II. Caisses vides et « troubles domestiques » : les biens confisqués dans la ligne de mire
1. Un interrègne passé à essayer de faire révoquer les dons des vice-rois (1649)
Violent discrédit de la politique de confiscations : les docteurs de l’Audience en sont la cible, et le Conseil des Cent augmente ses prétentions à l’occasion du grand emprunt de 1649
On sait que les évènements politiques survenus à Paris en 1648 avaient été rapidement connus en Catalogne, soulevant des craintes et des appréhensions. Dès le début des secousses parlementaires, la Fronde a été un élément perturbateur essentiel pour le gouvernement français de Catalogne. Daniel Aznar va plus loin encore dans l’explication de cette connexion immédiate en affirmant que « les tensions courtisanes et de clientèles françaises en Catalogne se font sentir comme un prélude à l’éclatement de la Fronde. Que ce soit dans les provinces du royaume de France ou en Catalogne, le pouvoir royal n’avait pas la capacité d’agir de manière forte et sans équivoque »[1]. Ainsi, la Fronde est autant la suite des querelles qui se jouent avant et en 1648, notamment à Barcelona, que la dégradation décisive de la situation du Principat après cette date est un effet de la Fronde. Il faut y ajouter la banqueroute de la monarchie, en 1648, qui interrompte les paiements des troupes. Mais c’est véritablement dès le début de l’année 1649 que les effets des « troubles domestiques » sont directs, en raison de la faiblesse du pouvoir de Marca qui, demeuré seul à Barcelona depuis le départ de Schomberg le 30 décembre 1648, reçoit de Mazarin l’ordre d’assurer un nouvel interrègne jusqu’à l’arrivée du prochain vice-roi – en réalité, on ne pourra pas en nommer dans l’immédiat. Marca n’a que deux collaborateurs : le Gouverneur Margarit, qui reçoit, comme par le passé en pareille situation, les pouvoirs de la viceregia avec les « regàlies »[2] ; et Marchin, qui reçoit le commandement militaire. La sortie de Schomberg a coïncidé avec la montée des tensions dans la capitale : alors que la cour commençait à préparer les armées royales à faire un blocus autour de la ville, les parlementaires exhortaient à lever des troupes pour conserver leurs acquis et empêcher cette manœuvre[3]. Mais le 6 janvier 1649 un tournant décisif est entamé quand on apprend que le roi a quitté Paris pendant la nuit : la foule parisienne commence à avoir peur de la soldatesque, construit des barricades, et le Parlement décide immédiatement de lever sa propre armée. Il déclare Mazarin ennemi de l’Etat et autorise à le capturer et le tuer. Le Parlement, sommé par le roi de quitter la capitale et d’aller reprendre ses fonctions à Montargis, se fige dans sa position, mais il est bloqué comme tout le reste de la population[4].
La confusion de la situation et le manque de communication avec la cour, dont les dépêches commencent à être interrompues sur les chemins par les Frondeurs, crée aussi des hésitations et des incompréhensions de la part de Marca. En ce tout début d’année 1649, les affaires de confiscations et de gratifications sont pour lui des points essentiels à régler. Les derniers contacts qu’il a eu avec Le Tellier à ce sujet laissent cependant planer la plus grande incertitude : contrairement à ce qui avait été insinué à Marca, la reine n’a pas pris la décision de révoquer les donations faites par les vice-rois ; plus encore, elle a de facto renoncé à réunir Canet et Evol au domaine alors qu’elle avait envoyé à Barcelona les lettres patentes de cette réunion, n’ayant pas davantage insisté après le mauvais procédé de Schomberg qui en avait fait la rétention. Le 11 janvier, Le Tellier écrit, dans un style qui temporise – toute décision est prise au jour le jour sans préjuger de la suite –, qu’on ne révoquera pas le séquestre des revenus de l’évêché de Tortosa accordé par Harcourt et Schomberg au docteur Morell, pour ne « point faire de mal contentz »[5]. A partir de là, plus aucune lettre du secrétaire d’Etat jusqu’à sa missive du 20 février où il déclare que les courriers devant arriver à la cour, comme ceux mandés en Catalogne, ont été « tous pris par ceux de Paris, à quatre lieues de ladite ville, où ils sont retenus avec leurs despesches »[6]. Dans ce laps de temps, Marca prend donc toutes les mesures à sa disposition pour tenter de remédier aux problèmes du gouvernement de Catalogne. Sa première réaction est de rédiger, à l’intention de Le Tellier, une « Minute d’arrest de reglement ou declaration » sur les pouvoirs des vice-rois, pour limiter les abus dont ils s’étaient rendus coupables. Marca avait l’habitude d’envoyer à la cour des projets d’actes, comme par exemple les lettres patentes de marquisat pour Josep Margarit. Ce projet-ci, comme le commente justement D. Aznar, est en rapport direct avec le contexte politique : « significativement durant ces premiers moments de la Fronde […], Marca va réaliser sur commande royale un projet de règlement du statut du vice-roi où, de même qu’en 1645, il s’agissait de limiter le pouvoir royal du vice-roi sur le terrain de la grâce […]. Une mesure qui reflétait la préoccupation de la couronne que la vice-royauté catalane devienne une plate-forme au service de la révolte aristocratique »[7]. Mais il est difficile d’établir exactement si le projet en question fut réellement une commande de la cour. Marca, en réaction face aux abus qu’il était le premier à dénoncer, peut être à l’origine de l’idée, qu’il explicite dans sa lettre pour accompagner le document :
« Il ne faut changer aucune clause de celles qui sont contenues au privilege de M. le maréchal de Brezé, qui est celuy qui fut expedié le premier conformement aux formulaire mentioné dans les Pactes. Il ne faut non plus y adjouter aucune limitation, soit pour les biens confisqués, ou pour les provisions des offices, parce que ces peuples prendraient cela pour une nouveauté » [8].
Il s’agit donc simplement de mettre à disposition des vice-rois un document pour les informer des contours exacts de leur charge et les retenir dans leur devoir, une « instruction » en somme, mais qui aura de plus que les anciennes instructions le fait qu’elle sera sous forme d’arrêt, donc avec un caractère plus solennel et une portée obligatoire plus forte.
En matière de pouvoir de grâce, on peut relever trois principes essentiels contenus dans ce règlement[9], qui compte en tout 14 articles : l’interdiction pour les vice-rois d’aliéner le patrimoine royal ; l’obligation de tenir la Junta patrimonial ; l’obligation d’en déférer à Marca sur ces matières. La substance du premier principe repose dans le fait que tout exercice du pouvoir de grâce est réservé au souverain, mais le vice-roi peut l’exercer uniquement, par exception, pour des matières secondaires comme sont les petits bénéfices. La provision des offices, l’anoblissement, la rémission des crimes et des délits (particulièrement du crime de lèse-majesté), les privilèges aux villes leur sont strictement interdits ; ils ont à faire des propositions au souverain. Ainsi, aliéner le patrimoine n’est qu’une prohibition parmi les autres, et découlant des autres.
« III.
Encore que les vicerois ayent plain pouvoir pour l’administration et bon gouvernement de la province, neantmoins, attendu qu’ils n’en sont point les maistres, nous entendons suivant nos lettres de declaration du (blanc) qu’ils ne pourront aliener en tout ou partie le patrimoine royal ancien ou nouveau comme sont les biens acquis par confiscation, ny disposer d’iceux en faveur de nos sujets soit par vente ou donnation, en recompense de services, jouissances par voye de sequestres, establissemens de pensions perpetuelles ou à vie, acensemens ou emphiteose, augmentation de gages en faveur des Officiers, ny autrement en quelque façon que ce soit ».
Marca a pris sur ce point une position très avancée et sévère : qu’ils aient été sincères ou non dans leurs intentions, les vice-rois La Mothe et Harcourt avaient multiplié les donations par voie de séquestre puis d’usufruit « en attendant que le roi en envoie la donation ». Peut-être vaient-ils conçu à l’époque cette forme de donation comme un pis-aller, attendu que le roi validerait leurs choix de personnes à gratifier ? Il est certain que la limitation draconienne du pouvoir de grâce proposée par Marca serait difficilement acceptable par tout vice-roi, fût-il le plus docile possible : réputé « alter nos », nécessairement choisi parmi la plus haute noblesse, il était impensable que le vice-roi ne puisse pas récompenser par lui-même ses fidèles conformément à la définition la plus basique du système clientéliste alors en place chez les Condé, les Lorraine, les Orléans…
La limitation et le contrôle du pouvoir de grâce passe par la tenue de la Junta patrimonial, ce conseil appartenant aux anciennes institutions de Catalogne, mais dont la tenue était pourtant irrégulière avant la soumission à la France. Sous la vice-royauté de La Mothe, grande époque de puissance de Margarit, la Junta était devenue un symbole d’injustice et de détournement de la faveur royale, dénoncée par la plupart des pamphlets[10]. Marca récupère cette institution décriée pour en faire, une fois rebâtie sur des principes sains, la base même d’un gouvernement conforme à ses visions d’absolutisme éclairé par conseil.
« IV.
Ils tiendront pour la direction dudit patrimoine une Junte ou Conseil particulier suivant l’ancien usage, où seront traittés et resoluës toutes les choses qui regarderont l’administration de ces biens. Et en cas qu’il soit besoin de disposer de la proprietté d’iceux, le resultat de la junte nous sera envoyé pour y pourvoir avec l’avis de nostre Conseil. Nous reservant d’accorder par nos lettres particulieres aux vicerois la faculté de disposer des fruicts desdits biens, suivant qu’ils le jugeront apropos pour le bien de nostre service ».
Une précision importante ne doit pas passer inaperçue : le roi pourra se faire envoyer le « resultat » de la junte. Marca est un excellent connaisseur des institutions françaises, et un bon connaisseur des institutions catalanes. Il est lui-même conseiller d’Etat et imagine donc là un calque des « résultats » du Conseil du roi. Ce dernier tient ses délibérations secrètement, sans procès-verbaux – de même que la Junta patrimonial du vice-roi, en Catalogne. En revanche, il y a des « résultats », relevé de décisions prises par le Conseil, sans trace des inflexions, nuances, questions posées par tel ou tel membre, mais avec un caractère officiel bien affirmé. Ainsi, Marca apporte une certaine innovation : d’un conseil totalement secret, ne laissant aucune trace écrite (ce qui le faisait dénoncer en 1643), on passerait à un conseil semi-secret, qui garderait sa substance, mais sur le modèle français produirait des documents à valeur officielle et probatoire. Ce serait, en quelque sorte, obliger les vice-rois à assumer leurs actes. Et, dans le prolongement, c’est le roi, cette fois en son Conseil, qui déciderait de l’application de la grâce (puisqu’il s’agit de cela) proposée dans la Junta. Tout cela n’empêchant que le souverain puisse délivrer des « lettres particulieres » aux vice-rois afin de leur permettre de percevoir des revenus de biens confisqués ou de les assigner à quelqu’un d’autre, mais toujours ponctuellement et sans valeur générale. Le souhait de Marca est d’installer une procédure générale de la grâce royale : ainsi, dans l’article XII, pointe-t-il l’importance d’« éviter toute surprise tant en l’expedition des lettres de noblesse qu’en celles des autres graces », et prescrit-il que le roi demande nécessairement l’avis du vice-roi sur toute grâce qui sera expédiée dans la région, qui ne pourra de toute façon se faire ailleurs qu’à la cour.
Le troisième aspect relevé vient également pour corriger les abus des précédents vice-rois, d’après l’expérience personnelle de Marca comme visiteur général…
« XIV.
Et d’autant que pour la bonne conduite et gouvernement de la province il importe que les vicerois soient bien informéz et assistés de Conseil, nous voulons et ordonnons qu’ils traittent de ces matieres principalement avec le conseiller d’Estat que nous ou nos successeurs establirons pres de leur personne pour cet effet, procedans avec leur participation à faire les ternes des offices et benefices et à nous donner les avis sur les privileges, graces et gratifications qui nous seront demandées. Comme aussi qu’ils communiquent avec lui des affaires qui concerneront soit nostre authorité, comme sont les conflicts de la jurisdiction ecclesiastique et seculiere, les contentions des officiers, les excés qui peuvent troubler l’estat de la province, les remissions des crimes, soit les choses de nostre patrimoine. Et dautant que ces matieres sont meslées dans les procedures judiciaires, elles seront aussi traittées conjoinctement avec le Chancelier et le Regent, et mesme avec les advocats fiscal et patrimonial, et avec le Gouverneur de Catalogne, comme les vicerois le jugeront à propos ».
Significativement, on ne voit pas apparaître ici de mention de la fonction de « visiteur général », mais seulement d’un « Conseiller d’Etat ». Il peut y avoir plusieurs raisons à cela : le souci de Marca, rédacteur de cette « minute d’arrest », de ne pas se mettre directement en jeu ; la nécessité de faire un texte général applicable dans l’avenir, au cas où on cesserait d’envoyer un visiteur général. Aussi a-t-il préféré mettre en valeur la qualité de conseiller d’Etat, en préjugeant que cette qualité sera nécessairement requise pour obtenir la place de conseiller du vice-roi de Catalogne. Rappellons que le visiteur général devait être membre du Conseil d’Aragon – raison juridique pour laquelle les institutions catalanes s’opposaient à la « visite » de Marca, de sorte qu’il ne put jamais la faire – ; aussi, reprenant une idée qu’il avait développée au début de son mandat, il sous-entendait qu’on considèrerait, sous l’obéissance de France, le Conseil du roi comme le Conseil d’Aragon du temps de la domination aragonaise puis castillane. Les nombreux vides juridiques et situations de fait rendaient nécessaire de créer du droit, activité dans laquelle Marca investit beaucoup d’efforts, en grande partie vains car, à notre connaissance, tous ses projets sont restés sans exécution[11].
Parallèlement à la colère personnelle de Marca face aux abus des vice-rois, des dénonciations de même type s’élèvent alors de la part des diverses institutions catalanes. Elles sont renforcées par les nombreux griefs contre la soldatesque qui, non payée depuis des mois, commet des outrages. Dès 1649, les paysans commencent à réagir : ils envoient leurs syndics à Barcelona pour réclamer le paiement des sommes avancées à l’armée française, et il faut beaucoup d’efforts pour les faire rentrer dans leurs villages ; surtout, les attaques des paysans contre les soldats français se multiplient : en janvier, à Tarrassa contre le régiment de Provence et à Llorens contre le régiment de La Mothe, puis d’autres incidents dans le Vallès et le Penedès… Pour les députés de la Generalitat, la cause des évènements est simple à comprendre : la justice n’est plus exercée en Catalogne car les magistrats de l’Audience ne font pas leur métier, ils ne font rien d’autre que demander des gratifications et soutenir les partialités d’Ardena et de Margarit[12]. C’est alors que s’élève, pour la première fois, un dégoût général lié à l’attribution des confiscations, et que cette affaire est publiquement décrite comme scandaleuse. Début janvier, les Consistoires décident d’envoyer à la cour leur nouvel ambassadeur, Joan-Baptista Monfar, frère de l’archivaire royal Diego Monfar[13]. La supplique qu’il adresse au roi de la part des Consistoires, datée du 5 janvier et probablement rédigée à Barcelona avant son départ, contient d’ores et déjà une très longue liste de griefs, découpés en articles – dont lecteur verra un extrait en annexe[14]. Les 20 premiers articles reviennent en détail sur les différents crimes des soldats. Mais les suivants montrent que le dégoût autour des confiscations est général et ne concerne pas seulement les biens qui ont été attribués par la brigue et le favoritisme : il règne en Catalogne l’inobservance manifeste de la Constitution 7 qui interdit aux gouverneurs des places de saisir les maisons des paysans, ce qu’ils ont fait cependant (article 21). Certes, les excès ont été automatiquement révoqués par le roi, mais ils ont continué, notamment de la part du chevalier d’Austrein, gouverneur d’Àger, dont le nom est cité. A ce titre, il est une nouvelle fois demandé que les gouverneurs des places soient catalans, mais cette fois d’une façon plus vigoureuse : on condamne clairement la ruse (« evasion ») qui consiste à faire nommer des gouverneur des armes français qui exercent l’essentiel du pouvoir (article 22).
Les articles qui traitent directement du scandale des biens confisqués sont nombreux : ce sont les articles 23 à 27. Le 23 accuse l’usurpation des « patrimoines que la Députation avait confisqués ou séquestrés durant l’interrègne », c’est-à-dire en 1641, lorsque les institutions catalanes avaient récupéré l’exercice de la puissance royale, avant de se soumettre à la France. Nous avons évoqué à plusieurs reprises les litiges autour de ces biens[15], que les gouvernants français avaient du mal à reconnaître comme appartenant à la Generalitat, et principalement Marsin, gouverneur de Tortosa qui jouissait encore début 1649 des confiscations que Schomberg lui avait illégalement attribuées. C’est là que la dénonciation des confiscations rejoint la dénonciation des gouverneurs voyous, la défense du droit écrit contre le droit du plus fort. Dans l’article 24 est reprise une plainte qui avait commencé à se faire entendre au cours de l’année 1648 après le retour de la cour des gentilshommes catalans qui avaient fait le voyage, gratifiés de pensions mais incapables d’en obtenir le paiement, quand Marca avait révélé à Le Tellier l’endettement absolu des patrimoines confisqués.
« Les charges auxquels ils sont obligés ne sont pas payées, et la même chose s’observe avec les patrimoines qui sont dans le pouvoir du trésorier de Votre Majesté. Ainsi, lesdits députés et conseillers supplient Votre Majesté qu’elle daigne ordonner que lesdites charges soient payées avec toute rectitude et ponctualité, et que le trésorier paie en premier les charges des biens qui sont en son pouvoir, quelles que soient les grâces qui ont déjà été faites ou se feraient (« ya hechas y que en adelante se hizieren »), avant les dépenses qui reviennent à la trésorerie pour ses propres affaires ».
Ce passage dénote l’extrême pression exercée sur le trésorier, Jaume Bru : la trésorerie était théoriquement réservée à assurer les dépenses royales en Catalogne, dont le salaire du vice-roi et le fonctionnement de l’Audience, mais durant la période française Bru avait la reçu la gestion d’un certain nombre de biens confisqués, dont principalement le comté de Santa Coloma. Il devait faire face à un va-et-vient permanent, entre d’un côté les recettes qui arrivaient irrégulièrement des fermiers et autres gestionnaires de ces biens, et de l’autre les ordres de paiement à assurer, entre charges et dettes desdits biens, dépenses de fonctionnement normales du gouvernement, et grâces décidées par les vice-rois. En escamotant ces dernières, il aurait affaibli sa position. Ainsi l’exigence des Consistoires de faire verser « avec toute rectitude et ponctualité » les charges des biens confisqués ne tient pas compte de cet impératif, et d’une balance finalement toujours négative. Nous ne connaissons malheureusement pas les méthodes du trésorier[16], s’il gérait plusieurs caisses distinctes ou non, mais en tout état de cause l’extrême complexité de cette comptabilité, qui rappelle dans ses finesses l’économie virtuelle d’aujourd’hui, rend cette plainte des Consistoires assez démagogue : on dénonçait un scandale sans forcément vouloir en comprendre les causes.
Les articles 25 à 27 se rattachent plus directement encore à l’actualité brûlante de ce début d’interrègne. A la fin de son mandat, Schomberg avait gratifié les docteurs de l’Audience de pensions et d’usufruits sur les biens confisqués, au grand dam de Marca[17]. C’est après le départ de Schomberg, quand il n’était plus là pour en subir les conséquences, que ces donations soulèvent les réactions les plus sévères. L’article 25 de la supplique des Consistoires évoque les procès qui sont en cours dans l’Audience au sujet de « fidéicommis ou majorats » : il s’agit principalement, du procès touchant au comté de Santa Coloma, que les docteurs tardent à juger depuis… 1645 ! Le fond du litige, que nous avons déjà évoqué et dont nous reparlerons[18], n’est pas directement en cause ; c’est plutôt une critique en creux de l’attitude des docteurs de l’Audience qui est subtilement insérée dans cette supplique, où les Consistoires demandent que ces procès soient conclus au plus vite. Les rivalités entre institutions catalanes ne sont pas rares. Entre conseillers de Barcelona et députés de la Generalitat, parfois, mais plus souvent entre Consistoires et Royale Audience, leurs intérêts étant divergents. L’idée est que les docteurs, personnellement intéressés dans l’affaire des biens confisqués, retardent la conclusion de tous les procès qui les concernent pour ne pas laisser s’imposer une jurisprudence qui, au cas où ils seraient eux-mêmes assignés en justice, pourrait se retourner contre eux. L’affaire était très sensible : d’un côté, ils étaient pressés par le roi de conclure le procès de Santa Coloma (certains membres de la famille de Queralt, à qui le comté avait été confisqués, réclamant sa restitution au nom d’une clause spéciale d’un testament), mais en faveur du fisc royal, pour la plus grande défense du bien public ; de l’autre côté, l’importance de l’affaire (et peut-être selon Marca la duplicité de certains comme le Régent, secrètement favorable à l’Espagne) leur inspirait la prudence et les faisait pencher vers une restitution, et donc une annulation de la confiscation. Mais cette dernière option risquait aussi de les désavantager au cas où un tiers réclamerait au nom de fidéicommis ou de substitutions testamentaires les biens qui leur avaient été offerts… Dans de telles circonstances, la meilleure solution leur paraissait l’indécision délibérée et le retardement des jugements.
D’où la demande, directement formulée à l’article 26 par les Consistoires, d’empêcher que les magistrats puissent être gratifiés de la sorte.
« Ainsi supplie-t-on à Votre Majesté qu’on ne fasse aux docteurs de l’Audience aucune grâce sur les biens confisqués aux Catalans, ni d’aucun autre dont on aurait un procès à la Royale Audience, parce que ces docteurs doivent être ceux qui jugeront lesdits procès ».
Cette demande porte une nouvelle fois une accusation, encore moins voilée que la précédente, contre les magistrats. Aussi l’article 27 revient-il sur les problèmes généraux de la justice en Catalogne. Le roi devra prier le vice-roi de veiller à ce qu’elle soit administré avec « droiture et égalité, sans exception de personne », ce qui est un moyen de dire que dans l’état des choses elle est inégale et partiale. L’intérêt personnel des magistrats est directement en cause.
« Une des causes principales de ce désordre est le fait que la trésorerie royale soit vide, parce qu’on a fait beaucoup de grâces sur les biens confisqués, mais aussi sur l’argent des compositions et autres causes qui le font entrer dans ladite trésorerie royale, à divers ministres de Votre Majesté et autres personnes, alors que cet argent doit s’employer aux dépenses nécessaires pour l’élucidation des délits qui se commettent, en envoyant des ministres nécessaires pour cette élucidation ; et ainsi, les délinquants restent impunis ».
La complainte d’une justice famélique en raison de l’épuisement des caisses est une constante depuis le début de la guerre. Mais c’est la première fois qu’on voit ce mal attribué directement à la dilapidation des confiscations. Toutefois, notons-le bien dès maintenant, il n’est pas demandé directement dans le papier de Monfar de révoquer les donations des vice-rois, elles sont simplement dénoncées comme injustes, et il y a là une nuance dont nous verrons bientôt l’importance.
Le 18 janvier 1648, le Reial Consell, l’instance la plus élevée de l’Audience, adresse sa propre requête au roi. Les trois salas se sont réunies pour réfléchir aux remèdes possibles pour le manque de justice, et ont donné lieu à cette complainte qui emprunte le même ton que celle des Consistoires, mais exprime quelques demandes assez surprenantes. En effet, ils semblent se rallier aux prescriptions de Marca contre les abus des vice-rois : ils demandent que ces derniers résident longtemps à Barcelona, qu’ils n’aient pas le droit d’autoriser de leur propre autorité des mal affectes exilés à revenir, ni celui de créer des cavallers, ciutadans honrats et burgesos honrats. Dans une large mesure, les plaintes exprimées rejoignent aussi celles des Consistoires, notamment sur les excès des gouverneurs et des soldats, en introduisant toutefois une précision supplémentaire : « lesdits gouverneurs s’approprient de leur propre autorité, sans qu’ils leur appartiennent, les droits des universités et les propriétés des particuliers qui ne sont ni confisquées, ni aux ennemis de Votre Majesté, mais à ses fidèles vassaux et serviteurs ». Mais le plus surprenant réside dans une demande des magistrats qui semble à première vue, si l’on en croit la dénonciation des Consistoires, contraire à leurs propres intérêts. Il s’agit toujours des éléments à faire figurer dans les futures « instructions » des vice-rois, ce qui montre bien que le Consell Reial a été mis à contribution pour participer à la réflexion sur ce contenu.
« En septième lieu, on dit que dans ces mêmes instructions, Votre Majesté pourrait daigner interdire auxdits vice-rois l’aliénation du patrimoine royal de Votre Majesté, et en particulier qu’ils ne fassent des grâces ni sur la trésorerie royale ni sur les droits du sceau royal de Votre Majesté, qu’ils ne concèdent pas de futures successions d’offices, parce que le premier détruit le patrimoine royal de Votre Majesté, qui est si modeste dans cette province, et le second enlève des espérances et cause du chagrin à ceux qui attendent une récompense de Votre Majesté »[19].
Pour couronner le tout, ils requièrent que les revenus et dettes des biens confisqués se paient… Pourquoi les docteurs entretenaient-ils un discours aussi semblable aux Consistoires qui, quelques jours auparavant, avaient donné à leur ambassadeur une charge aussi véhémente contre eux ?
C’est une lettre de Marca, écrite deux jours après, qui nous apporte des éléments de réponse. Les trois salas, dit-il, lui ont communiqué le cahier de leurs articles (c’est ce que nous avons évoqué ci-dessus), il trouve que le règlement du pouvoir des vice-rois est conforme à la minute qu’il a envoyé au roi (et pour cause !), mais selon lui, le défaut de justice qu’ils attribuent à la non-résidence du vice-roi est en grande partie de leur faute. Il apprend aussi qu’à un moment, dans cet élan général de réforme, les magistrats sont allés jusqu’à demander la révocation des dons des biens confisqués des vice-rois (ce qu’il souhaitait lui-même, on le sait), mais qu’ils se sont vite ravisés…
« La resolution qu’ils avaient prise de remettre entre les mains de Sa Majesté les dons des biens confisquez que M. le Marechal leur a faits a esté changée par la resistence de deux ou trois. Cependant ils ont mis un article dans leur cahier que S.M. doibt limiter le pouvoir des vicerois par les instructions secretes, leur faisant defences d’aliener le Patrimoine. En quoy yls procedent avec artifice, pretendans que par cette defence pour l’avenir, ils fairont avoüer taisiblement à S.M. que les vierois ont [eu][20] la faculté d’aliener, et auront un tiltre legitime de l’usurpation qu’ils ont faite du bien de S.M. ; outre que cette proposition ressent la moquerie de prohiber l’alienation apres que tout est aliené, sans pourvoir à mesme temps à la revocation de ce qui a esté nullement faict par deffault de permission ».
La tactique que Marca prête donc aux magistrats est très maligne, et très captieuse : en interdisant pour l’avenir aux vice-roi d’aliéner le patrimoine royal, on pourra toujours arguer que cette mesure n’a pas d’effet rétroactif, et donc que les aliénations qui lui sont antérieures sont encore valides. C’est évacuer les critiques à moindre frais. C’est même pour Marca une dérision ultime puisque, Schomberg ayant fini d’aliéner les derniers biens qui restaient, il ne restera plus rien à aliéner. Sa réponse est simple : la clause proposée par les docteurs n’a de toute façon même pas à figurer dans les instructions des vice-rois, puisque ces derniers ne sont pas autorisés par leur pouvoir à aliéner le patrimoine.
« Il me semble que l’on peut leur repondre sur cet article qu’il n’est pas besoin que S.M. limite par des instructions secretes la faculté d’aliener le Patrimoine et les droicts du roi, attendu que les vicerois n’ont point ce pouvoir par leur privilege non plus que celle d’accorder des privileges militaires (dont ces Messieurs parlent aussi) par lesquels le droict de loger des gens de Guerre dans les maisons des sujets qui les obtiennent, et autres droicts royaux sur les personnes ordinaires sont alienés à perpetuité de la Couronne au grand prejudice du service de S.M. »
Pour Marca, il n’y a donc pas à insérer de redondance ou à revenir éternellement sur des points qui ne doivent faire aucun doute, quand on respecte les formes dans toute leur rigueur et leur plénitude. Cela dit, c’est peut-être le signe d’un durcissement de sa pensée depuis le moment où il avait rédigé sa propre « minute d’arrest », dont l’article III, rappellons-là, limitait explicitement la faculté des vice-rois d’aliéner le patrimoine. La rapacité des magistrats le met surtout en colère et, selon lui, leur calcul ne doit pas être reçu avec bienveillance, mais plutôt châtié. Ils n’ont pas joué leur rôle de magistrats, et toute la responsabilité des abus qu’ils dénoncent leur revient en propre.
« De cette remonstrance contenue au cahier, lon peut prendre occasion de reprocher à ces mesieurs la faute qu’ils ont commise de poursuivre des dons des biens confisqués au lieu de divertir les vicerois d’en faire à d’autres personnes, comme n’ayans point cette faculté dans leur privilege ; et ensuitte leur ordonner de se départir de ces biens, s’ils ne veulent encourir l’indignation de S.M. comme yls sont dans celle du Peuple pour ce sujet. On peut aussi à mesme temps leur reprocher que le fonds quils demandent pour les frais de justice a esté diverty par eux au moyen des dons des biens confisqués qu’ils ont obtenu »[21].
Ces commentaires font état d’une « indignation » du peuple contre les docteurs bénéficiaires de confiscations. Il est difficile de déterminer dans cette information la part de l’exagération de Marca pour renforcer son propos : à plusieurs reprises il a rapporté de tels mouvements d’opinion publique, comme celui qui sévissait contre le docteur Martí, mais cela vaut essentiellement pour ses ennemis et les personnes qu’il soupçonne. Il est toutefois permis de croire que les barcelonais étaient au courant de l’existence des confiscations – dont ils pouvaient facilement tirer toutes sortes d’interprétations, même inexactes – et que l’Audience n’était pas en grande popularité dans la ville. L’atonie du commerce et les problèmes économiques afférents ne devaient pas augmenter la popularité des bénéficiaires de grâces. Quelques jours plus tard, Marca introduit même un nouveau témoignage de l’indignation des Catalans, très large cette fois. Les magistrats sont une sorte de catalyseur de la colère, mais c’est la dilapidation des confiscations en général qui est le vrai fond du problème. Depuis des mois, les soldats n’étaient pas payés, les salaires des officiers publics étaient en retard ou incomplets, la trésorerie était vide : comment tolérer des dons inconsidérés, à des personnes souvent déjà fortunées par ailleurs ?
« Il a esté fort bien observé par quelques Catalans que si les biens confisqués n’eussent pas esté donnéz, on eût peu tirer de la quelque secours pour nos necessitez »[22].
C’est dans ce contexte que l’un des effets de la Fronde atteint directement la Catalogne. Depuis septembre 1648, le maréchal de La Mothe, ancien vice-roi limogé puis emprisonné pendant quatre ans, avait été libéré par Mazarin et son procès suspendu : ce procès « était devenu une affaire périlleuse pour la monarchie. Le premier ministre espérait recommencer sur une nouvelle base ses relations avec le maréchal ». Du côté des institutions catalanes, la nouvelle avait été reçue avec une certains satisfaction, La Mothe conservant un certain nombre de partisans dans la province[23]. Ainsi le duché de Cardona lui avait été restitué, en même temps qu’on lui avait proposé de reprendre la vice-royauté de Catalogne au moment du départ de Schomberg : « manifestement, note encore D. Aznar, le contrôle du duché de Cardona était lié à l’administration royale du Principat ». Cette restitution entraînait donc, au cas où il aurait accepté de redevenir vice-roi, que La Mothe assume une grande partie des frais de la guerre en Catalogne, dans un contexte de banqueroute de la monarchie. Mais il avait décliné l’offre, la vice-royauté étant alors plus conçue comme un calvaire imposé à un personne que l’on veut éloigner[24] – tout en conservant le duché. D’ailleurs, dès que les « troubles domestiques » prennent un nouveau tour, La Mothe, désormais libre, s’y trouve irrépressiblement entraîné, à cause de sa position d’aristocrate issu des anciennes clientèles de Richelieu, en relation avec beaucoup de grands noms de la cour. Une fois la cour sortie de Paris, la ville barricadée et le commandement assumé par les deux chefs rivaux Conti et Elbeuf, le duc de Longueville (auquel La Mothe est très attaché) se rend dans son gouvernement de Normandie pour tenter de soulever la province et en tirer un secours pour Paris assiégée par les forces royales. La Mothe se range parmi les mécontents qui demandent le départ de Mazarin. Le 17 janvier 1649, une lettre missive du roi est envoyée à Marca pour lui faire part de cette rébellion[25]. Il a pour mission de faire remettre sous séquestre les revenus du duché. Sa restitution à La Mothe n’aura duré tout au plus que quatre mois. L’abbé Faget est de nouveau désigné par la lettre royale pour assumer l’administration du duché, et ce fonds devra fournir les 10 000 livres qui avaient été promis à Margarit l’année précédente et restaient encore à payer, de même que les appointements de conseiller d’Etat qui, également, restaient dûs à Marca.
Au-delà de l’anecdote, cet épisode, qui éclate comme une nouvelle palinodie, crée un véritable malaise, autant parmi les Français que parmi les institutions catalanes, alors que ces dernières montrent déjà beaucoup de ressentiment contre l’administration des confiscations. Le 23 janvier, Marca lit et remet aux Consistoires une lettre de Le Tellier qui tente de dissiper les rumeurs répandues sur les évènements de Paris : tous les princes, ducs, pairs et officiers de la couronne, lit-on, sont du côté du roi et s’emploient « unanimement » à maintenir son obéissance ; certes, une agitation a été excitée dans Paris, mais « le cœur de la ville est venu hier » à Saint-Germain-en-Laye « pour protester de sa fidélité et obéissance envers Leurs Majestés » ; la chambre des comptes, la cour des Aides et le Parlement de Rouen ont exprimé leur fidélité. « On voit de toutes partes une entière disposition à concourir à maintenir l’autorité royale et le bien de l’Etat […]. Vous avez tout sujet d’être en repos »[26]. Cette version est évidemment bien éloignée de la réalité : au même moment le prince de Conti et le duc d’Elbeuf sont dans Paris à la tête les forces du Parlement de l’Hôtel de Ville, le duc de Longueville œuvre pour la Fronde en Normandie… Mais le 15 février nouvelle de la rébellion de La Mothe et du séquestre du duché de Cardona est présentée par dans les Consistoires, transmises aux docteurs de l’Audience et au Gouverneur Margarit.
« J’aÿ delivré aussi ce matin aux conseillers et aux deputez les lettres qui leur estoient addressées, qui ont tesmoigné du deplaisir de ce que M. le maréchal de la Mote s’estoit porté à la desobeissance, et beaucoup de satisfaction de ce que l’on saisissoit ses revenus, tant par ce qu’il merite ce châtiment, comme yls m’ont declaré, que parce que comme je croi ils ont tousiours souffert avec impatience de ce qu’on luy avoit fait un don de cette importance ».
L’interprétation de Marca, là encore, correspondent peut-être davantage à ses souhaits qu’a la réalité : on l’a vu, les Consistoires avaient manifesté leur satisfaction après la libération de La Mothe en septembre 1648, ou, tout le moinse, ils étaient partagés sur ce point, y demeurant encore des anciens « motistes ».
Il cherche aussi à accréditer par là sa propre solution, qu’il tente inlassablement de faire triompher : le rattachement de Cardona, comme tous les biens restant à donner, au patrimoine royal. Pour lui, cette solution est indispensable car, au cours des années précédentes, le statut juridique du duché n’avait jamais été clairement fixé : en octobre 1642, La Mothe l’avait obtenu par lettres patentes, mais avant même que le jugement n’ait eu lieu selon les formes consacrées pour déclarer ses anciens propriétaires criminels de lèse-majesté. En 1644, le duché lui avait été retiré, et était passé aux mains du roi, administré par Faget, ce qui ne dissipait cependant pas la confusion du statut. Marca avait alors considéré que comme le don d’octobre 1642 était invalide, le duché était de facto compris dans le patrimoine royal – puisqu’entretemps, il avait pris soin de faire faire un procès contre les Folch de Cardona. Enfin, lorsque La Mothe avait récupéré le duché en septembre 1648, c’était par voie de séquestre seulement. Marca proposait donc à présent de tirer partie de la nouvelle trahison de La Mothe pour mettre un terme à ces errements pour déclarer définitivement la réunion du duché.
« Je vous supplie d’agreer, Monsieur, que je vous avertisse de ma pensée sur le sujet du sequestre que Sa Majesté ordonne. Vous avéz rencontré la façon d’agir de ce pais, qui permet le saisie des biens contre les rebelles, mais qui ne souffre point la confiscation sans cognoissance de cause, et sans faire le procés en forme par le juge du pais.
Mais aussi il y a cet inconvenient que vous le recognoisséz possesseur par le moyen du sequestre, comme il l’estoit en effect en vertu de la letre du roi escrite ci devant en sa faveur. A quoi il est necessaire de pourvoir maintenant, en faisant valoir le droict de proprieté qui appartient à Sa Majesté, duquel elle ne s’est point despouillée par cette lettre, qui n’accorde à M. le maréchal de la Mote la jouissance qu’en vertu des lettres de don du feu Roi. Lequel n’ayant que la possession en vertu de la saisie feodale sur les ducs de Cardone, ne peut transporter en faveur du sieur de La Mote plus de droict que celui que Sa Majesté possedoit.
Depuis ce don le Conseil Royal a confisqué les états du duc de Cardone au profict du roy, qui est apresent : lequel est devenu propriettaire en vertu de cette sentence, et en a pris la possession par ses procureurs et son administrateur, qui estoit le sieur abbé Faget. De sorte que le don precent est devenu inutile. La proprieté acquise à Sa Majesté ayant faict cesser la saisie feodale, et le don faict en consequence d’Icelle […]. Quoi que Sa Majesté ait dissimulé son droict de proprieté, neantmoins elle n’en a point gratifié le dit sieur de la Mote ».
La démonstration est complexe mais le fond est on ne peut plus clair : dans la dernière grâce faite à La Mothe, le roi n’avait fait que « dissimuler » son droit de propriété, il ne l’avait pas abandonné, et n’avait diposé que de la possession ; il ne s’agit que d’effacer un simple séquestre, le roi n’ayant même pas à expédier de nouvel acte. Marca demande donc qu’une dépêche soit envoyée aux docteurs de l’Audience et à l’avocat fiscal, Narcis Peralta, pour qu’ils examinent les différents actes en jeu (premières lettres de don, sentence de confiscation au profit du roi) et fassent une simple déclaration, comme une consultation juridique, pour consacrer un état de fait. Marca a bien retenu la leçon des procès impliquant le fisc royal depuis 1645, comme le procès de Santa Coloma : s’il y a une décision à faire passer en Catalogne concernant le statut d’un bien confisqué, elle devra se faire avec l’autorité et la science des docteurs. Dans le cas présent, la décision a un intérêt politique, qui touche au bien commun : « S.M. acquierra sans contredict une piece importante, laquelle ne doibt point estre mise hors de ses mains pour plusieurs considerations, mesme pour éviter l’indignation des Catalans contre les François, et l’offense des sujets de ces estats, qui desirent pour maistre le roi ou leurs anciens ducs »[27].
Malgré la proposition de cette solution toute faite, les difficultés et les dissensions s’accumulent. Marca, en l’absence de nouvelles de Le Tellier, se rend rapidement compte que ses propres missives n’arrivent pas à bon port : la lettre où il l’informait de l’exécution du séquestre du duché et lui demandait un ordre pour maintenir le roi dans son droit de propriété, dit-il, avait dû être interceptée par le maréchal de La Mothe, plus combattif pour ses propres intérêts que pour ceux du roi[28] ! La capture des courriers sur la route de Paris lui est ensuite confirmée par le ministre[29]. Et, pendant ce temps-là, à Barcelona, la question du duché de Cardona ne se règle pas aussi simplement que le visiteur général l’avait espéré. Les Catalans ne semblent pas voir d’un aussi bon œil que Marca le retour de son cousin l’abbé Faget à l’administration de ce patrimoine, car il a mauvaise réputation. Le lloctinent del Mestre Racional, Francesc de Tamarit, refuse d’abord de valider les comptes précédents de Faget et lui demande de se porter caution pour les comptes relatifs à la période où La Mothe était rentré en possession, alors qu’il ne s’en occupait plus lui-même… Marca ne cesse de demander qu’une lettre missive du roi soit envoyée à Tamarit pour le contraindre à valider les comptes[30]. Les docteurs de l’Audience, loin de se glisser dans les voies voulues par Marca, se mettent alors eux aussi à faire opposition à l’abbé, qui est sommé de se porter caution : Marca demande une nouvelle lettre royale pour les faire taire.
A cela s’ajoute une nouvelle affaire qui abaisse un peu plus la position de Marca, le mettant quasiment à la merci des Consistoires. Nous l’avons dit, au cours du mois de janvier, les syndics des communautés s’étaient pressés à Barcelona pour obtenir le paiement de la nourriture et des sommes avancées au roi pour la survie de l’armée française, qui vivait sur le pays et se nourissait comme elle pouvait. Leur colère était immense. Les Consistoires réussissent à faire partir les syndics en leur disant qu’ils seront payés à Cervera d’une partie de leurs créances en présence d’un commissaire de nation catalane[31]. Cela ne règle pas le problème, et à la charnière de janvier et février, Marca et Goury sont contraints de passer un traité pour le ravitaillement des places avec un certain Jean Martin[32], apparamment désavantageux, s’engageant à lui verser les prochains deniers qui viendraient pour le paiement des troupes. Mais ils ont également recours à la ville de Barcelona elle-même, en lui demandant, sous forme de prêt, l’argent pour régler la fourniture du mois de décembre en retard de paiement et le mois de mars par avance.
« Pour cet effect messieurs de Marsin, dom Joseph Marguerit et moi leur avons baillé un memoire signé de nous, qui represente nos miseres avec promesse de leur faire rembourcer la somme qu’ils preteront sur les voittures qui seront envoyées, trois ou quatre mil pistoles à la foix, avec offre de leur bailler nostre vaisselle d’argent en engagement et leur fournir caution bourgeoise de la moitié des vingt six mil pistoles, que nous demandons ».
Aux conseillers de Barcelona, Marca tient donc le même discours qu’il tient aux financiers : on les remboursera dès que les prochains fonds arriveront de la cour… Mais le roi de France, ni plus ni moins que Marca à ce moment-là d’ailleurs, n’étaient solvables, la monarchie étant encore sous le coup d’une banqueroute vieille de moins d’un an. Si un spéculateur peu scrupuleux comme « Jean Martin » pouvait se passer d’être regardant, allait-il en être autrement des très prudents conseillers de Barcelona, qui prenaient les grandes décisions en consultant le Conseil des Cent ? La première délibération de la vénérable assemblée est tout à fait révélatrice de l’esprit de méfiance qui s’était installé : désormais, l’affaire des confiscations était devenue un vieux serpent de mer toujours évoqué pour mettre le gouvernement français face à sa propre incurie.
« Le Conseil des Cent a deliberé sur nostre demande et nous a faict dire laffection qu’il a de servir et la necessité ou la ville se trouve de deniers contans, adjoustant que si nous avions les biens confisqués, on pourroit sen servir à cette occasion. Ce qui leur a faict faire des declamations contre les officiers de l’Audience, contre les François, et en suitte contre tous les Catalans qui ont de ces biens confisquez ».
De toute évidence, la réponse entend faire la nique à Marca. Le conseil des Cent, pour pouvoir réflechir plus amplement à la question, mais aussi à dessein pour faire patienter les personnes en grande difficulté qui venaient les supplier, demande un peu plus de temps avant de rendre sa décision. Marca ne peut rien faire d’autre qu’attendre : « j’espere que dans deux ou trois jours, le Conseil de Cent nous donnera quelque secours en cette urgente necessité »…
Cette attente n’empêche pas le Conseil d’imaginer d’ores et déjà une proposition, qui est soumise à Marca, et là aussi se rattache directement à la question des confiscations. Le désir du Conseil des Cent de faire attribuer à la ville un patrimoine confisqué n’est pas récent : on l’a déjà vu exprimé en 1644 dans un mémoire adressé au roi, qui avait alors essuyé un refus, le gouvernement considérant qu’il ne fallait pas augmenter encore plus la force d’une ville qui jouissait déjà d’un poids immense dans la province[33]. La situation a changé en 1649, la couronne est plus faible, et surtout vient mendier un prêt alors qu’elle en a déjà obtenu plusieurs par le passé, pas encore remboursés. Tous les espoirs étaient alors permis pour voir cette vieille prétention aboutir. Cette fois, les conseillers n’hésitent pas à briguer nommément la plus grosse pièce en jeu…
« Au temps que nous avons demandé à la Cité le prest mentionné cy dessus, Sa Majesté a envoyé ses ordres pour sequester le duché de Cardone, ce qui donna la pensée à ces messieurs de s’en rendre les maistres. C’est pourquoi ils nous demanderent d’abord ce duché en engagement pour la seureté de la debte ancienne et de celleci. Nous respondismes que Sa Majesté n’avoit pas encore declaré que ce bien luy appartient, et qu’elle n’avoit ordonné que la simple saisie des fruicts, et partant qu’il n’estoit ni honnestre pour eux ny seur de prendre le bien d’autruy. Outre que nous ne pouvions rien ordonner de ces choses dont la disposition appartenoit à Sa Majesté, ils ont desiré que nous leur promettions d’escrire conformement à leur demande, sans que cela retarde le prest.
Surquoi je dois vous dire que l’envie de ce duché entre les mains d’un François porte ces messieurs à faire cette instance, pour empecher que le roy n’en dispose en faveur d’un autre François. Il est vray qu’ils desireroient aussi d’entrer en la possession de cette piece pour se rendre puissans dans la province, par le moyen de trois cens villes ou villages qui appartiennent à ces estats, ce qui donna la pensée à ces messieurs de s’en rendre les maistres. Ce que l’on doibt empecher à mon advis »[34].
Marca dispose quand même de suffisamment d’autorité pour faire que les conseillers ne subordonnent pas leur prêt à la satisfaction de leur demande. Il a temporisé en arguant justement de ce que le statut juridique du duché n’est pas encore exactement défini. Mais il s’expose lui même à de lourdes conséquences : il se porte caution personnellement, ainsi que Margarit et Marsin, de l’emprunt fait au nom du roi. Finalement, le Conseil accepte un prêt de 100 000 livres barcelonaises, ce qui selon Marca n’est pas assez, d’autant que la somme sera payée « à mesure ». Ainsi, Marsin, Margarit et lui-même décident de faire un nouveau geste, et engagent leur vaisselle pour 18 000 livres barcelonaises. Le doyen Pau del Rosso, quant à lui, prête à Marca et à Margarit 12 000 livres. Sangenís (s’agit-il de Francesc ou de son frère Cristòfol ?) en prête 6000. Dans sa lettre suivante, Marca assure que les conseillers ne persisteront pas à demander le duché de Cardona. Cette requête, renchérit-il, était motivée par le désir « de se rendre puissans dans la province en Vassaux et en estenduë de terres, et former comme un Canton de Suisse ». S’alliant à la voix unanime condamnant désormais les bénéficiaires des confiscations, Marca se lamente :
« Doña Eulalia de Reguer, scachant la necessité d’argent ou nous estions, nous a offert quatre mil livres barcelonaises en argent et tous ses joyaux. Mais il n’y a eü pas un de ceux à qui l’on a donné les biens confisquez qui nous ait offert un sol de prest. Ceux de l’Audience, picquez des discours publics que l’on faisoit contre eux, ont offert dentrer caution pour cinquante mil livres, ou de bailler à la ville leurs biens confisquez pour en jouir jusques à l’entier payement de la debte »[35].
Il ne semble pas toutefois que cette « offre », généreuse mais de dernière minute, ait vu sa réalisation. N’était-ce une fois de plus que de la poudre aux yeux ? De toute façon, si l’on croit le récit de Marca, les docteurs commençaient à être touchés par la vindicte qu’ils soulevaient. Pour l’heure, seul Marca et quelques serviteurs très peu nombreux se mettaient en danger pour contracter l’emprunt. Le pouvoir royal était sauf, mais à quel prix…
Fontanella devient vicomte de Canet et les docteurs de l’Audience défendent les dons des vice-rois
Si le climat ambiant sous ce nouvel interrègne est incontestablement délétère, dû à la Fronde et à la ruine des finances françaises, il n’en reste pas moins que, durant les trois premiers mois, l’absence de réponse de Le Tellier et les nouvelles délibérément rassurantes envoyées de la cour ont laissé à Pierre de Marca un réel espoir d’améliorer la situation. Comme il était le plus haut dignitaire politique présent en Catalogne depuis le départ de Schomberg – Marsin ne s’occupant en théorie que des affaires militaires –, il avait pensé réformer le pouvoir en préparant soigneusement les instructions du prochain vice-roi et en veillant à réparer tous les abus qui avaient été faits. Ne sachant pas quel était l’avis de la reine sur la révocation des dons des vice-rois, il pouvait penser que, tôt ou tard, son souhait serait exaucé. Ce souci de repartir sur des bases saines n’est pas que le fait du visiteur général : on l’a dit, les Consistoires décident d’envoyer à la cour leur ambassadeur Monfar, chargé d’une longue litanie de plaintes contre les multiples contraventions aux Constitutions de Catalogne. C’est aussi le moment où le lloctinent del Mestre Racional Tamarit se « réveille » – il a été plus que discret depuis son rôle de premier plan au moment de la révolte de 1640 – et essaye de régler les fraudes qui peuvent l’être par sa fonction. En théorie, son rôle doit être immense : il entend, voit et reçoit les comptes de toutes les rentes et de l’administration des biens du patrimoine royal en Catalogne ; contrôle la gestion financière de tous les officiers royaux, avec pouvoir de les contraindre à la réparation des malversations. Nous avons vu qu’il s’oppose au retour de l’abbé Faget à la tête de l’administration de Cardona. Une autre de ses revendications de cet interrègne 1649 mérite aussi d’être signalée et n’est pas qu’anecdotique : il s’oppose à un don de 1700 livres barcelonaises que Schomberg avait fait au nommé Jaume Pi, secrétaire gardien et receveur des émoluments du sceau, à prendre sur lesdits émoluments. Pour cela il refuse de lui allouer cette somme au moment de contrôler ses comptes, et écrit à la cour pour se justifier. L’important n’est pas l’affaire en soi, mais plutôt ce qu’elle symbolise pour Tamarit :
« Le sieur Tamarit dit qu’il reculera ce jugement pour un mois attendant la responce du roi, pour éviter cette condamnation qui serviroit de prejugé en faveur des dons faicts pour les vicerois ».
En écrivant une lettre au roi, il a retardé le jugement que pourrait rendre l’assesseur du Racional. On est là encore dans une affaire de droit pur dont le règlement par un juriste (l’assesseur du Racional est un docteur de l’Audience, Baltasar Tàpies) touche en fait à des matières plus politiques : un responsable du sceau de Catalogne ne doit pas toucher de revenus sur les sommes qu’il est censé recueillir ; les revenus du sceau ne sont pas faits pour gratifier.
« Je pense, dit Marca, que ce don fait à Pi n’est pas nul seulement par le defaut de pouvoir, mais encore injuste, tant parce que les revenus du sceau ont des emplois particuliers, pour payer les gages des officiers, qui y sont assignéz, que parce aussi que le surplus est affecté pour les fraiz de la thresorerie. De sorte que comme elle n’a point de fonds suffisant pour paier ses charges ordinaires, il est plus juste que ce reliqua que doibt Pi entre dans les mains du Thresorier, que non pas qu’il soit employé en gratifications »[36].
Au fond Tamarit, qui s’oppose à Marca sur le cas de son protégé Faget, poursuit une quête de légalité assez proche de la sienne. Et le visiteur général suggère au ministre d’envoyer une lettre à Tamarit pour qu’il puisse poursuivre sur la même voie et anéantir la prétention de Pi.
Cependant, les chances réelles de voir s’imposer les réformes proposées par Marca et l’amélioration demandée par les institutions catalanes s’évanouissent rapidement. La désillusion vient tout d’abord de la cour. Au cours du mois de février 1649, les frondeurs parisiens se sont divisés, une partie du Parlement, dominée par le président Molé, commençant à considérer un accord avec le Conseil comme possible, en raison du blocage de Paris et du manque de vivres prévisible. C’est dans les premiers jours de mars que des pourparlers ont commencé, aboutissant à la signature de la paix de Rueil, le 11 mars 1649 : les parlementaires obtiennent leur amnistie, la suppression des intendants (sauf dans les provinces frontières et en guerre) et la fin des créations d’offices, en échange de quoi ils annulent l’arrêt pris contre Mazarin et promettent de cesser de se rassembler. Le 20 mars, Le Tellier écrit à Marca pour l’informer de la signature du traité : tous actes d’hostilité sont cessés. Le maréchal de La Mothe ainsi que tous les autres frondeurs sont rétablis dans leurs biens et dignités.
« Et comme par ce moyen monsieur le maréchal de la Motte rentrera necessairement dans la jouissance du duché de Cardonne, puisque le traicté porte expressement que tous ceux qui s’estoyent jettez dans le party du Parlement de Paris seront restablis dans les mesmes charges et honneurs qu’ilz possedoyent auparavant, ainsy l’on ne sera pas en peine de le refuser aux conseillers de Barcelonne, et les lettres que vous desiriez pour monsieur l’abbé Faget seroyent à present inutiles »[37].
Marca ne pouvait se réjouir de cette nouvelle : certes, la prétention des conseillers était écartée, mais c’est tout son projet de réunir le duché de Cardona qui tombait à l’eau. Dans la même lettre, aucune réponse, aucun jugement, aucune avancée sur une éventuelle révocation des dons des vice-rois : au contraire, le rétablissement de La Mothe semblait plutôt plaider pour une politique du statu quo ante. Eu égard aux rigueurs de Tamarit, connues de Le Tellier, on lui envoie une lettre missive du roi pour lui faire part du rétablissement de La Mothe, et le prier de veiller à ce que les revenus du duché soient remis dans les mains du maréchal[38]. Schomberg quant à lui, par l’intermédiaire de certains gentilshommes de son entourage, a fait savoir qu’il serait extrêmement fâché que le roi révoque ce qu’il a fait en Catalogne, ce qui constituait un premier contrepoids aux avis du visiteur général[39].
Il est inaccetable pour Marca que les Catalans qui lui sont suspects jouissent d’une grande impunité, alors qu’ils devraient être éloignés de la province. Dès le mois de janvier, le Conseil des Cent a prié le Gouverneur de faire justice des mal affectes ; Marca a assemblé chez lui les docteurs Copons, Graell, Rossell et Peralta, et les a exhorté à prendre cette occasion pour décharger la ville de 10 ou 12 personnes qui lui donnent de l’inquiétude. Ils lui ont remontré que, si la capture d’un homme se pouvait faire pendant la viceregia, son jugement devait attendre le vice-roi. Le problème principal, expliquaient-ils, était constitué par l’échevau de rappels et de rémissions ordonnés par les vice-rois précédents. Pour Marca, ces décrets « pouvaient estre tenus pour nuls suivant le droict, et à cause qu’ils estoient contraire au bien public » ; ceux qui les avaient expédié « n’estoient pas entièrement hors de crime » (allusion probable au Régent Fontanella). Mais une fois réuni, le Consell Reial, conformément aux instances de Marca, ordonne la capture de Miquel Granollachs, « vieux homme, entendu, qui avoit esté banny pour trois ans, avoit esté rappelé à Vic par feu Monseigneur le Cardinal, estoit venu depuis peu à Barcelone, receu et caressé par M. le marechal de Schonberg »[40]. Ce n’est qu’un exemple de la politique sévère, « action terroriste » selon les mots de Sanabre, que Marca tentera d’imposer pendant tout son interrègne. Mais là où le bât blesse, c’est que la cour ne la relaie pas, et ne suit pas ses avis, dans certaines affaires très marquantes. Ainsi, au cours du mois de mars, le comte d’Ille, Josep d’Ardena, entame un nouveau voyage à la cour : il est recommandé en cela par Marchin, son ami[41]. Marca n’est pas du même avis : il eût été plus à propos pour les affaires de la province, dit-il, que le comte ait son congès avant, pour qu’il ne parte pas au moment de la campagne[42]. En réalité, il était sans doute plus acceptable pour Marca qu’Ardena soit sur le champ de bataille plutôt qu’à Barcelona, où il le pensait capable de fomenter de graves intrigues, voire des conspirations, échaudé par la participation de sa belle-sœur à celle de 1645. Il n’avait pas non plus très envie de le voir partir à la cour, d’où il appréhendait qu’il revienne avec une nouvelle récompense. Au même moment, Margarit écrivait à Mazarin pour dénoncer les mauvais agissements des officiers du régiment du comte d’Ille, allant jusqu’à la plus grande violence. Il mettait en avant les liens de ces officiers avec les mal affectes d’Espagne, en affirmant qu’ils étaient protégés par l’entourage du Régent, Caramany, Josep Amat « y otros de la mesma opinion »[43]…
Le pire pour Marca est quand ces Catalans suspects se mettent à être hautement favorisés, dans un sens rigoureusement contraire à ses prescriptions. Au tournant de 1648 et de 1649, en stricte simultanéité avec les premiers évènements de la Fronde, c’est toute la faction honnie de Marca, celle d’Ardena et de Fontanella, qui est présente à la cour ou s’apprêtre à s’y rendre. Au départ, Marca semblait avoir le dernier mot. Il n’avait cessé de réclamer l’éloignement du Régent, l’accusant de nourrir les rumeurs, d’encourager la noblesse au malcontentement, de manipuler les vice-rois, obtenant finalement de Mazarin son appel à la cour. Le cardinal, saisissant l’occasion d’un tumulte survenu en Catalogne à la suite d’une rumeur (par ailleurs fausse) de paix franco-espagnole, avait fait savoir à Fontanella qu’il voulait s’entretenir avec lui de la paix car, ayant été à Münster, il était mieux informé qu’aucun autre Catalan de ce qui se traite en ce lieu[44]… On ne sait pas si Fontanella, arrivé à la cour en janvier 1649, a immédiatement rencontré les souverains ou Mazarin. La dureté des évènements l’en empêcha sans doute dans un premier temps. Tout au long de ce séjour, la mission diplomatique de Fontanella sera nulle : Mazarin s’occupe de la paix de son côté, qu’il essaie de relancer secrètement avec le ministre espagnol Peñaranda. Mais, dès le mois d’avril, une foix la paix de Saint-Germain signée avec les Frondeurs (1er avril), Fontanella obtient toute satisfaction sur le chapitre de ses intérêts personnels. Datées de Saint-Germain-en-Laye, deux lettres patentes lui sont accordées : d’un côté, des lettres de don de la vicomté de Canet en pleine propriété, de l’autre, des lettres d’anoblissement. Cette double gratification mérite commentaire. Comme docteur en droit, Fontanella jouissait selon le droit catalan du privilegi militar, c’est-à-dire d’une noblesse personnelle non transmissible. Son père, le grand jurisconsulte Joan Pere Fontanella, en jouissait avant lui. Ces dynasties de juristes formaient comme une petite noblesse, mais bien distincte, dans les prérogatives et la symbolique, de l’ancienne chevalerie. Le titre de vicomte, que Fontanella briguait au moins depuis 1646, date à laquelle il avait obtenu l’usufruit de la vicomté de Canet[45], introduisait un changement important : les anciens vicomtes de Canet étaient les Castro-Pinós, l’une des plus anciennes et illustres familles de Catalogne. Fontanella – nous le verrons plus loin – ne pouvait se hisser à leur rang, car l’ancienneté ne s’invente pas ; mais il a peut-être sollicité cet anoblissement en règle, par lettres patentes, pour ne pas souffrir de contestation dans la possession du titre[46]. Quant aux lettres patentes lui octroyant la pleine propriété de la vicomté[47], elles donnent une version de ses services qui a tout pour faire hurler Pierre de Marca : ayant participé aux évènements de 1641, il s’est acquitté « dignement » de sa charge de Régent, « estant alle à Munster avec nos ambassadeurs plenipotentiaires pour justiffier la sousmission de la Catalongne à cette couronne et donner les esclaircissements necessaires de nos droits sur la dite province, il nous ÿ a servi et le public dicelle utillement et a faict cognoistre sa fidelite et son zelle en tous ces emploÿs »… Pour Marca, qui l’avait dénoncé à cette époque, rappellons-le, Fontanella n’avait fait que prendre langue avec les plénipotentiaires espagnols pour négocier la paix sans la France ! Le don en lui-même n’a rien de comparable avec celui qu’on était alors en train de concevoir péniblement pour Margarit qui était grevé de dettes, de pensions, amputé de petits et grands morceaux[48] : « le titre et dignite de vicomte ensemble les chasteaux, maisons, fonds de terre, moulins, estangs, fruicts, profficts, revenus directs, esmoluments, noms, raisons et actions quelconques ÿ appartenants et en dependant ; ensemble la juridiction en la ville de Canet et en tous les lieux du viscompté ; le tout ainsÿ et en la mesme forme et maniere que le compte de Vallfogona comme vicomte de Canet en a bien et deuement jouÿ et comme nous avons nous mesme jouÿ »…
Et cette double grâce n’arrive pas seule. En même temps, Fontanella obtient d’autres lettres patentes, en faveur de son gendre Carles de Alemany de Bellpuig, lui donnant tous les biens confisqués à Ramon de Çagarriga[49]. Le cas de figure est le même que pour Canet : Alemany avait déjà obtenu du vice-roi Harcourt, sur les instances de son beau-père, l’usufruit de ce patrimoine. L’étape franchie en avril 1649 est sans équivoque : loin d’annuler les dons des vice-rois, on les confirme et on les pérennise en les figeant par des lettres patentes du roi. C’est un coup d’arrêt manifeste aux espoirs de Marca. Dans le même registre que celui où l’on trouve les minutes des gratifications de Fontanella et d’Alemany, on trouve également celle d’un don au docteur Francesc Martí i Viladamor, une pension de 2000 livres à prendre sur les droits royaux du Roussillon et droits du sceau « pour luy tenir lieu de ses gages de conseiller d’Estat ». Le fait est suffisamment remarquable pour être signalé : la minute originale est de la main de Martí lui-même[50]. Ce dernier, depuis son exil de Catalogne, se trouvait en résidence prolongée à la cour où il briguait une place au Conseil du roi, devant pour l’instant se contenter d’un simple statut de « Conseiller d’Etat ». La minute a dû être directement donnée, de la main à la main, par Martí au ministre ou à un commis, après permission de Le Tellier. Martí, on le sait, est un proche d’Ardena. Ces anciens favoris du comte d’Harcourt, honnis du visiteur général, ont donc vu leur heure de gloire cette année-là à Saint-Germain. Il ne manquait plus qu’Ardena lui-même. Ayant l’obtenu l’autorisation de quitter la Catalogne, il parviendra à Saint-Germain et, en bon courtisan, fera exactement comme Fontanella et Martí : en mai, des lettres patentes lui accordent une portion de la seigneurie de Darnius, bien patrimonial de sa famille, qu’il ne possédait pas encore, sans doute à la suite d’un héritage[51] ; il obtient satisfaction ultime dans l’affaire qui l’opposait aux habitants d’Ille, avec une déclaration du roi fixant ce comté dans sa descendance en ligne directe[52] ; enfin, il se voit attribuer une pension de 6000 livres[53]. Son ami Mostaros, impliqué dans toutes les incartades du régiment d’Ille, dénoncé par Marca, reçoit l’usufruit de la baronnie de Pons[54]. Tout cela était donc totalement contraire à la tournure que semblaient prendre les évènements au lendemain immédiat du départ de Schomberg : Fontanella était allé à la cour pour être éloigné de la Catalogne ; en mai, il obtenait l’autorisation de rentrer, augmenté du titre de vicomte. Ses alliés étaient suspects : ils se voyaient désormais couverts de grâces et de pensions.
Quand la nouvelle parvient en Catalogne, la réaction de Marca est immédiate. Il met en garde Le Tellier contre l’évolution néfaste des évènements : « la durée des mouvements de Paris a nui beaucoup aux affaires du roi en ce pais, en ce que les factieux ont pris courage, et les affectionnés ont esté prevenus de crainte, qui a donné le moyen aux autres de se cabaler ; en sorte que l’on recognoit un changement notable dans les volontés ». Comme on a ajouté aux troubles domestiques, déjà très perturbateurs, la reconnaissance et la gratification des plus suspects, on ne devra s’attendre qu’à la subversion ultime de la justice et du gouvernement politique, les mal affectes ayant toute raison de se sentir chez eux. Déjà la « chaleur » que les docteurs de l’Audience avaient pour « releguer une vingtaine de suspects, ayant demandé les ordres de S.M. pour les retenir dans quelques forteresses de Fance, s’est évanouïe ». S’ensuit une grande plainte contre leur comportement, dont il attribue le changement brusque à la gratification faite à Fontanella. Marca leur reproche leur soudaine mansuétude pour des suspects qu’ils avaient résolu peu avant d’exiler loin de la province, il leur fait remarquer qu’ils ont pris leur dernière résolution sans lui en faire part. Si l’on en croit son récit, les docteurs lui répondent directement qu’ils ne veulent pas poursuivre des personnes qui sont protégées par le Fontanella :
« Que ceux qu’ilz vouloient releguer estoient puissans et protegez par M. le Regent, et qu’il n’estoit pas raisonnable qu’ils s’exposassent en danger de leur personne en procurant de chastier ceux pour la protection desquels l’autre obtenoit de si hautes recompenses, comme est le vicomté de Canet de valeur de plus de mil pistoles de rente seigneuriale, qui vaut en ce pais cinquante mil pistoles et plus, outre le bien de Sagarriga de valeur de trente mil pistoles que Monseigneur le Prince donna au gendre de M. le Regent, marié à sa fille aisnée qui est son heritiere ».
Ainsi, d’après Marca, la nouvelle fortune du Régent a influencé les docteurs au point qu’ils abandonnent des poursuites qu’ils avaient eux-mêmes commencé, par peur du « danger de leur personne », c’est-à-dire de perdre leur poste. Le Régent, déjà prépondérant dans l’Audience, semble donc avoir reçu en même temps que la vicomté une nouvelle importance, comme s’il avait le droit de renvoyer des magistrats de sa simple autorité – dans une lettre postérieure, Marca dira même que l’un des principaux magistrats, Copons (sans doute par rivalité avec Fontanella, qu’il voulait peut-être supplanter au sein de l’Audience) a pensé démissionner[55]. Conformment à son habitude, il se fait une nouvelle fois le « thermomètre » de Barcelona et dépeint les effets néfastes soulevés parmi le peuple.
« Cette recompence a esté fort mal receuë de tous les bons et du peuple, tant parce qu’ils pensent que ses deportemens ne meritoient point ce traictement si favorable que parce que ses graces jointes à l’autorité de sa charge, et à son industrie pour attirer à soi toute celle des vicerois, rendent son parti considerable, qui est celuÿ des suspects, et abat entierement celuÿ des bien intentionnés, qui avoient peine de se soutenir lorsqu’ils croyoient que le chef de l’autre n’estoit pas favorisé de la cour ».
L’accusation contre la cour n’est pas directe – Marca est un fidèle parmi les fidèles, particulièrement en ce milieu d’année 1649 où beaucoup font défection –, mais on comprend bien la surprise, la déception, la désillusion qu’il peut alors ressentir, ayant brusquement compris que son influence n’était peut-être pas si grande. Il cherche des raisons à cette gratification, comme pour excuser la cour, et va jusqu’à évoquer la possibilité d’un retour des anciens propriétaires dans leurs biens par le moyen d’une paix : « pour mon particulier, je ne puis pas me persuader que l’on luy ait fait de si grandes liberalitez, sinon dans la pensée que l’on a de rendre aux propriétaires les biens confisqués, comme l’on a accoustumé de faire en tous les traictés de paix, qui se font à condition égales »[56]. En réalité, la paix n’est plus à l’ordre du jour depuis un an[57]. Marca, pour le disculper de toute faute politique, crédite le gouvernement d’un esprit spéculatif très avancé : il croit que le don fait à Fontanella a été décidé avec d’autant plus de facilité qu’on pense à sa prochaine révocation ; pour ainsi dire, on s’est payé d’une spectaculaire générosité pour tenir Fontanella tranquille, mais qui n’est qu’un « coup de bluff ». Il n’en est rien : le Régent fera enregistrer ses lettres patentes moins d’un an après en la chancellerie de Catalogne, et jouira de la vicomté jusqu’au traité des Pyrénées, dix ans plus tard.
Comment expliquer une telle générosité, envers une personne faisant aussi peu l’unanimité ? La précipitation des circonstances a dû jouer un grand rôle. Arrivé en janvier 1649, au moment où la cour a quitté Paris pour Saint-Germain et où la capitale a commencé à être bloquée, il est probable, nous l’avons dit, qu’il n’ait pu rencontrer le roi et les ministres qu’après la paix de Rueil (11 mars 1649), ou bien celle de Saint-Germain (1er avril) qui rétablissait un semblant de calme. Mais l’état d’esprit général n’en était pas pour autant à la sérénité : le cardinal et la reine attendaient la première occasion de reprendre les avantages importants qu’ils avaient concédés au Parlement. A vue de chapeau de cardinal, le Conseil avait alors à traiter des affaires infiniment plus brûlantes que les gratifications de Catalogne. Comme à la fin de l’année 1648[58] au début de l’agitation des cours souveraines, le Conseil avait pu mettre la Catalogne en attente ; les gratifications auraient été évoquées rapidement, entre deux portes, à la légère. Le registre de minutes des archives du secrétaire d’Etat de la guerre, où elles figurent, montre qu’il y a eu un mouvement de rédaction simultanée de tous les actes au printemps 1649, et donc décision du pouvoir. Pour ainsi dire : vite fait, mal fait. Il ne faut pas attendre de Marca un commentaire bienveillant sur ce point-là, mais il apporte un élément tout à fait convainquant en montrant que les oppositions des institutions catalanes n’ont pu arriver jusqu’au gouvernement, et ainsi n’ont pu ni l’informer ni l’empêcher de mal faire :
« Je puis assurer que les dons que l’on a faict aux officiers de l’Audience, de quelque rang qu’ils soient, les ont offencéz autant ou plus que ceux qui ont esté faicts aux François, comme vous verréz dans les plaintes qui sont dans le cayer des deputés et des conseillers dont le sieur Montfor leur ambassadeur est chargé ; lequel pour un grand bonheur de M. le Regent n’a point esté presenté avant l’expedition du don qui luy a esté faict.
Les autres dons, excepté ceux de dom Joseph Marguerit et dom Joseph d’Ardenne, sont faicts avec des surprises tres notables, presque tous ayant esté faicts en faveur des personnes sans service et sans nom, quelques uns en faveur des factieux, et le peu qu’il y a en faveur de gens de merite est sans observer aucune proportion du don et des services ; et plusieurs bons serviteurs demeurent sans recompense remplis d’indignation contre le gouvernement François »[59].
C’est là où on retrouve l’ambassadeur des Consistoires, Joan-Baptista Monfar, envoyé à Paris à la mi janvier 1649 muni d’un « cayer », qui est sans aucun doute la supplique que nous avons analysée plus haut, et où les griefs liés aux confiscations apparaissent en effet en bonne place[60]. Sanabre, qui a étudié la correspondance de cet ambassadeur, permet d’accréditer ce que dit Marca : malgré l’urgence de sa mission, Monfar ne peut établir de contact avec les ministres avant la fin avril 1649, et avec Mazarin avant la fin mai, car il ne parvient pas à traverser les zones proches de Paris dominées par les armées opposantes, malgré les pactes de trêve entre le Parlement et la cour. Dans ses lettres aux conseillers de Barcelona, Monfar explique qu’il rencontre aussi des difficultés avec les ministres et la reine, plus occupés à résoudre les problèmes de la révolte[61]. De sorte que tous les griefs contre les confiscations, qui auraient pu peser dans la balance contre les gratifications exorbitantes faites à Fontanella et à ses amis, n’ont pas atteint les souverains. Reste que Marca n’avait cessé de dénoncer cette faction auprès de Le Tellier. Mais les lettres que le ministre lui envoie ce mois-ci ne mentionnent pas la gratification en train d’être accordée à Fontanella, elles se contentent d’assurer que celle de Margarit sera expédiée. On peut donc y voir le signe que Le Tellier, bien qu’en excellents termes avec le visiteur général, ne suivait pas ses seuls avis, ou du moins décidait parfois de ne pas les suivre. Fontanella, habile, avait pu également se comporter en parfait courtisan à ce moment-là, emportant la confiance des souverains. Une volonté personnelle de Mazarin, manifestée à plusieurs reprises par le passé, de flatter et de récompenser autant une faction que l’autre, peut avoir également joué, même si en l’occurrence c’est bien la faction d’Ardena et Fontanella qui sort victorieuse. Marca, anéanti, estime que dans ces conditions plus rien n’empêche que les biens confisqués soient restitués à leurs anciens propriétaires par la paix (il préfère presque, pour ainsi dire, un seigneur castillan à cet odieux Régent) : « Sa Majesté n’a aucun interest réel en la retention de ces biens confisqués »[62].
Marca n’abandonne pas pour autant. Il essaiera sans cesse, tout le reste de son interrègne et après le retour de Fontanella à Barcelona en mai 1649[63], de faire révoquer les grâces qu’il trouve inacceptables, ou du moins de limiter leur impact ; les mois postérieurs, dominés par la multiplication des soupçons de conjuration sur la ville, lui fourniront de nombreuses occasions pour montrer à Le Tellier que ses prévenances contre la « faction » étaient justifiées. Tout d’abord, il voit ce qu’il pourrait faire dans la situation présente. Certes, on ne peut pas revenir en arrière sur le don fait à Fontanella, mais ce dernier ne l’a pas encore enregistré en Catalogne. Il entreprend donc de démolir le personnage en assurant à Le Tellier qu’on l’a trompé sur la valeur véritable de la vicomté de Canet, qui ne souffre aucune comparaison possible avec le don qu’on a bien voulu faire à Margarit.
« Si l’on vous eut dict, Monsieur, que le vicomté de Canet avec la fontaine de Salces, qui fait une partie de son domaine, vaut douze cent pistoles de net, on eût dict la verité. Ce don, à la reserve de dix ou douze personnes, a offencé toute la province, tant pour les raisons que j’ay desia representees que pour la qualité de vicomté, qui donne le droict de tendre le dais dans la Sale accordé à un fils d’advocat, et petit fils d’un bourrelier, ou batteur de bourre pour faire des basts ».
Les questions de cérémonial et de préséance sont en effet essentielles en Catalogne : on se souvient que dès son arrivée le cardinal de Sainte-Cécile s’était affronté aux Consistoires sur des matières de ce type. Tout cela dépend du rang, qui peut être fonction de l’ancienneté ou de l’illustration du lignage, ce qui existe aussi en France. Marca utilise peut-être ici une rumeur publique sans fondament, la légende du « batteur de bourre » : selon les travaux les plus récents, il semble que les Fontanella aient été de riches paraires (pareurs de draps) d’Olot dans la comarca de la Garrotxa, influents dans l’oligarchie urbaine, grâce à la diligence desquels Joan-Pere Fontanella, père du Régent, avait pu faire les études juridiques qui le menèrent à la carrière brillante que l’on sait[64]. Une fois posées ces charges personnelles, Marca imagine des expédients pour rabaisser le Régent après l’attribution de la vicomté. L’idée principale, qui n’est pas sans astuce, est de le faire choisir entre la vicomté et l’office de Régent.
« Encore si on eût profité de cette occasion pour retirer la resignation de l’office de Regent, c’eût esté quelque bien pour le public. Mais joindre la richesse, le tiltre et le tesmoignage de confiance avec l’office de Regent, c’est rendre un homme prince de Catalogne. Dautant plus que les gens de bien dépitéz veulent abandonner le soin des affaires publiques.
Je ne sçai si la pensée que le discours sur cette matiere m’a suggeré seroit recevable. On est obligé de respondre sur le cahier de l’Ambassadeur, ou l’on faict plainte contre les dons faits aux François et aux juges de l’Audience. Yl faut respondre favorablement, et le moins qu’on puisse faire, c’est de suspendre l’execution de tous ces dons et la jouissance jusques à ce qu’autrement en ait esté ordonné, soit que les dons ayent esté faicts par les vicerois ou par S.M. Par ce moyen le Regent, pour conserver le don, seroit obligé de renoncer à sa charge, de laquelle on pourvoiroit quelque honneste homme. Si cette ouverture agrée il faudroit envoyer incontinent cet ordre avant que les lettres du don du vicomté fussent enregistrées ».
Le stratagème parviendrait ainsi, en tirant parti des plaintes apportées par l’ambassadeur Monfar, auxquelles la cour n’avait encore pu répondre en raison des évènements parisiens, à régler à la fois le problème général en révoquant les dons des vice-rois, et le problème du Régent, en l’abaissant obligatoirement sur son office ou sur sa vicomté. Marca continuait à renforcer ses arguments par la pauvreté de la trésorerie, faisant qu’on ne pouvait « rendre justice, ny pour le criminel, ny pour la politique » ; quant au salaire des vice-rois, jusqu’à maintenant on le payait avec le comté de Santa Coloma, mais on ne pouvait plus compter dessus car un procès allait peut-être le faire retomber dans les mains de la fille de l’ancien propriétaire. Mais sur l’ensemble, Marca restait prudent, ne sachant finalement pas quel était le fond de la pensée de son ministre : « je ne sçai si la pensée que le discours sur cette matiere m’a suggeré seroit recevable »[65]. De plus, en renvoyant presque dos à dos les dons faits par les vice-rois et ceux fait par le roi, il prend un voie très glissante.
Toutefois, même si sur ce point leurs intérêts semblaient converger, Marca n’est pas les Consistoires, et en la matière il a eu tort de rapprocher ses propres revendications des leurs. Rappellons-nous : la supplique de l’ambassadeur Monfar, rédigée début janvier 1649, comptait certes d’âpres dénonciations de la distribution des biens confisqués aux docteurs de l’Audience, et demandait que les charges de ces biens soient payées avec ponctualité. Mais aucun article ne faisait explicitement référence à une quelconque révocation de ces dons[66]. Aussi, c’est en portant une stricte attention aux mots eux-mêmes que Le Tellier, un mois plus tard, répond sur ce point :
« Ce que vous me mandez pour suspendre l’execution des dons faits par le roy des biens confisquez en Catalongne et revocquer ceux faits par messieurs les viceroys pourroit bien avoir lieu pour les considerations importantes que vous marquez, mais comme vous fondez vostre advis sur l’instance que vous croyez que les Concistoires ont faite pour ladite revocation, et nen ayant point esté fait, lon ne peut toucher avec fondement et sans en aprehender l’issue. J’ay bien sçeu que lors que lon a depesché l’ambassadeur de Catalongne qui est par deça, il a esté parlé de l’en charger, mais la chose a esté agittée sans avoir esté mise dans ses instructions. Vous pourrez en sçavoir la raison et faire la dessus ce que vous verrez pouvoir reussir pour le plus grand advantage de la province et du service du Roy »[67].
La réponse est claire : on considère les avis de Marca, mais ils ne sont pas suffisamment puissants pour être suivis à la lettre. Certes, il y a de la justice à ce qu’il soutient, mais on ne peut pas le décider de son seul avis. L’évocation du papier de l’ambassadeur semble finalement anecdotique : on peut légitimement se demander si, même avec une demande explicite contenue dans ce papier, les dons auraient été révoqués. Il semble qu’à cette étape, cette décision ait été tout simplement trop importante ou trop lourde de conséquences, qu’elle ait demandé trop de réflexion et de consultations pour être décidée rapidement, alors que les circonstances (guerre à la frontière du Nord et révolte nobiliaire prête à se réveiller) ne permettaient pas de le faire. Le Tellier opposait cette fois un refus net (bien que non définitif), qui venait briser un silence équivoque de plusieurs mois. Mais cette volonté de ne prendre aucune mesure générale, désormais exprimée à Marca, n’était pas nouvelle. Il suffit de considérer les actes expédiés de la cour en mai et juin 1649 pour se rendre compte que, dans ses décisions, le secrétaire d’Etat prenait déjà soin de régler toutes les affaires au cas par cas. Aucune réponse d’ensemble n’est faite aux suppliques de l’ambassadeur, mais une multitude de lettres particulières sont envoyées en Catalogne sur les points traités dans le mémoire : révocation des « sauvegardes » (exemptions des logements de gens de guerre) données par les vice-rois[68], lettre missive du roi au trésorier Jaume Bru pour faire payer les charges des biens confisqués[69], autre missive au docteurs de l’Audience Royale pour juger les procès relatifs aux biens confisqués[70], et peut-être quelques lettres adressées à des individus en particulier[71]. En ce qui concerne le paiement des charges, on a déjà dit plus haut à quel point il était démagogue et inefficace de multiplier les ordres à ce sujet, puisque les biens étaient absolument endettés. C’était croire naïvement qu’avec un peu d’obéissance et de bonne volonté, tout serait réglé ! Quant aux procès, en décembre 1649 ils seront encore sans jugement, et une nouvelle lettre quasi identique sera renvoyée[72]… Ces lettres solennelles avaient surtout un but de « communication », comme nous dirions aujourd’hui.
A l’été 1649, l’ambassadeur des Consistoires, Monfar, réitère aux souverains des remontrances timides sur le fait des confiscations, en insistant sur le fait qu’il ne faudra plus en donner aux Français et aux docteurs de l’Audience. En demandant cela pour l’avenir, sans parler du passé, Monfar va (sans le savoir ?) dans le même sens que l’ancien procédé que Marca prêtait aux docteurs pour garder leurs gratifications : s’opposer aux futures, ne rien dire sur les anciennes. La nouveauté essentielle des remontrances de Monfar est une dénonciation nominale des agissements de plusieurs Français gouverneurs de places : Marsin à Tortosa, pour s’être approprié des rentes et des biens revenant à la ville de Barcelona et à la Generalitat ; La Fare à Rosas, pour s’être de troupeaux appartenant à des habitants de la région ; Sainte-Colombe à Flix, pour avoir levé des contributions injustes, avoir occupé les champs des paysans et exilé des personnes de façon illégitime. Le Tellier écrit à Marca qu’ayant entendu les plaintes contre Sainte-Colombe, il voudrait bien le défendre, mais que les députés ont produit contre lui des informations authentiques. Il délivre donc à Marca une lettre adressée à ce gouverneur afin de le contraindre à cesser ses outrages, mais qu’il ne devra lui remettre qu’une fois qu’il aura enquêté par lui -même[73]. Dans les premiers jous du mois d’août, des missives royales d’un ton extrêmement dur sont également adressées à Marsin, peut-être également remises à Marca pour qu’il agisse selon son jugement, mais dont on ne sait pas si elles furent effectivement délivrées[74]. En résumé, les Consistoires n’ont pas changé d’avis et ne sont pas disposés à faire de la révocation des dons des vice-rois une priorité. Il semble que leurs revendications contre les gouverneurs des places, qui font référence à un autre type de confiscation – les saisies de facto par la violence, perpétrées contre de pauvres paysans –, soient suffisamment dures et difficiles à entendre à la cour pour en ajouter d’autres peut-être subalternes. La réaction prudente de Le Tellier montre bien la gêne ressentie face aux dénonciations impliquant de grands officiers, proches de la cour et surtout encore présents au service dans une période où les gentilshommes sont tangeants ; gêne démultipliée par l’incapacité totale du gouvernement à y remédier en quelque manière que ce soit, si ce n’est en envoyant des lettres. Marca a sans doute pressé les Consistoires à déclarer clairement leur intention au sujet de la révocation, mais la réponse des députés, qui ne fait qu’illustrer l’attitude de l’ambassadeur des Consistoires à Paris, sonne pour lui comme une nouvelle embûche.
« J’ay parlé avec quelques depputez sur le sujet des biens confisqués, qui m’ont declaré qu’ils ont representé les inconveniens qu’il y avoit en la distribution de ces biens en faveur des ministres de l’Audience, qui sont interessez dans les jugemens, et ceux qu’il y avoit encore en la distribution generale de tous les biens, parce qu’il ny restoit aucun fonds en la thresorerie pour faire les fraiz contre les criminels qui montent à vingt mil escus par an. De plus que par deux diverses depesches de l’année 1648, ils avoient representé le deplaisir que les Catalans recevoient de ce que les biens confisquez estoient donnéz aux François.
Que leur Corps ne s’engageoit pas à faire la partie formelle dans les affaires d’Estat si cela n’estoit ouvertement contraire aux Constitutions, et que c’estoit la cause pour laquelle yls n’avoient conclu à la revocation. Qu’ils s’estoient avancez beaucoup d’avoir representé au nom de la province les inconveniens qu’il y avoit en ces gratifications en faveur des ministres de l’Audience, et des François en particulier, et generalement en toutes les autres. Que c’estoit à Sa Majesté, prenant pié sur cette information, d’apporter le remede à ce desordre, qui ne peut estre autre que la revocation, pour donner quelque satisfaction à son peuple ; estant assuré que, puis que la province se plaint de ces dons, elle ne peut que se louër du remede, et se plaindre à jamais si on le luy refuse. En tout cas que les registres de la Deputation seront chargéz des remonstrances, et que si à l’avenir il arrive aucun inconvenient pour ny avoir point pourveu, la faute n’en sera point sur eux, mais sur ceux qui gouvernent »[75].
Marca ne peut pas dissimuler cet échange à Le Tellier : d’une certaine manière, il lui permet de se justifier, depuis leur dernier échange où le ministre lui rétorquait que la révocation n’était qu’une idée à lui, les Consistoires ne la réclamant pas directement. Ainsi Marca peut prouver que les députés y avaient bien pensé au moment de rédiger leur supplique, et que, comme il le le disait à l’époque, leur plainte contre les magistrats contenait implicitement une suggestion de révocation. Il n’en reste pas moins qu’il tombe sur un os puisque les députés, par prudence politique, ne veulent pas s’avancer trop loin dans les remontrances à ce sujet : « ils s’estoient avancez beaucoup d’avoir representé au nom de la province les inconveniens qu’il y avoit en ces gratification ». Leur rôle, disent-ils, est uniquement de pointer les infractions aux Constitutions. Et, dans un certain sens, les dons des vice-rois ne sont pas directement contraires aux Constitutions. La fin du passage est entièrement du cru de Marca, qui met Le Tellier devant la responsabilité du pouvoir : « la faute n’en sera point sur eux, mais sur ceux qui gouvernent ». Marca ne pouvait donc pas compter sur le soutien direct des Consistoires, et les magistrats commençaient à préparer leur riposte.
Du côté des docteurs de l’Audience, la peur de la révocation a fait son chemin, mais aussi la conscience de l’impopularité, et on imagine le corps partagé entre plusieurs opinions, tous les magistrats n’ayant pas fait l’objet de gratifications égales. Mais le Consell Reial réuni (il s’agit de la plus haute session de l’Audience), en réaction à ce qui a été répandu au sujet de l’ambassade de Monfar, s’oriente vite vers une attitude défensive. Le 14 juillet, le Régent Fontanella écrit lui-même à Mazarin :
« Tous ces messieurs du Conseil sont venus me trouver ce matin en demandant que j’écrive à Votre Eminence au sujet des gratifications faites par M. le maréchal de Schomberg à certains d’entre eux, car ils disent savoir qu’il y a des gens qui pressent la révocation. J’ai décliné sur le motif de ne pas fatiguer Votre Eminence avec tout cela, et ils ont résolu d’écrire à Votre Eminence par le premier ordinaire, d’où Votre Eminence pourra voir leurs raisons. En réalité, Monseigneur, ma position n’est pas de vouloir conserver toutes les grâces faites par les vice-rois, mais faire instance pour la révocation de celles qui ont été faites aux ministres de Sa Majesté ne me paraît pas procéder d’un bon zèle. Votre Eminence verra par le prochain ordinaire leurs raisons, car pour ma part je n’ai à prendre aucun parti, sinon ce qui sera au goût et à la volonté de Votre Eminence »[76].
En l’occurrence, Fontanella est dans une position sensible. Bien que sa gratification de Canet ait été faite par le roi, et ne soit pas donc directement en jeu, les lettres patentes ne peuvent pas encore être enregistrées en Catalogne car la chancellerie est suspendue en attente du nouveau vice-roi[77], d’autant qu’une révocation pouvait en inspirer une autre… De plus, il sait que défendre la révocation en restant propriétaire de la vicomté pourrait être mal vu en Catalogne, notamment de la part des docteurs de l’Audience qu’il doit garder sous sa coupe. En juin, Marca rapportait que la jalousie n’avait pas uniquement atteint Margarit, qui multipliait les manifestations d’hostilité publique au Régent[78], mais aussi ses plus proches amis.
« Le docteur Vidal, ami intime du Regent, disoit avant hier dans la chambre du Conseil qu’il avoit apris que l’on faisoit difficulté à la cour de luÿ accorder et au docteur Queralt les lettres de confirmation du don que M. le mareschal de Schomberg leur a faict, des deux mil escus de pension du comté de Peralada, et que l’on n’avoit pas faict dificulté de donner au Regent le vicomté de Canet. La jalousie que ce don a excité dans tous les esprits est incroyable »[79].
Dans l’affaire de la révocation, Fontanella préfère donc agir avec la plus grande prudence. Cependant, il ne peut pas s’empêcher, quelques jours après sa première lettre à Mazarin où il lui faisait part de son hésitation, de joindre sa propre missive à la lettre que les docteurs décident d’envoyer au cardinal pour lui faire part de leur crainte. S’il affirme « je n’y prends, comme j’écrivais à Votre Eminence par l’ordinaire passé, aucun intérêt »[80], si la lettre des docteurs semble plutôt demander timidement des informations (elle semble malheureusement perdue), par cet acte il ne s’oppose pas clairement à la défense des magistrats. Marca estimera que ces derniers, dont certains avaient des vélléités de se relâcher et d’accepter la révocation, ont été circonvenus par le Régent : « Tout le Conseil royal n’aurait pas écrit ce qu’il a écrit de son chef, on l’a tellement élevé [Fontanella], que l’on aura de la peine à le rendre souple »[81].
Mais les docteurs et leur leader savaient-ils qu’ils avaient fort peu à craindre du côté des Consistoires et de leur ambassadeur ? Les réponses de la cour sont très éclairantes sur ce point. Aux Consistoires, on réplique de façon méthodique et précise aux points soulevés par Monfar, c’est-à-dire en ne mentionnant pas une seule fois le mot de révocation.
« Tres chers et bien amez, sur les nouvelles instances qui nous ont esté faites en votre nom par le sieur Jean Baptiste Moutier [sic] votre ambassadeur près de nous en conformité de ce que vous nous avés cy devant escrit pour nous convier de ne grattiffier des biens confisqués en notre province de Catalogne que les naturels du pays qui auroient le mieux merité de nous et de la province afin d’obliger les autres à suivre leur exemple, et pour les autres raisons et considerations importantes à notre service et au bien public qui sont assez faciles à juger, nous avons bien voulu par l’avis de la reyne regente notre tres honorée dame et mere vous faire cette lettre pour vous confirmer ce que nous vous avons deja fait connoistres diverses fois sur ce sujet qui est que jusques à present nous n’avons donné aucuns de ces biens à des François et n’avons entendu qu’aucun ne fust grattiffié sinon ceux d’entre les Catalans qui s’en seroient rendus dignes par leurs services. Que si par las donations faites par nous ou nos viceroys il a esté fait quelque chose de contraire à ce qui est en cela de notre inclination, nous vous assurons qu’il y sera incontinent pourveu ainsy que nous verrons convenir pour le plus grand advantage de notre povince de Catalogne et pour la satisfaction du general d’icelle… »[82].
A en croire cette lettre, aucun bien confisqué n’avait jamais été donné à un Français ! Les craintes des Consistoires étaient injustifiées ; dans le passé, tout s’était déroulé conformément à leurs intérêts, ou du moins on avait voulu qu’il en soit ainsi, et dans l’avenir on veillerait à ce que cela continue. L’ambassadeur avait fait une requête timide et circonspecte, voilà une réponse inconsistante (à première vue). Mais la cour répond également aux lettres du Consell Reial et du Régent, d’une façon qui nous renseigne encore plus sur ses dispositions du moment.
« Il est vray que les Consistoires de ladite Depputation et de notredite ville de Barcelonne nous ont fait faire instance par leur ambassadeur à son arrivée pres de nous pour ne pas donner aux docteurs de notre Conseil Royal des biens confisqués ni autres grattiffications sur le sujet desquelles il pourroit y avoir procés devant eux, d’autant qu’ils seroient juges en leurs propres causes, et que nous avons repondu ausdits Consistoires que notre intention estoit de ne pas faire des pareils dons, ne voulant donner sujet au general de la province de se plaindre en grattiffiant des particuliers, mais que ledit ambassadeur ne nous a point demandé expressement ladite revocation, sur laquelle non plus que sur la confirmation de ces graces nous n’avons pris jusques à present aucune resolution, remettant à le faire apres que nous aurons bien examiné la chose en ce qui concerne ces donations, lesquelles nous voyons avec desplaisir causer plus de jalouzies et de mal dans la province qu’elles n’y font de fruit et de benefice, vous asseurant qu’en ce qui vous concerne, nous avons tout l’esgarde que vos services en general et en particulier et les considerations que vous nous remonstrés peuvent requerir. Et cependant nous vous recommandons l’expedition des procés concernant les biens confisqués, en sorte que l’on ne puisse pas vous imputer que pour vous interests particuliers il soit arrivé quelque retardement ny prejudice aux droits d’autruy »[83].
Ainsi on voit, en mettant côte à côte ces deux extraits de lettres, combien l’un complète l’autre. D’un côté, l’idée de révocation n’est pas marquée directement, mais en réaffirmant l’autorité monarchique pour le règlement général de la question des confiscations (« il y sera incontinent pourveu »), le pouvoir se montre conscient qu’une décision est à prendre. D’un autre côté, il franchit un pas certain en disant que « ladite revocation sur laquelle non plus que sur la confirmation de ces graces nous n’avons pris jusques à present aucune resolution » : la phrase est faussement rassurante. Ne nous y trompons pas, les conseillers croyaient tenir des gratifications durables, on leur dit désormais qu’il faudra une « confirmation » pour qu’elles puissent perdurer. Et au Régent Fontanella, Le Tellier fait même entendre que la décision que la cour prendra nécessairement sur ce point ne sera pas pour autant favorable :
« Sur quoy je leur fais connoistre que l’on n’a pris jusques à present sur ce sujet aucune resolution, soit pour revocquer, soit pour confirmer ces graces, et que l’on y a tout l’esgard qui se doit, estant comme vous sçavez, Monsieur, fort raisonnable de ne pas sacriffier les interests publics pour le benefice de quelques particuliers que ce soit »[84].
Ce regain d’autorité sur le papier ne pouvait pas, en cet été 1649, être suivi des faits. Pour l’heure, les lettres étaient aussi, d’une certaine manière, adressées à Marca, qui était probablement chargé de les délivrer aux Consistoires et au Conseil Royal. Cette décision de reporter la décision aux calendes grecques – puisque c’était de ça qu’il s’agissait – le concernait directement. Nous verrons bientôt que le processus de décision de la cour, grippé pour quelque temps, repassera forcément (quoiqu’avec concurrence) par le canal de Marca, une fois qu’un vice-roi sera présent en Catalogne. Mais, dans les derniers mois de son interrègne, le visiteur général devra se contenter d’une situation bâtarde et indécise.
Les mouvements conspirateurs se lient avec le scandale des biens confisqués
A l’été 1649, alors que la Fronde parisienne s’est calmée à la suite des traités conclus entre le roi et le Parlement, l’agitation s’éveille à Bordeaux où le Parlement, en réaction contre le renforcement militaire et les fortifications du gouverneur Epernon, commence à lever sa propre armée et chasse ce dernier de la ville. L’un de seuls princes du sang resté fidèle à la cour et à Mazarin est alors Louis de Bourbon-Vendôme, duc de Mercoeur, fils aîné de César de Vendôme (bâtard d’Henri IV) et cousin germain de Louis XIV, membre de la maison rivale des Condé. Mazarin scelle son alliance avec lui en lui donnant en mariage sa nièce Laura-Victoria Mancini. Dans les termes de l’accord matrimonial, décidé dès le mois de mai 1649, figure la nomination de Mercoeur comme vice-roi de Catalogne, La Mothe ayant une nouvelle fois décliné la proposition. La nouvelle est connue en juin 1649 à Barcelona[85], mais l’arrivée du vice-roi, sans cesse promise, devra encore attendre sept mois, ce qui ne fait que gâter la situation politique dans la province. Les pires rumeurs commencent à se multiplier à Barcelona, d’autant que la situation militaire évolue. Le front est stationnaire pendant les six premiers mois, les armées françaises s’étant surtout affrontées avec les paysans catalans, et la principale menace demeurant autour de Flix et Cervera ; mais, dès le début du mois de juin cour la rumeur d’une offensive générale de l’Espagne sur Barcelona, par mer et par terre[86]. Les relations entre les gouvernants français et les Consistoires ont considérablement empiré à la suite de l’arrivée massive des syndics des communautés à Barcelona : en mai, Marca a dénoncé la proposition du Conseil des Cent de réunir les syndics malcontents pour leur donner un acompte comme une tentative de sédition. Les 20 000 livres qu’on se propose de leur donner, dit-il, ne suffiront pas à payer le dixième de ce qu’on leur droit depuis le début de la guerre. Selon lui, l’idée venait de 3 ou 4 meneurs du Conseil des Cent, mal affectes, qui entendaient tirer partie de ce que Paris n’envoie aucun secours en Catalogne pour faciliter l’entrée dans la ville aux Espagnols, profitant de la présence d’un grand nombre de malcontents[87].
Mois après mois, une situation très comparable à celle de l’hiver 1645 se redessine. Selon Marca, il est désormais certain que la faction de Fontanella et d’Ardena favorise le glissement des barcelonais vers l’option espagnole. Partis à la cour pour pousser leurs propres récompenses, les amis s’assurent que la discorde soit semée dans la ville.
« Les amis de messieurs le Regent et comte d’Illes jugerent que le repos de la ville et de la povince en leur absence pourroit nuire à leurs interests en la Cour, et partant qu’il importoit de faire quelque desordre dans la ville, et pour estre appuyés de tous les gens de guerre qu’il en falloit prendre l’occasion sur ce que le gouverneur et le Conseil Royal faisaient capturer des soldats qui commettoient des exces dans la ville ».
Le Gouverneur Margarit, en accord avec Marca et en vertu de l’exercice de ses fonctions viceregia, a décrété l’arrêté des perturbateurs de l’ordre public, mais ceux de la faction adverse en ont profité pour prendre le parti des soldats arrêtés. Certains officiers de cavalerie du bataillon s’assemblent alors avec Francesc Fontanella, frère du Régent, et Josep de Pinós, ancien exilé à Gênes revenu depuis à Barcelona et pardonné par la France. Margarit tente d’empêcher l’assemblée, sans doute sans succès. Marca note :
« Ces mouvemens sont les effects de la partialité qui fut formée en ce pais il y a quatre ans, laquelle se fortifie par les favorables traitemens qu’en reçoivent les autheurs, qui n’abandonneront jamais leur haine, quelque promesse qu’ils facent d’amitié et de bonne correspondance pour plaire aux puissances » [88].
Ces rivalités, exactement comme en 1645 au milieu de la bataille pour les gratifications que le comte d’Harcourt avait lui-même encouragée en prétendant distribuer les biens confisqués[89], se lient étroitement aux questions de confiscations. Marca emploie même l’image du « levain », allant jusqu’à considérer que le discrédit des docteurs de l’Audience peut être négatif à terme pour la tranquilité de la province, même s’il pousse à la révocation des grâces. La noblesse a obtenu sous la vice-royauté de Schomberg beaucoup de privilèges d’exemption du logement des gens de guerre, que Margarit s’efforce de limiter. Le braç militar (représentants du corps de la noblesse) « se plaint que le Gouverneur l’empeche pour ruiner la noblesse, qui est le jardon ancien des factieux, du Regent et d’Ardenne. Cette affaire et le degoust que l’on tâche de donner des officiers de l’Audience soubs pretexte qu’ils ne font pas justice et qu’ils ne tachent que de s’enrichir avec les biens confisqués est un levain qui peut produire un mauvais effect durant l’absence du viceroi, de quoi je ne suis pas sans un tresgrand soubçon ». On trouve même un gentilhomme comme le baron de Ribelles qui commence à introduire une pernicieuse comparaison entre le gouvernement de France et celui d’Espagne :
Il « se plaint comme font plusieurs autres, de ce qu’il a esté oublié en la distribution des biens confisquez, m’a fait observer que la politique des Espagnols estoit contraire à ce qui a esté faict pour les officiers de l’Audience. D’autant qu’ils choisissoient des gens sages, et scavans, mais qui ne fussent ni riches, ni appuyéz d’alliances afin de les tenir plus sujects à l’auctorité du roy et du Lieutenant General, de laquelle yls se moqueroient s’ils pouvoient trouver de l’appuÿ dailleurs »[90].
Il est tout à fait significatif qu’à partir de l’été 1649, Marca lie dans la plupart de ses lettres les plaintes que les Catalans formulent contre la politique de confiscations à des velleités de mal affectes, alors qu’il est le premier à la penser injuste. Il est sans doute obligé de condamner publiquement les sentiments de défiance envers la cour, en pleine crise nobiliaire, alors qu’en interne, dans le secret de la correspondance, il peut livrer ses sentiments profonds à son ministre.
Malgré toute l’exagération et la crispation que l’on peut raisonnablement prêter à Marca, il est établi que le Régent Fontanella joue alors à plein la carte des affrontements de coteries, d’une façon encore plus manifeste et assumée qu’en 1645, où ses correspondances avec Mazarin étaient encore assez générales. En 1649, Fontanella, fortifié par son acesssion à la vicomté de Canet – il s’empresse de signer toutes ses lettres « El Visconde de Canet » dès son retour à Barcelona –, cherche constamment à pousser ses alliés et à enfoncer ceux qui sont plus ou moins proches du Gouverneur et de Marca. Début juin, il écrit à Mazarin pour obtenir de faire lever un régiment pour Josep de Pinós, ce gentilhomme qui avait quitté l’obéissance de France avant d’y revenir, habitué des assemblées nobiliaires spontanées s’opposant au maintien de l’ordre public : « Don Josep de Pinos est un des principaux cavallers de ce Principat, brave de sa personne, avec les plus grandes parentés et les meilleurs amis, et très aimé de tous. Il fut capitaine de cavalerie au début de ces guerres, il se maria au bout de deux ans, et laissa la campagne. Pour fuir certaines persécutions, il partit à Gênes ». Le roi aurait, dit-il, intérêt à lui accorder ce régiment « parce qu’il entraînerait beaucoup des principales familles au service »[91]. Quelques jours après, réécrivant à son protecteur, le Régent lui explique qu’à son retour, il a été accueilli dans l’enthousiasme général pour sa récente gratification (!), mais que seul le Gouverneur le traite mal : « le Gouverneur, dit-il, après mon retour ici, me fait des démonstrations d’inimitié ; moi, je n’en ferai aucune, plus encore, je passerai sur toutes les siennes, pour obéïr aux ordres que Votre Eminence m’a fait grâce de me donner ». Après ces marques d’apparente bonne volonté, il ne tarde pas à exposer le fond de sa pensée : il demande à être nommé « Regente la Assessoria del Governador », c’est-à-dire pouvoir rester président du Consell Reial d’office, même pendant les périodes de viceregia. Quand il était à Münster, dit-il, il avait nommé un Régent de remplacement, le docteur Josep Queralt, mais Margarit avait essayé de contraindre ce dernier à rester après le retour de Fontanella. Dans la situation actuelle, dit-il, Margarit ayant repris du pouvoir à cause de la viceregia, les plaintes se multiplient, ce qui ne serait pas le cas si lui-même était au pouvoir[92]… Sa volonté de briser tous ses concurrents et contradicteurs et de les remplacer par ses ennemis n’a guère de limites : il n’hésite pas à dénoncer le docteur Francesc de Sagarra, magistrat de l’Audience proche de Marca, sur la base d’une prétendue lettre qu’il aurait reçu de la part d’un Catalan passé au service des Castillans[93], mais l’affaire n’aura pas de suite, la cour n’apportant pas crédit à cette délation – nous verrons bientôt que Sagarra prendra au contraire de l’importance. Dès que le roi ose nommer des officiers qui ne figuraient pas sur la terne qu’il avait envoyée à la cour, il s’en plaint directement au cardinal, disant qu’on ne faisait pas ça du temps de l’Espagne, et propose plutôt de nommer… son neveu[94].
Mais c’est après le mois d’août que les dangers deviennent vraiment menaçants. La rumeur de projets d’opérations espagnols sur Barcelona, très répandue, devient un fait avéré : Marca informe la cour qu’une importante flotte se concentre à Gênes avec des milliers de soldats, afin de transporter la nouvelle reine d’Espagne. En réponse, les Consistoires sont officiellement informés d’un risque de débarquement et sont priés de soutenir Marca en toutes circonstances. Le 28 août, l’escadre espagnole se présente devant Barcelona pour se ravitailler, et continue jusqu’à Denia où débarque la reine d’Espagne[95]. Pour l’heure, aucune attaque n’a lieu mais l’effet produit par la démonstration de force est considérable. Le Tellier demande à Marca de représenter aux Consistoires les cruautés des Espagnols envers les Napolitains pour exciter leur soutien pour la France[96]. Cependant, Fontanella écrit au cardinal qu’il ne croit pas un instant à des intelligences espagnoles dans Barcelona, même si les ennemis publient qu’ils en ont beaucoup[97]. Il voit d’un mauvais œil l’extrême inquiétude de Marca, comme de la paranoïa dirions-nous aujourd’hui, et condamne les mesures qu’il prend prend avec le Gouverneur pour confondre les suspects et assurer la défense de la ville. La réaction de Marca est double. Tout d’abord, il insiste plus que jamais auprès de Le Tellier pour que Fontanella soit rappelé à la cour et cette fois éloigné durablement de Catalogne, car pour lui ses nouvelles oppositions à la répression des mal affectes sont une preuve du danger qu’il représente. Le traitement même que l’on a fait Fontanella en lui donnant la vicomté de Canet n’a qu’un effet : encourager les conspirateurs ou faire pencher ceux qui doutaient encore vers le parti des factieux.
« Je vous supplie, Monsieur, me faire la grace de vous souvenir que par diverses depeches reiterées jusqu’à l’ymportunité je vous ay donné avis qu’il estoit necessaire de mettre hors la province quinze ou vingt personnes des plus accreditées, afin de rompre les negociations des ennemis, qu’il falloit appeler et retenir à Paris M. le Regent, qui les protegeoit, affin d’oster aux factieux la hardiesse que leur donnait l’esperance de l’impunité. Il a esté appellé en cour, mais on la renvoyé de deça comblé de bienfaits de cinquante mil pistoles de valeur, apres qu’il s’est rendu caution comme l’on dict de la fidelité de ses amis.
Le rappel que les vicerois ont faict de tous les traistres, le retour de M. le Regent et les liberalitéz en faveur d’une personne que les Catalans qui sont fidelles estimoient devoir estre traictée moins favorablement a tellement fortifié les traistres qu’ils ont continué dans leurs intelligences, jusqu’a en venir à la conspiration avec les ennemis ».
Plus encore, les erreurs stratégiques de la cour, en laissant croire que le gouvernement relayait l’incurie des vice-rois et autorisait la politique de Fontanella plutôt que celle de Marca et de Margarit, refroidissent l’ardeur de personnes qui au départ montraient les meilleures disposition.
« Les gens de bien, officiers du Roy et autres ont esté si abbattus de ce dernier coup, reconnoissant que la cour tenoit pour effect de partialité ce qui ne procedoit que d’un zele pur et sincere pour le service de Sa Majesté, qu’ils ont abandonné le soin de considerer les deportemens de ces factieux, les affectionnéz ayant esté refroidis d’ailleurs par la mauvaise distribution des biens confisquez ».
Marca analyse ensuite de façon plus approfondie le contenu du discours de Fontanella et de ses alliés, et le rapproche directement de celui que tenait le député ecclésiastique Gispert Amat en 1645 peu avant qu’on découvre son implication dans la grande conspiration de cette année-là.
« M. le Regent a dict qu’il trouvait difficile à croyre qu’il y eût conspiration de gens liguéz avec Espagne, quoy qu’il y peut avoir bon nombre de gens mal affectionnéz. Ce qui m’ayant remis devant les yeux l’ancienne distinction inventée du temps de l’abbé Amat, je me suis mis à parler pour faire comprendre à M. Bezons et aux autres qu’apres une conjuration descouverte on ne devoit pas douter s’il pouvoit en y avoir dans cette ville. Que celle la estoit pour le moins de quatre cens personnes liguées, dont il y en avoit eu quatre de punies, vingt qui avoient fuÿ et autant que l’on avoit banni, que les vicerois avoient faict revenir ».
L’ « ancienne distinction inventée du temps de l’abbé Amat » est l’opinion selon laquelle les Catalans se divisaient en trois : fidèles ou bienaffectos, mal affectes et malcontents, ces derniers étant des personnes fidèles à la France mais désireuses de changer le gouvernement politique de Catalogne. Marca avait dénoncé cette divison en 1645 comme étant elle-même nuisible au service du roi, défendant au contraire que les Catalans ne se divisaient qu’en fidèles et mal affectes, alors que quelque temps avant Plessis-Besançon l’utilisait lui-même. Pour ce dernier, il était possible de gagner les plus hésitants avec de petites récompenses. Mais pour Marca, ou l’on était tout blanc, ou tout noir, et aucune récompense ne pouvait en fin de compte être suffisante pour faire changer une mauvaise personne[98].
Les effets pervers des confiscations se montrent également, et tout particulièrement, en Roussillon où une ancienne rivalité avec Barcelona n’arrange pas les choses. Le passage de la reine d’Espagne fait grande impression parmi les habitants du Roussillon. Dans une lettre envoyée à Mazarin par un officier français présent sur place, sans doute le comte de Noailles, gouverneur de Perpignan, le passage de la reine d’Espagne est clairement présenté comme la cause des réticences croissantes de la noblesse à prêter de l’argent au roi pour lever de nouveaux soldats, au moment où le gouverneur de Collioure, Tilly, et le lieutenant, Châtillon, tentent d’obtenir des fonds.
« Les mesmes messieurs de Tilly et de Chastillon ont recogneu que je ne pouvois prandre confiance en personne de ce paÿs ny faire fondement sur ceux que je croyais avoir gaignés au service du roy et estre de leurs amys, et m’ont adverty que les gentilhommes estoint toutz mescontans voyant qu’il ne se faisoit point de graces en leur faveur et que toutes mesme les confiscations du Rossillon alloint à messieurs de Barcelonne, par l’advis de quy on les distribuoit. J’ay asses cogneu cette verité par le changement que je remarque en la noblesse quy vist avec moy tout autrement qu’elle n’avoit accoustumé.
Ce peuple est fort en nombre fyer, hardy et malaffectionnez, on peut juger de son humeur et de quoy il est capable par l’entreprise qu’il fist du temps des Castillans contre la citadelle […]. Il est tres important pour le tenir en son debvoir d’avoir promptement de suffisantes forces et à l’advenir d’entretenir les principaux de quelques esperances d’honneur et d’utilité et e faire des graces effectives car estant etremement interessés ilz ne se contentent pas longtemps de parolles ny de promesses »[99].
La conjoncture ne pourrait pas être pire. Au même moment, Marca avise Le Tellier qu’on a déjà les premiers éléments certains de l’existence d’une nouvelle conjuration. L’oïdor ecclésiastique de la Generalitat, Athanasi Roger, dénonce à Marca « que Negrell oÿdor militaire avoit proposé au sieur Juliol, oÿdor Real seul, et en suitte en presence de lui Roger, que l’armée des ennemis seroit si puissante, et cette ville si dépourveüe, qu’il valoit mieux se rendre par composition ». On tenait déjà Domènech Negrell pour suspect. Marca communique l’avis aux magistrats de l’Audience dont il est alors le plus proche : Felip de Copons et Francesc de Sagarra, qui conseillent de faire entendre les oïdors par un commissaire. Marca convainc Juliol de confirmer la dénonciation. Le 8 septembre, le Consell Reial reçoit les dépositions et décide de la capture de Negrell, de plusieurs mestres de camp suspects, et de Josep Amat (frère du député ecclésiastique chef de la conspiration de 1645). On apprend alors qu’un ecclésiastique qui tentait de se rendre à Saragossa pour voir un parent chef des « inteligences de ce pais » a été intercepté. Sagarra est choisi pour l’instruction du procès. Mais le Conseil des Cent demande d’ores et déjà l’expulsion des suspects de Barcelona vers le Roussillon[100]. Le Gouverneur Margarit assemble chez lui les députés de la Generalitat et les conseillers de Barcelona, les docteurs du Consell Reial, et Pierre de Marca. On délivre aux suspects des billets leur commandant de sortir de Barcelona sous 2 heures et de se rendre immédiatement en Roussillon, où ils devront présenter les papiers au gouverneur Tomàs de Banyuls. Le 13, on expédie Negrell à Perpignan, et le 14 on délivre d’autres billets à des ecclésiastiques. Dans les jours suivants, plusieurs gentilshommes se pressent auprès de Marca pour dénoncer des conspirateurs[101]. Selon Sanabre, Negrell est éloigné pour éviter qu’une sédition se déclenche à Barcelona pour le libérer[102]. Pour l’officier français présent à Perpignan qui écrit à Mazarin, l’envoi des suspects à Perpignan est une catastrophe : il a appris, écrit-il, qu’on allait en envoyer 800 à Barcelona (nombre probablement exagéré), dont les 5 chefs de la conspiration, mais il ne voudrait pas les recevoir tous dans Perpignan. Banyuls, ajoute-t-il, n’ose pas arrêter tous les mal affectes qu’il connaît dans la région, de peur d’une révolte… mais cela va être pire quand le peuple accuillera les exilés. Ceux qui sont déjà arrivés reçoivent des caresses des habitants[103]. Pendant ce temps-là, l’armée espagnole de Juan de Garay traverse le Segre devant Lleida, et atteint le Campo de Tarragona à la fin de septembre. Elle parvient à prendre les forts de Salou et de Constantí.
Marca atteint donc une nouvelle étape dans sa dénonciation de Fontanella, qui est désormais directement attachée à la demande de révocation des confiscations. A travers ses formules, il semble même attribuer aux menées des factieux catalans sa relative baisse de crédit à la cour, dont il a pu ressentir les effets par le maintien du Régent en Catalogne contre son avis et par le refus de la révocation immédiate qu’il proposait. Les factieux, dit-il, « ont eu l’adresse de persuader aux vice-rois et de donner ensuite quelque impression à la cour que les plaintes que l’on faisait des personnes suspectes et de ceux qui les protégeaient procédaient de la division qui s’était élevée en ce pays entre deux partis, dont l’un vouloit opprimer l’autre par calomnie, et pour m’ôter tout crédit à la cour on me contait parmi les fauteurs de l’un parti ». Fontanella a selon lui un intérêt personnel à soutenir les conspirateurs : il souhaite obtenir des garanties du côté français comme du côté castillan car il redoute, si une paix venait à se conclure entre les deux royaumes, que les biens confisqués soient restituées à leurs anciens propriétaires : « je me persuade qu’il vit assuré des deux costez, et qu’il pense qu’une paix lui ostera ses dernieres gratifications, et que l’autre parti ou il à ses engagemens et ses conditions arresteez pourra enfin estre le plus fort »[104]. Partant, il n’y a aucun intérêt à conserver les donations des biens confisqués, puisqu’on a soit récompensé soit des suspects, soit des personnes dont le service ne nécessitait pas d’aussi grand prix. C’est là que Marca relance sa proposition de révocation, en y incluant cette fois la vicomté de Canet, puisque son bénéficiaire « se declare neutre envers le roy et les malaffectionnés » en s’opposant à toutes les poursuites contre les suspects :
« Pour le vicomté de Canet et les autres gratifications qui ont esté faites aux juges de l’Audience contre lesquels le peuple fait de grandes plaintes, on peut les revoquer par la voye de la visite qui sera commise à monsieur le viceroy. On pourra contenter avec quatre mil pistoles baillées secretement les docteurs du criminel, qui seuls servent aux affaires du roy, les docteurs du civil ne servans qu’a juger les procez. Ceux ci neantmoins dans l’ordre de M. le marechal de Schomberg se trouvent enrichis, et ceux du criminel hors mis don Philippe Copons sont oubliéz, ou bien leur don leur est osté comme Queralt et à Vidal par le don de monsieur le Gouverneur, qui revoque la gratification qui estoit faicte à ces deux »[105].
Ne nous y trompons pas, la demande que fait Marca tend toujours à une révocation générale des dons des vice-rois, pas uniquement de ceux faits aux magistrats : comme on l’a vu plus haut, selon son opinion, les vice-rois n’ont pas le droit de disposer des biens confisqués, aussi leurs donations sont de facto annulées, et s’il insiste sur celles faites aux docteurs, c’est que le Régent est comme leur chef, et que les circonstances particulières de la nouvelle conspiration les projettent au premier plan. Les docteurs criminels sont ceux parmi lesquels Marca a le plus d’alliés, particulièrement Copons et Sagarra. Pour Copons, il défend même par exception la confirmation des donations que Schomberg lui avait faites – l’exception qui confirme la règle[106]. Aux yeux de Marca, c’est tout une politique d’Etat qu’il faut revoir. Ainsi déclare-t-il, dans une lettre qu’il adresse au cardinal lui-même pour l’engager à soutenir ses initiatives, que « la douceur du gouvernement françois » n’a pas permis d’apaiser les haines contre la France, « en sorte que ces persones infectees attribuent les faveurs et les bienfaits à foiblesse […]. Si la nature du mal desire des remedes puissans, la condition des Catalans frapés de cette peste oblige à rechercher les remedes les plus austeres, cette nation faisant gloire d’estre immobile au mal et de ne pouvoir estre retenue dans son devoir que par la rigueur de la peine »[107].
A la charnière de septembre et d’octobre 1649, le paroxysme de la crise est atteint. A Barcelona, devant la perspective d’une prochaine offensive espagnole, un conseil de guerre est constitué avec Margarit, le conseller en cap de la ville, le député militaire, Pierre de Marca et le militaire français Montpouillan ; les forces commandées par Marchin, soit 2000 soldats d’infanterie et 500 cavaliers, se dirigent vers la ville. La crainte touche de plein fouet les habitants des villages situés près des zones d’offensive espagnole, qui fuient en emportant leurs objets précieux, vers Barcelona et vers la montagne. A Barcelona, le 30 septembre, le Conseil des Cent décide de rayer ceux qui fuient la ville des listes de personnes éligibles (désinsaculation). On inscrit leur nom dans la pierre pour les dénoncer à la postérité comme traîtres. Le 3 octobre débute la marche des forces espagnoles de Tarragona et Lleida vers le Panadés. Dans la deuxième quinzaine, Sitges, défense extérieure de Barcelona, est prise ; le 16, Vilafranca del Panadés est occupée, et les forts de la région sont démantelés ; parallèlement, le Val d’Aran est envahi[108]. C’est alors que les Fontanella agissent d’une façon que Marca ne peut que stigmatiser, et qui renforce son argumentaire.
« J’acheve cette matiere pourveu qu’il vous plaise de souffrir que je vous rapporte le jugement du peuple sur ce que le pere de M. le Regent, sa femme, enfans, et meubles sont sortis de cette ville. C’est ascavoir que c’est declarer par cette action que la ville est perduë, et par consequent qu’il vaut mieux s’accomoder avec les Espagnols que souffrir un pillage. Averti de ce discours par Vidal, et voyant maintenant qu’il n’y a point d’apparence de siege, il est arrivé hier au soir en cette ville pour faire bonne mine »[109].
La réaction instinctive de Joan-Pere Fontanella, père du Régent, a été brusque mais de courte durée. En effet, la saison hivernale est très avancée, et les Espagnols ne peuvent pas raisonnablement prévoir une siège de la ville : peu après, une fois démantelés les principaux forts, ils se replient sur Lleida. Mais le gouvernement français est de nouveau dans la nécessité de demander un emprunt à la ville. Marsin a envoyé l’intendant d’armée, Bazins de Bezons, au Conseil de Cent pour obtenir 7000 livres, qui l’a accepté. Mais la Junta de guerra du Conseil – il s’agit des principaux membres réunis en session extraordinaire qui prennent la dernière résolution – n’a pas manqué de relever le procédé des Fontanella et de le lier au scandale des gratifications, tout cela étant particulièrement inadmissible à ce moment-là. Marsin est venu quémander l’emprunt en faisant valoir la quasi menace que, sans ce prêt, les troupes ne pourraient rester à défendre Barcelona et que la ville serait perdue.
« En cette Junta les plus zellés declamerent en nostre presence contre les dons des biens confisquéz, disans qu’ils seroient mieux employés en ces occasions que non pas d’avoir esté distribuéz en faveur des officiers de justice et d’autres personnes sans merite. Ils ont continué ces plaintes en leurs Juntes sans oublier la gratification faicte au Regent, qu’ils ne peuvent souffrir, non plus que son procedé d’avoir faict retirer toute sa famille et ses meubles de la ville, mesme son pere, qui est le premier du Conseil de Cent, comme j’ay desia escrit. En quoÿ il a esté suivy de D. Joseph d’Ardenne, et D. Joseph de Pinos, qui ont faict sortir d’ici leurs meubles et leur famille. De quoÿ ce peuple est extremement offencé et plusieurs en sont intimidés, qui est, comme l’on croit, la fin principale de cette retraitte »[110].
Joan-Pere Fontanella, ancien conseller en cap au moment de la révolte de 1640, personnage historique du retrait d’obédience de la Catalogne à l’Espagne, se retrouvait ainsi au ban de l’institution dont il avait été la clef et l’une des autorités morales. Désinsaculé peu après, malgré sa réhabilitation par la suite, -il meurt, probablement affaibli par les tragiques évènements, le 29 décembre 1649.
Quelques changements majeurs se produisent à la cour dans les deux derniers mois de 1649. Le duc de Mercoeur, dont la nomination comme vice-roi de Catalogne a été décidée en juin, voit son départ sans cesse différé car on ne peut pas lui donner les forces armées et l’argent suffisants pour sa mission. Au cours du mois de novembre, son départ semble cependant suffisamment certain pour que ses instructions soient rédigées. Elles portent la date du 19 novembre[111]. De façon surprenante, elles apparaissent comme une copie partielle du projet d’instruction envoyé par Marca au début de l’année : interdiction d’aliéner le patrimoine ancien ou nouveau, nécessité de réunir la Junta patrimonial selon l’usage ancien, interdiction d’anoblir, recommandations de prudence politique (articles III, IV, X et XII du projet de Marca, comme on l’a vu plus haut). Une phrase, si elle favorise une interprétation du contexte dans le sens défendu par Fontanella (certains Catalans ne sont pas mal affectes mais plutôt malcontents), montre aussi une claire conscience du danger réprésenté par les mouvements de fidélité nobiliaire internes à Barcelona : « s’il arrivoit quelque notable mouvement en faveur des Castillans, ceux qui les favoriseroient n’entraisnassent avec eux le party dans lequel ilz auroient des amys par esprit de vengeance contre leurs ennemis plustost que par mauvais dessein contre la France ». Deux autres points très importants apparaissent dans l’instruction qui semblent faire pièce au Régent, dans son autorité et dans son influence : le vice-roi devra faire secrètement des informations contre les officiers en Catalogne, reçues par le Chancelier, en présence de Marca et de l’intendant d’armér Bazin de Bezons, afin d’avoir l’effet de la visite générale que Marca n’a pu faire en raison de l’opposition des Consistoires, « sans les communiquer aux officiers catalans », c’est-à-dire notamment au Régent ; il reçoit également l’ordre exprès de ne pas faire revenir dans Barcelona ceux qui ont été bannis, sauf avis contraire du roi. Enfin, l’instruction cite nommément les intérêts de plusieurs personnes, dont, en tête, celles recommandées jusque là par Marca avec chaleur : Felip de Copons, qui demande le comté de Vallfogona ; Calvo et Bassedes, proches parents de Margarit, qui demandent l’un les biens du duc de Sessa et l’autre les biens de Jacint de Toralla ; Jaume d’Erill, lui aussi proche du Gouverneur, qui demande qu’un usufruit donné par Harcourt grevant son propre don (baronnie de Malpas) soit révoqué. Tout cela est surprenant si l’on pense que les suggestions concrètes de Marca n’avaient pas été suivies cette année-là. La reprise d’une grande partie de son propre texte peut signifier un léger glissement de vision de la cour.
Sur le point de la révocation des dons des vice-rois, un élément concret apparaît enfin dans ces instructions. Elles signifient explicitement que Mercoeur aura pour mission de faire appliquer les réponses que le roi a précisément donné à chaque article présenté par l’ambassadeur des Consistoires, Joan-Baptista Monfar. Ces réponses devaient être données séparément par écrit à Mercoeur, mais on ignore si elles l’ont été, car on n’a pas pu les retrouver. La cour a décidé de charger directement le nouveau vice-roi de prendre sur place les informations nécessaires dont elle aura besoin pour s’informer sur l’affaire des donations et décider dans un sens ou dans un autre. Il est clairement expliqué que les Consistoires étaient réputés devoir demander la révocation, mais qu’ils n’ont fait que demander que de telles donations n’aient pas lieu à l’avenir à des docteurs de l’Audience ; et que ces derniers étaient réputés remettre leurs gratifications dans les mains du roi, mais qu’ils « n’ont point declaré leur intention sur ce qui les concerne, au contraire plusieurs d’entr’eux ont demandé et demandent encores de pareilles graces et que celles qu’ils ont receües des viceroys leurs soyent confirmées ». Ainsi, Mercoeur est chargé de « s’enquerir avec tout le soin possible et d’examiner meurement avec ledit Conseil (il s’agit du Consell Reial) en y appellant les deputez du Principat et conseillers de Barcelonne s’il le juge à propos […] en faisant la consideration qui se doibt sur l’interest de ceux qui sont dignes de recompense et ausquelz il seroit injuste de l’oster ». En clair, cela signifie la production d’un document concret, « un estat bien exact contenant les donnations et les alliennations qui ont esté faites tant par Sa Majesté que par ses viceroys de l’ancien et nouveau domaine de Sa Majesté en ladite province, soit à perpetuité, ou à vie par pension, sequestre ou autrement à quelque condition et en quelque maniere que ce soit […], les personnes à qui elles ont esté accordées avec mention bien particuliere de leurs qualitez, charges, services et autres choses de ces graces, la proportion ou disproportion qu’il y peut avoir, et si elles ont un mauvais ou nul fondement »[112]. Un tel document avait déjà été demandé par le passé au prince de Condé, dans un contexte de défiance générale après la vice-royauté du comte d’Harcourt. A nouveau ce contexte se présente en 1649, après la vice-royauté de Schomberg. Les deux ont pour point commun d’avoir fait beaucoup de donations sans que la cour soit informée, désormais appellées des « alliennations », et qu’il importe de connaître avec exactitude. Ce n’est donc pas que la cour ne fasse pas confiance à Marca, c’est peut-être qu’elle considère la décision suffisamment importante, régalienne dirions-nous, pour la confier au représentant même du roi dans la province, le vice-roi, qui était jusque-là absent. Les instructions portent une participation des magistrats du Consell Reial et des Consistoires à l’établissement de ce document, mais il n’est pas dit si Marca devra y avoir un rôle. Nous verrons bientôt toutes les implications et les conséquences de ces instructions.
Dès avant le départ de Mercoeur, Marca s’inquiète des influences que la faction de Fontanella pourra avoir sur lui. Il n’a reçu aucune réponse de Le Tellier au sujet de tous les faits graves imputés au Régent. Mi novembre, il écrit au ministre que, d’un tel silence, il conclut qu’on ne dira rien à Mercoeur sur le Régent : ainsi ce dernier pourra-t-il prendre « tout l’avantage que sa charge lui donne et se rendra maître absolu des affaires, comme il a fait jusqu’à présente ». L’entourage du Régent a déjà entrepris d’approcher Mercoeur à Paris, puisque le docteur Francesc Martí i Viladamor, qui s’y trouve encore, a su se rendre familier dans la maison du duc, et qu’il est prévu pour voyager avec lui vers la Catalogne, où les récentes procédures des Consistoires lui ont finalement rendu toutes ses charges[113]. Une nouvelle résolution de Marca est introduite par le départ prévu de l’ambassadeur Monfar. Les termes employés par Le Tellier pour décrire ce dernier laissent entrevoir la dimension de son échec.
« L’ambassadeur de Catalongne qui est icy est tres bon homme, et fort affectionné pour sa patrie, mais il est chaud et ne congnoist pas la maniere de vivre de cette cour, aussy sa conduitte descrie noz affaires, et empesche qu’on ne puisse faire ce qu’on voudroit pour l’advantage de la province. Je croy bien qu’on prendra resolution de le rapeller, puis qu’il n’a plus rien à negotier icy, mais si lon differoit il seroit apropos que vous y portassiez adroictement les Concistoires. Et quand on en envoyera d’autres, qu’ilz fassent choix de personnes plus moderées, et qui congnoissent mieux que celuy la comme il faut agir envers les souverains et leur Conseil »[114].
Il est certain que les Consistoires n’ont pas obtenu satisfaction. Les nombreuses plaintes adressées aux souverains au cours de l’année contre les gouverneurs français ont été inefficaces, et peut-être ont-elles été formulées de façon trop véhémente ou insistante pour être bien reçues. On a vu plus haut que Le Tellier avait lui-même été gêné par la dénonciation d’un officier qu’il voulait protéger. Aussi les deux Consistoires dédident-ils d’envoyer à la cour deux nouveaux ambassadeurs, Francesc Sangenís et l’abbé de Banyoles Francesc de Montpalau[115], personnages plus connus des Français, le premier s’étant distingué sous la vice-royauté de Schomberg comme l’un des grands prêteurs à la couronne. Montpalau est visiblement un proche de Marca. Ce dernier, fin décembre, prend l’initiative d’envoyer à Le Tellier un Memoire touchant les causes des partialitéz qui sont aujourd’huy en Catalogne, et sur l’origine et les progés de la conjuration, nouvelle charge reprenant par le menu tous les griefs retenus contre Fontanella et sa faction, qu’il espère cette fois voir renforcés par la requête que soumettra Montpalau au roi, qu’il suggère de faire figurer avant son propre mémoire. Il veut qu’on le lise au Conseil, et ajoute une précision très intéressante : « Je n’envoye point une copie de ce memoire à Son Eminence, me contentant de luy dire que vous luy en ferez rapport, parce que les commis de sa secretairerie ont communiqué nos lettres aux interessez »[116], signe de plus que les réseaux Catalans ont leur ramifications jusqu’à l’intérieur même des bureaux de Mazarin.
L’essentiel du contenu du mémoire en question[117] est d’abord un long rappel de la conjuration de 1645, qu’il n’est pas nécessaire de reprendre ici. Marca soutient que cette conjuration, quoique désamorcée, n’a pas été totalement découverte puisque certains conjurés sont restés dans Barcelona ou y ont été rappelés. Elle a failli renaître en 1647 avec le passage de l’armée navale de Don Juan d’Autriche devant Tarragona. En 1648, « la mauvaise conduite du gouvernement augmenta le trouble domestique, les conjurés qui avaient été bannis ayant été rappellés et la distribution des biens confisqués faite aux Français, aux officiers de justice, et à plusieurs Catalans sans mérite ayant accru le nombre des malaffectionnés et dégoûté les serviteurs du roi ». En 1649, les conjurés sont protégés par le Régent et Ardena, même si, après avoir vu l’armée navale espagnole croiser à nouveau devant Barcelona, on a eu des avis certains de Gênes que le but était d’entrer tôt ou tard dans la ville. Negrell arrêté était proche de Morell, et tenta de le faire intervenir en sa faveur auprès de Fontanella et d’Ardena.
« On n’a pas manqué de publier à l’armée que cette expulsion était un effet de la partialité du Gouverneur, ce qui est fort véritable, mais c’est de la partialité de France contre celle d’Espagne, et de toute la Catalogne contre deux ou trois cent traîtres, comme l’on peut vérifier par la relation précédente, qui fait voir que cette partialité a eu les mêmes commencements et progrès que la conjuration contre le service du roi, quoique l’on ait voulu persuader avec toute sorte de soin que c’était une partialité des familles ».
Partant du principe même que le Régent protège les conjurés, Marca établit un autre document : Memoire pour faire voir que le Regent ne peut estre juge du proces contre les conjurez[118]. Il faudra quelque temps encore avant de voir la cour prendre une nouvelle résolution sur ce personnage équivoque.
Mais pour l’heure, la perspective de la venue de Mercoeur insuffle quelques espoirs. Le Tellier assure que l’« accez » que le docteur Martí a pris auprès du duc « ne doibt donner jalousie à personne, veu qu’il n’y avoit icy aucun Catalan qui le luy pûst contester, et que c’estoit sans doubte pour tirer de luy des congnoissances qu’une personne qui doibt aller exercer un employ de cette consequence est bien ayse de prendre par advance autant qu’il peut. Je vous asseure que monsieur le viceroy ne prendra aucun party, et sen va disposé à recevoir et se servir de voz bons conseils sur toutes les occurences comme estant persûadé que vous luy donnerez les meilleurs »[119]. Ce sont toujours les affaires de Paris qui orientent le sens général des évènements. En décembre, le prince de Condé, chef des armées royales, détient la plus grande influence au Conseil ; il a poussé à l’amnistie des frondeurs bordelais et s’oppose à Mazarin pour la nomination des gouverneurs des provinces. Condé cherche à évincer le gouverneur de Guyenne, Epernon, afin d’étendre sa propre influence. Mazarin, Anne d’Autriche et Gaston d’Orléans se rapprochent alors des anciens frondeurs, opposés au prince, et décident d’arrêter ce dernier, son frère Conti et son beau-frère Longueville. Le 18 janvier 1650, ils sont incarcérés à Vincennes[120]. Les répercussions en Catalogne sont directes. L’amitié de Condé et de Marchin, lieutenant général dans la province, est ancienne. Le Tellier a eu avis que Turenne, apprenant l’arrestation du prince, a écrit à Marchin pour l’inviter à aller à Tortosa s’enfermer dans la cité et traiter avec les Espagnols pour leur faciliter l’entrée en Catalogne[121]. Le 18 janvier 1650 des courriers partent de Paris, adressés à Marca et au comte de Noailles, gouverneur de Perpignan, et leur ordonnant de procéder à l’arrestation de Marchin. Le jour même de l’arrivée des lettres, l’ordre est exécuté. Marchin se trouvait alors dans son logement, à l’hôtel d’Aitona, en compagnie de Josep d’Ardena[122]. Les derniers mois, il s’était considérablement rapproché de ce dernier, ayant même eu un grave conflit avec le Gouverneur Margarit au sujet d’un prisonnier de guerre[123]. Dans le contexte particulier des factions catalanes, l’arrestation de Marchin prend une forte signification. Ardena craint lui-même d’être arrêté. Sanabre parle d’une crainte identique de la part du Régent Fontanella[124]. « Par inimitié commune envers le Gouverneur et le visiteur, Marchin était devenu le nouveau champion des anti-motistes »[125]. Le départ de Mercoeur a été une nouvelle fois retardé par l’arrivée à la cour des ambassadeurs de Catalogne, mais il se met finalement en route en février[126]. De son côté, Marca a lu dans les Consistoires l’imprimé envoyé de Paris justifiant l’arrestation des princes. Il leur a expliqué la mesure par la nécessité de conserver le repos de l’Etat, et leur a affirmé que cela signifierait l’envoi prochain de nouvelles troupes en Catalogne. Les Consistoires, dit-il, ont reçu ses discours avec applaudissements… mais ils déplorent une fois de plus l’aliénation des biens confisqués[127]. C’est à Mercoeur, prince fidèle au cardinal, qu’il appartiendra de reprendre en main cette situation très sensible, certes dégradée pendant l’interrègne mais peut-être encore rattrapable.
2. Vice-royauté de Mercoeur (1650) : la rivalité entre Marca et Serroni
Marca et Serroni sont mis en concurrence par la commande d’un mémoire sur les confiscations
Le duc de Mercoeur part de Paris en même temps que l’ordre d’arrestation de Marchin, suite logique de l’arrestation des princes le 18 janvier 1650. Parti de la capitale le 26, il arrive à Barcelona moins d’un mois plus tard, le 22 février, après avoir traversé une France plongée dans l’agitation. L’ampleur de ses instructions rédigées en novembre 1649, que nous avons déjà introduites plus haut[128], montre l’étendue des améliorations que l’on attendait de lui. Dans un contexte militaire aussi tendu – on se rend bien compte que l’offensive espagnole ne s’est arrêtée que pour reprendre dès que possible –, avec la récurrence des outrages des soldats et des révoltes de villageois, il était d’emblée très douteux que Mercoeur puisse mener à bien l’ensemble de ses instructions d’ordre politique. Mercoeur arrive en hiver, la campagne n’a donc pas encore repris, aussi attend-t-on qu’il s’installe à Barcelona et ne s’en éloigne pas, afin de châtier les responsables des désordres des gens de guerre dont les ambassadeurs des Consistoires avaient porté la plainte à la cour, et surtout afin de diriger la justice. En effet, la justice est rendue sous le nom du vice-roi. Il doit être ordinairement dans le Conseil Criminel, prendre connaissance des crimes, entrer aux chambres criminelles, faire expédier et juger les procès avec diligence, assister aux jugements des procès criminels et civils d’importance, empêchant la partialité. Il doit certes réunir la Junta patrimonial, conseil comprenant les principaux officiers de Catalogne et destiné à traiter des affaires de grâce et du patrimoine royal, mais la collaboration se double aussi d’une claire mission de surveillance : il devra examiner la conduite du Chancelier, du Gouverneur, du Régent, de tous les membres de l’Audience, faire secrètement des informations contre les officiers, reçues par le Chancelier en présence de Marca et de Bazin de Bezons, afin d’avoir l’effet de la visite générale que Marca n’a pu faire, « sans les communiquer aux officiers catalans ». L’anoblissement, création de cavallers, gentilshommes, ciutadans honrats et burgesos honrats sont réservés au roi, de même que la légitimation, concession de privilèges aux communautés, « ordonnant au sieur viceroy de luy renvoyer tous ceux qui pourroient pretendre de ces graces ». L’aliénation du patrimoine et donation des biens confisqués est, nous l’avons dit, totalement interdite au vice-roi, mais en échange toute décision du roi dans ce sens sera prise par le souverain après consultation du vice-roi, pour éviter toute « surprise ». Le vice-roi peut donner des grâces et des rémissions, mais les instructions ordonnent expressément de n’en pas donner pour les « crimes énormes » ou de lèse-majesté. Il lui est particulièrement interdit de rappeler à Barcelona ceux qui ont été bannis. Il devra prendre conseil de Marca, le faire participer aux ternes des offices et bénéfices, « et à donner les advis à Sa Majesté sur les privileges, graces et gratifications qui luy seront demandées », affaires d’Etat, conflits de juridictions, rémissions, « ce qui concerne le patrimoine de Sa Majesté ». Il se confiera à Marsin pour les affaires militaires. La présence sur place de Serroni, évêque d’Orange chargé d’administrer les sacrements en raison de la vacance des sièges épiscopaux, est rappellée : « Sa Majesté desire que ledit sieur viceroy considere ledit sieur evesque d’Orange et le fasse respecter et appuyer en toutes les choses qui seront de sa fonction et qu’il pourra faire sans prejudicier aux droicts des eglises et aux Constitutions de la province ». Mercoeur, à la différence de ses prédécesseurs qui n’en avaient fait qu’à leur tête, allait-il respecter scrupuleusement ces instructions ?
Pour notre sujet, la principale mission de Mercoeur était de « s’enquerir avec tout le soin possible et d’examiner meurement avec ledit Conseil, y appellant les deputez du Principat et conseillers de Barcelonne s’il le juge à propos ce qui se peut faire de mieux pour le service de Sa Majesté et le bien public de la province » au sujet des donations des biens confisqués, car le roi n’a pris aucune décision pour l’instant. Notons bien encore que les instructions sont explicitement générales : il s’agit de prendre une décision générale sur les confiscations, non pas seulement les aliénations réputées illégales faites par les vice-rois. Pour informer correctement la cour, la demande particulière est donc faite à Mercoeur de « dresser un estat bien exact contenant les donnations et alliennations qui ont esté faites tant par Sa Majesté que par ses viceroys de l’ancien et nouveau domaine de Sa Majesté en ladite province, soit à perpetuité, ou à vie par pension, sequestre ou autrement à quelque condition et en quelque maniere que ce soit, de quelle consistance et valeur en principal et en revenu sont les choses ainsy données et engagées, les personnes à qui elles ont esté accordées avec mention bien particuliere de leurs qualitez, charges, services et autres choses de ces graces, la proportion ou disproportion qu’il y peut avoir, et si elles ont un mauvais ou nul fondement », ainsi qu’un autre état des personnes ayant été anoblies et ayant bénéficié de privilèges. Mais il est évident que le soin de dresser ces documents très précis n’allait pas revenir au duc de Mercoeur lui-même. Par le passé, une telle commande avait été lancée de façon récurrente par la cour : La Mothe, puis Harcourt, avaient été chargés de faire un état complet de tous les biens confisqués donnés et à donner, mais (peut-être à dessein) cela était resté sans effet, semble-t-il. Le prince de Condé, nommé vice-roi en 1647, s’était montré de meilleure volonté et, très rapidement après son arrivée dans la province, avait chargé Marca de dresser le document. Si ce dernier est aujourd’hui perdu, il exista bien[129]. On croit avec quelque apparence que le visiteur général y prescrivait, déjà, la révocation des dons des vice-rois afin de remédier aux désordres afférents. Trois ans après, la situation précise a changé, tous les biens ayant désormais été donnés à l’exception de deux ou trois, mais le principe est le même : il faut une réponse précise et chiffrée. Marca avait été très flatté que Condé lui confie directement l’établissement de son document. Sous Mercoeur, la chose se fait d’une façon beaucoup moins évidente, révélatrice de la grande confusion de la situation politique.
C’est que Marca, depuis la vice-royauté du Cardinal de Sainte-Cécile, Marca n’est plus le seul ecclésiastique de conséquence au service du roi présent en Catalogne. Le romain Giacinto Serroni (1617-1687), membre dès le plus jeune âge de la clientèle des Barberini (le pape Urbain VIII lui donne une abbaye à 8 ans) et entré dans l’ordre dominicain, s’est rapproché de Mazarin par l’intermédiaire de son ami Giuseppe Zondo Ondedei (1597-1674), qui sera appelé l’ « éminence grise » du cardinal. Grâce à ces appuis, il a obtenu l’évêché d’Orange en Provence en 1646, avant de suivre Michele Mazarini à Barcelona en 1648, dont il était le confident et le secrétaire. Il avait reçu le titre d’évêque « in partibus » pour conférer les ordres sacrés en Catalogne où tous les sièges étaient vacants, le pape ne voulant pas valider les nominations du roi de France. Mais, après le départ de Sainte-Cécile, il n’avait pas quitté la Catalogne. Durant toute l’année 1649, et au moment de l’arrivée de Mercoeur, Serroni entretient directement une correspondance assez suivie avec Mazarin. Ce dernier lui donne l’ordre de gagner les faveurs de Marca et de Margarit[130]. Apparemment, le cardinal fait exprès, par stratégie, de laisser Marca et Serroni en Catalogne, peut-être pour se surveiller l’un l’autre, un informateur fidèle de plus n’étant jamais de trop dans une province si sensible. Sans faire d’anticipation, on peut aussi penser que l’influence grandissante de Serroni, doté d’un atout que n’a pas Marca (être italien), a pu également contrebalancer l’influence de ce dernier dès 1649. Le 27 février, cinq jours après l’arrivée de Mercoeur à Barcelona, Serroni écrit à Mazarin et l’informe précisément sur les effets immédiats de cet événement dans la province, et sur ceux que l’on pourra attendre sur le long terme. Selon lui, le vice-roi est reçu avec joie par le peuple et les Consistoires. Les affaires politiques, dit-il, iront mieux car son secrétaire semble vouloir vivre de meilleure façon que son prédécesseur (il semble que cela soit une référence à Martin de Charmoye, secrétaire de Schomberg qui jouissait d’une grande influence et avait été gratifié de biens confisqués). Il espère que Mercoeur pourra œuvrer pour calmer la rivalité des deux partis opposés, mais ne se fait guère d’illusions : d’emblée, il sera tourmenté par le retour de beaucoup de gens expulsés, et la suite donnée à cette affaire dépendra du parti qui gouverne à ce moment-là. Mercoeur prétend qu’il fera justice à tout le monde, mais on attend de voir. Serroni se permet enfin de donner un avis direct sur l’affaire des biens confisqués, ce qui montre le degré de familiarité et de confiance entre Mazarin et lui :
« L’affaire des confiscations est encore très considérable, et de beaucoup pour celles qui ont été données aux Catalans : il est très difficile de les révoquer sans susciter un grand mouvement. Pour les Français, on pourrait leur retirer avec une plus grande facilité, quoiqu’en ce cas particulier on ait exagéré, car on a fait des donations à des personnes dont, outre le fait de n’avoir jamais servi le roi, on ne sait pas à présent qui elles sont, et elles ont été distribuées seulement pour services indignes, à des serviteurs du vice-roi, ou pour de petites offres d’argent. Cela a fait se retirer et crier les bons serviteurs du roi, qui se voient préférer des gens de nulle considération, et le service ne s’en trouve pas avancé. Il est certain que dans la nécessité présente ce ne serait pas une petite aide que l’argent des biens confisqués. Et on verrait ces gens servir Sa Majesté avec une plus grande application, car dès que le bienfait a été reçu, on ne les voit plus servir. Du temps d’Espagne, on donnait 200 écus de pension à quelqu’un, il s’estimait très favorisé, et se tenait pour satisfait. Et maintenant on verse avec une très grande profusion, pas uniquement sur 3 personnes, 4000 écus de rente, qui pourraient contenter une douzaine de personnes. A toutes ces choses pourvoira monsieur le duc de Mercoeur »[131].
Serroni partage dans une certaine mesure l’avis de Marca, quoi qu’il semble plus favorable à la révocation des donations faites aux Français qu’à celles faites aux Catalans. Marca, dans ses lettres, ne fait pas de claire différence, sans doute car le fond de sa pensée le porte à une révocation générale, seule solution pour apurer le contentieux qui l’opposait lui-même aux vice-rois depuis le temps du comte d’Harcourt. Peut-être Serroni voyait-il également les dons faits aux membres de la faction d’Ardena, comme le Régent, comme suffisamment justes pour être conservés ?
Un mois après l’arrivée de Mercoeur, Marca signale à Le Tellier que le duc l’a chargé de dresser un mémoire « touchant la revocation des dons des biens confisqués, qui sera prest pour l’envoyer par le premier ordinaire »[132]. Il s’agit donc de la stricte exécution des instructions du vice-roi : il en a chargé Marca, comme Condé l’avait fait avant lui pour une semblable tâche. Mais les évènements qui se succèdent alors à un rythme très serré semble retarder l’envoi en question. Les barcelonais exilés à Perpignan depuis septembre 1649 ne cessent de réclamer leur retour dans la ville. Du côté de la justice, le procès de Domènech Negrell, capturé quelques mois auparavant, peut commencer car le vice-roi est désormais présent. Mercoeur pense alors surtout à ses affaires personnelles, alors que la cour est en « promenade militaire » à travers le royaume afin de montrer la puissance royale et d’obtenir l’allégeance des nobles révoltés en leur offrant le pardon. Il agite la nouvelle d’un voyage de trois semaines à la cour afin de pouvoir (enfin) conclure le mariage qu’il avait projeté avec la nièce de Mazarin, mais les Consistoires et les Catalans font rapidement savoir leur grande hostilité, dans l’état des affaires de la province. S’y ajoute également l’affaire du séquestre de la cathédrale de Tortosa, dans les mains du docteur Pere Morell, cet ancien ennemi de Marca et âme damnée de la faction d’Ardena, que le visiteur général s’efforce de faire révoquer par l’intermédiaire de Mercoeur. Le Tellier, qui est resté à Paris « par commandement et pour les affaires du roi », et n’a donc pas suivi la cour en Normandie et en Bourgogne, lui écrit au début du mois d’avril qu’il attend toujours « le memoire que par une de voz lettres vous m’avez promis de m’envoyer touchant les biens confisquez, et celuy des plaintes de la depputation contre monsieur de Marsin, par qui ilz pretendoyent avoir esté troublez en la jouïssance de leurs revenus, à quoy l’arrest de sa personne aura sans doubte apporté le remede qu’ilz voulloyent demander à Sa Majesté, ce qui les obligera peut estre de n’en plus parler »[133]. Comme avec le duché de Cardona, dont on croyait le problème résolu au moment de l’arrestation de La Mothe, l’arrestation de Marchin, pense-t-on, va éteindre les plaintes au sujet des excès de ce capitaine. Mais cela n’était qu’une petite consolation au milieu d’un énorme dossier. Dans l’ensemble, les Consistoires ne peuvent pas s’estimer satisfaits : d’une part, Marca s’emploie à démentir les dénonciations faites contre M. de Sainte-Colombe, gouverneur de Flix : il s’en est informé avec Josep de Tord, mestre de camp du bataillon catalan qui a passé toute la campagne à Flix avec son régiment, et qui l’a assuré que les plaintes étaient fausses[134]… De plus, un ordre royal adressé à l’intendant militaire, Bazins de Bezons, entend faire payer l’appointement du vice-roi Mercoeur « sur les premiers deniers qui seront envoyés en Catalogne pour le paiement des dépenses de l’armée et des troupes »[135], ce qui s’explique par la vacuité du fonds des biens confisqués (le comté de Santa Coloma, sur lesquels les vice-rois étaient payés, étant encore en procès ou restitué à des héritiers Queralt, et les autres biens ayant tous été donnés), mais se justifie difficilement compte-tenu de la nécessité pressante de rembourser sur ce fonds les avances faites par les villageois, sous peine de révolte générale des campagnes contre la France. L’espérance de réussite de cette vice-royauté s’amenuise donc très rapidement après l’arrivée de Mercoeur.
Mais le 3 avril, Serroni écrit de nouveau au cardinal. Il donne diverses considérations sur les prétentions du duc de Mercoeur, dont la principale est alors d’empêcher, par souci de l’honneur, son frère cadet le duc de Beaufort d’obtenir la survivance de leur père le duc de Vedôme à l’amiralat – Mazarin veut se servir de Serroni pour garantir son amitié à Mercoeur et le faire adhérer à sa stratégie. Surtout, il déclare au cardinal : « Sur ce que Votre Eminence m’a commandé relativement à la note des confiscations de ce pays, je servirai le mieux que je saurai et peut-être mieux que dans l’affaire présente »[136]. Ainsi, on voit que le cardinal ne se limitait à pas à donner à l’évêque d’Orange des missions ecclésiastiques ou personnelles. Il lui avait également demandé de rédiger, ou de participer à la rédaction d’une « note des confiscations ». Cela correspond-il au mémoire que Mercoeur devait faire selon ses instructions, et qu’il venait de confier à Marca ? Il est possible que Mazarin ait demandé un autre mémoire à Serroni pour pouvoir le comparer avec celui que ferait Marca, et avoir deux sons de cloche. Marca avait un nouveau concurrent de poids. Il ne parle pas dans sa correspondance d’un quelconque rôle de Serroni dans l’affaire, et on peut penser que celui-ci travaillait en toute indépendance, sans rendre de comptes si ce n’est au cardinal lui-même, par la correspondance directe qu’il entretenait avec lui. Lorsque Mazarin écrit à Mercoeur, le 19 mai, il dit bien qu’il attend des mémoires, au pluriel…
« J’attends les memoires et advis sur toutes les donations qui ont esté faites en Catalogne par messieurs les viceroys precedents pour en informer Sa Majesté qui y prendra en suite les resolutions qu’elle le jugera à propos pour le bien de son service ».
Sur la question précise des réclamations de la Generalitat contre les usurpations de Marsin, dont la Generalitat s’était plainte par un mémoire adressé au vice-roi, disant que les Français continuaient à occuper les biens en question malgré l’arrestation de Marchin[137], la cour semble avoir changé d’avis en pleine rédaction de la lettre : on a une missive mise en grosse qui a été reprise et annotée de la main de Mazarin, et qui est donc redevenue une minute. Un premier passage, barré ensuite, disait :
« Le roy trouve bon que vous donniez contentement à messieurs de la Deputation en ce qu’ils pourront justement pretendre pour le 5e des entrées de Tortoze dont le roy d’Espagne jouissoit et que Sa Majesté leur a reunis, et aussy pour le droit qu’ils ont par engagement sur les salines dudit Tortoze. J’en escrirai en cette conformité à M. de Launay ».
Launay était le nouveau gouverneur de Tortosa depuis l’arrestation de Marsin. Mais entretemps, sur communication de Marsin ou de Launay, le gouvernement avait renoncé pour l’instant à satisfaire aux demandes de la Generalitat de la remettre en possession des biens en question : le service du roi en avait besoin pour la réfaction des fortifications de la place, gravement menacée par les ennemis qui multipliaient alors les incursions dans la région – ce qui était le prétexte même de saisie de ces biens par Marchin… On remplace le passage barré par :
« Pour ce qui est des fortiffications de Tortose, il fault que le fonds s’y prenne sur tous les revenus dont jouissoit M. de Marsin, à la reserve seulement des salines que Sa Majesté accorde à monsieur de Launai. Il faudra mesme y emploier le 5e des entrées que pretend la Deputation, le tout jusqu’a ce que les fortiffications de la place soient asseurées, apres quoy Sa Majesté verra de faire une plus ample gratification au sieur de Launai et remettra ce cinquieme à la Deputation »[138].
L’affaire de la survivance de l’amiralat pour Beaufort continue à gâter les relations entre Mazarin et Beaufort, et le cardinal tente de le gagner à sa cause en lui adressant des protestations d’amitié. Il fait en sorte de lui montrer qu’il est favorable à ses affaires, et donc à ses clients. Mercoeur commence ainsi à se comporter en Catalogne comme le veut l’honneur d’un prince de son rang, et à se rapprocher lui aussi de la faction d’Ardena. Il veut obtenir un régiment à Josep de Pinós, qui le lui demande instamment : Mazarin fait savoir qu’on lui donnera le régiment de Schak moyennant 2000 écus. Mercoeur intervient aussi en faveur d’Ardena lui-même pour le fils duquel il demande une place de page de la chambre du roi.
Les relations entre Marca et Mercoeur évoluent ainsi au fil des mois, fortement influencées par les coteries qui se reforment systématiquement dans l’entourage de chaque vice-roi. Mercoeur est d’abord tenté de maintenir le docteur Morell dans son séquestre de Tortosa, d’autant que les proches de l’intéressé ont pour argument qu’il sera difficile de le révoquer. Mais Marca, s’appuyant sur la décision du Consell Reial qui permet au vice-roi de le faire – « le sequestre n’estant qu’une procuration pour administrer, elle pouvoit estre revoquée sans cognoissance de cause » –, avec l’aide de Serroni avec qui à ce moment précis il entretient encore des relations correctes, parvient finalement à pousser le duc à la révocation. Pour l’heure, Marca voit d’un œil assez inquiet l’empressement de Mercoeur à lire toutes les requêtes qui lui sont soumises, au risque de s’épuiser et de retarder le règlement des affaires. Mais c’est pêcher par bonne volonté. Il note toutefois que le duc, contrairement à ses conseils, ne s’est toujours pas résolu à tenir la Junta en sa présence et en celle du Régent et du Chancelier[139]. Les premiers problèmes sérieux apparaissent avec l’affaire des exilés à Perpignan. Mercoeur, sur pression de Marca et de la cour, avait d’abord refusé de les rappeler à Barcelona. Mais ensuite, la Generalitat avait pointé les nombreuses irrégularités dans la procédure de leur condamnation à l’exil. Marca s’était donc un peu assoupli, acceptant leur rappel avec un passeport spécial, à condition de faire leur procès dès leur arrivée, profitant des informations commencées par le docteur Sagarra[140]. Mi avril 1649, Negrell est donc transporté à Barcelona avec d’autres nobles jusque-là enfermés à Perpignan. Le procès semble d’abord pencher vers l’indulgence, contrairement aux souhaits de Marca, car les chefs d’accusation ne dépassent pas tellement la phrase qu’on prête à Negrell (il faudrait pactiser avec les ennemis en cas d’attaque de la ville)[141]… En mai, Mercoeur quitte Barcelona afin d’impulser la reconquête de Castèth-Leon et du Val d’Aran, mais il doit rapidement revenir pour éviter le danger des machinations et une nouvelle possibilité de débarquement. Au début du mois de juin, Marca informe Le Tellier que les conseillers de Barcelona, apprenant le départ d’une escadre espagnole pour Barcelona, se sont montrés froids dans la défense de la ville, et ont refusé la venue d’un ingénieur français ; selon lui, ils ont essayé de soulever une sédition contre Margarit en visitant les prisons où ce dernier avait emprisonné des suspects[142]. Quant à Mercoeur, Marca est maintenant en froid avec lui : il est diverti par ses intérêts propres, obnubilé par l’affaire de l’amiralat qu’il refuse de voir accordé à son frère cadet, mais surtout, il refuse désormais de lui communiquer aucune affaire[143].
A la mi-juin, on apprend que Serroni travaille à sa « note des confiscations distribuées dans ce Principat », il l’écrit au cardinal. Cependant, il le prévient des nombreux manques qu’elle contiendra, dûs à la particulière confusion des dons faits sous la vice-royauté de Schomberg, sur lesquels il est très difficile d’obtenir une information exacte.
« J’ai servi Votre Eminence en ce qu’elle a daigné me commander sur la note des confiscations distribuées dans ce Principat. Et ayant recueilli un mémoire de celles que donna monsieur le maréchal de Schomberg – on peut dire que c’est la totalité –, je l’ai mis dans les mains du monsieur le duc de Mercoeur, qui veut le transmettre à Votre Eminence. On a tâché de la faire avec la plus grande exactitude possible. Mais à cause du peu de confort avec lequel on vit ici, il n’a pas été possible de le mettre plus au clair que ce que verra Votre Eminence. Et ce d’autant plus que beaucoup de confiscations ont été données avant d’arriver dans les mains du fisc, comme sont en particulier celles de Tortosa, où nous n’avons pu d’aucune manière savoir leur valeur. Quant aux moyens que désirait savoir Votre Eminence pour les révoquer, je ne vais pas me mettre à suggérer lesquels, car ils peuvent totalement procéder des soins très prudents de Votre Eminence, comme en déclarant que les vice-rois ne pouvaient faire de telles donations. Le duc veut savoir en premier les mérites des personnes qui les possèdent, et qu’on révoque les confiscations jusqu’à ce qu’ils soient avérés, en les conservant sous cette forme, ou autres expédients semblables que Votre Eminence trouvera avec plus grande facilité ».
L’extrait montre deux choses : Serroni bénéficie d’un accès proche au duc de Mercoeur, avec qui il a eu des échanges particuliers au sujet des confiscations – alors qu’au même moment Marca se plaint d’être tenu éloigné par le duc de toutes les affaires. D’autre part il transmet l’opinion personnelle de Mercoeur sur la révocation, qui est révélatrice de l’état d’esprit d’un grand seigneur, en fin de compte très proche de Schomberg. En son temps ce dernier avait voulu gratifier des personnes de service, avant tout des militaires, parfois d’obscure origine, en justifiant sa distribution des biens confisqués par la participation aux campagnes. C’est ce qui s’était passé dans le cas particulier de la prise de Tortosa, où tous les biens des habitants avaient été partagés entre les vainqueurs[144]. Mercoeur ne pense donc pas à une révocation générale, idée de Marca, mais plutôt une suspension temporaire de la possession – révocation jusqu’à que les mérites des personnes soient avérés. Ainsi, après vérification, si la personne peut justifier ses services, elle conservera la grâce sous sa forme ancienne (c’est-à-dire la grâce même faite par Schomberg, ou par les autres vice-rois). Si elle n’y parvient pas, dans ce cas seulement elle verra sa grâce révoquée. En ce qui le concerne, Serroni ne tranche pas dans un sens ou dans un autre, mais il met en valeur l’une de ses trouvailles, que nous retrouverons bientôt reprise ailleurs…
« Mais comme les Constitutions de ce pays sont les lois écrites et inviolablement observées, j’en ai trouvé une que j’ai faite transcrire et ensuite traduire en Français, qu’on montrera également à monsieur le duc de Mercoeur, dans laquelle on montre qu’en d’autres temps le roi devenu majeur révoqua toutes les donations faites au temps de sa minorité » [145].
Nous n’avons pas retrouvé la transcription mentionnée par Serroni dans cette lettre, et le commentaire de Serroni n’est pas suffisamment explicite pour savoir s’il l’utilisait comme argument dans le sens de la révocation générale (dons des vice-rois mais aussi dons du roi lui-même) ou bien uniquement des vice-rois, le souverain pouvant décréter l’une ou l’autre selon sa préférence, mais en se basant sur le même argument que le « fait du prince » peut déclarer nuls et non avenus les actes passés pendant sa minorité…
L’attitude personnelle de Mercoeur évolue rapidement dans un sens propre à inspirer la défiance à Pierre de Marca. Le 18 juin 1650, trois jours à peine après la lettre de Serroni et donc en pleine rédaction du mémoire de ce dernier sur les biens confisqués, parallèlement à la rédaction d’un semblable document de la part de Marca, le vice-roi succombe au chant des cyrènes qui avait fait chavirer tous ses prédécesseurs : il commence à donner lui-même des biens confisqués. Ce jour-là, le bénéficiaire est Camille d’Austrein, chevalier de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, maréchal de bataille et capitaine de cavalerie, gouverneur de la place d’Àger[146]. Cette dernière fait partie de la ligne défensive Tremp – Àger – Balaguer – Arbeca – Castelldasens, qui se poursuit ensuite par l’Ebre, et les places de Flix et Miravet. Ces places françaises sont le premier rempart contre les Espagnols arrivant de Lleida. On comprend l’importance stratégique d’Àger et le rôle essentiel du chevalier d’Austrein. Et, à la manière de Schomberg, Mercoeur lui fait présent d’un bien situé dans les parages immédiats de son gouvernement : le marquisat de Camarasa, dont le chef lieu est situé à mi-chemin entre Àger et Balaguer, au bord du Segre. L’acte de donation, rédigé en latin par les scribes de la chancellerie de Catalogne, avec un formulaire identique aux dons de Schomberg, justifié par l’autorité royale exercée par le vice-roi, précise bien que la donation comporte également le titre de marquis[147]. Le gouvernement d’Àger est également l’un de ceux où les outrages des soldats sont les plus violents, et dénoncés par les députés. Le vice-roi lui-même reçoit de nombreux mémoires des Consistoires à ce sujet[148]. Mais Mercoeur semble décidément bien plus proche des gouverneurs français, et même assez près de prendre la défense de Marchin, pourtant encore derrière les barreaux : fin juin, Serroni apprend à Mazarin que Marchin lui a écrit pour qu’il intervienne en sa faveur auprès de Mercoeur. Le but de Marchin est de récupérer ses biens de Tortosa ! Serroni conseille à Mercoeur d’attendre les résolutions de la cour[149], mais il est singulier que la requête d’un homme arrêté pour trahison ne soulève pas une répulsion immédiate de la part du duc et de l’évêque d’Orange. Au même moment, Marchin envoie une supplique à Mazarin lui-même, où il demande la possession de tous les biens en question, arguant que pour la reconstruction des remparts de Tortosa, il a dépensé du sien plus de 30 000 écus. Il demande aussi que Marca lui rende ses papiers, qu’il a saisis et gardés par-devers lui[150] !
Quant aux Consistoires, durant tous les premiers mois de présence de Mercoeur, ils multiplient les mémoires à son intention, portant leurs revendications habituelles : paiement le plus rapide possible des communautés ayant avancé des sommes pour la fourniture des troupes, dépôt de cet argent à la table de Barcelona afin d’être géré par la ville, nomination d’un officier catalan de nation pour régler le logement des gens de guerre, restitution à la Generalitat des biens usurpés à Tortosa, paiement des dettes et des charges des biens confisqués. Pour cette dernière réclamation, on retrouve dans le mémoire de la Generalitat du 6 mars 1650 un argument également avancé par Serroni : les bénéficiaires des confiscations se comportent en rapaces ; une fois récompensés, ils ont perdu de vue la nécessité de servir le bien public – car la donation procède de la puissance publique.
« 11. Que l’on paye effectivement les charges des biens confisqués, tant celles qui sont au pouvoir du trésorier de Sa Majesté que celles que possèdent aujourd’hui certains Français et Catalans à qui Sa Majesté en a fait grâce, parce que c’est la justice, et qu’il n’est pas raisonnable que beaucoup de bons serviteurs du roi et de leur patrie cessent aujourd’hui de toucher les pensions qu’ils touchaient auparavant, car les personnes à qui elles ont été confisquées ont fauté et que Sa Majesté en a fait grâce à d’autres qui devraient se contenter de ce que Sa Majesté a daigné leur donner, sans vouloir retenir ce qui n’est pas à elles et doit être payé aux créditeurs ».
L’injustice des donations est également avancée lorsque les députés, à l’article 13 du même mémoire, demandent que le vice-roi étudie un moyen pour renflouer la trésorie de Catalogne. Cette dernière disent-ils, est vide car le patrimoine royal a été distribué à différents particuliers qui soit n’ont jamais servi, soit n’on rien perdu à la guerre, laissant beaucoup de personnes ayant servi depuis le début de la guerre sans rémunération, alors que d’autres ont été gratifiées avec des biens qui pourraient satisfaire davantage personnes. C’est là également la parole de l’évêque d’Orange. Cet argumentaire ajoute un point de plus en faveur d’une révocation, qui cependant n’est toujours pas demandée explicitement par la Generalitat. Mais c’est à ce moment-là qu’apparaît pour la première fois une réclamation très précise contre les bénéficiaires.
« 12. Que lesdits possesseurs desdits biens confisqués, tant des duchés, comtés, que des autres types de biens, aient à payer la contribution du bataillon, proportionnellement à ce qu’ils possèdent, comme payent les autres universités et naturels de la province, car il est plus raisonnable que ceux à qui Sa Majesté a donné un patrimoine se distinguent davantage à son service et à celui de leur patrie » [151].
Les institutions catalanes avaient rencontré dès les premiers temps de leur conflit avec le roi d’Espagne de grandes difficultés à lever leur propre force militaire. En principe, la tatxa del batalló (contribution du bataillon), prélevée par la Generalitat, devait servir à l’entretien d’un bataillon catalan. Ce dernier avait effectivement été levé, et il participait à la guerre aux côtés des troupes françaises. Mais son effectif était très limité, et il était constamment affaibli par les maladies, défections et désertions, de sorte que l’élément catalan n’avait rien de déterminant dans la guerre de Catalogne[152]. On a trouvé trace qu’en 1643, sur initiative de La Mothe, certains séquestres de biens confisqués avaient été contraints à régler cette taxe sur les revenus sous leur responsabilité[153]. Mais rien de tel par la suite : quand la ville de Barcelona proposa de vendre une partie des biens confisqués pour financer le bataillon, elle essuya un refus catégorique de la part du gouvernement[154]. A la fin du mois de juin 1650, trois mois après le mémoire défendant une « égalité devant la taxe » s’appliquant aussi aux bénéficiaires des confiscations, les députés envoient une nouvelle ambassade à Mercoeur, qui répète quasiment mot pour mot la revendication. On voit là qu’elle n’avait pas été entendue[155], alors même que le contexte militaire était particulièrement pressant : au cours du printemps 1650, les villages de la région de l’Ebre, de Flix à Tortosa, n’envoient plus leurs syndics à Barcelona pour réclamer les paiements dûs, mais à Saragossa et à Lleida pour demander de l’aide aux Espagnols, qui préparent ainsi un soulèvement de ces comarcas. Margarit, qui est allé dans la région de Prades et de Falset pour inciter les habitants à être fidèle au roi de France, évite de justesse d’être tué dans une embuscade[156]. Impossible, dans ces conditions, de demander le paiement de la taxe aux villageois : on échoue donc à la lever.
Dans les premiers jours de juillet 1650, Marca a enfin terminé la rédaction de son mémoire sur la révocation des biens confisqués. Mais cela se produit simultanément à un autre événement de la plus haute importance : la condamnation à mort de l’oïdor Domènech Negrell. Depuis le début de son procès, les magistrats du Consell Reial montraient de la réticence à prononcer une peine sévère, car les charges étaient assez minces, reposant pour l’essentiel sur une phrase prononcée. Les députés s’en étaient mêlés, montrant l’illégalité de la détention, à l’instar des autres prisonniers. Marca rapporte même que Josep d’Ardena tenait Negrell pour innocent, que sa femme s’ingéniait à le justifier, que le docteur Morell doutait des preuves de sa culpabilité. Mais Mercoeur a un sursaut d’autorité et fait pression sur les magistrats, qui se prononcent pour l’exécution. Cette décision réjouit Marca : elle le défend contre les calomnies de ses ennemis, dont l’évêque d’Orange, selon lesquels il surestimait la présence de partisans de Castille pour faire valoir ses propres services. Peut-être ce redressement du duc fait-il espérer un rapprochement à Marca, peu associé aux affaires politiques depuis le début de cette vice-royauté ? Il lui a « remis en main » son « memoire touchant la revocation des dons des biens confisquez », afin qu’il le valide et l’envoie à Le Tellier, par la procédure classique respectant bien son autorité[157]. Le travail de Marca semble donc avoir été terminé un peu avant celui de Serroni. A la différence de ce dernier, sans doute perdu, il nous est parvenu grâce à la transcription donnée dans les recueils de papiers de Marca du fonds Baluze de la Bibliothèque nationale de France. Alors que, selon les mots de l’évêque d’Orange, sa « note des confiscations » n’est pas partie pour défendre une option particulière entre le maintien des biens et leur révocation, se contentant de faire une liste de ce qui avait été donné, Marca, au contraire, compose un morceau beaucoup plus politique, sans revenir sur le détail des dons faits par le maréchal de Schomberg – selon lui, faire une liste de ces derniers était finalement inutile, puisque ces biens ne devaient subsister sous aucun prétexte, quelque service qu’aient pu rendre les bénéficiaires.
Analysons les grandes lignes du développement de Marca. Le lecteur trouvera une édition complète de son mémoire en annexe[158]. Il rappelle avant tout les récriminations des députés de la Generalitat et des conseillers de Barcelona, « qui representent le general de la province », par l’intermédiaire des dépêches, des mémoires et des ambassadeurs à la cour (rappellons qu’il s’agit de Joan-Baptista Monfar puis l’abbé de Montpalau). Du fait de la dissipation générale des biens confisqués, c’est d’abord l’absence de fonds d’où tirer un secours dans la nécessité présente (c’est-à-dire militaire, du bataillon) et pour exercer la justice (qui doit être habituellement financée sur la trésorerie royale de Catalogne), alors que « du temps d’Espagne […] l’on avoit acoustumé de suppleer » aux manques de la trésorerie « par les deniers que l’on tiroit des biens confisqués, dont il estoit reservé quelque partie pour la remetre entre les mains du thresorier ». De ces récriminations mêmes, les plus importantes lui semblent celles faites contre les bénéficiaires, qui se partagent en trois catégories : les Français, les docteurs de l’Audience, et les autres Catalans. Dans le cas des Français, Marca réécrit l’histoire en affirmant que la monarchie a toujours invariablement répugné à leur donner des biens confisqués en Catalogne, en évoquant l’affaire du comte de Chabot (qui convoitait le marquisat d’Aitona). Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer qu’entre la vice-royauté d’Harcourt et le départ du Cardinal de Sainte-Cécile, la cour avait progressivement forgé une « maxime generalle […] religieusement observée » selon laquelle seuls les Catalans devaient être bénéficiaires, mais que ce n’était pas une évidence avant cette date[159]. D’une attitude ponctuelle, devenue une règle, Marca faisait donc un précédent pour invalider toutes les donations qui y contrevenaient (fussent-elles de la part même du roi, nous allons y revenir). Il s’agissait là d’une nécessité politique, pour éviter un mécontentement des Catalans qu’on avait réussi à faire taire mais qui, en se réveillant, viendrait s’ajouter aux autres encore bien vifs. « Il est certain que cet article, qui est plein de jalousie, offense tout à faict les Catalans ». Pour les docteurs de l’Audience, Marca reprend encore une opinion qu’il dit être celle du peuple : « Ils disent que leurs services ne consistans qu’a juger des procés, le don que Sa Majesté leur a faict gratuitement de leurs charges, qui les tirant de la lie du peuple les eleve sur la teste de leurs concitoyens, doit satisfaire à leur embition, comme les emolumens suffisent pour leur entretenement ». La critique de la basse origine des personnes est en fait un classique dans la production politique du temps. On la retrouve chez les nobles catalans – à l’exception d’un Ramon de Bas pour qui la modestie des origines peut être compensée par l’ardeur au service, à la manière des premiers anoblis du Moyen Âge[160] –, mais aussi chez Marca lui-même qui n’hésite pas à s’offusquer qu’on donne la vicomté de Canet à Fontanella, prétendu petit-fils d’un « batteur de bourre » (ou d’un « cardeur de laine », selon les moments), alors que ses ancêtres étaient plutôt de riches pareurs de drap. De sorte que la critique peut être de son cru, tout aussi bien que la véritable voix du peuple. Un précepte politique cher à Marca y est ajouté (il le prescrivait aussi dans le cas du Régent, qu’il fallait plutôt porter au service par l’espérance, que valoriser par les bienfaits pour l’inciter à mieux servir) : « l’interest du roi, qui consiste à tenir bas les officiers de l’Audience afin qu’ils soient plus dependans de l’autorité roiale par l’esperance des biens faicts qui se perd lors qu’elle est comblee et rend ces officiers insolens ». Dans le cas des autres Catalans, enfin, Marca ne fait que rapporter le poncif, usé également par les Consistoires, selon lequel les bénéficiaires ne méritent pas tant de faveur (« la plus grande partie sont des gens de neant »). Il n’ajoute qu’un élément nouveau, qui est semble-t-il une réflexion personne – nous n’en avons pas trouvé trace par ailleurs. D’après lui, les seuls Catalans qui ont vraiment servi le roi n’ont pas souhaité prendre part à la curée et n’ont rien réclamé aux vice-rois, « pour avoir creu que les dons des vicerois n’estoient point valables » : ils sont donc, dit-il, demeurés sans récompense, mais ils sont les seuls à mériter véritablement les gratifications. Ainsi, pour ainsi dire, ces Catalans auraient par leur attitude anticipé la révocation, ce qui arrange bien Marca.
Dans un second temps, il évacue le principal obstacle qui s’était posé à la révocation au cours de son précédent interrègne : l’absence de demande précise des Consistoires, leur ambassadeur n’ayant fait que demander que les gratifications injustes ne se reproduisent pas dans l’avenir. Ce point, soulevé par Le Tellier dans ses lettres, réduisait alors à néant son argumentation. Un an auparavant, en juillet 1649, il avait prié les députés de déclarer leur intention à ce sujet, et avait obtenu une réponse très mitigée : « Que leur Corps ne s’engageoit pas à faire la partie formelle dans les affaires d’Estat si cela n’estoit ouvertement contraire aux Constitutions, et que c’estoit la cause pour laquelle yls n’avoient conclu à la revocation. Qu’ils s’estoient avancez beaucoup d’avoir representé au nom de la province les inconveniens qu’il y avoit en ces gratifications en faveur des ministres de l’Audience, et des François en particulier, et generalement en toutes les autres. Que c’estoit à a Majesté, prenant pié sur cette information, d’apporter le remede à ce desordre, qui ne peut estre autre que la revocation, pour donner quelque satisfaction à son peuple »[161]. Les députés n’étaient alors pas certains de pouvoir trouver dans les Constitutions de loi assez claire pour justifier leur demande, et jugeaient qu’il était politique peu habile d’insister sur ce point au vu de toutes les autres réclamations qu’ils portaient. Dans son mémoire sur la révocation de juillet 1650, Marca donne maintenant une autre version des faits :
« Les Consistoires ont repondu par deux foix au sieur de Marca, evesque de Couserans, qui avoit esté chargé de les faire expliquer, qu’ils ont faict leur devoir avec fidelité et generosité en faisant entendre à Sa Majesté la plaincte publique du principat sur cette matiere, et la suppliant d’y apporter le remede necessaire. Que ce remede ne pouvoir estre autre que celui de la revocation generale de ces dons, comme ils declaroient de vive voix, ne pouvant le faire honestement par ecrit pour l’attirer sur chacun d’eux en particulier la haine des persones interessees. Que c’estoit au sieur de Marca de faire sçavoir à Sa Majesté leurs desirs, qu’ils lui expliquoient qui estoient de revoquer les dons faicts à tous les François et à tous les officiers de l’Audience sans exception, et encore aux autres Catalans, saufs à Sa Majesté d’en gratifier quelqu’un a proportion de son merite, declarant neantmoins que le plus expedient seroit de retenir le tout entre les mains de Sa Majesté ».
A présent, le refus des Consistoires de demander directement la révocation est donc justifié par une autre raison que celle qui était avancée à l’époque : ils ne pouvaient « le faire honestement par ecrit pour l’attirer chacun d’eux en particulie la haine des persones interessees ». Le glissement est intéressant à plus d’un titre : cela peut signifier que les deux raisons sont fausses, ou extrapolées, inventées par Marca pour appuyer ses propres arguments selon les moments ; ou bien que la première raison était la raison officielle avancée en 1649 par les députés, celle donnée en 1650 se rapprochant davantage du véritable état d’esprit des Consistoires. Quoi qu’il en soit, l’édifice reste fragile : Marca se base sur des déclarations « de vive voix ». On se rend compte du peu de valeur d’une telle preuve, quand on pense que les Consistoires prennent toutes les décisions en corps et les mettent par écrit. Marca ne donne pas le nom de la personne même qui lui aurait dit cette chose de vive voix ; et quand bien même il le donnerait, elle ne servirait de rien. Si les Consistoires avaient réellement voulu que cette opinion soit retenue (si tant est qu’elle soit exacte, et qu’elle ait été évoquée dans une séance), ils l’auraient sans doute aucun mise par écrit. Tout repose ici sur l’autorité et la confiance dont Marca se sait le dépositaire : ce mémoire ne pourrait avoir été rédigé par aucune autre personne, et sa seule valeur vient de son auteur. Il s’attend à ce que l’opinion qu’il prête aux Consistoires soit prise sérieusement, car c’est lui qui la rapporte.
Après avoir considéré les requêtes et l’opinion des Consistoires, Marca commence à donner ses propres analyses – qui représentent le fond même du mémoire – sur la possibilité d’une révocation, qu’il sépare en deux ordres d’idées très typiques de son mode de pensée : les « termes de la justice » et « ceux de la prudence ». On a déjà pu observer la même division à l’œuvre dans une lettre envoyée à Le Tellier le 21 juillet 1648[162], où il s’ingéniait à exposer séparément le droit de guerre tel qu’il pouvait être appliqué selon le droit et les coutumes, et « le temperament que la prudence politique peut desirer », c’est-à-dire l’attitude qui devait être observée en la circonstance, et ne correspondait pas nécessairement à tout ce que le droit autorisait à faire. Il s’opposait alors faroucement à la saisie par Marchin des biens confisqués de Tortosa, comme motif de déplaisir pour les Catalans, et prescrivait de laisser au peuple en jouir afin de le porter à la fidélité par cet exemple de clémence… Casuiste dans l’âme, Marca précise ici que « la justice doit estre examinee la premiere, estant inutile de rechercher si la prudence est violee par cette revocation si la justice empeche de le faire », alors que toute son argumentation, bien évidemment, porte à la révocation… Désireux de clarifier la situation, comme il avait séparé les types de bénéficiaires, il sépare les types de dons en trois : un don fait par lettres patentes de Louis XIII (le duché de Cardona attribué à La Mothe), 6 dons faits par lettres patentes de Louis XIV, et le reste des dons, qui ont tous été faits par les vice-rois. Le don de Cardona, dit-il, pourrait sembler le plus difficile à révoquer car il a été fait par le feu roi, un roi majeur dont on peut difficilement mettre en doute la pleine conscience. Mais Marca reprend ici la longue argumentation juridique qu’il avait mise au point au moment de la deuxième saisie du duché en février 1649, visait à déclarer sa réunion de facto au patrimoine royal[163]. Il n’est pas nécessaire de la reprendre ici en détail : elle repose essentiellement sur le fait que les lettres patentes d’octobre 1642 qui avaient attribué le duché de Cardona à La Mothe avaient été expédiées avant même que le jugement des anciens propriétaires pour crime de lèse-majesté ait eu lieu. Par conséquent, lorsque le duché avait été saisi à La Mothe à sa destitution en 1644, il était simplement retourné dans le patrimoine royal ; et lorsque il lui avait été rendu en 1648, ce n’était que sous forme de « possession », la propriété restant nécessairement au roi. Mais cette « possession » même était douteuse puisque accordée « sans connaissance de cause ». Ainsi suffira-t-il de remettre le procureur fiscal en possession, sans édicter de révocation spéciale d’une donation qui de toute façon ne pouvait exister.
Viennent ensuite les donations faites par lettres patentes de Louis XIV. La révocation de la vicomté de Canet, outre une raison générale que nous verrons par la suite, a des « raisons particulieres », qui doivent beaucoup à la grande méfiance que Marca entretien envers le Régent Fontanella, et un peu à quelques affaires survenues entre 1646 et 1650. La plage de Canet, qui appartient à la vicomté, peut d’abord servir aux « embarquements des bleds et des autres denrees que l’on tire de ce comté de Roussillon pour la provision de Barcelone et des autres endroicts de Catalogne ». A ce titre, Marca signale que des embarquements illégaux pour l’Italie y ont lieu : en effet, l’export des denrées hors de la Catalogne est prohibé pendant la guerre, vers la France en particulier pour ne pas faire de concurrence aux marchands français, et vers tous les pays en général pour ne pas dépouiller la province de ses ressources en une période de conflits, de pénurie et de famine. Les Consistoires se sont plaint à plusieurs reprises de ces trafics, et la couronne a timidement tenté d’y remédier, sans succès ; il semble que le gouverneur du Roussillon, Tomàs de Banyuls, ait fermé les yeux sur ces pratiques, voire y ait pris intérêt[164]. Selon Marca, il est évident que « pendant que ce bourg apartiendra à un seigneur particulier, il tiendra la main à ces traictes, qui se feront secretement par la connivence de ses officiers à cause du profit notable qu’il en pourra retirer des marchands et des patrons ». Certes, dit-il, Fontanella prétend avoir refusé une offre de 2000 pistoles pour laisser faire de tels embarquements, mais le fait qu’il soit un seigneur particulier n’offre aucune garantie, puisqu’il aura toujours soin de son intérêt : « il peut arriver que lui ou ses successeurs ne fussent pas tousjours en cette bonne disposition ». Fontanella est proche de Josep d’Ardena, ce qui est aussi le cas de Banyuls – ce dernier a parmi ses clients un certain Ros, de Perpignan, dont Marca dira qu’il est « le procureur du comte d’Ille et l’instrument de toutes les passions de D. Thomas de Bagnols et du Regent en Roussillon »[165]. De même, on a vu plus haut que lorsque Fontanella a pris possession de l’usufruit de la vicomté en 1646, il a remplacé une partie des anciens gestionnaires par des amis ou des parents à lui, et il est probable que tout ce qui se passe sur les plages de Canet ait lieu sous son contrôle ou avec son consentement. L’autre affaire qui pèse sur Canet est celle des salins de la vicomté : dans ce mémoire, Marca précise que les fermiers de la gabelle de Languedoc perdent cent mil livres par an à cause du faux saunage, c’est-à-dire la contrebande de sel issu des salines de Canet vendu à un moindre prix en Languedoc (alors que l’achat en passant par les fermiers de la gabelle est obligatoire pour les languedociens). En 1646, au moment même où Fontanella prenait possession de la vicomté, un important conflit avait lieu à ce sujet, Banyuls exécutant (avec plus ou moins de sincérité) les ordres du vice-roi de prohiber la vente de sel en Languedoc et de forcer à la passation d’un bail avec les fermiers de Languedoc pour les salins de Canet[166]. Pour la confiance que l’on peut avoir en Fontanella, même argument que pour le trafic des blés : « un vicomte particulier agira avec plus de soin pour ses interests que ne faisoient pas les derniers possesseurs comtes de Valfogona qui residoient en Espagne ».
La réunion de Canet à la couronne, entraînée par la révocation générale ou ponctuelle des dons de biens confisqués, a un important précédent : en 1648, sous la vice-royauté de Schomberg, Marca avait obtenu que les vicomtés de Canet et d’Evol soient toutes deux réunies au domaine royal[167]. Dans ce mémoire de juillet 1650 apparaît un point qu’il est intéressant de verser au dossier des salins de Canet, mais qui n’apparaît nulle part dans les correspondances et autres sources de l’année 1648 : la contrebande du sel du Roussillon était préjudiciable aux fermiers de la gabelle du Languedoc, d’où la décision royale de leur livrer la ferme des salins de Canet ; pour faciliter cet arrangement, la couronne, dit Marca en 1650, avait donc résolu de réunir les Canet et Evol à son domaine, « à la charge que le fermier s’obligeroit de vendre le sel aux Catalans au pris que les autres maistres des salines le vendoient, à la charge aussi de fournir la somme de douze mil livres à la recepte de Catalogne afin de servir de fonds pour le payement des gages du viceroi ». Il est difficile de dire si la question du sel avait réellement été à l’origine de la décision du gouvernement de réunir les deux vicomtés, mais les modalités précises de l’affermage étaient bien celles qui avaient été mises en avant par la couronne en 1647 (bail au tarif accoutumé pour Canet, sel vendu uniquement en Roussillon, Conflent, et Capcir, aux habitants de ces territoires et non aux Français, pour un prix n’excédant pas l’actuel). Ici encore, Marca a pu puiser dans le passé des éléments exacts, les amplifiant au besoin ou les déplaçant pour les besoins de son nouvel argumentaire. Si la réunion prévue de 1648 constitue un sérieux argument, il n’est cependant pas si facile à exploiter. En effet, les lettres patentes, expédiées à Barcelona, avaient été retenues par le maréchal de Schomberg, désireux d’empêcher l’exécution de cette décision. Mais ce refus avait entraîné une situation de fait qui, même si elle était contraire aux volontés royales, s’était installée. En 1649, Canet et Evol n’étaient donc pas réunies. C’est sur cela que le Régent Fontanella, arrivé à Saint-Germain-en-Laye au plus fort de la Fronde parisienne, « obtint le don de ce vicomté par une grande surprise, en taisant l’edict de reunion qui n’est point revoqué par les lettres de don qu’il a obtenues ; outre qu’il en deguisa la valeur, qui est de plus de douze mil livres de ferme, et vaudra deux fois plus autant si le possesseur veut favoriser le faux saunage ». Le fait paraît énorme : il a suffi à Fontanella d’aller à la cour comme si de rien n’était, en faisant la simple demande de la vicomté, pour l’obtenir. Mais pourtant, sur ce point Marca dit juste, c’est exactement ce qui s’est passé. Pour la petite tromperie sur la valeur exacte de la vicomté, Fontanella avait déjà usé de la sorte en 1647 pour obtenir la vicomté, en avait été blâmé par Mazarin[168] ; on peut imaginer qu’en 1649 il n’avait pas forcément changé ses pratiques. Marca ajoute que les fermes des salines ont augmenté de plus de la moitié depuis la donation de la vicomté… D’après des rumeurs ou des bruits de couloir, Marca fait état d’une promesse non tenue du Régent, qui est encore un argument en sa défaveur : « On asseure que le Regent avoit promis à la cour, pour obtenir plus facilement ce don, de faire recevoir une imposition sur le sel de Canet au profit du roi, ce qui lui seroit impossible à cause que cela est contraire aux Constitutions de la province ». Partant, Fontanella est jugé « indigne de ce don » car il a volontairement avancé une promesse qu’il savait ne pas pouvoir tenir. La preuve, l’augmentation de la ferme des salins se fait maintenant à son profit, et au détriment des fermiers du Languedoc.
Les autres dons faits par lettres patentes de Louis XIV partagent avec les dons faits par les vice-rois une même raison d’être révoqués : ils ont été faits pendant la minorité du roi. Cette raison, d’après les recherches de Marca, servira aussi de moyen pour effectuer pratiquement la révocation. En effet, tout est basé sur une loi générale, « les biens immeubles d’un mineur ne peuvent estre alienés par voye de donation, et que si les tuteurs et administrateurs font le contraire, l’acte est declaré nul de plein droict » qui a trouvé un application dans l’histoire, avec la décision du roi Alphonse III d’Aragon de révoquer toutes les donations qui avaient été faites en son nom pendant sa minorité. Cette décision correspond à une loi tirée des Constitutions de Catalogne : « Cette matiere se trouve decidee en termes exprés par la Loi du Roi Alfonse de l’an 1289 qui est inseree dans le corps des Constitutions et sert de Loi publique generale et perpetuele comme les autres Constitutions de Catalogne ». Comme nous l’avons vu plus haut, Serroni s’attribue la découverte de cette loi directement mobilisable dans l’argumentaire de la révocation[169]. On ne peut dire auquel de l’un ou de l’autre cette trouvaille doit être attribuée, bien que l’on crédite plus volontiers Marca, érudit et connaisseur des sources catalanes, d’une recherche approfondie dans les lois catalanes. Il n’est pas exclus que les deux aient fait la même trouvaille alors que chacun travaillait de son côté sur son propre mémoire ; ou encore qu’ils aient fait appel à un ou des juristes catalans qui leur ont indiqué la même référence. Il s’agit de la Constitution n°34 des Corts de Montsó de 1289, Com nos hajam rebut[170]. Cette dernière dit en substance que le roi, ayant reçu son royaume dans son jeune âge, n’ayant pas eu des conseillers profitables « ni à nous ni à notre terre », a dilapidé son domaine en donations, obtenues pour « les uns par la violence, pour les autres par la fraude, la tromperie ou en profitant de sa jeunesse ». Rapportée au contexte du XIIIe siècle, cette loi était une loi de circonstance, Alphonse, devenu roi en 1285, n’ayant pas attendu un âge plus avancé pour entreprendre la conquête de Majorque et d’Ibiza ; il avait surtout eu à lutter contre la révolte de la noblesse aragonaise, d’abord en position de faiblesse, lui concédant en 1287 le Privilegio General de la Unión, autorisant les nobles à se révolter en cas d’infraction, mais reprenant ensuite la main lors des Corts de Montsó. Soutenu par les estaments de Valence et de Catalogne, il avait pu assurer ce tournant autoritaire et révoquer toutes ses donations antérieures. Il suffira donc, selon Marca, d’appliquer cette loi déjà existante.
Cependant, fin connaisseur des chicanes des juristes catalans, dont nous avons vu de nombreux exemples autour des divers procès pour substitutions et autres[171], il envisage la contradiction en examinant les termes mêmes de la loi de 1289. Alphonse III ordonne qu’on lui restitue tout ce qu’il a donné par le passé, mais il s’engage en échange de restituer le prix des grâces obtenues, si elles l’ont été par argent, ou les « services » dont on pourra prouver qu’ils ont été rendus (« nos restituints los serveys qui en veritat poran esser monstrats per aquella causa per aquells esser fets »). Mais Marca observe que l’acception la plus évidente du mot « service » n’est pas la même en 1650 qu’en 1289. Au Moyen Âge, il s’agissait des « services que les vassaux faisoient en ce temps la en la guerre à leurs despens (service féodal), ou bien pour les deniers que les particuliers et les communautés fournissoient au roi volontairement ». Cette acception peut encore exister en 1650, puisqu’on la retrouve dans les Constitutions de Catalogne, toujours en vigueur, et ces « services » des communautés existent toujours sous la forme du « don gratuit au roi ». Le terme de restitution (et non de « récompense »), observe Marca, introduit une dimension obligatoire, judiciaire, alors que la récompense des services n’est pas une obligation, mais une action gracieuse du souverain. Par conséquent, en 1650, les services pour lesquels des Catalans et des Français ont obtenu des biens confisqués ne sont pas des services féodaux. Ils ont été librement consentis par ces personnes, ils ne peuvent pas être restitués. La loi ordonne également, une fois que le roi aura récupéré la totalité des biens, que certains des anciens bénéficiaires puissent être rétablis, mais uniquement sur décision royale avec consultation de son conseil. Cette restitution, outre la libre volonté royale de récompenser à nouveau des services, ne devra être basée que sur la présentation de titres valables : « il faudra que leur justice soit fondee sur un autre tiltre que celui qui est cassé », commente Marca, « auquel cas il n’y a pas un de ceux à qui l’on a faict des dons qui puisse pretendre d’estre retabli aux choses donnees ou en partie d’icelles que ceux qui pourront monstrer qu’ils ont perdu leurs biens pour le service du roi à l’occasion de la guerre, entre lesquels il n’y a que Don Joseph Margarit qui a perdu plus de cent mil livres barcelonaises ». Le rappel du cas de Margarit est naturel chez Marca, qui est son allié et cherche par tous les moyens à le favoriser : pour ainsi dire, il voudrait lui donner la place qu’il réclame au sommet de la noblesse catalane, et abaisser le plus bas possible le Régent Fontanella, son ennemi. A ce titre, il semble inexact que Margarit soit le seul à avoir perdu des biens au service du roi, plusieurs autres familles nobles (surtout de celles possessionnées dans la région de Lleida) faisant figurer des pertes importantes dans leurs suppliques à la cour pour obtenir un dédommagement en biens confisqués, comme par exemple les Reguer[172].
La clause de nullité des dons des vice-rois, qui s’ajoute aux raisons précédentes pour fonder la révocation générale, est entièrement envisagée sur le plan juridique, et Marca met à profit de puissants raisonnements qu’il a développés au cours de son mandat en Catalogne, au fil des abus d’Harcourt, de Sainte-Cécile et de Schomberg. Outre la loi sur la minorité, examinée ci-dessus, qui est déjà une clause de nullité en soi, les vice-rois ne sont pas autorisés par leurs privilèges à aliéner le patrimoine du roi. Les vice-rois sont certes appelés « Alter nos », mais ils ne reçoivent qu’une délégation pour « le regime, gouvernement et administration de l’Etat ». Plus encore, lit-on, l’aliénation leur est strictement interdite, « comme A Ponte escrit en termes exprés traictant du pouvoir du viceroi de Naples, qui est aussi declaré par ses provisions Alter ego ». Il s’agit du juriste napolitain Giovanni Francesco de Ponte. C’est au mois d’août 1648 que Marca a cité cet auteur pour la première fois, en rapportant que les députés de la Generalitat l’avaient étudié, lorsque Schomberg lui-même dans ses lettres justifiait ses donations à des Français et à des Catalans en disant qu’il avait récompensé des militaires braves et méritants, avançant ainsi le service du roi.
« Ils ont estudié le traitté de Franciscus à Ponté, Napolitain, De Potestate pro Regis, qui dict que les vicerois n’ont point le pouvoir de donner ; cete doctrine et l’assurance qu’ils ont de ce que le Roy revocquera toutes les gratiffications des vicerois pour faire ensuitte une distribution raisonnable par l’autorité de S.M.» [173].
A l’argument du bien-fondé des donations, le visiteur général avait alors riposé sur le terrain juridique en assurant à Mazarin que, quoi qu’en puisse dire le vice-roi, sans considération même pour les personnes impliquées, les donations étaient nulles. Ainsi, dans la continuation de notre passage du mémoire de juillet 1650, il tire ensuite au clair la notion de « puissance souveraine », que certains juristes ont reconnu aux vice-rois au nom du bien de la province, pour justifier leur droit d’aliéner. Marca admet que cette puissance est profitable pour les principales fonctions exécutives (« l’exercice de la justice », « l’administration, bonne conduite et gouvernement de l’Estat »), mais que l’intérêt de l’Etat ne nécessite pas que les vice-rois puissent faire des aliénations, car cela les expose aux pression de leur entourage local (« il importe au bien public que les poursuivans trouvent de grandes difficultés en ces affaires pour arrester leur importunité »). C’est exactement ce qui s’est passé sous les vice-rois français de Catalogne, avec Moirous sous Harcourt ou Charmoye sous Schomberg, publiquement tenus pour monopoliser l’accès à la faveur du vice-roi, plus proche et donc devenue plus désirable que la faveur royale. On ne peut donc pas justifier de tels pouvoirs par des principes politiques. Tous les raisonnements juridiques de Marca s’assortissent aussi d’une bonne connaissance des archives catalanes – reconnue par l’historien Sanabre lui-même[174]. Il a consulté ou fait consulter les registres de la Batllia General, institution d’origine médiévale chargée de la gestion du patrimoine royal en Catalogne, ayant fonctionné jusqu’à la période française, par-delà son achat par la ville de Barcelona en 1631[175], bien qu’à l’époque que nous étudions les actes royaux soient enregistrés dans les registres de la chancellerie de Catalogne – signe probable à la fois de la perte d’importance de la Batllia gérée pratiquement par les conseillers de Barcelona et du bouleversement institutionnel intervenu après 1641. Toujours est-il que pour la période médiévale et le début de l’époque moderne, les registres, conservés jusqu’à nos jours, constituaient une indéniable référence et preuve juridique[176] : « comme l’usage est l’interprete des droicts et des pouvoirs, on ne trouve pas un seul exemple dans les registres de la Bailie Generale que les vicerois du temps d’Espagne aient expedie aucune sorte de letres d’alienation à tiltre onereux, moins encore à tiltre gracieux, cette sorte de provisions de quelque petite importance qu’elles fussent ayans esté expediees par le roi seul ». Cette importance donnée à l’usage, qui modifie constamment les lois, est un trait particulier de la conception politique de Pierre de Marca, relevé par Thierry Issartel[177].
Poursuivant le développement juridique, le mémoire révèle aussi certains commentaires sur la teneur des pactes de 1641, qu’il importe de relever ici car leur dimension dépasse la simple affaire de la révocation et abordent la politique générale. Le pouvoir décerné aux vice-rois, qui contient délégation générale de la puissance souveraine mais ne contient aucune précision sur la faculté d’aliéner – Marca pensant que ce silence signifie l’interdiction (« il y a un grand nombre de facultés specifiees pour choses de moindre importance que n’est l’alienation du patrimoine, et de cette faculté il n’en est point parlé directement ni indirectement ») – doit être le même à chaque nouveau titulaire de la fonction, comme les pactes signés entre les institutions catalanes et la France, concrétisés au traité de Péronne le 19 septembre 1641 : cela se trouve à l’article 9[178]. « Le privilege du viceroi doit estre d’autant plus consideré qu’il faict aujourd’huy un article des pactes accordés entre le roi et la province, ayant esté ordoné qu’il seroit expedié suivant le formulaire qui fut pour lors arresté. De sorte que l’on doit se gouverner pour la conservation de la souveraineté du roi et de ses droicts suivant les termes du privilege, sans pretendre de l’etendre par interpretation au dela de ce que les paroles signifient, voulant convertir la faculté d’administration en celle de disposition d’un maistre et d’un seigneur proprietaire ». L’existence d’instruction est également rappelée : « Et par ce que l’on dit que le viceroi peut faire toutes choses, si la faculté ne lui en est ostée par ses instructions ; l’on peut repondre qu’en cette matiere les instructions sont inserees dans le corps du privilege ou il est dit que le roi n’accorde au viceroi qu’une administration et non pas la disposition d’un maistre proprietaire, ce qui peut estre confirmé par l’examen ». La question des instructions, qui peuvent être ajoutées au privilège, est bien connue par Marca puisqu’après le départ de Schomberg il a rédigé un projet de règlement du pouvoir des vice-rois, destiné à servir d’instructions, que nous avons examiné plus haut, et qui contenait évidemment prohibition de l’aliénation[179]. L’insertion dans les vraies instructions délivrées au duc de Mercoeur lors de son départ fin 1650 de la plupart des clauses rédigées par Marca, quasiment dans le texte, n’a pas empêché ce duc d’entreprendre ses propres donations, comme ses prédécesseurs. Marca revient à son opinion initiale : la teneur du pouvoir suffit, si tant est que l’on veuille respecter la loi le plus simplement possible.
Les commentaires sur les pactes de 1641 deviennent de véritables jugements personnels lorsqu’est abordé un obstacle sérieux à la révocation, déductible de ces pactes mêmes. On ignore si l’éventualité de cet obstacle a été imaginée par Marca lui-même, ou bien soulevée par l’un des docteurs de l’Audience bénéficiaires des donations de Schomberg. Il faut reconnaître que le fait même d’y penser ne peut être qu’attribué à un excellent connaisseur de la législation catalane et des pactes de 1641. Il s’agit de la renonciation, approuvée par Louis XIII, du roi de France à promulguer de nouvelles lois, s’en tenant à observer celles qui sont contenues dans les Constitutions de Catalogne. Elle est consacrée par le premier article du traité de Péronne : « Que Sa Majesté observera et fera observer les usances, Constitutions et actes des Cours et tous autres droicts municipaux, accords, pragmatiques et toutes dispositions contenües au volume des Constitutions, promettant et jurant qu’il ne fera ny permettra de faire autres pragmatiques ny observer aucunes faictes qui ne soient dans ledict volume pour quelque necessité, cause ou raison urgente que ce soit, si ce n’est du consentement des Bras ou Estats generaux »[180]. Comme le note Marca, on pourra dire que le roi ne pourra ordonner la révocation qu’en faisant une pragmatique. La réponse de Marca est claire, sans appel : le roi tirera parti de la Constitution d’Alphonse III de 1289, naturellement incluse dans le volume des Constitutions, sans avoir besoin de faire une pragmatique spéciale. Mais, non content de détruire l’obstacle, Marca donne plusieurs jugement sur la renonciation au pouvoir législatif consentie à Péronne :
« Le roi s’est departi par un article exprés des pactes du pouvoir de faire des pragmatiques, qui fut un domage tres grand pour l’auctorité roiale qui ne peut subsister avec dignité estant privee de ce droict de faire des Lois. Avant les pactes, les rois faisoient les Constitutions avec le consentement des Estats, sans qu’ils peussent les alterer sans leur consentement. Mais les poincts endecis qui meritoient un reglement et particulierement pour ce qui regardoit la fonction des officiers, l’ordre de la justice et le patrimoine, pouvoient estre reglés par les pragmatiques et declarations sans atendre la tenue des Estats. Par les pactes, on a retranché ce pouvoir au roi, à qui l’on consentit avec trop de facilité. […]
De sorte que de ce costé la on n’avance rien pour establir le droict de revocation. Il faut le retirer de la Constitution du roi Alfonse et du droict qu’a chaque particulier de se prevaloir du benefice de Lois, puis que l’on a reduit le roi par des pactes mal digerés en l’estat d’un homme privé, en ce qui touche l’auctorité legislative ».
Cette critique des « pactes mal digérés » vaut dans une certaine mesure. Ce n’est pas ici le lieu de considérer les circonstances précises des accords de 1641, mais on imagine difficilement le cardinal de Richelieu, alors aux affaires, accepter une véritable renonciation du souverain au pouvoir législatif. Cette renonciation n’était que partielle, limitée. Les accords étaient comme une garantie au peuple catalan, leur accordant certaines réformes qui faisaient litige avec le roi d’Espagne (abolition de l’impot du quint, limitation de l’Inquisition dans la province). L’idée d’une future réunion des Corts, convoquées par le roi de France comte de Barcelona, n’était peut-être pas non plus totalement absente ? Quoi qu’il en soit, en acceptant l’ordre législatif de Catalogne, le roi devait admettre qu’en Catalogne, en théorie, le pouvoir législatif du roi était tempéré. Les commentaires de Marca montrent surtout l’importance qu’avaient encore, en 1650, ces pactes signés neuf ans auparavant ; importance démultipliée dans le cas précis des confiscations et des révocations par l’absence absolue de clause précise à ce sujet.
La suite du développement, même si Marca ne la présente pas ainsi, est une vraie liste des parties qui devront composer la déclaration royale ordonnant la révocation des donations :
- Exécution de la Constitution du roi Alphonse III
- « Clause separee » concernant les Français, « pour rendre l’affaire plus agréable » (il est inutile de revenir ici sur les nombreux remous accompagnant les donations à des Français) : le but de cette clause spéciale est de montrer aux Catalans, au moyen d’une phrase explicite, qu’on considère ces donations comme injustes.
- Autre clause expresse pour révoquer les dons faits aux docteurs de l’Audience, avec insertion d’un discours moral accusant cette possession pour des raisons de bien public.
- Révocation du « surplus » (c’est-à-dire de tout le reste, y compris les donations faites à Fontanella et Ardena…) par une simple « clause generale ».
Ces parties se retrouvent dans un projet de déclaration que Marca semble avoir joint au mémoire de juillet 1650, conservé également sous forme de copie dans le même fonds Baluze de la Bibliothèque nationale de France[181]. Nous reviendrons un peu plus loin sur cet autre document, mais l’essentiel de son contenu procède des points avancés par le mémoire que nous commentons. Marca semble goûter singulièrement l’exercice de la rédaction des actes. Dans la conception de cette déclaration comme dans sa forme, de même que dans les différents projets d’actes envoyés à la cour au cours de son mandat (en 1644, un privilège le nommant chef du Conseil d’Etat de Catalogne[182] ; en 1649, le projet de règlement des pouvoirs du vice-roi[183]…), il prend soin de rédiger toutes les parties formant leur teneur – préambule, exposé des motifs, dispositif ; clauses finales – avec les caractéristiques diplomatiques des chancelleries catalane et française, selon la nature de l’acte. Aucune clause n’est laissée au hasard, et dans le mémoire de juillet 1650 il envisage aussi la destinée de l’acte après son expédition, c’est-à-dire son enregistrement. En Catalogne comme en France, cela suit une procédure codifiée. En raison de la sensibilité de l’affaire – qui va léser certains officiers au service du roi –, il faudra prêter une grande attention à cette étape.
« Cette declaration sera adressee au viceroi et au Baile General pour l’enregistrement et l’execution, sans faire mention des officiers de l’Audience, par ce qu’ils sont suspects, ce qui n’empechera pas que M. le viceroi ne se serve de l’avis des officiers qui ne sont point suspects, comme sont le Chancelier et trois ou quatre autres qui pourront decider toutes les difficultés et oppositions que les interessés formeront sans doute. L’on feroit opposer les deputés si l’on procedoit à l’execution sans aucune sorte de cognoissance de cause, laquelle on pourra faire sommaire par le moyen de ces juges. C’est pourquoi il faudra ecrire au Chancelier en termes favorables, et lui prometre le premier evesché ou abbaye qui viendra à vacquer ».
En effet, le pouvoir législatif étant de toute façon limité en Catalogne, comme on l’a bien remarqué dans le cas des pragmatiques, il faut s’attendre à une résistance ou opposition même minime de la part des députés de la Generalitat. D’où l’expédient de faire participer au débat, quelque peu artificiel il est vrai (« sommaire »), les plus fidèles parmi les magistrats de l’Audience. C’est une méthode souvent utilisée par Marca depuis le jugement de la première conspiration en 1646, après quoi il s’était attaché l’amitié de plusieurs magistrats, principalement Felip de Copons et Francesc de Sagarra – le Chancelier Barutell ayant quant à lui précocément collaboré avec lui après son arrivée en Catalogne[184].
Ces considérations débouchent sur le second pan du mémoire, qui étudie l’opportunité de la révocation générale sous l’aspect de la « prudence politique ». Cette préoccupation vise précisément à arranger une situation en prenant des mesures qui ne figurent pas nécessairement dans les textes législatifs, en adaptant les ordres du pouvoir de la façon la plus douce possible, pour finalement les appliquer de la façon la moins mauvaise possible. Le risque d’une réaction négative de la part des anciens bénéfiaires lésés est évacué par le double avantage que le « General de la province » sera satisfait et que la récupération des fonds permettra de les réutiliser pour les nécessités de l’Etat, particulièrement pressantes en 1650. Les bénéficiaires les plus fidèles pourront par des « letres particulieres » (c’est-à-dire de nouvelles lettres patentes expédiées après la révocation) retrouver leur don, ce qui concerne en priorité Josep de Margarit, et subsidiairement Josep d’Ardena. Le Régent, c’est un des arguments forts de Marca dans tous ses mémoires sur les divisions de Catalogne, devra se contenter de son office de Régent, et des revenus qu’il a déjà perçus (pension de 3000 livres plus l’usufruit de la vicomté de Canet, et les usufruits accordés à son gendre). Il imagine cependant un système tout à fait contourné afin de ne pas le défavoriser totalement : on pourra lui laisser la jouissance du titre de vicomte de Canet sa vie durant, tout en réunissant le bien lui-même à la couronne. Ce serait réduire « ses pretentions à une moderation qui soit à couvert de l’indignation ou de l’envie des Catalans (qui disent qu’il engloutit la Catalogne, et qu’il semble que les changemens ne soient arrivés que pour son avantage) ». Ce système passerait par son gendre Carles de Alemany, puisque la déclaration de révocation porterait que les officiers de l’Audience ne peuvent pas posséder de biens confisqués, et que le Régent est le chef de l’Audience. Le même expédient est envisagé pour gratifier Felip de Copons, que Marca considère comme l’un des meilleurs serviteurs : on donnerait la seigneurie de Vallfogona à Francesc de Tamarit, qui est le beau-père de Felip de Copons, sachant « qu’il peut en faire dans quelque temps un transport à son gendre ». De semblables compositions, complexes et enchevêtrées, seront imaginées par Marca pour assurer un majorat à Josep de Margarit[185] ; ces matières nécessitaient bien une telle intelligence de méthode et de capillarité.
Après avoir donné un commentaire suivi du mémoire, prenons un peu de hauteur sur ce document, pour observer les circonstances de sa rédaction, l’influence de ces circonstances sur son contenu – et celui du projet de déclaration qui en est l’annexe –, ses conséquences possibles. La fin du mémoire revient significativement sur la question des plaintes des Consistoires, qui sert également d’introduction justifiant le fait que le roi examine l’opportunité d’une révocation des donations. Les Consistoires se sont plaints des donations des vice-rois, c’est un fait ; dans les mémoires de leurs ambassadeurs autant que dans leurs missives, ces plaintes cohabitent avec de puissantes récriminations contre le logement de guerre et la réclamation d’un remboursement des sommes avancées à la couronne par les communautés villageoises. Aussi, Marca prévoit-il de leur donner une apparence de satisfaction en faisant figurer dans la déclaration qu’on emploiera à cette dernière nécessité une partie des revenus des biens confisqués.
« Et afin que les Consistoires et les peuples de Catalogne soient engagés à maintenir la declaration qui sera faicte sur leurs plaintes, il faudra metre une clause dans les letres que S.M. veut qu’une partie de ces biens soient employés pour payer ce qui est deu aux universités pour les logemens des troupes ».
Notons qu’il ne s’agit que d’un passage à insérer dans un acte solennel. Si Marca a pu réellement souhaiter à ce moment qu’un tel remboursement soit effectué à partir du fonds des biens confisqués, on ne retrouve pas ailleurs, ni dans sa correspondance, ni dans ses autres mémoires, une telle proposition. Pour un esprit aussi pragmatique, il était évident que « les necessités de l’Estat » auxquelles le fonds des biens confisqués devait servir, correspondraient aux priorités de la couronne, et une déclaration d’intention ne préjugeait de rien. Il n’est pas dit ici que les communautés seront remboursées par préférence sur les autres dépenses nécessaires, mais simplement « qu’une partie de ces biens » y soient employés, sans autre précision. Cette perspective nous fait envisager les véritables priorités du visiteur général, qui sont de rassurer les Consistoires sans pour autant leur donner quelque droit de regard :
« Il faut aussi declarer que Sa Majesté veut gratifier sur ces biens les persones qui l’ont bien servi, suivant l’estat que monsieur le viceroi envoyera à Sa Majesté apres avoir receu sur cela l’avis de ses principaux officiers et des deputés et des conseillers de Barcelone.
Cette clause fera voir que l’on veut proceder meurement et avec cognoissance de cause pour recompenser les bons serviteurs ; et neantmoins servira de pretexte pour differer la chose autant que l’on voudra. »
Dans ce projet, c’est à la couronne que reviendra in fine tout le pouvoir de régler la façon dont les biens confisqués seront gérés après la révocation des donations. Elle pourra prendre la liberté de ne pas gratifier qui que ce soit pendant le temps qu’elle voudra, afin de peser les différents éléments, cette fois mûrement et sans précipitation. Les plaintes des Consistoires ne sont qu’un prétexte, de même que les paroles rassurantes qu’on insèrera dans l’acte à destination de Catalogne : ils ne doivent pas être mêlés à la gestion des biens confisqués, et surtout, ne pas profiter de la révocation pour revendiquer un nouveau rôle dans cette administration.
Enfin, il peut paraître surprenant que le mémoire revienne si longuement sur des points juridiques si subtils, à des moments où, pourtant, Marca vient de montrer que l’évidence même ou les anciennes Constitutions réduisent d’emblée toute contradiction. Mais les plus grands efforts de sa démonstration sont mis à contester le pouvoir d’aliénation des vice-rois. Pour cela, il a mûri des discours et raisonnements juridiques ressassés pendant des années, comme la doctrine du napolitain de Ponte. Et ce point se rattache directement au contexte même de l’année 1650. Mercoeur s’est mis sur les pas de ses prédécesseurs, il a commencé à donner lui-même des biens confisqués – situation qui serait cocasse si elle n’était critique, au moment où Marca travaille à défendre l’idée de révocation, dans un mémoire commandé par Mercoeur lui-même. Mais c’est la situation de Mercoeur, et potentiellement de tout nouveau vice-roi, qui est ici sur la sellette. Le duc s’apprète à épouser la nièce de Mazarin, gage de son alliance avec le cardinal et avec la cour. Les souverains voyagent alors à travers la France, alors qu’en mai, la princesse de Condé, passée secrètement dans le Midi, donne le signal de la prise d’armes. D’un côté, le cortège militaire du roi ; de l’autre côté, la « chevauchée triomphale » des princes, et de la princesse de Condé en Bas-Limousin, Périgord et Bordelais, escortée par des foules joyeuses accourant aux cris de « Vive le roi et les princes, et foutre du Mazarin ». L’armée royale et la cour, transportées en Gironde en juillet, tentaient de bloquer Bordeaux où la résistance était animée par la princesse[186]. Les vice-rois de Catalogne devaient être nécessairement des princes ou des membres de familles de la plus haute noblesse du royaume. Mettre un garde-fou à leurs velleités de puissance absolue dans la province visait donc à empêcher la constitution sur place de réseaux indépendants du pouvoir royal. Il fallait à Mazarin des princes obéissants, respectueux des lois et des ordres. D’où ce passage de l’exposé des motifs que Marca rédige dans son projet de déclaration, tout à fait caractéristique de ce moment de la Fronde :
« Mais comme il arrive que les bons et loüables desires des princes ne sont pas toujours accompagnez des heureux succés qu’ils s’estoient proposez et que l’importunité de ceux qui prenant soin de leurs interests ne se soucient pas beaucoup du public arrache des meilleurs princes des liberalitez qui dans la suitte des affaires se trouvent dommageables à l’Estat, nous avons reconnu que plusieurs choses s’estoient faites dans ladite province fort prejudiciable à nos affaires et au bien de nos sujets, que requeroient que nous y apportassions un prompt et un puissant remede… »[187].
Tous les efforts de Marca poussent à une limitation raisonnable des pouvoirs des princes, mais la force de la démonstration juridique n’est pas grand chose face à la puissance du contexte. En relisant ce mémoire de juillet 1650, on ajoutera d’ailleurs qu’il ne pouvait être reçu avec une totale approbation de la part de la cour et de Mazarin. A l’approche de la majorité du roi, qui serait prononcée officiellement le 5 septembre 1651 – on croit que Marca pensait attendre cette date pour que la révocation des biens confisquée soit ordonnée –, pouvait-on sérieusement révoquer les donations faites jusque-là sur la base juridique que tout ou partie des actes d’un souverain faits pendant sa minorité sont invalides ? C’était quasiment donner un argument aux frondeurs ! C’était fragiliser les fondements mêmes de la régence d’Anne d’Autriche et du pouvoir du cardinal ! Quand bien même ce principe ne devait concerner que la Catalogne, et ne se baser que sur une Constitution de 1289, il était inacceptable. Il fallait tout assumer.
Marca se méfie du « quatuorvirat que sont messieurs Dardene, le Regent, Morell et l’evesque d’Orange ». Attitude ambiguë de Mercoeur et réunion des nouvelles confiscations à la trésorerie de Catalogne
Les mois de juillet et d’août 1650 sont un moment charnière de la Fronde : la cour est en Guyenne, où elle s’est transportée afin d’assister au siège de Bordeaux, qu’on espère enlever aux frondeurs. Paris s’émeut en apprenant cette nouvelle. Le 7 juillet, Mazarin écrit à Mercoeur que les troupes qui affluent alors vers la zone soulageront par ricochet la Catalogne. Il autorise le duc à venir le visiter en Guyenne, ce que Mercoeur attendait depuis de longs mois dans l’espoir de voir se conclure son mariage. Le cardinal exprime une légère évolution dans sa perception des affaires catalanes : l’attitude d’Ardena et de Fontanella finit par laisser perplexe. On a beau faire abstraction de l’animosité de Marca, la conduite du comte d’Ille, qui n’envoie pas son fils à l’académie de Paris comme il l’avait promis il y a plus de dix huit mois, donne à soupçonner. Mercoeur est chargé de découvrir ses intentions. Pour Fontanella, le cardinal lui suggère : « vous pourriez mesme avoir quelque fois de certains secrets avec ledit Regent, et luy demander ses avis sur quelques affaires parce qu’estant vain il se repaistra de pareilles choses »[188]. Le but de ces « secrets » pourrait être, à terme, d’obtenir plus de certitudes sur un éventuel double jeu du Régent et de ses proches ; dans tous les cas, que l’impression de vanité de Fontanella soit sortie de l’esprit de Mazarin ou de celui d’Hugues de Lionne, scripteur de la lettre, on se fait guère d’illusions sur la personne. Ce sentiment a peut-être été inspiré par sa conduite lors de sa dernière venue à la cour, principalement occupé par l’obtention de la vicomté de Canet ? Pour la révocation des dons, si la forme proposée par Marca semblait devoir être exclue, la perspective elle-même n’allait pas tout de suite être écartée par la cour. Mais à l’image de ce qui s’était passé en 1649, elle ne serait pas non plus clairement retenue. Alors que la cour est partie à Bordeaux, Le Tellier, resté à Paris, reçoit la visite de deux députés de la ville de Castelló d’Empúries et du comté d’Empúries, qui demandent la révocation du don de l’usufruit de ce comté, accordé aux gouverneurs de Rosas puis à Emanuel d’Aux par Schomberg[189]. Une lettre missive du roi est expédiée à Mercoeur pour lui demander d’« assembler le conseil des affaires d’Estat de madite province », c’est-à-dire la Junta conformément aux prescriptions antérieures de Marca, afin de délibérer sur l’affaire[190]. Près d’un mois plus tard, le 5 août, Le Tellier écrit à Marca que, comme le cardinal a suivi la cour en Guyenne, il n’a pu prendre aucune décision sur l’éloignement du Régent de Catalogne, que Marca continue à réclamer, ni sur la révocation générale des biens confisqués. Il envoie à Mazarin un « ample mémoire » pour qu’il puisse prendre résolution avec les souverains, et commander à un secrétaire d’Etat suivant la cour d’en faire les expéditions pour les adresser à Marca : « d’un côté ou d’autre, dit-il, vous ne sauriez guère tarder à les recevoir ». Mais la révocation semble sur la bonne voie puisque Le Tellier répugne à bouger sur aucune des affaires alors en cours : « Il est ce me semble de la prudence de ne pas toucher presentement à l’affaire du comté d’Ampurias, n’y a celles de Philippes Coppons ; veu que ce que lon pourroit faire se trouveroit possible contraire à la resolution generalle qui sera prise sur les confiscations »[191].
A Barcelona, la suite du procès des conjurés n’a fait qu’envenimer les choses. D’après Marca, Fontanella s’escrime à faire empêcher l’expédition de l’arrêt contre les conjurés, il inspire à Francesc de Junyent, beau-père de Josep de Caramany (un proche d’Ardena), protecteur du braç militar, l’idée de s’opposer à la torture de Domènech Negrell, et va jusqu’à porter Felip de Copons, pourtant très fidèle, à la « mollesse […], par le moyen de sa femme qui est nièce de Dom Joseph Amat », lequel pourrait être ennuyé par la déposition de Negrell ; quant à Josep de Pinós, il est allé voir son beau-frère Agulló dans la région de Berga, mais Marca soupçonne que c’est pour inciter les ennemis à venir sur la frontière[192]. Le 1er août, il écrit directement à Mazarin pour se justifier des calomnies qu’il sent se multiplier contre lui. Les factieux, dit-il, répandent qu’il veut punir les mal affectes pour ses intérêts personnels. Ils ont réussi à attirer l’évêque d’Orange dans leur parti, lui ayant promis leur appui pour s’ériger ministre du roi en ce pays. Serroni essaye ainsi de discréditer la fidélité de Marca, en disant qu’il est du parti des princes – mais l’arrestation de Marchin, réalisée grâce à lui, le dédoine, sans parler de son discours prononcé devant les Consistoires pour justifier la décision des souverains. L’évêque d’Orange a l’« aversion generale des bons Catalans », et se conduit d’une façon très suspecte aux intérêts de la France.
« Il appuye tous ceux qui sont malaffectionnés au service du Roi. Premierement, en donnant sa protection ouverte au nommé Don Henri Semmanat qui a en Espagne son frere l’evesque de Vic et tous ses plus proches parens et dont la femme, qui a du coeur et de l’esprit, est ouvertement Castillane, et à tous ses parens engagés dans ce parti la. A l’exemple duquel ceux qui estoient relegués sont rentrés dans la ville, et s’y sont maintenus, nonobstant les ordres contraires, ausquels ils n’ont voulu obeir voyans Semmenat se promener dans le carrosse de M. l’evesque d’Orange. Secondement il protege en particulier les autres suspects, depuis le temps qu’il arriva en ce pais avec feu Monseigneur le Cardinal de ste Cicile, jusqu’a presents, lorsque par les soins de monsieur le duc de Mercoeur on à decouvert la derniere conjuration, qui n’est que la suite de la premiere. Ce qui a porté les Catalans à croire qu’une persone de sa condition qui recherche les moyens de s’avancer, qui n’a nul attachement aux affaires de France, qui ne peut servir Sa Majesté qu’en des fonctions spiritueles de donner les ordres, d’où il ne peut esperer legitimement des recompenses que l’on ne donne qu’aux services effectifs rendus à l’Estat, et qui au contraire peut reussir du costé d’Espagne s’il travaille à faire tomber en leurs mains cette province, aura des pensées pour combler les desirs qu’il temoigne avoir lors qu’il prend plaisir à raconter le nombre des papes et des cardinaux, des archevesques et evesques qu’il y a eu de son ordre de Saint Dominique.
Pour ces raisons en l’annee derniere, lors que l’armee d’Espagne s’approchoit de cette ville, les Consistoires presserent M. le Gouverneur et le Conseil Royal de le faire metre de hors comme suspect. Ce qui fut ordoné, et eut esté sans doute executé, si je ne l’eusse differé avec industrie, disant qu’il faloit atendre le siege, que je voyais bien n’estre pas en termes d’estre mis par les ennemis.
Les affiches que l’on a faictes en divers endroicts de la ville depuis un mois, qui le blament de la protection des traitres et les discours ordinaires dans toutes les assemblees, font voir la perseverance du peuple dans sa premiere opinion. Les pauvres ecclesiastiques font aussi une plaincte publique de ce qu’il consume pour son entretenement environ dix mil livres barcelonoises, qui seroit un fonds suffisant pour satisfaire aux necessités de ceux qui ont leurs benefices occupés par les Espagnols ou qui ont bien servi le Roy, sans qu’il soit besoin d’entretenir si cherement un evesque sur les lieux puis que les evesques voisins peuvent donner les ordres »[193].
A l’instar de sa proposition de révocation basée sur l’argument de la minorité, Marca choisit un procédé dont l’efficacité et l’oppirtunité sont bien douteuses : il dénonce Serroni à Mazarin lui-même, qui est son correspondant et son protecteur indirect (puisque Serroni est d’abord l’ami d’Ondedei), en utilisant l’argument que Serroni « n’a nul attachement aux affaires de France », c’est-à-dire, à mots couvert, qu’il est italien. Cependant, il n’ignore pas totaleent les relations épouvantables qui existaient entre Mazarin et son frère le Cardinal de Sainte-Cécile, et peut-être pense-t-il aussi que cela pourrait jouer contre l’évêque d’Orange. Il est certain que, depuis son arrivée en Catalogne en 1644, Marca supporte difficilement la concurrence. Il s’est trouvé en rivalité direct avec chaque vice-roi : La Mothe un peu, Harcourt, Sainte-Cécile et Schomberg beaucoup, Condé seul faisant exception, par la hauteur de sa condition qui le mettait automatiquement hors d’une querelle aussi dérisoire. La particularité de Serroni est que, comme lui, il est ecclésiastique – avec, en plus, l’appartenance à l’ordre dominicain, qui installe également un sujet de rivalité –, et qu’en plus, il exerce des fonctions assez floues comme lui, ce qui est la porte ouverte à toutes les ambitions et à toutes les usurpations. Pour sa fonction d’évêque « in partibus », Serroni a obtenu l’assignation d’une pension de 12 000 livres (tournois) à prendre sur l’évêché de Vic, c’est un fait[194]. C’est en théorie moins que le salaire de Marca, qui est censé toucher chaque mois 2000 livres tournois, mais qui en réalité ne compte plus les mensualités arriérées, et s’est semble-t-il accomodé avec une certaine bienveillance de cette grande irrégularité[195]. Il est possible que les revenus du séquestre de Vic, dont l’évêque était retiré à l’ennemi (et, ironie du sort, dont la famille semblait pourtant en bonne relation avec Serroni), soient rentrées beaucoup plus régulièrement que les assignations ponctuelles faites à Marca sur tel ou tel fonds.
Ecrivant quelques jours plus tard à Le Tellier, Marca lui joint la lettre qu’il a envoyée au cardinal pour se défendre des calomnies. Avec le ministre, il est plus direct et moins voilé dans ses paroles pour attaquer l’italien. Selon lui, il n’a point d’intérêt pour les affaires de la France et veut rendre service à l’Espagne pour « estre recompensé en son pais ». Dans la même lettre, Marca joint son accusation de Serroni à une nouvelle demande pressante de révoquer le Régent ; il va jusqu’à parler d’un « quatuorvirat que sont messieurs Dardene, le Regent, Morell et l’evesque d’Orange » qui multiplie les stratagèmes pour le renverser[196]. Le tournant dramatique des évènements militaires précipite la situation. On sait que les villageois des comarcas proches du delta de l’Ebre et de Lleida s’étaient progressivement révoltés contre les troupes françaises au cours du printemps et de l’été, harassés par les excès des soldats. Mercoeur envoie un détachement commandé par le colonel Balthazard afin d’affronter des Espagnols envoyés par le gouverneur de Lleida pour profiter de la circonstance favorable et faire prêter aux habitants le serment de fidélité à Philippe IV ; mais le relief très montagneux du pays empêche cette initiative d’être totalement efficace. Le vice-roi envoie alors Margarit dans la région de Prades, Flix et Falset (comarcas du Baix Camp, de la Ribera et du Priorato) pour calmer les peuples et pacifier la zone, mais une fois arrivé sur place, le Gouverneur échappe à plusieurs tentatives d’assassinat. Les accords obtenus par Margarit avec les habitants de Falset sont inutiles : fin juillet, les habitants de la ville se rendent à Tarragona pour offrir la ville aux Espagnols. Ces derniers s’en rendent maîtres le 9 août. Dès le 16, commencent des combats entre troupes françaises et espagnols dans les environs de la ville, que les Français réussissent finalement à reprendre[197].
L’affaire de Falset produit des conséquences immédiates à Barcelona, dont Marca se fait l’écho. Le 29 août, il adresse un large mémoire au comte de Brienne, secrétaire d’Etat des Affaires étrangères demeuré près de Mazarin avec la cour en Guyenne. Significativement, il indique à Le Tellier : « J’eusse adressé un autre memoire à Son Eminence, mais dans la crainte que j’ay eu que M. Hondadei en donnât cognoissance à l’evesque d’Orange, je me suis contenté de l’envoier à M. le comte de Brienne pour en faire rapport à Son Eminence »[198]. Dans ce mémoire[199], il assure que les factieux se sont réjouis de la prise de Falset par les Espagnols, et se sont aussitôt attristés de sa reprise par les Français. Au premier rang de ces personnes, Josep d’Ardena. Cette fois, Marca parle d’un « triumvirat » catalan entre le Régent, le comte d’Ille et le docteur Morell, qui forme le noyau des factieux. Il se trouve qu’au même moment doit se jouer le renouvellement des députés de la Generalitat. Comme par hasard, Ardena tombe comme habilitateur de l’élection. Un premier vote a lieu, mais Ardena demande qu’on en refasse un second car le nommé Xammar, qui figurait sur les rôles de mal affectes établis par Mercoeur pour les faire écarter de l’élection, n’était plus compris en effet dans les sacs. La manœuvre permet de le faire revenir parmi les personnes habilitées, ce qui, selon Marca, dégoût les gens de bien. Finalement, tous les personnes qui avaient été écartées par le vice-roi sont habilitées, et les fidèles de la France écartés. Par ce procédé, juge Marca, Ardena fait le jeu de l’Espagne : ce coup retentit jusqu’à la frontière, et en même temps de nombreux paysans prennent les armes contre les Français. Pour mettre un coup d’arrêt à cette engeance, il propose de révoquer Fontanella et de le punir : « les officiers de l’Audience, dit-il, ne sont pas la condition de ceux des Parlements de France, ceux-ci ont des privileges accordez par les ordonnances des roys de ne pouvoir estre privez que pour des crimes connus et jugez par le corps du Parlement, dont ils sont membres. Ceux de l’Audience de Catalogne peuvent estre revoquez ». La phrase prend, là encore, une force particulière dans un contexte de Fronde, alors que les parlementaires parisiens, domptés depuis la paix de Saint-Germain, commencent à se réveiller et à s’inquiéter du siège de Bordeaux. Il faudrait appeler le Régent à la cour et publier sa révocation après son départ. Quant à Ardena, il faudrait également le retirer de la province, et le faire servir en Flandre : le régiment qu’il commande ne lui appartient pas, mais à la province, les officiers étant nommés par la Junta del Batalló. Il faudrait aussi employer en Flandre le nouveau régiment de Pinós, « qui est de l’intrigue du comte d’Ille et du Regent ». Quant à Morell, il faudrait le reléguer à Bordeaux ou à Lyon, pour qu’il cesse de « brouiller les esprits […] avec ses impostures ».
L’attitude de Mercoeur avec Marca, si elle n’atteint pas les sommets d’hostilité d’un Harcourt ou d’un Schomberg – le duc essayant notamment de réconcilier Margarit et Ardena[200] – n’est pas totalement favorable. Pour ce qui est de la poursuite des factieux, Mercoeur, après avoir un temps balancé en faveur de la faction d’Ardena, s’est laissé gagner par les doutes face à l’attitude si équivoque du comte d’Ille et du Régent. Dans les premiers jours de septembre, Marca écrit à Le Tellier que le duc a demandé à Mazarin un ordre du roi afin de les arrêter tous les deux, « en quoy il s’est resolu apres avoir resisté à M. le baron de Canillac et M. Beaufort, qui le pressoient de les arrester presentement ». Il les tient désormais pour « disgrâciés ». Cependant, Mercoeur n’a pas mis Marca au courant, qui l’apprend de source indirecte. D’autre part, il a continué à faire sa propre distribution des biens confisqués, alors que rien n’est encore décidé à la cour. Sa prodigalité n’est pas sans rappeler celle de Schomberg.
« Il a donné à un capitaine catalan nommé Nicolas, à la requete du comte d’Ille, le moulin de Pons de 2000 livres barcelonaises de revenu, qui est du comté de Sainte Colome, ces gens ayans eu l’impudence de luy demander le fond ou est assigné le salaire des Vicerois, et luy ayant eu la facilité de l’accorder.
Il a fait don de la valvesorie de Toralla composée de sept vilages du revenu de mil livres barcelonoises quittes et deschargees de 1000 livres de rente qui se payent sur ces revenus. Ce don a esté faict en faveur du concierge de l’Inquisition, mary de la niece de l’Inquisiteur Ferran. Ces deux graces ont fait enrager les antiens serviteurs qui n’ont jamais eu aucune recompense.
Il a faict don de la baronnie de Baga de 1000 barcelonaises de revenu que Joseph Amat possede en sequestre à la veufve Anglesil et son fils, qui est un don excessif, y ayant du fond pour contenter plusieurs.
Il a donné au Chevalier d’Austrein le marquisat de Camaraze, avec le tiltre de marquis. Il n’est pas de grande valeur, mais cela n’empeche pas que les Catalans n’en soient bien offensez. Toutes ces choses se font sans que j’en aye la moindre cognoissance, que par le raport de mes amis apres la chose faicte ».
La typologie même de ces dons est fort semblable à ce qu’avait fait Schomberg : une veuve (la veuve Anglasill, dotée de pensions mal payées depuis l’assassinat de son mari lors de la chute de Lleida) est gratifiée d’une baronnie qui, quelque temps auparavant, avait été demandée par des proches de Margarit et de Marca, auxquels le vice-roi avait fait une réponse dilatoire[201] ; un Français, le chevalier d’Austrein (dont nous avons parlé plus haut) a été gratifié. Les biens ecclésiastiques ne sont pas en reste : le doyan Pau del Rosso, dont l’appétit est énorme et qui jouit déjà de 6000 livres barcelonaises de revenu avec deux séquestres, a demandé une pension supplémentaire de 2000 livres et l’a obtenue, juste avant d’être élu député ecclésiastique de la Generalitat. Selon Marca, cette grâce exorbitante a été obtenue grâce à Serroni, dont le doyen dit publiquement qu’il faut désormais s’adresser à lui pour toute supplique car « en effect il estoit le viceroy ». Orange, par son amitié avec Ondedei, se permet tout, et s’ingénie à rendre Marca suspect. Pour la première fois, Marca demande à Le Tellier d’être retiré de Catalogne, où il se sent en danger de mort, du fait de la présence des suspects, le Gouverneur étant la seule personne disposée à lutter contre eux avec quelque efficacité[202]. Plus tard, il écrira directement à Ondedei afin de se laver de toutes les calomnies de Serroni : s’il est besoin de clarifier son innocence, il se soumettra à une information judiciaire[203]. A toutes ces donations, Mercoeur a ajouté un acte que Marca identifie immédiatement comme un impair, une grande maladresse née d’une méconnaissance de la société catalane. Deux mouvements avaient coïncidé au cours de l’été 1650 : d’un côté, la montée de la défiance des nobles de l’estament militar devant les nombreuses arrestations et détentions de mal affectes au préjudice des privilèges nobiliaires ; de l’autre, la montée des prétentions du groupe des mercaders (les riches marchands de Barcelona, influents au Conseil des Cent), forts de leur puissance financière face à la ruine des caisses royales, étant les principaux prêteurs. Sur leur pression, Mercoeur a signé le 2 août 1650 un décret concédant aux mercaders les mêmes privilèges que ceux dont jouissent les seuls membres de l’estament militar et les Ciutadans Honrats. Les nobles multiplient alors les réunions, les mémoires, les arguments juridiques pour faire annuler cette décision, vue comme une grave offense aux lois de la terre. Le fait n’est pas sans importance, et il a été relevé par Sanabre comme facteur aggravant de la déconvenue française en Catalogne[204] ; même Serroni le critique[205]. Marca en a été averti par le trésorier Jaume Bru, qui selon la tradition doit apposer son visa sur tous les actes de grâce, et répugne à le faire en l’occurrence[206].
La révocation des confiscations n’avait pas avancé d’un poil plus de deux mois après l’envoi à la cour du mémoire de Marca. Pas plus que les réclamations des Consistoires et des docteurs de l’Audience contre les abus des gouverneurs français. Quant à Serroni, il n’avait toujours pas terminé son mémoire sur les confiscations car, selon ses mots, les dons faits sous Schomberg étaient « si nombreux et de telle nature qu’il est difficile de les mettre tous au clair, et distinctement ». Il affirmait encore qu’il avait trouvé une Constitution catalane permettant d’asseoir la révocation (il s’agit de la Constitution d’Alphonse III)… cela avec un temps de retard sur Marca qui en avait fait l’un de ses arguments majeurs ! Malgré sa promesse de terminer l’ouvrage, on ignore si l’évêque d’Orange y est parvenu[207]. L’insatisfaction des Consistoires sur l’insuffisance des solutions apportées par la couronne pour corriger les abus dénoncés débouche sur l’envoi d’un nouvel ambassadeur à la cour à Bordeaux, Narcís-Ramon March i Vedruna, Ciutadà honrat de Girona[208] ; l’institution, qui n’a toujours pas perçu correctement la taxte du bataillon, envisage alors tous les expédients possibles pour renflouer ses caisses, et commence à vendre aux enchère les biens confisqués qu’elle possède, nous y reviendrons. De son côté, le Consell Reial choisit d’envoyer son propre ambassadeur à la cour, et Felip de Copons est choisi par Mercoeur[209] – il est aussi chargé de représenter la Reial Audiència en entier, dont le Consell Reial est l’émanation la plus haute[210]. Il quitte Barcelona le 12 septembre. Mais dans une lettre à Mazarin, Fontanella dénonce l’initiative de cette ambassade comme un stratagème des docteurs afin de faire confirmer les grâces qui leur avaient été faites par les vice-rois. Il observe que du temps d’Espagne, aucun envoyé du Consell Reial n’était mandé à la cour, car ce conseil ne dépend que du vice-roi et que cela aurait été vu comme un discrédit pour ce dernier. Copons, dit-il, agit à l’instance de personnes désirant avoir des gens à la cour « pour être les hérauts de leurs actions » (« personas que sean cronistas de sus actiones ») ; et en son particulier, il cherche à obtenir la confirmation d’une grâce que lui avait fait le Cardinal de Sainte-Cécile[211]. L’accusation est d’une mauvaise foi achevée si l’on songe aux propres manœuvres courtisanes de Fontanella. Elle nous informe cependant d’une façon tout à fait intéressante sur son évolution personnelle. Tenu pour « disgrâcié » par Marca, mais demeurant toujours en Catalogne dans l’attente d’un ordre de la cour à son sujet, il sent probablement que la confiance de Mercoeur a tourné. En 1649, durant l’interrègne de Marca, il disait refuser de soutenir les docteurs pour obtenir le maintiens de leurs donations. Désormais, quand c’est une révocation générale qui est sur le tapis, et plus seulement une révocation des dons des vice-rois ou aux magistrats, il ne lui semble pas stratégiquement payant de s’opposer à la révocation, de peur de passer lui-même pour un âpre au gain obnubilé par la vicomté de Canet. Il est plus utile de calomnier Copons, d’autant qu’il est l’un des rares dans l’Audience, avec Sagarra – que Fontanella a également essayé de dénoncer, sans succès – à s’opposer à ses desseins et à soutenir Marca avec constance.
Les instructions de Felip de Copons, qui sont transcrites dans les registres de la chancellerie de Catalogne[212] et dont on trouve également un résumé en italien dans les archives françaises[213], ne contiennent en réalité aucun point spécialement consacré à la révocation, aucune demande relative au maintien des docteurs dans leurs gratifications. Les points 1, 2 et 3 concernent les abus des gouverneurs de Rosas, Flix, Balaguer, Tortosa et Àger : ils exercent une juridiction sur les alentours desdites places, contrairement à ce que spécifient les Constitutions, emprisonnent, poursuivent et exécutent les habitants ; ils usurpent les biens des particuliers et des universités « qui ne sont ni confisqués, ni à des ennemis de Sa Majesté » ; ils font sortir des grains de la province. Les autres points concernent les excès des soldats en général : ils obligent les habitants à se réfugier dans les montagnes, brûlent les villages désertés. On demande également de confirmer l’interdiction de l’entrée de la monnaie étrangère, d’obtenir du pape l’envoi d’un juge pour châtier les ecclésiastiques mal affectes, l’expédition des bulles pour la Catalogne, l’expulsion du collecteur apostolique. On réclame enfin que la cour envoie un fonds pour les nécessités présentes, afin de rembourser enfin les communautés. Arrivé à la cour en Guyenne, Copons semble s’y trouver au même moment que l’ambassadeur des Consistoires, Narcís-Ramon March[214]. De toute façon, comme le note l’historien Agostí Alcoberro, le Consell Reial avait pris, depuis le mois de septembre, un tournant fondamental, se réunissant désormais constamment avec les Consistoires en « junta gran » afin de dénoncer d’une même voix les excès des autorités françaises[215]. Si l’on ne connaît pas le déroulement précis de l’ambassade de Copons, celle de March est mieux connue par les mémoires qu’il a soumis au roi, et qui se trouvent soit dans les Dietaris de la Generalitat, pour le mémoire principal (24 septembre 1650), avec les réponses du roi annotées par écrit sur le mémoire même[216] ; soit dans les archives du secrétaire d’Etat de la guerre pour un mémoire de moindre importance, daté du 19 septembre, concernant la demande de la ville de Barcelona de faire cesser la perception par le gouverneur de Tortosa de certains revenus du patrimoine royal qui lui étaient dûs depuis le temps du roi Alphonse III[217]. Les réponses royales sont de la même eau que celles des années précédentes : on donne ordre en Languedoc d’acheter des grains pour la subsistance de Catalogne, on ordonne « au surintendant des finances de France de faire le fondz d’une somme, la plus fort qu’il se pourra » pour rembourser les communautés, on ordonne à Mercoeur de faire le procès du gouverneur de Flix Sainte-Colombe… L’absence persistante de revendication concernant la révocation des confiscations s’explique fort probablement par le fait que l’impression générale dominait qu’elle aurait lieu – nous verrons bientôt l’ampleur de cette rumeur. Le 24 septembre, jour même de l’entrevue de l’ambassadeur March et des souverains à Bourg-sur-Mer, près de Bordeaux, Mazarin écrit à Marca. C’est avant tout une réponse à sa propre lettre, si pleine d’angoisses, où il lui demandait son retrait de Catalogne. Mazarin se veut rassurant, ne répond rien à la demande de congès, lui recommande simplement d’apaiser les partis. L’ambassadeur March, dit-il, s’en retourne à Barcelona. Il a été reçu favorablement par les souverains et a obtenu satisfaction « sur tous les chefs de son ambassade »[218]. Quant à Felip de Copons, il entame également son voyage de retour[219]. Le seul vrai changement pour l’heure – et il est de taille – est l’appel à la cour du Régent Fontanella : une lettre missive du roi lui est adressée le 20 septembre[220], accompagnée d’une lettre du cardinal avançant une fausse raison pour le faire venir : « Vous avez pu sçavoir l’ouverture que les Espagnols ont faite depuis peu pour recommencer à traicter de la paix […]. Vous nous trouverez à Bordeaux ou à Toulouse ». Le manque d’assistance portée à la Catalogne est justifiée par « nos malheurs domestiques »[221].
Parallèlement à cette nouvelle convocation de Fontanella, Mercoeur décide d’ordonner à Josep d’Ardena de se rendre à la cour, officiellement pour informer les souverains des affaires de Catalogne. Il s’agit également d’un éloignement déguisé. La situation militaire s’est encore dégradée depuis le début du mois de septembre : une armée espagnole de 400 cavaliers et de 200 soldats de pied a fondu sur Flix, attaqué la ville et organisé un blocus. Le vice-roi, sorti précépitamment de Barcelona, a tenté de se diriger vers la place, mais voyant la rebellion des villages, la difficulté des chemins, la supériorité numérique des ennemis, et surtout le manque d’entente entre les grands officiers (principalement Ardena et Margarit) a décidé de rebrousser chemin. Flix s’est rendue le 25 septembre[222]. Le 30, de Martorell, Mercoeur munit donc Ardena d’une lettre de créance pour qu’il se rende devant les Consistoires, car il ne veut pas l’envoyer auprès de souverains sans leur consultation. Il est prévu qu’Ardena parte à la cour muni de lettres et de requêtes de leur part. Le 1er octobre, il se rend à la Generalitat, « sans aucune cérémonie », et remet la lettre de Mercoeur dans les mains du député ecclésiastique et président, Pau del Rosso. Mais le but de cette visite est également de demander à la Generalitat, de la part du vice-roi, l’augmentation de l’effectif du bataillon à 300 hommes, ce qui entraîne une nouvelle dépense considérable pour l’institution. Les députés délibèrent et accèdent à cette demande de Mercoeur[223]. Ardena visite également les conseillers de Barcelona. Le Conseil des Cent vient d’accorder un nouveau prêt au vice-roi, de 50 000 livres… Les conseillers munissent quant à eux Ardena d’une lettre adressée aux souverains qu’il s’apprête à visiter en Guyenne – dont une version est toujours conservée aux Affaires étrangères. Son contenu peut être interprété en conséquence directe de la dernière ambassade envoyée aux souverains, celle de Narcís-Ramon March, revenu à Barcelona avec des réponses dilatoires, malgré la complète satisfaction dépeinte par Mazarin. La nécessité de rembourser les différents emprunts faits par la couronne à la ville, sans parler des communautés et de l’entretien du bataillon – ce qui était l’affaire de la Generalitat –, représentait une considérable pression. Ainsi, la lettre des conseillers demande, afin de permettre un remboursement des emprunts, la réunion des biens confisqués à la trésorerie royale.
« Soucieux de satisfaire en toute occasion au service et au bénéfice de la province, nonobstant que cette ville soit maintenant dans l’état le plus faible qu’il est possible de signifier, sur demande de monsieur le duc de Mercoeur, lieutenant et capitaine géral de Votre Majesté en cette province, nous avons déféré audit service avec cinquante mil livres par voie de prêt pour en satisfaire certains paysans à raison des sommes qui leurs sont dues, confiants que Sa Majesté daignera, comme nous le supplions, ordonner qu’elles nous soient restituées, ainsi que les trois mil doubles que vous nous devez de l’année dernière, en plus des choses considérables que nous avons fourni pour ledit service que nous devons encore recouvrer, avec assignation faite par les Gouverneur, surintendant ou personne du Languedoc qui reçoit les impôts de Sa Majesté, de la façon la plus rapide qui se puisse. Et nous considérons qu’il serait très convenable audit service que les biens confisqués reviennent à la trésorie royale de Votre Majesté en Catalogne pour en payer ce qui est dû à cette ville et les autres choses touchant ledit service, afin que les personnes de peu ou d’aucuns services qui les ont obtenus n’en restent pas bénéficiaires et enrichis »[224].
Cette lettre représente une première de la part des Consistoires : en 1649 sous l’interrègne de Marca, nous l’avons vu[225], leurs propos sur les confiscations se limitaient à une dénonciation des dons faits aux Français et aux docteurs de l’Audience, sans aucune demande de révocation. Pour le cas particulier des conseillers de Barcelona, ayant consenti un grand emprunt en mars 1649, ils avaient augmenté leurs prétentions en demandant rien de moins que le duché de Cardona. Mais, en aucun cas – et c’est ce qui ennuyait Marca – ils ne faisaient, pas plus que les députés, une demande de révocation. Cette lettre du 3 octobre 1650 est donc le premier signe clair dans ce sens. Les conseillers ne parlent pas ici explicitement de « révocation », mais de retour à la trésorerie royale de Catalogne (« que las asiendas confiscadas retornasen a la real thesoreria de Vostra Magestat en la Cathalunÿa »), ce qui signifient de toute façon que les bénéficiaires en soient privés. C’est un effet que produirait une révocation en bonne forme, même si cette dernière impliquerait en fait que le roi lui-même rentre en possession des biens, pour en disposer ensuite selon sa volonté. Quoi qu’il en soit, ce sursaut de la part des conseillers était dû à l’état catastrophique des affaires. Mais Marca aurait bien voulu qu’il survienne un an plus tôt.
Les circonstances poussent la Generalitat à mettre en vente un par un les derniers biens confisqués qui restent en sa possession. En juillet, quand l’institution n’a toujours rien reçu de la cour ni réussi à faire rentrer la taxe du bataillon et qu’elle s’apprête à envoyer près du roi son nouvel ambassadeur March, elle met à l’encan un domaine situé sur la paroisse Santa Maria de Sans (actuellement Sans) à Barcelona, confisqué à Lluis de Montsuar. Il est acheté au prix de 2805 livres barcelonaises par un marchand de la ville[226]. En octobre, quelques jours après la visite d’Ardena à la Generalitat, un autre domaine confisqué à Montsuar, situé sur la paroisse Santa Creu de l’Ordre près de Barcelona, est adjugé à un pagès du lieu pour 1500 livres. On remarque aussi que certaines redevances dues annuellement sur les biens de Montsuar sont achetées par le donzell de Barcelona Rafel Antich, l’un des premiers bénéficiaires de séquestres pendant la période d’Argenson en 1642[227]. Mais notre tableau de la période serait incomplet si nous n’évoquions pas la situation de la trésorerie royale de Catalogne qui, elle aussi, tente de trouver le plus rapidement possible du numéraire pour se renflouer. On sait qu’en 1643 le riche marchand barcelonais Francesc Sangenís avait été nommé receveur général des biens confisqués, le trésorier Jaume Bru gardant la main sur certains biens par exception, comme le comté de Santa Coloma, réservé au paiement des salaires des vice-rois. Mais depuis cette époque, la situation avait beaucoup changé, avec diverses étapes qu’il convient de rappeler sommairement ici. La conjuration de 1645 avait été l’occasion de faire entrer dans le giron du roi de France les biens des conjurés et de leurs complices, augmentant le fonds des confiscations qui n’avait guère bougé depuis 1643. A ce moment, semble que la gestion de ces nouveaux patrimoines ait été confiée au trésorier Jaume Bru, et non à Francesc Sangenís, qui ne gérait que ceux dont il avait déjà reçu la responsabilité avant cette date. En 1648, Schomberg avait procédé à la distribution de la totalité des biens qui restaient disponibles – leur gestion avait donc été retirée respectivement à Bru et à Sangenís. Vers 1649, après un procès, le comté de Santa Coloma avait été restitué à des héritiers de l’ancien comte et retiré au roi, donc à la gestion de Bru. Par conséquent, il ne restait plus à ce dernier, ainsi qu’à Sangenís, que des résidus, l’ensemble ayant échappé au roi. Sangenís continuait officiellement à être receveur général mais cette fonction avait perdu son contenu. La nouvelle conspiration de 1649 et l’emprisonnement massif qui s’ensuivit avait entraîné une nouvelle vague de confiscations, qu’il est malheureusement difficile de restituer en détail en raison de la disparition des archives judiciaires de la période. Cette fois, ces biens ont été directement appliqués à la trésorerie royale, et donc gérés par Jaume Bru. On en a la preuve lorsqu’en décembre 1650 l’avocat fiscal patrimonial Narcis Peralta demande à Mercoeur le paiement de son salaire, qui lui avait été jadis assigné sur les biens gérés par Sangenís. Il ne peut plus alors le percevoir « sous prétexte que ledit Sangenís n’avait pas en son pouvoir les biens confisqués et que celles qui ont été nouvellement confisquées entrent dans les mains du magnifich regent la real tresoreria »[228].
Le fait qu’on ait cessé de faire appel à Sangenís s’explique de différentes manières : sans doute percevait-il une part des revenus qu’il gérait, pour sa propre rémunération ; peut-être a-t-on refusé de renouer avec le système assez confus installé en 1643, qui faisait de lui un prestataire direct de l’Etat sans être pour autant un officier royal ; le fait que Sangenís ait consenti d’importants prêts sous les vices-royautés d’Harcourt et de Schomberg, et obtenu lui-même pour son remboursement la propriété de biens confisqués comme La Torre d’Alella, n’y a peut-être pas non plus été étranger. Les archives de la trésorerie étant éparses, il est difficile de décrire son fonctionnement interne avec précision, mais contrairement à un fermier ou à un intermédiaire extérieur, le trésorier, officier royal, était censé ne recevoir aucun intérêt de sa charge et se contenter de son salaire – Jaume Bru passe du moins pour très respectueux des formes et des règles[229]. C’est Mercoeur qui peut être crédité de l’initiative de laisser dans les mains du trésorier les nouvelles confiscations. Son attitude est finalement plus ambiguë et évolutive que celle de Schomberg : avant le mois de septembre 1650, il a fait comme lui quelques donations de biens confisqués, mais uniquement à partir des derniers résidus des anciens (marquisat de Camarasa, moulins de Pons ; baronnies de Baga Pinós et Mataplana tout juste reprises à Josep Amat), et non des nouveaux qu’il a désiré laisser aux mains de Jaume Bru. N’oublions pas qu’au même moment, il demandait (et obtenait) un nouveau prêt de 50 000 livres de la ville de Barcelona. Mercoeur semble avoir pris conscience, certes trop tard, de la nécessité de trouver rapidement de l’argent. On le voit agir à l’instar des députés de la Generalitat, et ordonner le 1er novembre de vendre aux enchères l’un des biens récemment confisqués aux conjurés de 1649 : le domaine, contenant maison, tour et terres agricoles avec toutes leurs dépendances, situé à Sant Andreu de Palomar, que possédaient le docteur Jaume Martí et son fils Josep. Il est adjugé pour 2000 livres à Francesc Vidal, docteur de l’Audience et avocat fiscal[230] – c’est l’ami proche du Régent Fontanella. La trésorerie royale, lit-on, ne pouvait plus assurer les charges de ce domaine. C’est aussi l’occasion de recevoir immédiatement du numéraire de la part d’un homme riche désireux d’investir dans la pierre et dans la terre. Il est probable que ce cas n’ait pas été isolé. Enfin, une autre mesure de Mercoeur montre sa volonté de trouver des solutions pratiques à ces problèmes pressants. Justifiant son décret par le fait que « beaucoup de personnes du présent Principat et des Comtés sont passées à l’ennemi, qu’ils ont des meubles, immeubles et droits dans lesdits Principat et Comtés, et que la Regia Cort n’a pas connaissance desdits biens et droits… », il ordonne que toutes lers personnes qui apprendront l’existence de ces biens – qui doivent être confisqués – en obtiendront en récompense le huitième, qu’ils soient meubles ou immeubles[231]. Cette mesure n’est pas totalement nouvelle, puisque La Mothe déjà en 1644 promettait ¼ des biens meubles à ceux qui les dénonceraient[232], ce qu’Harcourt avait repris deux ans plus tard[233]. L’élargissement du spectre, en ajoutant les biens immeubles (il faut comprendre : la valeur des biens immeubles, donc probablement une somme d’argent) aux meubles, est un ajustement pour réduire in fine l’ampleur de la récompense, qui sera un pourcentage moindre de la valeur totale par rapport à 1644 et 1646. Le but pratique de cette mesure est d’accélérer et d’augmenter les entrées dans la trésorerie royale, en tenant compte du contexte particulièrement difficile de l’année 1650, caractérisé par le passage de la plus grande partie des régions de l’Ebre à l’obéissance d’Espagne. Là encore, les habitants de ces zones pouvaient posséder des biens encore situés dans l’obédience française, qui devaient être confisqués.
Le jugement que Pierre de Marca porte sur Mercoeur est donc davantage un sentiment de déception qu’une condamnation sans appel, contrairement à Harcourt et à Schomberg avec lesquels il ne pouvait pas trouver le moindre terrain d’entente. Il peut se féliciter d’avoir obtenu l’appel à la cour de Fontanella – décision qu’il doit à l’approbation du vice-roi. Pendant quelque temps, Mercoeur hésite à délivrer au Régent la lettre royale qui l’appelle à la cour, malgré d’importants doutes. Le tort de Mercoeur est de n’avoir pas frappé suffisamment tôt et fort. Début octobre, le siège de Bordeaux touche à sa fin. Comme le note O. Ranum, « le fait est que l’approche des vendanges dans le Bordelais contribua bien plus que le succès militaire des assiégeants à donner la motivation nécessaire pour ouvrir des négociations ». Le 5 octobre, Louis XIV et Anne d’Autriche entrent dans la ville et amnistient tous les frondeurs, à l’exception de la princesse de Condé, de La Rochefoucauld et de Bouillon[234]. Mais ce succès important qui renforce provisoirement Mazarin – bien que personne ne soit dupe sur la sincérité des soumissions – n’empêche pas la situation de se dégrader en Catalogne, sans que d’importantes troupes n’y soient envoyées, d’autant que le cardinal, soulagé de Bordeaux, s’apprête à porter tous ses efforts au Nord-Est pour vaincre l’armée de Turenne. Il importe de revenir sur l’un des facteurs majeurs de la dégradation observée : les usurpations des gouverneurs français, si dénoncées par les Consistoires et le Conseil Royal, avec un succès limité. Les commentaires que Marca donne à ce sujet sont tout à fait éclairants. Le 2 octobre, il écrit dans un mémoire sur la situation de Catalogne que la « faction » risque d’attirer à elle beaucoup de serviteurs du roi, en élaborant un discours sur les excès militaires français.
« Ces messieurs ont fait un effort depuis peu pour reunir à soi l’autre party soubz un pretexte specieux de conserver la liberté des paisans, qu’ils disent estre opprimez par les troupes françaises. Les regimens catalans d’Ardene, Mostaros et de Margarit firent cette union prez de Flix lorsque l’on passa l’Ebro pour secourir la place ».
Les conseillers de Barcelona rejettent la faute de la perte de Flix sur la mauvaise conduite du gouverneur, Sainte-Colombe. Marca explique qu’il a été obligé de faire vivre depuis deux ans deux compagnies de cavalerie aux dépens des villages de la châtellenie de Flix, et a demandé un commissaire catalan à ses frais pour inspecter les logements. Selon lui, les plaintes contre Sainte-Colombe sont à l’instigation des Espagnols[235]. Quelques jours plus tard, Sainte-Colombe est arrêté[236] : Marca réagit vite, il écrit à Le Tellier que les plaintes de l’ambassadeur de la Generalitat étaient injustifiées, basées sur des enquêtes biaisées et de faux témoignages, les habitants de Flix ayant finalement prêté serment au roi d’Espagne. Il accuse Ardena et le Régent d’être à l’origine de cette arrestation, et demande qu’on appelle Sainte-Colombe à la cour[237]. Au même moment, Fontanella agite une revendication personnelle qui pourrait être anecdotique à première vu, mais qui prend tout son sens dans ce contexte précis. Il s’adresse directement au cardinal pour revendiquer la possession de la Font de Salses, cette étendue d’eau salée propice à la pêche (que les hydrologues appellent « résurgence de type vauclusien »), ancien membre de la vicomté de Canet, mais que les gouverneurs successifs du château de Salses utilisaient pour leurs besoins. Le détail de la possession (d’ailleurs contestable[238]) importe peu, examinons le discours justificatif élaboré par Fontanella.
« Dans la vicomté de Canet, dont Votre Eminence m’a fait grâce, la rente la plus importante est la pêche de la Font de Salses […]. Une fois la vicomté confisquée, le gouverneur de Salses fit pêcher à son compte, sans autre titre que celui de la force, comme les autres gouverneurs prennent ce qui est aux alentours de leurs places, peu importe à qui cela appartient […]. Maintenant que le gouverneur a changé, comme le temps de la pêche se rapproche, le lieutenant du roi à Salses a fait enfoncer la porte de la tour qui se trouve près de la fontaine et veut faire pêcher, disant clairement qu’il sait que j’ai la grâce de Sa Majesté mais que cela n’importe pas. Je répugne à me disputer avec les Français (« tener enquentros con Franceses »), plus encore en l’occasion présente où tout le pays est irrité contre les gouverneurs de places pour de semblables usurpations, mais ce n’est pas non plus une raison pour qu’on me laisse abandonner ce que Sa Majesté a daigné me donner, ni pour que le gouverneur de Salses, par sa seule envie, me rende inutile la grâce de Sa Majesté » [239].
Il proteste ensuite qu’il n’agit pas là par intérêt, mais pour satisfaire les nombreuses personnes qui touchent habituellement des rentes assises sur la Font de Salses… Il est manifeste que Fontanella tente d’utiliser la dureté du contexte pour donner du relief à ses arguments. Il dramatise même, en formulant d’un façon qui donne l’impression que tous les gouverneurs français de toutes les places se comportent ainsi. C’est avec une certaine vérité que Marca prête à Fontanella un discours très sévère sur le gouvernement français. Le Régent le colporte jusqu’au cardinal lui-même, ce qui est peut-être un signe qu’il ne le considère pas comme contraire au service royal. Mais le visiteur général le juge extrêmement dangereux. Fût-il véridique (ce qu’il ne croit pas, avec peut-être une dose de naïveté et d’auto-persuasion), pense-t-il, il faudrait toujours le taire ou l’atténuer pour conserver la gloire du roi.
Dans la lancée de la prise de Flix, les Espagnols entreprennent en octobre l’attaque de Miravet, qui tombe le 15. Cette prise a une conséquence stratégique directe : les communications de Tortosa sont coupées, les accès vers le Campo de Tarragona, la Conca de Barberà et le col de Balaguer sont désormais retirés aux Français. A la fin du mois, les Espagnols transforment le blocus de Tortosa en siège[240]. A la suite de ce retournement, Marca donne de nouveaux commentaires. Mercoeur déclare qu’il veut sortir le Régent de Catalogne avant d’entreprendre le secours de Tortosa, de crainte qu’il ne fasse révolter la province en cas d’un mauvais succès. Il se décide à lui délivrer la lettre royale qui l’appelle à la cour ainsi que la lettre de Mazarin qui l’accompagne. Fontanella fait mine d’être immensément touché par l’honneur qu’on lui fait. Il se rapproche de Serroni qui, selon Marca, se propose de l’accompagner comme ambassadeur des Consistoires pour « l’autoriser en cour et luy faire payer son voyage ». Mais Fontanella ne sera pas ambassadeur. Cette fois, met-il en garde, il ne faudra pas le renvoyer aussitôt en Catalogne sur sa seule bonne foi, les bras chargés de récompenses.
« Le bien du service l’eût désiré [qu’on le retienne] parce que les facilités que l’on apporte à donner de la creance aux protestations de fidelité des Catalans metent en mespris le gouvernement françois que l’on dict estre bon entre ceux de la nation, mais non pas à l’esgard des Catalans, qui ne revienent jamais de la trahison qu’ils ont desseignée et qui promettent tout pour mieux tromper. C’est de quoi ils font gloire, comme si c’estoit un effet de generosité et de confiance. Cet exemple fait dire publiquement que le Régent qui fut fait vicomte au premier voiage, s’en reviendra marquis en ce second. S’il y eut esté retenu la premiere fois, l’on n’eut pas ressenti cette année les effects de la faction »[241].
Marca donne également une interprétation très précise des discours tenus par le Régent et ses alliés contre les gouverneurs français : Fontanella veut persuader la cour que la perte de la Catalogne est due aux vexations faites par Sainte-Colombe et par Marca qui l’a appuyé ; selon lui, ce sont en fait les troupes du comte d’Ille, au retour d’une opération dans le royaume de Valence, qui ont semé la désolation dans la Castellania d’Amposta et porté les peuples au désespoir. Il faut garder Fontanella à Paris, « le laisser languir quelque temps », et lui donner une charge (fantoche, bien sûr) de conseiller d’Etat, ce qui permettra de mieux le limoger.
« Apres qu’il en aura pris possession l’on pourra envoier les provisions de l’office de Regent à un officier de l’audience soubs pretexte de la necessité qu’il y a que le Regent exerce la charge de conseiller d’Estat pour les affaires de la Catalogne. On n’en executera que mieux la revocation de tous les dons des biens confisquez. Si l’on vouloit traitter l’affaire comme le Regent merite et que la reputation de l’auctorité du Roy desireroit, il faudroit lui faire son proces »[242].
En ce début de novembre 1650, aux lendemains de la nouvelle du siège de Tortosa par les Espagnols, les circonstances semblent enfin donner raison aux visées de Marca, ce pourquoi il s’autorise dans cette lettre à Le Tellier à faire des recommandations si sévères contre le Régent, avec quelque raison d’aboutir. Son idée que le limogeage déguisé de Fontanella favorisera « la revocation de tous les dons des biens confisquez » fait même état d’un optimisme, voir d’une certitude à ce sujet, pourtant mis en attente depuis des mois par la cour, d’abord sous prétexte d’attendre l’avis des Consistoires et désormais, après avoir reçu une demande proche de la part du Conseil de Cent, sans vrai raison valable. L’optimisme de Marca est relayé dans un document très intéressant, émanant d’un milieu tout à fait étranger à la Catalogne. Pendant la période de la Fronde, à la manière de Pujolar pour la Catalogne (qui le fit jusqu’à sa disgrâce en 1648, avant l’éclatement de la Fronde), des parisiens aujourd’hui anonymes rassemblaient des nouvelles des quatre coins de la France dans une sorte de « noticiaire », un peu comme les actualités d’aujourd’hui. Des registres en existent à la Bibliothèque nationale, heureusement transcrits par les soins de l’historien Orest Ranum, sur son site internet personnel. Ces sources importantes pour la Fronde parlent subsisidiairement de la Catalogne, principalement des évènements militaires, mais aussi des circonstances politiques. Des nouvelles de Barcelona du 1er novembre 1650, restranscrites dans une lettre de Paris du 18, donnent ainsi une version toute particulière des évènements contemporains…
« On escrit de Barcelonne du premier du courant que la ville de Tortose estoit fort pressée par les ennemis, et que le duc de Mercoeur avoit tenu conseil avec les principaux de Catalougne à Sainte Colombe pour desliberer sur ce qu’on devoit faire là dessus; et qu’il avoit esté resolu qu’on assembleroit promptement les milices du pays pour tascher de secourir la place. Les Cathalans avoint receu une revocation que leur ambassadeur leur avoit envoyé de la Cour de tous les dons qui avoint esté faitz des biens confisqués de ce pays là, afin de les employer aux despenses de la guerre, laquelle revocation neamoings ne devoit avoir lieu qu’apres l’expedition de Tortose.
Le Roy a mandé en Cour le regent Fontanelle, Cathalan, pour l’envoyer à la negotiation de la paix generalle qu’on parle de mettre de nouveau sur le tapis, afin qu’il y desduise les interestz de Catalogne »[243].
De toute évidence, la « revocation que leur ambassadeur leur avoit envoyé de la cour » procède d’une nouvelle rumeur. Elle n’est pas totalement sans fondement, car Marca peut au même instant croire que la révocation interviendra, et que l’appel du Régent à la cour la facilitera (appel dont les affaires diplomatiques, rappellons-le, ne sont que le prétexte officiel). Toutefois, aucune source ne permet d’accréditer autrement l’envoi d’un tel acte en Catalogne par un « ambassadeur ». D’ailleurs, le manque de précision de l’expression « leur ambassadeur » ne permet pas de savoir s’il s’agirait de Narcís-Ramon March (ambassadeur des Consistoires) ou de Felip de Copons (ambassadeur du Consell Reial), présents simultanément à Bordeaux et repartis vers le 24/25 septembre ; ou encore de Josep d’Ardena, parti vers la cour aux premiers jours d’octobre (sans la qualité d’ambassadeur, simplement chargé de lettres des Consistoires), mais qui, comme Fontanella quelques jours après, devra rejoindre Paris après qu’elle a quitté Bordeaux aux lendemains de la soumission de la ville. On a vu plus haut les instructions de Copons, la réponse du roi au mémoire de March, elles ne contiennent pas de référence directe à la révocation. C’est Ardena qui porte pour la première fois cette revendication de la part du Conseil de Cent. Mais il est douteux de penser que ce gentilhomme, possesseur du titre de comte d’Ille, à l’instar du Régent vicomte, ait eu intérêt à la relayer à Paris. La simple évocation au « noticiaire » d’une rumeur de révocation des donations de biens, précisant que ce serait « afin de les employer aux despenses de la guerre », montre que l’opportunité d’une telle décision était tenue pour certaine dans une partie des milieux barcelonais, et que les Français ne pouvaient l’ignorer.
La suite des évènements militaires conditionne la fin de la vice-royauté de Mercoeur. Ce dernier, durant tout le mois de novembre, essaye de rassembler des forces pour secourir Tortosa, car rien ne vient de Paris. Il demande à la ville de Barcelona de faire une levée d’hommes. Un tercio barcelonais part ainsi le 14 novembre, vers la Conca de Barberà. Parallèlement, il organise un convoi maritime, mais ce dernier est vite défait le 24 novembre devant Cambrils. La ligne de protection Àger – Tremp – Balaguer – Arbeca – Cervera est à deux doigts de tomber[244]. Mais pour Marca, la mauvaise politique double ces déconvenues. Le 30 novembre, il demande une nouvelle fois son congès à Le Tellier. En effet il vient d’apprendre, par l’indiscrétion d’un membre de la maison du duc de Mercoeur, que ce dernier a reçu une lettre de Mazarin où il attribue la défiance de Marca contre Fontanella et Ardena à son aigreur contre les bienfaits qu’ils ont obtenu. Marca voit dans ce revirement du cardinal l’effet d’un artifice d’Orange, d’autant que Fontanella est désormais arrivé à la cour et peut travailler à gagner les cœurs par la flatterie, comme il sait si bien le faire. Pour lui, le cardinal raisonne à l’envers en croyant qu’Ardena et Fontanella vont être contraints à la fidélité par la concession de ces bienfaits.
On les croit fidèles « parce que les biens faicts dont ils ont esté comblez ne peuvent permetre que l’on ayt aucun mauvais soubçon contr’eux, et qu’il n’y a point d’apparence qu’ils se fiassent aux Espagnols ni qu’ils traittassent avec eux, sinon qu’ils vissent les affaires de France en deroute dans la Catalogne. Ils ne sont pas sy sots d’attendre cette extremité pour traitter pour lors de leurs interests. Ils ne tienent pas nos bienfaicts asseurez, que la paix leur ostera si la guerre ne les en prive plus tost, et croyent leurs recompenses bien seures quoi que peut estre moindres si les affaires tournent du costé d’Espagne, dont ils doivent conserver la bonne voilonté »[245].
La reddition de Tortosa, survenue le 4 décembre 1650, porte ouverte à la fin de la Catalogne française, délie les langues et autorise beaucoup de personnes jusque-là timides à parler contre les Français, contre la cour qui abandonne la province, contre les troupes, contre le vice-roi accusé de n’avoir tenté aucun secours de Flix et de Tortosa, contre les officiers de l’Audience « parce qu’ils ne rendoient justice et avoient pris une partie des biens confisqués ». Les Consistoires prennent la résolution d’écrire contre les désordres du gouvernement, les vexations des soldats et des gouverneurs, le mauvais ménage des finances, la négligence à secourir les places. Pendant les jours qui suivent la nouvelle de la reddition, ils se réunissent entre eux à travers diverses juntas et ambassades, et décident de remettre leurs lettres au Régent Fontanella, qui lors de son départ s’était proposé comme intermédiaire privilégié avec les souverains[246]. Marca fait une visite aux Consistoire le 7 décembre, et justifie la politique française sur tous les points soulevés : on n’a pas pu secourir les places faute de vivres, le bruit que la France désirait ces pertes dans le dessein d’abandonner la Catalogne doit être dissipé. Mais la seule conséquence de son initiative est que les Consistoires, considérant que Marca ne soutient pas leurs plaintes, se réunissent conjointement avec le Consell Reial. Ce rapprochement des trois corps est inédit, c’est une particularité de l’année 1650 : ils se réunissent constamment en ce qu’ils appellent la « Junta gran ». Ce sont donc les trois qui décident enfin d’envoyer conjointement leurs dépêches à la cour par l’intermédiaire de Fontanella. Pour Marca, c’est illégal car le Consell ne dépend que du vice-roi, et ne doit rendre de comptes qu’à lui. Mais ses récriminations sont de peu d’effet[247].
Toutes les mesures prises par Mercoeur dans ses derniers moments à Barcelona apparaissent donc comme un maigre pis-aller : révocation du privilège donné aux mercaders afin de leur donner les mêmes prérogatives que les nobles – ce volte-face n’annulant absolument pas les conséquences désastreuses du décret dans l’esprit des membres de l’estament militar –, rémissions ponctuelles accordées à d’anciens suspects dont la conduite a été bonne[248] – alors que le vice-roi, conformément à ses instructions, n’a pas ce pouvoir … Rentré à Barcelona le 12 décembre, Mercoeur décide immédiatement de passer en France, pour rendre compte au roi de l’état de la province, mais sans doute davantage pour concrétiser enfin son projet de mariage avec Laura Mancini-Mazarini. Officiellement, Mercoeur est censé revenir ensuite en Catalogne, mais cela ne se fera pas. Il quitte Barcelona le 17 décembre 1650[249]. Après cette date, Marca reste une nouvelle fois seul sur place, dans une situation plus critique que jamais : Barcelona se trouve désormais à la frontière car Balaguer, Cervera et Àger sont très loin, et que rien n’empêche plus une armée espagnole de fondre sur la ville. Pour la protéger, il n’y a plus que 2000 soldats français, sans armes, sans munitions, logés dans des localités dépouillées. L’armée, impayée depuis 1648, s’est dispersée aux deux tiers[250]. Dès le départ de Mercoeur, Marca adresse à la cour plusieurs grands écrits où il dresse un tableau général de ce que fut cette vice-royauté. Dans l’un deux, un mémoire destiné probablement au roi, il fait état du retournement probable de plusieurs grands serviteurs de la France du côté des ennemis, comme le doyen Pau del Rosso, qui aurait été suborné par les Espagnols et influencé par un neveu venant de quitter la Sardaigne[251]. Quelques jours plus tard, il n’hésite pas à écrire à Le Tellier à son propos : « c’est un avare, ambitieux, estourdy, et bastard et partant capable d’une action infâme. Neantmoins je n’oserois point assurer qu’il se soit jeté dans l’infidelité »[252]. Il faut dire que le doyen était l’un des principaux créanciers de Marca, qui avait dû emprunter pour vivre dans la province, n’étant effectivement payé ni sur le trésor de l’épargne, ni sur les biens confisqués de Catalogne.
Dans la même lettre, il conclut sur l’attitude personnelle de Mercoeur, responsable d’une partie des déconvenues : c’est un bon prince, de fort bon naturel, mais « sa bonté lui nuit aussi en ce que, se trouvant pressé par les importunitez des demandeurs, il se porte à complaire à leurs désirs, et révoque ses premieres resolutions pour contenter le dernier ». Il n’a pas suivi les conseils de Marca de réunir la vieille Junta Patrimonial. Pau del Rosso, qui jadis soutenait Marca dans ses accusations contre Ardena et Fontanella, a surtout changé à cause de l’évêque d’Orange, qui a réussi à lui faire obtenir par Mercoeur, afin de le gagner à son parti, une pension de 2000 écus. Le duc n’a pas agi par méchanceté ou animosité, contrairement à Harcourt et Schomberg, mais par pusillanimité et timidité. Après avoir d’abord exercé sa fonction avec détermination, donnant de son propre chef des biens confisqués, il a été échaudé par les remous que cela soulevait, et a préféré abandonner une partie de son pouvoir au Consell Reial, qui jusque-là ne détenait qu’une autorité secondaire.
« Il a reconnu ce defaut par les plainctes que les interessez lui ont faictes, et pour y remedier, il s’est porté à une autre extremité qui est d’abandonner l’auctorité de sa charge entre les mains des docteurs du Conseil, consultant quelquefois les affaires du gouvernement avec eux seuls, et enfin leur ayant declaré qu’ils n’eussent esgarde à ce qu’il signeroit, sinon tout autant qu’ils le jugeroient raisonnable. Ce qui a donné lieu à l’ordre qu’ils ont prescrit au docteur Queralt, Regent, et au tresorier Bru, de ne viser aucun decret de grace sans qu’il eut esté examiné par le Conseil.
Ce procedé confond l’autorité du viceroy avec celle du Conseil Royal, qui de juge entre les parties devient un Conseil d’Estat, et tâche de s’establir en Parlement.
[…]
Et comme mon humeur n’est pas de m’ingerer, ni mon mestier de faire le soliciteur des parties, les graces ont esté expediées sans mon sceu, pour le don des biens confisquez, privileges, offices, et tout ce qui regarde le gouvernement politique, excepté trois ou quatre affaires qui ont reussi suivant mes avis avec beaucoup d’honneur pour M. le viceroy. M. l’evesque d’Orange, le Regent et le comte d’Ille ont emporté par violence tout ce qu’ilz ont demandé ».
Dans le contexte de la Fronde des princes, que le Parlement commençait à rejoindre sous l’effet des libelles et de la propagande parisienne contre le cardinal, la faiblesse que Mercoeur avait eu de transformer le Consell Reial en véritable petit parlement prenait une signification particulière. A ce stade, on peut dire que l’ensemble des institutions catalanes et une bonne partie de l’opinion sont retournées contre le gouvernement français. Désormais, une frange plus grande encore de la société catalane, qui comprend toutes les institutions ayant du poids, est fortement favorable à la révocation générale des donations :
« Les deputes et les conseillers de la Cité, et tout le peuple, desirent avec passion la revocation generale des dons des biens confisqués, dont ils disent que le Roy se peut servir dans la necessité presente. Il est juste de leur donner cette satisfaction, suivant les memoires qui ont esté envoyés sur ce sujet »[253].
Mais cette opinion semble désormais, plus que jamais, à double tranchant, car la lenteur mise par la cour à prendre une décision sur ce sujet semble avoir usé la patience des Catalans.
[1] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p. 273.
[2] SHD, A1 108 (fol.205-206v), Lettre du roy a monsieur don Joseph Marguariht pour le meme sujet [i.e. départ de Schomberg pour les eaux] et pour luy donner le pouvoir des Regalies en Catalogne en l’absence du viceroy, 20 décembre 1648. Suit la lettre adressée à Marchin…
[3] RANUM, La Fronde…, p. 203-206.
[4] RANUM, La Fronde…, p. 206-212.
[5] BNF, Français 4204 (fol.6v-7v), Lettre de Le Tellier à Marca, 11 janvier 1649.
[6] BNF, Français 4204 (fol.57-58), Lettre de Le Tellier à Marca, 20 février 1649.
[7] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p. 274. « Significativament durant aquells primers moments de la Fronda […] Marca va realitzar per encàrrec reial un projecte de reglament de l’estatut de virrei, on, igual que el 1645, es tractava de limitar el poder real del virrei en el terreny de la gràcia. La justificació d’aquesta reforma era que « ceux qui ont este establis Vicerois pour le gouvernement de ladite province ont excedé les termes de leur pouvoir en plusieurs choses de grande importance« . Una mesura que reflectia la preocupació de la Corona que el virregnat català esdevingués una plataforma al servei de la revolta aristocràtica ».
[8] BNF, Français 4218 (fol.14v-18v), Lettre de Marca à Le Tellier, 13 janvier 1649.
[9] BNF, Espagnol 337 (fol.453-456v), Minute d’arrest de reglement ou declaration, 13 janvier 1649 (date de la lettre à Le Tellier). Il s’agit d’un original du document (celui envoyé au chancelier Séguier ? la présence dans la collection de l’ancienne abbaye de Saint-Germain-des-Prés le laisse penser), mis au propre de la main du secrétaire de Marca, Pierre Dupin, avec des annotations de sa main.
On trouve aussi la copie du texte dans les registres de correspondance de Marca : BNF, Français 4218 (fol.18v-27v), Projet de règlement dressé et envoyé par M. de Marca sur le pouvoir des vicerois de Catalogne avec sa dépêche du 13 janvier 1649.
[10] Voyez supra : Première partie, II. 1. et 2.
[11]J. Sanabre, pas plus que, récemment, S. González Ruggieri et D. Aznar ne se sont posés la question d’une éventuelle application des divers projets législatifs de Marca, se contentant de les citer comme d’importantes étapes politiques. On ne doit cependant pas attribuer à ces projets, dont l’intérêt est certain et que nous commentons également avec le plus de soin possible, de retentissement autre que dans l’évolution personnelle de Marca. Ils témoignent de ses réflexions sur sa propre expérience, et des solutions qu’il préconisait, mais ne dépassent pas ce cadre restreint. D’ailleurs, les réactions de Le Tellier sont peu nombreuses, celles de Séguier et d’autres ministres semblent inexistantes – mais cela reste sans doute à trouver.
[12] SANABRE, p. 432-435.
[13] LAZERME Inédit (Monfar). Joan-Baptista Monfar-Sors i Cellers, fils d’Estève Monfar-Sors, docteur en droits et ciutadà de Barcelona, et de Paula Cellers i Palau, petit-fils d’un notaire et scrivà major del General de Catalunya, Josep Cellers, était le frère de Diego Monfar-Sors i Cellers, archivaire de l’Arxiu Reial de Barcelona de 1641 à 1648. Cette famille, sans doute d’origine marchande, s’était alliée dans la première moitié du XVIIe avec la vielle noblesse en la personne d’Eugenia Monfar i Cellers, sœur des personnages précités, qui épousa en 1628 Joan d’Erill i de Marlés, baron d’Aramprunya et Castelldefels.
Joan-Baptista Monfar, né vers 1600, se pourvut lui-même du doctorat en droit. Il avait épousé en premières noces le 1er septembre 1630 (Antic Servat major, notaire de Barcelona, fol.703-707) Maria Callavet i Monras. Après avoir été ambassadeur à la cour de France en 1650, il revint à Barcelona, et se soumit à l’obéissance d’Espagne après 1652. Il épousa en secondes noces le 6 avril 1659 (Bartomeu Plea et Jaume Sayos major, fol.8 et suivants) Ana-Maria Pi i Rossell. Il avait eu de son premier mariage deux enfants, d’où une postérité masculine qui subsista jusqu’au XVIIIe siècle.
Le réseau de parenté des Monfar est davantage lié aux grandes familles de Catalans profrançais par le biais de son frère cadet Diego, l’archivaire, qui avait épousé vers 1630 Magdalena Pobla i Bru, nièce du trésorier de Catalogne Jaume Bru i Granollachs, nièce par alliance du juriste Acaci de Ripoll i Mas, et cousine germaine d’Eulàlia Bru, mariée à Garau de Alemany qui exerça la charge de trésorier par intérim. Diego Monfar était l’auteur d’une Historia de los condes de Urgel. Il remit sont testament le 12 octobre 1649 à Jaume Rondo, notaire de Barcelona (fol.196-199v).
Le patronyme « Monfar » est souvent orthographié à tort « Monfort » ou « Montfort ».
[14] AMAE, CP Espagne 29 (fol.193-198v), Supplique des Consistoires présentée au roi par leur ambassadeur, Joan-Baptista Monfar, 5 janvier 1649. Voir édition : Document n°30.
Il ne s’agit pas, contrairement à ce qui est indiqué par un libellé d’époque, d’une supplique des seuls députés, mais bien des deux Consistoires, au nom desquels Monfar signe à la fin du document. Cette supplique est un relevé du contenu des instructions données à Monfar dans les premiers jours de janvier 1649 (Dietaris…, vol. VI, p. 320).
[15] Voir supra : Deuxième partie, II. 1., pour les premiers conflits avec la Generalitat autour des confiscations qui lui revenaient. Sous Schomberg, le problème s’était réouvert avec le cas Marsin, que nous avons évoqué supra : Troisième partie, I. 2.
[16] Les seules archives qui nous soient parvenues de cette trésories sont des registres de quittances établies au nom du trésorier Bru, qui ne nous donnent pas de détails sur les techniques de gestion des caisses (voir supra : Première partie, III., 2.).
[17] Voir supra III., I., 2.
[18] Voir notre partie sur les chicanes judiciaires : Deuxième partie, II. 3. ; et, plus loin, une évocation des projets de Marca pour mettre au fin au procès de Santa Coloma : Troisième partie, III. 1.
[19] AMAE, CP Espagne 29 (fol.199-203), Lettre du Conseil Royal de Catalogne au roi, 18 janvier 1649. « Dichos governadores se toman de su propria auctoridad y sin pertenecerles los drechos de las universidades y haziendas de particulares que ni son confiscadas, ni de enemigos de V.M., sino de sus fieles vassallos y servidores en grande escandalo y descontento publico […].
En septimo lugar se dize que en estas mesmes instrucciones podria V.M. servirse de prohibir a dichos Virreyes la alienation del Real patrimonio de V.M. y en indiviuo que no hagan gracias sobre la Real thezoreria, ni drechos del sello Real de V.M. ni concedan futuras successiones de officios, porque lo primo destruye el real patrimonio de V.M. que es tan tenuo en esta Provincia, y lo segundo quita las speransas y causa desconsuelo a los que speran premio de V.M. […]
En nono lugar se suplica a V.M. sea servido ordenar a los Virreyes tengan la mano en que los censo y deudas de los bienes confiscados se paguen ».
[20] Nous avons restitué ici le « eu », absent de la transcription, mais qui semble manquer pour que la phrase ait un sens.
[21] BNF, Français 4218 (fol.33v-41), Lettre de Marca à Le Tellier, 20 janvier 1649.
[22] BNF, Français 4218 (fol.48v-50), Lettre de Marca à Le Tellier, 3 février 1649.
[23] Dietaris…, vol. VI, p. 986, Lettre du roi aux députés de la Generalitat (transcription), 20 décembre 1648. « Messieurs, La satisfaction que vous me tesmoignez avoit eue de l’eslargissement de messieur de La Motte ne m’a point surpris dans la connoissance que j’ay de l’affection que vous avés tousiours eue pour luy […] ».
[24] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p. 273. « […] de fet havia esdevingut un afer perillós per a la Monarquia. El primer ministre esperava recomençar sobre una nova base les seves relacions amb el mariscal […]. Manifestament el control del ducat de Cardona estava lligat a l’administració reial del Principat. La renúncia de la Corona al ducat, imposada per consideracions pròpies a la política interior francesa, comportava que el seu titular assumís la càrrega financera del govern i la guerra de Catalunya ».
[25] BNF, Baluze 254 (fol.126v-127v), A monsieur de Marca pour luy donner part de la rebellion du mareschal de la Motte, d’en informer les Consistoires et de remettre en sequestre les revenus du duché de Cardonne (à Saint-Germain-en-Laye), 17 janvier 1649.
On trouve aussi ce texte en SHD, A1 114 (fol.35v-37).
[26] Dietaris…, vol. VI, p. 992, Lettre de Le Tellier aux députés de la Generalitat, 15 janvier 1649 (lue et transcrite le 23 janvier). Il s’agit d’une traduction de la lettre originale : « […] los quals són junt a sas magestats ab tots los prínceps, duchs, pars y officials de la corona, y que tots se emplean unànimament per contribuhir a fer-li rendir la obediència que li és deguda. Jo crec també que importa que vosaltres sçapiau que encara que lo anar-se’n lo rey hage excitat rumor dins París, no-res-menys lo cos de la ciutat vingué ahyr en aquest loch a protestar de sa fidelitat y obediència envers sas magestats. Al mateix temps, la cambra dels comptes y la cort dels Aydes han fet lo semblant per llurs deputats. Y lo parlament de Ruan ha enviat officials de sa companyia a donar iguals seguransas, de manera qu’es veu de totas parts una entera disposició a concórrer en mantenir la aucthoritat real y al bé del Estat […]. Vosaltres teniu tot subjecte estar-ne en repós […] ».
[27] BNF, Français 4218 (fol.51v-54), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 février 1649.
[28] BNF, Français 4218 (fol.68-70v), Lettre de Marca à Le Tellier, 1649 (la date indiquée, 7 février, est fausse).
[29] BNF, Français 4204 (fol.57-58), Lettre de Le Tellier à Marca, 20 février 1649. Les courriers du roi, et ceux venant des Consistoires et de Goury à Barcelona ont été « tous pris par ceux de Paris, a quatre lieues de ladite ville où ils sont retenus avec leurs despesches ».
[30] BNF, Français 4218 (fol.54v-55),
[31] SANABRE, p. 434-435.
[32] Il s’agit probablement d’un prête-nom ou d’un homme de paille, pratique courante des compagnies de traitants et de partisans sous le règne de Louis XIII et sous la régence d’Anne d’Autriche.
[33] Voir supra : Première partie, II. 2.
AMAE, CP Espagne 21 (fol.483-484v), Supplique des conseillers du Conseil des Cent de Barcelona, (1644).
[34] BNF, Français 4218 (fol.55-57v), Lettre de Marca à Le Tellier, 20 février 1649.
[35] BNF, Français 4218 (fol.58v-63v), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 février 1649.
[36] BNF, Français 4218 (fol.58v-63v), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 février 1649.
[37] BNF, Français 4204 (fol.91v-94v), Lettre de Le Tellier à Marca, 20 mars 1649.
[38] SHD, A1 114 (fol.249-249v), Lettre du roy au lieutenant du Mestre Rationnal de Catalogne pour establir monsieur le maréchal de la Motte en la jouissance du duché de Cardonne, 7 avril 1649.
[39] SHD, A1 114 (fol.282v-284v), Lettre de la main de monsieur Le Tellier a monsieur de Marca, évesque de Couserans, touchant le don fait a monsieur Joseph Margarit, 23 avril 1649. « […] Il est vray que le docteur Civille a proposé d’antidater l’expedition en sorte que sans revocquer expressement la donnation du Mar.al de Schomberg le don qui auroit esté fait par le Roy aud. Sr don Joseph de cette seigneurie n’eut eu son effet, mais la chose ayant eclatté le sieur La Contour ainsy que Mons de Charmoy secretaire de mond. Sr de Schomberg luy en ayt fait parler avec instance, l’on a cru que le don dud. sieur gouverneur n’ayant point paru jusques icy ce serit faire le meme desplaisir a Monsieur de Schomberg de comprendre la Portella dans le don en l’entidatant que si l’on revocquoit expressement ce qu’il a donné ».
[40] BNF, Français 4218 (fol.33v-41), Lettre de Marca à Le Tellier, 20 janvier 1649.
[41] AMAE, CP Espagne 29 (fol.207-209v), Lettre de Marchin à Mazarin, 12 mars 1649.
[42] BNF, Français 4218 (fol. 65v-66), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 mars 1646.
[43] AMAE, CP Espagne 29 (fol.211-212v), Lettre de Margarit à Mazarin, 4 avril 1649.
[44] AMAE, CP Espagne 27 (fol.523), Lettre de Mazarin à Schomberg, 3 décembre 1648. Voir le rôle (ou le non-rôle) de Fontanella dans les négociations de paix : supra : Deuxième partie, III. Et surtout Deuxième Partie III. 3. pour son voyage à la cour fin 1648.
[45] Sur les circonstances de l’obtention de cet usufruit, voir supra : Deuxième partie, I. 2.
[46] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.302-303), Lettres de noblesse en faveur de Josep Fontanella (signé Le Tellier, visa Séguier, visa Barutell, visa Bru ; transcription), avril 1649. On trouve un second enregistrement : ACA, Cancilleria, Intrusos 122 (fol.251-251v). Les deux ont été, dans leurs registres respectifs, intercalés entre des actes datant de juillet et de décembre 1650.
Voir aussi les registres de la Procuracio Reial dels Comtats de Roussillon et de Cerdagne (ADPO, 1 B 394, fol. 133-133v).
[47] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.303v-305), Lettres patentes de don de la vicomté de Canet à Josep Fontanella (signé Le Tellier, visa Séguier, visa Barutell, visa Bru ; transcription), avril 1649.
La minute originale de cet acte est conservée dans les archives du secrétaire d’Etat de la guerre : SHD, A1 112 (n°351).
On trouve aussi l’enregistrement du don dans les registres de la Procuracio Reial dels Comtats de Roussillon et de Cerdagne (ADPO, 1 B 394, fol.132-133).
Le lecteur trouvera une édition de cet acte : Document n°4.
[48] La difficulté rencontrée à gratifier le Gouverneur Margarit sera abordé infra : Troisième partie, III. 1.
[49] SHD, A1 112 (n°349), Lettres patentes contenant don en faveur de Don Carles d’Alemany de Bellpuig de tous les biens ayant appartenu à Don Ramon Çagarriga confisqués au roi, avril 1649 (minute originale).
[50] SHD, A1 112, n°350, Assignation de 2000 livres de pention au sieur Marti pour luy tenir lieu de ses gages de conseiller d’Estat, sur les droicts de lots et ventes et autres droicts royaux en Roussillon, et au deffaut d’iceux sur ceux provenant du sceau en Catalongne, les charges ordinaires lesdicts droicts prealablement acquittées (à Saint-Germain-en-Laye ; minute originale de la main du docteur Martí, retouchée par un commis), 24 avril 1649.
[51] SHD, A1 112 (n°354), Lettres patentes contenant don en faveur de don Joseph de Ardena d’une portion de la terre et seigneurie de Darnius et érection de lad. Terre en baronnie (minute), mai 1649.
[52] SHD, A1 112 (n°352), Déclaration du roi portant que Don Joseph de Ardena et ses enfants mâles et femelles procédés en loyal mariage et ligne directe seulement jouiront à perpétuité de la terre et comté d’Ille qui avait été donné par S.M. aud. don Joseph de Ardena par les lettres patentes expédiées à ce sujet au mois de décembre 1645 (minute), 9 mai 1649.
Voir supra l’opposition entre Josep d’Ardena et la communauté d’Ille : Deuxième partie, II. 2.
[53] SHD, A1 113 (n°284), Lettres patentes contenant don en faveur de Joseph d’Ardena et ses enfants de 6000 l. de pension (minute), 23 mai 1649.
[54] SHD, A1 112 (n°353), Brevet portant don en faveur du sieur Francisco Mostaros de l’usufruit de la baronnie de Pons jusqu’à la concurrence de la somme de 3000 l. par an (minute), 12 mai 1649.
[55] BNF, Français 4218 (fol.96-96v), Lettre de Marca à Le Tellier, 28 avril 1649. « Dom Philippe Copons, desgouté d’estre du Conseil Royal ou il croid que personne ne pourra resister a M. le Regent augmenté du titre de vicomte, desire se retirer en un autre Chambre, ou quitter entierement l’emploi : surquoi je ne scai ce que je dois conseiller ».
[56] BNF, Français 4218 (fol.74v-84), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 avril 1649. Voir édition : Document n°21.
[57] Voir la question de la paix supra : Deuxième partie, III.
[58] BNF, Français 4203 (fol.404v-409), Lettre de Le Tellier à Schomberg, 4 décembre 1648.
[59] BNF, Français 4218 (fol.74v-84), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 avril 1649. Voir édition : Document n°21.
[60] Voir supra. AMAE, CP Espagne 29 (fol.193-198v), Supplique des Consistoires présentée au roi par leur ambassadeur, Joan-Baptista Monfar, 5 janvier 1649. Voir édition : Document n°30.
[61] SANABRE, p.434.
[62] BNF, Français 4218 (fol.74v-84), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 avril 1649. Voir édition : Document n°21.
[63] AMAE, CP Espagne 29 (fol.228-228v), Lettre de Fontanella à Mazarin, 6 mai 1649. Etant resté 5 mois à la cour, il n’a pu repartir jusque-là, mais s’apprête à le faire.
[64] CAPDEFERRO, Joan Pere Fontanella…, p. 108. « És ben sabut que Joan Pere Fontanella neix poc abans del 21 de juliol del 1575 a la puixant Olot […] en el si d’una família de paraires força activa en el govern de la vila ».
On trouve aussi dans un autre mémoire de Marca (BNF, Français 4219, fol.100-112v, Memoire sur les divisions de Catalogne et du remede qui s’y peut aporter, classé au milieu de documents de 1650) : « on a donné au Regent petit fils d’un cardeur de laine le vicomté de Canet de douze mil livres de rente lors qu’on l’avoit appellé a Paris pour le tirer hors de cette province ».
[65] BNF, Français 4218 (fol.106-109), Lettre de Marca à Le Tellier, 12 mai 1649.
Voir le procès de Santa Coloma : dans les années 1645-1646 supra : Deuxième partie, II. 3.; et sous l’interrègne de Marca, avec les solutions ingénieuses qu’il imagine également pour garder ce patrimoine dans les mains du roi : infra Troisième partie, III. 1.
[66] Voir supra la supplique de l’ambassadeur. AMAE, CP Espagne 29 (fol.193-198v), Supplique des Consistoires présentée au roi par leur ambassadeur, Joan-Baptista Monfar, 5 janvier 1649. Voir édition : Document n°30.
[67] BNF, Français 4204 (fol.215-220), Lettre de Le Tellier à Marca, 24 juin 1649.
[68] SHD, A1 114 (fol.381v-382v), Revocation des sauvegardes données par les Viceroys et Lieutenans generaux en Catalogne (à Compiègne ; copie), 28 mai 1649.
[69] SHD, A1 114 (fol.384v-385v), Lettre du Roy au Tresorier Jayme Brull pour acquitter les charges des confiscations de Catalogne prealablement a toutes autres despences (à Compiègne ; copie), 28 mai 1649. « Cher et bien amé, Nous ayant esté representé diverses fois et nouvellement encore de la part de nos chers et bien amés les depputés du Principat et conseillers de Barcelonne que l’on ne paye pas les charges ausquelles les biens qui ont esté confisqués a notre proffit en Catalogne sont sujets et que ce manquement cause plusieurs dommages a des communautés et particuliers dans la province et les oblige a faire des grandes plaintes […] ».
[70] SHD, A1 114 (fol.394-395v), Lettre du Roy aux conseillers de l’Audience Royale pour juger les procés meuz touchant les biens confisqués (à Compiègne ; copie), 1er juin 1649. « Nos amés et feaux, Nous ayant esté representé par l’ambassadeur de nos tres chers et bien amés les depputés du principat et conseillers de Barcelonne pres de nous qu’il y a plusieurs procés en notre Audience Royale pour la possession et jouissance des biens qui ont esté confisqués soit a cause des fideicommiz ou autrement, lesquels ne sont point jugés a cause de quelques mandements qui ont esté donnés pour les surceoir au prejudice des Constitutions ou pour autres considerations particulieres. Et desirant qu’ils soient au plus tot terminés, et comme il se doit en justice […] ».
Cet acte a été enregistré dans les registres de la chancellerie de Catalogne : ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.278v-279v),
[71] Les registres de la chancellerie de Catalogne en ont enregistré certaines : par exemple une à Josep Amat (ACA, Cancilleria, Intrusos 129, fol.136-136v, A notre cher et bien amé don Joseph Amat et Desbosch, 16 mai 1649) ou une autre à Ramon de Guimerà (ACA, Cancilleria, Intrusos 129, fol.136v-137, A nostre cher et bien amé Raymond de Guimera, 16 mai 1649), les deux expédiées en faveur d’Ana Vilalba i Pol, qui possédait deux pensions, l’une de 600 livres sur la baronnie de Pinos et Mataplana (donnée à Amat) et l’autre de 600 livres sur le comté de Guimerà (donné à Ramon de Guimerà). Ces deux lettres sont datées de Compiègne.
[72] SHD, A1 115 (fol.223v-224v), Lettre du Roy au Conseil Royal de Catalogne pour faire payer les charges estant sur les biens confisqués pour tout le passé et qu’il soit ponctuellement satisfait a l’avenir et que le procés pour raison de cela soient jugés sommairement (copie), 10 décembre 1649. « Nos amés et feaux, Nous ayant esté representé diverses fois par les depputés du Principat de Catalogne et les Con.ers de notre tres fidelle Ville de Barcellonne et de nouveau par leur ambassadeur pres de nous que les charges et rentes ausquelles les biens confisqués en Catalogne sont sujets et qui devront estre payées preferablement a toutes choses comme nous l’avons commandé par plusieurs ordres exprés ne sont point acquittées et que l’on forme journellement devant vous des procés sur ce sujet au grand dommage des creanciers desd. biens et de ceux qui ont quelques redevances ordinaires a prendre sur iceux ».
[73] SHD, A1 115 (fol.17v-24), Lettre de la main de Monseigneur Le Tellier a Monsieur l’Evesque de Couzerans sur plusieurs points concernant les affaires de Catalogne (copie), 22 juillet 1649. « Les Consistoires de la Ville et de la Depputation ayant chargé leur ambassadeur de faire plainte de ce que monsieur de Marsin jouit des rentes royalles de la ville de Tortoze et du pays voisin assignées a la ville de Barcelonne par le roy Alphonse en l’année 1424 en luy aliennant onze cent livres de rente dont ils soustiennent qu’il est deu a la ville plus de cent mille livres, et disent que ledit sieur de Marsin a saizi depuis peu soixante et six caisses de sel provenant desdites rentes de la valeur au moins de mil livres barcelonnoises dont ils demandent mainlevée, et qu’il soit ordonné aud. sieur de Marsin de laisser jouir ladite ville de Barcelonne desdites rentes et de rendre ledit sel ou la valeur d’iceluy.
Et d’autre part de ce que ledit Sr de Marsin possede des biens du territoire de Tortoze qu’ils pretendent leur appartenir se les estans appropriés durant l’interregne en avant que la province eust traittée avec le roy pour se sousmettre a son obeissance.
Sur ces deux points la reyne a resolu de vous faire adresser les despesches du roy pour led. Sr de Marsin qui sont cy jointes pour la satisfation des Consistoires, mais avec cette restriction que vous ne les donnerés a monsieur de Marsin qu’apres que vous aurés pris connoissance du fonds de ces deux affaires, et que vous aurés reconnu qu’il est juste de remettre les consistoires en possession de ces choses, de quoy elle se remet sur vous ».
La lettre à Sainte-Colombe : SHD, A1 115 (fol.50v-51v), Lettre de la main de Monseigneur Le Tellier a Mons.r de Ste Colombe Marins (copie), 10 août 1649.
[74] Il y a deux lettres missives du roi à Marsin : SHD, A1 115 (fol.24v-25v), Lettre du Roy a Monsieur de Marsin pour maintenir les depputés du Principat de Catalogne en la jouissance des biens confisqués dans le territoire de Tortoze (copie), 22 juillet 1649. SHD, A1 115 (fol.29v-30v), Lettre du Roy a Monsieur de Marsin pour laisser jouir la ville de Barcelonne des rentes royales de la Ville de Tortoze et du pays voisin,(copie), 22 juillet 1649.
[75] BNF, Français 4218 (fol.144v-148), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 juillet 1649.
[76] AMAE, CP Espagne 29 (fol.258-261), Lettre de Fontanella à Mazarin, 14 juillet 1649. « Todos los s.res del concejo me han venido a hallar esta manyana y pedirme escriviera a V.Em.a acerca de las mercedes que el sieur marischal de Schomberg hizo a algunos dellos, que dizen saben hay quien insta la revocacion, heme escusado por no cansar tanto a V.Em.a y ellos han resuelto escrivir a V.Em.a por la primera estafeta, donde V.Em.a podra ver sus razones, que verdaderamente senyor, yo no me pongo en querer conservar todas las gracias hechas por los Virreyes mas hazer instancias por la revocacion de las hechas a los ministros de su Mag.d no me puedo persuadir sea buen zelo, V.Em.a vera la estafeta que viene sus razones, que yo en ello no he de tomar partido alguno, sino lo que sera del gusto y voluntad de V.Em.a. ».
[77] BNF, Français 4218 (fol.130-135), Lettre de Marca à Le Tellier, 2 juin 1649. « On attend icy M. le Regent, qui n’a peu obtenir que ses lettres de Canet feussent verifiées ou visées par M. le Chancelier, parce que celuy ci durant la viceregia n’exerce point de jurisdiction et mesme n’entre point dans sa chambre, et ne jouit non plus de ses gages. Les conseillers de l’Audience, qu’il a consultez sur cette affaire, ont respondu qu’il ne pouvoit mettre le visa qu’en presence, et par l’ordre du Viceroy ».
[78] AMAE, CP Espagne 29 (fol.232-235), Lettre de Serroni à Mazarin, 9 juin 1649. Parlant de Margarit et Fontanella : « […] Non è possibile tenerle tutte due contente, perche ciasche una vorrebbe tutto per se, e quando una riceve qualche gratia, l’altra senza ricordarsi di quelle hà ricevuto, se da subito per disgustata, haviamo adesso il caso della grazia del Viscontato di Canet fatta al Reg.te Fontanella, il Margarit con la sua parte se ne è tanto offeso, che non hà voluto ne vederlo ne sentirlo ; e sparlano l’uno dell’altro […] ».
[79] BNF, Français 4218 (fol.130-135), Lettre de Marca à Le Tellier, 2 juin 1649.
[80] AMAE, CP Espagne 30 (fol.71-72v), Lettre de Fontanella à Mazarin, 21 juillet 1649. « […] en que, como escrivi a V.Em.a la estafeta pasada no tomo interes alguno ».
[81] BNF, Français 4218 (fol.165v-168v), Lettre de Marca à Le Tellier, 1er août 1649.
[82] SHD, A1 115 (fol.46v-47), Lettre du roy aux depputés du Principat sur les confiscations (copie), 9 août 1649.
Il a été écrit une lettre semblable aux conseillers de Barcelona, est-il noté dans le registre.
[83] SHD, A1 115 (fol.55v-56v), Lettre du roy au Conseil Royal de Catalogne touchant la demande qu’ils font de la revocation des graces faites a aucuns de leur compagnie (copie), 11 août 1649.
Le Tellier répond personnellement, de façon identique, à une lettre que le Conseil Royal lui a envoyé : SHD, A1 115 (fol. 56v-57), 11 août 1649.
[84] SHD, A1 115 (fol.57-59), Lettre de la main de monseigneur Le Tellier a M. le Regent de Catalogne en reponse des siennes touchant la demande de ceux du Conseil Royal de la revocation des dons des biens confisqués et autres points (copie), 11 août 1649.
[85] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p. 274.
[86] SANABRE, p. 439.
[87] SANABRE, p. 437.
[88] BNF, Français 4218 (fol.110v-124v), Lettre de Marca à Le Tellier, 19 mai 1649.
[89] Voir supra la conspiration de 1645 et ses implications
[90] BNF, Français 4218 (fol.130-135), Lettre de Marca à Le Tellier, 2 juin 1649. « Ce que je conclus est que si vous n’envoyez bien tost un viceroy, toutes choses sont en estat de se perdre, par le defaut de respect des officiers envers leurs superieurs, et par le peu de desir qu’ils ont de bien faire leur charge : et encore par l’irreverence du peuple envers le officiers, qu’ils mesprisent et haissent a cause des dons des biens confisqués et par une ynclination naturelle, qu’ils ont a haïr les magistracts ».
Le baron de Ribelles doit être Josep de Pons i Desvilaro (mort en 1655), fils de Gispert de Pons et de Maciana Desvilaro (LAZERME Inédit, Pons).
[91] AMAE, CP Espagne 29 (fol.230-231v), Lettre de Fontanella à Mazarin, 7 juin 1649. « Don Jusepe de Pinos es uno de los cavalleros mas principales de este Principado, bizarro por su persona, de los mas aparentados, y mejores amigos, y muy querido de todos, fue capitan de cavallos en el principe de las guerras, casosse al cabo de dos anyos, y dexò la campanyia y por huir de algunas persequtiones se fue a Genova, bolviò despues en tiempo del sr Principe, y ha servido de voluntario todas las campanyas, con la satisfaction que pueden informar a V.Em.a el sr Principe y el sor. Marischal de Schomberg, para continuar el servicio con major comodidad, encargò al conde de Illa quando fue a esta corte, supplicara a V.Em.a fuesse servido mandalle dar una commission para levantar un regimiento de cavalleria, que jusgo seria muy del servicio de sa Mag.d porque empenyaria muchas de las mejores familias al servicio, y desenganyado de que no puede ser por este anyo, dezearia la patente por agora, y levantaria el regimiento quando V.Em.a seria servido, (…) yo solamente dire que lo jusgo muy del servicio del Rey, y creo la jusgaron de la mesma suerte el sr Principe y el sr Marischal que le conocen ».
[92] AMAE, CP Espagne 29 (fol.238-240), Lettre de Fontanella à Mazarin, 9 juin 1649. « Llegue a esta ciudad miercoles passado a donde fui recebido con el major aplauso que se podia esperar, que hasta hoy apenas he podido salir de casa, no ha havido persona de la de major calidad o puesto, a la mas baxa, que no me habia visitato, y dado grandes demonstraciones de alegria de la merced que su Mag.d por medio de V.Em.a ha sido servido hazerme, solo el sr Governador ha querido asenyalarse, que hasta hoy no le he visto, con nota universal de todos, mas por complur con lo que V.Em.a me mandó al partir, no he hecho dello sentimiento alguno, y a algunos que me han hablado de la materia he respondido de suerte, que no me han podido conocer decubrimiento alguno, con que V.Em.a siendo servido se podra desenganyar de lo que yo le ofreci, de que mi proceder no ocasionava encuentros, antes procuraria evitallos, pues estando en St Germain todas las vezes que los hijos del s.or Governador o su preceptor vinieron de Paris, les hospede en mi casa, y los traté como huviera hechos los hijos de mi major amigo, y el s.or Governador buelto acà haze demonstraciones de enemigo, no hare yo ningunas, antes passare por todas, por obedecer los ordenes que V.Em.a ha sido sevido darme ».
[93] AMAE, CP Espagne 29 (fol.242-244v), Lettre de Fontanella à Mazarin, 12 juin 1649. Il parle d’une lettre qui est venu à ses mains d’Aleix de Gilabert adressée à Francesc de Sagarra, et dont il prend soin d’envoyer une copie au cardinal. Fontanella se demande ce qu’il faut faire, s’il ne serait pas astucieux de remettre la lettre à Sagarra par un inconnu et de voir s’il répond et comment il réagit. Il attend les ordres du cardinal.
[94] AMAE, CP Espagne 29 (fol.258-261), Lettre de Fontanella à Mazarin, 14 juillet 1649. Il se récrie que les deux docteurs nommés aux places vacantes de l’Audience, Ginebreda et Monfort, ne correspondent pas entièrement à ceux qu’avait proposé Schomberg avant son départ (Ginebreda et Pastor) ; selon lui c’est rabaisser l’autorité des vice-rois, et c’est un coup de Marca dont le procédé est de faire comprendre qu’il est plus puissant à la cour que les vice-rois. Il se plaint que depuis la soumission à la France, on n’a choisit presque aucune personne des ternes fournies par les docteurs, ce qui déplait au Conseil. Il propose de nommer aux places de jutge de Cort qui vaquent Gabriel Antoni Bosser « que es lindissimo estudiante y sobrino de mi mujer »…
[95] SANABRE, p. 439-440.
[96] BNF, Français 4218 (fol.300-301v), Lettre de Le Tellier à Marca, 28 août 1649.
[97] AMAE, CP Espagne 29 (fol.281-282), Lettre de Fontanella à Mazarin, 4 septembre 1649.
[98] Voir supra : Deuxième partie, I. 2.
[99] AMAE, CP Espagne 29 (fol.286-288), Lettre d’un militaire français (Noailles ?) à Mazarin, 11 septembre 1649.
[100] BNF, Français 4218 (fol.208v-213v), Lettre de Marca à Le Tellier, 8 septembre 1649.
[101] BNF, Français 4219 (fol. 213v-223), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 septembre 1649.
[102] SANABRE, p. 441.
[103] AMAE, CP Espagne 29 (fol.291-291v), Mémoire (de Noailles ?) en addition de la lettre envoyée à Mazarin, 18 septembre 1649.
[104] BNF, Français 4218 (fol.225v-232), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 septembre 1649. Pour un aperçu de la question des restitutions dans les négociations de paix de Münster, voir supra : Deuxième partie, III.
[105] BNF, Français 4218 (fol.240-245), Lettre de Marca à Le Tellier, 6 octobre 1649.
[106] BNF, Français 4217 (fol.287-288), Lettre de Marca à Le Tellier, 1er décembre 1649. « Je vous ay representé par diverses depesches les particuliers et recommandables services que dom Philippe Copons a rendus a S.M. soit en la descouverte et chastiment de la premiere conspiration, soit aux procedures qu’il a fallu tenir en celle ci, ou son courage a reveillé celuy de ses compagnons pour les porter a oser entreprendre la capture et l’esloignement des suspects, d’ou a dependu la conservation de cette ville et de la province. Il demande pour recompense le don du bien confisqué dont M. le mareschal de Schomberg luy a accordé la jouissance, et m’a faict voir une de vos lettres qui faict difficulté sur les jalousies que cette lettre de S.M. pourroit causer aux autres.
Surquoy je dois vous representer, Monsieur, que ses services le mettent hors de pair de ses compagnons. Et qu’apres le don de M. le Regent, il n’est pas importun ayant mieux servi, de poursuivre une recompence moindre cinq fois que l’autre. Celle là donne plus de jalousie que ne fera pas celle cy. Et je vous assure, Monsieur, que je ne voÿ point de raison en conservant la plus grande, de refuser la moindre a une personne qui nous est si utile pour la bonne conduite des affaires. C’est ce que je dois a la verité, qui me porte d’acompagner de cette lettre celle que vous escrit Dom Philippe Copons sur ce sujet… ».
[107] AMAE, CP Espagne 29 (fol.299-300v), Lettre de Marca à Mazarin, 6 octobre 1649.
[108] SANABRE, p. 444-447.
[109] BNF, Français 4218 (fol. 248v-252), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 octobre 1649.
[110] BNF, Français 4218 (fol.254-258v), Lettre de Marca à Le Tellier, 19 octobre 1649.
[111] BNF, Baluze 254 (fol. 128-150v), Instruction donnée a monsieur le duc de Mercoeur s’en allant viceroy en Catalongne, 19 novembre 1649. Voir édition : Document n°8.
On trouve également ce texte reproduit en SHD, A1 115 (fol.189v-218v).
[112] BNF, Baluze 254 (fol. 128-150v), Instruction donnée a monsieur le duc de Mercoeur s’en allant viceroy en Catalongne, 19 novembre 1649. Voir édition : Document n°8.
[113] BNF, Français 4218 (fol.276-278), Lettre de Marca à Le Tellier, 19 novembre 1649.
Le docteur Martí avait été l’objet de longues procédures de la part des Consistoires depuis son ambassade à Paris en 1646 avec Josep d’Ardena (voir supra : Deuxième partie, III. 1).
D’après Martí lui-même (voir sa lettre à Mazarin du 13 décembre 1649, AMAE, CP Espgne 29, fol.347-357v), la résolution du Conseil des Cent de le réintégrer sans tous ses honneurs date du 30 novembre 1649.
[114] BNF, Français 4204 (fol.343-343v), Lettre de Le Tellier à Marca, 19 novembre 1649.
[115] SANABRE, p. 438.
[116] BNF, Français 4218 (fol.302-304v), Lettre de Marca à Le Tellier, 21 décembre 1649. Marca joint à cette lettre son mémoire touchant les divisions de Catalogne (voir note suivante)
[117] BNF, Espagnol 337 (fol.457-465v), Memoire touchant les causes de la partialité qui est aiourd’huy en Catalogne, et touchant l’origine et les progrés de la conjuration, (19 décembre 1649). Il s’agit d’un original du document, de la main du secrétaire de Marca, avec des annotations de sa propre main. C’est peut-être l’exemplaire envoyé à Le Tellier, qui était le seul selon la lettre de Marca, à moins qu’un autre non cité ait été envoyé au chancelier Séguier, ou que l’exemplaire de Le Tellier ait finalement aterri dans la collection de Séguier qui correspond à ce volume de l’ancienne bibliothèque de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés ?
On trouve une transcription du texte en BNF, Français 4218 (fol.305-316).
On a aussi un Memoire sur les divisions de Catalogne et du remede qui s’y peut apporter (BNF, Français 4219, fol.100-112v), qui est classé dans le registre 4219 au milieu de lettres de 1650, alors que le mémoire que nous citons ci-dessus (celui dont on a un original en BNF, Espagnol 337) est transcrit dans le registre 4218 et placé avec la lettre du 21 décembre 1649. Ces registres semblent avoir été établis sous la direction de Marca lui-même, aussi est-il permis de croire que le mémoire qu’il envoyait à Paris en 1649 est bien celui intitulé Memoire touchant les causes de la partialité qui est aiourd’huy en Catalogne, et touchant l’origine et les progrés de la conjuration.
[118] BNF, Français 4218 (fol.316v-323), 21 décembre 1649. « […] On peut dire au contraire en faveur du Régent, qu’étant obligé au point qu’il est aux intérêts de la France, il est difficile à croirequ’il favorise le parti des ennemis, à quoi l’on peut répondre qu’il n’a pas traité avec eux depuis ces bienfaits, mais que son engagement est du temps précédent ou ses intérêts sont ajustés. Que dans l’incertitude des évènements de la guerre il ne veut pas se départir du premier traité de Munster, non plus que des avantages de la France, que d’ailleurs il croit que par la paix générale on rendra aux propriétaires castillans le vicomté dont il a été gratifié, outre qu’en tous cas suvant les maximes de la nation, qui obligent les ligues à se secourir au bien et au mal, il ne se départira jamais de la protection des accusés qui sont ses partiaux.
L’on peut interroger l’abbé Montpalau sur le contenu en ces mémoires, et si cette relation avec sa déposition ne suffit pour la justification des articles, on pourra donner commission secrète au Chancelier de Catalogne pour faire une plus ample information. Et cependant on peut appeler le Régent à la cour afin que le procès des conurés ne soit point retardé […] ».
[119] BNF, Français 4218 (fol.372-380), Lettre de Le Tellier à Marca, 28 décembre 1649 .
[120] RANUM, La Fronde…, p. 273-274.
[121] SANABRE, p. 447-448.
[122] BNF, Français 4219 (fol.16v-25), Relation de ce qui a esté faict en execution du contenu des Instructions de S.M. du XVIIIe Janvier 1650 envoyées au sr de Marca, s.d.
[123] AMAE, CP Espagne 29 (fol.361-364), Lettre de Bezons à Mazarin, 15 décembre 1649. Il s’agit de Miquel Ramon, catalan fait prisonnier à la tête de sa compagnie qui avait été l’un des chefs de la conspiration de 1645. Marchin exige de le retenir comme prisonnier de guerre alors que le Conseil Royal demande le jugement. Marchin croit que Margarit est à l’origine de cette demande, pour le dépouiller de son autorité, et s’aigrit contre lui.
[124] SANABRE, p. 448.
[125] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p. 276. « Per enemistat comuna envers el governador i el visitador, Marchin havia esdevingut el nou campió dels antimotistes ».
[126] AMAE, CP Espagne 30 (fol.296), Lettre de Mazarin à Fontanella (minute), 30 janvier 1650.
[127] BNF, Français 4219 (fol. 26v-32v), Lettre de Le Tellier à Marca, 9 février 1650.
[128] Voir supra : Troisième partie, II. 1.
[129] Voir supra : Deuxième partie, I. 3.
[130] AMAE, CP Espagne 30 (fol.220-222v), Lettre de Serroni à Mazarin, 1er décembre 1649.
[131] AMAE, CP Espagne 30 (fol.308-310v), Lettre de Serroni à Mazarin, 27 février 1650. « […] Il negotio delle confiscationi è ancora assai considerabile, e tanto piu, quanto che le dare ai Catalani, è difficilissimo il revocarle senza suscitare un grandissomo movimento ; per li franzesi si potrebbe en maggior facilità ritirarle ; mà certo che in questo particolare si è ecceduto ; poiché si son fatte donationi a persone che oltre il non haver mai servito il Rè, non si conoscono al presente quali siano, e solo o per indegni servicios (manque) i servitori de vice rè, o per piccole offerte de denari si sono distribuite ; che questo hà fatto ritirare e gridare i buno servitori del Rè, che si vedono preferire gente di nessuna consideratione e il servitio non si è avanzato, che certo nelle necessità presente non sarebbe cattivo aiuto il denaro de bene confiscati ; e questa gente si verrebbe con maggior applicatione a servir s.m.tà, poiché dopo riceuto il benefitio ne si vedono piu ne vogliono piu servire ; in tempo di Spagna, si davano 200 scudi di pensione a uno, era stimato favoritissimo, e si teneva per contento ; e hora si versa con grandissima profusione sopra no solo tre, e 4000 scudi di entrata, che si pottrebe contentare una dozina di persone. A tutte queste cose ripararà il signore Duca di Mercurio (…) ».
[132] BNF, Français 4219 (fol.39v-40), Lettre de Marca à Le Tellier, 23 mars 1650.
[133] BNF, Français 4205 (fol.64v-66), Lettre de Le Tellier à Marca, 1er avril 1650.
[134] BNF, Français 4219 (fol.10-12v), Lettre de Marca à Le Tellier, 19 janvier 1650.
[135] SHD, A1 115 (fol.233-234), Lettre missive du roi à Bezons, 15 décembre 1649.
[136] AMAE, CP Espagne 30 (fol.325-335), Lettre de Serroni à Mazarin, 3 avril 1650.
[137] Dietaris…, vol. VI, p. 1051-1053, Mémoire des députés de la Generalitat au vice-roi Mercoeur, 6 mars 1650. « 10. Se supplica a sa altesa sie servit manar desocupar ab tot effecte la casa que té lo General de Cathalunya en la ciutat de Tortosa, la qual per ser habitada de un celler francès y plenes les botigas de sal no poden los officials de la Generalitat residir en ella y cobrar los drets de la bolla y general, en gran prejudici de la Generalitat. Y axí mateix se servesca sa altesa manar al governador de Tortosa fassa tota assistència als officials de la Deputació en la exacció de sos drets y no perturbe a dits deputats en la possessió estan de arrendar la pesquera del assut en lo riu de Ebro, cerca de Tortosa ».
[138] AMAE, CP Espagne 30 (fol.354-355v), Lettre de Mazarin à Mercoeur (minute), 19 mai 1650.
[139] BNF, Français 4219 (fol.61-64v), Lettre de Marca à Le Tellier, 4 mai 1650.
[140] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.291-291v), Ordre au trésorier Bru de payer à Francesc de Sagarra, doctor del Reial Consell, 257 livres pour son voyage fait en compagnie de 2 commissaires, 2 porters et 1 notaire dans les villes d’Olot, Camprodon, Puigcerdà, Bellver, et autres, « per fortificar contra mal afectes y accessos y delictos comesos contra los soldats de sa Magestat », 25 juin 1650. Le séjour a été de 30 jours du 5 mars 1650 au 3 avril 1650. Le paiement est calculé à raison de 3 livres 12 sous par jour.
ACA , Cancilleria, Intrusos 128 (fol.315-315v), Ordre à Jaume Bru de payer 315 livres à Francesc de Sagarra, jutge de la Regia Cort, pour ses déplacements, 15 décembre 1650.
ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.292-292v), Ordre au trésorier Bru de payer 200 livres à Sagarra pour ses voyages à Vic, Ripoll, Cardona, Solsona, pour la même raison que dessus, à raison de 3 livres 12 sous par jour (voyage de 24 jours en tout), 25 juin 1650.
[141] SANABRE, p. 457-458.
[142] SANABRE, p. 462.
[143] BNF, Français 4219 (fol.79v-81v), Lettre de Marca à Le Tellier, 8 juin 1650.
[144] Voir supra, Troisième partie, I. 2.
[145] AMAE, CP Espagne 30 (fol.391-392v), Lettre de Serroni à Mazarin, 15 juin 1650. « Hò servito V.Em.a in quello si degna comandarmi circa la nota delle confiscationi distribuite in questo P.pato ; e havendone raccolta una memoria di quelle che diede il signore Mareschal di Schombergh, che si può dire il tutto, l’hò messa nelle mani del signore duca di Mercurio, che le vuol trasmettere a V.Em.a , s’è procurato di farla con la maggior esatteze, che sia stata possibile ; mà per la poca accuratezza con la qual quà si vive, non è stato possibile metterla piu in chiaro di quel che V.Em.a vedrà ; e tanto piu quanto molte confiscationi sono state date avanti che siano arrivate nelle mani del fisco, come sono in particolare quelle di Tortosa onde non si è potuto per alcun camino sapere il valore di [quelle] ; quanto ai modi, che desiderava V.Em.a sapere per rivocarle, non entrarò a sugerire quelle, possono totalmente provenire della prudentissima cura di V.em.a, come il dichiarare che i Vice Ré non possevano far tali donationi ; che il duca vuol sapere prima i meriti delle persone che le possiedono, e che le revoca fino a tanto [che] se mostrino, e trattenerle in questa forma o altri simili espedienti che V.Em.a con maggiore facilità trovarà di quello che qualsivoglia possa [manque] ; mà per quello che [ ?] dalle Costitutione di questo paese, sono le legge scritte, e inviolabilmente osservati come hò trovata una che l’hò fatta trascrivere e poi tradurre in franzese, che similmente sarà insegnata al sinore duca di Mercurio, nella quale si mostra come ia altri tempi il Rè divenuto maggiore rivocò tutte le donationi fatte nel tempo della sua minorità […] ».
[146] Province de Lleida, comarca de la Noguera.
[147] ACA, Cancilleria, Intrusos 122 (fol.175v-181), Don à Camille d’Austrein du marquisat de Camarasa, avec le titre de marquis (latin), 18 juin 1650.
[148] SANABRE, p. 459.
[149] AMAE, CP Espagne 30 (fol.395-396), Lettre de Serroni à Mazarin, 22 juin 1650.
[150] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.375-375v), Supplique de Marchin à Mazarin (autographe), vers juin 1650. « Monsieur de Marchin implore la bonté et la protection de Son Eminence sur l’emprisonnement de son [manque] à Tortose. Et sur ce que sans ordre du roy l’on c’est saisi de tous les biens qu’il avoit audit Tortoze, comme barques, brigantins, qu’il avoit faict faire et acheter, salines, moulins qu’il avoit faict mettre eb estat, boucheries, entrée de vin et aultres hantés [ ?] et drois qui appartenoient a des particuliers du temps du roy d’Espagne, et le tout sous pretexte de les vouloir employer a fortifier laditte place sans mettre en consideration que monsieur de Marchin y a desja employé du sien plus de trente mil escus et que tous les aultres jouissent de leur confiscation quoy qu’il ne les ayent pas si dignement meritées ny avec tant de servives.
Qu’il plaise a Monseigneur ordonner que l’on le laisse jouir desditz biens.
Que monsieur de Marca luy rende ses papiers puisqu’il ne sont que pour sa justification et qu’il ne sont que convenantz a ses affaires domestiques ».
[151] Dietaris…, vol. VI, p. 1051-1053, Mémoire des députés de la Generalitat au vice-roi Mercoeur, 6 mars 1650. « 11. Que’s paguen effectivament los mals fan las asiendas confiscades, tant les que estan en poder del tesorer de sa magestat com les que possehexen vuy qualsevol francesos y cathalans a qui sa magestat en té feta merçè, per ser axí de justícia y no ser rahonable que molts bons servidors del rey y de sa pàtria dexen de cobrar vuy ses pensions les que cobraven antes, per haver delinquit les persones a qui’s són confiscades y haverne fet mercè sa magestat a altres que·s devian contentar ab lo que sa magestat és estat servit donar-li, sens voler retenir-se lo que no és seu y se deu pagar als acreedors.
- Que los dits possehidors de dites assiendas confiscades, tant de ducats, comtats, com de altres qualsevol asiendas, hagen de pagar a la contribució del batalló proporcionalment conforme lo que possehexen, com pagan los demés universitats y naturals de la província, per ser més rahonable que a qui sa magestat ha donat asienda se mostre més en son servey y de sa pàtria.
- Que sa altesa sie servit vèurer per quin camí se pot aplicar diner a la Real Thesoreria, la qual se troba vuy del tot exausta per haver-se fet mercès y casi del tot donat lo patrimoni de sa magestat a differents persones, y a moltes d’elles sens tenir serveys y a altres sens haver perdut res en la ocasió de les presents guerras, dexant moltes persones que han servit des dels principis y en totes ocasions sens renunciació ninguna y a altres persones que tenen alguns mèrits se’ls han fet mercès tan excessius que ab molt manco se podian acontentar, per lo que en la Tesoreria Real no ha restat poder ningú per a gastar en la administració de la justícia, que és tan necessari y convenient al bé públich ».
[152] Marca avait même écrit : « il n’y a dans l’armée que trois cens soldats du bataillon, comme si les Catalans pretendoient n’estre que des spectateurs de la guerre entre France et Espagne » (BNF, Français 4216, fol.192v-195, Lettre de Marca à Le Tellier, 29 août 1645).
[153] Voir supra, Première partie, II. 3.
Il s’agit du marquisat de Camarasa, des biens du duc de Sessa, des biens du duc d’Albe, des biens du marquis d’Aitona, du comté de Vallfogona, du comté de Guimerà, du comté de Santa Coloma de Queralt et du comté d’Erill. Par exemple :
ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.160), Ordre à Joan de Luna, séquestre du marquisat de Camarasa, de payer 100 livres aux députés du general de Catalogne et aux conseillers de Barcelona pour subvention du bataillon, « en compte a part del batallo, cent lliures per rao de la tatxa, que perara si es feta del dit marquesat… », 15 avril 1643.
[154] Voir supra : Deuxième partie, II. 1.
[155] Dietaris…, vol. VI, p. 416-418, 20 juin 1650. Ambassade d’Onofre d’Alentorn et de Josep Damians au vice-roi Mercoeur.
« Així mateix representen a vostra altesa dits deputats, que per part dels de la junta del batalló, se ha representat en son consistori que’s trobaven islats en les cobranses de la contribució del batalló, per quant les universitats de Cathalunya, trobant-se tan atrassades y cansades, los responen quant los demanan diners que elles no poden sustentar lo haver de bestràurer, de contínuo, lo gasto que fan los soldats de sa magestat, bestrahent-los tot lo necessari per a son sustento. Y la dita contribució del batalló y, majorment, no havent cobrat lo avensat fins ara, lo que differens vegades se és representat a sa magestat, que Déu guarde, y a vostra altesa, havien bestret dites universitats. També diuen a vostra altesa que la contribució deuen fer y pagar al batalló los que possehexen les assiendes confiscades, fins vuy no se és posada en execució, de hont per totes parts se va impossibilitant lo sustento d’ell, que ab tantes veras dits deputats affectan y desijan, perquè puga accedir ab major favor al servey de sa magestat y defensa d’esta província, lo remey de tot speram de la grandesa de vostra altesa ».
[156] SANABRE, p. 466-468.
[157] BNF, Français 4219 (fol.87-90), Lettre de Marca à Le Tellier, 6 juillet 1650.
[158] BNF, Baluze 106 (fol.80-87v), Mémoire de Marca sur la révocation des biens confisqués, 5 juillet 1650. Il s’agit probablement d’un original du mémoire, rédigé de la main du secrétaire de Marca, M. Dupin. On trouve aussi la transcription du texte (avec quelques différences mineures, faisant de la transcription un dérivé fautif) en BNF, Français 4219, fol.112v-131v : Memoire de M. de Marca touchant les biens confisquez.
Voir édition : Document n°23.
[159] Voir supra : Deuxième partie, II. 1. pour l’affaire de Chabot ; et Troisième partie, I. 1. pour la résolution de la cour de ne pas donner des biens à des Français.
[160] Voir supra, Première partie, II., 3 : élaboration d’un discours nobiliaire.
[161] BNF, Français 4218 (fol.144v-148), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 juillet 1649.
Voir supra, Troisième partie, II. 1.
[162] Voir supra III. 1) B).
BNF, Français 4217 (fol.324-331v), Lettre de Marca à Le Tellier, 21 juillet 1648. Voir édition (Document n°18).
[163] Voir supra : Troisième partie, II. 1.
[164] Les récriminations à ce sujet sont nombreuses dans les Dietaris de la Generalitat. Le lecteur s’y reportera pour l’approfondir.
BNF, Français 4205 (fol.163-164v), Lettre de Le Tellier à Mercoeur, 5 août 1650. Dans cette lettre, Le Tellier approuve Mercoeur dans son intention de réprimander Banyuls pour les passeports qu’il donne à des particuliers pour le transport des grains hors de la province.
[165] Voir infra, Troisième partie, 3. 1.
BNF, Français 4219 (fol.275-278v), Lettre de Marca à Le Tellier, 25 novembre 1650.
[166] Pour toutes les affaires relatives à la prise de possession de la vicomté et aux salins, voir supra Deuxième partie, II. 1.
[167] Voir supra Troisième partie, I. 2.
[168] Voir supra Deuxième partie, II. 1.
Notamment : AMAE, CP Espagne 27 (fol.101), Lettre de Mazarin à Fontanella (minute autographe), 3 mai 1647.
[169] « Mais comme les Constitutions de ce pays sont les lois écrites et inviolablement observées, j’en ai trouvé une que j’ai faite transcrire et ensuite traduire en Français, qu’on montrera également à monsieur le duc de Mercoeur, dans laquelle on montre qu’en d’autres temps le roi devenu majeur révoqua toutes les donations faites au temps de sa minorité », voir supra. AMAE, CP Espagne 30 (fol.391-392v), Lettre de Serroni à Mazarin, 15 juin 1650
[170] On la trouvera dans : Constitutions y altres Drets de Cathalunya: compilats en virtut del cap. de cort XXIIII. de las Cortes per la S. C. y Royal Maiestat del Rey Don Philip nostre Senyor celebrados en la vila de Montso any MDLXXXV, 1588, p.453.
« Com nos hajam rebut en nostra joventut nostre Regne, e no hajan haut consellers profitosos a nos, ne a la terra nostra, e hajam molt deguastat, e donat del nostre Regne, en tant que aquellas cosas que havem donadas fan part del Regne, als uns per violentia, e als altres per frau, als altres per engany, o per joventut, que nos siam restituits de totas las rendas, axi com castells, vilas, e masos, e villers, e terras, e molins, e forns, e banys, e jurisdictions, e de totas altras cosas que pertangan al nostre Regne, e a la nostra terra, que son immobles, o seents, que hajam donadas, venudas, empenyoradas, stablidas, atorgadas, o enfranquidas, o permutadas, o en altra manera alienadas, despuys que lo dit senyor Rey en Pere de Alta memoria pare nostre mori, a algu, o alguns, en axi que encontinent totas aquellas cosas soltament nos sien restituidas : car nos las cosas demuntditas revocam, e volem que sien cassas, e vanas, nos empero pagants e retents lo preu que en veritat se pogues monstrar per testimonis leyals, quens sie estat donat, e pagat, e nos restituints los serveys qui en veritat poran esser monstrats per aquella causa per aquells esser fets, e retre encara lo preu que la scrivania nostra ne hagues haut, e retent encara ço quen hajessem pres per raho de cambi. Empero si algu o alguna poran monstrar al consell a nos donat en aquesta Cort per los Aragonesos e Cathalans, que allo de nos hajessen per justa raho o per servey o per altras coas, que aquell consell nostre puxa e deja restituir a ells aquellas cosas quels fossen vijares esser justas o restitutir axi que no partescan de Montso, entro que de aquellas personas que ara hic son, las ditas cosas sien fetas e espatxadas, e los altres qui no hic son que sien citats que vengan, e que determenen dins breu temps, la hon nos siam, segus ells empero la nostra Cort : empero no entenen en aquesta revocacio nostra neguna cosa que nos hajam restituida, e la qual lo senyor Rey en Jacme avi nostre e lo senyor Rey en Pere de bona memoria pare nostre hajessen presa de negu per força o atort car aquella restitutio molt nos plau, e aquella acceptam ».
[171] Voir supra Deuxième partie, II. 3.
[172] Le cas des Reguer sera examiné plus loin, ainsi que la volonté de Marca de favoriser Josep de Margarit : Troisième partie, III. 1.
[173] BNF, Français 4217 (fol.342v-350), Lettre de Marca à Le Tellier, 18 août 1648.
Voir supra : Troisième partie, I. 2.
[174] SANABRE, p. 497-498. « Las inculpaciones que acabamos de formular contra Pedro de Marca no deben ser obstáculo para que consignemos que los estudios históricos de Cataluña siempre le serán deudores de la salvación de numerosos documentos de gran valor, guardados en nuestros archivos, y que fueron la base de su documentada obra titulada Marca Hispanica. Una de las muchas facetas de la cultura de Marca fué su pasión por la historia, y durante su estancia en Cataluña visitó e hizo revisar los principales archivos del Principado, recogiendo y haciendo copiar – no saqueando, como se le ha atribuido – los tesoros documentales que no interesaban a sus custodios ».
[175] Voir supra Première partie, I., 1.
[176] Ces registres sont conservés à l’Arxiu de la Corona d’Aragó : ACA, Reial Patrimoni, Batllia General de Catalunya (souvent abrégée en BGC).
[177] ISSARTEL, « Pierre de Marca (1594-1662), l’absolutisme et la frontière »…, p. 132-133. « Dans tous les domaines, qu’ils soient politiques ou religieux, Pierre de Marca était favorable à une pratique souple de la Tradition, et toutes ses études historiques était là pour prouver que celle-ci a connu bien des changements et des inflexions. Le droit divin du roi, lui, est intangible ».
[178]AMAE, CP Espagne 20 (fol.206-226v), Traicté de Louis XIII avec les Etats generaux de la Principauté de Catalogne et des Comtez de Roussillon et de Cerdagne, par lequel ils reconnaissent Sa Majesté pour leur seigneur soubz certaines conditions. A Peronne l’an 1641 le 19 septembre., 19 septembre 1641. « IX. Que Sa Majesté jurera et promettra que le Principat de Catalogne avec les Comtés de Roussillon et de Cerdaigne seront regis et gouvernez par le viceroy et lieutenant general de Sa Majesté, qu’elle choisira et nommera des pays et provinces telles qu’il luy plaira de ses royaumes, appelé autrement alternos avec tous les pouvoirs ordinaires et accoustumez suyvant la minute dudict pouvoir qui sera donnée separement suyvant les Constitutions de Catalogne et autres droits municipaux ».
[179] Voir supra au début de ce chapitre.
BNF, Espagnol 337 (fol.453-456v), Minute d’arrest de reglement ou Declaration, 13 janvier 1649
[180] AMAE, CP Espagne 20 (fol.206-226v).
[181] BNF, Baluze 106 (fol.88-90v), Projet de la declaration pour la revocation des dons des biens confisquez en Catalogne, (juillet 1650).
On trouve également une autre transcription du texte en BNF, Français 4219 (fol.137v-144v).
Voir édition : Document n°24.
[182] Voir supra : Deuxième partie, I. 1. BNF, Espagnol 337 (fol.295-296), Pour l’erection d’un president et chef du Conseil d’Estat de Catalongne, 1644. Il s’agit d’un projet de privilège, rédigé en latin par Marca, le nommant chef du Conseil d’Etat de Catalogne.
[183] Voir supra : Troisième partie, II. 1. BNF, Français 4218 (fol.18v-27v), Projet de règlement dressé et envoyé par M. de Marca sur le pouvoir des vicerois de Catalogne avec sa dépêche du 13 janvier 1649.
[184] Voir supra Deuxième partie, I. 1., l’établissement d’une liste des personnes ayant prêté le serment de fidélité, annotée de la main du chancelier Barutell en fonction de la situation, suspecte ou non, des intéressés. Document n°27.
[185] Voir infra : Troisième partie, III. 1.
[186] BERCÉ, Yves-Marie, Nouvelle histoire de la France moderne : La naissance dramatique de l’absolutisme, Paris, France, Éd. du Seuil, 2001, (Points), p. 178.
[187] BNF, Baluze 106 (fol.88-90v), Projet de la declaration pour la revocation des dons des biens confisquez en Catalogne, (juillet 1650).
On trouve également une autre transcription du texte en BNF, Français 4219 (fol.137v-144v).
Voir édition : Document n°24.
[188] AMAE, CP Espagne 30 (fol.413-415), Lettre de Mazarin à Mercoeur (minute de la main d’Hugues de Lionne), 7 juillet 1650.
[189] Nous avons présenté sommairement cette affaire supra Deuxième partie, II. 2.
[190] SHD, A1 120 (fol.323v-325v), Lettre du roy a M. le duc de Mercoeur pour luy dire d’assembler le Conseil d’Estat de l’Audience sur le dfferent qui est entre les habitans du comté d’Empurias d’une part et Don Emmanuel Daux et le marquis De la Fare d’autre pour la jouissance dudit comté et en donner avis au Roy (copie), 7 juillet 1650.
On trouve la minute de la même en SHD, A1 121 (n°370).
[191] BNF, Français 4205 (fol.164v-168), Lettre de Le Tellier à Marca, 5 août 1650.
[192] BNF, Français 4219 (fol.131v-137v), Lettre de Marca à Le Tellier, 13 juillet 1650.
[193] AMAE, CP Espagne 29 (fol.438-441v), Lettre de Marca à Mazarin, 1er août 1650.
[194] SHD, A1 107 (fol.111v-113), Brevet a monsieur l’evesque d’Orange pour faire les fonctions d’evesque en Catalogne et de 12000 livres de pention a prendre sur le revenu de l’evesché de Vic, 13 mars 1648. Le texte de ses instructions se trouve en BNF, Baluze 254 (fol.121v-123v) et en SHD, A1 107 (fol.113-115), à la date du 23 mars 1648.
Voir aussi supra : Troisième partie, I. 1.
[195] En 1645, Le Tellier avait d’abord réfusé de faire payer à Marca ses salaires arriérés sur les revenus de Cardona (BNF, Français 4200, fol.218v-219v, Lettre de Le Tellier à Marca, 4 octobre 1645).
SHD, A1 107 (fol.13-13v), Lettre du roi au Mestre racional pour faire que Marca soit payé de 13 500 livres de ses appointements de conseiller d’Etat pour 1644, 1645 et 1646 à prendre sur les revenus du duché de Cardona, 3 janvier 1648. Une seconde lettre (fol.68-69, 14 février 1648) ajoute l’année 1647, soit 18 000 livres en tout. Une troisième (fol.89v-90), enfin, précise que les gages de conseiller d’Etat devront être payés en monnaie de France… Voir aussi supra.
La livre tournois a une valeur beaucoup plus faible que la livre barcelonaise (1000 livres barcelonaises valent 2500 livres tournois en juillet 1647, cf. la lettre de Le Marca à Le Tellier du 26 juillet 1647 (BNF, Français 4217, fol.117-122v).
[196] BNF, Français 4219 (fol.160-162v), Lettre de Marca à Le Tellier, 16 août 1650.
[197] SANABRE, p. 468.
[198] BNF, Français 4219 (fol.172v-175v), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 août 1650.
[199] BNF, Français 4219 (fol.182v-192), Mémoire de Marca au comte de Brienne, 29 août 1650.
[200] BNF, Français 4219 (fol.212-221), Sur l’accomodement de D. Joseph Margarit, et D. Joseph d’Ardene, et le Regent (mémoire ou extrait d’une lettre à Le Tellier, transcription), septembre 1650.
[201] Voir aussi : BNF, Français 4219 (fol.131v-137v), Lettre de Marca à Le Tellier, 13 juillet 1650. « Le sieur dom Joseph Tort, mestre de mamp qui a tres bien servi, et D. Carlos Caldes, demandent a M. le viceroi les baronnies que possedent [sic] D. Joseph Amat. Il a respondu qu’il en escriroit a S.M. a cause des pretentions que plusieurs ont sur ces pieces, et des lettres du Roy qui luy ont esté escrites sur ce sujet. Comme ces matieres ne em sont point communiquées, je ne puis faire autre chose sinon assurer que ces deux maistres ont des merites pour cette recompense, qui peut suffire a deux et a trois ».
Le cas particulier des baronnies de Baga dépend de la situation de Josep Amat. En juin 1650, l’usufruit avait été accordé à Candia Anglasill par Mercoeur, et non la proprété comme l’écrit Marca. Ce don est sans doute explicable par l’attitude équivoque d’Amat. Ce dernier tombera finalement dans le crime de lèse-majesté et sera emprisonné à Perpignan, ce qui entraînera le transfert direct de l’usufruit à Candia Anglasill. Mais cette dernière n’en prendra possession qu’en novembre :
ACA, Cancilleria, Intrusos 145 (fol.248v-249), Autorisation à Candia Anglasill de prendre possession de l’usufruit des baronnies de Baga, Pinos et Mataplana, 11 novembre 1650. Par décret du 22 juin 1650, lit-on, il avait été fait don à Candia Anglasill de l’usufruit des rentes et jurisdictions des baronnies de Baga, Pinós et Mataplana, et comme l’usufruit de ces baronnies avait été donné à Josep Amat par le comte d’Harcourt le 14 novembre 1645, il avait été décidé qu’elle ne prendrait possession de l’usufruit qu’à la mort ou renonciation de Josep Amat. Mais elle a supplié d’en prendre l’usufruit « per ser vingut lo cas de ser dilat e inculpat de crim de lesa majestat en lo primer cap dit don Joseph Amat i posat en una fortalesa tot lo temps duran las presents guerres ».
[202] BNF, Français 4219 (fol.192-201v), Lettre de Marca à Le Tellier, 6 septembre 1650.
[203] BNF, Français 4219 (fol.226-269), Lettre de Marca à Ondedei, 8 novembre 1650.
[204] SANABRE, p. 464.
[205] AMAE, CP Espagne 30 (fol.505-508), Lettre de Serroni à Mazarin, 27 septembre 1650. « Il Prencipe […] che desidera far bene, viene indotto alle volte ad operationi tali, che riescono di prejuditio ; hanno hora estorto dalla sua beneficenze non sò per quali mezzi un privilegio di nobiltà a favore di tutti i mercanti di Barcellona che hà così fortemente alterato gli animi della vera nobiltà già per il poco conto che si è sempre fatto di essa, in qualche maniera disgustata che stanno tutti i nobili riduti ad inpedire in ogni modo stesso con la forza quando non si possa far altrimente, li esequtione e in tanto si parla cosi indegnamente contro quei, che si crede haver hauto parte in impetrar questa gratia de S.A. che ridonda in grandissimo discredito e desestimatione ».
[206] BNF, Français 4219 (fol.203v-205v), Lettre de Marca à Le Tellier, 13 septembre 1650. Marca y voit encore un artifice du Régent, qui se trouve toujours à Barcelona, car on n’a pas encore reçu d’ordre de la cour à son sujet. Fontanella a d’abord écarté, puis s’est ensuite laissé tenter, mettant en avant que, du temps du roi d’Espagne, les mercaders avaient offert 6000 pistoles pour ce privilège. La comtesse d’Ille aurait été utilisée comme intermédiaire avec ces marchands.
[207] AMAE, CP Espagne 30 (fol.442-443v), Lettre de Serroni à Mazarin, 30 août 1650. « La nota delle confiscationi non è ancora in stato, poiche le donationi fatte dal signore mareschal di Schombergh sono tante e di tal natura che riesce difficilissimo il metterle tutte in chiaro, e con distintione ; si assicuri però, S. Em.ma vostra, che ne verrò a fine e insieme obedirò con proporre qualche espediente per rivocarle, come già ne hò accennato alcuno a Mr Brachet, e penso di piu che si potrà fondare sopra una tal constitutione di questo Principato, che similmente inviarò a V.Em.a. »
[208] Narcís Ramon March i Vedruna, fils de Francesc March, ciutadà honrat de Girona, et de Lluisa Vedruna i Valencàs, avait épousé en premières noces le 12 décembre 1620 (contrat devant Anton-Joan Fita, notaire de Barcelona) Mencia de Mataplana i Granada, et en secondes noces le 13 novembre 1635 (Narcis-Jeroni Lledó, notaire de Barcelona) Maria de Fluvià i de Tord, fille du seigneur du château de Fluvià. Il était mort avant 1653, date à laquelle sa veuve Maria de Fluvià se remaria avec Josep Viader i Riambau. LAZERME Inédit (March, Fluvià).
[209] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.315v-316), Ordre au trésorier Bru de payer 800 livres à Felip de Copons pour son ambassade à la cour, 5 septembre 1650. « Per quant nos y lo Real Consell havem resolt que es del servey de Sa Magestat partesca un magnifich doctor de dit Real Consell pera informar a Sa Magestat de las cosas contengudas en las instructios fahedores per lo Real Consell, y nos hajam elegit per dit effecte la persone de don Felip de Copons y Tamarit ».
[210] Pour mémoire, le Consell Reial est une instance réunissant les trois présidents de chambre de l’Audience (le Régent, le Chancelier et le doyen des docteurs) ainsi que le trésorier de Catalogne, afin de servir de plus haute chambre d’appel du tribunal, ou bien de ressort en premier appel pour certaines causes particulières touchant aux affaires d’Etat. Ce conseil sert aussi d’organe consultatif ordinaire du vice-roi pour les matières de grâce et de justice.
[211] AMAE, CP Espagne 29 (fol.488-489), Lettre de Fontanella à Mazarin, 13 septembre 1650. « […] las diligencias de algunos, que procuran que vajan a la corte personas que sean cronistas de sus actiones, y a vezes como no son, y tambien que don Phelipe ha dezeado ir por obtener confirmacion de una gracia le hizo el sieur Cardenal de Sta Cicilia que gosa gloria y como casi todos los del Concejo tienen gracias de los Virreyes, esto no se ataja, todos los anyos con este exemplar, iran de orden del concejo, un anyo uno, y otro, otro, que haran su negociacion per obtener por este camino confirmacion de sus gracias, y esto de ir los del concejo lo tengo por prejudicialissimo, sino es que sean llamados […] ».
[212] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.295-297), Instructions à Felip de Copons, s’en allant représenter la Reial Audiència à la cour (transcription), septembre 1650. Elles sont précédées de la transcription de plusieurs lettres adressées à la reine, au duc d’Orléans et à Mazarin, pour les informer de cette ambassade. 2° Les gouverneurs de leur propre autorité « y sens tocarlos se prenen los drets de las universitats, y haziendas dels particulars que ni son confiscades, ni de enemichs de Sa Mag.d », comme l’ont fait les gouverneurs de Tortosa, Rosas, Flix et Balaguer.
[213] AMAE, CP Espagne, Supplément 5 (fol.372-373), Résumé des instructions données à Felip de Copons par le Consell Reial (en italien), septembre 1650.
[214] Ce dernier, envoyé après une délibération de la Generalitat et du Conseil des Cent, était parti le 21 août de Barcelona. Mais, contrairement à ce qui est dit par Agustí Alcoberro dans son prologue du volume VI des Dietaris de la Generalitat (p. XXVI), cet ambassadeur n’est pas parti à Paris, mais à la cour qui était alors stationnée à Bordeaux durant le siège de cette ville alors tenue par les frondeurs.
[215] Dietaris…, vol. VI, Pròleg, p. XXVI.
[216] Dietaris…, vol. VI, p. 1109-1112, Mémoire présenté par l’ambassadeur des Consistoires Narcís-Ramon March au roi à Bourg-sur-Mer, comportant les réponses royales consignées par écrit à sa suite ; précédé de la traduction de ces réponses en catalan, 24 septembre 1650 (inséré aux Dietaris le 2 octobre).
[217] SHD, A1 121(n°373), Memoire de l’ambassadeur de Catalogne sur la recette des droits du patrimoine royal et du payement des rentes qui y sont assignées, en marge duquel est la reponse du roy, 19 septembre 1650. La réponse du roi en marge est la suivante :
« Il sera mandé aud. s.r Duc de Mercoeur et au s.r de Marca Evesque de Couserans de donner leur avis a sa Ma.té sur les advantages ou prejudices des deffences, affin de donner avec cognoiss.ce de capacité la confirmation qui est demandée par cet article.
Leurs Ma.tés ne voulant rien innover a ce qui avoit accoustumé d’estre observé en la Recepte des droits du patrimoine Roy.l au payement des rentes qui y sont assignées, accorder cet article et donner les ordres aud. S.r Duc de Mercoeur pour l’execution en cas que le service de sa Ma.té n’en recoive aucun prejudice ».
[218] AMAE, CP Espagne 28 (fol.322v-324), Lettre de Mazarin à Marca (copie), 24 septembre 1650.
[219] AMAE, CP Espagne 28 (fol.331-331v), Lettre de Mazarin à Marca (copie), 25 septembre 1650.
[220] AMAE, CP Espagne 30 (fol.490), Lettre missive du roi à Fontanella (minute de la main de Mazarin), 20 septembre 1650.
[221] AMAE, CP Espagne 30 (fol.497-499), Lettre de Mazarin à Fontanella (minute autographe), 25 septembre 1650.
[222] SANABRE, p. 469.
[223] Dietaris…, vol. VI, p. 443, 2 octobre 1650. La délibération se fait en Trentasisena. L’extrême précipitation des évènements – Ardena étant venu « sans aucune cérémonie » pour délivrer la lettre de créance de Mercoeur (« En aquest mateix die vingué en lo consistori de ses senyories lo molt il·lustre senyor don Joseph de Ardena, compte de Illa, lo qual fonch rebut sens ninguna serimònia, y entrat en lo consistori, donà y entregà en mans del senyor deputat ecclesiàstich una carta de crehensa del senyor virrey ») – nécessitait une réunion d’urgence. La visite a lieu le 1er octobre, la Trentasisena le 2.
[224] AMAE, CP Espagne, Supplément 5 (fol.344-344v), Lettre des conseillers de Barcelona (et des conseillers du Conseil de Cent ?) au roi, 3 octobre 1650. « Sabent nosaltres que lo noble don Joseph d’Ardena compte de Illa va a besa las mans de Vostraa Magestat non som scusats en darlo esta, significant lo quant ha sent sempre attent al major servey de Vostra magestat incesantment obrant los effectos que mirava del servei y benefici de aquesta Provincia. Nosaltres, senyor, cuidadosos de assertar a dit serveÿ y benefici en toca ocassio no embargant que en la de ara se troba aquesta ciutat en lo stat mes debil quens es possible significar, a petitio del sr duch de Mercuri lloctinent y capita general de vos.a magestat en aquesta Provincia havem acudit a dit serveÿ ab sinquanta milia lliuras per via de emprestido per satisfer ab ellas als paisans alguns a quantitat de las moltas sels devan confiant que Vostra magestat sera servit com ho suplicam manar lens restituescan y las tres milia doblas quens deveu del anÿ pasat a mes de las conciderables quantitats ab que avem acudit a dit serveÿ que encara avem de cobrar, ab assignatio fahedora per les Governador, sobre Entandant, o persona del Llenguadoch qui reb los donatius de Vostraa Magestat o ab lo mes despedit modo ques puga, y concideram seria molt convenient a dit serveÿ que las assiendas confiscadas retornasen a la real thesoreria de Vostraa Magestat en la Cathalunÿa pera pagar dellas lo ques deu a esta Ciutat y altres cosas concernent a dit serveÿ, que no que dellas resten beneficicadas y enriquidas personas que ab poch o ninguns serveis las han alcansadas […] ».
Attention ! Cette lettres est identifiée dans le recueil comme une lettre des députés de la Generalitat, ce qui semble inexact car les auteurs de la lettre disent « nous avons déféré audit service avec 50 000 livres par voie d’emprunt », et l’emprunt a été consenti par la ville de Barcelona et non par la Generalitat, comme on le voit dans les Dietaris (vol. VI, p. 443).
[225] Voir supra : Troisième partie, II. 1.
[226] Dietaris…, vol. VI, p. 438, 31 août 1650. « En aquest die, constituït personalment en lo consistori de ses senyories Esteve Torrabruna, altre dels tres corredors de coll ordinaris del General, en virtut del jurament que en lo ingrés de son offici té prestat, ha fet relació a ses senyories com ell ha encantat y subastat, per los llochs sòlits y acostumats de la present ciutat, tota aquella torra, terras y censos situada en la parròchia de Santa Maria de Sans, territori de Barcelona, la qual fonch de don Luís de Monsuar y vuy posseheix lo General de Cathalunya, en virtut de confiscació feta de tots los béns que aquell possehia en Cathalunya, com ha maleffecte a la província, per spay no sols de trenta dias, però encara per molts més temps y ha posades les tres llanternes acostumades, y havent comparegut moltes persones que han offert dita en aquella, enperò no ha comparegut ningú que haja offert major dita que mossèn Joseph Pinyana, mercader, ciutadà de Barcelona, lo qual ha offert per dita torra, terras y censos, la cantitat de 2.805 liures y que, axí, com a més donant, li ha lliurada l’asta fiscal, ab la forma acostumada, inse(guint) l’orde tenia de ses senyories, per lo que ha dit ne feia relació a ses senyories, la qual relació an manat fos continuada en lo present dietari. En què són estats presents per testimonis Jaume Bravo, tapiner, y Antoni Balcells, notari, ciutadans de Barcelona ».
Le lendemain, le 1er septembre 1650 (Dietaris…, vol. VI, p. 438), le Consistoire de la Generalitat décide que le député ecclésiastique et président, Pau del Rosso, se rendra dans la maison que possède la Generalitat « en lo carrer qui va de la plassa Nova a la plassa de Santa Anna », également confisquée à Lluis de Montsuar, afin d’y extraire différentes pièces d’archives conservées dans un meuble. Il s’agit soit des pièces relatives au domaine de Santa Maria de Sans qui vient d’être vendu aux enchères, ou bien de titres nécessaires à la Generalitat pour percevoir des sommes ou récupérer des propriétés. On voit bien la détermination de l’institution, cette année-là, à obtenir de la trésorerie.
[227] Dietaris…, vol. VI, p. 444, 11 octobre 1650. « En aquest die, Steve Torrabruna, corredor públich y jurat y altre dels tres corredors ordinaris del dit General, en virtut del jurament, que en lo ingrés de son offici prestà, ha fet reació a ses senyories en llur consistori, com ell, de orde y manament de ses senyories, havia encantat y subhastat per los llochs sòlits y acostumats de la present ciutat, no sols per spay de trenta dies, com és de costum, però encara per molt més temps, tot aquell delme o quinta part de delme de tot gènero de grans o altres coses que acostuma fer y pagar quiscun any, del que·s cull en la heretat y terres de Francesc Cavaller, pagès de la parròchia de Santa Eulària de Provensana, alias del Hospitalet, bisbat de Barcelona, segons que llargament està designat en la tabba que estava insertada en lo cos del acte de la venda, les quals coses acostumava rèbrer don Luís de Monsuar y posseheix vuy lo General, com a tenint confiscats los béns de aquell per malaffecte a la província, y no obstant que han compareguts molts compradors, emperò ningú ha offert donar major dita per les ditas cosas que mossèn Rafel Antich, donsell, que ha offert vuyt-centas y sinquanta lliures y que, axí, com a més donant y offerint en dit encant públich, li ha lliurada la hasta fiscal de les demuntdites coses, y per dit effecte, li ha entregada la tabba en ces mans pròpries, dient que aqueixa ere la relació que feya a ses senyories, en què són estats presents per testimonis Antoni Balcells y Miquel Marquès, notaris, ciutedans de Barcelona. Y de la mateixa manera, féu altra relació a ses senyories, com ell havia, de orde y manament de ses senyories, encantat y subhastat per los llochs acostumats de dita present ciutat tota aquella torra, heretat y terres que lo General té en la parròchia de Santa Creu del Orde, bisbat de Barcelona, lo qual, abans ere de don Luís de Monsuar, y vuy posseheix lo General de Cathalunya, en virtut de confiscació feta dels béns de aquell, com a maleffecte a la província y que, havent compareguts moltas personas, que han offert dita en aquella, emperò ningú ha offert major dita que Francesc Mallol, pagès de dita parròchia de Santa Creu del Orde, lo qual ha offert donar mil y sinch-centas lliuras y que, axí, com a més donant y offerint, de orde y manament de ses senyories, li ha lliurada la hasta fiscal en dit encant públich, y per dit effecte, li ha entregada la tabba en ses mans (prò)-pries, perquè no pogués ignorar los pactes y condicions ab què ses senyories li venian dita proprietat, la qual relació manaren ses senyories fos continuada en lo present dietari. En què foren presents per testimonis Antoni Balcells y Miquel Marquès, notaris, ciutedans de Barcelona ».
Pour le rôle de Rafel Antich, voir supra Première partie, II. 1.
La paroisse Santa Creu del Ordre se nomme actuellement Santa Creu d’Olorda, c’est un hameau du municipi de Barcelona, enclavé entre Molins del Rei et Sant Cugat del Vallés.
[228] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.203v-204), Ordre à Bru de payer le salaire de Narcis Peralta, 5 décembre 1650. « Mag.ch fiel y amat conceller de la Real Majestat Jau.e Bru Reg.t la Real Thesoreria en los pnt. Principat de Catt.a y Comtats de Rossello y Cerdanÿa. Per quant lo Amat y fael de la Real Majestat Lo d.r Narcis Peralta doctor de la Real Audiencia y Advocat fiscal patrimonial de su Mag.t nos ha suplicat que en la defenssa de las causas de las confiscationes se li fonch assenyadas per son salari cent lliures lo any pagadores per Fran.ch Sangelis exactor gnal. de las haziendas confiscades, y per quant dit salarie ra molt tenuo sel donaven per mos predecessors raho de doscentes lliures lo any que ab tot eren tressentas lliures quiscum any. E com vuy no sols no cobra las dossentas lliures de de ajuda de costa ni manco lo salari de las sent lliures se li fonch assignat ab pratextu que dit Sangenis no tenia en son poder las haziendas confiscadas y que las que de nou se confiscaren entren en ma del mag.ch Reg.nt la Real Thesoreria. Perso vos diem y manam que de qualsevols diners en vres mans pervendran per raho de vre. carrech de Reg.t la Real Thesoreria doney y ab tot effecte pagueu al dr Narcis Peralta… »
[229] Comme nous l’avons vu à plusieurs reprises, Bru fait des difficultés pour apposer son visa à des actes lors qu’ils lui semble d’une légalité douteuse. Ainsi fait-il d’abord obstacle au séquestre donné par Harcourt au comte de Chabot (voir supra II. 2) A) : ACA, Cancilleria, Intrusos 117, fol.75-75v, 12 janvier 1646) ; il s’oppose aussi au décret de Mercoeur attribuant aux mercaders de Barcelona les privilèges des nobles et des Ciutadans Honrats et en avertit Marca (BNF, Français 4219, fol.203v-205v, Lettre de Marca à Le Tellier, 13 septembre 1650).
[230] ACA, Cancilleria, Intrusos 145 (fol.241-241v), Ordre au trésorier Bru de faire vente à Francesc Vidal du domaine confisqué à Jaume et Josep Martí (« delats y inculpats de crim de lesa magestat en primer cap »), situé à Sant Andreu de Palomar, à eux adjugé pour 2000 livres, 1er novembre 1650.
[231] ACA, Cancilleria, Intrusos 145 (fol.239v-240), Crida pública du vice-roi donnant 1/8 des revenus des biens meubles et immeubles appartenant à des Catalans ayant rejoint les ennemis, à ceux qui les dénonceront, 29 octobre 1650.
[232] ACA Cancilleria, Intrusos 143 (fol.72-72v), Crida pública attribuant aux dénonciateurs des biens meubles des étrangers, traîtres et sujets du Roi Catholique, le quart desdits biens, 3 janvier 1644.
Voir supra Première partie, II. 2
[233] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.121-122), Crida pública attribuant aux dénonciateurs des biens meubles des étrangers, traîtres et sujets du Roi Catholique, le quart desdits biens, 11 avril 1646. Voir Document n°28.
ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (131-136v), Crida pública ajustant la crida précédente du 11 avril 1646, 24 janvier 1647. Voir Document n°28.
Voir supra : Deuxième partie, I. 2.
[234] RANUM, La Fronde…, p. 314.
[235] BNF, Français 4219 (fol.221v-254), Estat des affaires de Catalogne, 2 octobre 1650.
[236] BNF, Français 4219 (fol.237-239v), Lettre de Marca à Le Tellier, 11 octobre 1650.
[237] BNF, Français 4219 (fol.245-247v), Lettre de Marca à Le Tellier, 16 octobre 1650.
[238] Il est un fait que la Font de Salses faisait partie de la vicomté de Canet de toute ancienneté, et même au moment de la confiscation, comme le témoigne l’état des biens confisqués de 1643 (AMAE, CP Espagne Supplément 3, fol.340-346v, voir Document n°26.
Cependant, le 3 février 1643, un brevet (semble-t-il expédié par la chancellerie royale, mais cela n’est pas absolument certain) avait accordé le droit de pêche à M. de Prouville, alors gouverneur de Salses. Des lettres exécutoires avaient été faites par le vice-roi La Mothe pour le faire entrer dans cette possession (ACA, Cancilleria, Intrusos 113, fol.273v-274v ; cet acte donne la date du brevet sans autre précision).
[239] AMAE, CP Espagne Supplément 5 (fol.345-345v), Lettre de Fontanella à Mazarin, 4 octobre 1650. « […] Por mi particular se me ofrece representar a V.Em.a que dentro del Viscondado de Canet de que V.Em.a me hizo merçed, la mejor renta que hay es la pesca de la fuente de Salses, que no hay persona que dificulte que es el Biscondado, y que siempre la han gosado los Biscondes con toda quietud, despues que el Biscondado fue confiscado el Governador de Salses hizo pescar a su cuenta, sin otro titulo que el de la fuersa, como los demas Governadores se toman lo que es vezino de sus plassas, sea de quien fuere, el Thesorero Catalan, a quien tocava, por no tener enquentros lo tolleró. El anyo passado quando yo tuve la gracia de su Mag.d hize pescar a la fuente como hazian mis predecessores, y aunque el Governador de Salses me quiso hazer opposicion, el sr Conde de Noalles, que se hallava en Rossellon no quiso assistille. Agora que se ha mudado de Governador, asercandosse el tiempo de la pesca el tiniente del Rey de Salses, me ha rompido la puerta de la torre que hay cerca de la fuente, y quiere hazer pescar, diziendo claramente que sabe que yo tengo gracia de su Mag.d mas que esto no importa. A mi, senyor, me pesa tener enquentros con Franceses, majormente en la ocasion presente que todo el Paiz esta irritado contra los Governadores de plassas, por semejantes usurpaciones, pero tampoco es razon me dexe quitar lo que su mag.d ha sido servido darme, ni que el Governador de Salses, solo por su gusto, me haga inutil la gracia de su mag.d y en esto no solo hay interes mio, sino tambien de muchos acrehedores que cobran diferentes penciones sobre la fuente, que todos claman, porque les pague a todos el anyo passado, no haviendo cobrado un dinero, despues que el Viscondado havia sido confiscado ; esta gracia, senyor, la devo a V.Em.a por la honra fue servido hazerme, y assi para su concervacion, no sabria recurrir a otra persona suplico a V.EM.a por el remedio que pienso lo tendra con un orden de su mag. El s.or Conde tendra cuydado de solicitalle, y yo de reconocer dever a V.Em.a todo mi ser, como su hechura y criado… ».
En septembre, Mazarin avait déjà écrit à Boissac, alors gouverneur de Salses, afin de faire cesser l’usurpation commise par le lieutenant du roi (AMAE, CP Espagne 28, fol.333v-334, 25 septembre 1650).
[240] SANABRE, p. 471.
[241] BNF, Français 4219 (fol.250v-257v), Lettre de Marca à Le Tellier, 1er novembre 1650.
[242] BNF, Français 4219 (fol.269-273v), Lettre de Marca à Le Tellier, 8 novembre 1650.
[243]« The Fronde Newsletters » (BNF, Français 25025), site personnel d’Orest Ranum : http://www.ranumspanat.com/november_1650.htm. Lettre de Paris du 18 novembre 1650.
[244] SANABRE, p. 472.
[245] BNF, Français 4219 (fol.278v-291), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 novembre 1650.
[246] Fontanella était venu visiter le Consistoire de la Generalitat le 7 novembre 1650, et avait proposé de prendre toutes les lettres qu’il voudrait bien lui remettre pour les faire valoir auprès des souverains. Le lendemain, un notaire de la Generalitat était venu lui donner des lettres et divers documents pour cet effet, afin que le jour suivant Fontanella puisse partir à la cour. « En aquest die, ses senyories, entre les vuyt y nou horas de la nit, manaren a Miquel Marquès, notari, scrivent de la scrivania major, se conferís en casa del senyor regent Fontanella, y de part del consistori, li entregàs la còpia auctèntica, que ses senyories havian manat fer de les cartas, que lo rey cathòlich y compte duch, son privat, en lo any 1640 escrigueren al compte de Santa Coloma, llochtinent de dit rey cathòlich en aquest Principat, juntament ab la informació al peu de aquellas rebuda, ab què consta de la verificació de ditas lletras, y una carta per a sa magestat y altra per lo sereníssim senyor duch de Orleans y eminentíssim senyor cardenal Massarín, attès que dit senyor regent Fontanella se partia demà, de gran matí, per a la cort de sa magestat christianíssima, qui lo havia enviat a sercar, segons se deia, per occassió del tractat de les paus generals, lo qual, al cap de una hora, féu relació a ses senyories com ell<a> havia executat lo orde que ses senyories li havian donat y que havia entregat en mans pròprias de dit senyor regent Fontanella tots los demuntdits papers, trobat en la sala de sa casa, lo qual havia respost que estimava molt a ses senyories lo bon cuidado havian tingut » (Dietaris…, vol. VI, p. 447).
Le 5 décembre 1650, le Conseil de Cent, par l’intermédiaire d’une junta nommée pour l’occasion, prend délibération de faire parvenir à Fontanella ses lettres au roi, à Mazarin, au duc d’Orléans, au maréchal de La Mothe, à Le Tellier. Il est suivi de peu par la Generalitat (Dietaris…, vol. VI, p. 450).
[247] BNF, Français 4219 (fol.306v-315), Lettre de Marca à Le Tellier, 12 décembre 1650.
[248] Ainsi le vieux Miquel-Joan Granollachs i de Prat, de Vic, qui obtient de Mercoeur la rémission de tous ses crimes et délits, et aussi du crime de lèse-majesté en premier chef (ACA, Cancilleria, Intrusos 125, fol.165v-166, 14 décembre 1650).
[249] SANABRE, p. 476. Le 22 mars 1650, Mazarin avait envoyé à Mercoeur une permission de rentrer à la cour pour le mariage seulement, mais Marca l’avait dissuadé devant les terribles conséquences que cela aurait eu localement (nouvelle preuve que la France veut abandonner la Catalogne). Durant l’été (alors que le soulèvement était latent), il obtint une nouvelle permission de rentrer à la Cour, qui était alors en Guyenne.
[250] SANABRE, p. 475-476.
[251] BNF, Français 4219 (fol.314v-319v), Memoire de M. de Marca, 17 décembre 1650.
[252] BNF, Français 4219 (fol.319v-325v), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 décembre 1650.
[253] BNF, Français 4219 (fol.319v-325v), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 décembre 1650.