Des distributions insupportables aux Catalans (1648)

Troisième partie

Entre distributions scandaleuses et réformes impossibles : la fin non annoncée de la Catalogne française (1648-1652)

 

I. Des distributions insupportables aux Catalans (1648)

1.             Michel Mazarin ou le mal d’être vice-roi

 

Echec des premiers contacts avec les Catalans et Marca. Affaire de la vicomté d’Evol.

 

La vice-royauté de Michel Mazarin, Cardinal de Sainte-Cécile, représente un tournant majeur dans l’histoire de la Catalogne française, malgré la très courte durée de sa présence effective (de février à mai 1648). Par une impressionnante accumulation de faux pas, d’affronts, d’injustices et de mesquineries, il s’attirera la désapprobation quasi générale et permettra le passage décisif vers un violent affrontement entre Catalans et Français. Son action est si curieuse, surprenante, qu’on hésite parfois à attribuer sa maladresse à un tempérament impulsif, à la difficulté des circonstances ou à des troubles mentaux. Le fait est que, dès sa nomination, Michel Mazarin est victime de manipulation de la part de son frère et devient, contre son gré, l’instrument de sa politique. En cette fin d’année 1647, tous les efforts de Jules Mazarin étaient rivés sur l’Italie : mettant à profit chaque événement, il tentait de fomenter le soulèvement de Naples et de la Sicile contre l’Espagne. Parallèlement, Michel, alors archevêque d’Aix et dignitaire de la Curie romaine, cherchait absolument à pousser sa carrière et à obtenir lui aussi le chapeau de cardinal, interférant parfois dans les négociations de son frère. Ainsi, selon Sanabre, Jules Mazarin jugea que sa présence à Rome était un obstacle à ses propres desseins, et il résolut de l’en éloigner, en lui faisant obtenir l’archevêché d’Evora au Portugal, et en le nommant vice-roi de Catalogne en juin 1647. Il joua de sa parenté afin de montrer aux Catalans qu’il ne se désintéressait pas de la province. Condé devant partir en septembre, Sainte-Cécile était censé arriver rapidement. Mais les affaires de Rome lui enlèvent toute envie de partir pour la lointaine province : il préfère attendre de recevoir son chapeau de cardinal pour se mettre en route, puis la maladie du pape lui fait espérer un rôle dans un potentiel conclave. Poussé par son frère, à qui il ne se prive pas de signifier son peu d’enthousiasme pour sa nouvelle fonction, il ne se met en route qu’en janvier 1648, préférant d’abord passer par Aix[1]… Dès avant son arrivée, Michel Mazarin reçoit de nombreuses recommandations afin de ne pas tomber dans les erreurs de ses prédécesseurs. Comme le comte d’Harcourt et le prince de Condé, des instructions solennelles lui sont envoyées pendant son voyage. Dans le domaine des confiscations, la marge de manœuvre du vice-roi est limitée : on se base sur les deux mémoires envoyés à la cour « avec l’approbation de mondit seigneur le Prince par l’entremise dudit sieur de Marca », l’un listant les biens confisqués, leur consistance et leur valeur, et les personnes pouvant en bénéficier, l’autre, les personnes pouvant avoir des pensions sur les revenus de ces biens ; Sainte-Cécile en reçoit la copie. Il faudra mettre en œuvre les décisions préconisées dans ces documents, et « prendre encores des lumieres plus particulieres du dit sieur de Marca ». L’important est que la distribution a déjà été planifiée, que les expéditions sont prêtes, et que le cardinal n’aura qu’à s’informer afin de distribuer les lettres patentes et les brevets tant attendus par les Catalans : « parce qu’il y a eu diverses choses a éclaircir sur ce suject, l’on a esté obligé d’en diferer les expeditions jusques a present ». Ainsi, ces instructions ne contiennent pas de définition ou de restriction particulière du pouvoir grâcieux, le vice-roi se retrouvant, en la matière, un simple exécutant. Evidemment, dans ces instructions figurent aussi des recommandations afin de faire tenir la réconciliation d’Ardena et de Margarit obtenue par Condé, et de traiter les deux partis avec égalité, sachant qu’on ne pourra pas supprimer les haines[2]. Peu avant son arrivée, le cardinal reçoit aussi un mémoire, joint à une lettre missive du roi, faisant le point sur les demandes de plusieurs Catalans adressées récemment à Paris et qui ne figuraient pas toutes sur les mémoires du prince de Condé : Aleix de Sentmenat, Josep de Bassedes (cousin de Margarit), Josep de Orlau, docteur de l’Audience, l’archiprêtre d’Àger, Francesc Codina, Baldiri Moner. Ce sont essentiellement des demandes de gratification sur les biens confisqués. Il devra s’en informer et donner son avis à la cour pour décision[3]. Sainte-Cécile, pour le moins, n’avait pas en main un pouvoir illimité…

Le cardinal entre en Roussillon à la mi février 1648. Les problèmes commencent immédiatement : tout d’abord, il décide de jurer les Constitutions de Catalogne à Girona, et non à Barcelona comme c’était la coutume. Il refuse ensuite de réciter la formule contenant acceptation de l’excommunication qui doit le toucher en cas d’enfreinte au serment, qu’il juge contraire à sa dignité de cardinal. Enfin, à son arrivée à Barcelona, il décide d’entrer en litière et non à cheval, manque au protocole qui provoque une grande indignation[4]. Mais Marca, encore émerveillé, commente « l’admiration générale de tous » [sic], affirmant : « pour mon particulier […], je reçois de S.E. plus de faveurs et de bon traitement que je ne mérite »[5]. L’état de grâce ne dure pas. Très vite, on lui apprend que le Régent Fontanella et Ardena ont déjà investi le nouveau venu, et qu’ils l’ont innondé de calomnies sur son compte. Malgré ses protestations de soumission, Marca se voit immédiatement botté en touche, le cardinal lui faisant comprendre sans trop de détours qu’en Catalogne il n’y a pas de place pour eux deux :

« Le Regent et dom Joseph d’Ardenne ont eu l’adresse de la faire prevenir [Son Eminence] des Perpignan, et luy persuader que je voulois trancher du viceroy, et que je m’attribuois a la cour la gloire de toutes les bonnes actions qui se faisoient en ce pais, et faisois vanité de choquer les vicerois. Je ne sçay pas de quel moien ils se sont servis pour luy faire ce raport, mais j’en ay reconnu les effets a Gerone, ou Son Eminence me dist en presence de M. Gouri seul, que Sa Majesté envoyant un viceroy luy devoit laisser faire toutes choses, et s’en raporter a luy, qu’elle n’avoit pas besoin de tant de ministres ny Son Eminence aussy. Qu’elle ne souffriroit point qu’un ministre decriât ses actions a la cour, et s’oposast a ce qu’elle voudroit faire, soit pour gratification et autres choses. Et qu’en ce cas elle escriroit a Sa Majesté qu’il faloit revoquer ce ministre ou Son Eminence »[6].

A peine une semaine après, les hostilités commencent sérieusement, le cardinal prenant prétexte de l’administration du duché de Cardona confiée au très décrié cousin de Marca, l’abbé Faget. Le 12 mars, Marca lui présente Faget, qui lui remet l’état sommaire des recettes et des dépenses du sel pour l’année passée. Sainte-Cécile réplique immédiatement qu’il veut révoquer Faget pour donner l’administration à « un des siens », jugeant que Faget la tenait depuis déjà deux ans. Offrant, afin de laver son honneur et d’éloigner l’accusation de malversation, de servir gratuitement et de donner les émoluments à la personne que choisirait le cardinal, Faget se voit débouté « bien hautement ». Puis c’est Marca lui-même qui est mis sur la sellette, se voyant reprocher d’avoir eu l’assignation de son salaire sur les mêmes revenus de Cardona – qu’il avait, dit-il, « suplié […] sans le prétendre »… nuance que le cardinal ne semble pas voir d’un bon œil. Quand Marca demande de faire payer sur ce fonds au moins la dernière traite, celle de l’année 1647, le cardinal explose et l’accuse de vouloir être préféré à lui, disant que ses appointements de 2000 livres sont exorbitants pour un homme qui n’a ni charge ni fonction précise, alors que les intendants des provinces ne reçoivent que 1000 livres ! « Toute cette conference, rapporte Marca, dura plus d’une heure dans la chambre de Son Eminence dont la porte estoit ouverte, en sorte que sa voix s’entendoit dans la sale, ou il y avoit bon nombre de Catalans, dont il y en eut qui se vindrent condouloir avec moy, comme sy j’estois dans le malheur d’avoir rompu avec Son Eminence »[7].

Un homme est présent lors de tous ces évènements : l’intendant des armées, Pierre Goury. Il semble que Sainte-Cécile, dès son arrivée, se soit rapproché de lui par aversion pour Marca. Pendant son voyage et dès son arrivée, le cardinal avait reçu plusieurs letttres qui le lui recommandaient spécialement[8], particulièrement de la part de Le Tellier[9], proche parent de Goury par sa femme[10]. Goury correspond au profil typique des intendants d’armée dressé par Douglas Clark Baxter : marié à la fille d’un secrétaire du roi[11], fils d’un auditeur en la chambre des comptes et lui-même maître en cette chambre (le second vivier d’intendants après les maîtres des requêtes)[12], il est lié au secrétaire d’Etat par le sang comme le sont plusieurs autres intendants : Charles Brèthe de Clermont, intendant de Picardie et d’Artois, Louis Chauvelin, intendant de Franche-Comté[13]… Nommé en Catalogne en 1645[14], il reçoit immédiatement la responsabilité de diriger les fortifications[15] et de décharger Marca des affaires financières[16]. Il se distingue en réunissant les preuves contre les malversations des commis de l’extraordinaire des guerres sous la vice-royauté de La Mothe[17]. Puis il envoie constamment à Le Tellier des états précis des dépenses de l’armée, des vivres disponibles, de l’état des troupes, qui sont reçus avec beaucoup de satisfaction[18]. Avec la campagne de 1648, et la fin des envois de numéraire de Paris, il verra reposer sur ses épaules les délicates négociations avec les munitionnaires et autres créanciers, usant différentes tactiques afin de fournir un peu de nourritures aux soldats[19]… Autant dire que, contrairement à Marca, ses fonctions sont précises et délimitées. Goury se voit alors pris dans l’antagonisme opposant le cardinal au visiteur général. Le 17 mars, Sainte-Cécile réunit la Junta patrimonial, officiellement « pour mettre ordre au paiement des rentes qui sont deûes sur les biens confisqués ». En réalité, il a résolu de faire une distribution des biens contraire aux ordres de la cour et à ses instructions[20]. Alors que Marca – qui n’a pas été convié à cette Junta – tente de lui rappeller que le sort des biens avait déjà été fixé par les mémoires de Condé, Sainte-Cécile l’informe qu’il vient de faire don de la vicomté d’Evol à Goury. Marca tombe des nues. Les considérations qu’il envoie à Le Tellier sont importantes car elles introduisent ce qui sera la grande affaire de la période : le scandale des dons faits à des Français. Il souligne d’abord la grande valeur de cette vicomté, qui, malgré le fait qu’elle soit grevée d’une dette en faveur d’Isabel Lacavalleria, a un revenu de 800 à 900 pistoles par an, est en toute justice, comprend six villages, et d’importants revenus seigneuriaux dûs à la présence de forges. La preuve, à la nouvelle du don fait à l’intendant, plusieurs roussillonnais de sont proposés d’offrir 6000 livres barcelonaises de ferme… Margarit n’avait pas osé demander la vicomté tant son revenu était important, Copons se l’était vue refuser, et Marca lui-même se voyait pressé par son fils et par son gendre pour l’obtenir. Au cours de l’année 1647, Hugues de Lionne était même intervenu pour soutenir les prétentions de son ami Boissac, militaire distingué… que Marca avait tenté de temporiser, craignant d’ouvrir une nouvelle brèche dans l’entente entre Catalans et Français. Ce que Sainte-Cécile venait finalement de faire…

« Je fus pressé en ce temps la par mon fils et mon gendre qui estoient en cette ville, de suplier S.A. de m’accorder le don de ce vicomté pour recompence de mes services. Je rejettay cette ouverture par ce que je la jugeois contraire au service du Roy, pour le dégoust que cette alienation donneroit aux Catalans qui ne pourroient soufrir que ny moy, qui suis dans leur estime, ni les autres Français possedassent les biens de leur pais, cette procedure ayant servi d’autrefois a provoquer contr’eux les revoltes de Sicile et de Naples. Vous sçavés, Monsieur, que j’escrivis pour lors contre ce qui estoit de mes interests, que Monseigneur le Prince me faisoit l’honneur de vouloir apuier. Il envoia son memoire ou il propose qu’il seroit apropos d’unir ce vicomté d’Evol a la couronne pour faire un revenu considerable au profit du Roy.

            […]

On ne pouvoit aussy sçavoir que par raisonnement sy les Catalans trouveroient mauvais le don de ce domaine en faveur des François, mais a present je voy que cela donne des inquiétudes a plusieurs, mesmes a ceux qui en donnent des congratulations a M. Gouri, lesquelles s’augmenteroient sy on en voyoit l’execution, qui est tenue maintenant pour impossible. La dessus vous sçaurez juger mieux que moy, Monsieur, quelle deliberation vous devez prendre pour ses interests, qui ne me donnent point de la peine en mon particulier, encor que j’aye esté plus retenu que luy a ne vouloir pas demander cette piece, pour raison d’Estat. » [21].

La référence aux révoltes survenues en Sicile au début du XVIe siècle est intéressante : en 1647, Mazarin fomentait les révoltes de Naples et de Sicile contre les Espagnols, comme le roi de France l’avait fait en 1523[22]. Depuis 1516, plusieurs révoltes populaires avaient éclaté contre les vice-rois espagnols contre les droits prélevés sur les grains, qui asphyxiaient la paysannerie. Ces révoltes avaient un large arrière-plan de conflits de nations, les autochtones acceptant mal une domination lointaine, synonyme de pression fiscale et parfois de confiscations. Pour Marca, il est donc essentiel d’éviter à tout prix que le scénario se produise en Catalogne, mais cette fois contre la France, et que la distribution des biens en soit le détonateur. En effet, après le départ de Condé en novembre 1647, les excès des soldats français se sont multipliés, inspirant de nombreuses réclamations aux Catalans, et produisant, en janvier 1648, le drame de Piera, violente révolte des habitants de ce village contre le régiment qui y était logé, avec plusieurs dizaines de blessés et un mort. Marca en tire deux conclusions : l’imminent danger d’une « sédition » et la nécessité de laisser des régiments français dans l’arsenal de Barcelona[23].

 

L’opposition entre Catalans et Français apparaît en plein jour

 

Ainsi, le don fait à Goury, dont l’acte est expédié le jour même de la Junta patrimonial et visé par le chancelier[24], est, selon Marca, « impossible » par nature. Aussitôt, il prend le parti, très délicat, d’expliquer à Goury que, s’il avait été possible, on le lui aurait fait avec plaisir, mais que pour le service du roi il ne doit pas en prendre possession. Il lui montre les dépêches royales qui, sur les instances de Lionne, favorisaient Boissac et demandaient à Marca de donner son avis pour qu’on lui fasse ce don. Pour lui, dit-il à Le Tellier, c’est l’occasion idéale pour concrétiser le projet, retardé depuis le départ du prince, d’unir la vicomté à la couronne. Il faudrait prendre la même mesure pour la vicomté de Canet, ce qui rapporterait en tout 22 000 livres tournois de ferme à la couronne pouvant « servir de fonds pour le paiement des gages du viceroy ». Pour cela, Marca écrit donc à Lionne afin de décharger Goury et de lui faire « comprendre le deplaisir que cette affaire aportera aux Catalans »[25]. Dans les jours qui suivent, Marca continue à donner à Le Tellier ses avis sur les biens confisqués, proposant de nouveaux expédients afin de constituer un patrimoine à Margarit avec plusieurs dépouilles des marquis d’Aitona et d’en satisfaire les créanciers : « J’obeiray, dit-il, a ce qui m’est ordonné de ma part, mais il y a de l’aparence que Son Eminence ne traitera pas de ces choses avec moy. » Il lui explique que l’aveuglement du cardinal sera préjudiciable, car il ne tient pas compte des problèmes de dettes, dont l’effet immédiat et préoccupant est que les pensions qui avaient été attribuées aux gentilshommes catalans venus à la cour, Erill, Tord, Senesterra, Ciurana, Borrell, ne peuvent pas être payées. La couronne elle-même conservait d’importantes dettes envers plusieurs Catalans, particulièrement les frères Francesc et Cristòfol Sangenís, le premier toujours prompt à avancer sur ses propres deniers le paiement des pensions sur les biens confisqués, le second à fournir de la poudre de ses magasins. Raisons de plus pour ordonner enfin la révocation générale, qu’il ne cessait de demander, des « allienations par voie de sequestre ou autrement que les vicerois ont faites, suivant la minute qui fut envoiée par ordre de Monseigneur le Prince », en prenant soin toutefois, afin de ne pas choquer une fois de plus l’autorité de Saint Cecile, de « retrancher la derniere clause ou je suis nommé »[26]. Le Tellier apporte immédiatement son soutien à Marca, écrivant dès le 1er avril au cardinal qu’il est touché par la grâce faite à son parent Goury, mais reprenant précisément l’argumentaire du visiteur général sur la raison d’Etat :

« Il se trouve que cette grace est de nature qu’il n’en peut pas jouir, ayant esté accordé aux Catalans que les biens confisquez ne pourront estre donnez qu’aux naturels du pays, outre que ce bien ayant esté demandé par plusieurs personnes de qualité du pays, Sa Majesté ne la pû accorder a aucun, pour esvitter les jalousies, et le desplaisir que cela auroit donné a ceux qui ne l’auroyent point eu. Ainsy Sa Majesté a resolu de la réserver a son domaine, aussy bien que le comté de Canet, et l’on na differé d’en envoyer les expeditions, que parce que l’on vouloit au mesme temps adresser celles qui estoyent a faire pour le don des autres biens confisquez, suivant les memoires envoyez par Monseigneur le Prince, contenant son advis de ceux qu’on en pourroit gratiffier, et de fait les expeditions pour cette reunion seront envoyez par la premiere occasion »[27].

Les raisons avancées par Le Tellier sont mensongères, car ce sont précisément le faux pas de Saint-Cécile et les instances de Marca qui ont précipité cette décision débattue depuis de nombreux mois. De plus, avant cette date, nous n’avons pas retrouvé dans la correspondance royale et diplomatique la trace de cette prétendue assurance donnée aux Catalans d’attribuer à eux seuls les biens confisqués. Comme nous l’avons vu au début de notre travail, le traité de Péronne ne contient pas de disposition particulière à cet égard. Au contraire, la question n’apparaît dans les correspondances que tardivement, sous la vice-royauté du comte d’Harcourt, n’éclatant qu’à l’arrivée de Sainte-Cécile par suite de l’affaire d’Evol. C’est à cette occasion précise que la politique royale se définit. Toutefois, Le Tellier montre à Marca qu’il fait passer la raison d’Etat avant l’intérêt de sa famille, allant jusqu’à considérer que « la naissance du sieur Goury, le rend incapable de posseder ce viconté, ny aucun bien confisqué dans la Catalongne et le Roussillon »[28].

Sainte-Cécile, continuant à agir avec le même état d’esprit, ne fait rien pour apaiser les naissantes oppositions de nations. Toujours dans le but d’asseoir son autorité et de faire pièce à Marca, il décide d’installer en Catalogne plusieurs de ses proches serviteurs, tous italiens. En mars, il révoque l’abbé Faget de l’administration du duché de Cardona, et lui ordonne de remettre « sens mora ni tardansa » tous les papiers de cette charge au successeur qu’il a choisi, l’abbé de Santa Maria de Valverde, Mario Leoncelli[29]. Il a également amené avec lui, de la Curie romaine, le dominicain Giacinto Serroni, évêque d’Orange, qu’il a appuyé auprès de son frère pour qu’il obtienne le rang d’évêque « in partibus » en Catalogne, afin de délivrer les sacrements (la plupart des évêchés étant vacants, les titulaires étant exilés avec l’ennemi), et avec un considérable émolument[30]. Serroni lui sert de conseiller en toutes matières et de secrétaire. C’est lui qui écrit matériellement la lettre que le cardinal envoie à son frère le 13 avril, en italien, et où il donne sa version de tous les évènements que nous venons de commenter. Le morceau est truculent.

« Puisque (je veux) m’appliquer volontiers à ma tâche en ce lieu bien qu’on m’ait porté à la charge de vice-roi par la violence, on me prie dans mes instructions d’en déférer à M. de Marca, considéré comme un homme ridicule dans les affaires politiques, qui a mis à bas l’autorité du roi, créé des partisans, intéressé certains particuliers ; je n’irai pas jusqu’à parler de sa vie, car il vit dans cette ville avec peu de crédit, et une pauvre réputation. De plus, j’ai donné le vicomté d’Evol à M. de Gorry, et celui-là déclare qu’il veut le réunir à la Couronne sans faire aucun cas de ma réputation. Je ne suis pas comme Votre Eminence veut bien le croire : ayant été réduit à demeurer là, je ne pourrai souffrir pour mon crédit que ledit Marca écrive au Roi, comme à son ministre, et qu’ici il serve à censurer et à condamner toutes mes résolutions, pour lesquelles je ne suis pas attaché à ses conseils ; à la base de tout-cela, cette toute nouvelle maxime de multiplier les ministres et que S.M. écrive aux uns et aux autres ; parfois, on voit prévaloir l’avis des inférieurs »[31].

La nouvelle du don d’Evol s’étant répandue comme une trainée de poudre, les effets se font sentir immédiatement. Les Catalans qui avaient fait le voyage à la cour et n’étaient pas payés de leur pension se mettent à exprimer publiquement leur déplaisir et leur colère, augmentée par la rumeur (d’ailleurs infondée) que la vicomté de Canet, sur le modèle d’Evol, a été donnée à un Français, le gouverneur de Perpignan Noailles. « Ceux a qui l’on donne ces pensions pensent que l’on se moque d’eux ». Margarit, parent et ami de ces gentilshommes, exprime sa crainte « d’estre abandonné de ses amis, et se trouver seul aux occasion ou il sera question de la fidelité deue a Sa Majesté pour laquelle il mourra ». Marca récolte les mauvais fruits de l’attitude du cardinal, se voyant accuser par les Catalans de retarder la distribution des biens. La rumeur concernant Canet, dit-il, a été propagée par un déçu des récompenses, un certain Réart de Perpignan, à dessein d’attiser les conflits. Mais les Français aussi font un reproche à Marca, celui de manœuvrer dans son propre intérêt. Boissac le soupçonne de vouloir Evol pour son gendre M. de Rebenacq, et La Trousse d’avoir empêché Condé de proposer pour lui le don du comté d’Empúries – alors que son administration était, comme on le sait, loin d’être sans reproches[32].

Le 20 avril après la messe, lors d’une séance particulièrement houleuse, tous les griefs opposant le Cardinal au visiteur général éclatent à nouveau publiquement, en présence du général Marchin et du Gouverneur Margarit. Sainte-Cécile reproche à Marca d’avoir perdu l’autorité royale en voulant « flatter » les Catalans – référence directe à la politique de rapprochement avec la noblesse mise en œuvre au début de son mandat – et en écrivant directement aux ministres alors que seul le vice-roi aurait dû le faire. Marca réplique en développant une longue comparaison entre l’autorité royale en France, « absolue, en sorte que les ordres estans consultés avec les ministres, qui sont destinés pour cela, l’execution s’en fait avec hauteur, si les peuples s’oposent, le Conseil du Roy juge l’oposition », et en Catalogne, où elle est « tempérée par les Constitutions et les privileges du pais. En sorte que si l’on fait quoy que ce soit qui y contrarie, la Loy l’emporte sur l’autorité, qui doit ceder et revoquer tout ce qui a esté fait au prejudice des Constitutions », s’y ajoutant, par les circonstances concrètes du moment, le fait qu’ « il estoit necessaire dans une province nouvellement acquise, ou l’on ne possedoit encore les places qui peuvent ranger par force les peuples a leur debvoir, de les appaiser par douceur, prenant soin d’appaiser la ferocité qui est naturellement en eux, et pour cet effect d’eviter toutes les occasions de leur donner du deplaisir. » Pour Sainte-Cécile, Marca devrait arrêter de dénoncer ses actions, et, dans le cas d’Evol, aurait dû se taire car ce n’était pas contraire aux Constitutions et ne pas prêter l’oreille aux Catalans mécontents : « je debvois rebuter ceux qui me faisoient ces plaintes, ecrire à la cour que l’on n’y devoit point avoir esgard, que je ne desirois point m’opposer aux actions d’une personne de sa condition et de sa dignité, et qui estoit frere d’un Cardinal qui m’avoit honnoré de son amitié ». Une fois de plus, Marca invoque la raison d’Etat, mais aussi les ordres qui lui avaient été donnés par le roi de donner son avis sur la demande de la vicomté d’Evol faite par M. de Boissac. En quelque sorte, malgré tout le respect dû au vice-roi, l’intérêt de la couronne dépassait les autres considérations…

« Le don que Son Eminence en avoit faict à M. Goury et les plaintes que les Catalans faisoient publiquement et m’avoient faict en particulier de ce que les biens confisqués estoient donnés aux François (faisaient) que je ne pouvois m’empescher d’escrire sur cette matiere, puisque j’en avois le commandement, ni supprimer la verité des plaintes et les consequences nuisibles que je pense qu’elles peuvent apporter, parce que ce seroit faillir contre la fidelité que je dois à Sa Majesté ».

Marca ajoute que cette plainte des Catalans était « fort ancienne », évoquant la difficulté de Chabot à obtenir des Consistoires la confirmation du don qu’Harcourt lui avait fait des séquestres de la châtellenie d’Amposta, puis celle de ses héritiers, les Rohan, à en jouïr – la Generalitat revendiquant ces biens pour elle-même[33]. Sainte-Cécile tente alors de faire croire à Marca que les Consistoires ont changé et approuvent désormais sa politique, tirant argument du fait que, le jour même de cette audience, au matin, ils sont venus en corps lui faire plainte du rappel de plusieurs mal affectes, sans porter cette fois de contestation au sujet des confiscations. En fait, il s’agit d’une posture des Consistoires typique du « double jeu » mené, dans la correspondance, vis-à-vis du roi et des vice-rois. Opposés d’emblée à l’envoi de cet ecclésiastique italien, courroucés par de nombreux affronts[34], le contact ne passe décidément pas et le cardinal, refusant de voir ses décisions contestées, finit par refuser les ambassades des députés, les menaçant de les mettre en prison[35]. Ils reviennent alors de facto vers une communication directe avec le souverain, lui adressant au même moment, par une dépêche expresse du 15 avril, leurs griefs sur le don d’Evol[36] ! Marca se tourne alors vers Margarit pour appuyer son témoignage, « lequel, apres que Son Eminence luy eut ordonné de parler, luy dict en peu de paroles que sans doutte les Catalans ressentoient un tres sensible deplaisir de ce que l’on donnoit aux François les biens sur lesquels seuls ils pouvoient esperer leurs recompenses et leurs indemnites ». La seule conséquence de tout ces discours est que le Cardinal réaffirme sa volonté de « gouverner seul » [37]… Encouragé par Serroni, qui relaie les calomnies contre Marca – dont il est immédiatement devenu l’ennemi[38] –, Sainte-Cécile refuse de le consacrer évêque de Couserans dans l’abbatiale de Montserrat.

Quelques exemples précis permettent de mieux situer et illustrer le climat de tension montante entre Catalans et Français. Marca, se justifiant devant Le Tellier de tous les reproches que lui fait le Cardinal, souligne que l’opposition, jusque-là maintenue en sourdine, éclate désormais publiquement par la faute des maladresses du Cardinal et de son entourage italien.

« Adjoustés a cela, les desgouts qu’a donné aux conseillers et au peuple […] les discours de quelques Italiens de la famille de Son Eminence qui disent que la Catalogne sera bientost au Roi Catholique, parlent mal des François, mesmes l’un d’eux enquis par quelques dames s’yl estoit François, a respondu qu’il n’estoit pas yvrogne »[39].

Là encore, de nombreux pamphlets et autres écrits politiques sont envoyés à la cour par les Catalans fidèles, qui montrent l’extrême gravité de la situation. L’un d’eux, anonyme, adressé à Mazarin de Barcelona au moment même où les Consistoires visitent le Cardinal, est une véritable charge contre le gouvernement de ce dernier : il a, dit-il, rappelé de France les exilés soupçonnés d’être mal affectes sans écouter les avis contraires du Reial Consell, du Conseil de Cent et de la Députation à ce sujet. En effet, explique Sanabre, Sainte-Cécile avait tenté une politique de pacification pour faire oublier les abus fort impopulaires des gouvernements précédents contre la noblesse et les immunités ecclésiastiques, annulant plusieurs décisions antérieures ; mais, une fois encore, il l’avait fait de façon unilatérale, provoquant l’ire des institutions catalanes[40]. De plus, dit le même pamphlétaire, les dons de Canet et d’Evol, terres situées en Roussillon, ont répandu partout la rumeur que la France ne se souciait que de garder le Roussillon, la trêve portant la restitution du reste du Principat ; ces dons confirment les cavallers fidèles venus à la cour (Erill, Tord, etc.) dans leur impression d’être lésés ; par conséquent, le peuple dit que toutes les gratifications du Cardinal ont été obtenues par des pots de vin…

« Plus encore, en la place Sant Jaume, où se promène la meilleure noblesse, on a dit à haute voix : « Si la France ne nous veut pas, pourquoi ne pas l’avoir dit dès le début ?  » On commence aussi à voir affichés dans les rues de la ville des pamphlets disant « Vive Espagne ! A mort la France ! Dieu maintienne le gouvernement du Cardinal de Sainte-Cécile !  » Si l’on se demande qui en est la cause et qui en a la faute, on peut le tirer de ce qui vient d’être dit. Ainsi furent les premières manifestations de la Catalogne quand elle secoua le joug de l’Espagne au nom de la Tyrannie. […]

Si (Son Eminence) souhaite conserver cette province, que toutes les provisions ne soient pas pour les Français »[41].

A la fin du mois suivant, Gaspard Sala confirme l’opinion dans une lettre qu’il envoie à Mazarin. Pour lui, les erreurs du vice-roi encouragent directement les manigances des mal affectes dans Barcelona, d’autant plus qu’une armée navale menée par Baltasar Carlos, fils du roi d’Espagne, croise à quelques encâblures de la ville et empêche tout commerce de Barcelona et de la Catalogne – sans que la France n’envoie de navires, toutes les flottes étant mobilisées en Italie… Sala explique que les présentes anicroches continuent les persécutions des vrais Catalans fidèles, comme lui et le docteur Martí – les « deux seuls Catalans qui ont écrit au service de France et en Catalogne » – qui ont été, le premier obligé de se retirer à la cour, le second dérangé dans la paisible jouissance de Sant Cugat par une convocation à Rome, fomentée par l’abbé de Galligans et maintenant mise en application. L’intéressant est que, tout en écrivant comme défenseur de sa propre cause, Sala reprend la même image que Marca quelque temps auparavant : le danger imminent d’une révolte à la napolitaine…

« Parler de mal affectes à la France en Catalogne est désormais un délit. Ces humeurs funestes croissent à tel point que je crains qu’il se produise tout d’un coup un autre Janvier comme à Naples, et, nous couchant un soir vassaux de France, nous ne nous réveillions un matin esclaves d’Espagne […]. Le mal croît comme un cancer »[42].

 

Désaveu de Sainte-Cécile et forgerie d’une « maxime generalle […] religieusement observée »

 

La réaction royale, emboîtant le pas à Le Tellier, est de soutenir entièrement Marca contre le Cardinal. Dès le 5 mai, une lettre missive du roi est envoyée aux députés de la Generalitat pour leur assurer que le roi ne donnera les biens confisqués qu’aux Catalans. Il s’agit, semble-t-il, de la première communication officielle à ce sujet, et qui, reprenant précisément les suggestions du visiteur général, définisse une politique claire et sans équivoque. Elle vient en réponse de la dépêche que les députés avaient envoyé au roi le 15 avril, à l’insu du Cardinal. Tout d’abord, on trouve l’affirmation que la couronne n’a jamais eu l’intention de faire don des biens à des Français, et qu’elle ne l’a jamais fait « depuis notre advenement a cette couronne » : les rumeurs contraires ne sont que des « impressions » qu’il s’agit de démentir. Différenciation élémentaire entre les dons des vice-rois (comme le séquestre à Chabot, Evol à Goury…), d’emblée dévalorisés, et la grâce royale. Rappelons que, malgré les affirmations de circonstance du ministre, la question avait été peu débattue et réflechie, se limitant, en 1645, à désapprouver l’ouverture de Marca de faire payer ses appointements sur les revenus de Cardona au motif « que cette proposition certainement n’auroit pas esté bien receue, nestant pas apropos que cette nature de fondz serve a acquitter les debtes de Sa Majesté, mais plustost a gratiffier ou desdommager les Catalans qui ont des biens scituez dans le pays ennemy dont ilz ne peuvent jouir a cause de la guerre »[43]… proposition d’ailleurs acceptée par la suite. Avant l’affaire de Chabot, aucune définition générale et légale de la destination des biens confisquée n’avait été envisagée… La lettre royale en appelle ensuite à la fidélité des députés, en leur demandant de relayer l’annonce et de rassurer les Catalans, leur montrant que la couronne n’a « plus rien a cœur que d’obliger par toutes les manieres possibles de notre bienveillance a nos sujetz de notred. province tant en general qu’en particulier a conserver l’affection qu’ils nous temoignent et pour nostre service, et de recompenser celuy que nous voyons assés qu’ils nous rendent dans nos armées et ailleurs, et la pluspart aux despens de leurs biens et de leur propre sang »[44].

Entretemps, se sentant affaibli de toutes parts, le Cardinal a résolu de quitter cette Catalogne qu’il avait eu si peu d’enthousiasme à gagner. Déjà, dans son attitude des mois précédents face aux Consistoires, le collecteur apostolique Candiotti décelait une tendance à exagérer sa cruauté afin de les inciter à demander son renvoi – ce qui, dit-il, était son vœu le plus cher mais que son frère voyait d’un mauvais oeil[45]. Dès le 5 avril, sa décision était prise, et, après avoir publiquement dit que, selon lui, le Principat était laissé avec une armée insuffisante et que l’autorité royale y était bafouée, il faisait mine de vouloir se transporter à Perpignan. Sous la pression de Serroni, il décide alors de rester jusqu’à après Pâques[46]. Le 14, il avait écrit au roi pour demander la permission de se retirer. Répondant à ce courrier, une lettre missive du roi du 5 mai la lui accorde finalement, non sans de nombreux reproches, sûrement inspirés par la colère de Mazarin[47]. Dans la précipitation, un successeur lui est choisi : le maréchal de Schomberg, lieutenant général des armées du roi, qui commandait l’armée de Languedoc et se trouvait à ce moment-là le général le plus proche de la frontière, susceptible de se rendre le plus rapidement en Catalogne. Le Tellier envoie au Cardinal une lettre très dure : Mazarin n’a même pas voulu lire la missive de son frère, pas plus que la reine qui souhaiterait le voir rester en Catalogne… Dans la même lettre, le ministre lui donne une dernière mise au point au sujet des biens confisqués, usant à dessein de cette version nouvellement inventée de l’histoire, réécrite pour ainsi dire, qui efface six ans d’empirisme et d’hésitations et les remplace par des maximes prétendument respectées de tout temps.

« Les viceroys de Catalongne, soit durant la domination du Roy d’Espagne, soit depuis que la province s’est mise soubz celle du Roy, n’ont jamais disposé des biens confisquez, des biens ny des offices royaux, et si, depuis que les armes de Sa Majesté y sont recongnuës, ceux qui y ont commandé en qualité de viceroys en ont donné, ça esté par provision. Encores ont ilz en cela passé leurs pouvoirs et instructions. Ce sont choses que les souverains de Catalongne se sont touiours reservez. Ce n’est pas touteffois, Monseigneur, ce qui a empesché que le don qu’il avoit plû a Votre Eminence de faire a monsieur Gourry du vicomté d’Evol n’ayt esté confirmé, mais bien la maxime generalle qui a esté religieusement observée jusques a cette heure, de ne point gratiffier les François des biens confisquez, et que celuy dont il s’agist a esté reuny au domaine du roy […]. Il est si vray, Monseigneur, qu’ils [les Catalans] ont une jalousie extreme de se conserver cet advantage et pouvoir seulz posseder les biens confisquez, que les depputtez du Principat ont depuis peu de jours escrit au roy, a la reyne, et a Monseigneur le Cardinal, pour se plaindre de ce qu’on en gratiffioit les François. Je ne laisse d’estre aussy sensiblement obligé a Votre Eminence de la grace qu’elle a eû la bonté de voulloir faire audit sieur Gourry que s’il en jouissoit, et que si je l’avois receüe pour moy mesme »[48].

Le même jour, Le Tellier écrit une nouvelle lettre à Marca lui signifiant sa satisfaction totale et lui rendant, une fois de plus, la totale liberté d’action pour les biens confisqués. Il minimise au passage l’importance du mécontentement des Catalans revenus de la cour.

« Je ne sçay pas ce qui peut avoir donné subiect aux officiers Catalans qui sont venus icy de n’estre pas contents, veu qu’on leur a accordé les gratiffications que Monseigneur le Prince a proposé pour chacun d’eux dans le memoire des biens confisquez […]. Peut estre que ce qui a donné lieu a leur plainte est qu’on leur a promis chacun une chaisne d’or, qu’on ne leur a pû bailler avant leur depart, mais qui seront certainement mises dans peu de jours ès mains de celuy auquel ilz ont donné charge de les recevoir pour leur estre envoyées ».

Erreur stratégique ou ignorance volontaire, de croire que le mécontentement qui gronde vient d’une simple chaîne, alors que depuis plusieurs semaines déjà Marca mettait en garde sur l’impossibilité de payer ces récompenses qui avaient été certes été généreusement distribuées d’après le mémoire de Condé, mais qui, dans les faits, n’étaient que du vent. Comme on ne leur a rien donné de plus que des pensions, afin, dit Le Tellier, « qu’ils congnûssent qu’on ne veut rien accorder icy, que par l’advis du viceroy ou le vostre », Marca se voit donc renvoyer « tous ceux qui font des demandes pour les examiner, et, sur ce que vous en mandez, on fait pour eux ce dont vous estes d’avis ; qui est ce me semble la meilleure maxime qu’on puisse tenir pour faire les choses avec Justice et esvitter autant qu’il est possible de mescontenter les autres ». Là aussi, c’était rapidement croire que, par sa seule industrie, Marca pourrait dompter toute impulsion malvenue… Quant aux plaintes que les gentilshommes français Boissac et La Trousse faisaient contre lui, Le Tellier les écarte d’un revers de la main, en usant, là encore, d’une maxime bien caractéristique de sa prose : bien faire et laisser dire. « Je ne puis pas vous respondre de monsieur de La Trousse, mais je puis vous dire que madame sa femme a fait de moy la mesme plainte que son mary peut bien avoir fait de vous, c’est a sçavoir que j’avois empesché qu’il n’obtint le don du comté d’Ampourias. Mais comme vous dites tres bien, Monsieur, en faisant son debvoir, il n’y a pas subiect d’estre en peine des plaintes des autres. C’est touteffois ce qui nous les attire »[49].

Néanmoins, les craquements sont bien réels. D’une part, si Le Tellier fait tous les efforts possibles afin d’empêcher son parent Goury de jouïr du don « impossible » de la vicomté d’Evol, l’intendant a commencé à envoyer sur place ses procureurs afin d’en prendre possession et d’engranger les premiers revenus. Le ministre use une nouvelle fois de diplomatie et tente in extremis de démêler l’inextricable :

« Bien que je ne croye pas que vous voulussiez vous prevalloir de la prise de possession que vous avez fait faire pour vous du vicomté d’Evol pour en toucher les fruicts, ayant mesme asseuré Son Eminence (sur la plainte qui luy est venû de ce que ce don vous avoit esté fait, mesme par un libelle imprimé et envoyé de Catalongne) que vous n’avez garde d’y songer, neantmoins, j’ay voullu vous dire qu’il importe que vous en uziez ainsy, tant par ce que la chose ne seroit pas dans l’ordre que pour ne pas donner un nouveau subiect de plainte aux Catalans »[50].

Menaçant de l’ire cardinalice et, potentiellement, royale, Le Tellier révèle au passage l’existence d’un libelle imprimé au sujet de l’affaire d’Evol. Nous ne l’avons malheureusement pas retrouvé, mais il est certainement à mettre dans la catégorie ceux que nous avons observé au chapitre précédent au sujet des luttes des habitants d’Ille et d’Empúries ; preuve supplémentaire que, depuis le tournant de la vice-royauté d’Harcourt, et plus particulièrement, comme nous allons le voir, à partir de l’année 1648 avec les vices-royautés de Sainte-Cécile et de Schomberg, la parole politique s’est libérée de manière inégalée et passe désormais par l’art singulier des publicistes. Quant à Goury, il n’allait pas se départir aussi facilement de l’honneur qu’on lui avait donné. Dans les mois qui suivent, Marca doit intervenir pour calmer le jeu et écrit à Le Tellier « qu’il est fort aymé et estimé des Catalans, et que leurs plaintes ne vont pas en particulier contre sa personne, mais pour temoigner le desir qu’ils ont que Sa Majesté considere plus les Catalans que les François dans la distribution des biens confisquez »[51]. Lâchant prise lors de la réunion effective de la vicomté au domaine, Goury ne cessera pas moins de s’intituler « vicomte d’Evol » jusqu’aux années 1670[52]. Marca profite du départ imminent de Sainte-Cécile pour demander, une nouvelle fois, une décision générale et positive : « une bonne resolution sur les gratiffications que l’on veut faire a tous les Catalans, sans que l’on se remete sur messieurs les vicerois, qui pour paroître maistres font plus qu’ils ne peuvent en faisant les dons, et plus qu’ils ne doivent en les faisant mal apropos en faveur des personnes qui n’ont point de merite ». Il préconise pour cela de demander leur avis au chancelier, au Gouverneur, au Régent et au lloctinent del Mestre Racional, Tamarit, mais avec une clause spéciale : leur donner « assurance que cet advis sera tenu secret, afin qu’ils puissent dire leurs sentimens avec plus de liberté » et lui envoyer « coppie de leurs advis, n’estant pas apropos qu’ils connoissent icy que je suis informé de vos intentions » [53], demande qui révèle davantage les dissensions entre les hauts dignitaires profrançais à ce sujet et la volonté de Marca de « voir sans être vu » pour mieux les cerner qu’un vrai sondage d’opinions. La suggestion ne sera pas adoptée, sans doute en raison de la précipitation des évènements dès l’arrivée de Schomberg.

D’autre part, le départ du Cardinal, loin de tout calmer, ouvre de nouveaux problèmes. Le 14 mai 1648, Sainte-Cécile sort brusquement de Barcelona, avec un tel empressement qu’il donne à tout un chacun l’impression d’une fuite. Sa dernière action, le jour même de son départ, est de faire grâce à son serviteur Serroni d’habiter dans la maison du marquis d’Aitona sans rien payer[54]. Le plus remarquable est que Sainte-Cécile laisse sur place tous ses serviteurs italiens, désemparés. Mario Leoncelli, qu’il avait nommé administrateur du duché de Cardona à la place de l’abbé Faget, se trouve empêché dans l’exercice de sa charge, Faget, soutenu par son cousin Marca, multipliant les embûches, contestant la validité de son privilège et faisant tout pour que les officiers du duché ne rendent pas leurs comptes ni n’aient aucun rapport avec lui. Il s’en plaint amèrement à Mazarin[55], alors que Marca, donnant à plein dans le climat de défiance entre nations, écrit expressément à Le Tellier qu’il faudra donner l’administration du duché à un Français, et non à un Catalan (et donc, sous-entendu, encore moins à un italien) : les Catalans, dit-il, doivent être gouvenés par des personnes obligées de rendre compte de leurs actions au roi ; les lettres confirmant l’administration de Faget pourront être expédiées en français et son salaire, fixe, devra être versé en livres barcelonaises et non au réal pour livre suivant l’usage catalan[56]. Un mémoire joint à cette lettre, explicitant les raisons de ce conseil, en dit long sur sa réelle opinion du service des Catalans. Evidemment, le Français qui se trouvait à cette heure le plus compétent pour exercer l’administration du duché de Cardona était Faget[57]

« Il est important de ne donner pas l’administration du duché de Cardonne a un Catalan pour beaucoup de raisons.

  1. Parce que les officiers qui vendent journellement de sel en la saline de Cardone dependant de l’administrateur. Et comme ils sont Catalans, ils pourroient concerter avec luy des accords prejudiciables au service de Sa Majesté.
  2. L’administrateur catalan pourroit faire des magasins secrets de sel pour le vendre apres le temps de son administration. Cette raison ici a empeché les ducs de Cardone de bailler jamais a ferme leur saline.
  3. Il vendroit les offices de gouverneurs, assesseurs, thresoriers et bayles.
  4. Il feroit des compositions secretes pour donner des remissions et graces.
  5. Il s’accorderoit avec les syndics des universitez pour tromper le Roy aux fermes des revenus gerez par lesdites communautéz.
  6. Comme les terres et estats de Cardone sont le quart de la Catalogne, il est de plus grande politique qu’ils soient administrez par une personne de la fidelité de laquelle le roy puisse estre asseuré.
  7. L’administrateur catalan feroit passer au Rational une prodigieuse quantité de fraiz non desboursés et forfés a plaisir, comme pratiquent aujourd’hui les sequestres des biens confisquez ecclesiastiques et seculiers.

 

Toutes ces raisons cessent en un François a cause de la jalousie des Catalans, qui sont bien aises de deferer un François qui veult faire des gains illicites »[58].

Au même moment, Fontanella écrit à Mazarin que le Cardinal est parti « avec tant d’empressement qu’à peine il nous a laissé la possibilité de lui présenter nos adieux : le désir qu’il avait de repartir ne lui permettait pas d’attendre davantage. Je restai avec un grand ressentiment de son départ, parce-que ses serviteurs ont publié que ce n’était pas avec l’approbation de Votre Eminence ». Le Régent signale également que ses « créatures » restées sur place subissent une grande hostilité, les Catalans attendant avec impatience le départ de Serroni resté pour exercer les fonctions épiscopales, et facilitant, sans doute par défiance pour sa qualité d’Italien, les manigances de Faget contre Leoncelli[59]. Les rumeurs, rapportées par le Régent, que Sainte-Cécile partait contre l’avis de son frère, n’étaient qu’un mince reflet de la réalité. Mazarin, d’un côté, accuse le pape et les Espagnols de la responsabilité du départ de son frère. Mais à ce dernier, ainsi qu’à d’autres membres de sa famille, il écrit des lettre incendiaires où il l’accuse d’ingratitude, de nullité, de bêtise. Michel Mazarin, à peine arrivé à Rome, s’éteint le 2 septembre 1648, couvert d’opprobre, honni par la cour de France et peu regretté en Catalogne[60]. Au nouveau vice-roi Schomberg, qui n’a même pas pu croiser son prédécesseur, Le Tellier écrit avec humour : « J’ay receu les lettres qu’il vous a plû de m’escrire et veu par la premiere comme vous n’avez pû joindre Monseigneur le Cardinal de Ste Cecille, a cause de la grande diligence avec laquelle il est retourné en Provence. Elle me fait aussy congnoistre que vous estes en perte de la gajeurre que j’ay faite avec vous, que vous ne le trouviez plus en Catalongne. J’en ay dautant plus de joye que je suis asseuré que cette perte ne vous touche point, et que vous vous en consolez facilement »[61].

 

 

 

 

 

2.            Schomberg : droit de guerre contre droit du plus fort, Catalans contre Français

 

Prise de Tortosa, affrontement des points de vue sur le « droit de guerre » et distribution par Schomberg des biens confisqués, en opposition avec Marca

 

                    La vice-royauté de Schomberg se présente, malgré les efforts de Marca, comme la suite logique des problèmes ouverts sous les vice-rois précédents et particulièrement sous Sainte-Cécile : usurpation de la faveur royale et montée des oppositions entre Catalans et Français. Tout d’abord, par son profil, le maréchal Charles de Schomberg, duc d’Halluin, se rapproche fortement du comte d’Harcourt. Issu d’une puissante lignée – petit-fils d’un protestant converti favori d’Henri IV, fils d’un maréchal de France –, c’est aussi un militaire glorieux, distingué au cours des guerres contre les protestants en 1622, gouverneur de Languedoc après son père, vainqueur des Espagnols à Leucate en 1637. En 1644, il avait été remplacé au gouvernement de Languedoc par Gaston d’Orléans, devenant lieutenant-général des armées dans cette province. Vice roi « d’urgence », c’est sa proximité de Barcelona qui, selon Aznar, a déterminé sa nomination alors que Sainte-Cécile envisageait de quitter la ville[62]. Schomberg est muni d’un pouvoir de vice-roi[63], mais ne reçoit pas d’instructions en raison de la précipitation des évènements. Il faut dire que la régente Anne d’Autriche et son principal ministre sont alors préoccupés par l’opposition montante du Parlement de Paris qui, le 5 mai, vient juste de voter un « arrêt d’union » l’unissant aux autres cours souveraines dans ses revendications contre les réformes fiscales de la monarchie[64]. De fait, Schomberg se presse et fait son entrée à Barcelona dès le 5 juin 1648. Son principal objectif est de continuer les opérations militaires et de leur apporter le succès tant attendu. Condé avait eu le choix d’attaquer Lleida ou Tortosa, porte d’entrée commode, près de l’Ebre, dans les terres ennemis, mais lointaine et mal fortifiée et donc difficile à conserver : il avait choisi Lleida, avec la réussite que l’on sait. Dès avant l’arrivée de Schomberg, le général Marchin avait décidé de déplacer l’armée dans la plaine de Tortosa, vu le peu de garnison espagnole de cette place. Ainsi, le 10 juin, à la veille du Corpus Christi, Schomberg se rend au front de l’Ebre. Ce jour-là, la cavalerie française traverse le fleuve, avec 7000 soldats dirigés par Marchin, La Trousse, d’Aletz, le marquis de La Fare et Josep d’Ardena. Alors qu’Ardena fait une diversion en entrant dans les régions côtières du royaume de Valencia et en saccageant les villages, le siège de Tortosa commence, le 3 juillet 1648. Schomberg y arrive personnellement le 22 juin, avec grand renfort. Plusieurs sorties espagnoles à la fin du mois et début juillet sont inefficaces. Le 4 juin, des renforts français arrivent du front de Lleida et de Barcelona. Les Espagnols abandonnent dès avant le 15 juillet. Les circonstances de cette prise sont particulièrement dures : du côté espagnol, le gouverneur Diego de Brizuela est accusé d’avoir fui vers le château sans défendre la ville ; du côté français, l’armée entrée dès le 12 juillet se livre dans la ville à un terrible saccage, qualifié par Sanabre d’acte le plus vandale de cette guerre. Tous les couvents sont dévastés ainsi que le palais épiscopal, les ornements religieux sont vendus publiquement. Selon les observateurs castillans, le message était clair : on passait d’une guerre entre Etats à une guerre de religions[65].

La prise de Tortosa, fait principal de la période, donne aussi à Schomberg la première grande occasion d’affirmer son autorité et d’user du pouvoir de grâce, à l’image du comte d’Harcourt et de Sainte-Cécile. Durant ses premiers jours en Catalogne, il avait commencé à contrecarrer Marca en nommant un de ses domestiques, le sieur de Pauillac, au poste de gouverneur et administrateur général du duché de Cardona, pour remplacer Leoncelli, contre la volonté de Marca d’imposer à nouveau son parent Faget[66] et celle du roi de prolonger Leoncelli dans son poste[67]. Arrivé au camp devant Tortosa, il avait également fait don de la baronnie de Sant Boi de Llobregat à Francesc Borrell, capitaine au régiment du comte d’Ille[68], son premier don de biens confisqués, par lequel il montrait une claire volonté de privilégier les militaires combattant à ses côtés, Borrell, l’un des grands capitaines catalans, n’ayant pas été récompensé depuis le début de la guerre. Mais la prise de Tortosa donne lieu aux plus grandes avidités et aux brigues les plus extravagantes. Marchin lui-même, avant même le siège, déclare qu’il espère, en cas de conquête, recevoir le gouvernement de la ville avec les prérogatives et avantages qu’on peut justement prétendre sur les rebelles et les gens conquis[69]. Pour éviter le soulèvement de la ville et prévenir sa reprise par les Espagnols, on y laisse une garnison de 2500 soldats, et Marchin est effectivement nommé gouverneur. Schomberg écrit à Mazarin que tous les membres de la municipalité sont changés ainsi que les officiers : on peuplera la ville de gens alliés, en expulsant les mal affectes[70]. C’est là que nos commentaires au sujet du traité de Péronne et au statut exceptionnel de Tortosa[71] prennent toute leur signification : selon les termes de l’article 11, Tortosa et Tarragona, soumises aux ennemis du plein gré de leurs habitants, une fois reprises, devaient jouir des privilèges généraux et des Constitutions de Catalogne, mais pas de leurs privilèges particuliers, qui ne leur seraient restitués que selon leur attitude postérieure ; le tout dépendant des pactes de capitulation. Tortosa est donc, par cette situation d’exception, soumise au droit de la guerre, à l’inverse de toutes les autres cités catalanes réputées soit soumises à l’autorité française (légitime) soit tenues (de force) par l’ennemi. De tout cela vont donc découler des interprétations qui diffèrent selon les personnes et les intérêts, les militaires vainqueurs de Tortosa voulant en tirer tout le profit possible.

Ainsi, dans une lettre fondamentale à Le Tellier, dont nous donnons l’édition partielle en annexe[72], ainsi que dans un mémoire qu’il donne à Schomberg, Marca revient longuement sur tous ces concepts juridiques, afin de prévenir les abus qu’il perçoit imminents, mais consentant toutefois à un traitement d’une extrême sévérité pour les mal affectes qui se trouvaient dans la ville. Il développe tout d’abord le droit de la guerre, pour dire en quoi et comment il s’applique à Tortosa ; et dégage ensuite « le temperament que la prudence politique peut desirer ». Comme Tortosa a été prise par assaut, dit-il, les officiers et les soldats espagnols qui la défendaient ont été faits prisonniers de guerre, et les habitants se sont rendus à discrétion, sans aucune capitulation formelle : « par consequent, non seulement la ville a perdu ses privileges suivant les pactes et le droit commun, mais encore la propriété des biens communs et particuliers par le droict de la guerre a cause qu’elle a esté prise par assaut, qui est un cas obmis dans les pactes, et qui partant doit estre reglé suivant le droict commun. » Cependant, le droit de la guerre qui s’applique ayant été théorisé, et résidant dans des maximes alors généralement admises, les biens des habitants de la ville seront saisis, mais ne pourront pas être considérés comme un « butin » – notion que Marca montre volontairement comme dépassée au XVIIe siècle – sinon comme la propriété du roi. De même que les biens ne seront pas « confisqués » mais « saisis » puisque les vaincus ne sont pas sujets du roi, et donc pas criminels de lèse-majesté…

« Suivant le droict de guerre receu par toutes les nations, et par tous les autheurs, theologiens et jurisconsultes, tous les biens communs de la ville et tous ceux des particuliers appartiennent au roy en proprieté. Ce n’est pas par voye de confiscation puisque cette ville n’a point consenti à l’esclection du roy faite par la Catalogne, mais au contraire elle s’est tousjours maintenue soubs l’obeissance du roy Catholique, et par consequent elle est sujete à tous les effects d’une Juste guerre, comme est celuy de l’acquisition de la proprieté de tous les biens ymmeubles communs et particuliers au profict du roy, les deniers et les meubles ayans peu estre acquis aux gens de guerre qui les ont occuppés, puisque l’on ne pratique à present le partage du butin comme faisoient les Hebreux, les Grecs, les Romains, et nos anciens François ».

La réflexion de Marca est manifestement inspirée de Grotius, pour qui « ceux qui ont pris les armes pour un juste sujet mais encore tout ceux qui font la guerre dans les formes aquièrent la propriété de ce qu’ils ont pris à l’Ennemi », pour qui les habitants favorables à l’ennemi se voient dépouillés de la propriété de leurs biens (et non ceux, habitant au même endroit, qui n’ont pas soutenu l’ennemi), et pour qui les prises de guerre appartiennent « premièrement et directement au peuple ou au roi qui fait la guerre »[73] : ce qui assoit la logique monarchique de Marca. Mais, comme on voit, les principes généraux de Grotius sont intelligement fusionnés avec les clauses particulières du traité de Péronne, faisant état de la situation particulière de Tortosa, et menant finalement à la conclusion que les « gens de guerre » seront exclus de la propriété immédiate des biens. En effet, si l’on reprend l’argumentaire de Grotius, les biens appartiennent « à ceux qui les prennent par autrui aussi bien qu’à ceux qui les prennent eux-mêmes » (dans le cadre d’ « exploits militaires véritablement publics »), à savoir au Général (de la population) et non seulement aux vainqueurs. Cela n’empêche pas une distribution postérieure en leur faveur par le roi seul[74], mais les écarte légalement d’une prise de possession par leurs propres moyens, en opposition avec les convoitises de Marchin et de ses pairs. Partant, seul le souverain pourra décider des impositions sur les biens et denrées, en tant que possesseur – par le même droit de guerre – de l’ancien pouvoir du corps de ville de Tortosa, et non les vainqueurs de la place, qui ne sont pas fondés à établir des contributions et à exercer les anciens pouvoirs des édiles.

Une fois posées ces maximes, Marca propose des solutions de « prudence politique ». Il examine d’abord des exemples tirés de l’histoire ancienne – et repris encore une fois dans Grotius : sous les Romains, prendre « une portion de la terre conquise et l’assigner a certain nombre de vieux soldats », ou bien laisser aux vaincus la possession de leurs biens en échange du versement d’un tribut, ou encore leur laisser tous leurs anciens droits afin d’obtenir leur adhésion « par excez de clemence et de bonté ». Mais, dans le cas particulier de Tortosa, le droit du roi doit être défendu, avant tout contre ses propres généraux et leurs convoitises injustes : ainsi, Marca prescrit de « faire une Declaration du droict qui appartient a S.M. », c’est-à-dire une proclamation officielle revenant sur les points qu’il a éclaircis plus haut – premièrement le transfert de propriété au souverain –, et en imposant le respect afin de couper court à toute interprétation divergente. A côté de cela, on prendra une voie moyenne afin de « laisser des esperances a ce peuple », c’est-à-dire celle de rentrer postérieurement dans la grâce du roi en prouvant sa fidélité. L’expédient pratique proposé par Marca est de laisser les habitants dans la « jouissance » de leurs biens, sans la propriété, « jusques a ce qu’il plaise a S.M. leur en accorder de nouveau la proprieté ». La modération observée dans la répartition des impôts sera donc un critère essentiel pour obtenir la fidélité du peuple : le roi pourra se réserver la « tasque », dixième partie des grains, vins et huiles, ainsi que des droits modérés sur les soies, afin de les employer aux fortifications de la ville et au paiement de la garnison, avec capacité exclusive de les diminuer ou de les augmenter à sa volonté. Cependant, suivant son opinion habituelle renforcée par la conspiration de 1645, Marca apporte sa confiance au peuple et non aux élites. Afin d’assurer la conservation de Tortosa et d’éviter les trahisons, il échafaude donc un vrai plan d’exil des mal affectes, digne du repeuplement d’Arras par Louis XI en 1479, qui avait substitué les anciens habitants exilés à Paris, Rouen, Amiens et Tours, par de nouveaux.

« Il semble qu’il est necessaire de laisser les habitans qui cultivent les terres et les artisans pour se prevaloir de la conqueste. Quand aux gentilhommes et bourgeois qui pourroient former des desseins, on en peut renvoyer deux cens ou environ avec leurs familles en diverses villes de la province éloignées de la frontiere, sçavoir trente ou quarante a Barcelonne, autant a Vic et a Geronne davantage, et encore a Puicerdan, Olot, Bezaleu, et a Perpignan, et neantmoins donner la liberté a ceux qui voudront de se retirer en Espagne, a la charge de ne jouir point de leurs biens qu’ils ont en Catalogne ».

Là encore, l’exil rendu possible aux gentilshommes et aux bourgeois découle du fait qu’ils ne sont pas criminels de lèse-majesté, mais simplement sujets de l’ennemi habitant une place conquise par les armes. Ceux qui restent devront donc prêter un serment de fidélité afin de changer solenellement d’obéissance, et, à titre provisoire, Marca préconise de leur interdire la participation aux assemblées. Quant aux ecclésiastiques, n’étant pas non plus lèse-majesté, et bien qu’ayant « pris les armes » durant le siège, ils ne perdent pas le titre de leurs bénéfices, mais les revenus de ces derniers « sont acquis a Sa Majesté durant la vye des titulaires ». Nuance juridique très ténue, rendue obligatoire, d’un côté, par la nécessaire cohérence de l’ensemble construit par Marca ; et surtout par la mauvaise qualité des rapports avec le pape, qui refusait depuis le début de la guerre d’envoyer les bulles des bénéficiers nommés par des Français, et n’aurait jamais accepté de révoquer massivement tous les titulaires de Tortosa pour le bon plaisir de Louis XIV. Pour plus de sûreté, l’évêque était gardé prisonnier afin d’obtenir la libération d’ecclésiastiques catalans prisonniers à Valencia.

Pour comprendre la suite des évènements, il faut bien introduire les brigues inspirées par ce terrible siège. Dans les jours qui suivent l’entrée des Français, Marchin est nommé par le roi gouverneur des armes de Tortosa, comme il l’avait souhaité. Sa commission précise qu’il pourra « commander tant aux habitans qu’aux gens de guerre qui y sont et seront cy apres establis en garnison » [75], soit une définition très large et peu claire de ses pouvoirs. Principal chef militaire en Catalogne depuis la fin de la vice-royauté d’Harcourt, promu à la suite de la destitution des anciens chefs compromis dans la première débâcle de Lleida, Jean Gaspard Ferdinand de Marchin était un des anciens fidèles d’Harcourt qui avait combattu avec lui en Italie, homme énergique et efficace qui avait puissamment orienté l’action royale vers Tortosa, mais aussi cupide et avide de gains. Pendant le siège et dès la prise de la ville, il envoie plusieurs lettres à Mazarin afin d’obtenir différents privilèges. Le cardinal lui répond en demi-teinte, sans accéder à ses demandes :

« Depuis la prise de Tortoze, j’ay receu plusieurs de vos lettres ausquelles je ne me suis pas pressé de faire responce […]. Ce que j’ay a vous dire maintenant sur toutes les instances que vous faites, est premierement que l’on a recommandé en general à monsieur le Tellier de vous donner satisfaction en tout ce qui se pourra sans blesser l’ordre qu’on a tenu jusqu’à present dans l’expedition des affaires du pays ou vous estes.

 

Car par exemple pour ce qui est des confiscations que vous demandez ave le gouvernement de Tortoze, on ne peut pas se dispenser de l’usage qu’on a estably et observé jusques icy a l’esgard des biens confisquez en Catalogne dont Sa Majesté n’a accoustumé de disposer qu’en faveur des Catalans mesmes »[76].

Mazarin poursuit le même discours et lui refuse le dons qu’il avait demandé des salines de la frontière, de même qu’il n’accepte pas de nommer celui qu’il propose à la châtellenie d’Amposta, à la commanderie de Malte qui s’y trouve, pas plus qu’au gouvernement de Rosas pour lequel il a proposé Josep d’Ardena. Au même moment, le cardinal écrit à Schomberg lui-même afin d’examiner les prétentions d’un autre militaire, le sieur de Nestier, sur les confiscations du Val d’Aran. A l’image de Marchin qui souhaitait définir à sa guise les impôts de Tortosa et les percevoir lui-même, Nestier veut s’attribuer le « droit de galein » du Val d’Aran[77]. Généralement, le vice-roi, avec une intensité particulière depuis le siège, reçoit de nombreuses sollicitations. Le 1er août, Marca informe Le Tellier que l’« on presse M. le mareschal de Schonberg de faire des distributions des biens confisquez […]. Si l’on doit envoyer des ordres sur ces affaires, yl est apropos de les mander en diligence, d’autant plus qu’on n’a point donné a Son Excellence aucune instruction a cause de la presse de son depart »[78]. Marca demande qu’on agisse avec diligence car, pressé par son entourage – principalement les militaires –, Schomberg manifeste déjà une inclinaison à céder et menace à tout moment de retomber dans les mêmes erreurs que ses prédécesseurs. Ainsi, le visiteur général imagine une nouvelle fois des gardes-fous pour empêcher la dérive : réunir deux fois par semaine, comme il le préconisait depuis longtemps, un conseil d’Etat où il serait présent pour traiter des affaires politiques. Schomberg ayant nommé un autre de ses proches (François de Mussy) à l’administration de Cardona[79] – Pauillac venait de mourir au siège de Tortosa –, il convient aussi de limiter le salaire de cet administrateur en rendant nuls les décrets du vice-roi qui le privilégieraient excessivement. Il adresse à Schomberg (plus une copie à Le Tellier) un mémoire traitant expressément de la question des biens confisqués, qui enjoint principalement à éviter la précipitation, et rappelle les exemples d’Harcourt (qui a distribué des séquestres, mécontentant le roi) et de Condé (qui a préféré ne rien distribuer). La sempiternelle nécessité de connaître la consistance des biens – affaire qui ne peut être traitée qu’avec son conseil, dit-il – revient enfin sous la plume de Marca :

« Lorsque Vostre Excellence voudra estre informée au menu de tous ces biens confisquez, je luy feray un rapport tres-exact de toute cette matiere, qui ne peut estre expediée qu’en deux ou trois seances.

 

Les biens vaccans de Tortose doivent estre compris dans ce mesme rang. Il est necessaire pour en bien disposer, que Vostre Excellence soit informée de toute la concistance et la valeur de ces biens, et qu’ensuitte qu’elle delibere de l’ordre qu’il y faut mettre pour le faire approuver par Sa Majesté »[80].

A la fois par le caractère urgent et précipité de la situation et par le discours normatif de Marca, on se croirait revenu en 1646 lorsqu’il tentait de poser des gardes-fous à l’autorité d’Harcourt…

 

De fait, la véritable politique de Schomberg éclate très rapidement, et les conseils de Marca se voient immédiatement écartés. Dans les derniers jours de juillet, de retour à Barcelona, Schomberg reçoit plusieurs envois de la cour. Il s’agit de l’édit réclamé à corps et à cris par Marca afin de prononcer la réunion au domaine des vicomtés de Canet et d’Evol et la révocation de tous les dons qui y avaient été ordonnés[81]. L’édit est accompagné d’une lettre missive du roi lui ordonnant particulièrement de « tenir la main a ce que mondit edit soit enregistré au greffe de mon Audience Royalle de Catalogne et partout ou besoin sera, a ce qu’il soit executé et observé de point en point sans permettre qu’il y soit apporté aucunes longueurs ny difficulté… »[82]. Cependant, d’autorité, dès la réception effective des lettres, Schomberg les garde par-devers lui et empêche leur enregistrement dans les registres de la chancellerie de Catalogne, soulevant évidemment l’ire du visiteur général[83]. De même, Schomberg, dans l’affaire opposant l’université de la ville d’Ille à Josep d’Ardena, fait mine de favoriser les intérêts de ce dernier contre l’avis de Marca. Mais ce dernier sent le vent tourner lorsqu’il subit les reproches de Goury. Au cours d’une conversation dont la teneur humaine et psychologique est à souligner, et qui montre une fois de plus l’extrême tension entre Catalans et Français, Goury fait le récit du siège de Tortosa. Il déclare que les Français ont été vaillants, mais Marca lui répond que plusieurs libelles imprimés répandent au même moment que tout le mérite en revient aux Catalans. L’intendant s’offense de cette réplique. Marca tente de se rattraper et lui affirme qu’il le croit sur parole, lui demande pardon. Mais, sentant de l’écoute auprès du vice-roi qui se met à se méfier de Marca, Goury n’hésite plus à le battre froid et à lui insinuer, de façon rampante, sa rancœur de l’affaire d’Evol…

« Il me temoigna que son déplaisir n’estoit pas appaisé, me disant qu’il avoit reconeu de l’aversion en moy, quoy qu’il eût tousjours l’inclination pour me servir, et m’allegua l’affaire d’Evol. Je lui répondis qu’ayant parlé souvent de cela, et luy ayant rendu compte de mon procedé, je ne pouvois y rien adjouter, que je l’assurois seulement de mon service. M’ayant dict qu’il voyoit mes actions contraires a mes paroles, je luy dis que je ne pouvois point forcer son esprit pour y donner creance, et sur ce qu’il repliqua, qu’il voyoit bien que je voulois dire que je ne me souciois pas beaucoup de ce qu’il en croioit. Je luy repartis que je ne pretendois pas cela, mais de luy dire que je serois marri s’il n’adjoutoit point de foy aux assurances que je luy donnois, que j’estois son serviteur. Sur cela il s’appaisa et nous continuasmes a nous entretenir en bons amis, de l’estat present des affaires de la cour »[84].

Mais l’isolement de Marca et le mépris du vice-roi sont à nouveau patents. Ne le tenant au courant ni de la donation de la baronnie de Sant Boi à Borrell, ni de ses changements dans l’équipe du duché de Cardona, dès le premier août, Schomberg commence une véritable distribution des biens confisqués aux personnes de son choix. Il donne tout d’abord les biens qui restaient disponibles car n’ayant pas encore été donnés, et sur lesquels Marca émettait tant de doutes : nous donnons plus loin le tableau des donations faites par Schomberg que nous avons pu relever dans les registres 112, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124 et 145 de la chancellerie de Catalogne, et que nous analyserons à travers des graphiques. Il convient d’abord d’attirer l’attention sur les dons faits à des Français : les biens de Miquel de Çalbà i de Vallgornera à Louis Deschamps, marquis de Marcilly, Français qui épousera la veuve du comte de Çavellà[85] ; la baronnie de la Portella et les biens d’Hug d’Ortaffa à François de Mussy, administrateur de Cardona et proche du vice-roi[86] ; une maison et un moulin à Barcelona appartenant aux biens de Christophol d’Icart, à Nicolas de Bussy, aide de camp[87] ; les biens de Lluis Descallar, à Martin de Charmoye, ancien secrétaire du comte d’Harcourt qui était redevenu le secrétaire particulier de Schomberg[88]. Plusieurs Catalans sont aussi bénéficiaires. Toutes ces donations sont ordonnées par des décrets du vice-roi qui, diplomatiquement, se caractérisent par le fait que l’autorité seule du vice-roi suffit à leur donner la force nécessaire. Pour plusieurs d’entre eux, même, Schomberg a édicté des « lettres exécutoires » afin d’enjoindre les personnes concernées à réaliser ces donations. Les exemples sont nombreux, également, d’arrangements minutieux faits pour assurer aux bénéficiaires une paisible jouissance et la perception la plus sûre possible des revenus en numéraire[89].

Il s’agit d’une première phase de récompenses, qui soulève immédiatement des réclamations. Schomberg écrit dès le 12 août à Mazarin pour se justifier :

« Je ne doute point, Monseigneur, qu’il n’y ayt des Catalans qui escrivent à Votre Eminence que j’ay donné des confiscations comme les autres vice roys à des François, mais j’en ay donné bien davantage à des Catalans, et les mesmes qui s’en plaindront en cherchent tous les jours pour me les demander. J’en ay donné en tout a quatre François et a six Catalans qui sont le mestre de camp Mostaro grand brave, don Philippe de Coppons signalé pour sa fidelité, un autre dont le nom ne m’est pas present, et les capitaines de cavalerie Borell, baron de Caraman, et Vidal d’Auch qui sont des meilleurs officiers et des plus determinez qu’on puisse veoir. Ainsy ilz n’ont pas sujet de se plaindre veu mesme qu’il a esté dict dans le traitté que lesdittes confiscations seroient données aux François qui quittoient leurs maisons, leurs affaires, et se venoient faire tüer icy pour rien. Et mesmes l’on disoit qu’il se faisoit icy grand bruict de la vicomté d’Ebon que Son Eminence de Sainte Cecile a donnée à monsieur de Goury : je vous puis protester, Monseigneur, que je n’en ay pas ouy dire un mot à un seul Catalan sinon à un qui l’avoit esperée et demandée sans l’avoir pû obtenir. Je supplie tres humblement Votre Eminence de ne pas ecoutter ces gens-là, puisqu’elle doit estre asseurée que je ne fais rien icy par passion, et comme je ne pretends pas y bastir trois tabernacles[90], je vais droict au service du roy afin que Votre Eminence ayt contentement de ce que je fais en ce païs soubz l’honneur de ses ordres… »[91]

Le propos étonne et fascine : Schomberg se dédoine en disant qu’il a été juste en donnant davantage de confiscations à des Catalans, alors que les missives royales, inspirées par Marca, dénonçaient les deux choses à la fois : le fait que les vice-rois disposent des biens confisqués, et le fait que de tels biens soient donnés à des Français, même par exception. Il ne se gêne pas non plus pour inventer, en affirmant que la possibilité de donner des biens à des Français qui ont tout quitté pour aller combattre en Catalogne figure dans « le traitté », à savoir le traité de Péronne, ce qui est absolument faux comme nous l’avons vu, puisque ce traité ne comporte aucune clause consacrée spécialement aux confiscations. Finalement, son argument majeur est qu’en agissant ainsi, il poursuit le service du roi et donc du cardinal… alors que ce dernier vient justement de lui écrire pour le morigéner. Dialogue de sourds. Naturellement, Marca attribue le revirement de Schomberg à l’influence néfaste du Régent Fontanella, qui, pour favoriser ses amis pro-Castillans, se sert « d’un artifice particulier, qui est d’aller a la campagne avec les vicerois, où il n’est point necessaire, afin de les assieger et empecher qu’ils n’ayent aucune cognoissance des affaires ni des persones que par son entremise, et procurer des graces a ses amis » [92]. Sous cette influence, Schomberg fait donc tout l’inverse de ce qu’il aurait dû faire, boudant le conseil de Marca et soulevant finalement l’opposition des députés de la Generalitat.

« Son Excellence ne m’a rien dit touchant les dons qu’il a faicts des biens confisquez, et je n’ay eu garde de luy en parler puisque mes paroles n’eussent servy que de reproche sans autre effect. Les depputés vous escrivent sur ce sujet, Monsieur, et envoyeront bientost un ageant à la cour, afin de poursuivre la Revocation de tout ce que les vicerois ont allienné. Ils ont estudié le traitté de Franciscus à Ponté, Napolitain, De Potestate pro Regis, qui dict que les vicerois n’ont point le pouvoir de donner ; cete doctrine et l’assurance qu’ils ont de ce que le Roy revocquera toutes les gratiffications des vicerois pour faire ensuitte une distribution raisonnable par l’autorité de Sa Majesté, retient les esprits en quelque moderation, et les porte apres les clameurs poussées par l’indignation, à se jetter sur la raillerie, disans que ces biens ont esté enlevez dans vingt quatre heures par le premier occupant, comme si c’eût esté le sac de Tortose. Ils n’oublient pas neantmoins de dire que ceux qui ont conseillé ces choses à M. le viceroy sont mal affectionnez au service de S.M., ayans intention de donner aux Catalans un dégoust de la Nation françoise, et de leur [sic] conduite » [93].

La référence au juriste napolitain Giovanni Francesco de Ponte, auteur d’un De potestate Proregis Collateralis Consilii Regnique regimine, publié à Naples en 1611 et réimprimé en 1621[94], évoque là encore les récents évènements de Naples, dont les suites ont finalement été néfastes pour la politique française puisque l’Espagne a repris la main, encourageant considérablement les intelligences pro-castillanes en Catalogne. De Ponte était un serviteur de la monarchie espagnole, mais opposé à la politique de pression fiscale de Madrid, désireux de sauvegarder une certaine autonomie à Naples, subordonnant strictement le vice-roi à l’autorité du conseil de la vice-royauté : pour lui, le contrôle des fonctionnaires de la monarchie devait contribuer à la pérennité du système… Ainsi, selon Marca, la nature même de ces dons de Schomberg ne laisse la place à aucun doute : comme la donation d’Evol à Goury, ils sont impossibles, ils sont ordonnés de facto (sans aucune différence typologique avec « le sac de Tortose ») et ne tarderont pas à être révoqués de jure. Felip de Copons, qui vient lui-même d’obtenir la jouissance du comté de Vallfogona[95], montre à Marca qu’il a peu d’illusions à ce sujet : « Il m’a dict qu’il voyoit bien que Sa Majesté seroit obligée de revoquer tout, et ordonner la collation des biens pour faire un partage raisonnable, adjoûtant avec gentilesse que pour lors, je ne le considerasse pas avec colere s’yl ne m’avoit rien communiqué, qu’en cela il avoit suivy l’exemple des autres, et avoit tasché d’avoir quelque part au pillage ». Quant à Pau del Rosso, doyen de la cathédrale de Barcelona, il rapporte que, peu avant les premières donations, le secrétaire de Schomberg, Martin de Charmoye, l’avait visité pour lui demander s’il était judicieux d’accéder aux demandes des Français au lendemain de la prise de Tortosa, signe que le doute n’était pas uniquement présent chez les Catalans ; finalement, dit-il, « à persuasion de quelqu’un qui aime peu la nation française, il a fait des grâces à des Français, d’où, d’après moi, résulte une grande haine contre la nation (voilà le but de celui qui conseille une telle distribution), et de grands dommages pour la province […] le mieux serait que Sa Majesté révoque toutes les grâces qui se sont faites par le passé comme à présent »[96]. Assez courante, on le voit, l’opinion que le vice-roi était manipulé par des traitres n’allait pas arranger la cohésion politique de la province.

            Quant à Marchin, non content d’être gouverneur en titre de Tortosa, il obtient rapidement les avantages « en nature » qu’il briguait. Schomberg lui fait cadeau, en premier lieu oralement, semble-t-il, des impôts sur les moulins, pêches et salines de Tortosa. Il est difficile de dire si c’est un don de pleine libéralité du vice-roi (de toute façon circonvenu par l’intéressé qui ne cachait pas ses convoitises), ou bien une résolution unilatérale de Marchin ensuite validée par un acte. Toujours est-il que, le 19 août, Marchin écrit à Mazarin pour défendre une possession qui semble déjà bien effective, alors que l’acte officiel de donation des « impositions de la ville de Tortosa, moulins et pêches, salines, pour lui et les siens, plus l’administration des rentes et bois royaux avec obligation de payer les charges » ne date que du 22 août[97]… Dans sa lettre au cardinal, Marchin, un peu à l’image de Schomberg, donne sa propre interprétation du traité de Péronne et du droit de guerre, en appelant « confiscations » ce qui selon Marca n’en est pas, et surtout en tirant du fait que la ville de Tortosa perd ses privilèges (clause qu’il change en une exclusion des droits de la province, ce qui est inexact puisqu’elle reste soumise aux Constitutions de Catalogne) la conclusion qu’il peut jouir de ses biens et de ses droits…

« Pour ce qui regarde les confiscations de Tortose, il ne se trouvera point de Catalan qui y pretende ny qui le puisse, voyant mesme que par le traité avec lequel la Catalogne s’est donnée au Roÿ, lesdits habitans de Tortose sont exclus de touts droits de la Province. M. le Mareschal de Schomberg m’a donné des petits droits qui appartenoient jadis à la ville de Tortose sçavoir l’entrée du vin, les moulins, tant de la schoutte quantes (?), et le droit sur chasque l. de viande, il m’avoit aussi donné des salins mais il se rencontre que la pluspart estoient à la deputation, c’est un grand article estrange. Je supplie Votre Eminence d’agréer quand les confiscations [sic] ce que dessus me soit encor reconfirmé, n’estant chose qui soit de nul prejudice à la Province. (en marge : « il y a aussi une pesche d’un mois seulement arentée 18 cent l. de France qui m’a este encore donnee par Mr le Mareschal de Schomberg ») »[98].

On voit que Marchin minimise volontairement le don qui lui est fait, disant qu’il s’agit « de petits droits qui appartenoient jadis à la ville de Tortosa ». Mais ces droits dépassent le territoire de la seule ville de Tortosa, et embrassent en réalité, selon Sanabre, les principales sources de richesse de la comarca[99]. Il écarte aussi d’un revers de main la question des salins appartenant à la députation, « c’est un grand article estrange », signe d’une incompréhension (sans doute là aussi volontaire) des institutions catalanes qui peuvent être, à l’image de toute communauté ou de toute institution politique, propriétaires de leurs propres biens. Il est significatif de voir que les salins que Schomberg venait de donner à Marchin faisaient précisément partie des biens qui, depuis 1646, se trouvaient en litige entre la députation et les héritiers du comte de Chabot à qui Harcourt en avait déjà fait don avec aussi peu de fondement[100]. Marchin va jusqu’à réclamer à Mazarin la propriété de tous les biens de ceux qui étaient partis en Espagne, celle des personnes originaires de Valencia et des autres provinces, s’engageant à affecter la rente des trois premières années à la restauration des murailles de Tortosa[101]. Il est rapidement satisfait, et se voit attribuer d’abord plusieurs séquestres, sans obligation de rendre compte de son administration et pour une durée de 10 ans, clause jusque-là inédite[102] ; puis, en novembre, le don de tous les censals et pensions que recevaient les habitants de Valencia et d’Aragon dans les villes d’Ulldecona, Alcanar, Godall et la Denia, et des biens des habitants desdits lieux qui étaient passés à l’ennemi – eux, coupables du crime de lèse-majesté[103].

On voit bien que, pendant toute sa vice-royauté, Schomberg n’attend pas les ordres de la cour pour gratifier son maréchal de camp, les demandes faites à Mazarin demeurant de simples formalités. D’un autre côté, il continue à faire obstacle à l’enregistrement de l’édit de réunion au domaine d’Evol et de Canet, et s’en défend à Mazarin. Fontanella s’était plaint avec véhémence, à la fois auprès de Schomberg et du cardinal[104], de la révocation de sa jouissance de Canet, qui découlait logiquement de la réunion de la vicomté ; Schomberg lui avait en effet montré l’édit royal – alors qu’il le cachait à Marca. Schomberg prend immédiatement la défense de Goury et de Fontanella, relayant jusqu’à l’argument du Régent que la mesure lui ôtera une part considérable de son revenu.

Goury, dit-il, « est fort touché (quoy qu’il ne le fasse pas paroistre) de la reunion de la vicomté d’Evol au domaine du roy. Elle luy avoit esté donnée par M. le Cardinal de Ste Cecille et apres en avoir esperé les expeditions longtemps, il voit qu’on luy oste la chose, il m’a prié de n’en point escrire, mais je suis obligé de dire ces choses la à Votre Eminence quand je voy quelles desauctorisent icy une personne de credit duquel [sic] nous avons besoin.

 

Il est arrivé le mesme malheur au Regent par la reunion du comté de Canet, mais c’est encore pis, puisqu’il en a jouy 4 ans paisiblement en vertu de ses expeditions en bonne forme et tout d’un coup il se voit oster six ou sept mil livres de revenu sans qu’on luy puisse imputer aucune faulte. Enfin c’est une matiere à rire pour les ennemis de ces messieurs la, qui les oblige bien à esviter leur rencontre et à souffrir leurs railleries. Je n’ay point encore enregistré l’edict, ayant esté prié par ledit Regent d’attendre la responce de Votre Eminence sur ce suject »[105].

De fait, Schomberg n’enregistrera pas l’acte royal pendant toute la durée de son mandat. Le jour même du 22 août 1648, où il gratifie Marchin, le vice-roi commence à distribuer les biens des habitants de Tortosa[106]… malgré le désaccord que Mazarin ne cesse d’exprimer par correspondance, ne manquant aucune occasion de corriger les faux arguments juridiques avancés par Marchin.

« Pour ce qui regarde les confiscations de Tortose et les droicts que vous me marquez que M. le mareschal de Schomberg vous a donné qui apartenoient à la ville, je ne voys pas comment cela pourroit s’ajuster avec les constitutions et les concordats qu’on a faits avec la Principauté, qu’on ne veut point violer, ce que vous mesmes ne conseilleriez pas de faire, quelque interest que vous y puissiez avoir ; et il ne sert de rien de dire que c’est une place que l’on a conquis par les armes, et qu’elle doit estre exclue des privileges qu’ont les autres. Vous pouvez sçavoir que Perpignan qui a esté aussy conquise, jouyt des mesmes prerogatives que le reste de la Principauté, et la politique seule nous obligeroit à cette conduitte, quand il n’y auroit point de raison plus forte, estant aisé à voir que devant posseder Tortose aussy bien que les autres places, nous avons interest de bien traitter les habitans pour gaigner leur affection et ne leur faire aucune iniustice. Vous devez croire que vous aymant au point que je fais, je seray tousiours aussy ravy que vous mesmes de tous vos avantages, et que vous ayant obligé en tout temps, et esperant encore de le faire à l’avenir en choses plus hautes, quand on regarde de prez à des bagatelles, il faut bien que ce soit une necessité absolue qui y force »[107].

Mais la relative tolérance des désobéissances s’explique par l’extrême faiblesse des finances royales, et Marchin, en disant qu’il va contribuer lui-même à l’entretien et l’amélioration des fortifications, joue sur la corde sensible… d’où, de la part du cardinal, un discours très ambigu qui n’attaque pas frontalement le militaire ni le condamne totalement, mais tente plutôt de le dissuader en lui représentant la bienveillance de la cour. Pour l’heure, le cardinal n’a pas la possibilité matérielle d’empêcher de tels abus. Marsin continuera à jouir longtemps de ces donations.

 

 

Schomberg poursuit sa fuite en avant et multiplie les donations malgré les avis contraires. Cessation des envois d’argent de la cour et soulèvements anti-français en Catalogne

 

Loin de tenir compte des nombreuses critiques qui, désormais, fusent tant du côté des Catalans que depuis la cour, Schomberg se fige dans son attitude et dans son désir d’autorité absolue. Plus encore, les récriminations que lui envoie le cardinal et la baisse vertigineuse de sa popularité, ajoutées à de fréquentes attaques de goutte qui le saisissent depuis son arrivée dans la province, poussent Schomberg à demander son congès dès le début de l’automne 1648. Cette étape a une certaine importance, car elle détermine une attitude que nous avons qualifiée de « fuite en avant » : un certain fatalisme le conduisant à négliger les futurs effets de sa politique, pensant qu’il partirait bientôt et qu’il ne les verrait jamais, et à aller jusqu’au bout des mesures qu’il avait esquissées en considérant l’inutilité de revenir en arrière. Caractéristique de cet état d’esprit, la lettre qu’il adresse à Mazarin pour lui demander son congès. Il y défend son bilan, en disant qu’il avait voulu donner toute son ampleur à la fonction de vice-roi ; et fait précisément comme si les lettres que le cardinal et Le Tellier lui avait envoyées, disant toutes en substance que « les viceroys de Catalongne n’ont jamais eû pouvoir d’en disposer (des confiscations) et qu’on n’a point aprouvé de deça que Monsieur le Comte d’Harcourt n’y voz predecesseurs Viceroys en ayent donné »[108], n’avaient jamais existé. Schomberg fait valoir l’argument, d’ailleurs difficilement réfutable, que ses prédécesseurs ne s’étaient pas gênés pour le faire, et qu’on n’avait pas encore révoqué ces donations ; il lie ensuite sa défense à la fonction même de vice-roi, mais d’une façon très curieuse qui prend presque la forme d’un reproche.

« Elle (Son Eminence) me faict l’honneur de me mander en suitte qu’il sera difficile que les confiscations que j’ay données à des François subsistent. Mais il faudroit que ce fust mon malheur particulier qui se communiquast à ceux que j’ay pourveuz, puisqu’encor qu’on ayt revocqué celle qu’avoit donnée Son Eminence de Ste Cecile, j’en veoy beaucoup d’autres accordées par ses predecesseurs qui subsistent aujourd’hui. Et comme ceux qui escrivent ces sortes de choses la à Votre Eminence ou à M. Le Tellier mandent ce qui faut pour leur intention, ils obmettent à vous avertir que quand les roys d’Espagne ont envoyé des vice roys, quelques uns ont bien eu leur pouvoir un peu plus limité que nous autres François et il s’est pratiqué qu’on a donné quelques fois des memoires et instructions secrettes à d’aucuns à leur départ afin qu’ilz ne feissent pas certaines choses qu’on leur marquoit. Mais il est asseuré qu’on n’a point veu annuler et revocquer aucune chose que les Lieutenants generaux ayent faict en cette province durant la domination d’Espagne ny depuis que celle de France y est establye. De plus, Monseigneur, l’on n’a point averty Votre Eminence que dès qu’en vertu d’une revocation le Tresorier pretend se saisir d’un fief donné à un particulier, l’interessé ne manque pas à s’opposer aussy bien que le conseiller en cap de Barcelonne qui representant le roy en cette rencontre aura donné l’investiture et comme la cause va droict au Conseil Royal tout le plus grand respect qu’il peut porter aux ordres de Sa Majesté est qu’il ne juge pas la chose et partant celuy qui est en possession y demeure ou s’il l’a jugé ce ne peult estre qu’a l’avantage du possesseur par ce que la grace du prince et de celuy qui le represente ne se revocque jamais en Catalongne »[109].

A bien examiner ces propos, Schomberg dit en quelque sorte qu’il est « trop tard » pour lui interdire de faire des donations, ou de mauvaise foi de révoquer celle qu’il a faites : on n’avait qu’à lui interdire cela sur ses instructions… et il n’a pas eu d’instructions ! On se rappelle en effet qu’à cause de la précipitation de sa nomination, cette étape observée pour les vice-rois précédents avait été escamotée. Schomberg fait mine ici d’en savoir plus sur la Catalogne que le cardinal, et de lui apprendre des choses, se fendant d’un cours sur les institutions de la monarchie castillane. Marca, qui s’est beaucoup plus renseigné sur ces matières, défend l’opinion radicalement opposée, en affirmant, comme nous l’avons vu, que les vice-rois du temps de l’Espagne n’ont jamais disposé du patrimoine royal. Le développement de Schomberg, qui s’achève par cette formule semblable à un adage, « la grace du prince et de celuy qui le represente ne se revocque jamais en Catalongne », ressemble plus à sa propre interprétation des fonctions de vice-roi qu’à une réalité historique. Plus encore, dans les royaumes d’obédience castillane, la fonction des vice-rois semble avoir été constamment débattue et redéfinie juridiquement, comme on le voit dans les travaux du napolitain Giovanni Francesco de Ponte. Les doutes, mis à profit par Schomberg dans son développement, qu’ils sous-tendent, venaient uniquement de l’abandon du projet initial de Condé d’annuler les dons des vice-rois[110], et de l’absence de décision positive et générale à ce sujet, contrairement aux constants efforts de Marca en ce sens. D’ailleurs, c’est la légitimité même de ce dernier qu’il finit par contester : « je trouve fort estrange que M. de Marca me donne des bottes secrettes, ayant vescu avec luy comme j’ay fait jusques à cette heure, luy qui ne faict ici aucune fonction apparente et qui a le nom de visiteur general sans que ses provisions soient enregistrées, et sans avoir jamais osé songer en toute la Catalongne à faire la moindre visite du monde […] cependant messieurs les vice roys qui ont tout ce petit employ assez malplaisant ne pourroient rien faire sans luy ». Ne pouvant supporter de concurrence, il introduit donc sa demande de congé.

Partant de là, Schomberg ne cesse pas ses donations et ses gratifications, au contraire, il les multiplie. Au point que sa prodigalité, qui le conduit à accepter un grand nombre de suppliques de toutes sortes, semble dûe au fait qu’il parte bientôt. Il nous faut examiner un peu plus les causes et les manifestations de cette prodigalité. Tout d’abord, l’arrêt des convois d’argent venant de la cour, et donc du paiement des salaires des officiers comme des soldats, renforce considérablement les demandes des Français : le vice-roi les gratifie donc au mépris de la volonté royale, mais avec une raison pécuniaire. A l’été 1648, un seul mois de la campagne a été payé, 10 000 soldats doivent alors vivre sur le pays. Schomberg écrit à Mazarin que, faute de paiement, les hommes commencent à se débander et à utiliser l’argent récupéré à Tortosa pour payer des passeurs jusqu’au Béarn et au comté de Foix. Le cardinal finit par lui répondre franchement que, depuis trois mois, on ne parvient plus à trouver un sou[111]. Dans ce contexte, le vice-roi fait des dons à plusieurs Français qui lui remontraient la cessation de leur paiement : Alphonse de la Vergne de Tressan reçoit le séquestre des biens de Josep Escrivà, de Valencia[112] ; Alexandre de Scorbiac, seigneur de la Come, capitaine au régiment de Roquelaure et gouverneur du château de Sarroca, reçoit l’usufruit de la baronnie de Bellera tant qu’il aura le gouvernement du château, l’acte précisant que c’est pour paiement de son salaire[113] ; Antoine Trinquier, capitaine d’infanterie, reçoit les biens de Francesc Forcadell, de Tortosa[114] ; Henri de Caixon, lieutenant en la place de Tortosa, lui aussi, reçoit des biens saisis à des habitants de la ville, Francesc Oliver et Gaspar de Rosses[115]. En règle générale, comme on pourra l’observer dans le tableau et les graphiques que nous avons établis pour cette période, Schomberg ne récompense pas en majorité des Français, pour qui (d’après nos relevés) les donations de biens se limitent à 14, mais des Catalans non nobles, 83 en tout, parmi lesquels 14 militaires. A ce titre, malgré toutes les critiques qui lui ont été apportées par Marca et les Catalans mécontents, Schomberg est le premier et le seul vice-roi de Catalogne qui ait récompensé le service des hommes d’armes les plus humbles : Harcourt, par exemple, sur ses 22 donations de biens confisqués, avait récompensé 9 nobles catalans appartenant aux familles les plus distinguées, et seulement deux non nobles. En raison de la profusion des biens venant de la prise de Tortosa, les officiers des régiments catalans sont, pour la première fois, privilégiés : Josep Coll, lieutenant de cavallerie du régiment de Francesc Calvo[116], Anton Feliu, capitaine au régiment de Josep de Tord[117], Francesc Almar, prévôt général du bataillon catalan[118], Francesc Frexa, capitaine du bataillon catalan[119], pour ne citer qu’eux. Cette fois, contrairement aux vice-rois précédents, le « mérite » est clairement justifié et motivé : toutes ces lettres patentes reviennent longuement et de façon très personnalisée, dans l’exposé des motifs, sur les services des bénéficiaires. D’un autre côté, plusieurs personnages de premier plan, au rôle imminent dans les premiers évènements de la guerre, mais qui se trouvaient sans récompense depuis plusieurs années, éloignés des coteries et du cercle restreint des proches des vice-rois, se voient alors privilégiés : Emanuel d’Aux, ce valeureux capitaine qui s’était distingué de façon éclatante aux sièges de Perpignan et d’Ille, sous les ordres du comte d’Arpajon, de Brézé et de La Mothe, reçoit l’usufruit du comté d’Empúries perpétuellement pour lui et ses descendants[120]. Aleix de Sentmenat, l’un des artisans des premiers pactes avec la France, et qui se trouvait relégué depuis, après avoir été emprisonné 3 mois à Perpignan puis 1 an à Tarragona où il avait été transféré puis libéré au moment du siège, obtient une pension de 2400 livres barcenonaises payables sur le patrimoine royal de Roussillon[121]. Et, surtout, Ramon de Guimerà se fait donner le comté de Guimerà[122], ce qui lui avait été promis par Harcourt au moment où ce vice-roi avait tenté sa propre distribution des biens mais qui, après son départ, n’avait pas été réalisé, le gentilhomme n’ayant pu obtenir que l’usufruit. Souvenons-nous que Ramon de Guimerà réclamait ce comté éponyme depuis 1641 ; et dans le texte du décret de Schomberg, on retrouve les traces d’une probable supplique : Guimerà, rappelle-ton, a entretenu ses vassaux à ses propres frais, fortifié son châtau de Ciudadella, combattu près de Santa Coloma de Queralt et surtout, exposant sa propre vie, au siège de Lleida… Il y avait donc maintenant de quoi lui imposer le silence, au moins pour quelque temps.

A la mi-septembre, la distribution était déjà si avancée que Marca pouvait déclarer à Le Tellier : « tous les biens confisquez sont donnez à la reserve du duché de Cardone et du comté de Ste Colome, et des vicomtés de Cabrera et Bas », en profitant pour venir une nouvelle fois au secours des intérêts du Gouverneur Margarit et demander à Le Tellier que le roi lui donne Cabrera et Bas avec les dépendances (La Llacuna, la Torre d’Alella) et la baronnie de la Portella afin de faire un fonds pour ériger sa baronnie d’Aguilar en marquisat[123] ; outré, Marca continuait constamment à réclamer la révocation des dons des vice-rois qu’il avait failli voir se réaliser un an auparavant[124]. Evidemment, Schomberg ne le consultait plus depuis un moment, et Marca, mis le plus souvent devant le fait accompli, signalait avec un certain dégoût que la Portella avait été donnée à François de Mussy[125]… Quelque temps plus tard, la Torre d’Alella était à son tour donnée à Francesc Sangenís[126] qui avait avancé de ses propres deniers des pensions assignées sur les biens confisqués. La faveur du vice-roi appelée par la créance n’est pas une nouveauté, comme nous l’avons vu au chapitre précédent. A la même cause correspond la vente avantageuse faite à Cristòfol, frère de Francesc Sangenís, d’un lot de maisons confisquées à Lluis de Queralt, pour participer au remboursement des 10000 livres qui lui étaient dûes par le trésor royal pour diverses avances en numéraire et en poudre[127]. Aux périodes précédentes, les biens étaient en majorité dans les mains du trésorier Bru et de Francesc Sangenís, et ces derniers étaient chargés de mettre de l’ordre dans le remboursement des dettes dont ces biens mêmes étaient grevés, d’où de nombreux actes du vice-roi que nous avons analysés[128]. Mais en 1648, Schomberg se sert de donations pures et simples afin de rembourser – souvent partiellement – des sommes dûes pour les dépenses pressantes de la guerre (poudre…), et sans doute de retrouver un peu de crédit auprès des prêteurs ; mais aussi afin de payer directement des prestations. Ainsi le don des biens de Mathias Angelet, de Céret, et de plusieurs maisons confisquées aux Franciscains, au peintre Josep Jornet… au lieu des 1360 livres 11 sous dus pour avoir peint le palais du vice-roi[129]. Au même moment, Schomberg sollicite et obtient auprès de la ville de Barcelona, par l’intermédiaire de Marca, un emprunt de 40 000 livres catalanes au nom du roi, sachant qu’on doit déjà environ 80000 livres (poids) de poudre, 15 pièces d’artillerie et 25000 livres catalanes[130].

Ces quelques observations et mises au point permettent de mieux comprendre et d’expliquer les faits que Marca rapporte à Le Tellier au cours du mois d’octobre : à cette date, la rumeur s’est répandue en Catalogne que le trouble des affaires politiques en France est la cause principale de la cessation des paiements. Née en janvier 1648, l’opposition parlementaire aux réformes fiscales de la monarchie avait dégénéré en véritable bataille des magistrats pour détruire l’héritage politique de Richelieu et augmenter leur influence dans le gouvernement du royaume. Le Tellier informe Marca des troubles parisiens, mais d’une façon significativement floue et générale, malgré sa place centrale dans la politique du Conseil : c’est lui qui, en juillet 1648, a signifié sa disgrâce au surintendant des Finances Particelli d’Hémery afin de calmer les juges. Au cours de l’été, jusqu’au lit de justice du 31 juillet 1648 tentant de faire obtempérer les juges aux réformes royales moyennant quelques concessions[131], la capitale emprunte progressivement une « descente dans la révolution » (O. Ranum)[132]. La nouvelle de la victoire de Condé à Lens arrivée à Paris renforce le Conseil, qui prend la décision d’arrêter les juges frondeurs au cours de la messe du Te Deum du 26 août ; à la suite de cet événement et des déploiements militaires dans la ville, les parisiens lèvent des barricades et réclament la libération du président Broussel. Le chancelier Séguier, qui tente de se rendre au Palais pour faire casser toutes les procédures du Parlement, est poursuivi par la foule et menacé de mort. Bien que le Parlement accepte la proposition de la régente d’arrêter ses délibérations en échange de la libération des prisonniers, la ville reste en état de profonde méfiance, et lorsque le Conseil ordonne de faire transférer de la poudre et des armes au Palais Royal, le convoi est saisi par les milices bourgeoises[133]. Quelques jours après ces évènements, Le Tellier écrit à Schomberg qu’il n’a pu parler au Conseil des affaires de Catalogne à cause « de l’occupation continuelle que nous ont données jusques à cette heure les affaires de deça, maintenant qu’elles sont cessées entierement »[134], croyant encore que l’expédient du Conseil et les négociations qui s’ouvrent avec le Parlement vont mettre fin à l’escalade de la violence. Le même jour, Le Tellier écrit à Marca sa dernière lettre avant le mois de décembre, à la fin de la vice-royauté de Schomberg. Il est fondamental de souligner que ces quelques mois de politique catalane s’écoulent donc sans contact direct avec le Conseil. Les négociations avec le Parlement, conduisant à la déclaration du 24 octobre 1648, occupent en effet tous les esprits, au détriment même des affaires diplomatiques qui ne sont pas non plus évoquées au Conseil jusqu’en décembre[135], malgré les nombreuses rumeurs circulant sur la façon dont Mazarin et Condé coordonnent la guerre contre l’Espagne et les négociations de Münster, et le passage à Paris pour leurs quartiers d’hiver de certains régiments des armées royales du front du Nord – sur lequel toutes les rumeurs circulent, dont celle d’une paix secrète[136]. Pour ce qui est des affaires financières, la monarchie, peu avant de disgracier Particelli d’Hémery, en juillet 1648, s’était déclarée en banqueroute, cessant de verser des rentes déjà en retard depuis plusieurs années et n’honorant pas ses dettes. Cela ne faisait qu’augmenter le déchaînement, plus ou moins artificiel, des parlementaires contre les financiers véreux et la compromission de l’Etat avec les partisans dont les taux d’intérêt auraient asphyxié le trésor royal[137]. Depuis la Catalogne, il était donc difficile de savoir réellement si c’étaient les troubles qui empêchaient la monarchie d’envoyer des convois d’argent en Catalogne, comme elle le faisait les années précédentes, ou si au contraire cette banqueroute était l’une des causes fondamentales des troubles en question.

Marca, sans avoir de réponse du ministre, continue cependant à lui écrire et montre que l’influence des nouvelles de Paris, sans doute déformées par les gazettes et les rumeurs – du moins lui-même n’est-il plus informé que par des sources indirectes jusqu’en décembre –, est loin d’être négligeable en Catalogne.

« Le mauvais procedé du Parlement de Paris nuit beaucoup aux affaires du roy en cette province, non seulement parce qu’il a faict tarir les sources des finances, dont nous ressentons les effects, tels que sy vous n’envoyez bientost des fonds pour payer l’armée, et en suitte les paisans, nous sommes bien pres de quelque soulevement. Mais encore à cause du mauvais exemple que cela donne à ceux de cette province, dont je reconnois les esprits fort alterez »[138].

Une grande cause de l’altération est la distribution des biens confisqués. Marca donne un résumé des motifs qui, selon lui, ont amené le vice-roi à la faire. Il les limite à deux, d’une façon quelque peu biaisée, attribuant la faute dans les deux cas aux luttes de factions – la brigue des « domestiques » et les intrigues habituelles du Régent Fontanella – et niant de ce fait les considérations pécuniaires que nous venons de développer.

« La profusion des biens confisqués, qui offence tous ceux qui n’ont receu quoy que ce soit, cause un grand desgoust contre le gouvernement françois. Recherchant les motifs que l’on a eu de se porter acette extremite, je n’en trouve que deux : le premier a esté le desir des domestiques de s’enrichir, ou de s’accomoder de cette sorte de biens, qui ont creu que cette gratiffication leur seroit assurée s’ils engageoient à leur party plusieurs Catalans. A cela s’est joint l’interest de M. le Regent qui a creu que dans cette confusion, il pourroit conserver Canet et soubs le nom des autres faire naître quelque contention dans la Depputation ».

Marca surestime probablement la perfidie du Régent. En persistant à présenter la brigue autour des biens confisqués comme un simple stratagème de Fontanella et des « mal affectes » pour augmenter la haine contre les Français, il exagère et fait l’impasse sur l’évolution considérable de la situation depuis la conspiration de 1646, où des facteurs plus puissants et transversaux sont venus se superposer aux tentations conspiratrices traversant la noblesse catalane ; sans même parler de la réelle volonté de rémunérer le service dont protestait Schomberg. Pour la première fois depuis le début de la période, les officiers de l’Audiència bénéficient de donations du vice-roi : là encore, Marca présente cela comme l’effet d’un stratagème pervers du Régent et de ses proches afin de pousser ces magistrats à aller contre l’intérêt du roi et, in fine, de précipiter la chute du régime.

« Mais parce que l’on a veu que les officiers de l’Audience s’ils n’estoient interessés en l’affaire ne se porteroient pas contre les interests du roy, ou a eu l’industrie de les presser à demander. On a donné au docteur Peralta advocat fiscal patrimonial une rente de deux mil quatre cens escus catalans, qui est deüe sur Belpuig. Au docteur Orlau toutes les rentes constituées de la maison de Ste Colome qui montent à trois mil escus par an outre les arrerages. On a donné encore à quelques autres de l’Audience ».

Il n’est pas simple de commenter ces récompenses, car elles sont à double tranchant : certes, elles vont contre un principe souvent affirmé à l’époque – en Catalogne où la vénalité des offices n’existe pas – que le juge ne doit pas être personnellement intéressé dans les affaires qu’il sera amené à juger, devant se contenter de ses appointements. Cependant, il est tentant (et c’est sans doute le calcul fait par Schomberg en premier lieu) de penser que les magistrats auront d’autant plus de zèle à défendre le patrimoine royal qu’ils seront gratifiés sur ce patrimoine, leur salaire étant réputé bas. Toute l’ambiguité de la situation est symbolisée par l’attitude de Felip de Copons : fidèle de la France, personnage intègre et serviteur zélé, Marca signalait en 1646 qu’il avait été insuffisamment récompensé pour son rôle fondamental dans la découverte de la grande conspiration. Bien que n’adressant rien par lui-même, Copons avait sans doute dû se plaindre à Marca, avant d’obtenir cinq cens écus et de les refuser élégamment : « Celuy ci a remercié monsieur le viceroy de sa bonne volonté, et a refusé le payement, n’estimant pas qu’il fut honneste pour luy de recevoir de l’argent sous ce tiltre d’avoir instruit et jugé un proces »[139]. En réalité, Copons visait plus haut, et peu après, il signalait au grand jour son envie d’obtenir du roi la vicomté d’Evol… défendu en cela par Marca[140] ! Mais, pour les autres docteurs, moins cités dans sa correspondance, et suspects à ses yeux, ce dernier devenait décidément moins indulgent.

« On doibt escrire par advance une lettre aux officiers de l’Audience, leur faisant reproche de ce qu’eux qui doibvent avoir soin de conserver le domaine de Sa Majesté se soient portés à importuner M. le viceroy de faire des choses qui ne sont point dans son pouvoir, comme est l’alienation des biens appartenans à Sa Majesté, qui a esté faite en sorte qu’ils se plaignent eux mesmes qu’yl n’y a point de fonds pour les frais necessaires à l’administration de la justice, et en suitte ordonner à ceux qui ont obtenu cette sorte de decrets de s’en departir tout yncontinent soubs peine d’encourir son indignation »[141].

De fait, les donations aux magistrats de la part du vice-roi, faites pour la plupart entre fin septembre et fin octobre 1648, viennent avec un discours justificatif visant à démontrer, là encore, qu’il s’agit de bienfaits mérités et proportionnées. En plus d’un paiement de 200 livres sur le fonds des biens confisqués confiés à Francesc Sangenís, « pour paiement et satisfactions des travaux extraordinaires par lui faits en l’année 1647 en la défense des causes patrimoniales pour les confiscations »[142], Narcis Peralta, docteur du Real Consell et avocat fiscal du patrimoine royal, se voit attribuer des droits sur les biens du ducs de Sessa pour avoir continué ses services dans « les causes qui s’élèvent de nouveau contre le fisc royal »[143]. On se souvient avec quelle intransigeance Peralta avait jugé en 1645 le procès du comté de Santa Coloma, s’attirant les foudres de Marca et du roi[144]. Ainsi, d’un côté, Schomberg voulait, en gratifiant les magistrats, éviter qu’une telle intransigeance ne renaisse, mais cette fois contre lui ; alors que, de l’autre côté, Marca gardait des soupçons contre Peralta et d’autres docteurs et voyait donc cette résolution d’un mauvais œil. En plus d’une pension de 600 livres donnée à tous les docteurs de l’Audiència sans exception ainsi qu’au chancelier Barutell[145], chacun recevait des dons particuliers sur les biens confisqués : Tàpies, les biens de l’ancien conjuré Josep de Amigant[146] – qui avait été déjà donnés sous le comte d’Harcourt – ; Orlau, les biens du comte de Santa Coloma à l’exception de ceux que le trésorier Bru a déjà mis en arrendement ou qui ont déjà été donnés[147] ; Graells, la réserve prévue par Catherina de Çalbá dans son contrat de mariage de 1636 avec Dalmau de Ivorra, dont les biens ont été confisqués[148] ; Rossell, des domaines échus au patrimoine royal par la mort d’Andreu Blan-Çaribera[149] ; Pallares, 300 livres de pension annuelle et 6000 en propriété sur le comté de Peralada[150].

Le nombre impressionnant de donations, dont l’énumération fait l’effet d’un inventaire à la Prévert, inspire finalement à Marca sa principale accusation : pour lui, Schomberg accepte toutes les suppliques qui lui sont soumises sans même les examiner. Si cette « bonté » a probablement pour but d’acquérir le soutien et la bienveillance, Marca la réduit encore aux sombres visées du Régent, et donne surtout l’impression d’une grande faiblesse et d’une légèreté peu compatible avec une si haute fonction.

« La bonté de M. le viceroy qui ne sçait reffuser est mesprisée par plusieurs Catalans. Il n’a vigueur que contre moy, se tenant ferme à ne communiquer d’affaires avec moy. Il ne s’est point ouvert comme il m’avoit promis, se trouvant si rempli du Regent, qu’il n’y a point de place pour moy. On se plaint ycy de ce procedé, mais on adjouste que mon industrie ne sert point aux affaires puis qu’on ne souffre pas que je l’employe ».

De telles distributions causent donc un certain scandale, et particulièrement celles en faveur de personnes qui ne sont ni des militaires, ni des docteurs de l’Audience –la justification de ces derniers, bien que faible, restant encore recevable. On retrouve là toute la problématique des dons faits à des veuves et à des créanciers…

« Pour les autres Catalans, yls ont obtenu ce qu’ils ont demandé sans considerer les merites ny les services des personnes, ny la valeur des choses données. On est venu jusques à ce point que la veufve la Cavalerie, à qui M. le comte d’Harcourt avoit donné avec quelque honte la jouissance de la baronnie de Cubelle, en a obtenu la proprietté pour elle et ses enfans.

 

Plusieurs yncogneus ont esté gratiffiés, et plusieurs gens de merite oubliés, qui ont creu que leurs services seroient recogneus sans qu’ils demandassent, ou qui n’ont pas eu le loisir de presenter leur requeste »[151].

La « veufve la Cavalerie » – Isabel Dulach, dont nous avons développé le cas plus haut[152] – est en l’occurrence l’arbre qui cache la forêt, puisque plusieurs autres femmes et personnages assez obscurs ont obtenu une réponse favorable à leur requête. Souvent, les requêtes brandissent les services rendus par leurs maris ou leurs fils. Eulàlia de Alemany, nièce du trésorier Jaume Bru et veuve de Garau de Alemany, obtient pour elle et sa fille unique et impubère Maria de Alemany le don de plusieurs maisons à Barcelona (au lieu dit du « dormitori de Sant Francesc ») ayant appartenu à Lluis de Queralt[153], puis d’autres maisons situées au carrer de la Mercè et ayant appartenu au comte de Peralada[154] ; dans sa supplique, elle remontrait que son mari avait suivi le roi depuis la soumission de la Catalogne, ayant servi avec satisfaction comme trésorier de Catalogne par intérim, et qu’il était mort à Balaguer après le siège de Lleida. Mariana de Tamarit i Tafurer, veuve elle aussi, fait purement et simplement annuler le censal qu’elle devait à Bernardí de Marimon, ayant remontré qu’elle avait perdu à la guerre ses deux fils Joan et Jeroni de Tamarit[155]. Plus habile, Angela Montells i de Tuxent, carlana d’Agramunt, représente qu’elle a perdu tous ses biens situés dans le territoire de Lleida, en plus d’avoir prêté du blé pour l’armée du comte d’Harcourt : elle se voit donner le lieu de Mongaÿ, appartenant au marquisa de Camarasa[156]. Le comble est atteint avec ces quelques personnes qui réussissent à reconstituer grâce à la générosité de Schomberg le patrimoine de leur famille, dont la dévolution légale les avait désavantagées ou leur avait déplu : Isabel Despés i de Margarit remontre au vice-roi que la seigneurie de Miravall, dans la viguerie de Lleida, avait appartenu à son grand-père Jaume Despés et se trouvait maintenant échue à son parent Anton Despés à qui elle avait été confisquée. Elle lui est donnée[157]. Hieronyma d’Oms i de Toralla, veuve de Bernat d’Oms, seigneur de Villelongue de la Salanque en Roussillon et sœur de Jacint de Toralla, gouverneur de Castèth-Leon dans le Val d’Aran qui avait livré le château aux Espagnols[158], obtient que la seigneurie d’Arinÿa, qui avait été confisquée à son frère et se trouvait alors administrée pour le roi par Josep de Rocabruna, lui soit transférée pour en jouir jusqu’à être payée de ce que lui devait son frère[159]. Le meilleur exemple est postérieur à la lettre de Marca, mais intéressant car, pour une fois, il correspond à ses conseils, lui qui, depuis plusieurs mois réclamait des récompenses pour la famille de Reguer chez qui il était hébergé[160]… bien qu’il voulût pour elle un don plus grand encore. Eulàlia, veuve de Garau de Reguer, se fait donner tous les biens de Bernardí de Marimon, son cousin germain, sous prétexte que sa tante (mère de Bernardí) Catherina de Reguer avait légué tous ses biens à son fils, et que ce dernier se trouvait désormais parmi les ennemis. Cela permettait de reconstituer le patrimoine des grands-parents Reguer qui avait été partagé par le mariage de Catherina de Reguer et de Plegamans de Marimon. Ces biens, loin d’être négligeables, s’élevaient à plus de 18000 livres ; dans sa supplique, Eulàlia avait cependant expliqué qu’une fois payées les charges de ces biens, ils ne « pouvaient rapporter aucune utilité » au fisc royal[161]. Toutefois pas au point de lui enlever l’envie de les demander. Quant à Francesc d’Oris i de Vallgornera, il obtient lui aussi de reconstituer une partie de son patrimoine familial en se faisant donner la juridiction du lieu de Vallgornera dans la viguerie de Girona, château qu’il possédait par héritage mais dont la justice était échue à Ramon de Rocabertí, comte de Peralada et criminel de lèse-majesté[162] par quelque partage ou vente antérieurs. Ces quelques exemples montrent que, loin de se limiter à deux comme l’écrit Marca, les raisons de la distribution résolue par Schomberg sont multiples, complexes, et méritent un examen approfondi.

 

Il n’en reste pas moins que la situation de mécontentement et de dégoût que dépeint Marca est d’une effrayante réalité. Certains bénéficiaires ne peuvent même pas prendre possession de leurs gratifications car, dès qu’ils se rendent sur les lieux, ils se rendent compte que les biens ont déjà été donnés[163]. Eclate ensuite un mécontentement de plus grande envergure. On se souvient des récriminations que les gentilshommes catalans faisaient déjà parvenir à la cour en 1643. Les mécontents de 1648 sont d’abord des personnes connues comme Josep de Tord, jamais satisfait depuis son retour de la cour. Mais de nouveaux noms apparaissent, des voix qui s’était montrés silencieuses jusqu’alors « pestent » désormais d’une façon nouvellement menaçante.

« Le sieur Tamarit lieutenant du Rational, qui est la cause de tous ces mouvemens contre l’Espagne se plaint de vive voix d’estre oublié. Dom Hieronimo Gaver, qui opina le premier au Conseil de Cent pour donner la Catalogne à la France se plaint par requeste. […] Francisco Claris frere du defunct se plainct aussi de ce que le nom de son frere est oublié. […] Il y a outre cela le maistre de camp dom Joseph Tort, le sieur Ciurana gouverneur d’Ostalric, et bon nombre d’autres qui pestent parmy leurs amis et tous declament contre l’inegalité du departement et contre la dissipation generale des biens confisquez »[164].

Bien que plus policées, les relations entre les nobles catalans et les autorités françaises ne laissent pas de se détériorer à mesure que les peuples eux-mêmes se soulèvent. Après avoir essayé vainement pendant plusieurs mois de temporiser en donnant des reçus aux paysans, leur promettant qu’ils seraient payés de la nourriture que les soldats prélevaient, Schomberg doit faire face aux révoltes redoutées depuis des années : au début du mois de septembre, un groupe de 400 paysans catalans, dirigé par le batlle de la ville de Bellpuig, attaque le régiment français de Sainte-Cécile, faisant des blessés graves. La question de châtier les abus des soldats se pose : mais comment punir des hommes dont le seul crime est de ne pas payer la nourriture, pour ne pas avoir un sou vaillant ? Mi octobre, la situation empire encore : cinq hommes de régiments de la Marine et de Mérinville, connus pour leur calme et leur discipline, sont tués[165]. Chacun craint pour sa vie et son bien. Schomberg écrit une nouvelle fois à Mazarin, alarmé, que le manque d’argent est arrivé à des extrémités, les munitionnaires ayant arrêté la fourniture ; quant aux élites catalanes, dit-il, elles sont traversées d’une autre angoisse : celle que les donations de biens confisqués soient balayées d’un revers de main dans le cas où la France et l’Espagne signeraient une trêve et que les anciens possesseurs reviendraient jouir de leurs patrimoines[166]. Dans ce contexte, la nouvelle du retour en grâce du maréchal de La Mothe arrive en Catalogne : Schomberg, Marca et les docteurs de l’Audience reçoivent une lettre missive du roi ordonnant de le remettre immédiatement en possession du duché de Cardona[167]. Au milieu des profondes agitations politiques en France, La Mothe avait pu retrouver son honneur : Mazarin, en position de faiblesse, avait décidé d’accélérer la fin de son procès et de le faire innocenter afin d’attirer son soutien face aux parlementaires révoltés. C’était la dernière chose qu’on attendait et dont on avait besoin : depuis le procès de La Mothe, le duché et ses dépendances servaient à financier un bon nombre de salaires (alternativement du vice-roi, de Marca, de différents officiers) qui n’auraient pas pu être versés autrement… et, à ce moment précis, plus rien n’était versé d’aucun côté. Schomberg montre probablement une réticence face à cet ordre. Après une supplique du procureur de La Mothe, Pere Roca, il doit finalement signer une provision de mise en possession du duché, qui prend la forme d’un ordre formel à l’intention des receveurs et procureurs de Cardona[168]. La profondeur du dégoût causé par ces affaires est patent lorsque, début novembre 1648, les Braços se réunissent ave le Conseil de Cent et proposent à la ville d’envoyer un ambassadeur à la cour pour y porter les doléances dues au manque d’argent et aux abus des soldats, avec des clauses tout à fait précises : « en la deliberation, l’on declama contre les officiers du roy, qui vouloient tout faire excepté leur mestier, en sorte qu’il fut arresté que l’on envoyeroit un Ambassadeur qui ne fut point officier du Roy, et qui n’eut point receu des gratifications des biens confisqués »[169]. Alors que les délibérations du Conseil de Cent gardent la trace d’un fort ressentiment face aux gratifications données à des Français[170] – ressentiment amené à ressortir dans chaque occasion solennelle –, la Generalitat envoie un mémoire au roi dénonçant le fait que les gouverneurs des places ne soient pas catalans, contrairement aux pactes signés par le feu roi, et qu’ils enfreignent de nombreuses lois, traitant les résidents comme des peuples annexés à leurs châteaux, comme s’ils étaient quasi esclaves, cause principale de tous les malheurs du temps[171].

Une affaire vient s’y ajouter, qui ébranle directement un des piliers de l’alliance franco-catalane, le bataillon catalan, dont les officiers appartiennent à la fine fleur de la noblesse et qui, malgré ses effectifs toujours insuffisants, combat aux côtés de l’armée française depuis la soumission. Les protagonistes en sont Josep de Tord et Jaume d’Erill, mestres de camp du bataillon, deux amis constamment mécontents que nous avons déjà rencontrés. Le premier, selon Marca, sentait son honneur blessé par les distributions de Schomberg. Et il l’avait chatouilleux, ayant soutenu un an auparavant le premier duel de la Catalogne Française[172]. Là encore, c’est une affaire de point d’honneur et de fierté virile qui déclenche tout. En octobre, afin de sauvegarder un semblant de tranquilité dans la ville, Schomberg avait donné l’ordre aux alguazils (agents de police) de Barcelona d’arrêter, de désarmer et d’emprisonner quiconque se trouverait en possession d’une arme. Ce qui se produisit lorsque l’alguazil Josep Vilabella trouva Josep Calvo, lieutenant de la compagnie de Josep de Margarit, et frère de Francesc Calvo, le propre beau-frère du Gouverneur, avec un pistolet dans les mains. Il le laissa d’abord repartir, eu égard à sa condition. Mais peu de temps après, le même reparut en compagnie de son frère, de Jaume d’Erill et de Josep de Tord, certains d’entre eux étant également armés. Selon Fontanella, qui rapporte les faits à Mazarin, ces gentilshommes se mirent à prendre à parti l’alguazil, le menaçant de leurs armes. En suite de quoi, l’ayant appris, Schomberg ordonna à Francesc Calvo, Jaume d’Erill et Josep de Tord de sortir de Barcelona, et les suspendit de leurs fonctions. Mais, après avoir été modéré par plusieurs officiers français, Schomberg annule sa décision et leur donne l’autorisation de rentrer à Barcelona : blessés dans leur honneur, ils ne rentrent que pour soumettre au vice-roi leur démission effective[173]. Entretemps, la Junta du bataillon a décidé de profiter de leur renonciation pour fondre leurs deux régiments en un seul afin de faire des économies, ce qui venait fort opportunément. On voyait là un nouvel effet de l’opposition des clans d’Ardena et de Margarit, la Junta ayant voulu remplacer les deux officiers favorables au Gouverneur par Josep d’Ardena lui-même, selon les dires de Marca. Ce dernier, considérant que ces hommes étaient précieux et qu’on pouvait encore les ramener à la raison et au service, fait tout pour que la volonté du vice-roi – courroucé par leur dernière insolence autant que par leurs critiques des distributions –, les renvoyer, ne l’emporte pas. Il s’oppose à la reformation du bataillon jusqu’à ce que l’avis du roi soit connu, avançant l’argument qu’elle est contraire aux pactes[174]. Quelques jours après, les efforts de Marca portent à croire qu’il voulait être « superieur aux vicerois » et raidissent toujours plus Schomberg contre lui[175]. Il est significatif que les querelles d’honneur et de préséance entre Catalans soient relayées, dans le camp français, par des conflits d’autorité et de juridiction.

Constamment botté en touche par le visiteur général, Schomberg finit par soulever la franche opposition des institutions catalanes. Alors que le Conseil de Cent, les officiers du bataillon et l’Audience étaient restées à travers toutes ces avanies les instances les plus fidèles à la France, l’élection des nouveaux conseillers de Barcelona aux derniers jours de novembre 1648 fournit le prétexte de la rupture. Schomberg, la veille du scrutin, fournit secrètement au conseller en cap une liste des personnes suspectes qui devaient être retirées des bourses. Mais le conseller trahit le secret et en informe le Conseil de Cent, qui décide alors de s’opposer à cette expurgation, envoyant une ambassade au vice-roi et retardant de fait le scrutin[176]. Par la même logique implacable que sous Sainte-Cécile, les demandes répétées de Marca au ministre portent leurs fruits : Le Tellier écrit à Schomberg, qui s’apprête à partir aux eaux de Balaruc pour soigner sa goutte, des mots quasiment identiques à ceux qu’il adressait à Sainte-Cécile avant son propre départ, reprenant les mêmes fictions politiques… et répondant par le menu à ses propres reproches.

« Si le general et le particulier des Catalans ne font point parroistre par dela de mescontentementz des donnations que vous avez faites, c’est sans doubte par respect qu’ilz ont pour vous ; et qu’il est tres vray que non seulement les depputtez du Principat et les conseillers de Barcelonne, mais plus de trente particuliers ont fait par lettres ou autrement fait [sic] entendre par deça leur desplaisir et jalousie de cette disposition de biens confisquez ; il ne se trouvera pas qu’aucun de voz predecesseurs en ayt donné à qui ce que ce soit en proprieté, monsieur le Comte d’Harcourt ayant simplement accordé des jouissances de fruicts et revenus à quelques particuliers catalans. Et vous sçavez que feu Monseigneur le Cardinal de Sainte Cecille n’eust pas plustost donné de ces biens en proprieté qu’on revocqua icy ce qu’il avoit fait. Il est bien vray, Monsieur, qu’il ne vous fust point donné de memoire ou instruction à vostre depart d’icy sur cette matiere parce qu’alors Monseigneur le Cardinal estoit encores dans la province, et l’on n’estoit pas asseuré (comme vous me faites bien congnoistre par vostre derniere lettre que vous vous en souvenez à voz despens), s’il y demeureroit ou non. Mais monsieur de Marca vous peut s’il vous plaist faire voir dans les instructions de voz predecesseurs, comme il leur a à tous esté expressement recommandé de ne point toucher aux biens confisquez »[177].

C’était une condamnation en règle, sans violence mais sans équivoque, de tout ce qui avait été fait depuis sept mois. L’affaire des mestres de camp Tord et Erill est également traitée depuis la cour suivant les avis du visiteur général : une lettre missive du roi est adressée à la Junta du bataillon pour lui ordonner de ne procéder à aucune reformation[178], une autre aux deux officiers en cause afin de les enjoindre à ne pas quitter le service[179]. Mais à Barcelona, la suite des évènements a des conséquences dramatiques. Afin de montrer son obéissance aux ordres royaux tout en conservant son autorité, Schomberg choisit de ne pas reformer le bataillon, mais il presse la Junta de nommer deux autres mestres de camp pour remplacer les deux officiers qu’il détestait et dont il avait accepté la démission avec plaisir. C’est alors que, pendant la réunion de la Junta, lecture est faite des lettres d’Erill et de Tord justifiant leur démission « qui disoient que se trouvans si malheureux d’avoir esté suspendus sans estre ouys pour un si leger sujet, duquel mesme ils n’estoient pas coupables, ils renonçoient à leurs charges, avec resolution neantmoins d’employer leurs vies pour le service de S.M. et de la province ». La situation se retourne alors, à la fois en faveur des deux hommes, mais surtout, dangereusement, contre l’image du pouvoir français.

« Ce qui donna occasion à plusieurs de se plaindre que contre les officiers catalans, il y avoit des chastimens pour de legeres fautes, mais que l’on n’en usoit point de la sorte contre les officiers françois, qui commettoient des excés aux logemens des quartiers. Au fonds que la renonciation des charges du Bataillon ne pouvoit estre admise que par la Junta avec cognoissance de cause suivant l’establissement du Bataillon. Qu’ils ne jugeoient pas qu’il y eut sujet valable pour recevoir celle cy. D’autant plus que les maistres de camp ne vouloient point abandonner le service, ou ils s’estoient employés jusques à present avec tant de reputation ».

Signe manifeste de la conjonction, jusqu’alors inconnue, mais désormais réelle en cette fin d’année 1648, entre les querelles de personne et d’honneur et les ressentiments plus larges vécus par les Catalans contre le gouvernement français. Mécontents d’avoir été lésés dans les successives distributions des biens, Erill et Tord devenaient désormais les ferments d’un mouvement beaucoup plus menaçant et explosif, peut-être malgré eux car, selon Marca, seule la faction du Régent et d’Ardena attisait les haines[180]. Se figeant dans sa superbe, Schomberg ne cède pas à une ambassade de la Junta et réitère son ordre initial « disant que ces maistres de camp s’estoient eloignés du respect qu’ils luy devoient et avoient publié qu’ils seroient restablis contre son intention, de sorte qu’il ne pouvoit souffrir qu’ils feussent retenus en leurs charges ». Une nouvelle ambassade s’amène et le prie d’autoriser qu’Erill et Tord viennent « en cette ville pour luy rendre leurs devoirs, luy demander l’honneur de ses bonnes graces, et faire voir qu’ils n’avoient pas tenus les discours dereglez qu’on leur imputoit ». « En consideration des Consistoires » – c’est-à-dire au regard de sa rupture récente au sujet de l’élection des nouveaux conseillers, craignant que l’opposition ne devienne irréversible –, Schomberg s’assouplit alors et, même si « leurs parolles avoient esté sy eloignées du respect qu’elles meritoient d’estre chastiées de la poincte de l’espée jusques aux gardes », il les reçoit finalement le 22 décembre. Le conflit se résoud à la façon des gens d’honneur, avec la même rapidité qu’il s’était allumé…

« Ils repondirent aux trois chefs dont ils estoient chargez, dont le premier est qu’au mespris de la suspension ils avoient renoncé à leurs charges. Le second qu’ils avoient publié qu’ils s’en alloient à Paris pour s’en plaindre. Le troisieme qu’ils seroient restablis contre la volonté de M. le viceroy.

 

Au premier ils dirent que voyant le peu de satisfaction que Son Excellence témoignoit avoir de leurs personnes par cette suspension, ils avoient resolu de renoncer à leurs charges, pour ne le fascher pas en les exerçant. Au second qu’ils vouloient aller à Paris pour demander à Sa Majesté quelque employ en autre part. Mais qu’ils ne fussent point partis sans supplier Son Excellence de les favoriser de ses lettres de recommandation. Quant au troisième ils declaroient qu’ils n’estoient pas si foûs que de tenir des discours comme ceux là si esloignés du respect qu’ils doivent à Son Excellence et pour sa charge, et pour sa qualité. Que cette calomnie leur avoit esté imposée par leurs ennemis, et que pour la satisfaction de Son Excellence ils la supplioient de leur faire la grace de leur permettre de soubstenir le contraire l’épée à la main en presence de l’armée contre qui que ce fut qui eût faict ces rapports. Son Excellence oublia tout et remit ces messieurs en ses bonnes graces »[181].

Si les remous cessaient en apparence, et que les officiers retournaient immédiatement à la tête de leurs régiments, il n’en restait pas moins que pendant plusieurs mois l’affaire avait été l’occasion d’un nouveau déchaînement des querelles de parti, Marca commentant tout par la volonté du Régent de réduire à néant l’autorité du Gouverneur, et obtenant finalement (peut-être trop tard) qu’on le retire un temps de Catalogne en l’appelant à Paris[182]. La déflagration anti-française apparaissait finalement comme la suite logique des malcontentements nobiliaires manifestés depuis des années.

A la veille de son départ, Schomberg choisit d’y répondre par la force – quelle autre solution avait-il désormais ? « Persécution du clergé et de la noblesse » selon Sanabre, détention de prêtres et de moines, envoi du régiment de Montpeillan dans les comarcas de Solsona, Cardona, Vic et Berga afin d’éviter que les ennemis n’y entrent, favorisés par le soulèvement des zones voisines contre les troupes françaises… Le 22 décembre, 8 jours avant son départ de Catalogne, Schomberg déclare qu’il va publier une liste de 500 criminels, promettant 500 écus à celui qui ramènera l’une d’elles en vie, 250 à celui qui la ramènera morte, et 250 pour celui qui ramènera un prêtre vivant[183]. Alors que la province était à feu et à sang, les réponses de la cour, secouée par les premiers remous de la Fronde, étaient toutes aussi insuffisantes les unes que les autres. Schomberg recevait l’ordre de ne pas payer les officiers en priorité, « car ils en profiteraient seuls, comme ils ont accoutumé de faire de tous les arrerages qu’ils reçoivent, et meme que dans le tems present ce seroit un moyen de les inciter à se retirer de Catalogne apres qu’ils en auroient receu tout l’advantage qu’ils en peuvent esperer pour cette année, et que les troupes ayant esté nourries par la principauté, il est apropos en toutes manieres que je me charge de rembourser les communautés de ce qu’elles ont fourny ». Les communautés devront produire des certificats devant Goury, faute de quoi elles seraient déboutées[184]. Mesures inapplicables car aucun argent n’était envoyé. Les certificats délivrés par les Français devenaient des bouts de papier inutiles, sapant les bases mêmes du traité de Péronne, si malmené cette année-là. Le Tellier s’excuse à Marca de ne pas avoir envoyé de courrier depuis plusieurs mois malgré la haute importance de tous les sujets sur lesquels le visiteur général avait besoin d’un avis : « vous sçavez assez, dit-il, ce qui m’a empesché de respondre à plusieurs lettres »… L’affaire des confiscations, malgré son importance stratégique en Catalogne, a pu passer au second plan, de même que l’impunité dont Schombeg avait joui ces derniers mois vis-à-vis du gouvernement royal.

« L’on na pû pour les mesmes raisons, trouver jusqu’à present le temps d’examiner l’affaire des confiscations, quoy qu’elle soit de tres grande importance, ce qui doibt estre au premier jour. Monseigneur le Prince (qui en a comme vous sçavez tres grande congnoissance) s’y trouvera, qui ne sera pas une mediocre facilité à resoudre la chose, comme il en est besoin, pour esvitter les inconvenients qui en arrivent »[185].

Ironie du sort, c’est le prince de Condé lui-même qui, en cette fin d’année 1648, était attendu comme spécialiste des confiscations de Catalogne, afin d’y apporter la décision finale (révocation générale, semble-t-il) réclamée par Marca ! Il faudra compter sans lui.

 

 

 

Tableau des donations de biens faites par Schomberg (1648)

 

Cote (ACA, Cancilleria) Foliotation Date Intitulé
Intrusos 145 fol.230v-232 1648/06/20 Donation à Francesc Borrell, capità de corassas du régiment du comte d’Ille, de la baronnie de Sant Boi de Llobregat, confisquée au marquis de Vilasor, avec le château, terres et rentes et du censal mort de 360 livres que la ville de Barcelona versait à la comtesse de Quirra
Intrusos 123 fol.29v-30v 1648/07/28 Don à Martin de Charmoye et à ses fils, durant leur vie, des fruits des biens de Louis Descallar ; le privilège précise que Charmoye avait dépensé plus de 12500 ducats au siège de Tortosa ; si Charmoye et ses fils mouraient avant le remboursement, que ses successeurs y aient aussi droit
Intrusos 120 fol.280-282v 1648/07/30 Don à l’université de la ville de Tortosa, grevée de dettes à raison de 9745 livres 10 sous, qu’elle ne peut pas payer en raison de sa dévastation lors du siège, de plusieurs censals que ladite ville faisait à des gens dont les biens ont été confisqués

 

Intrusos 118 fol.205v-208 1648/08/01 Don à Blasi Espanÿa, prêtre de Salardu, de la baronnie de Les, confisquée à Ramon Joan Cau de la vall d’Aran

 

Intrusos 119 fol.85-88 1648/08/04 Don au marquis de Marcilly des biens confisqués à Miquel de Çalbà

 

Intrusos 118 fol.224v-229v 1648/08/05 Don à François de Mussy seigneur de la Contour de la baronnie de la Portella et des biens d’Hug d’Ortaffa

 

Intrusos 118 fol.236v-239v 1648/08/05 Don au marquis de Marcilly des biens confisqués à Miquel Çalba

 

Intrusos 118 fol.209-212v 1648/08/07 Don à Nicolas de Bussy, seigneur d’Onÿ (?), aide de camp, d’une petite maison, d’un moulin, à Barcelona près de la place de la Blanqueria, qui furent à Christòfol d’Icart

 

Intrusos 119 fol.95-96 1648/08/10 Don à Felip de Copons des fruits et droits de la baronnie de Vallfogona et exercice de la juridiction jusqu’à que le roi lui fasse grâce de la propriété

 

Intrusos 119 fol.202-207 1648/08/14 Don à Joan Francesc Codina, militar, du lieu de Santa Maria de Formiguera, en Cerdagne, confisqué au comte de Formiguera, natif de Majorque

 

Intrusos 119 fol.100v-105 1648/08/15 Don à Martin de Charmoye, seigneur de Laure en Occitanie, de tous les biens qui furent de Lluis Descallar
Intrusos 119 fol.107-107v 1648/08/18 Don à Felip de Copons des fruits de deux terçons venant des biens du comte de Vallfogona jusqu’à que S.M. lui envoie la propriété

 

Intrusos 123 fol.12-13 1648/08/18 Don à Joan de Giminells i Mascaro, donzell, du lieu de Castissen, située à Noguera, viguerie de Ribagorça, que possédait le comte de Sastago

 

Intrusos 119 fol.118-123v 1648/08/20 Don à Miquel Codina, mercader, pour ses services, des biens confisqués de don Diego de Montargull

 

Intrusos 124 fol.102v-106v 1648/08/20 Donation à Andreu Alba, procurador fiscal patrimonial, pour ses services, des biens confisqués à Onofre Aquiles pour crime de lèse majesté

 

Intrusos 119 fol.105-106v 1648/08/21 Don à Josep Soldevila, batlle de Arbeca, des fruits de la baronnie de Puiggros en attendant le don par le roi de la propriété

 

Intrusos 118 fol.264v-266v 1648/08/22 Don à Pierre Dupin, aide de camp, des biens du Dr Francesc Santi de Tortosa

 

Intrusos 119 fol.147-151v 1648/08/22 Don à Marchin des impositions de la ville de Tortosa, moulins et pêches, salines, pour lui et les siens, plus l’administration des rentes et bois royaux avec obligation de payer les charges
Intrusos 124 fol.107-111 1648/08/23 Donation à Onofre de Alentorn des lieux de Castellnou et Vernet situés dans la viguerie d’Agramunt, en compensation de ses biens perdues (Castellnou était possédé par Diego de Montargull, Vernet par Matheu Balaguer à qui ils ont été confisqués)

 

Intrusos 120 fol.23-25 1648/08/24 Don à Alphonse de la Vergne, seigneur de Tressan, du séquestre des biens de don Josep Escriva, natural de Valencia ; pour ses services rendus lors du siège de Tortosa

 

Intrusos 118 fol.242-245 1648/08/28 Don à Anton Riu i de Coronat du lieu de Callar qui était au comte de Santa Coloma, et des biens qui restent au roidu comte de Vilafranquesa dans la ville d’Igualada

 

Intrusos 124 fol.117-121 1648/09/02 Don à Isabel de Margarit i Despés, veuve de Joachim Reguer, du lieu de Miravall (viguerie de Lleida), avec toute juridiction, confisqué à Anton Despés

 

Intrusos 124 fol.126-130v 1648/09/07 Don à Joan Fort, archiprêtre d’Ager, du lieu de Castello de Farfanya, confisqué au duc d’Albe, avec toute juridiction

 

Intrusos 119 fol.160-163v 1648/09/10 Don à Nicolas de Bussy seigneur de Rony, aide de camp du vice-roi, des biens de con Christòfol d’Icart et don Lluis Icart son fils

 

Intrusos 119 fol.163v-170 1648/09/13 Don à Emanuel d’Aux des fruits du comté d’Empúries, que recevaient le duc de Cardona, pour lui et les siens perpétuellement
Intrusos 120 fol.26v-29 1648/09/18 Don à Josep Coll, tinent de cavalls du régiment de Francesc Calvo, de tous les biens confisqués de Miquel Ramona, donzell de Barcelona (pour ses services au siège de Perpignan, Elne, Canet, Collioure,sous Brezé, La Motte, ses blessures, puis au siège de Tortosa)

 

Intrusos 112 fol.13-15 1648/09/23 Don à Narcis Peralta de droits sur les biens du duc de Sessa (baronnies de Calonge et Llagosta qui appartenaient à Anna de Cardona i Cordova

 

Intrusos 121 fol.4v-9v 1648/09/23 Don à Eularia de Alemany i Bru, veuve, et à Maria Alemany, sa fille unique et pubère, d’une maison située à Barcelona au lieu dit du Dormitori de Sant Francesch, et de plusieurs cens et censals qui appartenaient à Lluis de Queralt

 

Intrusos 119 fol.207-212 1648/09/24 Don à Isabel Lacavalleria de la ville de Cubells (maquisat de Camarasa, viguerie de Lleida) avec toute sa juridiction civile et criminelle

 

Intrusos 121 fol.16-20 1648/09/24 Don à Joan Francesc de Melgar, alguazil ordinari, de la ville de Albesa qui fut au comte de Castell Florit, succédant au donzell T. Torrelles, du royaume d’Aragon

 

Intrusos 120 fol.57v-61 1648/09/25 Don à Balthasar Tapies, du Real Consell, des biens de Josep de Amigant
Intrusos 112 fol.21v-25v 1648/09/27 Don au Dr Jeroni Fabrega de pensions que possédait Agostino de Latras, comte de Atares au royaume d’Aragon, dans la présente province, par la dot de Magdalena Xammar y Agullana sa femme
Intrusos 112 fol.15-17v 1648/09/28 Don à Josep Orlau, docteur de la Real Audiència, des biens du comte de Santa Coloma exceptés les biens affermés par le trésorier Jaume Bru, et ceux dont le vice-roi a déjà fait la grâce
Intrusos 120 fol.49v-56 1648/09/29 Don à Angela Montells Tuxent de Castro, carlana d’Agramunt, du lieu de Mongaÿ, marquisat de Camarasa, diocèse d’Urgell, qui était au marquis de Camarasa (pour la perte de tous ses biens situés dans le territoire de Lleida et ses prêts de blé pour l’armée du comte d’Harcourt)

 

Intrusos 123 fol.84v-87 1648/09/29 Don à Anton Feliu, capitaine du régiment de Josep de Tord i de Peguera, des biens de Jaume Talarn de la ville de Xerta, et de Llatzer Talarn, de Tortosa, confisqués

 

Intrusos 120 fol.256-257v 1648/09/30 Don à Alexandre de La Combe de Scorbiac, capitaine du régiment de Roquelaure, de l’usufruit de la baronnie de Bellera tant qu’il aura le gouvernement du château de Sarrocha

 

Intrusos 121 fol.36-40 1648/10/04 Don à Feliciano Graells, del Real Consell, de la réserve prévue par Dalmau de Ivorra dans son contrat de mariage de 1636 avec Catherina Çalbà, dont tous les biens ont été confisqués

 

Intrusos 124 fol.209-213 1648/10/06 Don à Josep Reya, ciutadà de Barcelona du lieu d’Almatret qui était au marquis d’Aytona, et des biens de Francesc de Altamba du royaume d’Aragon

 

Intrusos 124 fol.204-208 1648/10/07 Don à Francesc Sangenís de la tour qu’avait le marquis d’Aytona à Alella avec toutes ses dépendances et 214 livres 16 sous de rente qui étaient au marquis de Vilassors

 

Intrusos 112 fol.159-163 1648/10/13 Don à Pere Joan Rossell, docteur de la Real Audiencia, des domaines royaux de Siurana i Vilaplana (qui avaient échu au patrimoine royal par le décès sans enfants du sieur Andreu-Blanch i Çaribera)

 

Intrusos 112 fol.169-171 1648/10/13 Don à Hiacint Pallares, docteur de la Real Audiencia, de 300 livres de pension annuelle et 6000 en propriété sur le comté de Peralada

 

Intrusos 120 fol.200v-203v 1648/10/17 Don à Francesc Almar, prebost general del batallo, des biens confisqués de Balthazar Bravo, ciutadà honrat de Barcelona et de Maria sa femme

 

Intrusos 121 fol.76-81v 1648/10/17 Don à Ramon de Guimerá Relat i de Abella, seigneur de Ciutadilla, du comté de Guimerá, de la quadra et de toutes ses juridictions

 

Intrusos 121 fol.198-202v 1648/10/21 Don à Eulalia de Margarit i de Reguer, veuve de Garau de Reguer, chevalier de Saint-Jacques, de tous les biens de Bernardino de Marimon

 

Intrusos 123 fol.66-71v 1648/10/22 Don à Eularia de Alemany i Bru, veuve, et à Maria de Alemany sa fille des maisons de la rue de la Mercè de Barcelona qui furent au comte de Peralada

 

Intrusos 112 fol.175v-179v 1648/10/23 Don à Rafel Pau Vilossa, donzell, de tous les droits et actions qu’avait Ramon de Calders i Ferran sur ses maisons et terres

 

Intrusos 123 fol.53-56 1648/10/23 Don à Josep Vilabella, ciutadà honrat de Barcelona et alguazil extraordinari, des biens de Josep Melianta, de Lleida

 

Intrusos 123 fol.99v-103v 1648/10/27 Don à Antoine Trinquier, capitaine d’infanterie du régiment de Monpeyrus, des biens Francesc Forcadell, de Tortosa

 

Intrusos 121 fol.142-147v 1648/10/28 Don à Francesc Frexa, capita del batallo, d’un censal de 15 livres que recevait don Tomàs de Lanuça ; et de plusieurs maisons confisquées à Lluis Torres, Agusti Mascarell et Joan Alaix en la ville et terme de Tortosa

 

Intrusos 120 fol.193-194v 1648/11/03 Don à Francesc Salavert, de Blanes, d’un four à pain qu’avait le marquis d’Aitona à Hostalrich (en compensation d’un four qu’il avait construit et qui lui appartenait à Blanes, et qui avait été occupé pour le service du roi)

 

Intrusos 121 fol.190-193v 1648/11/10 Don à Ferdinand, baron de Marchin et de Modaleu, maréchal de France, lieutenant général des armées du roi en Catalogne, des censals et pensions que recevaient les habitants de Valencia et Aragon dans les villes d’Ulldecona, Alcanar Godall et Denia, et des biens des habitants desdits lieux qui sont passé à l’ennemi

 

Intrusos 123 fol.87v-90v 1648/11/11 Don à Henri de Caixon, lieutenant en la place de Tortosa, des biens de don Francesch Oliver et Gaspar de Rosses de Tortosa

 

Intrusos 123 fol.146-148 1648/11/28 Don aux conseillers de la ville de Tarrassa des biens, revenus et actions qu’avait le docteur Felip Vinyes dans cette ville, afin de l’employer à la décoration de l’église de la ville

 

Intrusos 121 fol.242-245 1648/12/01 Don à Francesc d’Oris i Vallgornera de la juridiction du lieu, château et terme de Vallgornera

 

Intrusos 121 fol.222-222v 1648/12/04 Don à Miquel Regàs i Carbonell, d’Hostalrich, de 800 livres à percevoir de Joan Forest, clavari y receptor de les rendes y emoluments del bescomtat de Cabrera i Bas
Intrusos 123 fol.149-150 1648/12/14 Don à Joan Pujolreu i Soler, ciutadà honrat de Barcelona, de la baronnie de Llers et du lieu et terme de Cabanes avec le lieu de las Costas, et toutes appartenances

 

Intrusos 120 fol.261v-263v 1648/12/16 Transfert à Hieronyma d’Oms i Toralla de Perpignan, veuve, du lieu de Arinÿa, fruits, rentes et juridictions, jusqu’à ce qu’elle soit payée de ce que lui devait feu Jacint de Toralla, à qui la seigneurie a été confisquée

 

Intrusos 122 fol.84-85 1648/12/16 Don à Francesc Pujo et à Paula, son épouse, de 50 livres de pension su les rentes royales de Llivia et Maranges et du terçon de Sanahuja durant leur vie, avec extinction à leur mort

 

Intrusos 122 fol.42v-43v 1648/12/20 Donation à Anton Sala, chanoine d’Elne et aux siens, des biens confisqués de don Gabriel de Llupià dans les lieux et termes de Thuir, Saint-Nazaire et Sainte-Colombe en Roussillon (pour ses services rendus als Camps de Martorell et au siège de Perpignan)

 

Intrusos 123 fol.171v-171v 1648/12/20 Don à Isabel Lacavalleria, veuve, de la propriété des biens de don Garau de Guardiola, dont elle avait déjà l’usufruit

 

Intrusos 122 fol.64v-66v 1648/12/23 Don à Josep Jornet, peintre, en paye de ce qu’on lui doit « per haver pintat lo palatio de V.Ex.a » (1360 livres 11 sous) et ne pas avoir pu recouvrer la somme du sel de Cardona, des biens de Mathias Angelet de Céret, et de maisons à pla den Lull qui étaient aux clercs mineurs

 

 

[1] SANABRE, p.393-399.

[2] BNF, Baluze 254 (fol.115v-121v), Instruction donnée a monseigneur le cardinal archevesque d’Aix s’en allant en Catalongne, 22 octobre 1647. On trouve aussi ce texte en SHD, A1 104 (fol.179-185v). L’instruction a été envoyée le 26 octobre à Marca pour la donner au cardinal à son arrivée (BNF, Français 4202, fol.401-401v, Lettre de Le Tellier à Marca).

[3] SHD, A1 107 (fol.81-81v), Lettre du Roy a monseigneur le cardinal de Ste Cecille pour luy addresser un memoire touchant les demandes des Catalans, 20 février 1648. Le mémoire en question figure aux folios 81v à 83 (Extrait dudit Memoire envoyé par aucuns Catalans au Roy ainsy qu’il ensuit.)

[4] SANABRE, p.399 et AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.272.

[5] BNF, Français 4217 (fol.244v-248v), Lettre de Marca à Le Tellier, 3 mars 1648.

[6] BNF, Français 4217 (fol.249-251), Lettre de Marca à Le Tellier, 4 mars 1648. « Je dis que j’avois esté nourry dans un Parlement et dans le Conseil du Roy ou mon avis se trouvoit quelque fois conforme a la deliberation, et quelquefois contraire sans que cela me donnast de l’emotion ».

[7] BNF, Français 4217 (fol.253-262), Lettre de Marca à Le Tellier, 18 mars 1648.

[8] AMAE, CP Espagne 28 (fol.190v), Lettre de Mazarin au Cardinal de Sainte-Cécile (copie), 20 février 1648. « Entre ceux qui servent le Roy en Catalongne, le sieur Goury Intendant des finances dans l’armée, merite que Vostre Eminence le considere particulierement pour le zele et la suffisance avec laquelle il s’est tousjours acquitté de cette commission. Je scay qu’il n’en faut pas davantage pour convier Vostre Eminence a le proteger et le favoriser dans les rencontres, neantmoins comme c’est une personne pour qui j’ay affection et estime, je ne puis que je ne joingne [sic] ma recommandation a celle qu’il a de luy mesme ; asseurant Vostre Eminence qu’elle ne luy fera point de graces ausquelles je ne prenne part avec beaucoup de ressentiment… ».

[9] BNF, Français 4203 (fol.127v-129v), Lettre de Le Tellier au Cardinal de Sainte-Cécile, 5 mars 1648.

[10] Pierre Goury était le fils de Jacques Goury, seigneur de Masures, auditeur en la chambre des comptes, et de Françoise Baudet, elle-même fille de Jérôme Baudet et d’Esther Turpin, cette dernière tante d’Elisabeth Turpin, l’épouse de Michel Le Tellier. ANDRÉ, Louis, Michel Le Tellier et Louvois, Slatkine, 1974, p.647.

[11] BAXTER, Douglas Clark, Servants of the sword: French intendants of the army 1630-70, Urbana, Etats-Unis, 1976, p.29.

[12] BAXTER, Servants…, p.41, 43 et 46. Goury faisait partie des 37 intendants non maîtres des requêtes sur les 93 intendants étudiés par Baxter.

[13] BAXTER, Servants…, p.54. Petit à petit, Mazarin avait fait remplacer les anciens intendants de Richelieu par les parents et les fidèles de Le Tellier (Ibid., p.87).

[14] BNF, Français 4171 (fol.52-53), Commission d’intendant des finances en Catalogne pour Pierre Goury, 17 janvier 1645.

[15] BNF, Français 4171 (fol.53-54), Ordre à Goury pour avoir la direction des fortifications des places de Catalogne, 18 janvier 1645.

[16] BNF, Français 4200 (fol.92-92v), Lettre de Le Tellier à Marca lui signifiant le remplacement de l’intendant Aligre par Goury, afin de le décharger des affaires financières, 8 mai 1645.

[17] BNF, Français 4199 (fol.185-188), Lettre de Le Tellier à Goury, 3 juin 1645.

[18] BAXTER, Servants…, p.90.

[19] BAXTER, Servants…, p.97-99.

[20] « Il avoit dit au Chancelier et au Regent qu’il vouloit faire la distribution generale » (BNF, Français 4217, fol.297v).

[21] BNF, Français 4217 (fol.253-262), Lettre de Marca à Le Tellier, 18 mars 1648. Nous donnons une édition de cette lettre, Document n°15.

[22] La république fut déclarée à Naples le 22 octobre 1647 et prit fin le 5 avril 1648, date de la chute du fort de Nisida et de l’entrée dans la ville des troupes espagnoles.

[23] SANABRE, p.396-397.

[24] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.28-32), Don à Pierre Goury de la vicomté d’Evol et Querforadat par le Cardinal de Sainte-Cécile, 17 mars 1648.

[25] BNF, Français 4217 (fol.253-262).

[26] BNF, Français 4217 (fol.262-266), Lettre de Marca à Le Tellier, 25 mars 1648.

[27] BNF, Français 4203 (fol.162-165v), Lettre de Le Tellier au Cardinal de Sainte-Cécile, 1er avril 1648.

Dans le mémoire écrit postérieurement par Marca en juillet 1650 pour défendre la révocation des donations des biens confisqués (BNF, Baluze 106, fol.80-87v), voir aussi infra : Troisièle partie, II. 2., et édition (Document n° 23), on lit que la réunion de la vicomté de Canet avait notamment été décidée pour permettre les fermiers de la gabelle du Languedoc d’assurer également la ferme des salins de Canet. Voir aussi la question des salins supra : Deuxième partie, II. 1.

[28] BNF, Français 4203 (fol.166-167), Lettre de Le Tellier à Marca, 2 avril 1648.

[29] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.83v-84), Ordre à Paul de Faget de remettre les papiers de l’administration de Cardona à Mario Leoncelli, 19 mars 1648. Le même jour, Faget se voit ordonner de prendre sur tous les deniers qu’il a reçu l’argent dû aux créanciers du duché (ACA, Cancilleria, Intrusos 129, fol.84-84v) ! Enfin, son concurrent Leonard Serra, qu’Harcourt avait créé trésorier général du duché, et avec lequel il avait plusieurs litiges, se voit dispenser de rendre des comptes au lloctinent del Mestre Racional (ACA, Cancilleria, Intrusos 118, fol.192-193v, 2 avril 1648).

[30] SHD, A1 107 (fol.111v-113), Brevet a Monsieur l’Evesque d’Orange pour faire les fonctions d’Evesque en Catalogne et de 12000 livres de pention a prendre sur le revenu de l’Evesché de Vic, 13 mars 1648. Le texte de ses instructions se trouve en BNF, Baluze 254 (fol.121v-123v) et en SHD, A1 107 (fol.113-115), à la date du 23 mars 1648.

[31] AMAE, CP Espagne 29 (fol.55-58v), Lettre du Cardinal de Sainte-Cécile à Mazarin, 13 avril 1648. « Come io in questo luogo (voglio) applicarmi volontiero al travaglio, mentre doppo d’esser stato fatto con violenza venire alla caricha di Vice Rè, mi si presentire (?) nelle instruttione di deferire da M. de Marca, stimato huomo ridicolo negli affari politici che ha messo per terra l’autorità del Rè, fatto partegiano, a interessato alcuni particolari, io non entrare a parlar della sua vita, vivendo in questa citta con poco credito, e minor reputatione di piu dò il Viscontato di Evol a M. de Gorry, e cesto si dichiara di volerlo riunire alla Corona senza far censo alcuno della mia riputatione ; non sò come V.Em.a se persuada, che, se io mi fosse risduto di star quà, haversi per conservare il meo credito, potuto soffrire che si scriva al detto Marca del Rè, come a suo Ministro, e che quà servisse per censurare e condannare tutte le mie risolutioni, nelle quali non fossi concorro con il suo consiglio, à credita da tutti molto nuova questa massima di moltiplicare i ministri, e che S.M.ta scriva agli uni, e agli altri, e tal volta vedere, che prevaglia l’avviso delli inferiore ». L’écriture est celle de Serroni, mais le Cardinal de Sainte-Cécile a signé la lettre.

[32] BNF, Français 4217 (fol.269-271v), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 avril 1648. Voir le cas particulier de M. de La Trousse, supra : Deuxième partie, II. 1.

[33] Voir supra : Deuxième partie, II. 1.

[34] Sanabre (p.403-404) donne une longue liste des affrontements directs entre le Cardinal et le Consistoire. Il ne s’agit pas ici de revenir sur tous ces incidents, mais rappelons-en quelques-uns : refus des conseillers de Barcelona d’assister à la messe pontificale du Cardinal pour la Saint Thomas d’Aquin, au motif qu’il usait d’un trône et d’un baldaquin, réservés selon les Conseillers à la personne royale ; autorisation donnée à des galères génoises d’entrer dans le port, sans consulter les Conseillers… Les Conseillers finissent par décider qu’ils n’enverront plus désormais d’ambassadeur pour accueillir les nouveaux vice-rois à la frontière, se contentant de leur souhaiter la bienvenue à Sant Andreu de Palomar.

[35] SANABRE, p.405.

[36] BNF, Français 4217 (fol.271v-273v), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 avril 1648. « Je ne dois pas vous taire, Monsieur, que S.E. m’a reproché que je vous avois escrit que les Catalans s’offençoient du don qu’il avoit fait du vicomté d’Evol a un François, j’ay apris que les deputés luy en ont fait plainte, et qu’ils la font a S.M. par une depeche expresse… »

[37] BNF, Français 4217 (fol.278-288v), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 avril 1648.

[38] BNF, Français 4217 (fol.289-297), Lettre de Marca à Le Tellier, 28 avril 1648. « Les Catalans disent que l’evesque (d’Orange) est un jeune moine qui est sorty du cloistre sans experience des affaires avec une ambition démesurée de gouverner, et qu’il est la cause de ces jalousies et qu’il pretend gouverner les Catalans comme des moines. On faict peu d’estat icy des moines et de ceux qui l’ont esté».

[39] BNF, Français 4217 (fol.278-288v), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 avril 1648.

[40] SANABRE, p.404.

[41] AMAE, CP Espagne 29 (fol.59-59v), Mémoire adressé à Mazarin contre le gouvernement du Cardinal de Sainte-Cécile (sans nom), 22 avril 1648. Sur les implications diplomatiques, voir les commentaires faits supra au sujet des négociations de paix : Deuxième partie, II.

« Mas en la Plassa de Santiago donde pasean la gente mas noble se dixo en altavoz que si no nos queria Francia porque no lo dezian al Principio, y mas que an empeçado a salir Pasquines por las esquinas de la Ciudad diziendo viva España y muera Francia, y Dios mantenga el Govierno del Cardenal de S.ta Cicilia, preguntan quien es la causa y quien tiene la Culpa, de lo sobre dicho se puede sacar ; estos fueron los primeros passos dio Cata.a quando se sacudio de la obediencia de España, o Tiranias. […]

Si (V.Em.a) quiere concervar esta Pro.a que no sean todas las proviziones para los Franceses ».

[42] AMAE, CP Espagne 27 (fol.411), Lettre de Gaspar Sala à Mazarin, 20 mai 1648. « Hablar de mal afectos a Francia en Cataluña se tiene ya por delito ; crecen tanto estos malos humores, que temo no nos salga de improviso otro Genaro, como en Nápoles, y acostándonos por la noche vasallos de Francia nos despertemos una mañana esclavos de España […] El mal crece como un cáncer ».

[43] BNF, Français 4200 (fol.218v-219v), Lettre de Le Tellier à Marca, 4 octobre 1645.

[44] SHD, A1 107 (fol.202v-204), Lettre du roy a messieurs les deputés du Principat de Catalogne pour leur dire que le roy ne disposera des biens confisqués en Catalogne qu’en faveur des Catalans, 4 mai 1648. Voir édition de ce document (Document n° 7).

[45] SANABRE, p.405. Le collecteur écrit (d’après la traduction espagnole donnée par Sanabre) : « Nadie está del todo satisfecho, ni el Cardenal de las costumbres severas de los catalanes, ni los catalanes de las maneras del Cardenal. Se está esperando que le cardenal Mazarin tome una resolución acerca las noticias de tales dificultades ; quizás el cardenal de Santa Cecilia encuentra placer en que surjan inconvenientes a causa de su persona, porque así su hermano le autorice para marchar ».

[46] SANABRE, p. 406.

[47] SHD, A1 107 (fol.210-211v), Lettre du Roy au Cardinal de Sainte-Cecille sur la permission qu’il a demandée de se retirer de Catalogne, 5 mai 1648.

[48] BNF, Français 4203 (fol.221-225v), Lettre de Le Tellier à Sainte-Cécile, 5 mai 1648.

[49] BNF, Français 4203 (f225v-229v), Lettre de Le Tellier à Marca, 5 mai 1648.

[50] BNF, Français 4203 (fol.235v-238), Lettre de Le Tellier à Goury, 11 mai 1648.

[51] BNF, Français 4217 (fol.312v-313), Lettre de Marca à Le Tellier, 3 juin 1648.

[52] AN, P 19 (n°244), Hommage de la haute, moyenne et basse justice de la paroisse de Basoches les Haultes, en ce qui relève de la Grosse Tour et châtellenie d’Yenville, à présent engagée, rendu par Pierre Goury, conseiller aux conseils, maître d’hôtel ordinaire du Roi et maître ordinaire à la chambre des comptes, ci devant intendant des provinces et armées de Catalogne, vicomte d’Evol, seigneur du Mazurier, Longny, Basoches les Haultes et autres lieux, possesseur par don du feu duc d’Orléans, le 8 octobre 1654, confirmé par Lettres enregistrées au Parlement et à la Chambre des Comptes en juin 1659, et par acquisition du sieur du Hallot, baron du Puiset, le 6 juillet 1667 [acte Guillon-Bazoches les Hautes], 6 septembre 1670. Le testament de Pierre Goury, « vicomte d’Eval », est conservé aux Archives Départementales de l’Eure-et-Loir (1 E 786).

[53] BNF, Français 4217 (fol.301-304), Lettre de Marca à Le Tellier, 13 mai 1648.

[54] ACA, Cancilleria, Intrusos 4217 (fol.61-61v), Grâce à l’évêque d’Orange d’habiter dans la maison du marquis d’Aitona à Barcelona sans rien payer durant son séjour en Catalogne, 14 mai 1648.

[55] AMAE, CP Espagne 29 (fol.61-62), Lettre de Mario Leoncelli à Mazarin, 20 mai 1648 (en italien). « Proseguiendo la mia functione il sr Abbate Faget, che quà se prevale molto col braccio e auttorità de Mons.r suo zio, hà fatto intendere, anco con qualche termine imperioso, ad alcuni offitiali i debitori del Ducato che non paghino à me cosa alcuna ne me reconoschino per amministratore,, stante che egli ne tiene il privilegio del sr Principe de Condé, e che il Car. Sta Cecilia non lo posseva rimovere. En la causa (come de la gratia se fossi stata conferita in vita e a tempo determinato e non completo) mà essendo a beneplacito de S.M.ta, e de chi la conceda, perché sia vana la sua pretentione, intende per tanto de mettere in pleito la causa della validità de privilegii, a pensa di opprimerme con la sua potenza…»

[56] BNF, Français 4217 (fol.301-304), Lettre de Marca à Le Tellier, 13 mai 1648.

[57] BNF, Français 4217 (fol.304-307v), Lettre de Marca à Le Tellier, 20 mai 1648.

[58] BNF, Français 4218 (fol.168v-169v), Mémoire pour dresser des lettres patentes en faveur de l’abbé Faget pour l’administration des revenus du Duché de Cardone, et sur le choix d’un administrateur pour les revenus dudit Duché, 1648.

[59] AMAE, CP Espagne 29 (fol.63-64), Lettre de Fontanella à Mazarin, 20 mai 1648. « El senyor Cardenal de Sta Cicilia se partio desta ciudad jueves passado con tanta prissa que apenas nos dexo lugar de despedirnos, que los dezos que tenia de bolverse no le permitieron mejor dilacion, quede con un grande sentimiento de su partida, assi porque sus domesticos han publicado no era con gusto de V.Em.a (…) Agora con su partida quedamos acà con alguna confusion, porque veo que hay quien deza sacar desta Provincia al S.or Obispo de Orange que ha quedado para hazer las functiones episcopales, y aunque se busca otros pretextos veo bien que el principal es ser hechura del s.or Cardenal y tambien el Abad Faget quiere impedir la administracion del ducado de Cardona a un Italiano que se dize don Mario, a quien Su Em.a havia hecho administrador y me dixo assi al partir que queria quedarse con el cargo».

[60] SANABRE, p.407-408.

[61] BNF, Français 4203 (fol.262v-263v), Lettre de Le Tellier à Schomberg, 5 juin 1648.

[62] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.273.

[63] SHD, A1 107 (fol.225-227), Pouvoir de viceroy en Catalogne pour monsieur le maréchal de Schomberg (copie), 9 mai 1648.

[64] Ranum, Orest, La Fronde, trad. Paul Chemla, Paris, éd. du Seuil, 1995, p.123-132.

[65] SANABRE, p.412-417. Le Conseil d’Aragon demande à Philippe IV qu’on lève une croisade contre les auteurs des profanations.

[66] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.60-67), Don à François de Pauillac, conseiller du roi, lieutenant au bailliage de Metz, de la charge de gouverneur et administateur général des états du duc de Cardona (latin), 9 juin 1648.

[67] SHD, A1 108 (fol.28v-29), Lettre du Roy a don Francisco Tamarit touchant le sallain des administrateurs du duché de Cardonne, 27 juillet 1648.

[68] ACA, Cancilleria, Intrusos 145 (fol.230v-232), Don à Francesc Borrell, capità de corassas du régiment du comte d’Ille, de la baronnie de Sant Boi de Llobregat, confisquée au marquis de Vilasor, avec le château, terres et rentes et du censal mort de 360 livres que la ville de Barcelona versait à la comtesse de Quirra (latin), au camp devant Tortosa, 24 juin 1648. La baronnie de Sant Boi de Llobregat avait été donnée par le comte d’Harcourt à Jeroni de Tamarit, mort le 21 novembre 1646 lors de la déroute de Lleida.

[69] BNF, Baluze 255 (fol.222), cité par SANABRE, p.416.

[70] SANABRE, p. 419.

[71] Voir supra : Première partie, I. 2.

[72] BNF, Français 4217 (fol.324-331v), Lettre de Marca à Le Tellier, 21 juillet 1648. Voir édition (Document n°18)

[73] GROTIUS, Hugo, Le droit de la guerre et de la paix, trad. Jean Barbeyrac, Université de Caen Basse-Normandie, 2011, (Bibliothèque de philosophie politique et juridique), p.791-819. Grotius, toutefois, affirme que « On acquiert par une Guerre juste autant de choses qu’il en faut pour égaler la valeur de ce qui nous est dû et que nous ne pouvons avoir autrement ou pour châtier l’Ennemi en lui causant un dommage proportionné à la peine qu’il mérite ». Il cite l’exemple d’Agammemnon qui « en partie comme Chef alors de toute la Grèce, et représentant ainsi le Corps de la Nation, à cause de quoi il avoit droit de faire la distribution du butin ». Toutefois, Grotius revient longuement sur plusieurs exemples historiques, particulièrement romains, de distribution du butin par les généraux, en leur concédant une certaine justice au vu de la bravoure des soldats. Il résume cela ainsi : « Chez les Romains aussi bien que chez les autres Nations, le Butin appartenoit au Peuple ; mais les Généraux d’armée avoient quelque pouvoir d’en disposer, en sorte pourtant qu’ils devoient rendre compte au Peuple de la maniere dont ils avoient usé de ce pouvoir ». Marca fait évidemment l’impasse sur cette partie, ne reprenant dans les pensées du théoricien que celles qui appuient sa propre idée du droit de guerre.

[74] GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix…, p.814. « Le Peuple ou son Chef peut donner à certaines personnes le butin comme toutes les autres choses, non seulement après l’aquisition, mais encore auparavant […] Cette concession peut se faire non seulement à telles ou telles personnes désignées distinctement et par leur nom, mais encore à un certain ordre de personnes en général ».

[75] SHD, A1 108 (fol.22-24), Commission de gouverneur des armes de Tortose pour Mons.r de Marsin, 27 juillet 1648.

[76] AMAE, CP Espagne 27 (fol.458), Lettre de Mazarin à Marchin (minute), août 1648.

[77] AMAE, CP Espagne 27 (fol.456), Lettre de Mazarin à Schomberg (minute autographe) 1er août 1648. « S’il y a lieu de le faire en l’interest qu’il peut avoir dans les confiscations de la valée d’Aran a cause de son gouvernement, et en la conservation d’un certain droict qu’il apelle le galein, je vous en serai sensiblement obligé pour l’affection particuliere que j’ay pour luy… ».

[78] BNF, Français 4217 (fol.338-340v), Lettre de Marca à Le Tellier, 1er août 1648.

[79] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.88-94), Don à François de Mussy de la charge de gouverneur général et administrateur des états du duc de Cardona vacante par la mort de François de Pauillac, 1er août 1648.

[80] BNF, Français 4217 (fol.341-342), Mémoire de Marca au sujet des biens confisqués, 1er août 1648 (joint à la lettre à Le Tellier du même jour).

[81] La minute de cet édit est conservée dans les archives du secrétaire d’Etat de la guerre :

SHD, A1 105 (n°488), Edit du Roi portant union au Domaine royal de Catalogne des Comtés de Canet et Vicomté d’Evol et des maisons du marquis d’Aitona et comté de Montagut, juillet 1648.

Le texte de cet édit se trouve aussi dans le volume de transcriptions d’Angervilliers des mêmes archives (SHD, A1 108, fol.8v-11) et dans un volume de transcriptions de textes sélectionnés pour servir d’exemples à l’usage du personnel de la chancellerie, appartenant à la collection Le Tellier de la Bibliothèque Nationale (BNF, Français 4222, fol.371-374v, Edit d’union au domaine du Roy d’une terre située en Catalogne).

[82] SHD, A1 108 (fol.11-12), Lettre du Roy a Monsieur le Mar.al de Schomberg sur le sujet dud édit d’union desd. comtés de Canet et vicomté d’Evol au domaine royal, 23 juillet 1648.

[83] BNF, Français 4217 (fol.355-356v), Lettre de Marca à Le Tellier, 26 août 1648. « J’ay receu une autre depesche de S.M., sans qu’elles feussent accompagnées d’aucune des vostres, qui m’ordonne de tenir la main a l’execution de l’édit de l’union au domaine des vicomtez de Canet et d’Evol. Je n’ay point veu cet édit, et ne sçay s’il a esté envoyé a M. le Mareschal, qui ne m’en a rien dit quoy que je luy aye parlé deux fois depuis l’ordinaire ».

[84] BNF, Français 4217 (fol.331v-338), Lettre de Marca à Le Tellier, 29 juilet 1648.

[85] ACA, Cancilleria, Intrusos 118 (fol.85-88), 4 août 1648. L’acte a été enregistré une seconde fois aux fol.236v-239v. Au sujet du marquis de Marcilly et de son mariage, voir nos commentaires plus loin : Troisième partie, III. 1.

[86] ACA, Cancilleria, Intrusos 118 (fol.224v-229v), 5 août 1648.

[87] ACA, Cancilleria, Intrusos 118 (fol.209-212v), 7 août 1648.

[88] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.100v-105), 15 août 1648.

[89] Entre autres, ce décret du vice-roi confirmant le cens de 212 livres que Felip de Copons devait sur les maisons de Lluis Descallar situées à Barcelona, plaça Santa Ana, et qu’il versait jusqu’à maintenant au patrimoine royal. Les maisons, comme le reste des biens de Lluis Descallar, ayant été données à Martin de Charmoye, le cens de 212 livres devra continuer à être versé, mais cette fois à ce dernier. (ACA, Cancilleria, Intrusos 118, fol.235-236, 26 août 1648).

[90] Référence biblique : « Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie. Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit. Et voici, une voix fit entendre de la nuée ces paroles : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection: écoutez-le!… » (Mathieu, 17:4 et 17:5).

[91] AMAE, CP Espagne 29 (fol.106-109), Lettre de Schomberg à Mazarin, 12 août 1648.

[92] AMAE, CP Espagne 29 (fol.113-115v), Lettre de Marca à Mazarin, 12 août 1648.

[93] BNF, Français 4217 (fol.342v-350), Lettre de Marca à Le Tellier, 18 août 1648.

[94] De Ponte (Naples, 1541-1616), avocat, procureur fiscal et membre du Conseil de Naples à Madrid, s’est attaché à résoudre les problèmes financiers chroniques de la monarchie espagnole en dénonçant fermement l’augmentation de la pression fiscale, et, dans son grand ouvrage, à donner les bases juridiques au contrôle des fonctionnaires de la puissance royale. Il tente de donner les bases doctrinales et théoriques pour un nouvel équilibre dans la pratique politique et ministérielle napolitaine dans ses rapports avec Madrid. Le rôle du vice-roi, selon de Ponte, devait être strictement lié à celui du Collaterale (le conseil de la vice-royauté), ce dernier retenant l’essentiel du pouvoir décisionnel ; les avis des Régents de la chancellerie devaient être déterminants sur toutes les questions de gouvernement, justice et patrimoine, faisant des hommes de loi les authentiques médiateurs de l’autorité souveraine. Dizionario Biografico degli Italiani – Volume 39 (1991), http://www.treccani.it/enciclopedia/de-ponte-giovan-francesco_(Dizionario-Biografico)/, consulté le 16 mars 2014.

[95] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.95-96), Don à Felip de Copons des fruits et droits de la baronnie de Vallfogona et exercice de la juridiction jusqu’à que le roi lui fasse grâce de la propriété (catalan), 10 août 1648.

[96] AMAE, CP Espagne 29 (fol.122-122v), Lettre de Pau del Rosso à Mazarin, 19 août 1648. « Me vino el sr Charmois secretario del sr Visorey que yo le aconsejasse si su Ex.a haria mercedes de las confiscaciones a los Franceses que le pedian en occasion de la vitoria de Tortosa le respondi que yo no tenia de dar consejo ha un secretario passado por la Corte de Roma en servicio del señor de Crequi y agora de su Ex.a rogome mucho y le respondi que lo consultaria a Paris y que si de alla lo aprobavan tendria escusa con dezir de Paris lo mandan. Despues tengo entendido que ha persuasion de quien poco ama la nacion francesa ha echo las gracias a los Franceses de que me resulta muy grande odio a la nacion (ques lo que pretiende quien aconseja semejante distribucion) y desto me pueden resultar muy grandes daños a la Provincia aunque vitorioso su Ex.a no conosce los que han servido pues ni a mi me conosce y lo mejor de todo seria que Su Mag.d revocasse todas las mercedes se han echo tanto las de atras como las presentes y se diessen penciones a los que han servido y su Mag.d seria dueño… »

[97] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.147-151v).

[98] AMAE, CP Espagne 29 (fol.116-121), Lettre de Marchin à Mazarin, 19 août 1648.

[99] SANABRE, p.419.

[100] Voir une évocation du cas des biens de Chabot et des ses héritiers supra : Deuxième partie, II. 1.

[101] BNF, Baluze 255 (fol.249), Lettre de Marchin à Mazarin, 31 août 1648 (cité par SANABRE, p.419).

[102] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.151v-155), Création de Marchin comme séquestre, « ab facultat de fer los fruits seus y sens obligation de darne compte », des biens qui furent de la veuve et des fils de Magi Alberni et Lluis Tarnes, et de Severino Thomas, et du moulin qui était à Vicenç Miravall, prieur de Tortosa, pour 10 ans, 22 août 1648.

[103] ACA, Cancilleria, Intrusos 121 (fol.190-193v), 10 novembre 1648.

[104] AMAE, CP Espagne 27 (fol.485), Lettre de Fontanella à Mazarin, 2 septembre 1648.

« Emi.mo Senyor

 

Aviendose dicho por aca que su Mag.d (dios le guarde) havia revocado la gracia que el sr Cardenal de S.ta Cicilia havia hecho a mons.r Gouri, lo pregunte al s.r Marischal, el qual me hizo favor de ensenyarme la carta de su Mag.d y quede el hombre mas surpris [sic] que se pueda dezir porque vi en ella que su mag.d queria tambien unir a la corona Real el Biscondado de Canet, y revocava la gracia de la juissansa que el s.r Conde de Harcourt me havia hecho, haziendosse con esto en cosa que yo gosava lo que no se ha hecho con otro catalan, sino con el Abad de Galligans, y quitarme de un avez la reputation de buen servidor de su Mag.d que con mis servicios he procurado adquirir, alentar a los malos, y desalentar a los buenos, y assi que seguramente a parecer de todos me he adelantado en los servicios, a muchas quiça de los que mas blasonan, dexarme con un oficio de mucha auctoridad, pero de tan poco salario que no vale mas de ciento y cinquenta doblas todos los anyos, y acreditar algunas cosas que publican los mal afectos en gran prejuhitio del estado que acà procura mas reprimir, que por no cansar a V.Em.a y ser tambien cosas que no son para evitar las callo suppuesto que V.Em.a me haze el honor de querer que yo llegue a esta corte, y assi, senyor, en este negocio no me queda otro consuelo, sino suplicar a V.Em.a me haga favor de mandar suspende resta resolucion hasta que me haga ohido que si despues que yo tenga la dicha de haver hablado con V.Em.a insiste en la mesma resolucion, passare voluntario por este desaire, sacrificare mi reputacion y mis mercedes al gusto de V.Em.a en quien desde principio tengo puestas mis esperansas, y eligido por inclinacion y obligacion por mi moecenas y protector, en diferir este negocio dos o tres meses no le pierede tanto, y yo despues de haver sido ohido quedare sino contento, consolado a lo menos que quitarme un instante sin oirme, reputacion y provecho, es el major desconsuelo, y no me puedo persuadir que esta sea la intension de V.Em.a ni que queden frustrados las esperansas que en la mersed que V.Em.a siempre me ha hecho tengo puestas. G.de dios a V.Em.a como se lo supplico y he menester. Barcelona, y setiembre a 2 de 1648.

 

De V.Em.a

Humilissimo y obligadissimo ser.or

El d.or Jusepe Fontanella.  »

[105] AMAE, CP Espagne 29 (fol.127-128), Lettre de Schomberg à Mazarin, 3 septembre 1648.

[106] ACA, Cancilleria, Intrusos 118 (fol.264v-266v), Don à Pierre Dupin, aide de camp, des biens du docteur Francesc Santi, de Tortosa, 22 août 1648.

[107] AMAE, CP Espagne 28 (fol.224v-227), Lettre de Mazarin à Marchin, 2 septembre 1648.

[108] BNF, Français 4203 (fol.356-357), Lettre de Le Tellier à Schomberg, 3 septembre 1648.

[109] AMAE, CP Espagne 29 (fol.148-152v), Lettre de Schomberg à Mazarin, fin septembre 1648.

[110] Voir supra, Deuxième partie, I. 3.

[111] SANABRE, p. 421.

[112] ACA, Cancilleria, Intrusos 120 (fol.23-25), 24 août 1648.

[113] ACA, Cancilleria, Intrusos 120 (fol.256-257v), 30 septembre 1648.

[114] ACA, Cancilleria, Intrusos 123 (fol.99v-103v), 27 octobre 1648.

[115] ACA, Cancilleria, Intrusos 123 (fol.87v-90v), 11 novembre 1648.

[116] ACA, Cancilleria, Intrusos 120 (fol.26v-29), Don à Josep Coll, tinent de cavalls du régiment de Francesc Calvo,de tous les biens confisqués de Miquel Ramona, donzell de Barcelona (pour ses services au siège de Perpignan, Elne, Canet, Collioure,sous Brezé, La Motte, ses blessures, puis au siège de Tortosa), 18 septembre 1648.

[117] ACA, Cancilleria, Intrusos 123 (fol.84v-87), Don à Anton Feliu, capitaine du régiment de Josep de Tord y de Peguera, des biens de Jaume Talarn de la ville de Xerta, et de Llatzer Talarn, de Tortosa, 29 septembre 1648.

[118] ACA, Cancilleria, Intrusos 120 (fol.200v-203v), Don à Francesc Almar, prebost general del batalló, des biens confisqués de Balthazar Bravo, Ciutadà honrat de Barcelona, et de Maria sa femme, 17 octobre 1648.

[119] ACA, Cancilleria, Intrusos 121 (fol.142-147v), Don à Francesc Frexa, capità del batalló, d’un censal de 15 livres que recevait don Tomàs de Lanuça ; et de plusieurs maisons confisquées à Lluis Torres, Agusti Mascarell et Joan Alaix en la ville et terme de Tortosa, 28 octobre 1648.

[120] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.163v-170), 13 septembre 1648.

[121] ACA, Cancilleria, Intrusos 123 (fol.75-78), 25 septembre 1648.

[122] ACA, Cancilleria, Intrusos 121 (fol.76-81v), Don à Ramon de Guimerà du comté de Guimerà, de la quadra et de toutes ses juridictions, dont il jouissait déjà des revenus depuis la donation du comte d’Harcourt du 27 mai 1645 (latin), 17 octobe 1648. « […] et similiter cum multis vassallis vestrisque propriis sumptibus amovistis inimicum et non se conferret seu conspergeret usque ad villas Sanctae Columbae dictae nunc la real cercaniae, sicque preservastis multos populos a submisione Regis Catolici sustinendo vostris propriis expensis presidio (?) in vestro castro de Ciutadilla deductam causa prote de omnibus supradictis feudis nos certiores quadam fidedigna informatione in curia vicarii villa Montis Albi recepta die vigesima sexta mensis aprilis prime lapsi et irreparatis ad calamitosam pugnam Illerdae cum octaginta hominibus cum suis sclopis exponeno vitam vestram in evidenti discrimine vitae… ».

[123] BNF, Français 4217 (fol.370-376v), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 septembre 1648. Nous reviendrons plus amplement sur les systèmes échafaudés successivement par Marca pour récompenser Josep de Margarit et lui former un majorat, jamais vus d’un bon œil par les vice-rois (voir infra Troisième partie, III. 1.).

[124] BNF, Français 4217 (fol.384-387), Lettre de Marca à Le Tellier, 22 septembre 1648. « On peut fonder la revocation, outre les raisons qui sont mentionnées dans la minutte des lettres qui fut envoyée il y a plus d’un an sur ce que plusieurs Catalans avoient presenté leur Requeste a S.M. pour estre recompensez sur les biens confisquez en sorte que cette matiere de la distribution de ces biens conformement au service d’un chacun estant pendante pardevant S.M. les Donations qui ont esté faictes par les vicerois sont nulles comme faictes au prejudice des demandes yntroduites devant la propre personne de S.M ».

[125] ACA, Cancilleria, Intrusos 118 (fol.224v-229v), 5 août 1648.

[126] ACA, Cancilleria, Intrusos 124 (fol.204-208), Don à Francesc Sangenís de la Torre d’Alella, confisquée au marquis d’Aitona, ainsi que 214 livres 16 sous de rente reçues par le marquis de Villasor, 7 octobre 1648.

[127] ACA, Cancilleria, Intrusos 121 (fol.91-98), 22 octobre 1648.

[128] Dans la Deuxième partie, 2. 1. surtout.

[129] ACA, Cancilleria, Intrusos 122 (fol.64v-66v), 23 décembre 1648.

[130] BNF, Français 4217 (fol.370-376v). SANABRE (p.423) commente l’acceptation de ce prêt par le Conseil de Cent de Barcelona (AHCB, Deliberaciones Consell de Cent, vol 1648, fol.325). Le vice-roi en demande un autre fin octobre 10/1648, de 35 000 livres.

[131] RANUM, La Fronde…, p. 140-148.

[132] RANUM, La Fronde…, p. 149.

[133] RANUM, La Fronde…, p. 171-195.

[134] BNF, Français 4203 (fol.356-357), Lettre de Le Tellier à Schomberg, 3 septembre 1648.

[135] BNF, Français 4203 (fol.404v-409), Lettre de Le Tellier à Schomberg, 4 décembre 1648.

[136] RANUM, La Fronde…, p. 203-206.

[137] RANUM, La Fronde…, p. 149-167.

[138] BNF, Français 4217 (fol.393v-398), Lettre de Marca à Le Tellier, 11 octobre 1648.

[139] BNF, Français 4216 (fol.332v-342), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 mai 1646, voir supra : Deuxième partie, I. 3. 1.

[140] La brigue de la vicomté d’Evol par Felip de Copons est également détaillée supra : Deuxième partie, I. 3.

[141] BNF, Français 4217 (fol.393v-398), Lettre de Marca à Le Tellier, 11 octobre 1648.

[142] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.7-7v), 31 août 1648. « […] per pagar y satisfaccio dels treballs extraordinaris per ell pretos en lo any mil sis cents coranta set en defenssa de las causas patrimonials per las confiscations ».

[143] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.13-15), Don à Narcis Peralta des droits sur les baronnies de Bellpuig, Calonge et Linÿola, appartenant au duc de Sessa, qui revenaient à Anna de Cardona y Córdova, 23 septembre 1648. « Nos Carolus etc Scientes te mag.um et dilectum consiliarium regium Narcisum Peralta Regiae Audientiae doctorem, et advocatum patrimonialem suae Majestatis multos extraordinarios, et praeter officii tui obligationes sustinere labores in bactandis fisci causas, et dirimendis litibus quae de novo contra eundem fiscum insurgunt ratione confiscationem, et solutionem laborum extraordinariorum per te susceptorum in defentione regis Patrimonii, et causarum fiscalium et propter plura grata, et accepta servitia per te Regiae corona, et domino nostro regi praestita… »

[144] Voir supra : Deuxième partie, II.

[145] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.19-20), Don au Chancelier Barutell et aux docteurs de la Real Audiència (Josep Orlau, Pere Joan Rossell, Hiacint Pallares, Hiacint Roca, Balthasar Tàpies, Naris Peralta, Feliciano Graells, Francesch Martí) d’une pension de 600 livres barcelonaises à prendre sur n’importe quel fonds qu’ils auront en leur pouvoir, 25 septembre 1648.

[146] ACA, Cancilleria, Intrusos 120 (fol.57v-61), 25 septembre 1648. Le 18 octobre, une déclaration du vice-roi précise que ce don comprend les fruits et pensions échues n’étant pas entrés dans les mains du régent de la trésorerie (ACA, Cancilleria, Intrusos 112, fol.171-172).

[147] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.15-17v), 28 septembre 1648. « Nos Carolus etc scientes et attendentes te Mag.um et dilectum consiliarium region regium [sic] Josephum de Orlau Regiae Aud.ae doctorem multos extraordinarios tam secundum officii tui obligationem intractandis faciendis, et terminamdis causas quam plurimus quibus confiscata fuerunt, et regio patrimonio applicata bona quam plurima eorum qui rebeldes fuerunt domino nostro Regi quam alias vancando, et perduussa ( ?) loca Cathaloniae pergendo in servitium Suae Maj.s sustinuisse labores eximios propter quos exestimamus remunerationem condignam tibi tribuendam esse. Jam circo in satisfactionem et solutionem dictorum laborum extraordinariorum per te susceptos, et propter alia plurima grata et accepta sensit(a ?) per te regiae Coronae et domino nostro Regi praestita Gratis et ex nostra certa scientia (…) quae fuerunt Comitis Stae Columbae de Queralt illa videlicet, quae minime includuntur sub arrendamento per Mag.um et dilectum consiliarium region Jacobum Bru regiam Thesaurariam regentem de aliquibus bonis juribus et redditibus dicti Comitis facto quamquam (huiusque?) per nos seu praedecessores nostros haud donata existunt quae cum presente minime intelligi nec comprehendi volumus et nunc sunt dictae suae regiae majestatis confiscationis vigore perdictam suam majestatem facta de bonis dicti Comitis Stae Columbae ».

[148] ACA, Cancilleria, Intrusos 121 (fol.36-40), 4 octobre 1648. « Totam illam reservationem ad testandum ».

[149] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.150-163), Don à Pere Joan Rossell, docteur de la Real Audiència, des domaines royaux de Siurana i Vilaplana « ab tota jurisdictio » (qui avaient échu au patrimoine royal par le décès sans enfants d’Andreu Blanch i Çaribera), 13 octobre 1648.

[150] ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.169-171), 13 octobre 1648.

[151] BNF, Français 4217 (fol.393v-398), Lettre de Marca à Le Tellier, 11 octobre 1648.

[152] Voir supra : Deuxième partie, II. 1. ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.207-212), Don à Isabel Lacavalleria du lieu de Cubells, 24 septembre 1648.

[153] ACA, Cancilleria, Intrusos 121 (fol.4v-9v), 23 septembre 1648.

[154] ACA, Cancilleria, Intrusos 123 (fol.66-71v), 22 octobre 1648.

[155] ACA, Cancilleria, Intrusos 121 (fol.114v-116), 15 octobre 1648. Les biens de Marimon ayant été confisqués, elle était tenue à verser le censal au patrimoine royal.

[156] ACA, Cancilleria, Intrusos 120 (fol.49v-56).

[157] ACA, Cancilleria, Intrusos 124 (fol.117-121), 2 septembre 1648.

[158] Voir supra I. 2) B).

[159] ACA, Cancilleria, Intrusos 120 (fol.261v-263v). Cf LAZERME, t.II, p.405. Hieronyma d’Oms, fills de Lluis-Alemany de Toralla et d’Hipolita de Cortit, veuve de Bernat d’Oms i de Cabrera, seigneur de Villelongue de la Salanque, Taxo d’Avall, Tautavel, avait probablement été désavantagée du fait de la mort précoce de son fils unique Bernat d’Oms i de Toralla, célibataire, en 1631. L’héritier universel de son mari se trouvait être un fils né d’un précédent mariage, Josep d’Oms i Desbosch, puis après lui son fils Emanuel d’Oms (qui obtient le 1er juillet 1647, à 18 ans, un supplément d’âge afin de gérer et gouverner ses biens : ACA Cancilleria, Intrusos 116 fol.259v-261). Le lien de parenté avec Jacint de Toralla est donné par LAZERME Inédit (Toralla).

[160] Nous revenons en détail sur le cas de la famille de Reguer infra, Troisième partie, III., 1.

[161] ACA, Cancilleria, Intrusos 128 (fol.247v-249), 26 septembre 1648. « Lo fisch pagats dits credits no pot reportar utilitat alguna ni de la hasienda que fou de don Plegamans de Marimon ans be ha de suportar molts gastos […] los credits exorbexen ditas heretats ». Voir LAZERME Inédit (Marimon).

[162] ACA, Cancilleria, Intrusos 121 (fol.242-245), 1er décembre 1648.

[163] ACA, Cancilleria, Intrusos 122 (fol.83v-84), Ordre à Joan Pi, scrivà de manament y Regent la protonotaria, de payer 300 livres sur le droit du sceau, comme « aiuda de costa » à Francesch Pujo, scudeller, pour avoir pris possession de biens qui avaient déjà été donnés et n’étaient d’aucun profit, 19 décembre 1648. « Per quant per part de Francesch Pujo scudeller nos es estat representat que nos li feiem merce y gratia de la azienda de Jaume Sido en la qua ha gastat mes de dos centes lliures en fer trauer los despaichs y pendre possessio per hont se ha trobat esser ja donada y no serli de ningun profit ».

[164] BNF, Français 4217 (fol.393v-398), Lettre de Marca à Le Tellier, 11 octobre 1648.

[165] SANABRE, p. 422.

[166] AMAE, CP Espagne 29 (fol.166-169), Lettre de Schomberg à Mazarin, 25 octobre 1648. Voir notre paragraphe sur la question des restitutions, supra : Deuxième partie, III.

[167] SHD, A1 108 (fol.131-132), Lettre du Roy a Mons le Mar.al de Schomberg pour remettre Mons.r le Mar.al de la Motte Houdancourt en possession du Duché de Cardonne qui luy a esté donné le IX octobre 1648, 9 octobre 1648.

[168] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.182-183v), 21 octobre 1648.

[169] BNF, Français 4217 (fol.403-406), Lettre de Marca à Le Tellier, 10 novembre 1648.

[170] AHCB, Deliberacions Consell de Cent, vol. 1648 (fol.370), cité par SANABRE, p. 423.

[171] ACA, Generalitat, vol. 921 (fol.67-69), cité par SANABRE, p. 423.

[172] Voir l’affaire du duel de Tord et Mostaros sous la vice-royauté du prince de Condé supra : Deuxième partie, I. 3. I

[173] AMAE, CP Espagne 29 (fol.176-177v), Lettre de Fontanella à Mazarin, 10 novembre 1648. « Habra mas de un mes que el s.or Virrey dio apretadissimos ordenes a todos los Aguaziles que rondearan de noche y todos los hombres, de qualquier qualidad que fuessen, que hallassen armados de pistoletes, les desarmassen, y pusiessen en la carcel. Al cabo de dos dias el Aguazil Jusepe Vilabella hallo, rondando de noche, a don Jusepe Calvo, hermano de don Fran.co Calvo, cunyado del s.or Governador, que es lugartiniente de la companyia coronela del regimiento del sor Governador, reconociole y le hallo un pistolete en las manos, tuvieron algunas razones, y luego que se nombrò, el Aguazil le dexò con su pistolete, y continuo su ronda, passada alguna hora el mesmo aguazil hallo otra ves al dicho don Josepe Calvo en companyia de don Fran.co Calvo su hermano cunyado y capitan del Regimiento del s.or Governador, don Jayme de Eril, y don Jusepe Tort, maesser de campo de Infanteria del batallon, y muchos otros, y como le conocieron, empeço don Fran.co Calvo y los demas de su companyia a dezir muchos pesares al Aguazil estando unos y otros con los pistoletes en las manos que fue gran dicha no sucediera un escandalo.

 

El Aguazil a la manyana sin dar razon a nadie se fue a contar lo que havia sucedido al s.or Virrey, que por su convalescencia estava en Sarrian a una legua de Bar.a y su Ex.a irritado de que aquellos cavalleros huviessen perdido el respeto a un Aguazil que estava executando sus ordenes, imbio un orden a don Fran.co Calvo, don Jayme de Eril, y don Jusepe Tord, de que salieran de Barcelona y les suspendio de sus puestos como puede ver V.Em.a en el orden.

 

Obedecieron luego, y por haverse interpuesto el s.or de Marzin, el s.or Marques de Cubre, y otros oficiales de guerra el s.or Virrey les dio licencia de bolver a Barcelona, como en efecto bolvieron, y despues de sinco o seis dias se salieron de la ciudad, y no se han visto mas en ella.

 

Al cabo de algunos dias que estos cavalleros fueron fuera de Barcelona, don Jayme de Eril y don Jusepe Tort escrivieron a los s.res de la junta del batallon la carta copia de la qual imbio a V.Em.a renunciando sus puestos sobre del qual los s.res del batallon con acuerdo de los dos concistorios hizieron una embaxada al sr Virrey pidiendole la reforma de un tercio sin disminuir el numero de los soldados, y su Ex.a lo acordo como puede V.Em.a ver con las copias de la Enbaxada, y del decreto de Su Ex.a. »

[174] BNF, Français 4217 (fol.403-406), Lettre de Marca à Le Tellier, 10 novembre 1648. « Je suis arrivé peu apres de Narbone, et ay veu qu’il y avoit diferends advis parmy ceux de la Junta Generale, les uns trouvans estrange la teneur de ces decrets, et la precipitation avec laquelle ils avoient esté donnés au prejudice de deux personnes qui ont si bien servi le Roy, et qu’il faloit remetre dans le service en ostant le sujet de leur deplaisir ».

[175] BNF, Français 4217 (fol.407-410), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 novembre 1648.

[176] SANABRE, p. 425.

[177] BNF, Français 4203 (fol.404v-409), Lettre de Le Tellier à Schomberg, 4 décembre 1648.

[178] SHD, A1 111 (n°212), Lettre du Roy a la Junta generale du battaillon Catalan pour luy dire qu’il ne soit procedé a aucune reformation dud. Battaillon et que pas un des officiers ne quitte le service, 4 décembre 1648.

[179] SHD, A1 111 (n°222), Lettre du roi à Jaume d’Erill (minute originale portant l’inscription « Idm pour Don Joseph Tort »), 5 décembre 1648.

[180]BNF, Français 4217 (fol.429-436v), Lettre de Marca à Le Tellier, 23 décembre 1648. « J’oubliois a vous dire, Monsieur, que la suspension ordonnée contre ces maistres de camp pour avoir porté la nuict des armes a feu ne provient pas du rapport de l’algouasil Vilabella, qui ne se plaignit que de Calbo, se loüa de Tort, disant qu’il avoit empeché que Calbo ne le tuât, ne parla point d’Eril, et ne sçavoit pas mesme s’il estoit en l’action. Et il est certain que Tort et Eril n’avoient point d’armes. Celuy qui fit ce rapport contre ces maistres de camp, le fit sur le certificat de Morell au devant de la maison duquel ce desordre arriva. Et le tout fut concerté avec le Regent et Ardenne, qui n’oublient aucune occasion de fascher ceux du parti contraire ».

[181] BNF, Français 4217 (fol.429-436v), Lettre de Marca à Le Tellier, 23 décembre 1648.

[182] AMAE, CP Espagne 27 (fol.525), Lettre de Mazarin à Fontanella (minute de la main d’Hugues de Lyonne), 3 décembre 1648.

SHD, A1 108 (fol.213-214v), Lettre du roi à Fontanella pour lui demander de venir à la cour, 4 décembre 1648.

[183] SANABRE, p.425-427.

[184] SHD, A1 18 (fol.170-172v), Lettre du roy a Monsieur le marechal de Schomberg pour luy ordonner l’intention du roy sur le payement de deux cens mil livres aux troupes de l’armée de Catalogne, 16 novembre 1648.

[185] BNF, Français 4203 (fol.409-415), Lettre de Le Tellier à Marca, 4 décembre 1648.

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