dettes du comté les deux mil livres barcelonaises qui luy sont deûes sur les vicomtés (de Cabrera et Bas). Et par ce moien faire en faveur de dom Joseph de Marguerit un fonds de deux mil livres B. » Désormais, on devait en passer par là pour faire des gratifications. Le seul fonds un peu solvable étant le sel de Cardona, Marca recommandait par sécurité d’y assigner une somme de 10000 livres en faveur du Gouverneur… mais une fois que lui-même, qui attendait depuis des mois le paiement de son salaire de visiteur général, serait satisfait !
C’est donc précisément pendant l’interrègne que les conséquences néfastes de la politique de gratifications incontrôlées apparaissent au grand jour, et que Marca en fait la relation exacte. La suite de l’affaire Margarit montre bien que, dans chaque affaire, le principe de réalité prend le dessus. Quelques jours après sa première lettre en faveur du Gouverneur, Marca est obligé de revenir sur son enthousiasme, et prie Le Tellier de surseoir à l’expédition des vicomtés de Cabrera et Bas, « jusqu’à ce que je vous aye envoié une pleine et tres particuliere instruction de la valeur du bien et des charges »[301] : en effet, les dettes de ces vicomtés pouvaient être bien plus élevées que la première estimation qu’il en avait faite, menaçant de tout remettre en cause. Il suffit aussi se penser aux ravages fréquemment causés par le passage des troupes, les intempéries, les sécheresses, pour saisir l’extrême fragilité de tels échafaudages. Evidemment, avant de recevoir cette nouvelle dépêche, on avait fait faire une dépêche solennelle du roi à Margarit pour le consoler du désastre de Vallespinosa et lui promettre qu’on expédierait « incessamment » les biens confisqués demandés par Condé[302]. Début février, les lettres patentes étaient mises en grosse, juste prêtes à être scellées[303]… Néanmoins, seule la gratification de 10 000 livres demandée par Marca est effectivement expédiée, mais, là encore, avec un stratagème très rusé : on veut faire croire à Margarit qu’on la tirera directement des deniers royaux, aussi, c’est l’intendant des armées, Goury, qui devra percevoir l’argent auprès du gouverneur du duché de Cardona (la véritable source étant le sel de Cardona), puis le délivrer à Margarit comme s’il venait du trésor de l’Epargne[304] ! Une fois de plus, de telles gratifications émanées de la cour, répondant aux souhaits des gentilshommes ou aux encouragements de Marca, intervenaient alors même que la légitimité du pouvoir n’était pas complète en Catalogne, le Cardinal de Sainte-Cécile n’étant pas encore arrivé.
Le temps de l’interrègne et l’attente de l’arrivée de Michel Mazarin imposent, tant du côté de Marca que des ministres catalans, la nécessité de demander des garanties afin d’améliorer la situation. A la fin du mois de décembre, Marca assemble chez lui le Gouverneur, le chancelier, le Régent, le trésorier et le lloctinent del Mestre Racional Tamarit « pour remédier aux désordres qui sont aux biens confisqués »[305]. Il s’agit sans doute de mettre à plat les dettes et les charges des différents biens, et surtout de régler les problèmes pratique de mise en application des dons consentis par Condé ; prescriptions qui, nous l’avons vu, deviennent de plus en plus nécessaires à mesure que l’on dispose des biens. En même temps, Marca réalise, à la demande du secrétaire d’Etat des Affaires étrangères, le comte de Brienne, un mémoire sur les limites géographiques de la Catalogne, très mal connues à la cour, afin de mettre fin à un certain nombre d’incertitudes pesant à la fois sur le plan diplomatique (négociations de la paix à Münster) et politique (importance stratégique des zones, situation des biens confisqués). Il écrit plusieurs fois à Le Tellier afin d’influencer la rédaction des futures instructions du Cardinal dans le sens d’une limitation du pouvoir de grâce, alors que le propos général est de restaurer l’autorité du vice-roi et lui donner suffisamment de latitude pour conserver à la fonction la dimension d’ « alter nos ». Le ministre lui envoie les brouillons du texte, le visiteur général les commente et fait part de ses inquiétudes. Le Tellier y répond en précisant que le vice-roi prendra « congnoissance des merites de ceux qui pretendent des recompenses », mais « que pour les benefices, offices, et autres choses qui pourront vacquer, a fin qu’il puisse escrire dautant plus asseurement en leur faveur, et que les graces leur estant accordées, ilz les tiennent de luy »[306]. En résumé, le ministre voulait rehausser le prestige tout en limitant le pouvoir réel. Procédé très proche, par l’utilisation politique des faux-semblants, de l’illusion des 10000 livres sur l’Epargne pour le Gouverneur. Face à cette ouverture, Marca rappelle la nécessité d’être précis et rigoureux dans les termes employés et les formulations. Il s’agit surtout d’éviter des abus qui ne se concevaient pas du temps de la Castille mais qui, sous l’autorité française, tant à cause de la confusion des pouvoirs que de l’état de guerre, ont pu survenir. De même, afin de ne pas sembler désavouer les vice-rois, et par là affaiblir potentiellement l’autorité royale aux yeux des Catalans, ces écarts ont pu être tolérés…
« Car les privileges accordés aux communautés et ceux d’annoblissement de citoiens, provisions d’offices et de benefices, et la disposition du patrimoine, ne sont point dans le pouvoir du viceroy, ni dans la pratique des Espagnols, ces choses ayans esté reservées toujours aux rois jusqu’au temps du gouvernement de France, que l’on a toleré ces actions aux vicerois pour les autoriser. Mais comme il est juste que les peuples les considerent, il faut aussy que les Catalans sachent qu’ils ont en France un roy, qui leur peut faire du bien de sorte qu’il sembleroit apropos d’ordonner aux vicerois par les instructions qu’ils ne se mellent point de donner des privileges ni aux communautés, ny aux particuliers mais qu’ils se contentent de recommander ceux qu’ils jugeront dignes d’estre gratifiés, et que Sa Majesté leur face aussy la grace de ne les accorder sans avoir receu leurs avis »[307].
Aussi, Marca prescrit particulièrement que les fonctions politiques du vice-roi soient clairement séparées des fonctions militaires d’un capitaine général, le premier résidant à Barcelona, et le second dirigeant les troupes en campagne. Il faudrait, dit-il, nommer de préférence un ecclésiastique car un grand seigneur français ne supporterait pas de recevoir des requêtes de justice alors qu’à deux journées, un général fait la guerre…
Au même moment, les membres de l’Audience envoient à la cour un long mémoire au sujet des problèmes de la Catalogne, avec les remèdes qui peuvent y être apportés[308] : en première place des préoccupations abordées, apparaît la limitation nécessaire de l’autorité des vice-rois. Le rappel de certains exilés a causé de grands dommages, et il faudrait l’interdire dans les instructions secrètes, prescrivant d’enfermer les mal affectes dans des châteaux en France jusqu’à la conclusion de la paix. Les instructions devraient également interdire aux vice-rois de créer des cavallers, ciutadans honrats et burgesos honrats, à cause de l’exemption de logement de gens de guerre compris dans ces privilèges, qui crée une injustice insupportable au peuple ; d’aliéner le patrimoine royal et de faire des grâces sur la trésorerie royale ou le droit du sceau. Le vice-roi, au lieu de disposer à sa convenance de ces fonds, devrait veiller au paiement des dettes des biens confisqués. L’extrême pauvreté de la trésorerie royale nuit avant tout à l’exercice de la justice, et la nécessité s’impose de remplir ces caisses avec « la trésorerie dont (le roi) tire les dépenses de la guerre : aucune guerre ne suffira à assurer suffisamment de temps une province dans laquelle la justice n’est pas administrée ». Les désordres des soldats apparaissent aussi très longuement dans cette requête. Un autre point abondamment soulevé – et qui fait penser à la main du docteur Narcis Peralta, auteur d’un ouvrage sur le sujet[309] – concerne les problèmes de juridiction ecclésiastique et la situation des séquestres religieux. Dans la même perspective que son intention de remettre de l’ordre aux biens confisqués laïcs, Marca envoie à Le Tellier un mémoire lui donnant son avis sur la question, lui rendant compte de l’emploi des revenus des biens ecclésiastiques saisis sur les ennemis. La conclusion était nette : les séquestres ne payaient plus qui que ce soit[310] ! Une ordonnance royale est édictée début 1648 afin d’y remédier : elle ordonne que, sur les fonds disponibles, on paye en premier les charges ordinaires, puis, en priorité, ceux qui ont perdu des bénéfices dans la zone occupée par les Castillans, en tenant compte des mémoires dressés par le prince de Condé – et cela en préférence aux autres dons faits par les vice-rois. Ensuite, s’il reste quelque chose, on l’affectera aux hôpitaux, aux pauvres… Tous les séquestres devront rendre compte au lloctinent del Mestre Racional, sans quoi ils seront révoqués. Ils devront bailler à ferme les biens séquestrés, sous contrôle de personnes dépendant dudit lloctinent[311]. On peut lire clairement, à travers ces mesures, un désaveu final de la politique des années 1644-1648.
Durant ce tumultueux interrègne survient un autre changement, qui affecte la communication entre la cour et la Catalogne. Là encore, c’est avec l’objectif de remédier aux abus précédents et de remettre de l’ordre que les Consistoires décident, le 17 janvier 1648, de révoquer l’Agence d’Isidoro de Pujolar à Paris. Son rôle de premier plan, depuis son arrivée à Paris fin 1642, le pousse alors à écrire une longue lettre à Mazarin pour se laver des accusations qui lui sont faites et se défendre. Les deux griefs qu’on lui fait, dit-il, se retournent en son honneur, car il s’agit du service du roi : avoir présenté des mémoriaux contre le maréchal de La Mothe, et un autre texte dénonçant les excès des gens de guerre. Pour lui, en dénonçant le pouvoir absolu de La Mothe, soutenu par le Gouverneur et le Chancelier, il a obéi à ses ordres « sin excedir un atomo » ; ces gens ont créé cette accusation de toute pièce pour obliger les Consistoires à le désavouer et à garder La Mothe en Catalogne : sans succès. Pendant la campagne de Condé, ils ont essayé de rouvrir le procès de La Mothe et ont repris leurs attaques contre Pujolar, inventant une nouvelle accusation : favoriser des particuliers en demandant au roi des pensions, en échange de témoignages contre La Mothe… Puis, lorsque la nouvelle de la nomination du Cardinal de Sainte Cécile est tombée, ils ont fomenté l’envoi à la cour d’un mémoire demandant l’envoi d’un autre vice-roi afin de remédier aux désordres des soldats. Le dessein secret, dit Pujolar, était de faire revenir La Mothe. Pujolar se met finalement en valeur auprès de Mazarin en disant qu’il a tout fait pour défendre la nomination de son frère Michel, et qu’il a pris sur lui de rédiger un autre texte pour la cour, dénonçant les excès en demandant simplement la venue du vice-roi déjà nommé. Devant cette action, le Gouverneur et le Chancelier ont donc fait pression sur les Consistoires pour faire révoquer Pujolar, en même temps qu’ils répandaient des rumeurs selon lesquelles Mazarin et Le Tellier étaient disgrâciés[312]. Demandant, après cette démonstration magistrale, le soutien du cardinal, Pujolar ignorait qu’il avait été trop loin et qu’on aspirait désormais à sortir des vieux paradigmes. Certes, ses pamphlets avaient largement contribué au renvoi du Maréchal, à l’époque où Mazarin pensait déjà à sa disgrâce. On avait toléré sans problème les quelques extravagances de ce curieux « Agent de Catalogne » qui, loin de se limiter à un simple relais de communication des Consistoires, s’était érigé en vrai intermédiaire, passant parfois des requêtes dans la manche d’un ministre. On s’en était même servi, à l’occasion. Mais le vent avait tourné. Après avoir, dans l’une de ses dernières « Noticias de Cataluña », déchaîné une ultime diatribe contre le Gouverneur Margarit, dépréciant les dégâts effectivement infligés à son château de Vallespinosa, Pujolar se dit confiant : on lui rendra l’Agence, puisqu’on ne l’a pas encore donnée à son ennemi Magi Sivilla, le confident de Margarit[313] ! Toutefois, le 5 février, c’est bien Magi Sivilla[314] qui vient lui présenter un acte solennel, établi par un notaire de Barcelona, révoquant définitivement son Agence de la part des conseillers de Barcelona, et l’enjoignant de lui remettre tous ses papiers. Quelques jours après, c’est au tour de l’envoyé de la Generalitat, le commandeur Francesc de Miquel, de lui signifier son désaveu[315]. Pujolar se hasarde à une réponse où il entend faire jouer en sa faveur un défaut de procédure[316]. Suppliant, en dernier recours, son protecteur Hugues de Lionne[317] que le roi envoie une lettre de cachet aux Consistoires pour le rétablir, ses appels durent rester sans réponse. Du moins le nom de Pujolar, si important dans l’accès à la faveur royale pendant plus de cinq ans, disparaît de la documentation.
[1] SHD, A1 85 (n°256-258).
[2] BNF, Baluze 103 (fol.29-39v), Instruction pour le sieur de Marca s’en allant en Catalogne en qualité de visiteur general, et en faire les fonctions, 30 janvier 1644. Le texte a été édité par Sanabre (p.652-657).
[3] Ainsi dans cet écrit pro-castillan répandu sous l’apparence d’une lettre des jurés d’Empúries, l’argument est repris afin d’exciter les foules : « Para confiscar haziendas, en oponer ques mal affecto, se alcansa […] ; no la ay en el Real desde la nobilissima Ciudad de Barcelona al lugar mas anejo, y desde el Marcante mas rico al mas pobre, que no grite al cielo y clame por la oppresion, que en Libertades, honras, vidas y haziendas por manos de los franceses y sus ministros injustamente padecen : pidiendo effectuosamente contra ellos vengansa ».. AMAE, CP Espagne 21 (fol.119-125v), Copia de la respuesta an echo los enemigos (en nombre de los Jurados de la villa de Empúries) a la carta enviada a los pueblos de Cathaluna el Sr. Mariscal de La Motte traduzida de Cathalan en Castellano, 2 novembre 1643. Cf. commentaire infra : Première partie, II. 2.
[4] SANABRE, p.250.
[5] BNF, Baluze 103 (fol.39v-40).
[6] AMAE, CP Espagne 21 (fol.154-155), Memoire contre M. d’Argenson. 1643 (titre et date ajoutés). Document commenté supra : Première partie, II. 1.
[7] SANABRE, p. 251.
[8] AMAE, CP Espagne 24 (fol.33), Lettre (de Bouthillier ou Chavigny ?) à Marca, 15 avril 1644. Cette lettre, corrigée de la main d’Hugues de Lionne, émane des bureaux du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Pujolar a souhaité que le ministre lui « escrive en sa faveur. Et quoy que le zele et l’affection qu’il a tousjours tesmoignée pour les interests de cette couronne fussent un motif assez puissant pour vous obliger a proteger les siens en cette rencontre, j’ay bien voulu encore y ajouster ma recommandation ».
[9] AMAE, CP Espagne 24 (fol.36), Lettre (de Bouthillier ou Chavigny ?) à Marca, 28 avril 1644. Cette lettre, émanée des mêmes bureaux et également corrigée de la main de Lionne, recommande à Marca le sieur Cabanyes, à qui le roi a fait don de la confiscation de la baronnie de Llagostera, confisquée au marquis d’Aitona, et pour le prier de tenir la main à ce qu’il ne rencontre aucun obstacle contre la paisible jouissance de cette grâce.
[10] BNF, Français 4198 (fol.51v-52v), 27 mai 1644.
[11] BNF, Français 4198 (fol.52v-54v), 27 mai 1644.
[12] « Tengo entendido que se aprieta mucho la reparticion de las confiscaciones. Ja tengo representado los inconvenientes que aÿ en eso mientras dure la guerra porque de uno contento y premiado se hazen diez de mal contentos y disgustados ». AMAE, CP Espagne 21 (fol.234-235), Lettre de Pere Pont à Hugues de Lionne, 25 mai 1644.
[13] BNF, Français 4198 (fol.52v-54v), 27 mai 1644.
[14] SHD A1 88 (n°455), Modèle de lettres de Noblesse accordées à plusieurs Catalans, mai 1644.
[15] Si nous n’avons pas retrouvé de tels documents qui auraient été directement écrits et envoyés par le visiteur général, d’autres pièces retrouvées au SHD, qui sont formellement élaborées en Catalogne, émanent probablement de lui et appuient l’hypothèse de son réel rôle « diplomatique », par exemple un document designé par l’annotation d’un secrétaire ou d’un commis sous le nom de « Forme d’anoblissement ou Privilège Militaire pour Didac Monfar auquel l’on avait donné le baudrier militaire » (SHD, A1 85 (n°267)).
[16] BNF, Français 4216 (fol.14v-2v), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 juin 1644.
[17] SANABRE, p.255-259 ; AZNAR, Daniel, « Gloria y desgracia de un virrey francés de Cataluña: El mariscal De La Mothe-Houdancourt (1641-1644) », Pedralbes, n° 26, 2006, p.235-238.
[18] BNF, Français 4216 (fol.60-68v), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 septembre 1644. Le mémoire dont il est question dans ce courrier semble malheureusement perdu.
[19] SHD, A1 85 (n°265), Brevet de 3000 livres de pension en faveur de la veuve de feu Anglesill, 5 août 1644 (minute).
[20] BNF, Français 4198 (fol.138-140), Lettre de Le Tellier à Marca, 5 août 1644. Depuis le tragique incident, Candia Ferrer i Anglesill avait obtenu, sans doute sous la houlette de Marca, des paiements sur le fonds des biens confisqués confié à Francesc Sangenís (ACA, Cancilleria, Intrusos 114, fol.179v-180 et 194v-195).
[21] BNF, Français 4216 (fol.77-77v), Lettre de Marca à Le Tellier, 12 octobre 1644.
[22] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.315-316), Don à Francesc Cabanyes des fruits des baronnies de Llagostera et de Caldes de Malavella, 8 novembre 1644. La concession, dit l’acte, a lieu pour que Cabanyes puisse jouir commodément de cette pension, afin de continuer le service du roi « en lo interim tardara a venir dita declaracio, que alesores lo posarem en real i actual posessio de dites baronies de las quals sa magestat li a feta gracia per les dites lletres patents ». Les fermiers doivent maintenant payer les revenus comme ils les payaient à Francesc Sangenís.
[23] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.175-177), Ordre à Francesc Sangenís de payer à Pere Lacavalleria 25 000 livres barcelonaises en 6 ans sur les revenus de la vicomté d’Evol et des biens de Çagarriga, 11 juillet 1644. L’ordre vient en exécution d’ordres datés de Paris du 11 décembre 1643 et de deux lettres envoyées à Marca : « Per quant per part de Pere La Cavalleria nos es estat representat que en executio dels ordens de sa mag.t fets en Paris als onse de desembre mil siscents coranta i tres, fonc servit manar se li paga la suma de coranta nou milia corante sis livres tres sous moneda de França, i ab altres dos reals cartas, scrites per sa mag.at, la una en jornada de tres de maig mil siscents coranta i quatre, a nos, i l’altre a quatre del matex mes, scrita al reverent de Marca, conseller ordinari en sos consells, president en sa cort de parlament de Navarra, elet per al bisbat de Cosserans, i son visitador general en lo present principat de Catalunya, ab que mana pagar preu de dita suma ab los interessos… ». Pour le rôle de la famille Lacavalleria, voir infra : Deuxième partie, II., 1.
[24] SANABRE, p.287.
[25] BNF, Français 4216 (fol.12-14v), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 juin 1644.
[26] AMAE, CP Espagne 21 (fol.242-243v), Lettre de Marca à Mazarin, 17 juin 1644.
[27] SANABRE, p.289-290.
[28] BNF, Français 4198 (fol.51v-52v), Lettre de Le Tellier à La Mothe, 27 mai 1644.
[29] BNF, Français 4198 (fol.52v-54v), Lettre de Le Tellier à Marca, 27 mai 1644.
[30] BNF, Français 4216 (fol.72-74), Lettre de Marca à Le Tellier, 3 octobre 1644.
[31] BNF, Français 4216 (fol.78-87v), Lettre de Marca à Le Tellier, 16 octobre 1644.
[32] BNF, Français 4216 (fol.93-94v), Lettre de Marca à Le Tellier, 28 octobre 1644. « La subsistance du bataillon n’est pas seulement pour fortifier nostre armée de deux mil hommes fort courageux et adroits aux armes a feu, mais encores pour empescher que ces gens se trouvans sans employ se jettent du costé de l’ennemi ».
[33] BNF, Français 4216 (fol.100-105), Lettre de Marca à Le Tellier, 11 novembre 1644.
[34] AMAE, CP Espagne 21 (fol.434-435), Lettre de Pont à Lionne, 11 novembre 1644.
[35] AMAE, CP Espagne Supplément 4 (fol.466-482), Iuramentum fidelitatis S.Christianissimae, Regiae Maiestati domini nostri regis, et eius nomine excellentissimo domino Locumten. Generali in Civitate Barcinonae praestitum per incolas Principatus Cathaloniae, et Comitatuum Rossilionis, et Ceritaniae, Barcelona, Pere Lacavalleria, 1644. La date du 28 août 1644 est celle de l’authentification par seing manuel du notaire Fita (en latin), avec signature du Chancelier Barutell. Document extrait des archives du Bernard du Plessis-Besançon. Nous en donnons une reproduction (Document n°27).
[36] BNF, Français 4216 (fol.14v-20v), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 juin 1644.
[37] AMAE, CP Espagne 21 (fol.360-361), Questions établies par Pierre de Marca pour être posées aux conjurés de 1644, 15 septembre 1644 (avec annotations de sa main). « Dichos conde de Parellada, su hermana donya Praxedis y don Luys Descallar con ajuda de sus vassallos, amigos y valedores, havian prometido hazer en perjuyzio del Estado y contra la Real Corona de Su Mag.d (que Dios g.de) la suma de dinero y el numero de la gente que pedian al enemigo para poner en execution sus malos intentos. […]
Donya Tereza de Oms s.ra de S.ta Pau ¿ quanta gente dava por su parte ?
[…]
¿ Y con quien los dichos Conde y don Luys se entendian en Bar.na ? […] »
[38] Dès son arrivée, Marca est ballotté entre les partisans de La Mothe et ses opposants. Dans ses informations périodiques, Isidoro de Pujolar écrit que La Mothe a ordonné à plusieurs gentilshommes catalans de sortir de Barcelona avant l’arrivée du visiteur général pour éviter qu’ils le calomnient auprès de lui. Mais au mois d’avril, Marca fait le trajet jusqu’à Barcelona en compagnie du docteur Pont (AMAE, CP Espagne 21, fol.197-197v, 3 avril 1644) ; le vice-roi aurait alors pensé à expulser Pont de la ville et à loger Marca dans la maison d’un de ses confidents (AMAE, CP Espagne 21, fol.200, 5 avril 1644), mais finalement Marca préfère rester dans la maison de l’évêque pour n’être l’obligé de personne (AMAE, CP Espagne 21, fol.205, 30 avril 1644). Au sujet de la trajectoire de la famille Pont, originaire de Barcelona et illustrée par les frères Pere et Rafel Pont, qui seront faits respectivement abbé d’Arles-sur-Tech et gouverneur du fort de Bellegarde en Roussillon : PASQUIER, Félix, Famille catalane ralliée à la France. Episode de l’histoire du Roussillon (1640-1660), Perpignan, imp. Barrière, 1923. Ce dernier auteur indique que le docteur Pont avait reçu de Mazarin l’ordre d’accompagner Marca.
[39] Pont écrivait si souvent à la cour que La Mothe fit demander à Marca d’ordonner à son protégé qu’il cesse son commerce (AMAE, CP Espagne 21, fol.321-321v, « Noticias de Cataluña », 24 août 1644).
[40] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.240-241.
[41] D’après AZNAR (« La Catalunya borbònica… », p.241-243), le mémoire de Pujolar est en AMAE, CP Espagne 21 (fol.492-493) ; d’après SANABRE (p.266-267), celui de Sala pourrait correspondre notamment au document conservé en AMAE, CP Espagne 21 (fol.497-499v). Dans ce dernier écrit, La Mothe est rendu responsable des exils injustes de nombreux nobles catalans, et accusé d’avoir emporté les bijoux et tapisseries de la duchesse de Cardona pour son propre profit. Les accusations graveleuses sont légion, le maréchal étant, selon l’auteur, à la merci des désirs de sa maîtresse Eularia de Reguer. Enfin, un texte a semble-t-il été donné communément par les deux Catalans, recopié dans les registres de la Generalitat de Catalunya : ACA, Generalitat, vol.49, fol.127 (SANABRE, p. 267).
[42] Ainsi ce mémoire du chanoine Rafel Sitjar, ami de Pujolar, qui dut être remis à la cour au même moment (AMAE, CP Espagne 21, fol.494-496v), et que nous avons commenté infra : Première partie, II., 2. Les abus de la Junta patrimonial y sont dénoncés avec véhémence…
[43] ACA, Generalitat, vol. 49 (fol.127). « Que venia tots los oficis y beneficis o els dona a sos alcabots, o a las personas afavoridas de las donas galanteja. Que las confiscacions contigudas en lo memorial donat per lo Sr. Mariscal estavan donades en favor de dits alcabots y al Dr. Josep Margarit, que es la sangonera d’aquesta Provincia ».
[44] AMAE, CP Espagne 24 (fol.193-195), Commentaires de la main de Gaspar Sala sur une lettre de Josep de Margarit à Magi Sivilla, 21 septembre 1644. « El governador, por su nacimiento, es cavallero ordinario, como los demas, porque ni es titular, ni de las nueve casas nobles de Varones, ni de las mayores. Su patrimonio legitimo tan tenue, que para casar con mujer rica, le obligaron a dexar su proprio cognombre que es de Margarit, y tomar el de Biure que es mejor, y es el apellido de su mujer, y assi se firma don Joseph de Biure y de Margarit. […] En Cataluña se hallan todos los cabos mayores de la cavalleria y de la infanteria Catalana, que ha quatro años continuos que sirven a Su Magestad en guerra viva de verano y de invierno y que son por su nacimiento de tan buenas casas, y mayores que la de Margarit ni Biure, y que dichos cavalleros han gastado y gastan sus patrimonios en guerra viva, y jamas el mariscal de la Motte ni sus amigos les han propuesto a su Magestad, ni a los señores ministros de la Corte, ni en las relaciones se haze mencion de sus servicios, y por esta causa no se les ha dado ninguna ayuda de costa, ni merced, y siendo personas de calidad, no dexan de sentir su mala fortuna, y el ver que teniendo lo mas pesado en el servicio, solo se haga mencion en la corte del Governador, que no repugna se haga de todos y assi es lenguaje de persona desconocida, dezir que espera de Dios el premio, quando el es el mas premiado de toda Cataluña ».
[45] « Los dos embajadores han dicho desde que estan en la corte que antes de partirse les hizo visita La Valee. Y el de la ciudad que es un cavallero integerrimo (l’ambassadeur Francesc Sala, à ne pas confondre avec son homonyme Gaspar Sala et qui se trouvait en mission au même moment) ha contado a Sala y Pujolar (sin nombrar persona) que le havi auna persona hablado antes de venir y le havia dicho que ya sabia que los embajadores no podian pidir mercedes, pero que no faltaria quien sin pedirla el se la alcanzaria. Y el embajador de la ciudad dize que le respondio que no solo se era prohibido el pidir, sino tambien el recibir, y que aunque su Mag.d le honrrasse en la mayor merced, no la acceptaria, porque seria perjuisio. Es cierto que esta persona es La Valee que se conoce muy bien ». (AMAE, CP Espagne 24, fol.199v).
[46] AMAE, CP Espagne 21 (fol.234-235), Lettre de Pont à Lionne, 25 mai 1644. « Si para obligar mas a los Cavalleros que hahora o por pobres o disgustados o mal affectos no sirven, querian dar las mercedes durante el beneplacito de Su Magd. lo tengo por cosa muy acertada y que ninguno dexaria de servir ni hir en campaña por temor que no le quitasse Su Magd. la merced, y tambien por la publica infamia que desto le quedaria. Tambien lo supplico mande advertir que se vaja muÿ a poco a poco porque aÿ muchos que sirven y que an servido y que merecen y ansi es menester aja para todos ».
[47] AMAE, CP Espagne 21 (fol.272-273), Lettre de Pont à Lionne, 13 juillet 1644. « Bueno seria encargar al Vicereÿ […] que nombrasse un Procurador General que le diesse quenta de todo el dinero que hiria entregando al Thezorero, el qual podria pagar las pensiones que Su Mag.d ha hecho m.d a los que le han servido. Ho solo es bien pero necessario el differir las mercedes hasta la fin desta campaña, y entonces no parece bien que se repartan en propriedad las confiscationes, sino que visto el numero de los que an servido, se les asenÿale proportionada pention a su calidad y servicios, que desta suerte con el premio presente y las speransas de major, se servira mejor y major numero seguiran las campanÿas, y entretanto se alcansara major noticia de las confiscationes, y por ventura medio mas aproposito para repartirlas sin temor de los excessos de la embidia ».
[48] AMAE, CP Espagne 21 (fol.275), Lettre de Pont à Lionne, 20 juillet 1644. « Importa por las justas quexas de muchos que se embie un decreto con orden de que se admitan todas las m.des y gracias hechas por Su Mag.d sin replica segunda, dando solo tiempo de un mes por la primera, sots pena de la indignacion de Su Magd. y privation de officios ipso facto que no obedeceran como se les mandara».
[49] AMAE, CP Espagne 21 (fol.387-388), Lettre de Pont à Lionne, septembre 1644. « La reparticion de las Confiscationes ha sido la Peste desta Provincia porque como al uno esta prometido el Marquisado, y al otro el Condado estos, para no mal lograr su pretencion, ni perder lo que les han prometido, scriven y hazen mil disparates, y publican otros tantos ».
[50] AMAE, CP Espagne 21, fol.344-345, Lettre de Pont à Lionne, 7 septembre 1644.
[51] AMAE, CP Espagne 21 (fol.396-396v), Noticias de Cataluña, 6 octobre 1644.
[52] AMAE, CP Espagne 21 (fol.481-481v0), Supplique des moines de Montserrat demandant l’exécution du don sur les rentes du sel de Cardona (copiée de la main de Pujolar et probablement traduite par lui), s.d. Au sujet de l’action de La Mothe contre plusieurs bénéficiaires de bienfaits à tirer sur les revenus de Cardona, voir infra : Première partie, II., 2.
[53] AMAE, CP Espagne 24 (fol.199). « Fray Martell es el Procurador General de Monserrat, el qual es perseguido del Mariscal de la Motte, porque insta en la corte, que se execute la merced que hizo el Rey diffunto a la casa de Monserrate de quatro mil escudos de renda sobre la sal de Cardona : y tambien porque es amigo de Sala y Pujolar, y no lo quieran ser del dr Sivilla, porque han experimentado que es un espion doble de las cosas de Cataluña ».
[54] AMAE, CP Espagne 21 (fol.240), Lettre du Conseil des Cent de Barcelona à Mazarin, 7 juin 1644. « Su Mag.d que gose gloria, per sa Real clemencia y pietat fou servit socorrer aquell sentuari ab quatre milia ducats de renda annual sobre la sal de Cardona, interessam en gran manera en la conservacio y interessos de aquella casa de la qual se es preciada sempre aquesta Ciutat esser molt devota y valedora reconeguda als favors, que sens numero en totes occasions ha rebut de la Verge S.ima ; supplicam a V.Em.a quant encaridament podere sie servit intercedir ab sa Mag.d tots los augments, y favors ha aquella sanctuari, y que los quatre mil ducats refferits se reben sobre les haziendas confiscadas […] ».
[55] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.245-252.
[56] AMAE, CP Espagne 21 (fol.427-428), lettre de Pont à Lionne, 6 novembre 1644. « Conviene mucho que el Virrey de Catt.a se conserve siempre desinteresado sin que aga patrimonio en Catt.a porque en entrando el interes, sale a fuera el servicio del Reÿ ».
[57] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.245-252.
[58] AMAE, CP Espagne 21 (fol.436-437), Noticias de Cataluña, 12 novembre 1644. « Que sera grande desservicio de su Mag.d que tengan mano en las materias y govierno con el s.r Conde de Arcourt los que la han tenido con el s.r M.a de la Motte, por que estan odiados del pueblo, y perseverarian las mesmas quexas. […] Que el Limosnero del s.r Mariscal de la Motte llamado Niort o Ballestar ha embiado una grande cantidad de dinero en Francia para mercar una tierra. Que el sieur M.a de la Motte le dexa en Cataluña por thesorero, y general intendente del Ducado de Cardona, lo que sienten mucho los Cathalanes por las muchas quexas que ay del, singularmente en los estados de Cardona donde ha hecho muchas insolencias, y composiciones de dinero ; y lo que sienten mas los de dichos estados de Cardona es que haviendo siempre sido governados inmediatamente por los s.res Duques mesmos, o por Governadores seglares de calidad, oy se hallan governados por un clerigo espurio, y del todo ignorante sino es, en recoger dinero ques el y Monsieur de Baset secretario son los dos criados mas ricos del sieur M.a de la Motte ».
[59] AME, CP Espagne 21 (fol.234-235), Lettre de Pont à Lionne, 25 mai 1644. « Tengo entendido que se aprieta mucho la reparticion de las confiscaciones. Ja tengo representado los inconvenientes que aÿ en eso mientras dure la guerra porque de uno contento y premiado se hazen diez de mal contentos y disgustados y ansi lo mejor seria dar pensiones o propiedades no para siempre sino por la vida porque desta fuente siempre tendra Su Magd. que dar y los otros que sperar para que muchos se animen a servir viendo que no queda servicio sin premio […]. Tambien lo supplico mande advertir que se vaja muÿ a poco a poco porque aÿ muchos que sirven y que an servido y que merecen y ansi es menester aja para todos ».
[60] AMAE, CP Espagne 21 (fol.290-290v), Lettre de Ramon de Guimerà à Mazarin, juillet 1644 (copie de la main de Pujolar). « Gran ruhido abra echo por ay y por toda Europa la batalla infelis de Lerida perdida casi antes de empesar, yo me alle en ella y condusi una compania de mosqueteros todos vassallos mios, lo que no hizo otro gentilhombre, quedaron muertos dellos 15 y 30 presioneros, y yo me vi tres vezes perdido, con ma estocada me travasaron la ropilla y porque no segundase un flamenco le aserte con un golpe de pistolete llevaronme la culata de loto con un mosquetaso y escape como los demas huyendo, verdad es que hay siguiendo amas de 500 de cavallo que hivan delante, la confusion desorden dizen los experimentados que jamas se ha visto, ni tan perdida la opinion y gloria de las armas de Francia y nuestras, la dicha ha zido que no proseguio el enemigo la victoria como podia que ha hazer lo dudo huviese tenido lugar la gran merced y favor que sus Magestades y sus ministros hazen a este Principado con tan numeros socorro como nos promete su Clemencia, de tant infelis suceso se ha visto una gran prueva de que Lerida ni el Principado ha echo movimiento ni sean inclinado al Castellano, antes bien parece que ha renovado nuevo amor a la Corona de Francia, y ansi como un bien hijo que parece no se le da del Padre asta la necessidad.
Yo fui toda la mañana con el virrey, y haunque me ablo amigable, y apasiblamente, tant secreto que me tuvo la intencion de dar la batalla como si no me huviese allado quando vino de Francia en el consejo de guerra, y experimentador en el mi aficion y quando es grande ayuda a la poca esperiencia ya de considerarse que algunos son solamente militares, estas son grans materias, y superiores a mi estado, y taliento, y haun a ma fortuna porque me estoy en el mismo encogimiento, no obstante que me conoce, y haze merced el Sr. Presidente de Marca, y le di un papel que queria remetirlo a su Eminencia, sino me huviese parecido que era lo mesmo, o mas corto, por el efecto averle dado a su Illu.ma
Lo sierto es que diferir tanto las mercedes argueix pocos meritos por nuestra parte o poca gana por quien las haze, y esto no es posible, o, mucha comodidad por quien se utila y aprovecha de los interimes […] Adviertole que en Cathaluña ay embidies, y para destorbar favores se tomen con menos que un pelo de Aranÿa. El huyr no fue delicto haziendolo todos y quedar vivo es natural, estimare estas las obiectiones que pueden poner aventurar la vida propia y de vuestros vassallos a quien yo generosamente recompienso los daños que no me reconpensan a mi que y entran mas de 500 ducados que y perdi de taxas, tenda, cama, dineros y cavalcaduras, y no fueren mas porque siendo serca mis estados hiva a la ligera ».
[61] SANABRE, p.268.
[62] AMAE, CP Espagne 21 (fol.430-431), Lettre de Margarit à Mazarin, 7 novembre 1644.
[63] AMAE, CP Espagne 21 (fol.438-439), Lettre de La Mothe à la reine, 15 novembre 1644. Il fait référence au procès dont Gaspar Sala avait été victime en Catalogne pour le détournement d’une religieuse dans un couvent de Barcelona.
[64] AMAE, CP Espagne 21 (fol.441-441v), Lettre du docteur Francesc Marsal, 20 novembre 1644.
[65] SANABRE, p.268.
[66] SANABRE, p. 250.
[67] AZNAR, Daniel, « La Catalunya borbònica (1641-1659), viregnat i dinàmiques de poder durant el govern de Lluis XIII i Lluis XIV de França al Principat », Del Tractat dels Pirineus a l’Europa del segle XXI, un model en construcció? / Du Traité des Pyrénées à l’Europe du XXIe siècle, un modèle en construction ? [Oscar Jané, ed.], Generalitat de Catalunya-Museu d’Història de Catalunya, Barcelona, 2010, p.269.
[68] AMAE, CP Espagne 21 (fol.450), Noticias de Cataluña, 10 décembre 1644.
[69] AMAE, CP Espagne 26 (fol.28), Noticias de Cataluña, 9 janvier 1645.
[70] BNF, Baluze 103 (fol.116-130v), Instruction donnée a Monseigneur le Comte d’Harcourt s’en allant en Catalongne, 18 janvier 1645.
[71] BNF, Baluze 103 (fol.180-180v), Lettre de Marca à Séguier, 24 novembre 1644.
[72] Voir supra : Première partie, I. 1.
[73] BNF, Français 7152 (fol.380), Memoire de monsieur de Marca. Il s’agit du mémoire commenté par AZNAR (« La Catalunya borbònica… », p.270). Un autre document probablement envoyé par Marca à Seguier : BNF, Espagnol 337 (fol.295-296), Pour l’erection d’un President et chef du Conseil d’Estat de Catalongne, 1644. Il s’agit d’un projet de privilège, rédigé en latin par Marca, le nommant chef du Conseil d’Etat de Catalogne.
[74] GONZÁLEZ RUGGIERI, Sophie, « La Catalogne de 1640 à 1659 : le rôle du visiteur général dans la mise en place d’une administration française », Del Tractat dels Pirineus a l’Europa del segle XXI, un model en construcció? / Du Traité des Pyrénées à l’Europe du XXIe siècle, un modèle en construction ? [Oscar Jané, ed.], Generalitat de Catalunya-Museu d’Història de Catalunya, Barcelona, 2010, p.239. Dans le même article, Sophie González affirme aussi que Marca tenait chez lui des « réunions » (p.237), sans voir qu’il s’agissait de la Junta dont il avait repris le contrôle en l’absence du vice-roi.
[75] Cf. supra : Première partie, II. 3., SHD, A1 90 (fol.106v-109v), Lettre du roy au maréchal de La Motte sur les desseins des ennemis estans sur les frontières de l’Arragon et Catalongne, 29 mars 1644.
[76] Du Plessis-Besançon, Bernard, Mmoires de Du Plessis-Besançon, publ. pour la Société de l’histoire de France et accompagnés de correspondances et de documents inédits par le Cte Horric de Beaucaire, Librairie Renouard, Paris, 1892, p.51. « Les Catalans, fort mal satisfaits [de La Mothe]) s’il n’y étoit promptement remédié, ajoutèrent à leur demande celle de m’y renvoyer au plus tôt pour contenir toutes choses en état, en attendant l’arrivée de M. le comte d’Harcourt […], se ressouvenant des premiers services qu’ils m’y avoient vu rendre si heureusement durant les années 1640 et 1641 ».
[77] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252), Relation del estado de Cataluña desde la salida hasta a la buelta a su Principado del Ill.mo señor de Plessis Besançon (1645). SANABRE (p.248) attribue ce texte fondamental à Francesc Martí i Viladamor lui-même. Cette attribution est très convaincante, du moins, le docteur Martí y est montré comme une sorte de sauveur du peuple catalan, et le nouvel homme fort de la province. Pour les éléments traitant de la période 1642-1644, voir supra Première partie, II. 1. et 2.
[78] AMAE, CP Espagne 26 (fol.36-37), Lettre de Plessis-Besançon à Mazarin, 1er février 1645.
[79] BNF, Français 4171 (fol.106v-107), Lettre de Le Tellier à Marca, 2 février 1645.
[80] BNF, Français 4200 (fol.16-17), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 27 février 1645.
[81] BNF, Français 4216 (fol.165-167v), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 mars 1645. « En consequence de cette sentence, aussi tost que monsieur le Viceroy sera arrivé, ie feray ordonner, conformement a la consulte que i’en ay faite avec les principaux du conseil Royal, que le procureur fiscal prendra possession de ces estats au nom du Roy, cette procedure ne pouvant estre faite plutost ». Au sujet des chicanes juridiques autour des confiscations, voir notre développement infra : Deuxième partie, II. 3.
[82] ACA, Cancilleria, Intrusos 127 (fol.240-241v), Commission à Joan Curus, procurador fiscal de la regia cort, et à son substitut pour prendre possession du duché de Cardona, marquisat de Pallars, comtat d’Empurias, de Prades, et autres états du duc de Cardona (il est simplement dit que ces états ont été confisqués et attribués « erariis regiis applicata » sans référence au maréchal de La Motte), 1er avril 1645.
[83] Ainsi plusieurs cridas publicas sont lancées en avril 1645, moins d’un mois après l’arrivée du vice-roi, contre Joan de Marimon, Miquel de Çalba i de Vallgornera, Pere Ferrer de Fortià, et autres, qui vont « ab lo exercit del rey de Castella contra sa mag.at », les invitant à se présenter sous dix jours (ACA, Cancilleria, Intrusos 143, fol.93-93v, 15 avril 1645 ; provision du docteur Joan Baptista de Monjo, docteur de la Tercera sala du 7 avril 1645), ou encore contre Lluis de Queralt, Lluis de Boxadors – frère du comte de Çavellà (ACA, Cancilleria, Intrusos 143, fol.94-95, 15 avril 1645), les déclarant criminels de lèse-majesté faute de s’être présentés dans le délai imparti, et invitant tout un chacun à les dénoncer.
[84] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.278v-279), Ordre à Sangenís de cesser le recouvrement des biens de Don Ramon Xammar pour en laisser jouir librement Isidoro Pujolar en exécution de la grâce que S.M. lui en a faite, 16 avril 1645.
[85] SANABRE, p. 299. BNF, Français 4199 (fol.168v-169v), Lettre de Le Tellier à Marca, 19 mars 1645.
[86] Dietaris…, vol. VI, p.43. Voir aussi infra : Deuxième partie, II. 1.
[87] BNF, Français 4199 (fol.152-155v), Lettre de Le Tellier à Marca, 4 février 1645 ; BNF Français 4216 (fol.151v-158), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 février 1645. Voir les circonstances des négociations : Deuxième partie, III.
[88] Du Plessis-Besançon, Bernard, Mémoires de du Plessis-Besançon…, p.51-52. « Enfin M. le comte d’Harcourt arriva en Catalogne vers le commencement de mars 1645, où il trouva toutes choses dans l’assiette qui étoit à désirer par les soins que je pris et la confiance que ces peuples avoient en ma personne et à la manière dont je leur avois parlé souvent dans les assemblées de la députation et du conseil de cent ; ce qui avoit assez paru à la réception que j’en reçus partout à mon passage, notamment à Barcelone, où presque tout ce qu’il y avoit d’honnêtes gens sortit pour venir à ma rencontre. J’envoyai ensuite à Son Eminence un plan général de la disposition des esprits dans tous les ordres et un projet de ce qu’il y avoit à faire pour la guerre tant offensive que défensive ».
[89] JANE CHECA, Òscar, Catalunya i França al segle XVII : identitats, contraidentitats i ideologies a l’època moderna : 1640-1700, tesi doctoral d’història moderna, Universitat Autònoma de Barcelona, Université de Toulouse-Le Mirail, 2003, p.210-214 (édition p.647-653). Jané donne l’édition du texte conservé en AMAE, CP Espagne 26 (fol.20-25), en le tenant pour anonyme et non daté, mais en le croyant probablement de la main de Pierre de Marca ! Deux autres versions du même texte, vraisemblablement plus anciennes, se trouvent aussi en AMAE, CP Espagne Supplément 3, aux folios 254-259 et 261-262v ; ces derniers textes sont probablement des brouillons du premier, qui a dû être matériellement envoyé à Mazarin avec la lettre du 26 mars 1645 (voir note suivante). Du moins sous la cote Supplément 3 sont conservés plusieurs documents émanés des archives personnelles de Plessis-Besançon.
[90] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.46-46v), Lettre de Plessis-Besançon à Mazarin, 26 mars 1645. Plessis-Besançon dit qu’il envoie « un tableau raccourcy de l’humeur des Catalans, et une description fidelle de la disposition de leurs espritz et du mauvais estat des choses, a quy j’adjouste un foible crayon des expedians qui se peuvent prendre pour y remedier et les restablir, tant a l’esgard du militaire que du politique ».
[91] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252v), Relation del estado de Cataluña desde la salida hasta a la buelta a su Principado del Illustrissimo señor de Plessis-Besançon (1645). Voir commentaire supra : Première partie, II. 3.
[92] C’est la catégorie que nous avions comparée plus haut à celle des « rieurs » qui existe dans la noblesse française à la veille de la Fronde, et que l’auteur de la Relation del estado de Cataluña place dans celle des malcontents (v. supra : Première partie, II. 3).
[93] Oscar Jané (Catalunya i França…, p.214) souligne avec justesse que l’auteur retire là tout fondement idéologique à l’alliance catalane avec la France, la réduisant à un système de clientèles et de faveurs.
[94] SANABRE, p.301
[95] AMAE, CP Espagne 26 (fol.78-79), Lettre de Plessis-Besançon à Mazarin, 16 avril 1645. Marca aussi donne nouvelle de sa maladie : « Je vous ecris cette lettre de ma main au 17e jour de ma maladie, mais en celuy que la fievre m’a quitté. J’espere d’estre deschargé par ce moyen de la corruption des humeurs que m’avoit causé l’employ facheux des dix mois derniers ». BNF, Français 4216 (fol.171-172), Lettre de Marca à Le Tellier, 18 avril 1645.
[96] BNF, Baluze 123 (fol.286-288), Lettre d’Harcourt à Marca, 7 mai 1645.
[97] BNF Baluze 123 (fol.278-178v), Lettre d’Harcourt à Marca, juin 1645. « J’ay receu nouvel ordre de la part de Sa Majesté de travailler a la verification du memoire de ceux qui meritent d’estre gratifies sur les biens confisquez. Je vous prie de tout mon cœur, Monsieur, de m’en faire sçavoir vos sentimens aussi tost que vostre santé vous le pourra permettre ».
[98] AMAE, CP Espagne 26 (fol.80), Noticias de Cataluña, 22 avril 1645.
[99] BNF, Français 4200 (fol.108-111), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 4 juin 1645. Le Tellier essaye de rattraper l’affaire en expliquant que Sivilla n’avait pris les expéditions que parce qu’elles n’étaient pas prêtes au moment où Sacosta repartait à Barcelona, où il se rendait pour accueillir Harcourt. Il est certain que le motif profond de la colère du vice-roi est de voir un « motiste » récompensé, ce sur quoi Le Tellier reste silencieux…
[100] BNF, Baluze 123 (fol.271-271v), Project du don de quelques confiscations (envoyé avec la lettre du 5 juin 1645). Nous donnons une édition de ce mémoire (Document n°12).
[101] BNF, Baluze 123 (fol.269-270v), Lettre d’Harcourt à Marca, 5 juin 1645.
[102] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.127v-129), Lettre de Plessis-Besançon à Lionne, 31 juillet 1645.
[103] BNF, Français 4216 (fol.176-176v), Lettre de Marca à Le Tellier, 12 juin 1645.
[104] AMAE, CP Espagne 26 (fol.118-120), Lettre d’Harcourt à Mazarin, 12 juin 1645.
[105] AMAE, CP Espagne 24 (fol.231-232v), Copie du certificat du maréchal de La Mothe en faveur de Pere Morell (de la main de Pujolar), 2 décembre 1644.
[106] AMAE, CP Espagne 26 (fol.31), Lettre de Morell à Pujolar, 19 janvier 1645 (pour ne citer que cet exemple).
[107] AMAE, CP Espagne 26 (fol.135-138), Lettre de Morell à Pujolar, 22 juin 1645.
[108] BNF, Fançais 4200 (fol.128-128v), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 24 juin 1645 : « J’ay receu la lettre qu’il vous a plu mescrire du Ve de ce mois avec un memoire de quelques biens confisquez que vous estimez debvoir estre accordez a ceux qui y sont desnommez. Je ne manqueray pas d’en parler au premier jour dans le conseil en presence de la Royne mais je differeray de faire aucune expedition jusques a ce que je recoive de voz nouvelles ensuitte des observations que Monsieur de Marca mescrira avoir a vous faire faire sur ce subiect qui vous pourront peut estre faire changer de resolution ».
BNF, Français 4200 (fol.128v-129v), Lettre de Le Tellier à Marca, 24 juin 1644.
[109] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.102-102v), Lettre de Le Tellier à Plessis-Besançon, 24 juin 1644.
[110] BNF, Français 4172 (fol.52v-53v), Lettre du roi au comte d’Harcourt, 6 juillet 1645.
[111] Dans sa lettre à Marca, Le Tellier précise les modalités de la mesure : « Sa Majesté donne pouvoir a Mondict Sieur le Comte d’Harcourt de leur ordonner quelque gratisfication sur le fonds provenant des revenus desdicts biens en general sans rien specifier »., c’est-à-dire sans inscrire dans l’acte de donation de la pension le nom de telle ou telle seigneurie… (BNF, Français 4200, fol.144-145v, 8 juillet 1645).
[112] SANABRE, p.302.
[113] BNF, Baluze 123 (fol.251-254), Lettre d’Harcourt à Marca, 1er juillet 1645.
[114] BNF, Français 4216 (fol.178-181), Lettre de Marca à Le Tellier, 27 juin 1645. Morell, dit-il, « est un homme de tres basse naissance, de lettres fort mediocres, et de tres mauvaise reputation pour ses moeurs, estant diffamé d’entretenir publiquement des garces, et de faire office a ses amys en ces matieres. Il n’a point de gravité en sa personne au contraire il a l’esprit léger : mais propre pour envoyer des espions parmi les Ennemis, et d’en faire le raport, a quoy il a fort bien servy depuis le commencement de la guerre, et continue maintenant de rendre les mesmes services. Mais ie pense que ces soins seroient mieux recompensez par quelque don des biens confisquez, que par un Evesché. Au reste ie ne doibs pas taire que la nouvelle de cette nomination faite dans la Terne avec la preference en faveur de Morel a offencé generalement tous les hommes serieux de Barcelonne, qui disent hautement quil ne se peut pas faire que iaye donné mon consentement a un chois si desraisonnable, et a causé une risée parmi ceux du menu peuple, qui cognoissent le personnage ».
[115] AMAE, CP Espagne 25 (fol.134-137), Lettre de Mazarin à Harcourt (minute de la main d’Hugues de Lionne), 10 juillet 1645. « Comme le parti que favorisait le Mar.al de la Motte a cru, sinon de trouver sa ruine, du moins de decheoir beaucoup dans son changement, c’est pour cela que j’ay eu le bien de vous dire premiere fois avant vostre depart et a M. du Plessis Besançon en chaque rencontre qu’il ne falloit rien oublier pour les rasseurer et faire cognoistre a Don Joseph Margarit et a ses autres amys que dans le changement des ministres, l’affection de S.M. demeuroit immuable pour ceux qui la servent bien, et pour preuve de cette verité qu’ils trouverons en vous encore plus d’amitié et de protection qu’ils n’en auroient du cy devant. Cependant plusieurs choses me font juger que l’on ne suit pas cette voye. Je prends Dieu a tesmoing que Don Joseph Margarit n’en a jamais escrit ny fait dire un seul mot et qu’il ne se plaint point ; je suis obligé de rendre ce tesmoignage a la verité. Mais je cognois bien du proceder que l’on tient en ce qui le regarde qu’il ne peut pas estre fort satisfait dans son ame ; et comme c’est une personne que S.M.té ayme pour les grands services qu’il a rendu dez le commencement de la revolution de Cataloigne, et qu’elle considere pour ceux qu’il peut encore rendre a l’advenir, je ne puis m’empescher de vous representer l’interest que l’on a de le scavoir satisfait en prenant soin de luy faire cognoistre que vous fuyez toute partialité, que vous n’en aurez jamais qu’a proportion des services que l’on rend, et que vous scavez assez les siens pour en faire le cas qu’il se doibt ».
[116] AZNAR, « La Catalunya borbònica… » (p.270) : « Si La Mothe, abusant de les seves prerrogatives, havia quasi usurpat a la Cort la potestat de confiscar i repartir beneficis, ara Mazzarino ho repararia recuperant la clientela del virrei caigut. La política de redreç, juntament amb la presència de Marca i el control més estret de l’actuació dels futurs virreis, volia evitar fenòmens com el de La Mothe, afavorint una centralització del patronatge clientelar a la Cort. Potser aquesta era la primera diferència entre la política catalana dels dos cardenals ministres, Richelieu i Mazzarino ».
[117] BNF, Français 4200 (fol.139-144), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 8 juillet 1645. « Et bien que Monsieur du Plessis Bezançon me marque par la lettre qu’il mescrit sur le mesme subiect que dom Joseph Marguerith luy a tesmoigné de ne se pas soucier que les autres passent en cela devant luy, neantmoins, il est bien aysé de juger que ce sont des termes de compliment et que ce qu’il en dit n’est que par une defference aparente au sentiment qu’il voit que l’on a, mais qu’en effect il seroit vivement touché si lon le laissoit derriere. Et je suis obligé de vous dire sur ce subiect qu’il a escrit pardeça a celuy qui a le soin de ses affaires que si lon mettoit en possession le sieur de la Bagnies [sic, de Cabanyes] de la Baronnie de la Gossera [sic, de Llagostera] qu’il ne peut accepter le Marquisat d’Aytonne… » (sur l’affaire de Cabanyes, voir supra : I. 2) C)).
[118] « Je me suis trouvé obligé avec déplaisir de faire voir le tout a la Royne, et il est arrivé ce que je prevoyois bien, quelle na pas agréé les expeditions de cet evesché contre les advis dudit sieur de Marca par le point de consçience dans lequel Sa Majesté est plus delicate que je ne sçaurois vous lexprimer. Et elle prend la chose en cette sorte qu’elle desire donner la mesme creance a Monsieur de Marca pour les benefices et les matieres écclesiastiques en Catalongne quelle fait pour ceux de France a Monsieur Vincent ou un des autres de ce grade qui sont de son conseil de consçience […] outre cela l’on ne peut pas qu’en cette occasion l’on ne considere l’interest de dom Joseph Marguerith en la personne de son frere. Et l’on voit bien que lon ne sçauroit sans luy faire une injure notable choisir un autre en sa place pour l’evesché de Solsonne […] et pour vous faire scavoir comme quoy ledit dom Joseph prend cette exclusion, je doibz vous dire que j’ay veu en quelz termes il en escrit au mesme homme qui a sa confidence par deça, qui est en substance que puisque l’on ne sest pas souvenu de son frere en cette terne, il voit bien qu’il se doibt detromper de toutte l’esperance qu’il pouvoit avoir conçue que ses services seroyent recongnus, et d’avoir quelque part dans votre estime ; que ses ennemis triomphant de son peu de credit luy estant partout preferez, qu’il ne laissera pas de servir touiours comme il a fait et de vous obeir avec tout soin et fidelité, mais qu’il ne peut sans une extreme douleur se voir decredité et disgratié sans qu’il en scache la cause… »
[119] BNF, Français 4200 (fol.145v-146), Lettre de Le Tellier à Plessis-Besançon, 8 juillet 1645.
[120] BNF, Français 4200 (fol.154-157), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 20 juillet 1645.
[121] SANABRE, p.306.
[122] BNF, Français 4216 (fol.192v-195), Lettre de Marca à Le Tellier, 29 août 1645.
[123] AMAE, CP Espagne 26 (fol.213), Lettre de Fontanella à Mazarin, 2 octobre 1645. Fontanella, qui est un ami de l’abbé de Galligans, se réjouit qu’on ait laissé les choses dans cet état et ne croit pas à la rumeur d’une conspiration sur Barcelona.
[124] SANABRE, p.326.
[125] BNF, Français 4216, Lettre de Marca à Le Tellier, 10 décembre 1644. « La place de deputé Ecclesiastique qu’occupe presentement l’abbé de Galligans est si importante pour le service du Roy, et la hardiesse de cet homme est telle, qu’il est necessaire de luy confirmer les bonnes pensées qu’il a pour le bien de l’Estat, qui puissent le porter hors les termes de la raison, comme l’on peut reconnoistre dans l’affaire des évesques de Barcelone et de Gerone. Cest pourquoy il faut l’attacher par ses interestz a se contenir dans les bornes de la moderation. Ce qu’on pourra obtenir par la gratiffication de cette abbaye, qui nous donnera la commodité, estant dans le Roussillon d’en arrester plus facilement les fruictz s’il en donnoit les occasions ».
[126] AMAE, CP Espagne 26 (fol.158), Lettre de l’abbé de Galligans à Mazarin le priant, au nom de tout le Consistoire, d’honorer le comte de Chabot dans la prétention qu’il a du marquisat d’Aitona, car il donne toute satisfaction à la province , 10 juillet 1645.
[127] Charles Chabot (1615-1646), seigneur de Saint-Aulaye, dit le « comte de Chabot », était le fils de Charles Chabot, seigneur de Saint-Aulaye, et d’Henriette de Lur. C’est le neveu de Guy Chabot, comte de Jarnac, l’un des chefs du parti protestant, avec qui il a souvent été confondu ; mais aussi un cousin du comte d’Harcourt dont la mère était née Marguerite Chabot. Il mourra à la bataille de Lleida en 1646. Son identification est donnée par plusieurs lettres de don sur lesquelles nous reviendrons infra au même chapitre, par exemple ACA, Cancilleria, Intrusos 117, fol.75-75v, où il est nommément appelé « Charles Chabot, comte de Sainte-Aulaye ».
[128] Nous reviendrons plus abondamment sur la question de l’attribution des dons à des Français infra : Troisième partie, I. 1. et 2.
[129] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.127v-129), Lettre de Plessis-Besançon à Lionne, 31 juillet 1645. « Il se trouve que les baronnyes de Caldes et Llagostere qui ont esté données au sieur Cabagnes, celle d’Ille qu’on propose de donner a Don Joseph d’Ardenna et le reste du marquisat d’Ayetonne que Mond. sr. le Viceroy demande pour M. de Chabot, estant toutes dependantes dudit marquisat que ledit sieur D. Joseph Marguerit pretend luy avoir esté promis, il feint artificieusement le principal subjet de son mecontantement sur d’autres pretextes… »
[130] BNF, Français 4200 (fol.162v-164), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 2 août 1645.
[131] BNF, Français 4216 (fol.210v-213), Lettre de Marca à Le Tellier, 3 novembre 1645.
[132] BNF, Français 4216 (fol.213v), De la distribution des biens confisquez, 6 novembre 1645. Nous donnons l’édition de ce texte (Document n°13). Il a également été envoyé à Le Tellier.
[133] Voir supra : Première partie, II. 3. Ramon de Bas notamment, dans son mémoire (présenté supra en I. 2) C)), accuse les séquestres de recevoir injustement de grosses pensions, de dilapider le patrimoine des biens dont ils ont la charge, et de ne pas empêcher la chicane judiciaire néfaste au maintien de l’autorité royale : « Se han proceguido muchos pleytos, en demandas de bienes confiscados, y se ha dado lugar a la introduction de otros pleytos en los quales siendo poca o ninguna la opposicion de los sequestradores en quatro dias an obtenido sentencia los actores, disminuyendosse por este camino en muchas quantidades los bienes confiscados ». (AMAE, CP Espagne 26, fol.50-62v, « Disposicion del Estado de Catalunya », 1643 ?, voir édition : Document n°33).
[134] Marca tient compte en la matière de l’état lamentable du fisc royal en Catalogne, dont l’administration a été démantelée par l’engagement de la Batllia General à la ville de Barcelona (voir supra : Première partie, I. 1.) ; ailleurs, il défend la réorganisation de cette administration en faveur du roi, mais dans l’état présent des choses au moment de la rédaction du mémoire sur la distribution des biens confisqués, la réforme qu’il souhaiterait au fond n’est pas près d’avoir lieu, et la question centrale est de ne plus différer les récompenses.
[135] SERRA, Eva, « Una revolució política. La implicació de les institucions », La revolució catalana de 1640, Barcelona, Editorial Crítica, 1991, p.43-46. Voir aussi : Deuxième partie, II. 2.
[136] Nous consacrons infra un chapitre entier (Deuxième partie, II. 2.) à la volonté des villes de barons de se détacher, à la faveur des confiscations, de la juridiction seigneuriale et de devenir des villes royales.
[137] AMAE, CP Espagne 26 (fol.20-25), Observations et advis necessaires touchant la Catalogne, mars 1645. Voir commentaire supra.
[138] Les personnes qu’Harcourt avait choisies étaient listées sur un premier mémoire, envoyé à la fois à Marca (BNF, Baluze 123, fol.271-271v, Project du don de quelques confiscations, joint à la lettre du 5 juin 1645, édition : Document n°12) et à la cour, mais probablement dans un autre mémoire envoyé à la cour aujourd’hui perdu, ou bien dans de simples lettres. Du moins, pour les personnes gratifiées d’usufruits en novembre 1645 par le vice-roi, leurs privilèges comportaient la mention que leur don avait été résolu à la cour, mais pas encore expédié !
[139] BNF, Français 4172 (fol.52v-53v), Lettre du roi au comte d’Harcourt, 6 juillet 1645. Voir infra au meme chapitre.
[140] « Sa Majesté donne pouvoir a mondict sieur le comte d’Harcourt de leur ordonner quelque gratisfication sur le fonds provenant des revenus desdicts biens en general sans rien specifier », (BNF, Français 4200, fol.144-145v, Lettre de Le Tellier à Harcourt, 8 juillet 1645).
[141] ACA, Cancilleria, Intrusos 117 (fol.44-45v), Don à Jeroni de Tamarit des fruits de la baronnie de Sant Boi et d’un censal de 300 livres que la ville de Barcelona payait à la comtesse de Quirra, jusqu’à ce qu’il ait les expéditions de S.M. (« fins a tant obtenga los despaigs de a mag.t le dignant manarli despatx per pendrerpocessio de la proprietat ententse ab lo titol, merced circunstantia y retention, que en lo real privilegi vindra expressat »), 7 novembre 1645. Il s’agit de Sant Boi de Llobregat, comarca de Baix Llobregat, província de Barcelona.
[142] BNF, Baluze 123 (fol.271-271v), Project du don de quelques confiscations (envoyé avec la lettre du 5 juin 1645). Voir édition (Document n°12).
[143] ACA, Cancilleria Intrusos 117 (fol.52-52v), Don à Ramon de Guimerà des fruits du comté de Guimerà, jusqu’à ce qu’il ait les expéditions de S.M., 8 novembre 1645. « Per quant sa mag.t (Deu lo g.dt), a nostra petitio y en remuneratio dels llonchs y asenyalats serveys que lo noble don Ramon de Guimera ha fets, y per donar la major comoditat de continuarlos de aqui al devant, es estat servit fer merce del comtat de Guimera, unit a la real corona per dret de confiscatio, y com lo temps tarda a venir los despaigs, gose de les fruits en executio de dita merce. Perço ab tenor de la present de nostra certa scientia y real autoritat diem y manam al exactor general de las hasiendas confiscadas que del dia data de la present en avant no exhigescan ni cobren ninguns salaris ni emoluments de dit comtat ans be deixe lliberament cobrar aquells a dit don Ramon de Guimera dels arrendadors o particulars lo fan als quals en virtut de esta ordenam y manam lo pagueu com antes al dit Sangenis Exactor general donantli expressa facultat que su propria auctoritat puga pendrer possessio dels fruits de dit comtat de Guimera y posseheja aquells fins a tant obtinga los despaigs sa mag. se designara en anar li despatxar per prendrer possessio de la proprietat tenentsi ab los titols merces circunstancias y retensions que en lo real privilegi vindra expressat… ».
[144] AMAE, CP Espagne 25 (fol.191), Lettre de Ramon de Guimerà à Mazarin, 10 décembre 1645 : « agora se esperan los privilegios, no dudo quedare tan honrado en el como lo e sido del Rey nre señor en la nominacion y que todo lo devere a V.e y al Sr Conde de Arcourt […] doy a V.e las gracias de mis buenos susesos y le suplico me honre con titulo de su criado, que lo devo a la buena suerte que tube de besar a V.e la mano en Narbona y esto me anima a representar mi afición, como tanbien el estar aqui el sieur de Plasis Balanson [sic] que tiene bastante conosimiento de los primeros apasionados servidores de la Corona de Francia »
[145] ACA, Cancilleria, Intrusos 117 (fol.50-50v), Don à « Julia Simon de Aubiny », aide de camp du roi en ses armées, de l’usufruit de tous les biens confisqués dans le Val d’Aran (mention de chancellerie en marge portant exemption du droit de sceau), 26 novembre 1645.
[146] Les demandes non contenues dans le mémoire provisoire dont nous donnons l’édition ont probablement été communiquées dans des lettres aujourd’hui perdues, ou dans un autre mémoire également disparu.
[147] BNF, Français 4216, Lettre de Marca à le Tellier, 4 décembre 1645. Il liste les services d’Aubigny, notamment sa participation à la défense de Montjuïc. « […] Ce qui me donne la liberté, Monsieur, de vous ecrire en sa faveur affin qu’il vous plaise le faire gratifier de la baronnie de Portella, et des biens d’Ortafa, que S.A. vous demande pour luy avec les reserves semblables a celles que vous ferez aux autres privileges, lors qu’ils seront expediez. Plusieurs demandent en cette ville et chacun pretend qu’il a servy aussi bien que son Compagnon. Je puis neantmoins vous asseurer que Monsieur d’Aubigny est fort considéré par les Catalans, qui publient ouvertement qu’ils luy sont extremement redevables. Entre les reserves il ne faut pas oublier sil vous plaist, monsieur, celle de la Jurisdiction Civile et criminelle pour Sa Majesté accordant seulement aux donataires la jurisdiction d’ont iouyssent les Carlans dans les terres : qui est la basse juridsidction avec le droit de condamner a quelque legere amande ».
[148] BNF, Français 4216 (fol.225-225v), Lettre de Marca à Le Tellier, 8 décembre 1645.
[149] Josep d’Ardena i Çabastida (Darnius, prov. de Girona, 18 octobre 1611-Perpignan, 20 novembre 1677), fils de Joan d’Ardena i d’Ortaffa et de Lluisa Çabastida i Bret, issu d’une ancienne famille d’Ille en Roussillon d’origine française (descendante des du Vivier du Fenouillèdes selon les recherches de Bernard Pericon). Il avait épousé le 13 novembre 1638 (Antich Servat major, notaire de Barcelona) Lluisa d’Aragon i d’Aibar, fille du baron d’Entença. « Membre distingué du Braç militar, il se mità la disposition de la Generalitat de Catalunya lorsqu’éclata en 1640 le conflit avec Philippe IV ». Il accomplit plusieurs faits d’armes au début de la période, participant à la bataille de Montjuïc, avant d’être nommé lieutenant-général de la cavalerie catalane après la soumission à Louis XIII.
LAZERME, t. I, p. 80.
Nous reviendrons plus abondamment sur les ancêtres et la personnalité de Josep d’Ardena dans le chapitre consacré à l’affaire d’Ille (infra : Deuxième partie, II. 2.).
[150] SANABRE, p.328.
[151] AMAE, CP Espagne 25 (fol.181), Lettre des députés de la Generalitat à Mazarin (signée de l’abbé de Galligans) pour notifier l’envoi à la cour de Josep d’Ardena comme ambassadeur des deux Consistoires, 28 novembre 1645. La lettre équivalente pour le Conseil des Cent, datée du même jour, se trouve au folio 182.
[152] Des exemplaires des instructions des deux Consistoires existent dans les archives françaises : AMAE, CP Espagne 25 (fol.184-186), Instructions données par les députés du general du Principat de Catalogne à Josep d’Ardena, envoyé comme ambassadeur à la cour (copie), 29 novembre 1645 ; et AMAE, CP Espagne 26 (fol.232-234v), Instructions données par les conseillers de Barcelona à Josep d’Ardena (original), 10 décembre 1645.
[153] Voir infra : Deuxième partie, II. 3.
[154] ACA, Generalitat, vol.861, fol.101-106, décembre 1645. SANABRE, p.329.
[155] AMAE, CP Espagne 26 (fol.229-229v), Lettre d’Harcourt à Mazarin, 30 novembre 1645. « Si celle cy (V.E.) luy fait cette grace elle obligera en mesme temps toute la noblesse de ce pays et la detrompera de la mauvaise opinion que les ennemis taschent de luy donner en persuadant que nous n’avons estime ny affection pour les gentilshommes Catalans parmy lesquels don Joseph d’Ardenne est dans une approbation generale d’homme de bien, d’honneur et de service ».
[156] Au sujet de cette ville, dont les habitants résistèrent violemment à leur nouveau seigneur, voir infra : Deuxième partie, II. 2.
[157] BNF, Français 4216 (fol.217-217v), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 novembre 1645. « […] je suis asseuré quencore qu’il fut gratifié seul par preferance a tout autre, on donneroit satisfaction a toute la province. Pour luy asseurer ce don d’Ille, il faut luy donner la proprieté avec tous les droicts, qui pouvoient apartenir sur cette terre au Marquis d’Aytone et au Comte de Valfogona. Quant aux reserves que l’on doit faire pour les interests de la couronne soit en ce privilege, soit aux autres qui seront expediez, ie me suis donné l’honneur, monsieur, de vous en ecrire amplement, dont iay donne un memoire a S.A ». Le document auquel il fait référence est évidemment celui que nous avons commenté et dont nous donnons l’édition (Document n°13) : BNF, Français 4216 (fol.213v), De la distribution des biens confisquez, 6 novembre 1645.
[158] ACA, Cancilleria, Intrusos 145 (fol.101v-103v), Lettres patentes de don de la vicomté d’Ille et d’érection de cette vicomté en comté, en faveur de Josep d’Ardena i de Darnius, décembre 1645 (acte transcrit entre un acte du 8 et un autre du 11 juin 1646 ; mention marginale de chancellerie portant exemption du droit du sceau). Voir : Document n°50.
[159] SANABRE, p.330-331.
[160] Felip de Copons i de Ayguaviva-Tamarit, baptisé le 20 janvier 1614 à Vilafranca del Panadés, issue d’une ancienne lignée seigneuriale, lui-même seigneur de Salomo et d’Ayguaviva, épousera en 1648 Eularia de Tamarit, fille du lloctinent del Mestre Racional Francesc de Tamarit. Il sera nommé le 10 juin 1646 conseiller d’Etat privé de Louis XIV pour le récompenser de ses efforts dans l’enquête contre les conjurés de 1645. Après le siège de Barcelona, il se fixera à Perpignan, et après le traité des Pyrénées, il sera créé conseiller du Conseil Souverain du Roussillon au moment de sa création en 1660. Il mourra à Perpignan le 5 septembre 1684, ayant donné le jour à une branche des Copons établie en Roussillon. LAZERME, t.I, p. 338 et t.III p. 401.
[161] AMAE, CP Espagne 25, Relation de ce qui s’est passé sur la presentation des provisions de Rocaberti d’un archidiaconé et chanoinie en l’église cathedralle de Barcelonne et l’envoy a Rome des chanoynes Col, Taverner et Ozona, décembre 1645. SANABRE, p.322.
[162] BNF, Français 4216 (fol.239-240), Lettre de Marca à Le Tellier, 28 décembre 1645. « Apres que monsieur le Viceroy fut de retour de la campagne, il me declara qu’il estoit engagé de parole envers quelques officiers de guerre Catalans, qui avoient bien servy pour les faire gratifier par sa majesté sur les biens confisquez, et qu’il desiroit que je considerasse les conditions sous lesquelles on pouvoit expedier cette sorte de dons. Je dressay a mesme temps un memoire, dont je vous envoye une copie, qui est conforme a celuy que je baillay a S.A. excepté en lendroit corrigé, qui regarde la reserve des Jurisdictions pour le Roy, en sorte qu’on ne leur accorde que la iurisdiction des Carlanies, en la forme qu’elle s’exerce en Catalogne. Despuis en la conference que j’eus avec S.A. ie luy expliquay mes sentimens sur la consideration qu’il falloit faire des services de ces six personnes qu’il me proposa. Et luy fis reconnoistre qu’il seroit obligé de continuer a gratifier un bon nombre d’autres Catalans ; plusieurs font desja des plaintes de ce qu’ils sont oubliez, et de ce que par le moyen des gratifications immenses, mesmes de celles que lon destine aux françois, on epuise le fonds des biens confisquez ».
[163] Le 23 janvier 1646, le nonce écrit à Rome qu’on a emprisonné et exécuté 3 nobles (Sanabre les identifie : l’avocat Gaspar Padellás, Josep de Torres, de Balaguer, Diego de Areny, de Tremp), alliés de la France lors du soulèvement, qui avaient ensuite suivi le parti d’Espagne. SANABRE, p.331.
[164] BNF, Français 4201 (fol.59v-60v), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 22 février 1646.
« Et quant a Messieurs de Chabot et D’Aubigny, comme les traitez de soubmission de la Catalongne en l’obeissance du roy portent expressement qu’il n’y aura que ceux du pays qui pourront estre gratiffiez des biens confisquez, l’on ne peut pas leur accorder ce qui est demandé pour eux, si ce n’est que les deux concistoires feissent faire instance aupres de Sa Majesté pour cet effect apres des deliberations authenticques, en sorte qu’il ne nous puisse jamais estre imputé d’avoir contrevenu aux articles qui leur ont esté accordez par Sa majesté ». Harcourt accordera pourtant à Aubigny l’usufruit de la baronnie qu’il demandait pour lui (ACA, Cancilleria, Intrusos 117, fol.143v-145v, Don à Simon Julia de Aubinyi [sic], aide de camp, des rentes et autres droits de la baronnie de La Portella (qui était de la comtesse de Quirra et avant de la comtesse de Vallfogona) et des biens confisqués don Ugo d’Ortaffa jusqu’à ce que le roi lui fasse don de la propriété, 14 avril 1646 ; et aussi des séquestre à Chabot (voir note suivante)
[165] Début janvier 1646, Chabot se vit gratifier par Harcourt du séquestre des biens confisqués dans la viguerie de Tortosa, castellania de Amposta, Ribera del Ebro et baronnies de Entensa, d’où une virulente opposition des Consistoires postérieure à la disgrâce de Galligans (nous reviendrons sur le cas de Chabot infra : Deuxième partie II. 1.
[166] BNF, Français 4216 (fol.298-302v), Lettre de Marca à Le Tellier, 21 mars 1646.
[167] Hipolita de Aragón i Aibar, fille de Joan de Aragón, seigneur des baonnies d’Entença et Capella, et de Tomasina de Aibar, était issue d’une branche bâtarde de la famille royale d’Aragon. Elle épousa Ramon de Erill-Despla, baron del Albi. Sa sœur, Luisa de Aragón i Aibar épousa en 1638 Josep d’Ardena i de Darnius. LAZERME Inédit (Aragón).
[168] BNF, Français 4216 (fol.267-285), Lettre de Marca à Le Tellier, 13 mars 1646 ; AMAE, CP Espagne 26 (fol.266), Memoire de Mr de Marca touchant le comte d’Harcourt, 14 mars 1646. Le texte du mémoire envoyé à Mazarin reprend à l’identique une partie de la lettre à Le Tellier. Nous nous basons ici sur cette dernière.
[169] ACA, Cancilleria, Intrusos 117 (fol.147-147v), Ordre au trésorier Bru de payer 50 livres par mois à Martin de Moirous, secrétaire du vice-roi et surintendant des Drassanes (l’arsenal de Barcelona), 27 mars 1646.
[170] Il s’agit de deux lettres citées infra : BNF, Français 4200, fol.144-145v, Lettre de Le Tellier à Harcourt, 8 juillet 1645 (« Sa Majesté donne pouvoir a Mondict Sieur le Comte d’Harcourt de leur ordonner quelque gratisfication sur le fonds provenant des revenus desdicts biens en general sans rien specifier ») ; BNF, Français 4172 (fol.52v-53v), Lettre du roi au comte d’Harcourt, 6 juillet 1645.
[171] « On a esclaté en plaintes publiques lors qu’on a veu des decretz qui donnent la jouyssance de la seigneurie de Cubels dependante du Marquisat de Camarasa de valeur de huict cens escus a don Hieronimo de Luna. Celuy ci est gouverneur de Camarasa, et mary d’une femme qui chante et dance de bonne grace, et donne du plaisir aux officiers de Son Altesse. Il y a encor une autre seigneurie de semblable valeur, dont la jouyssance a este donnée au nommé Bosagne, Catalan, qui sert d’interprete entre les hommes et les femmes ».
[172] BNF, Français 4126 (fol.307-317v), Relation du 3e Avril 1646, 3 avril 1646. Voir édition (Document n°14).
[173] Il est intéressant de noter, au passage, que Marca se conçoit comme ce « surintendant » et non seulement un « visiteur général ».
[174] Dans une autre lettre à Le Tellier, Marca développe le thème de cette bataille armée pour les biens confisqués : « Il ne doit pas estre teu que Sa Majesté ayant differé d’ordonner les depesches au profit de ceux que monsieur le viceroy avoit proposez, jusqu’à ce qu’apres le retour de la campagne, il eut conferé avec nous sur ce sujet, il fut deliberé entre les pretendans, à la poursuitte comme il est à croire du deputé écclesiastique, qu’il falloit faire un bando, c’est a dire une ligue avec armes, contre ceux qui empeschoient les mercedes, c’est a dire contre le Gouverneur et nous. L’effect du bando est de faire tuer avec des assassins à coups de gispe qui est une espece d’arquebuse courte ; mais tous les interessez ne voulurent pas consentir à cette damnable entreprise ». (BNF, Français 4216, fol.387v-419), 3 avril 1646.
[175] BNF, Français 4216 (fol.382-387v), Procès-verbal de visite, 3 avril 1646. Document curieusement intitulé car Marca n’a jamais pu réaliser sa visite des institutions et des officiers, en ayant toujours été empêché par les Consistoires…
[176] SANABRE, p.333-334.
[177] Sanabre (p.333) a relevé parmi les décrets des Intrusos les noms des individus suivants, déclarés traîtres : Joan Pou, de Areny (27 janvier 1646), Onofre Sastre et Vicenç Ferrer, de Rosas (29 janvier), Josep Sala, de Balaguer (5 mars), le comte de Peralada, Sebastià Duran, de Ripoll, Ramon Vilaseca, de Guissona, Miquel Aleu, de Alforja, Carles Arlés, Lluis de Icart (11 avril). On peut y rajouter Cristòfol de Icart le 16 avril (ACA, Cancilleria, Intrusos 143, fol.123). L’ordre de détention d’Onofre Aquiles, d’Antoni Patau, de Carreal, et de Baltasar de Cárcer, date du 5 mars. Le 3 mars, une crida condamnait à la peine de mort toute personne renseignée qui ne dénoncerait pas la conspiration.
[178] Voir supra I. 2) B). ACA Cancilleria, Intrusos 143 (fol.72-72v), Crida pública attribuant aux dénonciateurs des biens meubles des étrangers, traîtres et sujets du Roi Catholique, le quart desdits biens, 3 janvier 1644.
[179] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.121-122), Crida pública attribuant aux dénonciateurs des biens meubles des étrangers, traîtres et sujets du Roi Catholique, le quart desdits biens, 11 avril 1646. Voir édition : Document n° 28.
[180] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (131-136v), Crida pública ajustant la crida précédente du 11 avril 1646, 24 janvier 1647. Voir édition : Document n°28.
[181] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.3-4), Acte déchargeant la responsabilité du trésorier Jaume Bru après une saisie, sur ordre oral du vice-roi, de certains bijoux chez Theresa Aquiles, 9 janvier 1647. « Per quant per part del Magnifich fael y amat Conseller de la Real Magestat Jaume Bru Regent La real thesoreria en los Principat de Cathalunya y Comtats de Rossello y Cerdanya nos es estat representat que obtemperant a un orde per nos de paraula a ell donat nos ha lliurades duas pessas de or ço es una feta a modo de Joya per portar als pits en las qual hi ha engastats trescents trenta un diamants entre grans y xichs y al enves hi ha una porteta de or que demostra era per posar-hi un retrato y laltra dita paradis ab tretse diamants grossos ingastats las quals se trobaren en casa de Onofre Aquiles mercader y foren aprehses per lo Aguazil Ramon Romeu de orde de dit Thezorer de Theresa Aquiles viuda de dit Onofre Aquiles la qual digue eren de dona Hipolita de Eril y de Aragon que las tenia empenyades ab mil lliures y que per lo que poria ser que per no constar de dits orde y lliurança ne poria en lo devenidor reportar danÿ supplicant nos fossen servits per verificatio de la sobre dita veritat manassem fer lo present. Per tant nos attes es lo sobre referit conforme lo que ha passat y aixi volent que en tot temps conste de nostra certa scientia y real auctoritat usant manant fer y despachar las presens en virtut de les quals diem y manam al ill.e Mestre Rational de la casa y cort de Sa Magestat y a son llochtinent y altre qualsevol que de vos compte ohira que posant en data de vostres comptes lo havernos vos lliurades ditas joyas conforme esta dit vos ho admeten en legitim descarrech a sola restitutio del present, sens mostrar al tres recaptes que per ser aquest lo servey de Sa Magestat es tambe aquexa nostra voluntat. Dat. en Barcelona a de nou dies del mes de Janer any de la nativitat del senyor mil siscents quoranta set […] ».
[182] Voir supra, I. 2) B).
[183] ACA, Cancilleria, Intrusos 116 (fol.124-127) : « Nos Henricus etc Scientes et attendentes domini nostrum Regem quodam suo privilegio in sua Parisiensi Curia in mense Martii anni millesimi sexcentesimi quadregisimi quarti eiusque manu firmato expedito fuisse gratiam et mercedem vobis infrascripto fidelissimo et dilecto Regio Francisco de Cabanyes domicello Barc.ne domiciliato pro multis et insignibus ac laudabilibus servitiis per vos erga suam Mag.m et presentem Cathalonie Provinciam factis Inter alia de quadam domo domni Geraldi de Guardiola confiscata, et nos de ea disposuisse in favorem alterius persone. Scientes etiam et attendentes vos humiliter supplicasse nobis quatenus in emendam et compensationem dicte domus domni de Guardiola gratiam et mercedem vobis facere dignaremur de Domibus confiscatis Baltazaris de Carcer scita sunt in presenti Civitate Bar.ne in vico dicto den Jutge per quem itur a vico de La Argenteria ad vicum dels Miralles […] » Le « carrer d’en Jutge » peut correspondre à trois actuelles rues allant du carrer dels Mirallers au carrer de la Argenteria : le carrer Grunyí, le carrer Brosolí ou le carrer Rosic.
[184] ACA, Cancilleria, Intrusos 115 (fol.311-312v), Lettres patentes donnant à Francesc Cabanyes la baronnie de
Caldes de Malavella et Llagostera, confisquée au marquis d’Aitona, ainsi qu’une maison à Barcelona confisquée à
Garau de Guardiola, donné à Paris, mars 1644 (enregistrement dans les registres de la chancellerie en mars 1647).
Minute originale aux archives du département de Le Tellier (SHD, A1 88, n°355). Voir supra : Première partie, II. 3. Les maisons de Garau de Guardiola sont estimées, dans l’état des biens confisqués de 1643, d’un rapport de 643 l. 15 s. par an avec 113 l. 16 s. de charge (AMAE, CP Espagne Supplément 3, fol.340-346v), commenté supra : Première partie, II. 3 et édité en annexe : Document n°26.
[185] ACA, Cancilleria, Intrusos 116 (fol.129-131), Don à Guillaume Parmentier de Grandville, commissaire de l’artillerie, de l’usufruit de la tour et des terres de Baltasar de Cárcer à Horta et à Sant Andreu de Palomar, 12 avril 1646.
[186] BNF, Français 4216 (fol.320-322v), Lettre de Marca à Le Tellier, 16 avril 1646.
[187] Selon une supplique de son fils au Conseil d’Aragon (SANABRE, p.333-334).
[188] La famille Amigant est originaire de Manresa. Joan Josep Amigant i Carreras, fils de Joan Amigant, doctor en drets de Manresa et de Speransa Carreras, était probablement descendant, ou du moins parent, d’Angela Segui, épouse d’un Amigant riche marchand de Manresa, qui accueillit dans sa maison, fin mai 1522, Ignace de Loyola qui était malade après de rudes exercices de piété dans la grotte de Manresa – actuellement Cueva de San Ignacio (Joan Segarra Pijuan, Manresa ans Saint Ignatius of Loyola, Ajuntament de Manresa, 1990). Joan Josep Amigant épousa (contrat du 25 février 1634, Rafel Riera et Francesc Pastor, notaires de Barcelona), fol.671-678, Maria Ferrer i Saleta, fille de Pere Ferrer, mercader de Barcelona, et de Magdalena Saleta. Ils eurent un fils, Josep de Amigant i Ferrer, qui prendra du service sous les rois d’Espagne et publiera un Discurso sobre la pretension de privilegio de noble, en cabeça de su Padre, que tienen los hijos del Doctor Juan Joseph de Amigant, que murió en tiempo de las alteraciones de Cataluña de un garrote, por leal Vassallo de su Magestad, Rafael Figuero, Barcelona, 1670, où il met aussi en avant l’épisode de 1522. Il aura une postérité éteinte au XIXe siècle. Joan Josep Amigant avait une sœur, Maria Amigant, mariée (contrat du 16 juillet 1635, Francesc Pastor, notaire de Barcelona) avec Dimas Çafont i de Malla, Ciutadà honrat de Barcelona, et beau-frère du Régent Josep Fontanella. LAZERME Inédit (Amigant).
[189] BNF, Français 4216 (fol.329v-332), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 mai 1646.
[190] BNF, Français 4201 (fol.231-234v), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 19 juin 1646.
[191] BNF, Français 4216 (fol.323-329), Lettre de Marca à Le Tellier, 18 avril 1646. Commentaire de Sanabre : « así se administraba la justicia política » (SANABRE, p.334).
[192] SHD, A1 99 (fol.171-172), Lettre du roi au comte d’Harcourt pour lui dire que lorsqu’il ira à la campagne il fera connaître que l’intention de S.M. est que les officiers de Catalogne s’adressent au sieur de Marca en son absence pour les affaires de la province, 14 avril 1646.
[193] BNF, Français 4216 (fol.320-322v), Lettre de Marca à Le Tellier, 16 avril 1646.
[194] ACA, Cancilleria, Intrusos 115 (fol.182-185), Don des fruits de la vicomté de Canet à Josep Fontanella, en attendant que le roi lui en donne la propriété ; mention de chancellerie en marge portant exemption de droit du sceau, 4 avril 1646. Deux mois plus tard, il complète la donation en le nommant gouverneur général de la vicomté (ACA, Cancilleria, Intrusos 145, fol.112-112v, 22 juin 1646)… Au sujet de ces gratifications et de l’usufruit de la vicomté de Canet, voir infra : Deuxième partie, II. 1.
[195] BNF Français 4216 (fol.323-329), Lettre de Marca à le Tellier, 18 avril 1646.
[196] Pendant les derniers mois du mandat d’Harcourt en Catalogne, les privilèges décidés unilatéralement continuent à être expédiés et enregistrés dans les registres de la chancellerie de Catalogne : Josep de Rocabruna reçoit l’usufruit des biens confisqués à la comtesse d’Erill le 27 avril (ACA, Cancilleria, Intrusos 115, fol.217-218), par exemple, Chabot reçoit des dons de séquestres (voir infra)…
[197] SANABRE, p.309-310.
[198] BNF, Français 4216 (fol.342-344v), 15 mai 1646, Lettre de Marca à Le Tellier.
[199] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.271. « La contundència amb què Harcourt va castigar els conspiradors no el va lliurar del descrèdit a la Cort. El fet que un dels objectius primers dels conjurats fos l’eliminació de Margarit va reforçar la postura del governador, els seus enemics eren els mateixos que els del rei. Mazzarino va lliurar Ardena de la desgràcia pública, però era evident que el partit de Margarit en sortia guanyant».
[200] AMAE, CP Espagne 25 (fol.268), Lettre de Mazarin à Margarit, 8 avril 1646.
[201] BNF, Français 4201 (fol.161v-162), Lettre de Le Tellier à Margarit, 24 avril 1646.
[202] BNF, Français 4216 (fol.332-342v), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 mai 1646.
[203] BNF, Français 4201 (fol.156-161), Lettre de Le Tellier à Marca, 24 avril 1646.
[204] BNF, Français 4216 (fol.143v-146v), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 19 avril 1646.
[205] SHD, A1 99 (fol.234v-241v), Lettre du Roy a Monsieur le Comte d’Harcourt touchant la distribution des biens confisqués dans la Catalogne, un écrit contre don Joseph Marguerit et touchant Monsr de Marca et autres points, 18 mai 1646. Une lettre est aussi envoyée à Marca l’informant du contenu de la lettre précédente (SHD, A1 99, fol.234v-241v, 18 mai 1646).
[206] Pour l’aspect diplomatique de la mission d’Ardena et ses conséquences, lire notre chapitre consacré aux négociations de la paix, infra : Deuxième partie, III.
[207] Elles seront enregistrées au mois de juin dans les registres de la chancellerie, comme nous l’avons vu (ACA, Cancilleria, Intrusos 145,fol.101v-103v, décembre 1645 ; acte transcrit entre un acte du 8 et un autre du 11 juin 1646). Voir édition : Document n°50.
[208] SHD, A1 99 (fol.213-215v), Réponse du roi au mémoire présenté par Josep d’Ardena, 9 mai 1646 ; SHD, A1 99 (fol.223-223v), Lettre de la reine aux députés de la Generalitat, 13 mai 1646.
[209] SANABRE, p.310.
[210] BNF, Français 4216 (fol.350-351v), Lettre de Marca à Le Tellier, 12 juin 1646. Voir aussi les fol.s347-349v.
[211] BNF, Français 4201 (fol.258-265), Lettre de Le Tellier à Marca, 8 juillet 1646. « Vous avez veu par la lettre du Roy que je vous ay adressée pour monsieur le comte d’Harcourt, touchant le sieur Pinos, combien Sa Majesté desire contribuer en toutes choses a la satisfaction de dom Joseph Marguerith, mais on jugeoit bien apropos qu’il luy eust cette obligation, et il est mieux que mondit sieur le comte ayt prevenu l’ordre du Roy et ayt de luy mesme accordé audit sieur Pinos ce que ledit dom Joseph Marguerith desire pour luy ».
[212] BNF, Français 4216 (fol.367v-373v), Lettre de Marca à Le Tellier, 27 juin 1646. Marca ne peut, dit-il, « prendre le party de ces messieurs et de les appuyer contre l’inclination de ceux qui croyent dans une mesme deliberation et servir le Roy et se vanger ». Le Conseil des Cent révoque Marti, le remplace par Puiggener, désinsacule d’Ardena et Marti, ce dernier perd sa charge d’avocat fiscal de la bailie. Marca est content que « le peuple deschargeat sur le papier au lieu de se vanger sur les maisons du sieur d’Ardene et de Marti comme il pretendait le faire ».
[213] BNF, Français 4201 (fol.309-313v), Lettre de Le Tellier à Marca, 7 août 1646.
[214] BNF, Français 4201 (fol.252v-258v), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 8 juillet 1646.
[215] SANABRE, p.311.
[216] BNF, Baluze 254 (fol.63-71v), Instruction donnée a M. le comte de Noailles s’en allant en Catalongne pour s’employer a l’accommodement de messieurs de Marca et don Joseph Margarith avec monsieur le comte d’Harcourt, 9 août 1646. Cité par AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.270-271.
[217] AMAE, CP Espagne 26 (fol.313-314), Lettre d’Harcourt à Mazarin, 25 septembre 1646.
[218] AMAE, CP Espagne 25 (fol.452), Lettre de Mazarin à Ardena lui disant que la blessure qu’il vient de recevoir devant Lleida est une preuve de son courage, 14 décembre 1646.
[219] SHD, A1 100 (fol.212-215v), Instruction au sieur Fouquet s’en allant en Catalogne pour prendre connoissance du manquement dont se plaint monsieur le Comte d’Harcourt touchant le siege de Lerida et de l’estat auquel ont esté et sont les troupes, 25 novembre 1646.
[220] SANABRE, p.311-313.
[221] SANABRE, 315.
[222] BNF, Français 4202 (fol.36-40), Lettre de Marca à Le Tellier, 26 janvier 1647.
[223] BNF, Français 4217 (fol.57v-60v), Lettre de Marca à Le Tellier, 26 mars 1647. Le 31 juillet 1647, Plessis-Besançon écrivait à Le Tellier, sans doute pour se laver des accusations de partialité qui lui étaient faites par Marca, disant qu’il n’avait agi qu’après les supplications des Consistoires « en corps » de favoriser Chabot ; Margarit, disait-il, ne savait que se plaindre de n’être pas « le tout puissant en Catalogne » comme il l’était du temps de La Motte (AMAE, CP Espagne Supplément 5, fol.129).
[224] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.271-271 et SANABRE p.369-370.
[225] SANABRE, p.372-373.
[226] BNF, Baluze 254 (fol.99v-115v), Instruction donnée à Monseigneur le Prince s’en allant commander l’armée du roy dans la Catalongne, 5 avril 1647. Le texte se trouve aussi en SHD, A1 103 (fol.200-219). Marca a vocation à demeurer à Barcelona pour « s’employer aux affaires qui ne peuvent estre retardées et sur lesquelles il ne pourroit attendre les ordres du viceroy ».
[227] BNF, Français 4217 (fol.53-55), mars 1647.
[228] BNF, Français 4217 (fol.64v-68v), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 avril 1647.
[229] ACA, Cancilleria, Intrusos 116 (fol.205v-206v), Confirmation d’un acte du vice-roi en faveur de Francesc Cabanyes, faisant état de son acceptation de la réserve d’une pension en faveur de Hieronym Francoli sur les revenus des baronnies de Caldes et Llagostera, 25 mars 1647.
[230] ACA, Cancilleria, Intrusos 115 (fol.311v-312v), Lettres patentes accordant à Francesc Cabanyes le don de la baronnie de Caldes de Malavella et de Llagostera ainsi que d’une maison à Barcelona ayant appartenu à Garau de Guardiola, mars 1644 (enregistrées dans les registres de la chancellerie de Catalogne en avril 1647).
[231] BNF, Français 4217 (fol.64v-68v), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 avril 1647. Au sujet des débuts de l’affaire Cabanyes, en 1644, voir supra : Première partie, II. 3.
[232] BNF, Français 4202 (fol.160v-164), Lettre de Le Tellier à Condé, 3 mai 1647. « En l’année 1643 on accorda au sieur de Cabagnes le don de la baronnie de L’Agostera par confiscation sur la demande qu’en feist pour luy monsieur le maréchal de la Motte, mais sur l’advis qu’on eust incontinent apres que les autres Catalans se plaingnoyent de ce qu’on avoit fait cette gratiffication audict sieur de Cabagnes quoy qu’il n’en eust esté encores accordé a aucun d’entr’eux, on jugera apropos de faire surçeoir la prise de possession, et la jouissance de cette confiscation, et depuis monsieur le Comte d’Harcourt n’ayant mis ledit Cabagnes en possession, et celuy cy estant venu par deça pour en demander la confirmation, Sa Majesté a jugé apropos de le renvoyer a V.A. pour avoir sur cela son advis avant que d’y prendre aucune resolution ».
[233] ACA, Cancilleria, Intrusos 118 (fol.142-143), Ordre à l’abbé Faget, gouverneur du duché de Cardona, de payer 150 doubles d’or à Francesc de Cabanyes, 8 juin 1647 (signé du prince de Condé, daté du camp devant Lleida). Louis XIII, par privilège donné à Péronne le 13 septembre 1641, avait fait grâce à Cabanyes de 1500 livres françaises annuelles à prendre sur le trésor de l’Epargne ; Cabanyes s’en trouvait impayé depuis.
[234] BNF, Français 4202 (fol.113-115v), Lettre de Le Tellier à Condé, 29 mars 1647.
[235] AMAE, CP Espagne 27 (fol.87-89v), Lettre de Mazarin à Condé, 9 avril 1647 (minute avec des corrections de la main d’Hugues de Lionne).
[236] AMAE, CP Espagne 26 (fol.440), Lettre de Fontanella à Mazarin, 17 avril 1647. « En lo que V.Em.a ha sido servido escrivirme aserca del biscondado de Canet solo dire a V.Em.a que mi intencion iamas ha sido otra que de servir a Su Mag.d sin tirar a otro blanco que al servicio de mi Rey y s.or a que todos los que se previan de fieles vassallos deven acudir, quando el s.or Conde de Harcourt por ayuda de costa de los gastos que yo hazia en la campanya me dio los frutos me puso en algun empenyo de pretender la propiedad, ignorante de la intencion de Su Mag.d que V.E. me explica en sa carta, que como si se havia dado la propriedad de Caldas y Llagostera a Cabanyes, y la de Peramola a Caramany, y la del Condado de Illa en Rossellon a don Jusepe de Ardena, no supe hallar razon de diversidad en lo de Canet, mas con todo yo lo submeto todo a la voluntad de V.E. por cuya mano han de correr todas mis mercedes, y no quiero otras sino las que seran de su gusto, y me jusgo obligado a dezir a V.Em.a que las 1500 l. que yo escrivi valian agora los frutos de Canet son catalanas, no francesas como V.Em.a havia crehido, que no quisiera que en ningun tiempo V.Em.a pudiera creher que le havia simulado la verdad, quedando en todo caso tan criado de V.Em.a como siempre, expuesto a todo aquello que fuere de su servicio…»
[237] BNF, Français 4217 (fol.117-122v), Lettre de Marca à Le Tellier, 26 juillet 1647. Voir aussi infra : Deuxième partie, II. 1.
[238] AMAE, CP Espagne 27 (fol.101), Lettre de Mazarin à Fontanella (minute autographe), 3 mai 1647.
[239] AMAE, CP Espagne 26 (fol.453-454), Lettre de Fontanella à Mazarin, 28 mai 1647. Fontanella justifiait une nouvelle fois sa demande de Canet auprès d’Harcourt en disant que, comme le roi ne voulait plus démembrer le duché de Cardona ou le marquisat d’Aitona, et que la vicomté d’Evol se trouvait consignée aux héritiers de Pere Lacavalleria afin de rembourser d’anciennes dettes, Canet seul restait disponible pour le gratifier.
[240] BNF, Français 4217 (fol.72-84v), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 mai 1647.
[241] AUMALE, Henri d’Orléans, duc d’, Histoire des princes de Condé, pendant les XVIe et XVIIe siècles, t. V, Calmann Lévy, 1889, p.147.
[242] BNF, Français 4202 (fol.218-219), Lettre de Le Tellier à Marca, 10 juin 1647.
[243] AUMALE, Histoire…, p. 152-153. Aumale parle de 1200 recrues, Sanabre (p.377) parle de 12000 soldats et 4000 chevaux.
[244] Il s’agit de Josep de Tord i de Peguera, fils de Bernat-Joan de Tord i de Bertíz et de Lluisa de Peguera i Claris, petit-fils du juriste Lluis de Peguera et cousin de Pau Claris. Il avait épousé Geronima de Granollachs i Rossell, fille d’un noble de Vic impliqué dans les conjurations de cette région. En 1648, à la suite d’une altercation survenue entre membres des différents clans, Josep de Tord résignera sa charge de mestre de camp, avant d’en reprendre l’exercice (voir infra : Troisième partie, I. 2.) Il rejoindra le Roussillon après la chute de Barcelona, succédera à Jaume Bru i Granollachs comme trésorier de Catalogne début 1654 (avec des fonctions plus qu’honorifiques, il est vrai), avant d’opter finalement pour l’Espagne au moment du traité des Pyrénées. LAZERME, t.III, p.330.
[245] BNF, Français 4217 (fol.72-84v), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 mai 1647.
[246] SANABRE, p.388.
[247] SHD, A1 103 (fol.232), Lettre du roy a monsieur don Joseph Amat pour luy dire de se rendre pres de Sa Majesté pour affaires importantes a son service, 12 avril 1647.
[248] BNF, Français 4217 (fol.72-84v), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 mai 1647.
[249] AUMALE, Histoire…., p. 152-153.
[250] SANABRE, p.376-379. AUMALE, Histoire…, p.162-164.
[251] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.272.
[252] BNF, Français 4217 (fol.135v-149v), Lettre de Marca à Le Tellier, 2 août 1647. « Il est certain que les faveurs excessives a l’endroit des gens de peu les rendent insolens, et un Catalan ne change point d’inclination par les biens faits, mais plutost il s’en sert pour instrumens de sa malice ».
[253] AMAE, CP Espagne 27 (fol.207), Lettre de Mazarin à Margarit, 9 septembre 1647 (minute avec une mention autographe de Mazarin).
[254] AMAE, CP Espagne 27 (fol.208), Lettre de Mazarin à Morell, 9 septembre 1647.
[255] AMAE, CP Espagne 27 (fol.227), Lettre de Morell à Mazarin, 21 septembre 1647.
[256] AMAE, CP Espagne 27 (fol.241-244v), Lettre de Margarit à Mazarin, 10 octobre 1647. «Todo lo sobredicho he querido representar a V.Em.a para dezirle la confusion que allo y el haver perdido la major parte de mi hasiende, el verme en opinion entre el pueblo de que V.Em.a no tiene satisfaction de yo, atribuyendolo en ver que todos los que me han querido perder han sido favorecidos y premiados como Pujolar, Abad Sala, Amat, Cabanÿas, Marti y Dardena, y aunque es cosa de Reyes hazer mercedes a quien gustan y valerse de todas suertes de personas para sus servitios, todavia como es publico la malas actiones que ellos han hecho contra de mi les obliga a hazer este juhisio sin pensar a los demas y confiesso a V.Em.a, y le pido perdon si le digo que el ver favorecidos los que con tanta publicidad me han querido perder me tiene en alguna confusion y con miedo de que V.Em.a no tenga alguna duda de mi fidelidad…»
[257] BNF, Français 4217 (fol.103-105), Lettre de Marca à Le Tellier, 26 juin 1647. Deux mois plus tard, Le Tellier disait encore qu’il se faisait quelque difficulté à ce sujet et que le roi n’avait pas encore tranché sur la validité des biens confisqués (BNF, Français 4202, fol.301-302v, Lettre de Le Tellier à Marca, 3 août 1648). Les disgrâces militaires interrompent l’affaire…
[258] AMAE, CP Espagne 26 (fol.518), Lettre de Morell à Mazarin, 22 septembre 1647. « Allo grandes difficultades y en particular aora an hecho muchos malcontentos porque no obstante Su A. avia dado orden no se revocassen las mercedes hechas an quitado todas las pentiones avian dado los lugares tinientes de su mag.d y les an consignado a otros. Joloe representado a su A. y me responde que en legando lo remediara tengo aviso legara oi el sr principe asta ciudad confio que con su presencia se ajustaran los disgustos por mi particular asiguro a V.Em.a que no obstante me an quitado mil libras tenia de pension y un sequestro quando me quitarian la dignidad, canonicado y quanto tengo quedare tan servidor de su mag.d como el que mas y trabajare en que todos lo hasen (?) por sus obligaciones de vassallo ; como tambien por las honras su mag.d me hiso y los favores V.Em.a me honrro asigurandole quedare siempre de V.Em.a etc…»
[259] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.294-295), Lettre de Morell à Pujolar (copie de la main de Pujolar), 5 novembre 1646. « Agora el sr de Marca a dicho que tenia una carta de su Mag.d mandandole no permitiese se pagase ninguna de las pensiones havian dado el M.al de La Motte y Conde de Harcourt… ». Il faut prendre ces propos avec précaution.
[260] BNF, Français 4217 (fol.162v-163v), Lettre de Marca à Le Tellier, 6 novembre 1647.
[261] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.11v-12), Don à Josep de Tord i de Peguera, mestre de camp del batalló, de 500 livres barcelonaises sur les revenus du duché de Cardona, « en récompense de ses nombreuses dépenses pour la campagne », 6 novembre 1647.
[262] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.12-12v), 6 novembre 1647.
[263] ACA, Cancilleria, Intrusos 118 (fol.158-161v), 7 novembre 1647. Nous traitons de l’opposition entre les villes et les seigneuries infra : Deuxième partie, II. 2.
[264] Par exemple, Mazarin et Le Tellier avaient empêché la nomination de M. de Jumeaux, ami de Condé, comme gouverneur de Flix. AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.276.
[265] SANABRE, p.393.
[266] AMAE, CP Espagne 27 (fol.283-284v), Lettre de Morell à Mazarin, 22 novembre 1647. « Acudimos a Su Alteza, dimos palabra nos aria pagar pero no lo a hecho porque el sr de Marca a dicho tenia orden de su Mag.d no se pagassen las pensiones de rentas eclesiasticas sino las que se avian dado en recompensa y si bien los demas las tenemos desta suerte no se nos pagan. Aviendolas quitado a los mejores servidores de su Mag.d en particular al canonigo Quer, al prior Calaffes, y a otros muchos con que an disgustado mucha gente en particular viendo an dado estas pensiones a personas no an perdido renta alguna ni hecho servicios ».
[267] Nous verrons infra (Deuxième partie, II. 1) avec quelle détermination Fontanella prit possession de cet usufruit…
[268] BNF, Français 4216 (fol.174-175v), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 mai 1645. Marsal et Copons peuvent pretendre à la place, « mais celuy cy l’emporte sur l’autre pour plusieurs considerations, mesmes pour celle de sa noblesse, et de son allience et parenté, qui participera a ce bienfait ».
[269] SHD, A1 92 (n°302), Provisions de l’office de Conseiller en l’Audience Royalle du Principat de Catalogne pour le sieur Copons (minute), 20 juin 1645.
[270] AMAE, CP Espagne 25 (fol.259), Lettre de Mazarin à Felip de Copons pour le remercier de l’affection qu’il a témoignée dans la découverte de la conjuration de Barcelona (minute), 5 avril 1646.
[271] BNF, Français 4216 (fol.332v-342), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 mai 1646. « Don Philipe Copons docteur de l’Audience a tres bien servy en l’affaire de la coniuration, en sorte que l’on peut asseurer qu’il l’a descouverte par son industrie, et par sa vigueur contre les menées du Regent, qui taschoit par tous moyens d’en estouffer les preuves, ce qui a acquis a celuy ci une tres mauvaise reputation parmi le peuple jusqu’a dire hautement et par des billets qu’il est le chef des traistres, au lieu que l’autre s’est acquis beaucoup d’honneur dans la ville et a attiré sur soy des enemis tres puissans. Neantmoins les recompenses ont esté bien inegales. Le Regent a esté gratiffié par monsieur le viceroy des fruicts de Canet qui valent trois mille escus de quoy l’on a fait de grandes plaintes. Et lon a ordonné a don Philipe Copons pour les travaux qu’il a pris en cette affaire cinq cens escus a une fois payer, qu’il a genereusement et courtoisement refusé. Il est vray que cette ordonnance avoit esté expediée a son profit, a l’instance du docteur Martin, qui desiroit une semblable somme, qui luy a esté payée. Et pour donner couleur a sa demande, il l’a rendu commune pour luy et pour Copons. Celuy ci a remercié monsieur le viceroy de sa bonne volonté, et a refusé le payement, n’estimant pas qu’il fut honneste pour luy de recevoir de l’argent sous ce tiltre d’avoir instruit et jugé un proces. Je pense qu’il seroit a propos, monsieur, de luy envoyer des lettres de conseiller d’Estat avec l’appointement de cinq cens escus sur l’espargne, quil seroit bien de luy faire payer pour la premiere année, a mesure qu’il recevroit les lettres. Outre cela on pourroit ecrire a monsieur le Viceroy qu’il donna advis a sa Majesté quelle gratification pourroit estre faite pour don Philipe sur les biens confisquez ».
[272] SHD, A1 95 (n°376), Lettres de nomination de Felip de Copons comme conseiller au Conseil d’Etat et privé du roi (minute), 10 juin 1646.
[273] En effet Marca écrit à Le Tellier, le priant de signifier à Harcourt que Copons n’avait pas l’intention de le froisser ou de le forcer en exprimant son désir d’être récompensé à égalité avec Fontanella et le docteur Marti (BNF, fol.309-313v, 4 juillet 1646).
[274] BNF, Français 4217 (fol.85v-89), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 mai 1647. « Il me semble qu’il sera necessaire lorsqu’on envoyera l’estat des pensions, de luy escrire une lettre paticuliere, par laquelle on luy fist reconnestre que S.M. a jugé apropos de ne luy donner point de proprieté pour le present, lorsqu’elle revoque avec les autres celle qui avoit esté donnée pour le Regent, mais qu’elle aura en consideration sa demande pour le gratifier, ou d’une partie de ce vicomté ou de quelqu’autre seigneurie lors que l’occasion en sera plus propre ».
[275] SHD, A1 104 (fol.3v-4), Lettre du roi à Felip de Copons, 3 juillet 1647.
[276] AMAE, CP Espagne 27 (fol.275-276), Lettre de Felip de Copons à Mazarin, 9 novembre 1647.
[277] SHD, A1 104 (fol.325-326), Lettre du roi au docteur Vidal portant surséance de la décision précédente d’accepter sa démission, 16 décembre 1647. BNF, Français 4202 (fol.502-504), Lettre de Le Tellier à Marca, 27 décembre 1647.
[278] Une fois de plus, le motif des anciennes bandositats nous semble utilisé avec une certaine facilité par les observateurs français, sans que cela corresponde à de véritables options politiques, comme l’a observé Núria Sales (SALES, Núria, VILAR, Pierre, TERMES, Josep, Història de Catalunya / segles XVI-XVIII 4, Els segles de la decadència, Barcelona, Edicions 62, 1991, p.373-376). Un observateur de l’autre camp, Ramon Dalmau de Rocabertí, comte de Peralada, note aussi la vision déformée des Français sur ces querelles : « pues se conservan los vandos de Ñerros y Cadeles, tan arraigada semilla en los naturales, que no se escapa alguno : y porque casi todos los Ministros de Francia son de una parcialidad, por vengar sus propias passiones, hallan mal afectos a los demas, no siendo inferior consideracion esta discordia, por ser cosa muy dificultosa, que en un mesmo lugar aya potencia de enemigos y concordia » (ROCABERTÍ, Presagios…, p.14-15).
[279] BNF, Français 4217 (fol.164-168v), Lettre de Marca à Le Tellier, 27 novembre 1647. « Sangenis pretendoit avec passion a cet office qu’il avoit exercé par commission apres le deceds de feu Raiadel, et avant la provision de Vergos. Il m’estoit recommandé par Mr le Chancelier et le gouverneur, outre qu’il est de mes bons amis, et a servi de ses avis dans le Conseil de Cent, et de son argent aux occasions. Mais il ‘est pas d’assez bonne naissance (ayant fait le mestier de droguier) pour occuper cette place, qui n’a esté donnée qu’a des gentilshommes de condition, de sorte que les huit cens pistoles qu’il offrit a M. le Chevalier de Gramont ne peurent luy servir en cette occasion, dont les plaintes et la haine de Sangenis sont contre moy ». Ayguaviva avait, comme son neveu, participé à la découverte de la conjuration de 1645. Par vengeance, dit Marca, dona Hipolita de Aragón avait fait brûler son château.
[280] ACA, Cancilleria, Intrusos 145 (fol.160v), Nomination de Tomàs de Banyuls comme gouverneur du comté d’Evol et du comté de Santa Maria de Formiguera, donné à Perpignan, 2 avril 1647.
[281] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.298-298v), Lettre de fra Lluis Alosi à Pujolar (copie de la main de Pujolar), 29 novembre 1647. Voir édition : Document n°36 Dans cette lettre, Lluis Alosi fait état des obstacles que Banyuls met à l’exercice par Tomàs Alosi, son frère, de la charge de gouverneur du comté de Formiguera. Lluis Alosi mourra de la peste en avril 1651 (BNF, Français 4219, fol.412-416, Lettre de Marca à Le Tellier, 27 mars 1651).
Nous reviendrons infra sur le personnage et les ambitions de Tomàs de Banyuls : Troisième partie, III., 1.
[282] BNF, Français 4217 (fol.168v-178v), Lettre de Marca à Le Tellier, 1er décembre 1647.
[283] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.299-300), Lettre de fra Lluis Alosi à Mazarin, 2 décembre 1647. Voir édition : Document n°36 « Que la merce que han feta a un nebot del senyor Canceller es estada abominada de totom y en particular de la gent de guerra que de dret tocava a don Jaime de Aril o a altra persona del batallo…»
[284] BNF, Français 4217 (fol.179v-180), Lettre de Marca à Le Tellier en recommandation de Josep de Tord, 4 décembre 1647 : « Vous avés veu a la Cour des Catalans qui ont servy le Roy en cette province, mais il n’y en a point qui l’ayent fait avec une affection plus grande, et plus desinteressée que dom Joseph Tort, Mestre de camp d’un regiment du Bataillon. Ses actions ont esté sinceres sans aucun mélange de soupçon, il s’est rendu fort assidu au mestier, et a fait parestre son intelligence et sa valeur aux occasions ».
BNF, Français 4217 (fol.180-180v), Lettre de Marca à Le Tellier en recommandation de Francesc Calvo, 4 décembre 1647 : la « générosité (du comte d’Harcourt) le portoit a l’aimer, encore qu’il fust beau frere de M. le Gouverneur […] et a satisfait dans cette campagne en tant que commandant du régiment de cavalerie du Gouverneur ».
[285] BNF, Français 4217 (fol.178v-179v), Lettre de Marca à Le Tellier, 4 décembre 1647.
[286] BNF, Français 4203 (fol.25-27), Lettre de Le Tellier à Marca, 10 janvier 1648.
[287] SHD, A1 105 (n°481), Lettres patentes de don à Jaume d’Erill de la baronnie de Malpas, de la juridiction d’Erill avec suppression du titre de comte d’Erill, et de 200 livres barcelonaises de rente, février 1648. Malpas était une partie du comté d’Erill.
[288] SHD, A1 105 (n°477), Brevet de 200 livres de pension sur les biens confisqués en faveur de Josep de Tord, 18 février 1648.
[289] SHD, A1 105 (n°478), Brevet de 300 livres de pension sur les biens confisqués en faveur de Dionis Ciurana, 18 février 1648.
[290] SHD, A1 105 (n°480), Brevet de 200 livres de pension sur les biens confisqués en faveur de Llorenç de Senesterra, 18 février 1648.
[291] SHD, A1 105 (n°479), Brevet de 300 livres de pension sur les biens confisqués en faveur du capitaine Francesc Borrell, 18 février 1648.
[292] SHD, A1 107 (fol.77-78), Lettre du Roy a Monseigneur le Cardinal de Ste Cecille touchant l’expedition de quelques brevets de don et de pentions sur les biens confisqués en Catalogne, 18 février 1648.
[293] Vallespinosa, act. província de Tarragona, comarca de Conca de Barberà. Aguilar est une baronnie composée de plusieurs lieux : Bancs, Catllarí, l’Hospital del Coll d’Olzina, Valtelles, tous situés dans la vall de Lord, comarca de Solsonès, província de Lleida. Voir Güell i Barcelo, Manuel, « Els Margarit de Castell d’Empordà: família, noblesa i patrimoni à l’època moderna », dans Estudis n°56, Fundació Noguera, Barcelona, 2011. Voir aussi LAZERME, t.II, p.318-319.
[294] GÜELL, « Els Margarit… », p.337. Selon le même auteur (p.349), Josep de Margarit dotait en 1647 sa fille Rafela, mariée avec Galceran de Cruilles, de 24000 livres…
[295] Il s’agit de la lettre commentée supra : AMAE, CP Espagne 27 (fol.241-244v), Lettre de Margarit à Mazarin, 10 octobre 1647.
[296] AMAE, CP Espagne 27 (fol.301-301v), Lettre de Mazarin à Margarit (minute de la main d’Hugues de Lionne), 7 décembre 1647. Il se demande, dit-il, si « les plaintes que vous me faites dudit dom Joseph, plus particulieres que vous n’aviez jamais faites, ne tendent qu’a me faire voir la resignation que vous avez eue pour les volontez de S.M. en donnant les mains a un accord avec une personne dont vous pretendez avoir tout le sujet d’estre mal satisfaict. Je veux croire ce dernier cy (…) C’est ce qui m’empeschera d’entrer dans le detail des particularitez que vous mandez dans vostre lettre, desirant d’assoupir plutot que de reveiller tout ce qui peut produire entre vous de nouvelles engences ».
[297] SHD, A1 104 (fol.289v-290), Lettre du roi à Margarit lui donnant pouvoir de connaître des regalias et cas royaux jusqu’à l’arrivée du Cardinal de Sainte Cécile, 13 décembre 1647. Margarit avait précédemment eu ce pouvoir avant l’arrivée de Brézé.
[298] AMAE, CP Espagne 27 (fol.315-316v), Lettre de Margarit à Mazarin, 24 décembre 1647.
[299] GÜELL, « Els Margarit… », p.343.
[300] BNF, Français 4217 (fol.208-216v), Lettre de Marca à Le Tellier, 8 janvier 1648.
[301] BNF, Français 4217 (fol.221v-224), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 janvier 1648.
[302] SHD, A1 107 (fol.47-47v), Lettre du roi à Margarit, 17 janvier 1648.
[303] BNF, Français 4203 (fol.78-79), Lettre de Le Tellier à Marca, 7 février 1648.
[304] BNF, Français 4203 (fol.62v-64), Lettre de Le Tellier à Goury, 31 janvier 1648. « La royne ayant resolu de gratiffier dom Joseph Marguerith de la somme de dix mil livres apprendre sur les revenus du sel de Cardonne, suivant la proposition qui en a esté faite par monsieur de Marca, et neantmoins luy faire congnoistre, que cette somme sortira de l’espargne, l’on desire pour rendre la chose dautant plus vraysemblable que ce soit par vostre entremise, et que vous en communicquiez avec monsieur de Marca, et fassiez en sorte qu’a mesure que la somme se reçevra de celuy qui a le maniement dudict revenu, elle soit delivrée par vostre soin a dom Joseph Marguerith, ce que lon remet a vostre prudence de conduire, de maniere que l’intention de deça soit suivie ».
[305] BNF, Français 4217 (fol.188-188v), Lettre de Marca à Le Tellier, 28 décembre 1647.
[306] BNF, Français 4202 (fol.502-504), Lettre de Le Tellier à Marca, 27 décembre 1647.
[307] BNF, Français 4217 (fol.230-235), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 janvier 1648.
[308] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.269v-275), Mémoire des membres de l’Audience (transcription), 18 janvier 1648.
[309] PERALTA, Narcis, Al serenissim senyor Enrich de Lorena comte de Harcourt, de Briosna … Per lo doctor Narcis Peralta …, en estampa de la viuda de Pere Lacavalleria, 1646. Nous reviendrons sur le rôle juridique de Peralta dans les procès liés aux confiscations infra : Deuxième partie, II. 3.
[310] BNF, Français 4217 (fol.180v-181), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 décembre 1647.
[311] SHD, A1 107 (fol.42v-45v), Ordonnance pour l’employ des revenus des benefices scituez en Catalogne dont les titulaires se sont retirés dans le pays ennemy lesquels sont sous sequestre, 30 janvier 1648.
[312] AMAE, CP Espagne 29 (fol.32-33v), Lettre de Pujolar à Mazarin, 6 février 1648.
[313] AMAE, CP Espagne 28 (fol.39-39v), « Noticias de Cataluña », 29 janvier 1648.
[314] AMAE, CP Espagne 29 (fol.42-42v), 5 février 1648, Acte attestant que Magi Sivilla, résidant à Paris au collège de Clermont, s’est rendu en la maison d’Isidoro de Pujolar, sise rue d’Orléans, et lui a demandé de quitter sa charge et de lui remettre les papiers concernant ladite charge (Châlon, notaire au Châtelet de Paris), 5 février 1648.
[315] Dietaris…, vol. VI, p. 925-927.
[316] AMAE, CP Espagne 29 (fol.35-35v), Réponse d’Isidoro de Pujolar à la réquisition du docteur Sivilla lui présentant un acte du notaire Querri renfermant la lettre des conseillers de Barcelona, s.d.
On trouve aussi la réponse à la Generalitat, qui est identique, datée du 7 février 1648 (Dietaris…, vol. VI, Ann. 2, p. 927)
[317] AMAE, CP Espagne 29 (fol.45-45v), Lettre de Pujolar à Lionne, 13 février 1648.