Sursauts et convoitises au bord du gouffre

III. Sursauts et convoitises au bord du gouffre

1.             Flatter l’orgueil nobiliaire, fusionner les noblesses : une politique toujours ambivalente et inachevée

 

Heurs et malheurs des « principaux Catalans » : Margarit, Eulàlia de Reguer, Banyuls

 

La période allant de 1648 à 1652 est la plus difficile pour le gouvernement français de Catalogne : nous l’avons vu, les révoltes contre les troupes se multiplient ainsi que les défections, alors que les troubles intérieurs à la France tarissent les sources d’argent et empêchent de subvenir aux besoins de la province, qui en aurait tant besoin. Ce découpage chronologique présenté par Sanabre, s’il semble être dans l’ensemble assez justifié même si on pourrait toujours le nuancer, ne doit pas dissimuler cependant une grande variété de situations et de positions : en dépit de la forte probabilité d’une issue funeste pour la France, les membres du gouvernement local et les Catalans fidèles communiquent à la cour leur espoir et leur désir de maintenir la domination française. Ils le font peut-être pour convaincre les ministres d’agir vite avant qu’il ne soit trop tard, mais leur attitude générale doit nous dissuader de tirer des conclusions trop rapides et générales, car rien n’était inexorable ni prévu d’avance. Ainsi, c’est paradoxalement pendant cette période où la défiance entre Français et Catalans est la plus forte que, de la part du gouvernement, talonné par Pierre de Marca, naissent le plus de projets visant à consolider l’entente réciproque, à rendre la distribution des biens confisqués plus justes et acceptable aux yeux de tous, et à rapprocher la noblesse catalane de la noblesse française.

D’un côté, un effort particulier est mis sur la satisfaction d’un groupe étroit de familles nobles catalanes très proches du pouvoir français depuis 1641 ou 1642. La nécessité de les récompenser et des contenter leur orgueil nobiliaire afin d’en obtenir le plus d’avantages possibles pour le maintien du prestige de la couronne est évidente et jamais contestée dans la correspondance entre le gouvernement de Paris et ses agents locaux. Marca est le principal ferment de cette politique. Cependant, un nouveau paradoxe se renforce considérablement après 1648 : l’opposition récurrente entre Marca et les vice-rois, doublée des rivalités entre factions locales qui s’y fixent directement, fait que ces familles pourtant adorées par les Français sur le papier se retrouvent dans les faits souvent écartées et doivent veiller par elles-mêmes, parfois avec insistance et sans toujours rencontrer du succès, à ne pas être finalement lésées au bénéfice d’intrigants d’une origine plus obscure. D’un autre côté, les gentilshommes français sont partie prenante dans les affaires de confiscations. Cela est mal vu par l’opinion en général, et Marca dénonce les donations que les vice-rois font à des Français comme injustes et incompatibles avec le droit et la sagesse politique. Pourtant, l’idée que la France devra rester en possession de la Catalogne, en pleine propriété ou par une trêve, est maintenue par le discours officiel jusqu’en 1652[1] et il faut bien imaginer une place pour les Français dans cet ordre politique. La présence sur place d’un important contingent militaire français encadré d’officiers nobles a entrainé un flux de gentilshommes dont certains resteront jusqu’à la fin de la période. Certains se sont parfois de facto intégrés à la société catalane, et nous verrons que le gouvernement a tenté d’encourager les mariages entre ces Français et des Catalanes dans une optique générale de fusionner les noblesses.

La grande ambigüité qui préside à la politique de gratification de la France a été finement analisée par Daniel Aznar qui n’hésite pas à employer la juste expression d’incohérence : « L’apparente incohérence de la cour et de ses représentants en Catalogne face aux factions catalanes a soulevé chez certains historiens le soupçon d’une stratégie royale de manipulation préméditée. Souvent la manipulation venait des Catalans mêmes. L’abbé de Galligans, député ecclésiastique, par exemple, séduit Harcourt en lui proposant de demander au nom de la Députation le marquisat d’Aitona pour le comte de Chabot, qui était le cousin germain du vice-roi et son lieutenant militaire. Une pétition aussi profitable pour Harcourt qu’humiliante pour Margarit qui perdrait l’usufruit du marquisat »[2]. Ainsi, semble-t-il, nous ne devons pas attribuer à manipulation ou à hypocrisie une volonté récurrente, depuis le début de la période, de créer dans les plus hautes sphères de la noblesse un mouvement de francophilie, d’échanges culturels et d’amitié réciproque. Cette volonté est marquée tout d’abord par l’habitude d’appeler constamment des gentilshommes catalans à la cour ou de les inciter à venir, en plus des ambassadeurs envoyés ordinairement et extraordinairement par les Consistoires. On les reçoit, on leur fait ou leur promet des récompenses souvent symbolisées par une médaille ou une chaîne en or, ainsi Tord Erill et Calvo en 1648[3]. Autre procédé mis en place par la France depuis l’époque de Richelieu : l’envoi à Paris d’un ou plusieurs fils de gentilshommes pour y étudier. Les Catalans s’y prêtent car c’est un moyen de resserrer les liens avec les souverains, et peut-être d’obtenir plus facilement leurs faveurs. Gaspar de Margarit, fils du Gouverneur Josep de Margarit, a été envoyé à Paris dès 1641, d’abord en qualité d’otage garantissant la fidélité de son père. Il s’y trouve en compagnie de son précepteur Magi Sivilla, qui est aussi le représentant de Josep de Margarit à la cour. Il est possible que Gaspar ait été au collège de Clermont, où Sivilla faisait résidence. Gaspar restera à Paris jusqu’à la vingtaine, son père demandant ensuite à Mazarin l’autorisation de l’envoyer combattre en Flandres avec son beau-frère Josep Bassedes : le cardinal prévoit alors de donner une compagnie de chevaux à ce fils[4]. Le fils de l’ancien gouverneur de Roussillon, Ramon de Bas, est également pensionnaire au collège Clermont, avec pension du roi pour son entretien[5]. Après 1648, la résidence des enfants nobles à la cour devient un enjeu d’honneur et de rivalités : Josep d’Ardena demande à Mazarin l’autorisation d’y envoyer son fils pour être page de la chambre du roi[6]. Pour lui, c’est un test visant à s’assurer que la cour lui accorde autant de considération qu’à Margarit dont le fils a vécu à Paris. Mais quelque temps plus tard, une fois l’autorisation accordée, alors que les querelles continuent avec le Gouverneur, il se ravise et décide de retenir son fils en Catalogne pour montrer qu’il se sent lésé[7]

Tout cela est sciemment orchestré, et on le trouve formulé dans un mémoire envoyé à la cour vers 1644 peut-être rédigé sur les instances de Marca : Advis concertez avec Monsieur le Gouverneur de Catalogne pour le service du Roy en ladite province. Le Gouverneur de Catalogne, c’est évidemment Margarit lui-même. Au milieu de considérations générales sur le pouvoir de grâce des souverains et la nécessité de la subordination des vice-rois au roi, plusieurs mesures sont préconisées pour flatter et fidéliser la noblesse.

« Que Sa Majesté honnore les principaux Cavalliers de l’ordre de Sainct Michel du moings, afin de faire disparoistre ceux d’Espagne qui restent.

            […]

Qu’il plaise au Roy d’appeller et entretenir aux colleges et academies de Paris, un certain nombre d’enfans des principaux Cavalliers Catalans, et l’on croit cette politicque tres-necessaire pour conserver l’union entre France et Catalongne, pour les bons et utils effects qui s’en ensuivront.

[…]

Que l’on mette sur pied à la solde du Roy un regiment de cavallerie catalanne de six ou huict compagnies, car outre qu’en cela Sa Majesté tesmoignera estimer la nation d’advantage que ne faisoit le roy de Castille qui l’entretenoit dans l’oysiveté, l’on auroit moyen d’occuper et d’employer plusieurs Cavalliers et autres personnes dont l’absence ne seroit pas inutille au service de sa Majesté, laquelle seroit tres bien servie d’eux dans ses autres armées ou il faudroit faire servir ledict regiment comme l’on y fait servir d’autres regiments estrangers »[8].

Toutes ces mesures considèrent en premier lieu la vocation militaire de la noblesse catalane, comme elle est revendiquée par tous les gentilshommes qui prennent la plume et envoient leurs remontrances à la cour, par exemple Ramon de Guimerà. Il semble que l’auteur en parlant des « colleges et academies de Paris » veuille mentionner les académies équestres destinées à la formation des gentilshommes comme celle fondée en 1594 par Antoine de Pluvinel. On note aussi la traduction du catalan « cavaller » au français « cavallier », ce qui se rapporte à une catégorie nobiliaire bien précise, les chevaliers d’ancien lignage[9], mais crée aussi une association d’idée directe avec l’aspect équestre de la condition. L’idée de les faire accéder à une décoration française, l’ordre de Saint-Michel, était notamment défendue par le maréchal de La Mothe[10].

Deux familles, considérées par Marca parmi les plus distinguées de Catalogne, font l’objet de toutes ses attentions mais sont les premières à pâtir des incohérences de la politique française, ou plutôt du manque de décisions centrales et de coordination. Il s’agit tout d’abord des Margarit, dont le chef Josep de Margarit a été l’un des premiers gentilshommes catalans à avoir servi la France. Nommé Gouverneur de Catalogne par le maréchal de Brézé en 1641, membre des conseils de gouvernement sous l’intermède d’Argenson, il a exercé à plusieurs reprises ses fonctions vice regia, c’est-à-dire avec une partie des pouvoirs militaires et judiciaires du vice-roi pour cause d’absence ou de vacance de la fonction, avec le soutien de Marca qui est son ami personnel et qui le soutient contre la faction adverse, les Ardena-Fontanella. En 1648 éclatent des scandales autour des biens confisqués dont les revenus sont grevés de dettes, puis que les vice-rois distribuent à tort et à travers. Tout cela ne parvient pas à dissimuler l’essentiel : le plus haut personnage, mais aussi l’un des plus décriés, Margarit, n’a toujours obtenu aucune récompense à sa mesure. Il semble avoir joui de l’usufruit du marquisat d’Aitona depuis l’époque du maréchal de La Mothe, son ami[11], mais son souhait d’être gratifié de la pleine propriété de ce marquisat a plusieurs fois été écarté bien que Marca et des lettres royales l’aient assuré du contraire ; progressivement, les vice-rois ont démembré le marquisat pour faire leurs propres récompenses[12]. Ainsi, l’une des principales préoccupations du visiteur général cette année-là est de former pour lui un majorat avec le titre de marquis, lui permettant de le dédommager de la perte de son château de Vallespinosa, détruit par les ennemis en guise de vengeance, et de tenir enfin son rang. Rappellons que depuis 1646 son rival Ardena était comte d’Ille, et que Margarit se trouvait de ce fait possesseur d’un titre moindre lui venant de sa famille (baron d’Aguilar), tout en voulant avoir la préséance sur lui !

Fin mars 1648, Marca écrit une fois de plus à Le Tellier pour soutenir la prétention de Margarit à obtenir le titre de marquis, que la cour dit sans cesse être disposée à lui donner, mais dont elle retarde toujours l’expédition ne sachant pas sur quelles terres l’établir. Il évoque, le fait est à signaler, le souci de l’intéressé de partir de ses propres domaines, et non de biens confisqués, comme une question d’honneur : « le desir dudit don Joseph de Marguerit semble raisonnable, en ce qu’il estime que ce tiltre de marquis, dont S.M. le veut honorer, sera plus honneste et plus assuré pour luy et les siens s’il est attribué à une de ses terres, comme est la baronnie d’Aguilar, à laquelle on peut unir les vicomtés de Cabrera et Bas, avec toutes leurs dependances ». Mais, sauf l’orgueil de Margarit, Aguilar[13] n’apporte pas un revenu suffisant, pas plus que Cabrera et Bas, seigneuries confisquées au marquis d’Aitona mais qui demeurent grevées de nombreuses dettes « en telle sorte que les creanciers ne trouvent dans le revenu que le fonds qui est necessaire pour paier les frais de justice et les rentes courantes, y aiant des arrerages de plus de trente années ». C’est d’ailleurs le sort de la plupart des membres de l’ancien marquisat, si endettés que Marca doit imaginer des solutions d’une complexité incroyable pour assurer un revenant-bon à son ami, se lançant dans une recomposition des grands fiefs catalans qui ressemble beaucoup à un puzzle. En plus de Cabrera et Bas – dont le seul revenu valable repose sur l’annulation de la pension de 2000 livres jadis versée aux comtes de Peralada –, on y ajouterait la seigneurie de La Portella, ce qui, tout compris, serait toujours insuffisant pour faire un don suffisamment honorable, tel que le jauge Marca (et probablement le Gouverneur lui-même). Mais qu’y ajouter encore ? Il se trouve que la seule ancienne seigneurie des Aitona qui ne soit pas hypothéquée est la baronnie de Caldes et Llagostera, dont l’attribution au militaire Francesc Cabanyes, également ennemi de Margarit, avait causé tant de remous au début de la période[14]. Cabanyes n’ayant pu prendre possession de la propriété, il en jouit cependant par voie de séquestre. Mais le comte d’Harcourt a assigné sur ce fonds une pension de 300 livres « en faveur de Francoli, qui luy avoit servy d’interprete. C’est un peintre catalan fils d’un prestre ». Marca propose ainsi de lever l’hypothèque d’une autre partie de l’ancien marquisat, La Torre d’Alella[15] (domaine dont, jusque-là, les vice-rois ont eu la jouissance pour se fournir en vin et pour leur « divertissement »), qui est grevée d’une rente de 400 livres par an en faveur des prêtres bénéficiers de Girona, en faisant passer cette dette sur Caldes et Llagostera sous forme de pension, élevée à 500 livres pour satisfaire les bénéficiers des arrérages dûs, tout en confirmant la possession à Cabanyes ; ce qui permet de faire don de la Torre d’Alella à Margarit. Comme le revenu total de Caldes et Llagostera est plus élevé que la Torre d’Alella, il semble que Marca ait prévu que la pension à Francolí serait conservée, ce qui permettrait à Cabanyes d’avoir tout de même « huit ou neuf cens de bonne rente seigneuriale ». A moins qu’il ait pensé à supprimer la pension de ce « peintre catalan » ?

Dans la même lettre apparaît aussi une prétention tout à fait singulière de Margarit, celle de recevoir également l’ancienne maison des marquis d’Aitona à Barcelona[16], signe évident qu’il voulait se substituer entièrement à cette famille dans la province. Mais « elle fut reservée pour le roy, affin d’y loger les seigneurs françois de condition et les intendans, par le memoire qu’envoya M. le marechal de la Mote, et par celuy de monseigneur le Prince », et Marca préconise d’en donner une autre au Gouverneur, voulant cependant donner le jardin des Aitona à la famille de Reguer, comme nous allons le voir plus tard[17]. N’ayant toujours pas reçu de réponse sur la question, Marca réécrit à Le Tellier une lettre défendant une fois de plus les intérêts du Gouverneur, joignant même un extrait de sa précédente missive. Margarit renonce à La Portella : la seigneurie est « pretendue par plusieurs, luy causera beaucoup d’envies » ; il se contentera de la Torre d’Alella. Mais, toujours, « il desire avec passion la maison d’Aytonne de cette ville, offrant d’y loger quelque seigneur françois, s’il en vient aucun de grande condition », ce qui est un moyen de montrer qu’il veut celle-là et pas une autre[18]. Au même moment, juin 1648, les commis de Le Tellier commencent à mettre en forme la minute des lettres patentes du don destiné à Margarit, dont on conserve des vestiges dans les archives de ce secrétaire d’Etat. Deux minutes sont conservées : la première, portant la date de juin 1648, est en fait une expédition retouchée, puisqu’il s’agit d’une immense feuille de parchemin, en grosse, mais abondamment revue et corrigée et qui est donc « redevenue » une simple minute… Nous donnons un extrait du texte pour montrer au lecteur les hésitations survenues au milieu de cette rédaction si irrégulière.

« Les vicomtez de Cabrera et de Bas et la baronnie de Lacune, dependantz du marquisat d’Ayetonne, ensemble toutes et chacunes les jurisdictions, terres et chasteaux, maisons, domaines, offices, greffes, rentes, revenus, honneurs, rang, dignitez et prerogatives, droictz, noms raisons et actions, ayant appartenu au marquis d’Ayetonne, tant dans la ville de Barcelonne qu’en toute l’estendue de nostre principat de Catalongne […]. Mesmes et par exprez l’office de maistre rationnal de nostre principat de Catalongne, uny hereditairement au marquisat d’Ayetonne. A l’exception seulement du comté d’Isle que nous avons donné à don Joseph d’Ardene, et de la baronnie de Caldes de Malavella et Llengostera que nous avons donné au sieur François de Cabagnes [ici, a été barrée la phrase suivante : « que du jardin de l’hostel d’Aytonne scis a Barcelonne (mot illisible) du jardin attenant, que nous avons donné a don Pere Raguier »] le tout à nous acquis et confisqué par la rebellion dudit marquis d’Ayetonne […] ; la rente perpetuelle de deux mille livres barcelonnoises dont lesdits viscomtez de Cabrera et Bas estoyent chargez par transaction envers les comtes de Peralada, de qui les biens nous ont esté pareillement acquis et confisquez par la rebellion du comte de Peralada d’a present ; et d’autant que le revenu desdites seigneuries se trouvoit presque consommé pour le payement desdites debtes estans sur icelles, nous avons donné […] audit de Margarith les sommes ausquelles lesdites seigneuries et personnes sont obligées envers toutes les personnes de qui les biens nous ont esté et seront confisquez, à cause de leur retraite avec les ennemis [ici, autre phrase barrée : « nous luy avons donné […] par ces mesmes presentes lettres la terre et seigneurie de la Portella avec la jurisdiction, rentes, revenus, droictz et esmolumens en dependant le tout aussy a nous acquis et confisqué par la rebellion du proprietaire de ladite terre de la Portella […] en nom et titre de baronnie laquelle terre de la Portella nous avons pour cet effect creé et erigée, creons, erigeons audit titre par lesdits presentes »] ; la jurisdiction qui nous apartient dans les lieux de Santelm, La Garriga, Palacalz, Vilademat, Sinclaus et Empurias avec le chasteau dudit lieu d’Empurias, lequel nous avons permis et permettons audit don Joseph Margarith de faire reparer sans fortiffications toutesfois, laquelle jurisdiction et chasteau ayant cy devant appartenu au duc de Cardone […] »[19].

Ces hésitations sont d’abord le signe direct des avis contradictoires envoyés à mesure par Marca à Le Tellier. Dans le même registre est conservée la minute de lettres patentes portant réunion de la maison des marquis d’Aitona à Barcelona au patrimoine royal en compagnie des vicomtés de Canet et d’Evol[20] !

Margarit a également tenté de faciliter sa démarche par ses propres moyens. Il a fait transmettre à la cour, par l’intermédiaire de son agent à Paris le docteur Sivilla, un mémoire reprenant par le menu les gratifications qu’il prétend. Le document semble perdu mais son contenu peut être reconstitué à travers une lettre postérieure de Marca qui signifie les demandes une nouvelle fois à la cour, insistant encore.

« Il est certain que comme il n’y a point de fond liquide duquel on puisse composer le revenu d’un marquisat, il a esté longtemps à rechercher ce qui pourroit luy donner trois ou quatre mil livres tournoises quittes. En quoy il a chancelé longtemps, et moy apres luy qui ay envoyé des informations differentes sur ce sujet ».

L’essentiel du mémoire, rappelle Marca, est que la baronnie d’Aguilar soit érigée en marquisat, mais que dans ce marquisat soient comprises la vicomté de Cabrera et Bas, la baronnie de la Llacuna, la Torre d’Alella et la maison d’Aitona à Barcelona (Marca ayant fait volte-face sur ce point-là et soutenant désormais la prétention).

« Ensemble tous les autres droicts, honneurs, voix, noms, raisons et actions qui ont appartenu cy devant aux marquis d’Aytone en Catalogne, le tout acquis à Sa Majesté par confiscation, dont elle n’a encore disposé en faveur de personne, pour estre tenues lesdites terres et seigneuries soubs une seule foy et homage, et soubs le titre de marquisat d’Aguilar, lequel jouira des honneurs, prerogatives et préeminences semblables à celles dont jouissoient les marquis d’Aytone pour raison de leur marquisat ».

Figurent ensuite l’extinction en faveur de Margarit de toutes les pensions dont étaient grevés les seigneuries citées en faveur de personnes dont les biens ont été confisqués ; la juridiction des lieux de Sant Feliu, la Garriga, Palacals, Viladamat, Sinclaus, en Empordà, qui font partie de l’ancien patrimoine de la maison de Margarit – car, rapporte Marca, « il desireroit ageancer cette partie de son bien, et faciliter le recouvrement de ses droicts » ; ainsi que quelques droits mineurs en des lieux situés « au milieu du bien dudit dom Joseph de Margarit »… Le lecteur jugera tout cela en détail dans l’édition de la lettre[21]. Il est quasi certain que le mémoire transmis par Margarit a lui-même influencé la rédaction de la première minute de juin 1648, qui reprend mot pour mot certaines phrases rapportées par Marca que lui-même a dû copier sur le mémoire…

Mais la situation s’enlise pendant plusieurs mois, comme le montre cette nouvelle lettre de Marca en septembre. On a dans les archives du secrétaire d’Etat une seconde minute dont la date même a été retouchée à trois reprises : d’abord juin, puis juillet et enfin août 1648. Mais il est possible qu’on ait continué à la retoucher dans les mois suivants, et que d’autres minutes aient existé qui ont aujourd’hui disparu. Un domaine de modifications successives réapparaît, en relation direct avec les spécifications de Marca. Le visiteur général a clairement fait comprendre à Le Tellier que la requête de Margarit comprend une grande part de vanité. Tout ce qu’il dit peut porter à croire la chose suivante : il pousse à effectuer une simple substitution de nom de l’ancien marquisat d’Aitona au nouveau marquisat d’Aguilar – à ce détail près que le marquisat en lui-même est situé dans l’obéissance des ennemis, au-delà de Lleida, et que les seigneuries situés dans la zone française ne font pas partie du marquisat d’Aitona mais sont des biens patrimoniaux des Moncada, marquis d’Aitona. Ainsi, on trouve en marge plusieurs ajouts tel « dependant du marquisat d’Ayetonne » ou encore « y ayant pour cet effet uny et incorporé […] soubz une seulle et mesme foy et hommage lesdites vicomtez de Cabrera et Bas, ladite baronnie de la Lacuna et toutes et chacunes les terres et maisons, rentes, revenus, droictz, honneurs, dignitez et prerogatives ayants appartenu audit marquis d’Ayetonne à cause du marquisat d’Aytonne, mesmes ledit office de Mestre rational de notredit Principat de Catalogne qui demeurera desormais inseparablement et hereditairement uny à perpetuité audit marquisat d’Aguilar », qui ont ensuite été barrés. Mais l’ajout le plus marquant est lié au contexte précis de l’été 1648. Ce moment, comme nous l’avons dit plus haut, est celui où Schomberg met en œuvre sa propre distribution des biens confisqués, dont Margarit est exclus par principe : en août, il donne la seigneurie de La Portella à l’un de ses proches, François de Mussy, seigneur de la Comtour, un Français[22]. La cour est bien au courant des agissements du vice-roi, par Marca qui les présente comme des abus ; à un moment, la solution qu’il défend âprement – la révocation de tous les dons des vice-rois – semble prévaloir. Ainsi, un passage du texte de la seconde minute révèle cet état d’esprit.

« […] revocquant pour cet effect par ces presentes touttes et chacunes les gratifications, alienations et dispositions qui pourroyent avoir esté faictes d’aucuns des biens et revenus cy dessus enoncez par nous ou nos vicerois lieutenans generaux en ladite province en faveur de quelque personne que ce soit, ou qui pourroyent en estre faictes avant que ledit Margarit en eut pris la possession, attendu que notre intention est qu’il jouisse des choses que nous luy donnons du jour et datte des presentes »[23].

Toutefois, si loin de Paris, Schomberg poursuivait sa politique sans s’ébranler. En octobre, la Torre d’Alella était à son tour donnée à Francesc Sangenís[24] qui avait avancé de ses propres deniers des pensions assignées sur les biens confisqués. Et, plus encore, la lettre envoyée par Marca en septembre[25] – relayant encore une fois la totalité des exigences du Gouverneur – n’avait pas précipité du côté de Le Tellier un changement immédiat. La Fronde commençait et les chicanes de Catalogne n’étaient qu’une moindre part de toutes celles que le ministre devait alors affronter.

Le 30 décembre 1648, Schomberg quitte la Catalogne et laisse à Marca, qui assure alors un long interrègne, une situation catastrophique. Seul sur place, il travaille à essayer d’annuler tout ce qu’avaient fait les vice-rois. Il continue à écrire à Le Tellier en faveur de Margarit mais, concrètement, rien n’est fait. Cet immobilisme se sait en Catalogne, à tel point qu’au bout de quelque temps Mostaros, client de Josep d’Ardena, ose prétendre publiquement au don de la baronnie de la Llacuna, pourtant comprise dans le don promis au Gouverneur[26]. Le Tellier, en pleine agitation parisienne, lui répond avec deux mois de retard : « Vous debvez estre asseuré qu’on n’accordera rien au sieur de Mostaros des biens confisquez qui sont destinez pour gratiffier monsieur dom Joseph Marguerith, en faveur duquel j’en feray l’expedition au premier jour »[27]. L’expédition de Margarit finit par être faite, et elle est reçue au cours du mois d’avril[28]. Elle n’est sans doute pas enregistrée dans les registres de la chancellerie de Catalogne, car la vice-royauté est vacante et Marca n’a pas la légitimité suffisante pour le faire. A la fin du mois, des lettres missives écrites à la cour donnent un éclairage supplémentaire sur les circonstances particulièrement accidentées de ce don, qui confirment et illustrent amplement les commentaires que nous faisions sur les différents états des minutes conservées. D’un côté, on a une lettre de Le Tellier adressée à Margarit lui-même, dont la fonction principale est de temporiser, mais qui dénote aussi une certaine « culpabilité »…

« Monsieur,

Ces lignes ne sont que pour vous dire que j’ay donné au docteur Civille l’expedition du don des biens du marquis d’Aytonne en la forme qui a esté resolue il y a longtemps, y ayant meme fait comprendre le jardin de la maison dud. marquis dans Barcelonne et toutes les autres choses que vous avés désirées, à l’exception seulement de la seigneurie de la Portella que l’on m’a fait sçavoir estre de de si petite consequence que je n’ay pas cru que cela deust retarder votre expedition dans laquelle je vous asseure que j’ay essayé de vous servir avec toute l’affection possible, estant bien marry de ce qu’il y a eu tant de longueur, vous pouvant dire avec verité qu’elle a esté mise trois fois en parchemin et preste à signer et qu’il y a eu toujours quelque chose à faire soit pour adjouter ou autrement. Que si vous sçavés quelque chose qui vous soit propre pour remplacer la Portella je m’y employeray de tout mon coeur et vous temoigneray toujours que je suis… »[29].

Mais, d’un autre côté, Le Tellier écrit aussi à Marca une version des faits plus directe et conforme à la réalité[30]. Il fait état des deux problèmes qui ont rendu quasi impossible une expédition en l’état : le don de la seigneurie de La Portella à quelqu’un d’autre, fait par Schomberg, et le cas du jardin de la maison d’Aitona à Barcelona, également prétendu par la famille Reguer, sur lequel nous reviendrons plus tard. Pour le cas de La Portella, il s’agit d’un problème d’honneur comparable à celui qui anime Margarit : Schomberg, de retour à la cour, « a dit que ce don ayant esté publié, monsieur le Gouverneur de Catalogne ny personne pour luy ne luy a fait connoistre qu’il y eust pretention, si bien que ce seroit luy faire injure que de la revocquer, et comme l’on n’a point fait de revocation d’aucunes de ces donnations, l’on n’a pas cru devoir commencer par celle la ». C’est un important camouflet pour Marca[31], qui montre la volonté de Le Tellier de ménager les deux partis en conservant un équilibre, mais aussi un certain recul par rapport aux apparences de virage autoritaire : on préfère ne rien changer à ce qui a été fait, même si c’est injuste. On avait observé la même prudence au début de la vice-royauté d’Harcourt, où le ministre préférait fermer les yeux sur les séquestres qui avaient été donnés sous le mandat précédent tout en autorisant le nouveau vice-roi à en refaire[32]. Le volte-face est piquant si on songe aux clauses qui avaient été insérées dans la seconde minute (ont-elles été tout de même gardées dans l’expédition ? on ne saurait le dire) : La Portella ne serait même pas citée dans l’acte final. Le docteur Sivilla avait proposé un expédient dont la forme même ne semble pas avoir choqué Le Tellier : antidater les lettres patentes pour Margarit afin qu’elles soient réputées antérieures aux donations des vice-rois. Marca lui-même proposera une telle solution dans une autre affaire, et on peut penser qu’il était à l’origine de l’idée de Sivilla[33]. Mais Le Tellier a refusé car sur le fond cela ne changeait rien à l’affront qui serait fait aux bénéficiaires et, par extension, à Schomberg lui-même.

Mais ce qui est le plus difficile à accepter pour Margarit est qu’au même moment où lui sont expédiées des lettres patentes qui ne satisfont pas la totalité de ses exigences, le Régent Fontanella en reçoit qui lui font donation de la vicomté de Canet en Roussillon, dont il avait l’usufruit depuis 1646[34]. La lettre de Le Tellier à Marca comporte un passage qui reflète l’état d’esprit du Gouverneur et de son serviteur après avoir connu la nouvelle.

« Ledit sieur docteur Siville ayant fait de nouvelles instances pour l’envoyer a lancé meme que le sieur docteur Fontanelle ayant obtenu le don du comté de Canet il sembloit qu’il y alloit de l’honneur et de la satisfaction dud. sieur gouverneur de ne pas differer davantage l’expedition du sien ».

Pour l’heure, Margarit devait donc se contenter du don de la vicomté de Cabrera et Bas, de la baronnie de la Llacuna, de l’érection en marquisat d’une terre qu’il possédait déjà et de certains droits de justice dans sa région familiale. La lettre du ministre montrait enfin combien le gouvernement avait peu de certitudes sur la valeur exacte des biens confisqués, puisqu’il était prêt suivre, selon les moments, les avis des uns et des autres

« Il est vray comme ledit sieur de Charmois[35] l’a asseuré que le revenu de cette terre ne monte qu’a cinq cent livres Barcelonnoises et que le revenu de ce que l’on a donné audit sieur gouverneur est a ce que disent les gens de Mons.r de Schomberg de plus de deux mille huit cent pistolles de revenu annuel »[36].

La réaction de Marca ne pouvait pas être bonne. Dans sa réponse, il continue à défendre la révocation des donations des vice-rois. Il semble presque avoir été froissé personnellement de ce que Le Tellier ait pu croire des témoignages qui reviennent à désavantager son ami.

« Par le prochain ordinaire vous serez informé, Monsieur, par des pieces justificatives, de la valeur du don faict à dom Joseph de Margarit, où il n’y a pas de quoy payer les charges si l’on ne revoque ce qui a esté donné par M. le mareschal de Schonberg sur les vicomtés de Cabrera. Et apres cette revoquation, ce don vaudra trois ou quatre cens pistoles de revenu net, et liquide. M. le Regent a donné advis de ce don par ses lettres à l’Audience au Chancelier et à plusieurs de ses amis. Mais il a creu qu’il ne devoit pas en escrire au Gouverneur, ni à moy, qui n’ay receu non plus aucune lettre du roy sur ce sujet »[37].

Lui aussi attache directement la gratification de Margarit à celle de Fontanella, c’est-à-dire, il n’est pas possible de gratifier l’un sans abaisser l’autre, et le seul parti est de choisir entre les deux. Des 2800 pistoles que les fidèles de Schomberg attribuaient aux revenus donnés à Margarit aux 300 ou 400 estimées par Marca, il y a un monde. Une semaine plus tard, le visiteur général, conformément à sa promesse, adresse au ministre un relevé très détaillé des revenus sur lesquels peut compter le Gouverneur, que le lecteur trouvera édité en annexe. L’évaluation générale est extrêmement faible, et le tout est menacé par l’endettement, la jouissance de La Llacuna revenant totalement aux créanciers, de même que les 2000 livres jadis versées au comte de Peralada qui elle-même sont hypothéquées… Finalement, pour Marca, c’est encore pire que dans ses prévisions : le don n’est même pas un tout petit peu viable.

« La gratification que Sa Majesté a faict à dom Joseph Margarit contient le nom de plusieurs seigneuries, qui la font paroitre de grande importance sur le parchemin et donnent lieu à croire que les relations de ceux qui la font valoir la somme de deux mil huict cens pistoles de revenu net sont veritables, mais en effect en l’estat que sont aujourdhuy les choses par les liberalitez qu’a faites monsieur le Marechal de Schonberg sur ces biens-là, yl n’y reste que vingt six pistoles de revenu

[…]

De sorte que sur ce revenu qui reste, on ne scauroit payer cette grande somme de debte de plus de quarante quatre années, en cas que les creanciers ayent la patience de recevoir de petits payemens durant un demi siecle, sans faire proceder à la vente des biens par decret ».

La seule solution viable est donc de revenir à la proposition initiale soutenue par Marca : ajouter La Portella au don, « ce qui semble raisonnable pour dom Joseph Margarit, lors qu’on donne à une personne qui a esté recompensée de tous ses services par l’office de Regent le Vicomté de Canet, qui vaut douze cens pistoles de ferme quites de toutes charges ». Marca propose d’envoyer une nouvelle minute qui, cette fois, soit juridiquement irréprochable. Il a fait, dit-il, consulter auprès d’avocats qui ont confirmé qu’il fallait exprimer dans l’acte la révocation des dons que les vice-rois avaient fait des domaines maintenant transférés à Margarit (cela vaut à la fois pour La Portella mais aussi pour La Torre d’Alella) ; il faudra également bien préciser que les seigneuries ne sont pas dans le marquisat d’Aitona, qui est situé dans l’obéissance des ennemis, mais de la maison d’Aitona. Dans ce marquisat, on ne comprendra pas la vicomté de Cabrera et Bas, car il est « plus honneste » de le composer avec des terres de la maison de Margarit-Biure, et que les habitants de ces vicomtés – très étendues géographiquement bien que de peu de valeur – ne pourraient pas souffrir d’être assimilés à une localité de moindre importance, Aguilar. Enfin, énième volte-face, Marca signale que Margarit a renoncé au jardin de la maison d’Aitona à Barcelona[38].

La collaboration entre Marca et Margarit est totale. Le même jour où le visiteur général envoie cet avis à Le Tellier, Margarit lui écrit une lettre pour se plaindre. On le sait par la réponse que le ministre lui adresse, une nouvelle fois, directement. La régularité et le soin de cette correspondance montre la grande considération de la cour pour l’affaire, malgré la relative légèreté avec laquelle elle la traite.

« J’ay receu votre lettre du XXVIe du mois passé, et au memes tems toutes les pieces que monsieur l’evesque de Couzerans ma envoyés concernant un don auquel je faits travailler suivant ce qu’il a proposé, vous pouvant dire avec verité que la reyne a beaucoup de desplaisir du peu de valeur de ce que Sa Majesté vous accorde, et ce qui a esté dit au contraire venant des personnes pretendant à la meme chose ne feront [sic] aucune impression. Que de plus s’il a lieu de vous faire quelque grattiffication plus importante, Sa Majesté le fera toujours d’aussy bon coeur qu’elle vous estime particulierement et connoist que l’on ne peut assés reconnoistre les services que vous rendés au roy et à votre patrie »[39].

La lettre comporte aussi un passage encourageant au sujet d’une gratification que Margarit demandait pour son beau-frère, Francesc Calvo : en effet, gratifier une personne se conçoit aussi si on gratifie ses parents et alliés, avec une logique aussi implacable que celle qui pousse Margarit à prendre ombrage du don fait à Fontanella. Il est certain que Margarit se considère au premier rang des « principaux » de Catalogne. L’emploi même de cet adjectif (parfois substantivé) n’est pas sans intérêt. On le trouve sous la plume de Marca dès 1645, pour valoriser un secteur de la noblesse catalane, très illustre et très courtisé par les ennemis, dont la fidélité est donc particulièrement précieuse – Margarit en est évidemment le premier membre : « Cependant, les ministres du Roy Catholique tachent de suborner les principaux Catalans. Je vous revele en secret, que monsieur le Gouverneur ma declaré qu’on l’avoit solicité »[40]. Après 1649, l’adjectif sera davantage utilisé pour qualifier les mal affectes infiltrés dans la haute société barcelonaise[41]. Marca classe les Catalans de façon hiérarchique selon la naissance, l’importance et l’ancienneté des services, et Margarit est le seul qui réunisse chacun de ces critères au plus haut niveau. Mais, dans son cas, on ne peut pas exactement déterminer ce que l’amitié authentique ajoute à la nécessité des flatteries et des assurances. L’attitude du visiteur général, sans exception, est de toujours soutenir ses prétentions, ce qui produit une double réaction : d’un côté, Le Tellier prend des latitudes avec les demandes de Margarit, dont il veut peut-être diminuer le rôle de quasi chef des « principaux Catalans », de façon inversement proportionnelle avec la protection que Marca lui apporte ; d’un autre côté, Margarit prend lui-même dans ses lettres d’importantes libertés de langage, multipliant les récriminations, qui finissent par confiner au chantage. Son attitude s’explique par le soutien de Marca, mais elle manque un peu de clairvoyance et d’habileté. Ainsi le 30 juin 1649 écrit-il à Mazarin qu’il a refusé le don en question et menace d’une sortie par dégoût :

« Je reste obligé à Votre Eminence, car je sais que par son moyen on m’avait fait grâce du marquisat d’Aitona dans la pensée de me donner 2800 doubles de rente liquide comme l’ont publié mes émules, alors qu’on sait bien que c’est le contraire, comme l’aura clairement vu le sieur Le Tellier avec les papiers qu’on lui a envoyé et avec le fait que je n’ai pas pu l’accepter, car je n’avais d’autre profit que la perdition et ruine de ma maison, avec l’allure à laquelle venaient les expéditions. Et ainsi je reste avec le seul salaire de cent doubles par an pour le Gouvernement de cette province et le salaire de capitaine et maréchal de camp, quand au même moment on en voit d’autres qui, sans aucune perte de patrimoine ni beaucoup de distinction dans leurs services, restent favorisés de comtés, vicomtés, baronnies, pensions et bijoux particuliers. Même si beaucoup de ceux qui le voient jugent que c’est pour s’assurer de leurs cœurs, ils en rient, mais cela n’attire pas moins leur particulière jalousie et des discours superflus. Car cela et le fait de me voir ruiné moi et mes proches parents et amis me discrédite totalement et sert toute leur opposition, et à faire passer mes actions et services pour désagréables à Sa Majesté. Si cela doit être, je serai reconnaissant à Votre Eminence qu’en récompense de la passion que j’ai eu à la servir elle m’accorde la faveur de me soulager de cela, pour qu’avec une certaine réputation – que méritent, peut-être, mes services – je puisse me retirer dans quelque retraite au moment où nous aurons un vice-roi »[42].

On comprend bien qui est évoqué sous l’appellation des « comtés, vicomtés, baronnies… ». Jusqu’au bout de notre période Margarit gardera cette attitude outrée. Ici, le refus de la grâce est commandé à la fois par des faits concrets – l’endettement des seigneuries concernées – et par cette façon ostentatoire de montrer son dégoût pour avoir davantage.

Toutefois, il ne semble pas que le Gouvernait se soit figé sur ce refus-là. Pour l’heure, la cour ne semblait pas disposer à le récompenser par ailleurs ; la seule posture possible était de toute façon d’attendre des jours meilleurs en espérant qu’une nouvelle grâce vienne augmenter la première. On remarque d’ailleurs que, dans sa lettre, il mentionnait le « marquisat d’Aitona » et non le « marquisat d’Aguilar », la volonté de se substituer symboliquement aux Moncada était toujours forte. Fin juillet 1649, Le Tellier signale à Marca, sans même évoquer le contenu de la lettre que Margarit venait de lui envoyer : « le docteur Siville envoyera à don Joseph Marguariht l’expedition du don des biens du marquis d’Aytonne en la forme que vous avés estimé qu’elle devoit estre faite »[43]. Il semble que cette nouvelle expédition ait été réalisée. On ne sait malheureusement pas si elle contenait La Portella et La Torre d’Alella, ni si elle satisfaisait davantage Margarit que la première ; tout juste peut-on penser qu’elle a été rédigée d’après un modèle envoyé par Marca. Mais, cette fois, le Gouverneur l’a acceptée. Et la présence du nouveau vice-roi, le duc de Mercoeur, a dû permettre d’enregistrer ce don[44]. Dès l’année suivante, 1650, on trouve Margarit mentionné comme « marquis d’Aitona et vicomte de Cabrera et Bas »[45], la confusion entre Aitona et Aguilar étant peut-être entretenue par l’intéressé lui-même, ou du moins admise par le public. En août 1650, on trouve chez Marca la première mention à notre connaissance de Margarit en tant que marquis d’Aguilar[46]. Cependant si cette donation ait été finalement réalisée, après plus d’un an et demi d’attente, il n’empêche qu’aucune révocation n’a finalement été faite : la preuve, des procès s’ouvrent instantanément à la Reial Audiència contre le Gouverneur. Début 1651 le roi envoie une lettre pour tâcher d’y mettre de l’ordre : des personnes ont des prétentions « sur les biens de la succession du marquis d’Aytonne que nous avons donné audit sieur Gouverneur », et il demande aux magistrats de « nous donner vostre advis sur ce qui se peut faire pour desinteresser les parties afin que nous puissions ensuitte ordonner ainsy que nous verrons estre juste et apropos »[47] ; l’expédient final sera un dédommagement par la couronne des personnes en question[48].

Tout cela nous permet d’arriver à une conclusion assez certaine, même si tous les détails des procédures et des donations pourraient être approfondis par de nouvelles recherches : gratifié jusqu’en 1648 de façon provisoire, pour ainsi dire avec des mesures d’attente (des sommes données ponctuellement, un séquestre selon l’historien Daniel Aznar…), Margarit avait espéré, sur les instances de Marca, le principal agent du gouvernement français en Catalogne, obtenir enfin un don digne de son rang et capable de le dédommager de la perte de son château de Vallespinosa, mais pendant un an il le voit repoussé un avenir incertain, ne sachant pas quels seront ses contours ; lorsqu’il le reçoit enfin, c’est un don quasi entièrement grevé de dettes et qui le force à se défendre dans des procès. En dépit de la considération royale, toujours formulée sur le papier et manifestée de temps à autre par des interventions comme cette demande d’avis aux magistrats ; en dépit du soutien du visiteur général ; en dépit de sa place parmi les « principaux Catalans » dont les Français étaient convaincus, Josep de Margarit a finalement échoué dans son désir d’être gratifié à égalité avec Josep Fontanella. Son marquisat, honorifique, ne représente rien. Mais la vicomté de Canet est un cas particulier, sur lequel nous reviendrons en détail au chapitre suivant ; c’est une exception, dans un paysage général où la gratification par les biens confisqués ne parvient pas à refléter une échelle de considération, une hiérarchie pourtant bien réelle et assimilée par la cour. Ainsi, l’accès aux bienfaits dépend de facteurs bien plus nombreux et complexes que les historiens ne l’ont souvent admis, il se voit presque toujours – à l’exception de certaines occasions favorables qui relèvent quasiment du hasard – annihilé par l’absence d’administration cohérente des biens confisqués en Catalogne et par la conduite des vice-rois. Toutes les satisfactions données par la suite à Margarit ne seront que de maigres pansements qui ne parviendront jamais à calmer son sens aigu de l’honneur[49]. Curieux revers pour celui qui avait voulu humilier Cabanyes quatre ans auparavant et l’avait privé de sa gratification[50]. En pleine lutte contre les Espagnols sur le territoire catalan, à l’orée du siège de Barcelona et des terribles querelles de rang qui précipiteront son issue, le roi écrit à Marchin que Margarit doit avoir la préséance sur Ardena car il est plus ancien dans le grade de maréchal de camp[51] ; le comte d’Ille lui fera les pires affronts dans les mois qui suivront. Dès le début de l’été, Margarit demande une nouvelle fois son congès, cette fois avec peut-être plus de conviction et de sincérité. Mais il lui est refusé[52]. Il défendra Barcelona jusqu’au bout.

 

Une autre famille, considérée au rang des « principaux Catalans », semble avoir également pâti des va-et-vient et autres palinodies, habituels entre la Catalogne et la cour : les Reguer. Cette lignée, originaire de la Segarra et de noblesse assez récente, est installée à Barcelona depuis la fin du XVIe siècle et alliée à plusieurs maisons importantes : les Marimon, les Erill et les Roger de Llurià. Elle se rattache de façon très lointaine aux Margarit[53]. Au début de la période, comme le rappelle D. Aznar, les Reguer se sont distingués comme « francophiles »[54]. Pere de Reguer fournit sa maison de Barcelona pour y loger le maréchal de La Mothe. Il continua à y résider durant tout son mandat de vice-roi. En avril 1644, à l’arrivée de Pierre de Marca, c’est Garau de Reguer, le fils de Pere, qui lui propose sa maison (la même ?) pour y habiter[55] : il y restera durant tout son mandat. Rapidement, des pamphlets catalans envoyés à Paris répandent la rumeur que La Mothe est devenu l’amant de la maîtresse de maison, Eulàlia de Reguer, épouse de Garau[56]. « Au scandale public, le vice-roi exhibait ouvertement sa relation avec Eulàlia Reguer, qu’il faisait asseoir à côté de lui comme s’il s’agissait de son épouse, et qui agissait quasiment comme une vice-reine, influençant les affaires les plus graves du gouvernement. La favorite avait fait tomber impudiquement sur ses familiers les bénéfices de sa bonne fortune », selon Aznar[57]. Si les faits ont peut-être été exagérés ou extrapolés, il n’en demeure pas moins certain que la proximité du vice-roi avec les Reguer est grande : un autre pamphlétaire rapporte que les Reguer font partie du cercle très restreint des proches du Gouverneur Margarit[58], avec qui La Mothe lui-même a cultivé une grande amitié dès son arrivée à Barcelona. Le caractère francophile de la famille se confirme avec la conduite méritoire de Garau de Reguer pendant la campagne de 1644, après laquelle il meurt de fatigue. En mai 1644 avaient été formées des lettres patentes attribuant à don Garau le comté de Vallfogona et ses dépendances[59]. Elles avaient peut-être été expédiées, mais la mort de l’intéressé avait empêché leur exécution. Peut-être aussi en raison de l’imprécision du don, car les dépendance du comté étaient nombreuses et comprenaient, entre autres, la vicomté de Canet…

C’est sous la vice-royauté de Condé que les prétentions de la famille réapparaissent. Un mémoire vraisemblablement rédigé sous la houlette d’Eulàlia de Reguer est adressé au prince pour lui demander le comté de Vallfogona et proposer des substitutions de confiscations afin de rendre le don plus consistant ; ces requêtes ont peut-être été mises en forme par Marca, en tout cas elles sont exactement de la même nature que les expédients si complexes qu’il imaginera quelques mois après pour Margarit. Notons bien que les grâces sont demandées au prince (« Su Alteza Real ») et non pas au roi par l’intermédiaire du prince… Il s’agit de comprendre dans le comté de Vallfogona ses anciens membres du temps de la famille de Castro-Pinós : la vicomté de Canet, pour laquelle on désinteresserait le Régent Fontanella en lui donnant une importante rente sur les biens confisqués à Cristòfol d’Icart ; la seigneurie de La Portella, qu’on laisserait grevée des pensions assignées par les vice-rois à condition d’ordonner leur extinction après la mort des bénéficiaires. Autant dire, des demandes très difficiles à obtenir, et encore plus à mettre en œuvre. Le mémoire continue sur un résumé des services de la famille, disant que dona Eulàlia se retrouve endettée car son mari avait reçu, avant elle-même, les Français dans sa maison pendant des années. Son mari a servi pendant les épisodes les plus stratégiques de l’année 1641. Et, comme Margarit, les Reguer ont subi des vengeances sur leurs biens patrimoniaux.

« En l’année 1641, le jour de la saint Jean, quand les émeutiers voulaient saccager la ville, rompre les prisons pour en sortir les criminels et prisonniers d’Etat parmi lesquels étaient les fils du duc de Cardona, tuer les députés et les conseillers, le sieur d’Argenson et les Français, ledit don Garau fut l’un des principaux cavallers qui empêchèrent cet essai coupable, assistant continuellement le sieur d’Argenson. La même année, le jour de la saint Barthélemy, l’ennemi ayant secouru Tarragona vint se présenter devant Barcelona avec environ 100 galions et 45 galères gouvernées par les ducs de Maceda et de Fernandina et Joannetin Doria. Ledit don Garau, comme le cavaller le plus sûr et le plus sincère pour la conservation des Français, reçut la garde de l’arsenal où se trouvaient plus de 1500 prisonniers castillans et toutes les munitions et l’équipement de guerre. Et après avoir assuré l’arsenal, il alla diriger tous les tirs d’artillerie des canons contre l’armée ennemie. Et les ennemis furent si marqués par les efforts et les exploits dudit don Garau pour servir les Français que pour se venger sur ses domaines, ils les saccagèrent, sans que ladite Eulàlia et ses filles aient pu en tirer aucun profit, lesdits lieux restant incultes et inhabités »[60].

Ainsi, depuis 1644, les raisons qui avaient fait pencher la couronne en faveur de don Garau n’étaient pas éteintes, mais elle se trouvaient comme augmentées par son décès et par la dégradation progressive de ses domaines. La requête est présentée à Condé, qui y appose une note : « Nous representerons à Sa Majesté les services rendus par le suppliant, et par feu dom Garau son fils pour estre recompensés mesme du comté de Valfogona et Portella sans la vicomté de Canet soubs les conditions qu’il plaira à Sa Majesté d’y apporter ». La note est datée du 7 novembre 1647, jour même du départ du prince de Barcelona. Mais ensuite, rien n’est fait. Avait-il présenté la requête ? Les évènements graves qui suivent font de toute façon oublier cette affaire. Ce n’est que par une copie postérieure qu’on connaît ce document.

En 1648, Marca veut soutenir les intérêts des Reguer, en même temps qu’il soutient ceux de Josep Margarit. Il se trouve que leur maison, où il loge, est attenante à la maison d’Aitona que brigue le Gouverneur, et Marca veut accorder leurs deux intérêts. La maison d’Aitona aussi avait été réservée pour « y loger les seigneurs françois de condition et les intendans », d’après l’avis de La Mothe puis du prince de Condé dans son mémoire sur les biens confisqués. Condé avait également, dans ce mémoire prescrit que le jardin de cette maison devrait être accordé aux Reguer « pour agencer » leur propre demeure, en considération du fait qu’ils logeaient depuis plusieurs années des officiers français dont le visiteur général lui-même. Marca prescrit donc de ne pas donner la maison d’Aitona à Margarit car elle est utile, mais, que le don ait lieu ou pas, d’en détacher de toute façon le jardin puis « de m’en vouloir envoier les lettres de don en faveur de dom Pedro Reguer et les siens (car il n’a que de petites filles pour heritieres) »[61]. Mais, pas plus que pour Margarit, les instances de Marca ne sont efficaces à presser Le Tellier. Passent le printemps et l’été 1648 et une nouvelle lettre, mais rien n’y fait[62]. Le visiteur général réécrit au ministre le 17 septembre, en glissant que « Dona Eulalia de Reguer pretend Valfogona et Portella mais yl est plus juste que Portella soit pour dom Joseph Margarit » mais en défendant une nouvelle fois le don du jardin de la maison d’Aitona[63]. C’est là qu’on découvre qu’Eulàlia était à l’origine de ces manœuvres, s’occupant avec application de défendre ses intérêts, et non pas tant son beau-père le vieux Pere de Reguer. En juillet, elle avait écrit directement à Le Tellier pour presser les choses, mais le 17 septembre, le jour même où Marca a écrit un première fois à Le Tellier, elle vient le visiter pour lui montrer la réponse du ministre à sa propre lettre. Sous l’effet de cette visite, Marca rédige une nouvelle missive…

« Dom Pedro de Reguer et donna Eulalia de Reguer et de Margarit sa belle fille m’ont mis en main vostre lettre du 23 juillet, par laquelle vous leur donnez advis qu’il est necessaire pour respondre à leur demande que je vous informe sur cette matiere. A quoy satisfaisant je suis obligé de vous dire que tous ceux de cette maison ont témoigné une singuliere affection pour les affaires du roy, et pour toute la nation françoise, et qu’ils possedent cette reputation parmy les François et les Catalans ».

Il donne la liste des villages appartenant aux Reguer que les ennemis ont dévastés au moment où ils ont pris Lleida et se sont emparés de sa région : Las Borias[64], Vilagrassa, Claravalls, « situez en la plaine d’Urgel où est le plus grand revenu de la maison de Reguer. Et nos troupes y ont aussi faict de tres grands dommages ».

Marca fait état de l’avis du prince de Condé apposé sur le mémoire de novembre 1647 – c’est là qu’il joint une copie de ce document, par laquelle nous le conaissons[65] – en disant qu’il était pour l’attribution de Vallfogona, sans Canet évidemment. Le même phénomène se produit que pour les biens prétendus par Margarit : le comté de Vallfogona, une fois les rentes payées, ne vaut que 600 livres, ce qui ne dépasse pas le revenu de La Portella ; de plus, il a été donné en usufruit à Felip de Copons. Cependant, il y a, comme pour le Gouverneur, une question d’honneur et de préséance dans cette demande : « Il est apropos d’observer que Valfogona porte tiltre de comté, et que la maison de Reguer a assés de revenu pour veu que la jouissance en soit libre, pour soustenir ce tiltre. Mais yl semble plus seant de mettre cette dignité sur leur propre bien, et ce faisant eriger en Comté la baronnie de Villegrasse, qui est un fort bon lieu ou ils ont la jurisdiction civille et criminelle, et tous les droicts seigneuriaux ». Ainsi, de la même façon qu’on transformerait par une sorte de tour de passe passe le marquisat d’Aitona en marquisat d’Aguilar, pour l’asseoir sur une ancienne terre des Margarit, on transformerait le comté de Vallfogone en comté de Vilagrassa pour complaire aux Reguer. Quant à Felip de Copons, il faudrait (bien sûr !) le dédommager sur un autre patrimoine confisqué, celui de Miquel de Çalbá i de Vallgornera. Marca recours cette fois lui-même à un procédé que nous avions vu proposé par Magi Sivilla, agent de Josep Margarit à la cour, pour favoriser son maître au préjudice des autres Catalans ayant obtenu par les vice-rois des donations sur le patrimoine qui lui était promis : antidater l’acte (« on peut prendre la datte des lettres du jour que Monseigneur le Prince fit rapport de cette affaire au Conseil, faisant mention de son decret dans les lettres de don »). Comme les donations sur le comté de Vallfogona ont été faites par Harcourt (en 1646 et début 1647) « au prejudice du decret precedant de Monseigneur le Prince [il s’agit de sa mention du 7 novembre 1647], qui affectoit cette piece aux supplians et leur donnoit Jus ad rem, le second decret ne peut pas estre considéré ». Fausser la date des lettres patentes crée ainsi une entorse à la vérité, mais conserve ce que Marca conçoit comme le droit le plus pur.

Un autre passage montre une nouvelle fois que c’est bien de dona Eulàlia que vient l’impulsion : comme « dom Pedro n’a que deux petites filles du mariage de son fils dom Garau et de dona Eulalia » les lettres devront préciser « que ce don ce fait à ladite dona Eulalia veufve de feu dom Garau Reguer, pour en jouir par elle et ses filles procrées de sondit mariage, et par ses autres heritiers et successeurs masles ». Question d’honneur, féminin cette fois, « elle pourra prendre durant sa vie le tiltre de Comtesse de Villagrasse ; que son beau pere, quoy que retiré dans un monastere et agé de nonante ans, luy pourroit empêcher par caprice s’il n’y estoit pourveu par cette clause »[66]… Mais que peut bien cacher cette requête, dont la lettre de Marca nous donne enfin une vision plus complète ? Le fait que le prince de Condé ait accordé son visa à cette demande, forte il est vrai en raison de l’extrême fidélité des Reguer, ne doit pas empêcher de considérer des circonstances internes à la famille. D’après les recherches inédites de Philippe Lazerme, on sait que l’affirmation « dom Pedro n’a que deux petites filles du mariage de son fils dom Garau et de dona Eulalia », reprise par Marca mais sans doute soufflée par dona Eulàlia, est totalement fausse. Feu Garau de Reguer avait une sœur, Maria de Reguer i d’Erill, dont on ignore si elle était encore vivante en 1648, mais dont on sait très bien qu’elle avait eu de son mariage avec Joan-Baptista d’Olzinellas i Mahull, seigneur de Mollerussa et autres lieux du Pla d’Urgell, trois enfants, Francesc, Maria-Ana et Estefània d’Olzinellas i de Reguer, qui étaient vivants en 1645, et parmi lesquels Francesc se mariera dans les années 1690[67], d’où une descendance encore représentée de nos jours… Le beau-frère Olzinellas était mort vers 1646, mais il est possible que sa veuve ou ses enfants aient choisi de rester à Lleida, où ils habitaient, et donc du côté des Castillans, contrairement à Eulàlia qui malgré ses possessions dans le Pla d’Urgell résidait elle-même à Barcelona. Ainsi peut-on croire qu’Eulàlia, au moyen de sa requête, annihilait pour ainsi dire l’existence de sa belle-sœur ou de ses neveux, écartés de facto de la succession par leur passage à l’ennemi, crime de lèse-majesté. Le fait n’est précisé nulle part, mais cela peut être attribué à une habileté de la dame en question. Cela ne surprendrait d’ailleurs pas, au vu de ses manœuvres postérieures : à l’automne 1648, la dame de Reguer, pour qui Marca avait proposé d’antidater un acte afin de révoquer de facto les dons des vice-rois antérieurs, se tournait à présent vers le nouveau vice-roi, Schomberg, pour obtenir satisfaction. Courait-elle les deux lièvres à la fois, Marca et son ennemi le maréchal ? Son charme a-t-il pu jouer dans un rapprocement qui n’était pourtant pas évident, vu son appartenance à une faction proche de Margarit ? On ne peut pas le dire. Toutefois, le 21 octobre 1648 un décret de Schomberg lui fait la donation de tous les biens de Bernardí de Marimon. Le sieur en question est son cousin germain, et la donation intervient sous prétexte que sa tante (mère de Bernardí) Catherina de Reguer avait légué tous ses biens à son fils, et que ce dernier se trouvait désormais parmi les ennemis. Cela permettait de reconstituer le patrimoine des grands-parents Reguer qui avait été partagé par le mariage de Catherina de Reguer et de Plegamans de Marimon : un gain de 18000 livres. D’autant que Marimon était aussi débiteur de 4000 livres en faveur de dona Eulàlia[68]. Cette dernière menait une véritable stratégie de recomposition familiale, suscitée et « favorisée » par la situation politique du Principat[69].

Mais, pendant ce temps-là, rien n’avance à la cour. Plusieurs mois après le départ de Schomberg, fin avril 1649, Le Tellier continue à faire état de grandes difficultés dans la mise en forme des lettres patentes destinées à Josep Margarit, dont le contenu touche de près les Reguer puisqu’il s’agit d’arbitrer si le jardin de la maison d’Aitona ira à l’un ou aux autres.

« Le docteur Civille m’a dit de nouveau que ce seroit un grand prejudice à une maison de cette sorte de luy retrancher son jardin, d’autant qu’il y a des fenestres des principaux appartements qui y ont veue, et que don Pierre Roquis ou ses heritiers pouvoient par succession de tems faire fermer ces fenestre ; enfin, qu’il y avoit honte à donner audit sieur gouveneur par le retranchement de ce jardin qui n’est pas necessaire en la maison dudit Roquis parce qu’il y a en un. C’est pourquoy il a esté compris dans ce don. Que si vous sçavé quelque autre chose qui puisse estre donné audit Roquis au lieu de ce jardin en me le faisant sçavoir, je m’employeray de tout mon cœur… »[70].

L’art d’être courtisan continue à jouer un grand rôle dans l’évolution de l’affaire. A Barcelona, Eulàlia a obtenu un don de Schomberg, mais elle n’est pas à Paris. Le fait que la dame ait engagé son argenterie pour la fourniture de l’armée, en l’absence d’envoi d’argent de la cour, a pu jouer[71]. En revanche, Sivilla s’y trouve et il a pu circonvenir Le Tellier par un simple discours sur l’agencement de l’hôtel et du jardin, ne reposant sur aucune preuve tangible. Une expédition est remise à Sivilla pour Margarit, et elle comprend bien le don du jardin[72]. Mais, comme nous l’avons vu précédemment, ce n’est pas encore la bonne, et Schomberg se froisse qu’on veuille révoquer certaines donations qu’il a faites pour complaire au Gouverneur. Un nouveau retournement a lieu, et Margarit renonce finalement au jardin, travaillé par Marca, qui envoie alors un modèle de lettres patentes afin d’accélerer les choses et d’éviter de nouveaux couacs.

« On a excepté du don le jardin de la maison de cette ville par le consentement de dom Joseph Margarit, qui a donné cela à ma priere, ne craignant pas les incommoditez qui ont esté representées par le docteur Seville, ce jardin estant separé de tout temps par une muraille de la cour qui est derriere la maison, laquelle cour est si grande que M. le mareschal de Grammont et mesme Monseigneur le Prince y faisoient le manege de leurs chevaux. Il est vray que dom Joseph Margarit desireroit qu’en recompense de ce jardin on luy en donnat un aultre, qui est au fauxbourg de cette ville qui a appartenu au comte de Valfogona. S’il y eut eü quelque femme qui l’eut demandé cy devant ou si l’on eut offert quelque pistole, le roy ne seroit pas en estat d’en pouvoir gratiffier un honneste homme »[73].

L’allusion à « quelque femme » ne semble pas tant évoquer dona Eulàlia, favorisée par Marca lui-même, que les autres veuves, particulièrement habiles en 1648 pour obtenir des grâces et reconstituer des patrimoines, comme nous l’avons vu dans un précédent chapitre. La description plus poussée de la situation de la maison d’Aitona, dotée d’une cour – dont la mention apparaît ici pour la première fois – donne des éléments éclairants sur cet ancien quartier de Barcelona (carrer Portaferrissa), aujourd’hui totalement méconnaissable, mais où une grande partie de la vie des Français les plus illustres envoyés sur place semble s’être déroulée. Au fond, Le Tellier n’a que faire que le jardin soit à Margarit ou aux Reguer… Une fois l’affaire réglée, il se contente de rappeler à Marca la palinodie : « Je feray aussy suivant votre contentement expedition du don du jardin de la maison d’Aytonne dans Barcelonne qui n’avoit esté laissé à la maison que pour votre plus grande satisfaction »[74].

Marca, comme il l’avait fait pour les lettres patentes de Margarit, envoie à Le Tellier un modèle de lettres patentes pour les Reguer. Signalons que si le modèle des Margarit a disparu, celui des Reguer est encore conservé dans les archives du secrétaire d’Etat. Ecrit matériellement par le secrétaire de Marca, Dupin, dont on reconnaît la graphie, il comporte un petit ajout manuscrit de Marca qui a corrigé « Marguerit » en « Margarit », et permet ainsi d’identifier le document[75]. Le texte reprend exactement ce que Marca avait dit dans sa lettre du 17 septembre 1648, comme peut en juger le lecteur d’après l’édition que nous en donnons[76] et d’après la reproduction des la minute (Figure n°8) : ce qui fait penser que la minute était déjà préparée à cette date ou qu’il a tout simplement recopié les termes de sa propre lettre pour exprimer les services de la famille… Lorsqu’il envoie la minute au secrétaire d’Etat, il signale qu’il y a « mis une clause pour luy faire esperer une entiere recompense, si l’occasion s’en presente, comme seroit apes la revocation des dons faits par les vicerois, ny restant maintenant quoy que ce soit qui puisse estre donné »[77], c’est-à-dire que Marca prévoyait une porte ouverte pour l’avenir.

 

Eulàlia de Reguer, nous l’avons vu plus haut, avait demandé l’exécution du don du comté de Vallfogona que le roi avait pourtant accordé à son mari en 1644, mais désormais ce don était difficile car le comté était démembré : Canet donné au Régent Fontanella, La Portella à François de Mussy, sans parler de l’usufruit du comté même dont jouissait Felip de Copons depuis août 1648[78]… Il semble que l’acte ait finalement été expédié. Ainsi, dans des circonstances légèrement différentes par rapport à Margarit, Eulàlia de Reguer en était arrivée au même point : certes, elle pouvait jouir d’un jardin qu’on avait refusé au Gouverneur, sans doute dans un souci orchestré par Marca d’équilibrer les donations et de modérer le Gouverneur, presque par symbole ; mais sa requête principale, la donation du comté de Vallfogona, qu’elle était si proche de voir réalisée puisque le roi l’avait acceptée une première fois pour son mari en 1644 et que le prince de Condé lui-même l’avait validée, était restée lettre morte. C’est Felip de Copons, magistrat de l’Audience qui n’avait commencé à réclamer Vallfogona qu’en 1648, qui se retrouvait finalement à en jouir, en vertu de ce bon vieux système des séquestres, mis en place en 1642 et jamais vraiment extirpé de Catalogne malgré l’opposition de Marca et de la cour. La question devait être finalement réglée par la force des choses : en février 1650, après avoir déposé un testament citant ses deux filles, Eulàlia de Reguer décédait[79], sans doute âgée de la quarantaine, peut-être emportée par la peste qui commençait à atteindre le Principat et le décimerait en 1652 au moment du siège de Barcelona…

 

Un troisième cas mérite d’être abordé ici, celui de Tomàs de Banyuls. Il est beaucoup plus complexe, moins directement saisissable, pour ainsi dire, tout en demi-teintes. Banyuls a la particularité de n’être ni à la cour, ni à Barcelona. Cette position est d’ailleurs plutôt avantageuse pour lui : sa grande habileté est de tirer parti de l’éloignement des grandes institutions pour étendre son influence et sa propre autorité. Depuis le XIIIe siècle, et particulièrement au XVIe, les Banyuls, seigneurs de Nyer en haut Conflent, s’étaient distingués comme chefs du clan éponyme des Nyerros dans des luttes armées (bandositats) qui les opposaient aux Llupià, vicomtes de Castellnou, et aux Cadell, seigneurs d’Arseguell, sommairement identifiés au clan des Cadells. Les causes de ces luttes étaient essentiellement des querelles de droits seigneuriaux, même si certains historiens ont voulu y voir des fondements idéologiques ; en tout état de cause ces luttes étaient devenues un phénomène social. Si elles ne se perpétuaient pas stricto sensu au moment de la Guerra dels Segadors, nous avons déjà eu l’occasion de dire qu’elles imprégnaient l’imaginaire catalan, et étaient parfaitement connue par les gouvernants français. Depuis le Moyen Âge, les Banyuls étaient les procureurs des vicomtes d’Evol, à qui ils devaient l’hommage féodal pour Nyer, situé dans la vicomté, et pour la majorité de leurs possessions. Ils ne cessaient de se battre pour l’augmentation de leurs prérogatives et de leurs domaines en Conflent. Joan Francesc de Banyuls, seigneur de Nyer et de Montferrer, acquit des concessions minières et le bois de la Carança. Tomàs de Banyuls i de Llupià, fils du précédent et grand-père de notre gouverneur du Roussillon, grand ennemi dans les annés 1580 de Joan Cadell et du baron de Molitg Joan de Llupià, acquit la suzeraineté sur les eaux et forêts de Thuès, ce qui donna lieu à de nombreux combats[80]. Francesc de Banyuls i d’Oris, père de Tomàs, renouvela les reconnaissances féodales de ses tenanciers de Nyer et acquit la seigneurie de Leca[81]. C’est dans cette tradition, caractérisée par une vigueur particulière de la seigneurie, que se situe donc avant tout Tomàs de Banyuls.

Ainsi, le contexte de guerre et de perturbations propre à la décennie 1640 permet de revivifier une ambition que l’on perçoit à travers les manœuvres passées de la famille : s’emparer du plus de terres et de prérogatives possibles dans la vicomté d’Evol. Jusque-là aux mains d’une famille lointaine, les Castro-Pinós, comtes de Vallfogona, la vicomté est désormais confisquée et entre les mains du roi de France, d’où la libération de certaines hésitations et l’ambition claire de se faire attribuer toute la vicomté. Tomàs de Banyuls a montré sa fidélité au roi de France dès 1642, particulièrement précieuse car la plus grande partie de la noblesse du Roussillon (les Llupià, les Oms et les Ortaffa en tête) était passée du côté castillan. Il y a donc reçu les plus hautes fonctions : d’abord en 1642 Procurador Reial dels Comtats (procureur du roi, ou gestionnaire du domaine du roi et des droits de souveraineté dans tout le ressort du Roussillon, du Conflent et de la Cerdagne), gouverneur du château de Perpignan, puis gouverneur des Comtés en 1643[82]. Théoriquement ces fonctions sont incompatibles, mais dans les faits on a laissé Banyuls les cumuler. En avril 1647, le comte d’Harcourt, qui a décidé de quitter la Catalogne après y avoir exercé un mandat de quatre ans, est de passage à Perpignan. Banyuls réussit à obtenir de lui la charge de gouverneur à la fois de la vicomté d’Evol et du comté de Formiguères, fief attenant et confisqué à une grande famille de Majorque[83]. En Catalogne, une charge de gouverneur n’est pas équivalente à un séquestre ou à un usufruit : le gouverneur est censé exercer la justice dans le ressort d’un fief et nommer des magistrats subalternes. Mais Banyuls semble avoir eu assez vite une conception très élargie de ses pouvoirs. Le nouveau vice-roi, Condé, nomme un autre gouverneur du comté de Formiguères, un certain Tomàs Alosi, neveu du diputat militar, mais le prince quitte lui-même rapidement la Catalogne. Banyuls ne se limite pas à cela et a décidé de se rendre à la cour pour demander la vicomté d’Evol : en septembre, il a reçu l’autorisation du voyage par une lettre de Mazarin lui-même[84].

La période qui s’ouvre après le départ de Condé est un interrègne, plein de faiblesse institutionnelle et politique en l’absence de vice-roi, et Banyuls entend bien en profiter. Au bout d’un petit moment, une plainte est adressée à la cour par l’intermédiaire de Pujolar. Elle émane du père Lluis Alosi, frère de Tomàs, et elle nous renseigne sur le comportement de Banyuls, bien que le contenu de la lettre soit par moments confus et inexact.

« Avant de partir d’ici le prince de Condé fit grâce, sur l’instance du député mon oncle, à mon frère dans le siècle, Tomàs Alosi, de le faire gouverneur du comté de Formiguères, lequel est confisqué par Sa Majesté […]. Quand il voulut aller en prendre possesion, Tomàs de Banyuls, gouverneur de Roussillon et de Cerdagne, lui fit obstacle, ordonnant qu’on ne la lui donne pas, empêchant les ordres de Sa Majesté, lançant des moqueries et des railleries, de telle sorte qu’il n’a pas pu prendre ladite possession pour ne pas occasioner des morts de plus. Mon frère parlementa avec Banyuls, lui produisant le privilège du prince de Condé. Il répondit que le comte d’Harcourt le lui avait donné à lui, ce qui est faux, un mensonge prouvé par le fait que son frère défunt le licencié March-Anton de Banyuls le tenait avant, ainsi que le séquestre d’Evol. Et il est vrai que le comte d’Harcourt lui donna le séquestre de la vicomté d’Evol, mais il ne lui donna pas le gouvernement du comté de Formiguères, comme on le voit dans le registre de la chancellerie ; il l’a plutôt usurpé de sa propre autorité. Aujourd’hui j’ai donné une supplique au sieur de Marca sur cette affaire, pour qu’il convoque l’avocat fiscal patrimonial et qu’ils veillent à la réputation du roi, mais je vois qu’ils avancent timidement dans ces matières »[85].

Nous avons vu par notre propre recherche dans les registres de la chancellerie que le privilège donnant le gouvernement d’Evol et de Formiguères en faveur de Banyuls existe bien. En revanche il est tout à fait possible que Condé ait donné une grâce qui avait déjà été attribuée par son prédécesseur : le fait est plutôt monnaie courante, comme nous l’avons vu. C’est toutefois le privilège donné à Alosi que nous n’avons pas pu localiser… Quoi qu’il en soit, ce qui apparaît bien ici, c’est la participation d’un frère de Tomàs, March-Anton de Banyuls, et donc une conception très familiale du pouvoir. On sait que ce March-Anton avait été Procurador Reial dels Comtats avant de laisser la place à son frère en 1642, et qu’il est mort à Perpignan le 17 décembre 1647[86]. Il ne serait pas étonnant qu’il ait été chargé par son aîné d’une parcelle d’autorité, sachant que l’essentiel était concentré dans les mains d’une même famille ; il a pu obtenir le séquestre d’Evol avant 1647, et l’absence de traces évoque (peut-être, mais ce n’est qu’une hypothèse) un statut semi-officiel. Un effet de l’autorité du gouverneur du Roussillon, tacitement accepté par le gouvernement.

Selon la lettre du père Alosi, les manœuvres de Banyuls mêlent en effet étroitement un désir d’augmenter ses richesses et une soif du pouvoir. Sa mainmise sur la vicomté d’Evol est à la fois cause et effet d’un important instrument de domination économique : l’exploitation des forges.

« Avec cela, il est commode pour Banyuls de vouloir détruire le Patrimoine Royal, car dans ce comté il y a de grandes forêts dont on peut tirer du bois ; il les décime et les ruine pour les forges de fer du Conflent, car il a les autres à son compte ».

L’historienne Núria Sales a étudié la situation économique des Banyuls au début de l’époque moderne : au XVIe siècle, ils possèdent trois châteaux, 4000 journaux de bois, 4 ou 5 forges, et des revenus estimés entre 1100 et 1900 livres barcelonaises ; leurs seigneuries couvrent une demi douzaine de localités, avec 60 ou 70 feux. Le tout est très endetté, mais les Banyuls ne peuvent pas être comptés au rang d’une noblesse montagnarde appauvrie et faible. Au contraire, leurs dettes semblent au moins en partie réinvesties dans l’exploitation lucrative des forges, dont la guerre favorise la multiplication ; et l’idée d’un apurement financier a pu venir en même temps que la perspective de récupérer des biens confisqués à bon compte. Les Banyuls possèdent déjà des forges par héritage familial, progressivement constitué : Montferrer en Vallespir, Railleu, Leca, Souanyas, Marians, Escaro, Nyer (Farga vella et Farga nova), en Conflent ; Odeillo, Réal, Fontpédrouse, les Cortals en Capcir… Elles sont tour à tour héritées, achetées, vendues ou inféodées. Leur forme normale d’exploitation est l’affermage par période de trois ou quatre ans, souvent à des négociants qui les sous-afferment à des forgerons, pour une redevance en numéraire ou, plus souvent, en quintaux de fer qui peut aller jusqu’à 300 par an. Les forges nécessitent de l’eau vive et du combustible : ce dernier est constitué par le charbon de bois. Une forge moyenne absorbe environ 1000 à 1400 hectares annuels de bois. D’où l’extrême avidité des Banyuls pour les forêts[87]. Ainsi la revendication de la vicomté est une manière d’agrandir un domaine forestier qui représente un profit directement perceptible.

Pour sa requête, il n’est pas étonnant que le religieux Alosi s’adresse à l’Agent de Catalogne Pujolar qui, quelques mois auparavant, informait que Banyuls ne faisait pas justice, n’appuyait pas les bons et aidait les mal affectes[88]Signe supplémentaire, s’il en était besoin, que la faction d’Ardena et de Fontanella à laquelle Pujolar appartient ne correspond pas nécessairement aux contours des anciens Nyerros, pas plus que celle de Margarit aux Cadells. La plainte est faite pour affaiblir la revendication de Banyuls, qui est alors en partance pour la cour. On sait l’influence que Pujolar détient encore sur ce genre d’affaires.

« Ledit Banyuls sera dans peu de jours en cette vour, où il va pour que Sa Majesté le fasse comte d’Evol en Conflent. Vous ferez un grand service au roi notre seigneur en parlant pour qu’on ne le fasse pas, parce qu’un jour il deviendrait comte de Roussillon et Cerdagne. Ayant aujourd’hui les offices qu’il a, c’est un petit roi, et contre lui ni le Conseil Royal ni le vice-roi ne peuvent rien. Il fait de son propre chef tout ce qu’il veut et les Comtés sont ruinés par son mauvais gouvernement : il ruine et anéantit les vassaux du roi notre seigneur, et s’il obtient le comté d’Evol il en résultera un grand malheur pour la couronne, de sorte qu’il serait plutôt nécessaire de lui enlever les offices qu’il détient »[89].

Marca, comme nous l’avons vu plus haut, avait lui-même été informé par Alosi des agissements de Banyuls. Il adresse presque en même temps à Le Tellier une lettre, certes défavorable dans l’ensemble au gouverneur du Roussillon, mais pleine de nuances et de circonspection. Il est conscient des travers du personnage, pour lesquels il semble avoir porté crédit au récit d’Alosi, sans doute appuyé par d’autres témoignages ; mais il attire aussi l’attention sur les grands atouts que représente un homme d’importance, et qu’il faut savoir ménager.

« C’est un fort honneste homme qui a de l’affection pour les interests de la France, avec lesquels les siens sont mellés, jouissant de deux offices de gouverneur et de procureur du patrimoine de Roussillon, quoy qu’incompatbiels, et encore de l’alcaldie du chasteau et de plusieurs apointements, de quoy l’on murmure beaucoup en cette ville. Et nonobstant tout cela, il a des desseins sur le vicomté d’Evol, qui vaut quatre mil écus de rente, et sans doute il vaudroit beaucoup plus en sa main, à cause de l’adresse qu’il a de faire valoir les forges de fer, les siennes luy valans beaucoup à cause de la coupe extraordinaire des bois qu’il fait impunément dans les forests du roy, qui en sont ruinées, suivant les plaintes que j’ay receües, qui estoit un sujet notable de visite».

C’est l’expression même du pragmatisme de Marca, et sans doute de celui qui est aussi celui de Mazarin : Banyuls a ses intérêts mêlés à ceux de la France, c’est-à-dire il sert avec d’autant plus d’intérêt que les siens peuvent s’en sentir mieux. Certes, accorder la vicomté d’Evol à un tel individu n’est pas totalement juste, mais il admet que si tel était le cas il la gèrerait avec talent et en tirerait un plus grand bénéfice qu’en temps normal. La mention de « la coupe extraordinaire des bois qu’il fait impunément dans les forests du roy, qui en sont ruinées », qui a été relevée par Núria Sales, est tout à fait piquante. Marca s’adresse à l’un des principaux ministres. Leur correspondance est d’un niveau suffisamment élevé pour que la dénonciation particulière n’y figure pas, et sous la plume de Marca cette phrase sonne comme une simple observation, presque une fatalité acceptée. Fussent-ils exacts, il n’y a aucun moyen d’arrêt de tels abus, à moins de limoger et, de facto, de faire passer à l’ennemi un homme qui possède une clientèle importante, comme le rappelle également l’historienne : les fermiers des forges, les ouvriers qui vont à leur suite, mais aussi les feudataires et autre petite noblesse locale, de même que la petite élite des marchands, des notaires et des gros voituriers du transport du fer.

L’arrière-plan n’est donc pas du tout le même que dans le cas de Margarit ou de la famille de Reguer, bien que Banyuls soit issu d’une famille d’un rang comparable : il est clairement considéré comme à demi mal affecte, et son attitude à l’égard des Français est plus complexe, plus équivoque sans doute que pour des personnes qui n’ont de salut que l’obéissance à la France : Margarit est considéré comme l’origine des mouvements de Catalogne et il est recherché par les Castillans pour être exécuté ; les Reguer ont vu leurs domaines dévastés à titre de représailles. Banyuls a plus de latitude pour ménager les deux camps, Français et mal affectes, voire davantage…

« Il a de l’esprit, de la conduite, et de la condescendance à l’humeur des François, en sorte qu’il gagne les affections de tous et leur rend de bons offices. Mais il emploie la même facilité à l’endroit des malaffectionnés qui sont en grand nombre dans son gouvernement. Il est leur amy familier, en sorte que l’on n’a veu aucune procedure qu’il ayt faite contre ces personnes la ; de quoy j’ay fait reproche à ses officiers, qui m’ont repondu qu’ils ne trouvent point de témoins. Si dom Joseph Marguerit eust procedé de cette sorte en Catalogne, il auroit un plus grand nombre d’amis, et le roy plus d’ennemis en la province. J’ay voulu vous faire cette relation veritable, Monsieur, affin que vous prissiés vous mesmes avec dom Thomas, qui merite d’estre bien traité, carressé, loué de son procedé et de son affection envers les François, mais quand à ses recompenses on doit le renvoier à M. le viceroy, sans luy donner aucune provision nouvelle, ny pour ses offices, ny pour ses appointemens, dont il luy doit suffire qu’il jouisse. Ce retardement luy fera connestre qu’il a des biensfaits en main, qu’il faut conserver par la continuation de ses services, et ne pretendre pas à des recompenses injustes et disproportionnées, qui choqueraient le public » [90].

On note bien que Marca n’a entamé aucune procédure contre Banyuls (et comment le pourrait-il ? il ne le suggère même pas à Le Tellier), la preuve, il a adressé des reproches « à ses officiers ». Mais il se méfie particulièrement des conséquences que pourrait avoir son voyage à la cour. Rappellons le contexte particulier du moment : fin 1647, après le départ de Condé, Marca attendait qu’on nomme un nouveau vice-roi de qualité afin que ces fonctions soient enfin exercées avec justice et respect des formes – c’est-à-dire avec son conseil. Le voyage d’un Catalan à la cour en une période d’interrègne et d’incertitude était potentiellement porteur de perturbations et de confusions : il pourrait obtenir une grâce sans l’avis de Marca, difficilement applicable sans présence de vice-roi, et surtout, il pourrait inciter durablement les autres Catalans à passer outre l’appareil français en Catalogne afin de solliciter la faveur royale. Au même moment, Felip de Copons demande aussi la vicomté d’Evol, la cour et Marca s’accordant pour reporter la décision de ces affaires. A la différence des Reguer, et sans doute davantage que Margarit en Empordà et dans la région d’Aguilar, Banyuls exerce une véritable tutelle sur le Roussillon et surtout sur le Conflent, certes augmentée par ses charges royales, mais déjà très avancée par ses possessions personnelles et sa large clientèle. Il représente le personnage clef de la zone géographique, une zone très sensible et dangereuse depuis que la côte a été réduite à l’autorité française : Puigcerdà est devenu le passage le plus évident pour arriver en Conflent, et donc en Roussillon, en traversant l’Urgell et la Cerdagne.

A la fin du mois de décembre, Banyuls arrive à la cour. Le Tellier le signale à Marca : « on se servira [des bons avis] que vous donnez touchant dom Thomas de Bagnols qui est arrivé depuis peu de jours, mais que je n’ay pû voir encores […] par ce qu’il n’a pas eu le temps de se mettre en esquipage convenable »[91]. Nous n’avons pas de récit de l’accueil que reçut ce gentilhomme à la cour, ni des prétentions qu’il osa faire valoir. En revanche, les suites de sa visite peuvent être commentées. Il est fort possible que les avis de Marca, certes moins tranchés que ceux d’Alosi et de Pujolar mais allant tout de même dans un sens proche, aient prévalu et inspiré une grande prudence au secrétaire d’Etat. Nous n’avons pas trouvé de trace de correspondance personnelle entre lui, ou Mazarin, et Banyuls, à la différence de Margarit ou de Fontanella, par exemple. A l’extrême fin de 1647, et dans les premiers mois de 1648, Banyuls dut sans doute repartir de la cour avec des espérances mais sans rien de concret ; l’affaire de la vicomté d’Evol, donnée en février par le nouveau vice-roi Sainte-Cécile à l’intendant Goury, avant que ce don soit annulé par la cour, avait définitivement éloigné l’espoir de l’obtenir. Ce n’est que d’avril 1648 qu’on accorde à Banyuls quelques bienfaits, mais à première vue assez sommaires. Le premier est la remise des droits seigneuriaux qu’il devrait payer au roi à cause du rachat de la seigneurie de Montferrer (on conserve la minute originale)[92]. Les circonstances de cette opération sont bien connues, là encore grâce à Núria Sales. L’histoire de la seigneur de Montferrer chez les Banyuls est mouvementé : très endetté, Tomàs I de Banyuls i de Llupià, grand-père du gouverneur, avait dû vendre une première fois en 1585 cette terre du Vallespir qui était dans sa famille depuis le Moyen Âge ; mais le nouveau seigneur, un chirurgien de Perpignan, avait été immédiatement rejeté par les habitants, qui s’étaient cotisés pour permettre en 1611 à leur ancien seigneur de racheter Montferrer ! N’ayant pas totalement pu payer la somme, il avait dû la revendre à nouveau en 1623 à la veuve d’un notaire de Prats-de-Mollo, Lluisa Guanter, qui était l’une de ses créancières… En 1649, enfin, Tomàs de Banyuls i d’Oris, celui dont nous traitons ici, peut racheter la seigneurie. Mais, une fois de plus, c’est grâce à la communauté de Montferrer, qui lui avance 18 000 livres sur les 21 581 totales du prix de la seigneurie. Pour ce faire, Banyuls a hypothéqué sa seigneurie de Leca, pourtant située en Conflent, en faveur de la communauté de Montferrer… C’est une bonne opération, d’autant plus que le roi exonère la transaction des droits seigneuriaux habituels, qui auraient pu s’élever à 5000 livres supplémentaires. Núria Sales commente : « le roi de France, avec qui il avait encore d’excellentes relations, avait renoncé aux foriscapes »[93]. L’exonération, certainement obtenue lors du voyage à la cour, est certes substantielle, mais la décision reste modeste : Banyuls est lui-même chargé par son office de Procurador Reial de la perception des droits royaux, par la forme du mandement il doit donc « mettre en œuvre » (c’est-à-dire ne rien toucher dans son office !) la décision et la lettre lui est aussi adressée…

Le second acte, la concession à Banyuls des droits de justice qui appartenaient au roi sur ses seigneuries de Nyer, Réal et Odeillo, ne nous est connu que par sa transcription dans les registres de la chancellerie de Catalogne[94]. Il s’agit de la justice civile et criminelle, haute et basse. Là encore, grâce aux commentaires de Núria Sales, nous pouvons replacer la demande faite par Banyuls et la décision royale dans leur contexte. Jusqu’ à la Guerra dels Segadors, les justices seigneuriales sont extrêmement vivaces et connaissent couramment des causes criminelles avec condamnation à mort, ce qui n’est pas toujours bien accepté, notamment dans la vicomté d’Evol au cours du XVIIe siècle où des procureurs du vicomte sont chahutés ou assassinés. Cependant, un contrepoids à la puissance totale des seigneurs est le grand enchevêtrement des juridictions. Dans le haut Conflent, les grandes abbayes de la région, Saint-Michel de Cuxà et Saint-Martin du Canigou, possèdent de nombreux droits de justice ; elles sont également souvent seigneurs éminents de certaines terres où se trouvent des forges inféodées à la famille de Banyuls[95]. Il n’est pas rare que dans d’autres seigneuries, la haute justice soit conservée par le roi. C’est ce qui semble être le cas des trois seigneuries en question, si l’on en croit le texte des lettres patentes. Ainsi, l’initiative de Banyuls vise là encore à constituer un domaine le plus cohérent possible. La défense et la revalorisation des droits seigneuriaux comme modèle judiciaire est seulement l’une des tendances présentes en Catalogne. Nous avons vu au début de notre travail que dans les années 1642-1643 certains nobles catalans représentant les différents points de vue ont envoyé des mémoires à la cour : Ramon de Bas défend la création des villes royales et ainsi la conservation par le souverain de tous les droits de la justice, la noblesse étant selui injuste et léonine ; Ramon de Guimerà, quant à lui – c’est un baron –, considère comme bénéfique la prédominance de la vieille noblesse, qui, en détenant la justice seigneuriale, n’en sert pas moins le roi[96] – on a même pu dire que ces options s’identifiaient respectivement aux camps des Cadells et des Nyerros, ce qui est difficile à prouver… Voilà le commentaire que Marca, apprenant que la cour a fait cette grâce à Banyuls, envoie à le Tellier :

« L’autre [dépêche, i.e. lettres patentes] est plus avantageuse, qui contient le don que S.M. luy fait de la justice civille et criminelle haute et basses sur les lieux d’Añer et deux autres. Quoy qu’en ce pais les droicts de justice soient plus considerables et plus autorisés qu’en France, si les vassaux ont sujet de se plaindre ils pourront s’opposer à l’execution des lettres de don »[97].

Ainsi, Marca ne semble pas défavorable à l’enregistrement de ces lettres patentes-là, pas plus que de celles qui dispensent le paiement des droits seigneuriaux ; il n’a peut-être pas simplement tout l’éclairage nécessaire sur tout ce que ces dons, qu’il semble minimiser, représentent en réalité. Nous avons brièvement exposé plus haut, en nous appuyant sur les considérations de N. Sales, combien les prérogatives seigneuriales importaient, combien elles pouvait influer sur la vie de toute une région. Le débat entre les deux modèles juridictionnels n’est pas ignoré de Marca ; mais, en l’occurrence, la stratégie de l’éloignement et du nuage de fumée, jouée à plein par Banyuls, a payé. Sans opposition notable du visiteur général, le gentilhomme a pu obtenir quelques ménagements pour le consolet de n’avoir pas pu être fait vicomte d’Evol en titre.

C’est sur le troisième don obtenu par Banyuls que Marca exprime son profond désaccord. Il s’agit d’un brevet, daté du 30 avril 1648, dont nous avons la minute[98], donnant à Tomàs de Banyuls la permission d’ouvrir et fouiller des mines dans la montagne d’Escaro, en Conflent, afin d’en tirer des métaux. Banyuls est revenu en Catalogne, et a demandé à Marca de lui délivrer l’expédition du brevet, mais Marca, par chance, ne l’a pas encore reçue et alerte Le Tellier. Entretemps, il a reçu des informations précises sur les mines de la vicomté d’Evol, à laquelle appartient la montagne d’Escaro – par l’intermédiaire d’un carme nommé Léonard qui avait eu la charge de faire les fermes au nom de Pierre Goury qui avait obtenu le don de la vicomté avant de s’en voir interdire la jouissance par le roi… Une nouvelle fois, le brevet, élaboré loin du Roussillon, élude de nombreux éléments locaux qui font toute la différence.

« Mais en ce qui regarde le brevet […], il y a une notable surprise, d’autant que cette montagne est celle qui fournit les mines du vicomté d’Evol, d’ou est composé le principal revenu de cette seigneurie. La montagne est dans le territoire appartenant à l’abbaye de Saint Miguel de Cussan, mais elle a esté affiefvée il y a plus de six vingt ans aux vicomtes par les abbés pour y ouvrir des mines de fer. Et ensuite le contract primitif d’affiévement a este converty en eschange avec quelques terres. Et le tout a esté confirmé par deux bulles des papes.

 

Le profit que le vicomté retire presentement de cette montagne conciste en la quantité de la mine de fer, que l’on delivre pour les cinq ou six forges qui sont maintenant entre les mains de dom Thomas de Bagnols ; à la charge que pour chaque forge il paye par sepmaine quatre et cinq quintaux de fer battu, de valeur de quarante et six reaux chaque quintal, ce qui vaut trois mil livres barcelonnoises de ferme par an.

 

Outre cela il y a deux forges dans le vicomté qui chomment maintenant apres la fin de l’ancienne ferme, lesquelles peuvent estre remises en estat avec deux ou trois cens livres B. et rendront par an plus de deux mil livres B. Tout ce revenu provient des mines de la montagne d’Escarro, et partant si la permission accordée à dom Thomas de Bagnols subcistoit, le vicomté diminueroit de trois mil escus, qu’il baille en fer pour raison du fournissement de la mine pour ses forges »[99].

Ainsi, la vicomté d’Evol se situe déjà dans une situation de dépendance de Tomàs de Banyuls puisqu’il détient les forges qui sont le débouché principal du minerai tiré de la montagne d’Escaro. Certes, la montagne n’appartient pas en propre à la vicomté, puisque l’abbaye de Saint-Michel de Cuixà la possède, mais l’essentiel, c’est-à-dire les mines, est passé dans le patrimoine des vicomtes, qui a été confisqué par le roi de France. Quant Marca parle de « surprise » dans l’expédition, il est en deçà de la réalité : le brevet déguise en réalité la donation d’une partie de la vicomté d’Evol en permission générale, comme si les montagnes du Roussillon étaient inexplorées et que Banyuls était un pionnier… C’est ce que dénotent les termes du brevet : « luy a accordé et permis de faire ouvrir et fouiller les mines de fer des montagnes d’Escarro audit pays de Roussillon et d’en faire tirer du fer en telle quantité et ainsy que bon luy semblera, le tout à ses despens ». C’est aussi en contradiction totale avec l’esprit des coutumes locales : on passe par des affermages strictement délimités et chiffrés. Dans la situation installée par une telle permission, en supprimant l’étape du contrat, Banyuls se serait donc trouvé à la fois en possession du moyen de production et de la matière première ; et la vicomté d’Evol aurait été dépouillée de sa plus grande source de richesse. Marca voulait justement sa réunion au domaine – ce qu’il commençait à voir se réaliser[100] –, d’où l’idée de remettre en état les forges propres à la vicomté afin d’apporter un profit au patrimoine royal. En 1648, le patrimoine royal du Roussillon (paradoxalement confié aux mains du Procurador Banyuls, nous le savons) était réputé exsangue et sans revenus, la vicomté d’Evol étant la dernière pièce confisquée permettant de le relever quelque peu, si on avait voulu procéder ainsi[101]

Marca, ayant donné avis à Le Tellier « du domage que le patrimoine de Sa Majesté recevroit de l’execution de ce brevet, afin que vous ayez un valable fondement pour en refuser l’expedition »[102], attend quelque temps pour délivrer à Tomàs de Banyuls les deux autres actes – ceux qui, pense-t-il, ne posent pas problème –, afin d’être sûr qu’on n’enverra pas malgré tout le brevet qui fâche. Une fois certain, il les donne donc au vice-roi afin qu’il les délivre à l’intéressé. Il s’agit, selon une cérémonie que Marca (avec l’accord de son ministre) essaye de faire observer le plus religieusement possible, de montrer aux Catalans que la faveur royale s’obtient par l’intermédiaire du vice-roi. A la fin de l’été, les actes sont ainsi délivrés par Schomberg.

« Don Thomas de Bagnols m’ayant demandé sy j’avois les despeches de Sa Majesté qui le regardent, je luy ay dit que j’en avois receu deux que je remetrois entre les mains de Son Excellence afin qu’elles les luy declivrât comme il a faict, et sur ce qu’il me demande compte d’un brevet pour avoir faculté de tirer de la mine de fer de la montagne d’Escarro qui est du vicomté d’Evol, je luy ay repondu que je n’avois autres pieces à luy donner que les deux precedantes comme je vois ay escrit cy devant »[103].

Banyuls devait ainsi faire une croix sur ce qu’on lui avait sans doute promis à la cour, ce qui même lui avait été accordé (puisque la minute était prête dans les mains des commis du secrétaire d’Etat) : il ne pouvait pas avoir la preuve formelle qu’on avait ou qu’on n’avait pas donné l’ordre d’expédier l’acte. Pour brosser un tableau général de l’évolution de sa situation en cette fin d’année 1648, Banyuls n’a certes pas accédé à la vicomté d’Evol, ni à la liberté totale d’exploiter les mines de cette vicomté – mais dans les faits se gêne-t-il d’y étendre sa mainmise ? Il a de plus réalisé une économie substantielle en faisant racheter une ancienne seigneurie de sa famille (Montferrer) aux frais des villageois tout en étant exonéré des droits de mutation ; et a pu, enfin, récupérer les droits de justice qui lui manquaient dans la seigneurie clef de ses domaines (Nyer). Un bilan globalement satisfaisant si on le compare à celui d’autres serviteurs beaucoup plus zélés, et sans doute moins soucieux de leur enrichissement personnel : Josep de Margarit, quant à lui, n’a eu que des seigneuries sans revenu et un marquisat fantoche.

Le comportement postérieur de Banyuls le rend toujours plus douteux auprès des autorités françaises, qui ne cessent cependant de fermer les yeux. En 1649, un officier en poste à Perpignan (sûrement le comte de Noailles) précise, dans un mémoire adressé à la cour, que gouverneur n’ose pas arrêter ceux qui sont publiquement tenus pour mal affectes, soi-disant par peur d’une révolte[104]. Pourtant on trouve à la date de mai 1649 la minute d’un nouveau brevet, établie au secrétariat d’Etat, portant cette fois 3000 livres de pension à prendre sur les revenus de la vicomté d’Evol[105]. Sans mention de cet acte par ailleurs, on ne saurait dire si, cette fois, il fut expédié. Mais on comprend bien qu’il s’agit là d’un nouveau triomphe en puissance de Banyuls, puisque les 3000 livres de pension correspondent exactement au montant de la ferme des mines d’Escaro… En 1650 encore, c’est le nouveau vice-roi Mercoeur qui se plaint de Banyuls : il donne, d’autorité, des passeports pour la traite des blés. Cela signifie des passeports pour l’exportation, qui est extrêmement réglementée entre la Catalogne et la France pour ne pas créer de concurrence avec les marchands français, comme on l’a vu plus haut dans le cas du sel de Canet (affaire dans laquelle Banyuls était d’ailleurs impliqué)[106]. On peut penser que le gouverneur touchait un pot-de-vin pour la délivrance de ces passeports avantageux à un certain commerce. Le Tellier répond au vice-roi d’une façon qui rappelle les termes employés par Marca deux ans auparavant, mêlant le sursaut d’autorité et la lenteur administrative…

« Monsieur dom Thomas de Bagnolz ne se peut excuser d’executer les ordres que vous luy envoyez sur toutes occurrences ; et s’il y manque Sa Majesté ne trouvera pas mauvais que vous uziez de vostre auctorité pour le faire obéir. Si vous jugez, Monseigneur, qu’à l’occasion de ces passeports qu’il continue de donner pour la traitte des bleds contre la deffense que vous luy en avez faite, il soit besoin que Sa Majesté luy escrive pour luy faire congnoistre combien elle improuve sa conduitte en cela, il sera necessaire qu’il vous plaise de le mander à la cour, et la chose ne recevra point de difficulté »[107].

Deux mois plus tard, dans un mémoire de Marca, on retrouve Banyuls accusé de faits encore plus graves, puisqu’ils mettent cette fois en péril la sécurité militaire du Roussillon, particulièrement sensible depuis la grande progression des Espagnols à travers l’Urgell. Il le met parmi les membres de ce qu’il appelle la « faction », qu’il faudrait extirper de Catalogne. Mais les faits reprochés ne sont jamais totalement détachés de la prise d’intérêt.

« Il agit dans leur principe, protegeant tous les factieux du pays qui sont en nombre considerable, et depuis peu il a faict une remission de tous crimes pour douze reaux par teste à tous les criminels pour s’asseurer par ce bien faict de 3 ou 400 malfaicteurs afin de s’en servir aux occasions. Et particulierement pour pouvoir tenir dans le chasteau de Gner qu’il fortifie sur le passage des montagnes de Conflant et de Cerdaigne qui est celuy des enemis pour Roussillon, apres avoir occupé les monts de Paillas et la Seu d’Urgel »[108].

C’est quasiment une trahison dont il est ici question. Banyuls s’entoure de « malfaicteurs », qui semblent avant tout des hommes de sac et de corde, des mercenaires prêts à former une sorte de garnison dans son propre château, mais on ne peut pas savoir exactement de quelle façon il s’en servira. La limite est très difficile à trouver (et à prédire, surtout) entre le « petit roi » qui tire parti de l’absence de contrôle des Français, entre le maître d’hommes à la fidélité tangeante qui fait valoir sa puissance et son hésitation pour obtenir plus de récompenses, et le vrai traître qui s’apprête à livrer insensiblement la région aux Castillans. A la fin de l’année, les députés de la Generalitat se plaignent de Banyuls dans l’exercice de sa fonction de gouverneur du Roussillon, sans doute pour des questions de logement des gens de guerre[109] : il fait mine de remettre sa démission, ce qui est le prétexte d’aller une nouvelle fois à la cour pour se justifier, ayant toutefois prévu une porte de sortie, faire nommer « son ami » Francesc Ros à ce poste… « D’autant, dit Marca, que ce Ros est le procureur du comte d’Ille et l’instrument de toutes les passions de D. Thomas de Bagnols et du Regent en Roussillon »[110]. Mais, là encore, la sortie est une fausse alerte : Banyuls, sans doute rassuré et concilié par le vice-roi Mercoeur, ne bouge pas et garde son poste. Au milieu de la débâcle générale, alors que le siège de Barcelona par les Espagnols a commencé, une querelle de préséance se déchaîne entre les « principaux Catalans », Margarit et Ardena. La cour, désireuse de maintenir une égalité, dresse un brevet de maréchal de camp pour Tomàs de Banyuls[111]. Tout cela montre que, quelque soupçon qu’on ait pour lui, on ne pouvait pas compter sans Banyuls : d’où des récompenses obtenues plus ou moins par surprise, la cour fermant les yeux, le bénéficiaire s’imposant en demi-teinte, sans le titre de vicomte d’Evol mais avec une puissance supérieure aux anciens vicomtes. La faveur royale se trouvait quasi ligotée. Senyor bandoler ( ?) ayant bien su profiter de la conjoncture institutionnelle de ces années-là, Banyuls passera au service de l’Espagne en 1653[112]. Le gouvernement français avait tenté de mettre à profit (non pas « manipuler ») les querelles de factions et les orgueils nobiliaires, parvenant à un résultat globalement limité ou, du moins, éphémère.

 

 

Volonté de fusionner les noblesses et mariages mixtes

 

 

Un second aspect de la politique ambiguë et inachevée que la France mène avec la noblesse catalane a été dans l’ensemble négligé par les historiens, ou interprété d’une façon assez maladroite qu’il faut maintenant nuancer. Le gouvernement français, durant toute la période, et particulièrement au moment où son avenir en Catalogne est le plus compromis, ne laisse pas de miser sur la noblesse, et on a même plusieurs exemples de projets concrets destinés à rapprocher des grands noms de la noblesse catalane de la noblesse française afin de cimenter l’union des deux nations par des intérêts familiaux. Ce rapprochement se joue d’abord par l’évocation de parentés fictives ou réelles. En 1646 Pierre de Marca, dans la vaste relation qu’il rédige pour rendre compte des mouvements conspirateurs et des luttes de factions, évoque le cas de Josep Amat, frère du député ecclésiastique Gispert Amat (chef de la conspiration de 1645), favorisé par le vice-roi Harcourt.

« Cet homme a quelque familiarité dans la maison de monsieur le viceroy, à cause que le sieur Amat, qui est à Paris et se mesle des fermes, se dit parent de ce don Joseph et avoit de l’accez dans la maison de monsieur le viceroy lors qu’il estoit à Paris »[113].

L’Amat français doit être Jacques Amat (+1660), fermier général issu d’une famille de Gap dont on apprend par Daniel Dessert qu’elle avait des prétentions nobiliaires douteuses ou du moins contrariées[114] ; il n’est pas impossible qu’il ait fait valoir l’origine catalane et noble de sa famille. On trouve un autre exemple curieux au moment où Marca est chargé d’examiner les ternes (rôles de personnes à proposer au roi pour les bénéfices ecclésiastiques) et qu’il commente la candidature d’un catalan à l’abbatiat d’Arles en Vallespir.

« Cette abbaye a esté fondée par Charlemagne et Louys le debonnaire dans le comté de Roussillon. Monsieur le comte de Noailles l’a demandée pour un religieux de l’ordre de Saint Benoist, nomé Philipe Alentor, qui est le fils naturel de la maison d’Alentor, laquelle a esté toujours reconnue pour estre descendue de la maison de Noailles. Le moine est de bonne mine et d’un esprit mediocre, mais qui n’est pas indigne de l’appuy de monsieur de Noailles, pour le faire abbé de quelque abbaye »[115].

Là encore, on a profité d’une légende familiale réelle ou fictive pour créer un lien porteur de fidélité et d’entraide. Il n’est pas innocent que ce soit Noailles qui la mette en avant, comme une manière de s’intégrer à la société catalane et de ne pas y arriver comme un étranger. En favorisant un parent catalan, il s’impose lui-même. Tout cela se situe sur le même plan que les théories propagées par l’abbé Sala et le docteur Martí selon lesquelles la Catalogne serait française par héritage, le roi de France étant un lointain héritier de Charlemagne. Ainsi, il n’est pas étonnant que la noblesse catalane, qui se revendique d’une origine carolingienne (Neuf Barons de Catralogne), et la noblesse française aient des liens étroits et anciens[116]. Dans le même sens vont les recherches de Pierre de Marca lui-même : dès 1646, il travaille à un ouvrage qu’il appelle De Catalaunia illustrata (la Catalogne illustrée), mais qui ne sera publié qu’après sa mort par Pierre Baluze sous le nom fameux de Marca Hispanica[117]

En plus de ces éléments symboliques, un fait concret encourage l’idée d’un rapprochement : la poursuite de la guerre sur le territoire catalan, et particulièrement dans la région de Lleida et de Tarragona, durant toute la période, sans arrêt ni trêve, entraîne la présence sur place de nombreux militaires français de qualité différente, qui parfois y passent toute la durée de la guerre comme gouverneurs des châteaux, maréchaux de camp ou simples officiers. Nous ne parlons pas ici du cas, extérieur à l’objet de notre étude, des hommes de la troupe qui sont d’origine variée (suisses, allemands, parfois protestants…) et dont le logement, véritable plaie ouverte de toute cette période, empêche toute intégration et rend la défiance permanente. Les plus hauts officiers, dont certains sont membres de grandes familles proches de la cour, résident à Barcelona auprès du gouvernement, comme dans la maison de Reguer ou dans la maison d’Aitona, par exemple, et fréquentent la noblesse catalane profrançaise. On ne peut certes pas parler d’un « Eldorado catalan », puisque le Principat est essentiellement un terrain militaire, peu connu et redouté pour ses conditions géographiques et climatiques difficiles (terrible sécheresse des environs de Lleida, canicules de l’Empordà…) ; mais il est certain que la perspective d’acquérir la gloire sur les champs de bataille et éventuellement de se tailler des principautés plus ou moins grandes sur les terres confisquées des exilés, d’après le modèle du maréchal de La Mothe devenu duc de Cardona et magnat de Catalogne, a pu représenter un attrait pour certains Français. Comme nous l’avons vu, l’attribution de biens confisqués à des Français n’a pas vraiment été un sujet explosif jusqu’en 1648. Et c’est à la lecture de cette chronologie complexe qu’il faut interpréter la qualité des relations entre Catalans et Français, la réception des gentilshommes français par l’opinion catalane à ce moment-là. Le comte Charles de Chabot, auréolé de sa victoire à Flix en 1645 – l’une des seules victoires de la vice-royauté d’Harcourt –, est plusieurs fois chargé de maintenir l’ordre dans des régions sensibles, et se fait apprécier des Catalans, se distinguant pour sa justice et sa bonté, à l’inverse de beaucoup de gouverneurs de châteaux français qui se comportent comme des voyous. Au point qu’il reçoive la sympathie du député ecclésiastique de la Generalitat, pourtant bien connu pour ses dénonciations des violences françaises : Gispert Amat, abbé de Galligans[118].

La faveur que Galligans porte à Chabot s’explique en partie par les querelles de factions qui se déchaînent alors : le député veut contrebalancer la puissance du Gouverneur Margarit, membre du parti adverse, et entend utiliser le Français pour cela. Il soutient (à moins qu’il ne lui en ait soufflé l’idée avant ?) la prétention de Chabot d’obtenir le marquisat d’Aitona, qu’on sait âprement convoité par Margarit, ainsi que le gouvernement de Rosas. Dans une lettre à la cour, il fait même un très intéressant éloge de ce gentilhomme :

« Le comte parle catalan, il est estimé de tout le peuple pour cela, et plus aimé encore que s’il était un naturel. Les Catalans sont si obligés aux services que le comte a continuellement rendus au roi depuis le début de la guerre que, si Sa Majesté avait réuni les Corts, ils l’auraient suppliée de le naturaliser Catalan, et sans doute on le demandera aux prochaines.

[…]

[Il faut le nommer gouverneur de Rosas] pour favoriser et récompenser les députés du Principat et les conseillers de Barcelona qui le désirent et ont écrit en sa faveur ; pour donner un contentement et une allégresse générales aux Catalans, afin qu’ils voient que Sa Majesté et ses ministres supérieures honorent les seigneurs français qui sont aimés (« que son de los amados ») pour leurs bon comportement, leur générosité et leur vertu » [119].

Au-delà de la duplicité qu’on peut attribuer à l’abbé de Galligans – on découvrira quelque temps après sa participation à la conjuration de 1645 –, les arguments doivent être relevés et commentés. Peut-être Chabot, en apprenant le catalan et en briguant le marquisat d’Aitona, avait-il sincèrement décidé de s’établir dans le Principat ? Peut-être son cousin Harcourt – qui lui-même appella son fils, né et baptisé à Barcelona en juin 1647, Raymond-Bérenger, du nom des anciens comtes de Barcelona – soutenait-il ses prétentions dans le but de laisser un parent en situation de puissance dans la province, ou du moins d’asseoir son propre pouvoir ? Ces français-là ne semblent pas avoir eu la répugnance qu’un Sainte-Cécile ou même qu’un Schomberg ressentiront pour la Catalogne et les Catalans ; et il n’est pas impossible que Chabot ait eu une réelle (quoiqu’éphémère) popularité. On trouve même que l’ancien secrétaire particulier du comte d’Harcourt, resté au service de Schomberg, Martin de Charmoye, a souhaité être anobli sur le modèle catalan et obtenu du vice-roi l’expédition d’un « privilegi militar », dans les formes traditionnelles qui étaient conservées par les secrétaires de la chancellerie[120]. C’est Marca, peut-être davantage motivé par la méfiance pour les proches de la faction d’Ardena que par un souci, encore embryonnaire, de ne gratifier que les naturels catalans, qui a pesé de tout son poids contre la gratification de Chabot ; la mort de ce dernier à la bataille de Lleida a fait le reste et enterré ses désirs de devenir un seigneur catalan.

Une autre affaire concernant une famille française bénéficie d’un traitement tout à fait différent, et d’une attention particulière de la part de Marca et de Le Tellier. En 1647, vraisemblablement sous la vice-royauté du prince de Condé, le marquis et le marquise de Fimarcon font valoir auprès de Le Tellier une prétention singulière : ils ne demandent rien de moins que le comté de Pallars. Il s’agit bien du Pallars Sobirà, comté médiéval séparé en 1011 du Pallars Jussà, un immense territoire situé dans le bassin supérieur de la Noguera Pallaresa, entre la crête des Pyrénées et la ville de Tremp, comprenant notamment le val d’Àneu, celui de Cardós et celui de Ferrera ainsi que la rive gauche de la Nogera Ribagorzana et la val de Flamicell. Aujourd’hui encore il existe une comarca de Pallars Sobirà, limitrophe de la Principauté d’Andorre, de l’Alt Urgell, du Pallars Jussà, de l’Alta Ribagorça et, au Nord du département français de l’Ariège. Paul Antoine de Cassagnet-Tilladet, marquis de Fimarcon, est le fils de Bernard de Cassagnet-Tilladet, d’une ancienne lignée gasconne, et de Jeanne de Narbonne, issue de la branche des barons de Talairan et seigneurs de Fimarcon ; mais il est surtout le frère de Gabriel de Cassagnet-Tilladet, gentilhomme de la chambre du roi et ancien capitaine des gardes françaises disgrâcié pendant la conspiration de Cinq-Mars mais revenu ensuite en grâce, marié depuis 1636 à Madeleine Le Tellier, sœur du secrétaire d’Etat. Cette parenté lie les intérêts de la famille avec ceux de Michel Le Tellier, qui se trouve dispensateur de bienfaits pour ses neveux et leurs alliés. Paul Antoine de Cassagnet-Tilladet, veuf en premières noces d’Antoinette-Françoise d’Esparbès, avait épouse en secondes noces en 1623 Paule Françoise de Narbonne, sa cousine germaine, qui lui avait apporté le titre de marquis de Fimarcon. C’est probablement Le Tellier lui-même qui fait part de la demande du comté de Pallars à Marca. Ce dernier lui répond en mai 1647 en lui envoyant un mémoire (aujourd’hui perdu) où, dit-il, « j’ay mis le fait et le biais que l’on pourroit prendre pour ne donner point de jalousie aux Catalans »[121]. Marca réfléchit avec le précédent de l’affaire de Chabot, et il redoute que l’attribution de grands patrimoines à des Français crée de l’aigreur parmi les Catalans, dont il se méfie depuis la conspiration de 1645. Mais pourquoi une telle demande, venant de la part d’une famille française qui, apparamment, n’a aucun lien ni aucune attache avec la Catalogne, Paul Antoine de Cassagnet ne servant même pas dans le Principat en tant qu’officier ?

C’est grâce aux lettres patentes postérieures qu’on découvre le fond de la demande, qui nous projette plus de deux siècles en arrière à la fin du Moyen Âge, et dépasse largement, à première vue, les enjeux spécifiques de la Guerra dels Segadors. Le lecteur pourra lire la transcription de cet acte dans les annexes. Il contient une véritable dissertation historique et géographique sur le Pallars et la généalogie de ses comtes. La marquise de Fimarcon, Paule Françoise de Narbonne, descend en droite ligne d’Aimery de Narbonne-Talairan et d’Anne de Lomagne, mariés en 1499, cette dernière ayant apporté dans la maison de Narbonne l’héritage des anciens Lomagne, vicomtes de Couserans. Mais les vicomtes de Couserans, en vertu d’une parenté ancienne et d’un acte passé avec les anciens comtes de Pallars, devaient hériter du comté en cas d’absence de successeurs. On ignore malheureusement qui a rédigé le texte de ces lettres patentes, si elles ont été faites à partir de la requête originale du suppliant, comme cela arrive parfois, ou si c’est Marca qui les a rédigées. Cette dernière hypothèse n’est pas impossible en raison de la grande culture historique de Marca, connaisseur de ces régions – il est lui-même évêque de Couserans. Dans tous les cas, ce texte est très évocateur sur le plan politique et sur la reconstruction de l’histoire telle qu’elle était en vogue dans les années 1640 : la Catalogne appartenait justement à la France, par héritage… Et cette vision de l’histoire générale concorde ici avec une vision de l’histoire particulière.

« Antiennement le vicomté de Coserans et le comté de Paillas apartenoint à une mesme personne, quoy que scitues en deux Royaumes differens, l’un en France et en la province de Guienne, et l’autre en Spaigne et en la Province de Cataloigne, separés seulement des monts Pirenée. Que ses deux seigneuries ayantz este divisees par un partage faict entre freres, le compté de Paillas se vit advenu à don Ugo Roger et le viscompté de Coserans à Jaques de Lomaigne seigneur de Fimarcon. Que le dict Hugo Roger compte de Paillas et Jacques de Lomaigne viscompte de Coserans ayants une proche parante et amitie en semble auroint faict un traicté et convention entreux le vingt huitiesme aoust mil quatre cens quatre vingts six portant qu’en cas de deceds de lun deux ou de leurs successeurs sans enfans mais en legitime mariage le survivant succederoit à lautre et demeureroit proprietaire et legitime possesseur de tous les biens du decedé, à condition toutes fois que si la succession du compte de Paillas venoit au viscompte de Coserans ou à ses successeurs celuy qui la recueilleroit seroit tenu de prandre le nom et armes de Paillas ».

On voit ici dans cette évocation des deux royaumes « séparés seulement des monts Pirenée » un corollaire de l’idée selon laquelle les Pyrénées ne peuvent être une frontière ; et que l’implantation des familles d’un côté comme de l’autre est une preuve de la justice des prétentions de la France. Il n’y a pas de contradiction entre la Catalogne et la France.

Une fois évoqué le précédent de la concorde originelle établie entre le comte de Pallars et le vicomte de Couserans, un acte authentique et de toute justice, on passe à ce qui est (à dessein) présenté dans l’acte comme la cause originelle du problème. Il s’agit de la guerre civile catalane qui, de 1462 à 1472, opposa le roi Jean II d’Aragon aux institutions catalanes, et dans laquelle fut fortement impliqué Hug Roger III de Pallars Sobirà. Ce dernier était à l’origine un partisan du prince de Viana, fils du roi ; en 1462, quand éclate la guerre, il prend la tête des forces armées de la Generalitat : il assiège la reine et l’infant à Girona, défend Barcelona, mais est fait prisonnier en 1466. Libéré en 1470, il est cependant excepté de l’amnistie générale que le roi déclare à la fin de la guerre civile en 1472, après avoir repris le contrôle de Barcelona et de la plus grande partie de la Catalogne. Réfugié sur ses terres du Pallars, il résiste, jusqu’à obtenir le pardon de Ferdinand II, fils de Jean II, en 1480. Cependant, la lutte reprend en 1484, et Ferdinand II confie à Joan Ramon Folch, comte de Cardona, la reconquête du Pallars : en 1486, le comte Hug Roger passe en France pour demander l’aide de Charles VIII, mais entretemps son épouse capitule face au comte de Cardona, le 10 juillet 1487. Exilé en France, Hug Roger III tentent de lutter, mais en 1491 le roi d’Aragon le fait condamner à mort par contumace, ce qui lui permet de prononcer la confiscation de tous ses biens. Le Pallars Sobirà est alors donné à Joan Ramon Folch de Cardona, avec le titre de marquis. Le comte de Pallars, fait prisonnier pendant les guerres d’Italie, finira sa vie en prison. De son épouse, Catherina Albert, il n’avait pas eu d’enfants[122]. Voilà comment les lettres patentes de 1648 expliquent ces faits historiques avérés :

« Le dict Roger sestant trouvé en gage dans les guerres civilles esmeues en Cataloigne du regne du Roy Jean second d’Arragon et toutte la province ayant esté pendant plusieurs annees dans un grand trouble et une confusion, le dit compte de Paillas qui estoit personne de moyens et de concideration ayant pour enemy un nomme Guillaume Raymond de Peremola se seroit empare d’aulcuns lieux qui luy apartenoint et mesmes Varcalis, Start et Stort. Lesquels la guerre estant finie le dict compte Hugo de Paillas auroit eu ordre de randre et pour ny avoir pas deffect le roy Ferdinand de Castille et d’Aragon qui succeda au dict roy Jean auroit faict employer la force pour les oster au dit Hugo Roger procedant par voye militaire contre luy comme ils appellent audict pays d’Espaigne. Et ayant donne comission pour cest effect à Jean Raytmond compte de Cardone et de Prades, Conestable d’Aragon, et à son fils Jean apres la mort du pere, ils executerent si punctuellement et si advant ceste comision que non seulement ils retirerent des mains du dict Hugo ce qu’il avoit occupe sur le dict Peremola mais aussy ils le chasserent de Catalogne et l’obligerent à se refugier avec toute sa famille en France sans qu’il eust eu lieu despuis de revenir dans son bien ».

Après leur avoir permis de retenir toutes les places et terres qu’ils prendraient pour se dédommager des frais qu’ils avaient engagés dans la guerre, le roi leur aurait, lit-on, cédé « par contract » de 1488 le comté de Pallas avec ses dépendances pour 36000 livres barcelonaises, dont 24000 pour le comté lui-même, avec faculté de rachat – faculté ensuite rachetée par les Cardona, toujours « par contract » de 1491. Mais, par définition, ces transactions sont illégales et indignes d’un roi. Tout cela continue à être présenté de façon très défavorable à la couronne d’Aragon – on voit aisément ici qu’elle est présentée comme la digne ancêtre de la couronne d’Espagne, ennemie des Catalans de 1640, cruelle et injuste…

« Au moyen de quoy la pocession des dictes seigneuries seroit demeuree par usurpation continuee au dict de Cardone et à ses descendants apresant ducs de Cardone. Que comme ceste procedure estoit fort extraordinaire de la part d’un prince qui vandoit le bien d’un sien subiect condamné, et que ceux qui le possedoint n’en avoins pas de tiltre valable, ils auroint faist en sorte que l’infant don Henry fils dudict Roy Ferdinand et son lieutenant general en Cataloigne auoit donne un jugement contre le dict Hugo Roger le tretsiesme decembre mil quatrecens nonante un par lequel il le condamnoit comme criminel de leze maiesté à perdre la vie en cas qu’il vinsse au pouveoir du dict Roy et declaroit tous ses biens confisques. En quoy la haÿne et animosite contre luy et le desir iniuste de retenir ses biens passerent à tel exces que sa belle mere et sa fame feurent comprinses dans le mesme iugement et condamnees comme criminelles de lese majesté pour s’estre retirees avec le dict Hugo Roger, quoy qu’elles y feussent obligees par le sentiment de la nature et du debvoir, mesmes à cause que sa belle mere estoit morte, sa memoire feust condamnee ».

Evidemment, une confiscation est toujours défavorable à quelqu’un. Chaque partie s’estime du côté de la justice, par le même raisonnement qui amèna en 1646 le comte de Peralada, Rocabertí, à publier dans son ouvrage Presagios fatales del mando francés en Catalunya la liste des victimes de confiscations, pour dénoncer ces dernières comme injustes… alors que du côté français on les valide par le crime de lèse-majesté ! Sous l’apparence des arguments traditionnels du respect des lois (pas de confiscation sans jugement), c’est en réalité un truïsme qui sous-tend le raisonnement. Le roi d’Espagne n’avait pas le droit de saisir le comté avant le jugement, et donc pas le droit de le redistribuer ; mais, à l’inverse, le fait que le procès n’ait eu lieu qu’en 1491, postérieurement à la saisie préalable, n’empêche qu’il y a eu un procès et que la condamnation, fût-elle orchestrée dans le but unique de confisquer le comté, a bien été exécutée. Le roi restait, comme Louis XIV et Philippe IV, maître de la puissance publique. Il ne manque même pas, ici, l’aspect pathétique où Rocabertí excelle également : on a persécuté une famille entière…

Après avoir ajouté une dernière subtilité juridique (les faits que l’on reprochait au comte de Pallars étaient antérieurs à son premier pardon, et avaient donc été abolis par celui-là même), l’acte en vient à considérer les raisons d’accorder la demande Fimarcon, qui font le trait d’union entre ce XVe siècle et les années 1640. Là encore, elles sont entièrement imbibiées d’un discours politique.

« Apres un si long temps, il y avoit lieu de revision à ce proces. Qu’il paroist en outre qu’un des motifs de ceste poursuite faicte avec tant de chaleur contre luy feust sa retraicte et celle de sa fame en France, qui est marquee et exprimee dans le jugement, et que ceste raison nous doibt convier à donner la main aux aynés legitimes successeurs du dict compte Hugo pour rentrer dans son bien, qui se peut dire avoir este usurpé avec beaucoup de precipitation ne violance et contre ces formes observees en cas de crimes […]. Qu’il n’auroit pas este possible au dict comte, qui avoit de si puissants ennemis dans la province et qui occupoint son bien, de se purger des accusations faictes contre luy dans le temps qui est ordoné par les Loix à ceux qui sont condamnés par contumace ; et que ses legitimes heretiers estants Francois et les Royaumes de Castille et d’Aragon ayants este presque tousiours ennemis de celuy de France ou interdits aux Francois, au moings à l’esgard d’une pareille pour suitte, estant question d’aller playder contre le souverain et les plus authorisés de ses subiects, les ducs de Cardonne ayant eu les principales dignités et tousiours beaucoup de credit dans les dicts pays, il seroit arrivé que la dicte pocession ne leur auroit este aucunement contestee par le passé par les dicts heretiers du dict compté de Paillas. Mais qu’a presant qu’il a pleu à Dieu que la dicte province de Catalogne soit unie à ceste courone, que tous les biens que le duc de Cardonne d’auiourd’huy possedoit en Catalogne sont en nos mains comme estants acquis et confisqués par sa retraicte dans la Castille et par sa rebellion estans au service des ennemis declares de ceste couronne et que la dicte Paule de Narbonne de Lomaigne se trouve la seule persone capable et qui ayt droict de succeder aux biens du dict Hugo Roger… »[123].

L’histoire médiévale est décrite avec une très grande proximité, comme si les faits des années 1480 et 1490 venaient de se produire. Jean II, c’est Philippe IV. Et Louis XIV, en accédant à la requête, ne fait que perpétuer l’asile que Charles VIII avait donné au comte de Pallars : « cette raison nous doibt convier à donner la main aux aynés… ». La confiscation des biens du duc de Cardona (effective depuis 1642) n’est donc que l’occasion qui s’est présentée pour rétablir des droits jusque-là bafoués par une usurpation, et que les circonstances avaient empêché de revendiquer. Et, à cet égard, on notera que les lettres patentes parlent bien de « comté » de Pallars : le Pallars Sobirà était resté dans la mémoire collective comme un comté, l’un des comtés médiévaux de Catalogne, remontant au XIe siècle, mais lorsque le roi l’avait donné aux Cardona, il l’avait érigé en marquisat. Ainsi l’acte de Louis XIV ne fait que restituer la situation comme elle aurait dû être, selon ce discours, depuis 1486, y compris le titre de comte disparu dans les faits à cette date.

Mais pourquoi être allé chercher des faits aussi lointains ? Il semble que les ancêtres de la marquise de Fimarcon aient gardé une mémoire vivace de ces droits à l’héritage catalan. Elle-même est appelée « de Narbonne de Lomagne », ce qui dénote une volonté de se rattacher par le nom à la lignée des Lomagne, qui leur a apporté la vicomté de Couserans et les droits au comté de Pallars. Revenons un peu en arrière, pour considérer les étapes préalables à l’expédition de ces lettres patentes de don. Leur texte même nous précise que la décision a été prisé « apres avoir faict voir et examiner en nostre Conseil l’acte en original passé par devant notaires et en forme authentique de la dicte donation [du comté de Pallars au vicomte de Couserans et à ses héritiers ; ainsi que les contrats de vente aux Cardona et le jugement de 1491], les contracts de mariages genealogies et autres pieces par lesquelles il appert que certainement et constament la ditte Paule de Narbonne est descendante en droite ligne de l’ayne du dict Jacques de Lomagne et qu’en vertu de ladicte donation elle a deub recueilhir de plain droict toutes les terres seigneuries et biens dudict Hugo Roger compte de Paillas ». Ainsi, la requête présentée par les Fimarcon est sérieusement amenée, renforcée d’un solide dossier probablement établi par des juristes. Un tel effort s’explique nécessairement, du côté des demandeurs, par une bonne connaissance de la mémoire lignagère. Il a certainement été suscité par la proche parenté du marquis avec Michel Le Tellier, le secrétaire d’Etat chargé de la Catalogne. Peut-être y avait-il là une espérance identique à celle de Chabot de récupérer facilement de grandes principautés. Cependant, le fait que cela procède de l’hérédité et de la généalogie est nouveau et significatif. Le texte des lettres patentes, rédigé par l’entourage du secrétaire d’Etat ou non, est en pleine cohérence avec le discours de la propagande : on ne met pas en valeur ici un Français pour son mérite ou sa distinction, mais on déclare que la noblesse française descend de la noblesse catalane, comme on préjuge l’inverse puisque les comtés catalans furent donnés par Charlemagne à ses barons.

La couronne semble avoir donné raison à cette interprétation, qui a expédié les lettres patentes demandées en avril 1648. Et cela malgré les doutes de Le Tellier lui-même qui, dès juin 1647, craignait que « la paix arrivant, et le droit de confiscation que Sa Majesté a sur ledit comté, qu’elle pourroit cedder, venant à cesser et le duc de Cardonne à rentrer dans la Jouissance de ses biens, il seroit difficile de l’empescher de faire valloir son droit sur le Comté de Paillas pour les raisons qu’il vous plaist de marquer par vostre depesche », selon ce qu’il écrivait à Marca[124]. Peut-être l’échec des négociations de paix au début de l’année 1648 avait-il dissipé ces craintes et permis d’accéder à la demande ? Néanmoins, obtenir l’expédition des lettres patentes à la cour était une chose, les faire enregistrer à la chancellerie de Catalogne n’était pas non plus difficile… mais en obtenir l’exécution en Catalogne était encore une autre affaire. Deux lettres sont écrites au vice-roi Sainte-Cécile, respectivement le 4 et le 5 mai 1648, la première est une missive du roi[125], l’autre de Le Tellier :

« Monseigneur,

Monsieur de Fimarcon aura l’honneur de presenter à Vostre Eminence des lettres de retablissement et de rehabilitation que la reyne luy a bien voulu accorder et à Madame sa femme pour rentrer dans la succession des biens du comte don Hugue Roger qui possédait le comté de Paillas et d’autres biens en Catalogne […]. Mais, Monseigneur, comme apres avoir esprouvé la justice et la bonté de leurs Majestés en cette occasion […], il a principalement besoin de vostre appuy et protection, et que sans cela son affaire ne peut reussir, je prends la liberté de supplier tres humblement Vostre Eminence de les luy accorder et de luy faire reussir l’effect des lettres, me sentant obligé à luy donner cette importance par l’alliance et l’amitié estroite que j’ay avec ledit sieur marquis. Si bien que les graces qu’il recevra de Vostre Eminence et les obligations qu’il luy aura me seront plus sensibles que si je les recevois moy mesme… »[126].

On a vu plus haut combien Sainte-Cécile était peu disposé à appliquer les ordres de la cour. Son passage en Catalogne, très bref, ne permet pas aux Fimarcon de rentrer en possession du comté. Il faut attendre Schomberg, lui, semble-t-il, beaucoup plus disposé, pour que les choses avancent. Le mot de remerciement du ministre montre bien le contexte difficile de tension entre Catalans et Français, qui n’est décidément plus le même qu’en 1647…

« Je vous suis, Monsieur, tres obligé de ce que vous avez fait pour monsieur le marquis de Fimarcon. J’essayeray d’obtenir de la reyne les choses necessaires pour le faire jouir de la grace que Sa Majesté luy a accordé, sans blesser les privileges du pays »[127].

On ne sait pas exactement ce que Schomberg a fait à ce moment-là en faveur des bénéficiaires. Toujours est-il que sa collaboration ne se dément pas, et qu’en juillet, il fait délivrer par la chancellerie de Catalogne des « lettres exécutoires » pour cette prise de possession[128]. Ces lettres sont probablement dûes à la présence sur place du procureur de M. et Mme de Fimarcon, le nommé Etienne d’Abbadie. Le 17 août 1648, c’est ce dernier qui prête serment et hommage en leur nom pour le comté de Pallars[129].

Mais la possession du comté ne semble pas avoir été aussi paisible. Dès 1648, le maréchal de La Mothe, qui était emprisonné depuis 1644, est remis en possession du duché de Cardona. La Fronde a commencé et on a voulu s’assurer de sa fidélité en le libérant et en le restituant dans tous ses biens. Il donne rapidement de ses nouvelles en Catalogne, et fait obstacle à la possession du Pallars par les Fimarcon. Sans doute ses arguments étaient-ils, paradoxalement, de la même substance que ceux qui avaient permis à Cassagnet-Tilladet de recevoir le comté : la grâce avait été expédiée après la donation de Cardona à La Mothe, qui datait de 1642… le maréchal était élargi et toutes ses fautes abolies, d’où la restauration de la situation de 1644… Mais, rapidement, il retombe en rébellion et prend le parti des princes. Une missive du roi est envoyée au Gouverneur Margarit : le sujet de l’opposition ayant disparu, et le duché à nouveau mis sous séquestre, il faut restaurer la possession des Fimarcon.

« Parce que j’ay sceu qu’il avoit esté fait quelque opposition de la part dudit maréchal à l’execution de la grace que j’ay cy devant accordée au sieur de Fimarcon en le retablissant dans le marquisat de Paillias et lieux en dependant, et qu’apresent il ne doit point y avoir de difficulté, j’ay bien voulu vous faire cette lettre pour vous dire par l’advis de la reyne regente Madame ma mere que vous ayés à employer l’auttorité de vote charge afin que mes lettres pattentes que j’ay fait expedier pour cet effect en faveur dudit sieur marquis de Fimarcon et les siens soient executées selon leur forme et teneur »[130].

Mais La Mothe rentre une nouvelle fois en grâce, il est à nouveau pardonné de tous ses crimes et réintégré dans ses biens. Le marquis de Fimarcon lui intente un procès à la Royale Audience : en effet, La Mothe n’a pas accepté le don en partant du principe qu’il succédait à la maison de Cardona, et donc au comté de Pallars… Ces luttes, comme nous l’avons vu plus haut dans un chapitre consacré à la chicane judiciaire[131], reposent sur des bases juridiques très ténues et contestables, et la seule différence est le rapport de force qui s’exerce localement. A l’été 1650, c’est Mazarin qui écrit au nouveau vice-roi, Mercoeur :

« Monsieur,

  1. le marquis de Fimarcon estant une personne de la naissance et du merite que vous sçavez, et outre cela un de mes meilleurs amys et beau frere de M. Le Tellier, je ne puis m’empescher de vous prier d’employer vostre authorité afin que le proces qu’il a intenté à Barcelone contre M. le mareschal de la Mothe pour raison de quelque terre dependante du duché de Cardonne se termine au plustost. Je m’asseure que vous n’aurez pas de peine à luy departir vos faveurs en cela et luy donner les autres assistances que la justice de sa cause pourra permettre, puisqu’outre l’obligation qu’il vous en aura, ce me sera en mon particulier un nouveau sujet d’estre de plus en plus… »[132]

Faute d’archives, nous n’avons pas d’autre renseignement sur ce procès. Il est toutefois fort vraisemblable que, de l’expédition des lettres patentes à l’évacuation progressive des forces françaises de la région du Pallars après 1651 – fin 1652, toute la Catalogne à l’exception de Rosas était aux mains des Espagnols –, les Fimarcon n’aient pas pu tirer de profit substantien de leur comté. Et ce malgré la faveur de Mazarin et de Le Tellier, le soutien de Marca et des vice-rois successifs. Ils durent en être davantage les possesseurs symboliques, la prestation du serment de fidélité ne suffisant pas à enrayer le tournant défavorable qui avait été entamé dès 1648 dans les affaires politiques de la Catalogne.

 

Un autre moyen de rapprocher les Français des Catalans est d’encourager les mariages mixtes. Les exemples sont certes peu nombreux, mais suffisamment significatifs pour être cités et commentés. Dans la lignée des prescriptions proposées vers 1644 pour flatter et fidéliser la noblesse, dès que la nouvelle d’un premier mariage mixte éclate, début 1647, Marca saisit l’occasion pour fortifier l’idée du rapprochement. L’ancienne proposition d’introduire l’ordre de Saint-Michel en Catalogne réapparaît.

« Il semble que le commencement que M. Gavot, commissaire ordinaire des guerres, a donné aux alliances d’entre les François et les Catalans, s’estant marié à une damoiselle de Balaguier, merite d’estre appuyé par quelques temoignage de bonne volonté de la part du roy. Pour faciliter ce mariage, qui recevoit de la difficulté à cause de la condition du mary, de la noblesse duquel les parens de la fille vouloient estre éclaircis, M. le viceroy assura que Sa Majesté le gratifieroit de l’ordre de Saint Michel, les services qu’il a rendus depuis dix ans en sa charge de commissaire des guerres en divers lieux, et depuis trois ans en la frontiere de Catalogne. Et le désir de favoriser l’alliance des françois avec les Catalans peuvent servir de motif pour luy accorder cet ordre (…) Peut estre que cet ordre sera recherché ensuitte par les Catalans, qui pourroit tenir lieu des croix des ordres d’Espagne, desquelles on faisoit estat cy devant en cette Province»[133].

Ces propos semblent dénoter une idée forte de Marca, qu’il soutient personnellement. C’est pour lui un moyen d’asseoir de façon pérenne et indissoluble, comme le mariage lui-même, la Catalogne française. Mais quand les questions de confiscations s’y joignent, l’affaire devient hautement stratégique. Le meilleur exemple en est le mariage de la comtesse de Çavellà, qui fit grand bruit et fut commenté par de nombreux acteurs du temps, dont les témoignages nous sont parvenus. Au début de notre travail, nous avons vu que le comte de Çavellà, Francesc de Boxadors i de Rocabertí, seigneur de la baronnie de Vallmoll, qui s’était distingué à la bataille de Montmeló en 1642, avait été l’un des rares catalans bénéficiaires de biens confisqués. En septembre 1643 il avait obtenu le don de la baronnie de Bellpuig (dans la comarca d’Urgell, du patrimoine des Cardona), sur les instances de La Mothe et de son ami La Vallée, qui avait défendu sa cause à la cour. Cette grâce avait produit de grands remous, d’autres Catalans aussi nobles et valeureux n’ayant rien pu obtenir[134]. Le comte était proche parent, par sa mère, des plus grands partisans de l’Espagne : son cousin germain n’est autre que le comte de Peralada, Ramon Dalmau de Rocabertí, il est aussi le neveu par alliance de Lluis Descallar, âme de toutes les conspirations anti-françaises dans le Ripollès au début des années 1640. Plus encore, son propre frère, Joan de Boxadors, était passé du côté de Castille. Ces parentés augmentaient sans doute sa valeur et la nécessité de se l’attacher. Après avoir testé en 1643, en faveur de sa jeune femme, Maria de Blanes, qu’il avait épousé en 1642[135], il succombe à ses blessures après avoir combattu en 1644 à la défense de Lleida, sans laisser de postérité. Femme très habile, sa veuve gère d’une main de maître un grand patrimoine. Elle reçoit non seulement la totalité de l’héritage des Boxadors, les frères de son mari étant passés à l’ennemi, mais aussi la baronnie de Bellpuig. C’est alors qu’elle devient l’un des partis les plus intéressants de Catalogne, même si son remariage ne coulait pas de source si l’on considère la sévérité des lois catalanes, défavorables au femmes remariées.

Comment le prétendant se présenta-t-il ? Ce détail ne nous est pas connu, mais son profil semble assez proche, quoique de moindre lignée, de celui du comte de Chabot ; plus encore, il appartient à ce groupe bien identifié de militaires français désireux de s’établir en Catalogne et encouragés dans ce sens par le maréchal de Schomberg en 1648 : François de Mussy, Nicolas de Bussy, Martin de Charmoye. Issu d’une famille de Champagne remontant au XVe siècle, fils d’un maître d’hôtel ordinaire du roi, Marcilly avait fait une carrière dans la cavalerie, avant d’obtenir l’érection de sa seigneurie en marquisat. Son frère était lieutenant de la compagnie d’ordonnance du maréchal de Schomberg, et lui-même devait être un proche de ce dernier, avec qui il dut passer en Catalogne en 1648[136]. Nommé maréchal de camp à cette occasion, il est rapidement récompensé par le vice-roi, qui, à l’image de Mussy, Bussy et Charmoye, lui attribue un patrimoine confisqué, celui de Miquel de Çalbá i de Vallgornera[137]. Personnage entreprenant et, sans doute, audacieux, il se rapproche de la comtesse de Çavellà, cette riche veuve. Le mariage qu’il projette avec elle doit être compris dans le prolongement direct de l’obtention des biens confisqués. Comment douter, d’après l’état d’esprit de ces personnes – il est certes différent de celui, beaucoup plus changeant de Mazarin – qu’elles envisageaient alors un avenir beaucoup plus lonng pour la Catalogne française ? Schomberg ne faisait que récompenser dans l’immédiat ses fidèles valeureux au combat ; pour lui, ces dons ne prêtaient pas à conséquence, comme on l’a vu. Mais les bénéficiaires, dont l’un était prêt à se marier sur place, nourissaient certainement l’ambition de s’établir. Célébré à l’été 1649, le mariage du marquis de Marcilly et de la comtesse de Çavellà attire immédiatement les commentaires élogieux des « principaux Catalans », Margarit en tête, qui s’en attribue le mérite auprès de Mazarin :

« Considérant que c’est hautement servir Sa Majesté, que Dieu garde, que d’apparenter par des mariages les Français et les Catalans, je suis obligé d’assurer par cette lettre à Votre Eminence qu’il me revient une grande part du bon principe qu’a commencé à observer le marquis de Marcilly avec le mariage qu’il a fait avec madame la comtesse de Çavellà, espérant qu’à son imitation d’autres poursuivront cela, et qu’a cet exemple des françaises viendront se marier avec des Catalans, par quoi nous arriverons à rénover les vieilles parentés que nous avons en France par l’origine de nos familles (« las casas de solar »). Qu’à ces égards, et parce que le marquis est un chevalier très doux et honorable, j’ai été très content de ce mariage, comme aussi de penser que cela plaira à Votre Eminence… »[138].

Le motif de « rénover les vieilles parentés » avec les familles françaises semble donc répandu dans la noblesse catalane, du moins dans sa frange la plus élevée et la plus proche de la cour. De même que la famille de Narbonne Lomagne, représentée par le marquis de Fimarcon et son épouse, conservait la mémoire lignagère de ses ancêtres catalans, Margarit reprenait insensiblement l’idée que les barons de Catalogne étaient d’origine franque. Le Régent Fontanella aussi se fend d’une lettre au cardinal pour commenter le mariage de Marcilly : « le sieur de Marcilly, maréchal de bataille, ayant averti qu’il envoyait son frère à la cour, je n’ai pas voulu manquer de faire ces lignes à Votre Eminence, pour l’aviser que M. de Marcilly a été le premier qui a coloré le sang français du sang catalan (« que ha pintado sangre francesa con catalana ») entre personnes nobles »[139]. Les commentaires de Marca, tout aussi positifs, ne passent pas cependant sous silence l’arrière-plan politique de cette union.

« Le mariage que M. le marquis de Marcilli a contracté en ce pais avec madame la comtesse de Cevaillan a piqué un peu les suspects, qui ont trouvé estrange que la mere de cette dame, qui est la comtesse de Centallas sœur de l’evesque de Vic, ait peu consentir à une alliance avec les François. Les serviteurs du Roÿ au contraire ont eu beaucoup de satisfaction de ce mariage, et il importe qu’il vous plaise, Monsieur, faire rendre quelque tesmoignage de la part de Sa Majesté au comte de Centellas pere de la dame, et à la mere, quelle leur scait un bon gré de l’affection qu’ils ont montrée en cette occasion envers la France. Et s’il y a sujet de gratifier ledit sieur de Marcilli en ce païs, il sera fort apropos de le faire, et d’en prendre le motif sur ce mariage »[140].

La mère de la mariée, née Ana de Sentmenat i de Lanuza, issue de la branche des Sentmenat seigneurs de Castelldosrius, est en effet la sœur de Ramon de Sentmenat, évêque de Vic expulsé par Marca comme suspect… Dans ce cas, on peut conjecturer que la comtesse de Çavellà, en tant que veuve, bénéficiait d’une certaine marge de manœuvre, et qu’elle avait elle-même consenti à son propre mariage, sans forcément tenir compte de l’éventuelle opposition de ses parents. Peut-être était-elle sincèrement attachée à la cause de la France, à la différence de ses proches parents. Le fait que Marca espère, par l’intermédiaire du mariage, gagner le père, montre bien la situation tangeante de certaines familles de la noblesse : leur position politique exacte n’est pas monolithique, elle varie selon les branches, selon les individus. Marca n’a pas encore abandonné l’idée de les gagner par un travail progressif et patient.

Tout cela n’est pas incompatible avec la jouissance des nouvelles confiscations, bien au contraire. Sur ce point, les nouveaux mariés semblent s’être totalement entendus. Seule, la veuve avisée avait triomphé en 1648 de la communauté villageoise de Bellpuig qui s’opposait à sa prise de possession[141]. En 1649 et 1650, désormais avec son mari, elle fait front aux prétentions d’un docteur de l’Audience, Josep de Orlau gratifié d’une pension sur la baronnie de Bellpuig par Schomberg. Les époux ne veulent rien verser, ils arguent d’un privilège antérieur qui précisait que la grâce que le roi avait consentie au feu comte de Çavellà en 1643 devait exclure toute autre pension. Le juriste crie à l’illégalité, car, dit-il, il ne serait pas de l’intention du roi d’aller contre sa propre gratification[142]… Pour marca, c’est mauvaise foi :

« Je pense que la declaration que M. de Marsilly demande qui ne regarde que l’explication favorable des premieres lettres de don de Belpuig peut estre expedié, d’autant plus qu’elle ne choque que l’avidité injuste du sieur Orlau, docteur de l’Audience qui a obtenu le don de 4000 escus de rente en censalz dont celui de Belpuig fait partie »[143].

Une déclaration est en effet obtenue par Marcilly : il la présente en mai à la Batllia General, mais son adversaire fait appel à l’Audience pour ouvrir un procès « por eluder l’effect des ordres de Sa Majesté, sur quoi les advocats dudit sieur de Marcilly ont trouvé qu’il pouvoit estre ecrit par Sa Majesté à messieurs les Chancelier et Regent qu’ils ne donnent point lieu à ces instances comme ils disent qu’il a esté pratiqué autrefois […]. Mais il faudroit avoir promptement ce secours » [144]. Marca rédige aussi un mémoire pour appuyer les époux, car pour lui leur cause est conforme à la volonté royale : « Plaise à S.M. par ses lettres de cachet mander à M. Le Chancelier et à M. le vicomte Regent de la Chancellerie de S.M. en cette province que ou le cas arrive que l’on veuille mettre en dispute l’effect de ladite declaration contre ladite dame comtesse et les siens, ils n’ayent à y donner aucun lieu, ains ayent à y remedier adroictement, selon qu’il a esté pratiqué en d’autres pareils rencontres pour soustenir les ordres des roys »[145]. On ne connaît pas la suite de l’affaire, mais tout cela montre que le crédit de l’époux se joignait avantageusement à l’habileté et à la fortune de l’épouse. La même année, le vice-roi Mercoeur fait faire un acte en leur faveur, qui leur donne tous les droits que Joan de Boxadors, frère du premier mari de la marquise, avait sur les biens de ses parents, notamment le comté de Çavellà et la baronnie de Vallmoll[146] : il est possible qu’elle ait joui de tout ce patrimoine dès son premier mariage en 1642, et au-delà, et que cet acte ne soit qu’une confirmation voulue par la prudence des époux. En tout été de cause, de tels dons étaient absolument exorbitants, quand on pense que le remariage des femmes était rare, et la séparation des patrimoines très forte en Catalogne : Marcilly se retrouvait indirectement possesseur de tout le patrimoine de la famille du premier mari de son épouse.

Lorsque Marca présente le mariage de Marcilly à son ministre, il évoque aussi un autre projet qui lui tient à cœur, et pour cause, il concerne sa propre famille : Marca propose de marier son fils à l’héritière du comté de Santa Coloma. Ce dessein a inspiré un commentaire acerbe à l’historien Sanabre, inséré au milieu d’une condamnation générale du personnage et de l’action de Marca : « Pour donner son aperçu moral, nous ferons mention de deux notes qui révèlent ses intentions. Deux objectifs des manœuvres des dernières années furent s’emparer et contrôler les deux plus riches patrimoines de Catalogne, essayant de conclure un mariage entre son fils et la fille du Santa Coloma, considérée comme l’héritière du patrimoine de cette maison comtale et qui après l’assassinat de son père continua à être enfermée au couvent de Junqueras ; et obtenir pour son secrétaire et parent le prêtre français Faget la charge d’administrateur du patrimoine de la puissante maison de Cardona, qu’il exerça pendant une large période »[147]. Nous avons déjà analysé l’administration de l’abbé Faget[148], et nous aurons l’occasion d’y revenir encore car il restera en charge au moins jusqu’au départ de Marca. Il importe maintenant d’étudier en détail le projet échafaudé par Marca autour du comté de Santa Coloma, ce qui va nous amener à nuancer quelque peu les considérations de Sanabre. A la base, le comté appartenait à Dalmau de Queralt, l’ancien vice-roi de Catalogne assassiné lors de la révolte en 1640. Les héritiers masculins étant passés du côté castillan, le comté avait été confisqué. Mais il faisait partie de ces rares biens qui, de façon délibérée, n’étaient pas donnés à des particuliers : c’était un des plus lucratifs (entre 24 et 27 000 livres tournois de rente, d’après Marca) ; aussi ses revenus étaient-ils réservés au paiement des salaires des vice-rois et, de façon ponctuelle, de certaines dépenses extraordinaires. La gestion en revenait au trésorier de Catalogne, Jaume Bru. Mais la situation n’était pas claire sur le plan juridique : si les fils du défunt comte, Garau et Lluis de Queralt, étaient du côté des ennemis (le premier avait épousé la fille du marquis d’Aitona), sa fille, Maria de Queralt, demeurait en Catalogne, soigneusement cloîtrée au couvent de Junqueras. En 1645 s’était ouvert un procès, que nous avons relaté plus haut[149], au cours duquel l’avocat fiscal patrimonial Peralta avait défendu la surséance de la confiscation, attendu que le testament du comte spécifiait qu’au cas où l’héritier du comté tomberait dans le crime de lèse-majesté, l’autre héritier le plus proche lui serait substitué. Le procès paraît avoir été sursis, devant la farouche opposition de Marca, qui défendait la confiscation au nom du bien public, et les sévères avertissements du roi, qui relayait son opinion. En 1648, c’est donc probablement le statu quo, le vice-roi continuant à se payer sur les revenus du comté[150], et les sources ne dous donnant pas de nouvelle trace du procès. Il ne se réouvre qu’au tournant de 1648 et 1649.

Un procès du même type est mis sur la table, celui de Baltasar Cárcer, dont on propose d’annuler la confiscation de patrimoine. En janvier 1649, Marca se trouve seul en Catalogne depuis le départ de Schomberg. En l’absence de vice-roi, il craint que le gouvernement de Catalogne et la justice ne s’écroulent. Ainsi appréhende-t-il que le sens pris par ce procès, dont l’issue est proche, n’influence de façon néfaste le jugement de l’affaire de Santa Coloma. Il tente d’intervenir dans le déroulement de la justice.

« On presse dans l’audience le jugement d’un proces de Carcer, ou il s’agist de la clause de substitution qui appelle le frere tombe dans le crime de lezemajesté. Le jugement de cette cause est un prejugé pour le procés du comté de Sainte Colome. Je suis en peine pour le retardement du jugement de ces instances. Et fais estat de proposer aux juges qu’il fault vuider la question en theze avec les Trois Chambres en presence d’un viceroy. Cependant il seroit à propos qu’il vous pleût, Monsieur, faire dresser en latin, une consultation à Paris en faveur du Roy par quelques advocats sçavans aux loix, et qui n’epargnassent point la citation des docteurs. M. Heraud seroit propre à faire cette piece. Je pense que cette raison ne sera pas des moindres pour le roi. Que cette clause est contraire au droit public, aux bonnes moeurs, et à la seureté de l’Estat, en luy ostant les gages qu’il a sur les biens des sujets pour leur fidelité envers le prince et leur patrie. Si j’avois bientôt cette consultation, je penserois ébranler les juges, qui n’ont point de constitution pour cette decision, mais seulement les raisons de droit, et l’autorité des docteurs.

 

Au reste, je suis obligé de repeter en cet endroict que si le comté de Sainte Colome est mis hors les mains du roy, yl n’y a point d’autre fonds pour l’assignation des gages d’un viceroi, que les vicomtés d’Evol et de Canet : Les autres biens estans divisés en plusieurs petits membres, qui ne sont pas de valeur suffisante »[151].

A ce moment-là, la prose de Marca se situe dans la droite ligne des positions qu’il défendait depuis des années : la conservation par le roi de tous les biens confisqués qu’il pourrait encore garder, c’est-à-dire ceux n’ayant pas encore été donnés. Ainsi avait-il proposé de réunir Canet et Evol au domaine royal. Et, la couronne ayant préféré ne rien faire sur ce point-là après le refus de Schomberg d’enregistrer cette réunion, Marca avait en janvier 1649 de fortes raisons de se demander s’il resterait bientôt un fonds suffisant pour les gages du vice-roi. Plus encore, quelque temps après cette missive, la vicomté de Canet serait donnée au Régent Fontanella… Pour revenir à la question judiciaire de Santa Coloma, Marca a imaginé une double solution, répondant principalement à la nécessité de gagner du temps pour éviter une conclusion rapide dans un sens qu’il veut éviter : proposer aux Trois Chambres, c’est-à-dire les trois salas de l’Audience présidées respectivement par le Chancelier, par le Régent et le doyen des docteurs, de juger le procès – c’est pour lui un moyen de réduire l’influence de son ennemi Fontanella ; puis, en vue de cette procédure, qui n’aura pas lieu tout de suite, faire rédiger une consultation par un juriste français. Mais on vu à plusieurs reprises à quel point les juges pouvaient se montrer rigides et inflexibles ; plus encore, on a vu combien leur appartenance à des factions pouvait déjouer les menées de Marca. Il semble que cet expédient, difficilement acceptable par les juges en l’état, n’ait pas vu le jour.

Marca part donc de ces précédents, et de ce semi constat d’échec, pour imaginer une nouvelle solution. Il considère tous les moyens qui lui restent afin d’éviter que le comté ne tombe dans le giron des mal affectes, par manipulation des curateurs de l’héritière. Cette fois, il ne trouve pas sa botte secrète dans le domaine judiciaire, puisque les magistrats sont velléitaires et peu flexibles. Son stratagème, au contraire, met en jeu sa propre famille et semble favoriser ses intérêts personnels… Après s’être réjoui du mariage du marquis de Marcilly – et sans doute est-ce cet événement qui lui a inspiré sa propre idée –, il passe directement à son projet.

« Cette matiere m’oblige de joindre à celle-ci un memoire secret, qui contient l’ouverture que mes amis m’ont faite d’un mariage pour mon fils en ce pais de Catalogne. J’ai creu que je devois remettre toutes choses à la bonté que vous avez pour moÿ, qui m’accordera les expeditions que je demande, ou me les reffusera pour mon bien, surquoi je vous supplie tres humblement de m’honorer bientost de vostre responce. J’envoye autant de ce memoire à M. le Chancelier, que je vous supplie donner ordre pour luy estre rendu, et lui faire scavoir vos sentimens. Je vous prie, Monsieur, d’excuser ma liberté, et pardonner à l’affection d’un pere »[152].

Dans cette lettre, le projet est présenté comme une « ouverture » proposée par les « amis » de Marca, comme une grâce qu’il demande. Mais en fait, la requête est directement liée au procès ouvert à l’Audience, et on comprend bien qu’il en est le seul instigateur. Le mémoire joint est présent sous forme de copie avec la copie de la lettre, dans les registres de la correspondance de Marca[153]. On en conserve un autre exemplaire, cette fois original, au sein des anciens papiers du chancelier Séguier passés à Saint-Germain-des-Prés[154] : c’est la preuve que, comme le dit Marca, il s’était aussi adressé au chancelier de France, son protecteur. Le lecteur se reportera à l’édition de cette curieuse pièce, que nous donnons en annexe. Les tenants et les aboutissants du procès y sont tout d’abord rappelés : la clause du testament du grand-père de Maria de Queralt, « d’où cette dame conclut, que comme son frere Louis est privé de la succession par son crime, elle en devient la maistresse de plain droict » ; le fait que le procès de Cárcer a été jugé dans un sens dangereux : l’Audience a « rendu sentence en une cause semblable contre le Fisque, au profit du substitué. Et le proces de Ste Colome auroit eu desia un pareil evenement, sans le soin que lon a pris d’en retarder le jugement ». En plus de cela, un fait nouveau : Lluis de Queralt, qui s’est retiré dans un couvent bernardin en Galice, n’a pas néanmoins abandonné l’intérêt du patrimoine de sa maison et a dépêché auprès de sa sœur une personne « afin de la presser de se retirer à Madrid, pour y estre mariee avantageusement, lui faisant esperer que par la paix, elle recouvera le Comté de Ste Colome ». Si on a assuré à Marca que la dame a écarté cette possibilité, s’il le mentionne dans le mémoire, c’est qu’elle est encore en risque de changer d’avis et de s’échapper…

Pierre de Marca, nommé évêque de Couserans puis ordonné prêtre en 1648, n’en était pas moins père de famille, de son mariage avec Marguerite de Forgues, morte en 1631. Parmi ses enfants, un seul fils, Galactoire de Marca (1624-1689), qu’il avait réussi à faire nommer président du Parlement de Navarre pour lui succéder dans cette charge qu’il exerçait avant d’être évêque. C’est donc ce fils qui devient l’instrument du stratagème inventé par Marca pour empêcher que le comté de Santa Coloma ne tombe aux mains des mal affectes :

« Il importe pour le service du Roi, que cette fille soit mariee s’il se peut à un Francois, plustost qu’a un Catalan, ou à un Castillan.

 

Pour cet effect, on represente, que le sieur de Marca a un fils bienfaict du corps et de l’esprit, aagé de vingt cinq ans, prudent audela de son aage, et qui nonobstant qu’il soit president au Parlement de Navarre, est adroict à monter à cheval, et à faire des armes. Il est conneu, et est en tres bonne reputation dans Barcelone, ou il a sejourné quelques mois, et s’est exercé à la langue catalane et espagnole ».

On l’a bien lu dans la lettre de Marca à Le Tellier où ce mémoire se trouvait joint : il fallait que le ministre pardonne « à l’affection d’un pere » ; en effet ce passage où le fils est montré comme « prudent audela de son aage » sent bien son admiration paternelle. Galactoire de Marca avait résidé quelque temps auprès de son père en Catalogne, de même que plusieurs membres de sa famille comme ses neveux les militaires Rébanacq et d’Escoubès[155]. Ainsi, Marca propose ce fils comme parti pour Maria de Queralt. Mais la clause qui traite spécifiquement du mariage ne manque pas de piquant : certes, « On croid que donna Marie de Queralt seroit bien aise de se marier avec ledit sieur de Marca fils, mais pour l’y obliger entierement » (obliger a évidemment le sens du XVIIe siècle… quoique…) Marca demande à Le Tellier un « brevet secret » afin que le comté de Santa Coloma soit donné à son fils. C’est bien là un genre de contrainte pour la jeune fille qui devra consentir à ce mariage pour espérer jouir du bien de sa famille… « duquel l’on ne se servira point, sinon en cas que le mariage se face ». Le procédé imaginé pulvérise donc tout le danger du procès. Plus encore, Marca prescrit qu’il s’achève le plus vite possible en faveur de la dame, si d’aventure on veut bien lui accorder le brevet pour son fils. Une dernière raison exposée relève là encore de l’habileté rhétorique de l’auteur. Il s’agit d’une demande supplémentaire, à la limite sans rapport aucun avec la Catalogne, qui est insérée dans le mémoire. Marca veut un marquisat pour son fils en y ajoutant des terres patrimoniales de sa famille. Ce passage n’est pas sans rappeler les stratagèmes si complexes imaginés pour que le Gouverneur Margarit puisse se former un majorat sous le nom de marquisat d’Aguilar. Et on retrouve là le goût de prestige de la noblesse catalane avide de titres.

« Et d’autant que les filles de ce pais sont desireuses de tiltres en la personne de leurs maris, pour parvenir à ce mariage il seroit necessaire qu’il pleut à Sa Majesté d’accorder par un brevet secret […] l’erection des seigneuries de Monclar, de Laur, et Gourrets, unies avec le fief de la maison noble de Marca en Bearn, en marquisat de Marca ».

La prétention est tout à fait symbolique. En effet, la famille de Marca est d’origine marchande, il s’agit d’un nom patronymique, et non d’une localité. Ce tour de passe passe visant à rehausser le prestige de sa lignée en créant ex nihilo un marquisat de toutes pièces est typique des mentalités du temps. Ainsi, comment le visiteur général ne pouvait-il pas comprendre la vanité de Josep de Margarit, désireux de devenir marquis d’Aitona à la place du marquis d’Aitona, quand il était prêt lui-même à une demande de la même étoffe ? Cela correspondait aussi pleinement, enfin, à son désir de fusionner les noblesse : les Marca en auraient été l’incarnation.

Toutefois, la réaction de Le Tellier face à une démarche aussi audacieuse est évidemment négative. Dans sa réponse à Marca, on voit cependant qu’il s’est pourtant servi du contenu de son mémoire pour élaborer sa propre décision.

« Comme lon avoit desia refusé à monsieur de Marsin de luy donner cette piece, et mesmes le revenu dont il se contentoit, voyant qu’il ne pouvoit obtenir la proprietté, aussy lon na pas jugé vous pouvoir gratiffier ny de l’un ny de l’autre. Mais afin que mademoiselle de Sainte Colome ne puisse à la persuasion de ses proches se retirer en Castille pour s’y marier, et que si elle a à prendre cette condition, ce soit avec une pesonne qui soit dans l’obeissance du roy et affectionnée à son service, Sa Majesté escrit à monsieur dom Joseph Marguerith qu’il fasse entendre avec toute la douceur et la courtoisie possible à ladite damoiselle, de la part de Sa Majesté, qu’ayant sa personne et ses interestz en consideration, elle ne desire pas qu’elle entende à aucun mariage que Sa Majesté ne l’aprouve, l’asseurant qu’elle ne veut point qu’elle entre en aucune alliance, que pour son entiere satisfaction et utilité. Que cependant ledit Sr dom Josep prenne les precautions necessaires pour faire qu’elle ne sorte de la maison religieuse ou elle est et qu’il en advertisse la superieure, pour plus grande seureté »[156].

On ne peut s’empêcher de voir un brin d’humour dans ces phrases du ministre. La jeune fille sera traitée « avec toute la douceur et la courtoisie possible », mais dans les faits, elle continuera à être recluse au couvent, et avec une surveillance plus accrue encore qu’avant. Il est absolument exact qu’on a « sa personne et ses interestz en consideration », dans tous les sens du terme : ses intérêts touchent ceux de la couronne. Maria de Queralt est donc le parti le plus stratégique et le plus sensible de tout la Catalogne. Sous les mots de Le Tellier, on peut lire une intention cachée : en réalité, on préfère qu’elle ne se marie pas. Et si elle pouvait avoir la vocation religieuse, ce serait mieux. La formulation de la missive du roi à Margarit, prié d’aller « parler » à la jeune fille, est encore plus mordante :

« Qu’elle n’entende à aucun mariage que prealablement je ne l’approuve, l’asseurant que je ne veux point qu’elle entre en aucune alliance que pour son entiere satisfaction et utilité, et luy explicquant la chose avec toute la courtoisie que le sexe et la condition de la personne requierent, qui se peuvent, et en prenant les precautions necessaires pour faire qu’elle ne sorte pas de la maison religieuse ou elle est presentement »[157].

L’aspect « militaire » d’une telle réclusion est accrédité par le fait qu’au même moment Le Tellier écrit au maréchal Marchin pour veiller au bon déroulement des ordres :

« Qu’elle n’escoute aucune proposition de mariage que Sa Majesté n’y soit informée, qu’il fasse entendre la mesme chose à la superieure de la maison, afin qu’il ny arrive aucune contravention, c’est dequoy i’ay pensé vous debvoir donner advis, afin que vous y teniez la main… »[158]

Ainsi, la demande de Marca n’est pas seulement et uniquement, comme le jugeait Sanabre sans avoir étudié l’ensemble de l’affaire, rattachable à son désir d’agumenter son patrimoine et de s’enrichir aux dépens des Catalans. Lisons ce que Marca, après avoir eu connaissance de la décision de Le Tellier, a voulu lui répondre pour ne pas paraître froissé par ce refus.

« Au reste je vous supplie de ne me tenir pas pour si peu consideré que j’aye pretendu vous demander, ny la proprieté, ni la jouissance du comté de Sainte Colome, puisque j’ay representé tousjours que les dons des biens confisqués en faveur des François offençoient jusques au bout les Catalans, et prejudicioient à l’Estat. Je n’aÿ proposé qu’un aveu pour un traitté de mariage, et pour le favoriser un don secret sans execution sinon au cas de la conclusion du traitté, me suffisant que l’on ne l’ait pas agreable »[159].

Le projet qu’il avait échafaudé se situe donc au cœur d’une longue expérience du pouvoir et d’un faisceau de faits complexes mettant en jeu une conception de l’autorité royale. Il est avant tout fonction d’un long procès, ouvert depuis 1645 au moins, dont l’enjeu central touchait la haute politique : la validité de la décision du monarque et sa primauté face à des jugements basés sur l’autorité des docteurs et la jurisprudence. De sorte qu’on pourrait conclure en empruntant les mots de Thierry Issartel, qui nuancent décisivement tout jugement trop tranché : « Dans tous les domaines, qu’ils soient politiques ou religieux, Pierre de Marca était favorable à une pratique souple de la Tradition, et toutes ses études historiques était là pour prouver que celle-ci a connu bien des changements et des inflexions. Le droit divin du roi, lui, est intangible » [160]. Quant aux intérêts personnels, ils ne sont certes pas totalement absents, mais, comme dans les actes de la plupart des protagonistes que nous sommes amenés à croiser, ils sont compris dans un sincère souci de la raison d’Etat. Le mariage mixte imaginé par le visiteur général prend place dans une conception générale du pouvoir français en Catalogne : Marca pouvait penser installer sa famille sur cette terre, à cheval avec le Béarn, parce qu’il désirait profondément que le gouvernement français en Catalogne, justifié par l’histoire médiévale, se perpétue. Des concepts aux évènements, il y avait néanmoins une fatale distance.

 

2.            Derniers combats de Pierre de Marca en Catalogne

Bataille avec le Conseil des Cent pour obtenir un nouveau prêt : le Conseil tente d’imposer une taxe sur les biens confisqués

 

Lorsque le duc de Mercoeur quitte la Catalogne, le 17 décembre 1650, il laisse une nouvelle fois Pierre de Marca exercer en interrègne, dans un contexte terrifiant : avancée des forces espagnoles vers Barcelona, perte de tous les postes français, impuissance de la cour enfoncée dans les troubles de la Fronde, croissance d’une épidémie de peste à Barcelona. Sanabre intitule son chapitre consacré à cette période : « Effondrement général de la structure politique française organisée en Catalogne » (« Desmoronamiento general de la estructura política francesa organizada en Cataluña »). Nous venons de voir au chapitre précédent que de 1648 à la chute de 1652, une partie des gouvernants français, et Marca lui-même, n’avaient pas totalement abandonné l’idée de Catalogne française, fût-ce sur le plan symbolique, et y compris dans les moments les plus critiques. Nous allons voir maintenant que pendant le dernier interrègne où il reste la principale figure à Barcelona – avec le marquis de Saint-Mégrin[161], nommé lieutenant-général des armes de Catalogne en décembre – Pierre de Marca, tout en attendant avec impatience le moment de son congés demandé depuis plusieurs semaines déjà, continue à faire d’importants efforts pour sauver ce qui peut l’être, et pour trouver des expédients pratiques aux incertitudes qui entourent la question des confiscations. Notre parti n’est donc pas de faire la chronique d’une « fin annoncée », mais de suivre avec application le rôle respectif des acteurs impliqués et la mise en place de leurs initiatives concrètes répondant à la substance des fonctions qu’ils exerçaient encore. Il fallait continuer à gérer les biens confisqués, et pour Marca il n’était pas du tout question de les abandonner à leur sort. Avant de continuer, il importe d’introduire quelques éléments indispensables afin de donner l’idée la plus juste possibles des confiscations au tournant de 1650 et 1651. La perte par les Français de toutes les régions de l’Ebre au début de l’automne 1650, avec la prise des places stratégiques de Flix et de Miravet, puis la chute décisive de Tortosa en décembre, se double d’un échec à reprendre militairement le Val d’Aran, tombé l’année précédente. Désormais la zone d’obédience française se limite à l’Ouest par le Panadés, au Nord par le Pallars. Cette importante variation géographique entraîne de facto la suspension des confiscations dans les régions perdues. On a pu observer au cours de notre travail que les biens confisqués étaient particulièrement nombreux dans les régions de l’Ebre, en raison de la proximité de Lleida et de l’ampleur de l’exil des familles locales, ayant préféré rejoindre le parti castillan ; même remarque pour le Val d’Aran où l’ancien gouverneur Toralla avait précipité un grand nombre de familles dans sa trahison en 1643. La prise de Tortosa par Schomberg en 1648, suivi de la saisie des biens de tous les habitants sous prétexte du droit de guerre, avait également entraîné une importante recrudescence du fonds des confiscations, que le maréchal avait immédiatement mise à profit en ordonnant la distribution générale. Ainsi, en 1650, toutes ces confiscations sont désormais sans effet, et les anciens propriétaires ou leurs héritiers s’apprêtent progressivement à regagner leurs anciens domaines. La conséquence pour le gouvernement français est la perte de nombreux revenus que la couronne pourrait potentiellement récupérer si les donations étaient révoquées ; mais les biens situés dans la région de Barcelona, dans l’Urgell et en Empordà restaient encore en main française, particulièrement ceux qui venaient d’être réunis à la trésorerie royale après la conspiration de 1649.

Dans l’immédiat, Pierre de Marca reste en prise avec les dissensions politiques intensifiées pendant la précédente vice-royauté, d’autant que Serroni reste à Barcelona. Ardena et Fontanella sont à la cour, ce dont il nourrit d’importantes appréhensions. Sa prise de position en faveur des gouverneurs français, particulièrement Sainte-Colombe, et son démenti permanent du discours offensif de Fontanella (pourtant validé par les faits, indépendamment de la partialité du Régent), a considérablement entaché sa réputation auprès des Catalans. Sa communication avec les Consistoires, plus particulièrement, est ralentie voire annihilée par les derniers évènements. Effet direct de ce refroidissement, la nomination par les Consistoires le 20 décembre 1650 d’un nouvel ambassadeur extraordinaire à la cour afin de réclamer une prompte assistance devant la disette d’argent et de blé, Josep de Pinós[162]. Il s’agit d’un ami de Josep d’Ardena, en mauvais termes avec Josep de Margarit (probablement depuis l’échec de son projet de mariage avec la fille du Gouverneur[163]), qui avait au début de la guerre choisi l’option espagnole en s’exilant à Gênes, mais s’était ensuite rapproché des Français, obtenant même un régiment à son nom sur les instances de Mercoeur. La faveur portée à Pinós, avec l’assentiment de Mazarin, était largement due au fait qu’il était proche parent de toute la meilleure noblesse de Catalogne. La posture politique initiale de Pinós inspirait à Marca une grande méfiance, confirmée par ses familiarités avec Ardena et Fontanella : à plusieurs reprises il avait mis en doute sa fidélité, dans sa correspondance avec Le Tellier. Pinós est très apprécié par l’évêque d’Orange qui, dans une lettre à Mazarin, encense la noblesse et l’illustration de sa famille[164]. Il semble que Serroni mette une application particulière à entretenir d’excellentes relations avec l’ancienne noblesse : c’est du moins ce qui est rapporté dans un Memoire de M. de Marca sur la conduitte de M. l’evesque d’Orange, où ses rapports trop proches avec certaines personnes à la fidélité douteuse sont épinglés. Serroni veut rester à Barcelona, mais Marca s’y oppose en disant qu’il n’a pas charge d’âme, et donc aucune raison de rester en temps de peste : pour lui, son but est de circonvenir le député ecclésiastique et président de la Generalitat, Pau del Rosso, afin de le pousser à composer avec les Espagnols en cas d’offensive. Serroni est également le confident de certains exilés de 1649, et a des relations particulièrement étroites avec Maria de Sentmenat, belle-sœur de l’évêque exilé de Vic, qui prend alors la décision de quitter la ville…

« Dona Maria Semmanat a mis le Conseil Royal hors de peine, qui vouloit obliger l’un ou l’autre de sortir pour commencer à oster les concubinages publiez (…). Cette femme est venue ce matin dans l’eveché pour dire à Dieu à M. l’evesque d’Orange, ce qui est extraordinaire et scandaleux en ce pais. Elle s’arreste à une lieue de la ville pour quelques jours, son mary s’estant esloigné »[165].

Dans la plus grande logique de la lettre qui avait été délivrée peu avant à Josep d’Ardena lors de son départ vers Paris, le Conseil de Cent charge Josep de Pinós de réclamer la révocation des biens confisqués.

« J’oubliois à vous dire que le Conseil de Cent delibera avant hier d’envoyer de nouvelles instructions à don Joseph de Pinos, dans lesquelles il y a un article pour demander à Sa Majesté qu’elle revoque generalement tous les dons qui ont esté faicts des biens confisquez, afin qu’elle puisse employer les revenus aux necessitez de la guerre ; cet article passa sans contradiction, avec l’applaudissement de tous »[166].

Cette revendication propre au Conseil de Cent (la Generalitat ne l’ayant pas mise au rang de ses propres réclamations) n’est pas sans rappeler la rumeur évoquée plus haut dans un « noticiaire » parisien, répandue en novembre 1650, que la révocation effective avait été envoyée en Catalogne par Josep d’Ardena. Peut-être, en la répandant, avait-on voulu pousser la cour à la précipiter, comme en la mettant devant le fait accompli ?

Sur cette question, Marca semble avoir perdu de sa combattivité. Peut-être a-t-il finalement renoncé à harceler Le Tellier pour le convaincre de l’urgence de la révocation. Devant l’indécision constante de la cour, et peut-être aussi en raison de son désir désormais sans retour d’obtenir un congé et de quitter la province, il n’évoque plus la question pendant quelque temps. Il ne renonce pas cependant à favoriser les intérêts de ses plus proches alliés catalans, au contraire, il juge essentiel de conserver leur fidélité dans un moment critique (tenant la Catalogne pour perdue), par la poursuite des bienfaits. Depuis la fin de la vice-royauté de Schomberg, il soutient chaudement les prétentions de Felip de Copons à obtenir le comté de Vallfogona, dont le maréchal lui avait accordé l’usufruit. Le Tellier a bien compris que Marca cherche à ériger Copons en anti-Régent, ce dont il se méfie, craignant les jalousies que cela pourrait engendrer – même si Marca lui rétorque avec quelque raison que la donation de la vicomté de Canet à Fontanella en soulèvera toujours de plus importantes[167]. Avant l’arrivée de Mercoeur en 1650, il promet d’expédier les lettres patentes « dans deux mois au plus tard », mais l’affaire est ensuite noyée[168]. C’est dans les derniers temps de la vice-royauté de Mercoeur que Marca la soulève à nouveau et écrit au ministre pour l’avancer. Le Tellier répond pendant le voyage du vice-roi vers Paris : « on attend l’arrivée de monsieur le duc de Mercoeur pour prendre resolution sur les pretentions de dom Philippe Copons, de Tamarit et de Eguaviva, en faveurs desquelles j’essaierai de faire valloir vos recommandations »[169]. En effet, Marca a associé les intérêts de Felip de Copons, revenu déçu de son ambassade à Bordeaux, n’ayant pas obtenu l’expédition du don qu’il sollicitait depuis 1648, à ceux de son beau-père Tamarit. En janvier 1651, Copons obtient enfin ses lettres patentes[170]. Il est significatif que cette réussite ait lieu sous l’interrègne de Marca, en absence de vice-roi. Mercoeur, de retour à Paris, a probablement soutenu Copons à la cour. Mais l’envoi de ces lettres patentes montre qu’il n’est pas besoin de vice-roi pour dispenser la faveur royale, et que celle-là continue même en période de crise. Le don continue toutefois à entretenir la confusion en matière de révocation, ce qui pourrait accréditer l’idée d’une absence de décision délibérée.

Revenons maintenant sur la lettre envoyée par Marca à Le Tellier en novembre 1650, qui rappelait l’importance des services de Copons, ainsi que l’immense autorité morale représentée par son beau-père le lloctinent del Mestre Racional Francesc de Tamarit, qui par son emprisonnement en 1640 avait déclenché la révolte des Segadors.

« Lorsque don Philipe Copons est allé à la cour, il a creu que l’on ne luy refuseroit point la depeche du don de Valfogona. Neantmoins elle n’a peu estre faicte à cause de vostre absence quoi que Son Eminence le desirat, comme elle temoigne par la lettre qu’elle vous adresse. Vous ne scauriés croire le degré extreme de deplaisir que don Philippe a rapporté de la cour au lieu que tous les mauvais serviteurs en revenoient avec des satisfactions extraordinaires. Je pense qu’il est fort important pour conserver ce bon serviteur de lui donner ce qu’il demande touchant le don de ce domaine. Si l’on revoque les autres dons, celui-cy sera dans la loi des autres, mais il faudra mettre don Philippe dans le rang de ceux qui sont exceptés de la rigueur de l’execution et qui meritent de nouvelles lettres.

 

Il y a aussi le sieur Tamarit, qui n’a receu aucune recompense que son office, quoi qu’il soit l’un des principaux instrumens de la conqueste de Catalogne. Il desire sur ses vieux ans la jouissance de l’office de lieutenant du Maistre Rational pour son fils. La coadjutorerie ou survivance est une grace que Sa Majesté peut accorder lorsqu’il y a de grandes considerations sans lesquelles c’est plustost une facilité qu’une juste liberalité, et au lieu de tenir lieu de recompense lorsqu’elle est accordée, semble une injure si elle est refusée lorsqu’on l’a rendue commune à plusieurs. S’il y eut jamais raison pour accorder survivance, c’est celle qu’allegue le sieur Tamarit, qui pese autant que le corps de la principauté de Catalogne »[171].

Cette nouvelle évocation d’un personnage comme Tamarit, assez discret durant toute la période, appelle un commentaire. Pour Marca, il s’agit de s’assurer son poids moral et symbolique. Tamarit étant considéré comme le premier instrument de la révolte catalane, auréolé de son rôle héroïque à la bataille de Montjuïc, première bataille franco-catalane, sa présence doit être aux côtés des Français lorsque les Espagnols menacent de remettre pied à Barcelona. En quelque sorte, de 1641 à 1651, la boucle est bouclée. L’initiative semble cependant plutôt venir de Marca lui-même, première victime de la position de faiblesse de la France, que de Tamarit. Ce dernier a été plus que discret durant toute la période, n’a demandé aucun bien confisqué contrairement à plusieurs personnages marquants des premiers temps de la révolte (Margarit, Fontanella, Guimerà…), les historiens s’accordant à dire qu’il a commencé à se méfier des Français quand ces derniers ont commencé à installer leur puissance militaire dans le Principat. En 1643, il avait accepté du maréchal de La Mothe une charge très honorable mais assez technique, celle de lloctinent del Mestre Racional, auditeur et contrôleur des comptes de tous les officiers royaux de Catalogne. Par retenue, par modestie peut-être (trait de caractère assez rare chez les personnes que nous étudions), entraînant un dégoût de l’appropriation du bien d’autrui – ce que représentent in fine les confiscations – il s’était limité à demander la survivance de son office pour son fils Miquel. Peut-être la situation militaire de la France permettait-elle alors à Marca de nourrir certains espoirs d’amélioration. Souvenons-nous bien qu’à ce moment, rien n’était joué dans la Fronde. Alors que Mazarin, après avoir regagné Paris avec la cour, se dirigeait vers le théâtre des opérations, le maréchal du Plessis-Praslin, fidèle du cardinal et ancien vainqueur de Rosas en 1645, enlevait la ville de Rethel aux Frondeurs le 13 décembre 1650, victoire symbolique mais surtout provisoire, suivie du fait décisif : la défaite de Turenne et de ses alliés espagnols face à l’armée royale, le 15 décembre. « A l’issue de cette bataille, on put avoir l’impression que Bordeaux et Paris allaient rester dans l’obéissance au roi »[172]. La nouvelle arriva à Barcelona au cours du mois de janvier.

Le véritable problème en Catalogne demeurait la fourniture et le maintien des troupes, et bientôt il contamina toutes les autres affaires civiles et politiques. Marca indiquait qu’il restait seulement dans la province 3000 cavaliers français, 3000 soldats de pied et 1000 catalans, mais le grand nombre de désertions obligeait à réformer la totalité des régiments. Le seul obstacle opposé désormais aux Espagnols consistait en quelques régiments stationnés à Vilafranca del Panadés[173]. En Catalogne, la récolte précédente avait été stérile. Le 15 janvier, Le Tellier ordonne à Saint-Mégrin de licencier une partie de la cavalerie, plus chère à entretenir en raison de la fourniture d’avoine que l’infanterie. De toute façon, l’approvisionnement des forces en blé, théoriquement assuré par l’importation de grain français du Languedoc réservé aux soldats, ne se fait plus car les ports ne laissent plus partir les navires à destination de Catalogne, pour plusieurs raisons concrètes : on sait bien que les cargaisons ne seront pas payées, la couronne ayant déjà un arriéré énorme, de plusieurs années ; d’autre part, la peste qui sévit à Barcelona fait redouter des contagions ; enfin, les corsaires majorquins, qui contrôlent la navigation de Barcelona à Marseille, sont redoutablement efficaces. Les tentatives des conseillers de Barcelona d’envoyer des agents pour acheter des provisions échouent également car la ville est tenue pour infectée[174] – mais la l’épidémie de peste ne sera déclarée officiellement par les Consistoires que le 9 avril, alors qu’elle sévissait depuis plusieurs mois déjà[175].

Fin janvier, Marca fait état d’une situation d’affrontement dramatique avec les Consistoires, directement causée par les problèmes financiers. Les munitionnaires français, excédés par les impayés, ne répondant plus, il est obligé de s’adresser à la ville pour la fourniture de la munition. Les conseillers proposent un nouvel emprunt pour acheter 3000 quartiers de blé. La demande d’emprunt est soumise au Conseil des Cent le 23 janvier, où Marca présente un mémoire et fait, comme à son habitude, une plaidoirie pour défendre sa cause. Si on ne fournit pas les 3000 quartiers de blé, dit-il, les troupes se retireront ou se battront avec les paysans pour le pain. Il leur offre pour caution le prochain blé qui arrivera de Languedoc (mais, en réalité, il doutait lui-même qu’il en arrive un jour). Devant les grandes réticences, soulevées par ce discours qui apparaît comme un inadmissible chantage (ce n’est pas la première fois que Marca recourt à cette stratégie de la peur, qui est un peu celle der la dernière chance), Marca proteste que la pensée que la France veut abandonner le Principat est sacrilège. Mais c’est en réalité sur la question de l’argent que le bât blesse. Marca n’a d’autre caution à offrir que lui-même, et par le passé, on a bien vu qu’il n’était pas solvable, pas plus que ne l’était son maître Louis XIV. C’est là que les conseillers ressortent l’affaire des biens confisqués. Marca est en peine de répliquer sur ce discours-là, puisqu’il considère lui-même la distribution comme scandaleuse…

« Que pour l’execution de notre parole, ils n’auroient recours qu’a eux mesme, ayans en main nostre contract qu’ils pourroient faire valoir de leur authorité, au lieu de gouster cet expedient qui avoit esté desja ouvert au Conseil de Cent de vive voix et par escrit [c’est ce que Marca met en avant]. Ils dirent qu’il valoit mieux s’adresser aux possesseurs des biens confisquez, ou les leur oster pour subvenir aux necessitez publiques, que non pas accabler la ville, qui estoit desja assés ruinée ».

La seule tactique que Marca peut adopter en l’occurrence – et là, il ne s’agit même plus d’habileté – est la défiance, qui succède donc à la peur et au chantage.

« Comme je recognus leur fermeté jusqu’a ne se mouvoir pas de ce que nous disions par escrit que les trouppes et la province se perdroient, je fus contraint de leur dire que je voyois bien leurs pensées plus secrettes, qui estoient de se maintenir pour la France, tout autant qu’elle pourroit les proteger, mais que si nous n’avions pas de quoi subsister, qu’ils souffriroient une retraicte, et nous chargeroient de les avoir abandonnez les premiers, à quoi ils ne repliquerent quoi que ce soit ».

Mais Marca a une bonne relation avec le conseller segon récemment élu, le docteur en médecine Francesc Matheu, ciutadà honrat de Barcelona. Il lui a obtenu des grâces par le passé[176], et continuera à le faire durant son interrègne de 1651, tant sa fonction est stratégique et nécessite sa parfaite collaboration[177]. Le lendemain se son audience au Conseil des Cent, Marca tente de passer par lui pour favoriser son affaire.

« J’ay tenu ce matin le mesme discours au second conseiller qui m’est venu visiter, lequel n’a point resisté à mes soubçons, et neantmoins m’a promis de faire un effort demain matin au conseil pour notre satisfaction ».

Pour donner quelque chance de réussite à la proposition, cet appui est précieux mais ne suffit pas. Comme en mars 1649, Marca et le Gouverneur ont l’initiative de se porter personnellement caution de l’emprunt. Mais à la différence de cette époque, de façon très symbolique pour montrer un gage de bonne volonté et d’honnêteté aux conseillers courroucés par la distribution des biens confisqués, Margarit va jusqu’à proposer de se séparer d’une partie de son patrimoine.

« Apres avoir conferé en suite avec Messieurs de St Megrin et Gouverneur, nous avons respondu par escrit à l’avis des seize offrans l’obligation de nos biens et de nos personnes, et le gouverneur en particulier de remettre en main de la Ville tels de ses lieux qu’elle choisiroit, soit de son ancien patrimoine, soit des biens à luy donnez par le roy. Nous esperons quelque bon succes demain, à faute de ce nous avons arresté de bailler en engagement nostre vaisselle d’argent plutost que de souffrir que les trouppes perissent ».

A ce stade, Marca ignore s’il est encore possible de sauver quelque chose, et considère que le choix est désormais entre les mains des Catalans, qui peuvent choisir l’un ou l’autre parti. Pour lui, l’extrémité de la situation est en grande partie due à l’échec de la politique de gratifications. Il se justifie à son correspondant en disant que tout cela était contre son avis, et sans l’avis des institutions de la province (« sans conseil ») :

« Les profusions des biens confisquez, et ce prodigieux nombre de privileges pour de l’argent, et les autres actions faictes sans conseil ont desrié le gouvernement françois et ont faict perdre le respect aux peuples qui ont en mespris notre nation. A quoy vous savez, Monsieur, que je me suis tousjours opposé, jusqu’a souffrir des injures de la part des vicerois. Les insolences des soldatz et des officiers contre les paisans ont excité une haine ouverte contre nous, laquelle est maintenant dans la balance pour sçavoir si elle pese plus que celle que les Catalans ont contre Castille. Le contrepois consiste en une forte armée, bien munie d’argent et de vivres, et qui soit bientost en campagne »[178].

De la demande que Marca vient de faire au Conseil des Cent, infiniment plus critique et plus dangereuse que celle de mars 1649, dépend désormais la dernière chance d’assurer un avenir de la France en Catalogne.

 

Dans les 10 derniers jours du mois de janvier, pour fuir la peste qui sévit dans la ville, la moitié des habitants, selon Marca, quittent la ville avec leurs meubles. Marca et Margarit, ce dernier exerçant de nouveau les regàlies en l’attente d’un nouveau vice-roi, réunissent les trois chambres de l’Audience, et se résolvent à faire sortir de la ville plusieurs conseillers pour exécuter les instructions du Gouverneur dans les régions, encore tenues par la France, de Vic, de Girona et de la Sagarra, afin de faire venir des vivres à Barcelona. C’est un prélude à la désagrégation des institutions dans la ville. Sans doute approché par Marca et son entourage, Francesc Sangenís fournit pour 351 marcs d’argent en gageant sa vaisselle[179]. Nous le retrouverons bientôt. Les Sangenís seront les principaux fournisseurs d’argent du gouvernement pendant les deux prochaines années, essentiellement Cristòfol, frère de Francesc. En France, après un moment de soulagement permis par la défaite de Turenne en Champagne, les mouvements frondeurs montrent à nouveau leur vivacité. Le transfert des princes de Vincennes au Havre décidé par la cour, au lieu de les affaiblir, accroît la sympathie à leur égard. A Paris, de nombreux clients de Condé répandent des pamphlets et autres mazarinades. Le 20 janvier 1651, le président Molé préconise devant la régente la libération des princes. Gaston d’Orléans s’est rapproché des fondeurs sur le projet d’éloigner Mazarin de la cour. La propagande et les rumeurs vont alors bon train, le roi et sa mère refusant de quitter le Palais-Royal de peur d’être capturés par des émeutiers favorables à Condé. « L’alliance cruciale entre le Parlement et le peuple redevenait possible » (O. Ranum). Dans la nuit du 6 au 7 février 1651, Mazarin part vers Le Havre avec un ordre de libération des princes. Condé revient triomphalement à Paris, mais Mazarin, officiellement en exil, n’est pas disposé à abandonner la partie[180]. Ces évènements, connus à Barcelona dans la seconde moitié du mois, ont-ils un impact négatif sur les difficiles que Marca tente alors avec le Conseil des Cent ? Le 28 février, il décrit à Le Tellier une situation bloquée, les problèmes rencontrés avec les munitionnaires s’étant changés en banqueroute au sens propre du terme. Les conseillers continuent à se refuser au prêt demandé, se figeant à exiger l’établissement d’une taxe qui forcerait les donataires des biens confisqués à participer à l’effort commun.

« Ils ont respondu par escrit qu’ils estoient extremement marris de la necessité ou se trouvoient reduites les troupes du Roy, et qu’ils reconoissoient assés le mauvaises suittes qui en pourroient reussir, mais que l’impuissance de la Ville et de la Deputation les empechant de donner les secours necessaires comme ils avoient faict en d’autres occasions, qu’ils advertiroient leurs ambassadeurs de nostre demande afin qu’il la representent à Sa Majesté pour y pourvoir suivant qu’elle jugeroit apropos. Cependant qu’ils ne trouvoient point autre remede sinon de faire une assemblée de ceux qui avoient esté gratifiés des biens confisquez, et faire un departement sur eux de trois mil cinq cens quartiers de blé et des autres frais qu’il faudroit pour la munition du mois de mars.

 

Sur cette responce pleine de froideur et d’une indiference stoique pour la perte de la province et qui avoit esté deliberée avant que les Consistoires eussent voulu conferer avec M. le Gouverneur qui les avoit appellés pour ce sujet, nous avions perdu toute esperance de secours ».

La réponse, montrée par Marca comme un affront à la France – ce qu’elle est dans une large mesure, il est vrai – se révèle surtout une action dirigée contre lui. Les conseillers informeront leur ambassadeur à la cour, Josep de Pinós, de la demande de Marca, pour qu’il la représente au souverain ; sous-entendu : peut-être que ce dernier la désapprouvera.

Marca fait une nouvelle fois appel aux conseillers de la ville, ayant sans doute encore comme interlocuteur le docteur Matheu – il n’est d’ailleurs pas impossible qu’à la fin de l’année 1649 la dernière élection des conseillers ait été fortement influencée par le gouvernement français. Les conseillers, plus favorables à la demande de Marca, préconisent néanmoins de se relâcher un peu sur le point des biens confisqués. Marca et Margarit sont pour l’heure forcés de faire mine d’accepter, et délivrent un mémoire au Conseil de Cent.

« Neantmoins dans la conference les Conseillers qui sont tres bien disposez, prindrent cœur, et offrirent de traitter l’affaire avec le Conseil de Cent pourveu que l’on prit quelque biais qui peut donner de la satisfaction touchant cette taxe des biens confisquez.

 

  1. le Gouverneur, D. Philipe Copons et moi, apres avoir examiné toutes choses, jugeames qu’il faloit dresser un memoire au sens qui s’ensuit. On represente la necessité survenue par la banqueroute des munitionaires depuis le 20 janvier, les emprunts que les ministres ont faict pour faire la fourniture jusques au premier de mars avec les XXX mille livres que le roy a envoyées. Que M. le Gouverneur avec le Conseil Royal veut proceder à faire des taxes sur les donataires des biens confisquez, mais que l’absence de la plus grande partie ne permet pas de la faire, ni d’exiger le recouvrement aussi promptement qu’il seroit besoin. Cependant, pour empecher le depenssement des troupes, et attendant l’arrivée du munitionnaire qui remboursera toutes les avances, les officiers de l’Audience Royale avoient departy entr’eux la somme de X mille IX cent livres paiable incontinent en deniers ou engagés que d’autres particuliers fourniroient encore jusqu’à VIII mille livres. Que l’on offroit de consigner ces sommes en gages à la Cité, et toutes les sommes qui proviendroient des taxes à faire sur les donataires, la suppliant de fournir ce qu’il faudroit jusques à la concurrance de la somme de L mille livres pour la munition du mois de mars. A la charge que les docteurs de l’Audience ne retireront leurs gages jusques à ce que toute cette somme soit payée par le munitionaire de Sa Majesté Et pour eviter tout soubçon de malversation de ces deniers, on prioit ces Messieurs de vouloir nommer quelque personne pour la direction de cette fourniture ».

Encore une fois, Marca se trouve dans un antagonisme irréductible, face à la position du Conseil des Cent, révélatrice sans doute d’une partie de l’opinion catalane très remontée contre les distributions injustes, mais non exempte de démagogie, la situation concrète empêchant alors de tirer pleinement profit de biens fortement diminués (cf. perte des régions de l’Ebre et de Tortosa) qui même avant le début du reflux militaire français étaient déjà très difficiles à gérer : « l’absence de la plus grande partie [des biens confisqués] ne permet pas de la faire, ni d’exiger le recouvrement aussi promptement qu’il seroit besoin »… Une évolution est cependant perceptible de la part des docteurs du Consell Reial qui, accompagnés de la plus grande partie des magistrats de l’Audience, ont devancé la taxe sur les biens confisqués en se cotisant à hauteur de 10 900 livres. Etait-ce enfin l’effet concret des critiques dont ils étaient l’objet de la part des Français et des Catalans ? La cotisation servirait de gage en faveur de la Cité, pour qu’elle consente son prêt total, et on lui livrerait directement les revenus des taxes sur les donataires qui rentreraient à mesure, et qu’on ne pouvait pas immédiatement percevoir dans leur totalité. La tactique choisie par Marca est de continuer la communication directe avec les conseillers qui, au moyen de leurs amis et contacts, devaient noyauter le Conseil des Cent. Mais cette dernière assemblée allait montrer plus de ressources et de stratagèmes que prévu…

« Ce papier fut communiqué par M. le Gouverneur aux conseillers estant allé incognito de nuit dans la maison de l’un d’entr’eux, qui arresterent d’assembler le lendemain les Conseil de Cent, ou ce memoire seroit porté et animé par le docteur Peralta, advocat fiscal patrimonial, et par le docteur Monjo, juge de cour.

 

L’assemblée de ce Conseil de Cent qui a esté tenu ce jourd’hui à duré cinq heures pour resoudre que les conseillers traicteroient avec la vingt-quatraine de guerre des moiens qu’il y a de contraindre les donnataires des biens confisquez à faire quelque contribution, de quoi l’on traitteroit en suitte avec ceux du Conseil Roial. Ce procedé est un reffus de l’argent que l’on leur demande, et ils veulent s’introduire dans une auctorité qui ne leur appartient pas de taxer les particuliers.

 

Tout nostre secours est reduict aux vingt mil livres mentionnées ci dessus, avec quoi nous irons jusques au Xe de Mars. Apres cela, tout est perdu s’il ne nous arrive quelque secours de France en blés et en deniers, et les blés ont besoin d’escorte, y ayant trois barques arimées de Maillorque qui courent cette cotte » [181].

Le Conseil des Cent a donc utilisé le stratagème le plus couramment utilisé par les institutions catalanes pour reporter aux calendes grecques ou enterrer une question qui les gêne : s’abriter derrière l’extrême complexité des formes et des procédures, en passant par la Junta vint-i-quatrena de guerra (24a de guerra), une commission spéciale nommée pour traiter des affaires de la guerre. Cependant, le fait de confier à cette commission l’étude des « moiens qu’il y a de contraindre les donnataires des biens confisquez à faire quelque contribution » montre que sa résolution dans ce sens est déjà bien avancée. Marca lit cela comme une usurpation d’autorité, conforme aux craintes qu’il exprimait depuis plusieurs années déjà sur la volonté du Conseil des Cent de s’ériger en véritable parlement délibératif de Catalogne (jusqu’à, disait-il, former un « canton de Suisse »[182])… Mais pouvait-on alors l’empêcher ?

A la cour, sur les instances de Josep de Pinós, la question de la dette du roi envers le Conseil des Cent de Barcelona est évoquée au sein du Conseil d’Etat dans les premiers jours de mars. Mais Pinós est forcé de signifier à ses commanditaires que la problématique financière ne pourra pas être résolue dans l’immédiat, les nécessités intérieures de la guerre civile et les arriérés de paiement des fournisseurs du roi provoquant un « cercle vicieux qui ne permettait pas de faire front aux nécessités de la Catalogne ». Le Conseil d’Etat, en l’absence de Mazarin, n’avait pas encore résolu la nomination d’un nouveau vice-roi pour la province[183]. Au même moment, Marca, Saint-Mégrin et Margarit pressent les conseillers de la ville de continuer à insister auprès de la vint-i-quatrena. D’après Marca, l’opposition est menée au Conseil des Cent par Bosser, proche parent du Régent[184], ainsi que par d’autres « créatures » de Fontanella, qui représentent les immenses dépenses déjà faites et le peu de fonds restant à disponibilité. Sur la pression des conseillers, on aborde une nouvelle fois la matière au Conseil de Cent. Deux propositions se font jour : l’une, venant de Francesc Sangenís, dont on a vu la bonne volonté peu avant, prévoit que la ville prête 20 000 livres sous la caution de Saint-Mégrin, Margarit et Marca, avec promesse de les rembourser aux premières charrettes envoyées par le roi. L’autre, venant de Francesc de Miquel, ancien conseller en cap qui avait refusé l’entrée des troupes françaises dans Barcelona, ami intime de Serroni et de Morell, est de prêter seulement 10 000 livres. Miquel raille l’offre des magistrats de l’Audience de participer à l’effort en disant qu’ils le feront pour partie avec de l’argent, pour partie avec des dépôts d’objets en gage, afin de donner illusion de leur bonne volonté et que personne ne les ennuie sur la conservation de leurs gratifications (i.e. les biens confisqués). La ville, dit-il, n’avait pas coutume de recevoir en dépôt « quelques vieux haillons de tapisseries », mais seulement « des joyaux d’or et d’argent »… Aussi, le Conseil considèrerait que toutes les valeurs laissées en gage seraient consignées en deniers, or et argent, peu importe la constitution réelle du gage !

Passée cette séance stérile, Marca demande Pau del Rosso, Morell et Serroni, pour les faire intervenir. Saint-Mégrin les trouve tous les trois en train de se promener dans le cloître de la Seu. Ils répondent qu’il est bien regrettable que la ville ne veuille plus rien prêter, mais que c’est à cause de « l’aversion que l’on avoit contre les personnes qui s’en mesloient », sous entendu, Pierre de Marca… Pau del Rosso fait mine d’aller parler au Conseil, mais c’est peine perdue. Ni lui ni Morell (« quoi qu’il soit certain qu’il a plus de XX mille livres en deniers ») ne peuvent rien prêter. Réunis chez Margarit, les magistrats de l’Audience acceptent de leur côté d’appeler des marchands pour faire chacun son emprunt. Malgré « cet appareil d’argent et de polices », la ville se raidit à présent à n’accepter le prêt de 10 000 livres qu’après avoir réuni une nouvelle fois le Conseil des Cent… Malgré l’avis contraire de Sangenís, qui tente de faire valoir que le seul cautionnement de Saint-Mégrin, Marca et Margarit, suffira amplement, la nouvelle invention du Conseil est d’en exiger un semblable signé par les magistats de l’Audience ! « Ces factieux esperoient que l’on perdroit deux jours à deliberer et à conter de l’argent ». Margarit fait part de la délibaration aux magistrats, qui font dresser un acte de caution. Mais, nouveau coup de théâtre, cet acte se révèle un faux, car en Catalogne « les parties ni les tesmoings ne signent point […], toute la foi demeurant sur la signature du notaire ». Il faut refaire un acte. Mais c’est maintenant du côté des magistrats que cela coince : ils finissent par être échaudés et déclarent qu’ils « ne veulent pas donner avantage aux bourgeois que d’estre exposés à leur passions pour les emprisonner sous prétexte de ce prêt ». Pau del Rosso déclare alors à certains officiers de l’Audience qu’ils ont bien fait de ne rien prêter, car l’argent avancé en 1649 a été volé. Finalement, entre les officiers de l’Audience et divers particuliers comme Sangenís, on obtient un prêt total de 20 000 livres, qui sont délivrées et distribuées le 7 mars. Marca est dévasté par la perspective de l’abandon du pays à cause d’une telle banqueroute. Il avoue qu’il aurait mieux valu laisser la province aux Espagnols avec des conditions favorables plutôt que de la laisser perdre d’une façon aussi honteuse.

Le labyrinthe de palinodies et d’embûches du Conseil et des magistrats montre surtout, si l’on en croit Marca, que les uns et les autres veulent temporiser et conserver leurs propres intérêts. Il cite notamment le cas particulier d’un magistrat qui, par ses réticences, a failli faire tout rater.

« Celui qui pensa troubler tout fut le sieur Orlau, docteur de l’audience, intime du Regent, et donataire de III mille livres de rente constituée des apartenances de la maison du comte de Sainte Colombe, qui juroit qu’il n’avoit ni argent, ni joyaux, ni credit pour 500 livres, à quoi monte sa taxe, et qu’il n’auroit moien de s’empecher d’estre pendu pour cette somme. Le Gouverneur le confondit en lui disant qu’il seroit un des amis qui le racheteroient. Enfin il emprunta une police pour cette somme »[185].

Il semble que la ruine générale des caisses de l’Etat et le manque de numéraire des Consistoires n’ait pas touché également tous les Catalans. Orlau est dépeint depuis longtemps par Marca comme particulièrement avide et avare[186], de même que Morell et Pau del Rosso, ce dernier étant considéré comme l’un des hommes les plus riches de Barcelona. Orlau, lui-même employé au début de la période pour le jugement des procès des biens confisqués, n’a pas cessé au cours des années 1649 et 1650 de réclamer le versement d’une pension sur la baronnie de Bellpuig, fondée sur un privilège à la légalité très contestable[187]. On peut également citer l’exemple très parlant de Josep Miquel Quintana, ancien député du braç reial de la Generalitat et commandant du tercio de Barcelona contre le marquis de Los Velez en 1641, qui avait demandé en 1649 les biens confisqués du marquis de Villasor, en envoyant au roi un mémoire contenant une vision très détaillée de ce patrimoine, preuve qu’il l’avait étudié avec une application proportionnelle à la force de sa convoitise[188]. En 1650, en pleine crise financière, Quintana se porte acquéreur de l’un des biens vendus aux enchères par la Generalitat, un ensemble de maisons et boutiques confisquées à Lluis de Montsuar, situées à Barcelona, « en lo carrer qui va de la plassa Nova a la plassa de Sancta Anna », pour l’importante somme de 4500 livres[189]. Mais quelque temps plus tard, la Generalitat envoie un notaire auprès dudit Quintana, qui a pris possession des maisons en question sans avoir payé un sou du prix convenu, afin de lui signifier que s’il ne le règle pas, il sera procédé contre lui et ses biens[190]. On ignore la suite de l’affaire, mais, peu après, Quintana est nommé receveur des droits revenant à la Generalitat (« exactor del General »)[191]… ces mêmes droits (exemple, le droit de la bolla, sur les tissus) qui rentraient dans les caisses avec de plus en plus de difficulté, une grande partie des territoires qui les fournissaient étant passés à l’ennemi. On le trouve également qualifié de « regent dels comptes » de la même institution[192]. Ainsi il serait trop rapide et inexact de représenter, dans cette Barcelona en veille de siège, des Catalans rançonnés et escroqués par des Français désireux de partir avec la caisse – même si, nous le reverrons, le désordre politique de la Fronde favorisait les malversations. Les efforts de Marca, de Saint-Mégrin et de Margarit sont avant tout politiques : il y a chez eux un désir puissant de conserver Barcelona à la France, et Margarit le prouvera jusqu’aux extrémités. Cela n’empêche pas certains particuliers de chercher leur intérêt, même dans les circonstances les plus difficiles. On y ajoutera le fait que tous les prêts consentis n’étaient probablement pas sans intérêts, au sens bancaire du terme. Mais, pour la monarchie française, l’emprunt est un mode de fonctionnement, et ce n’est pas ça qui pose problème.

 

Le Conseil des Cent, sur la prédiction d’une religieuse, espère la restitution des biens confisqués à leurs anciens propriétaires pour que Dieu sauve Barcelona de la peste

 

Les affaires politiques, à l’image des deux années précédentes, se dégradent d’une façon strictement parallèle en France et en Catalogne. A Paris, Anne d’Autriche est comme l’otage du prince de Condé, dont elle est obligée de suivre les avis. Sur la pression des nobles et du clergé, elle accepte de convoquer les états généraux, mais à une date postérieure à la majorité du roi prévue pour le 5 septembre 1651, dans l’espoir que le roi annule lui-même la convocation. Sans doute sur les instances du prince, elle rappelle au conseil l’ancien ministre de Richelieu, Chavigny, jadis rival de Mazarin. Mais des fissures s’observent entre les coalisés frondeurs : le Parlement est opposé aux états généraux, et, au Conseil, s’opposent désormais les alliés des parlementaires et ceux des nobles frondeurs. Pendant ce temps, Le Tellier restait dans la capitale mais craignait pour sa place car les parlementaires et les alliés de Condé ne cessaient de demander son renvoi ainsi que celui de Lionne, en tant que « créatures » de Mazarin[193]. Il n’est pas certain que Marca ait eu alors une connaissance précise du déroulement précis des évènements parisiens. Le Tellier n’avait sans doute pas le loisir de s’entretenir longuement avec Ardena, Fontanella et Pinós, mais Marca continuait à craindre leur influence et surtout leur éventuel retour. Le 15 mars, Pierre de Marca envoie au ministre un énième mémoire sur la situation de la province, la conduite de Serroni, d’Ardena et de Fontanella. Même si les deux derniers sont encore retenus à la cour, c’est comme s’ils étaient présents sur place, assure Marca : ils manœuvrent à distance toutes leurs « créatures ». C’est à eux qu’il faut directement attribuer les derniers méfaits du Conseil des Cent : Bosser et le conseller quint qui est le « notaire et la créature » du Régent Fontanella[194] ont fait obstacle à la demande de prêt « dans l’esperance qu’ils avoient de la retraite des troupes, par faute de subsistance ». C’est, répète-t-il inlassablement, un artifice du Régent qui veut s’assurer les Espagnols en cas de restitution de sa vicomté de Canet. Lors du siège de Falset par les troupes françaises, le comte d’Ille tarda à empêcher le passage des renforts espagnols venus de Lleida, « estant gai et riant parmy ses amis lorsque l’on craignoit une mauvaise issue de l’entreprise » ; lorsqu’on sut la prise de la ville, il ne put dissimuler « une profonde tristesse »… Quand à Serroni, il est issu d’une famille favorable à l’Espagne et n’a cessé d’appuyer les suspects auprès de Mazarin par l’intermédiaire d’Ondedei. Mais il est détesté par le peuple « pour le passé et parce qu’il est italien »[195]. A la fin du mois, Marca écrit que Josep de Pinós écrit aux Consistoires contre lui, et que par ses intrigues il cherche à exciter une sédition pour le tuer[196].

C’est alors que certaines institutions catalanes pensent à quitter Barcelona par crainte de l’épidémie de peste. Le 21 mars, les membres de la Generalitat commencent à faire leurs bagages et à charger des charrettes pour se sauver ainsi que les membres de leur famille[197], mais c’est malgré l’avis du Conseil des Cent qui le 25 mars, au cours d’une longue délibération, représente les inconvénients qu’il y aurait à laisser Barcelona[198] : dès lors, la collaboration entre les deux Consistoires se distend considérablement. Le 10 avril, les députés débattent et parlent de transporter le siège de la Generalitat à Tarrassa, Manresa, Vic, Girona ou Perpignan, cela dépendra de quelle ville restera exempte de la maladie : tous les officiers versent une somme pour les frais du déménagement. C’est la ville de Tarrassa qui est choisie le 20 avril, et les députés s’y réunissent dès le 22. Beaucoup de membres du chapitre cathédral se sont déjà transportés depuis le début du mois à Granollers, à quelques kilomètres de Barcelona. Toutes ces absences, comme l’observe Pol Meseguer, incitent les organismes restés sur place à s’approprier leurs revenus et leurs biens : le collecteur apostolique Candiotti dénonce alors que le Gouverneur Margarit et le Consell Reial saisissent les revenus des évêchés vacants de Vic et d’Urgell perceptibles dans Barcelona[199]. Marca aussi avait quitté la ville avant le 27 mars, et rejoint le monastère de Sant Jeroni de la Murtra, situé à Badalona[200]. Du fait de son absence, le Conseil des Cent, reclus dans sa ville pestiférée, ne reçoit plus de pressions de sa part. Selon lui, une poignée de factieux continue à entraîner la majorité pour s’opposer aux desseins de Saint-Mégrin, qui entreprend de déplacer des régiments vers Granollers, les factieux disant que c’est pour les faire vivre sur le dos de Barcelona[201]. Le Consell Reial rejoindra lui aussi la ville de Granollers, où se trouvaient la majorité des chanoines de la cathédrale, le 17 juin 1651[202] ; Marca choisira finalement d’y rejoindre le consell, alors que Josep Margarit est resté le seul représentant du roi dans Barcelona, en compagnie de quelques parents et alliés. Du côté de Paris, début avril, le Parlement impose à la reine une déclaration royale excluant les cardinaux du conseil de roi. Condé n’a jamais été aussi puissant et au cours des mois d’avril, mai et juin 1651, il fait nommer ses partisans aux gouvernements, lieutenances et capitaineries des forteresses et régiments dans tout le royaume[203]. Après avoir hésité et fait miroiter la nomination d’un nouveau vice-roi en la personne du maréchal Charles de Monchy, marquis d’Hocquincourt, la cour abandonne provisoirement l’idée d’envoyer un vice-roi et décide de rendre la lieutenance générale des armées de Catalogne au comte de Marchin, qui avait été arrêté en 1649 par Marca mais se trouvait désormais libre et revenu en grâce par la faveur de son maître et ami, le prince de Condé[204]. En même temps la cour prend la décision de nommer Josep de Margarit et Josep d’Ardena, par des pouvoirs identiques, lieutenants-généraux en l’armée de Catalogne « en l’absence et sous l’autorité de monsieur de Marchin »[205]. C’est sans doute, note P. Meseguer, une manœuvre afin de maintenir la « paix entre les élites catalanes »[206], mais qui va bientôt se révéler très maladroite.

La nomination de Marchin déplaît évidemment à la Generalitat qui se plaignait depuis des années de ses usurpations à Tortosa, et au Conseil des Cent, pour son manque de zèle à punir les excès des gouverneurs lors de son dernier mandat. Mais Le Tellier entrevoit que Marca sera le plus fâché, car qui dit Marchin, dit Ardena et Fontanella. Il lui écrit pour lui expliquer la situation.

« Je n’ay point sçeu que Monsieur de Marsin ayt dit ny fait aucune chose pour procurer la liberté à messieurs le comte d’Ille et le Regent Fontanelle de retourner en Catalongne. Mais je ne doubte pas qu’ilz ne fassent tous leurs efforts pour l’obtenir, et il sera assez malaysé de l’empescher. Toutesfois, Sa Majesté qui est informée de ce que vous avez representé sur ce subiect, ne se rendra (peut estre) pas si facillement sur ce point ».

Naturellement, l’ambassade de Pinós a fini par retomber sur la révocation des donations des biens confisqués. Sur ce point, Marca avait lui-même fait remarquer quelques mois auparavant, avant le départ de Mercoeur, que la révocation générale était le souhait de tout les corps de la province. Le Tellier ressort alors la vieille distinction, en disant que la révocation réclamée par Pinós est plus restreinte que Marca ne l’entendait.

« Monsieur de Pinos à bien proposé icy la revocation des dons qui ont esté faits des biens confisquez, non pas ceux faits par le roy, mais seulement de ceux accordez par les viceroys. Et comme en mesme temps il est demeuré d’accord qu’il pourroit y avoir de l’inconvenient à le faire, aussy a til advoüé qu’il n’avoit point de charge d’en presser la resolution. Surquoy la reyne m’a commandé de vous escrire qu’elle desire que vous examiniez avec ceux du pays comment cela pourroit estre receu. S’il est mieux de laisser les choses en l’estat ou elles sont à cet esgard que d’y toucher par revocation, ou s’ilz voudroyent se contenter de faire des taxes sur lesdits biens, soit de ceux accordez par le Roy, soit de ceux dont les viceroys ont disposé, et de donner sur cela vostre bon advis à Sa Majesté qui y conformera sa resolution »[207].

Le commentaire de Le Tellier montre que le ministre, par l’intermédiaire de Pinós qui a donné la version des Consistoires, ou alors de Marca qui lui a retracé l’épisode comme nous l’avons vu plus haut, a eu connaissance du projet de taxation forcé par le Conseil des Cent, qu’il considère comme une possibilité. Il est possible que Pinós ait volontairement atténué les vraies instructions des conseillers, ou du moins qu’il ait été en-dessous des espérances de la frange la plus dure de l’institution, afin de permettre à Fontanella et Ardena la conservation de leurs donations. L’ironie du sort veut qu’une nouvelle fois, Le Tellier demande son avis à Marca et la consultation de la province, alors qu’il l’a déjà fait à de nombreuses reprises. Mais, en l’occurrence, Le Tellier ne sait pas encore que Marca est sorti de Barcelona et qu’il ne pourra plus guère désormais avoir d’étroites communications avec les Consistoires. Depuis 1649, ce qui a changé, c’est aussi l’attitude et la détermination de Marca. Il cherche à s’acquitter le mieux possible de sa tâche, jusqu’au moment où il en sera vraiment relevé, mais n’a en réalité qu’une hâte, celle de quitter la Catalogne. Il met en avant pour cela la prochaine tenue des états de Comminges dont il est le président-né, étant évêque de Couserans. Aussi n’a-t-il plus la même envie de se battre pour la révocation générale, et sa réponse à Le Tellier donne presque l’impression qu’il s’en moque un peu maintenant.

« J’attendrai l’arrivée du viceroi pour deliberer sur ce que je doibs escrire touchant mon congé, si nous pouvons subsister en ce pais jusques à ce temps là. Et pour lors je vous feray sçavoir mon avis sur la revocation des dons des biens confisquez »[208].

Cette phrase signifie bien que, peu importe l’avis qu’il pourra donner, il n’en verra pas les suites puisqu’il sera parti. A la limite, Marca espérait peut-être laisser les choses filer comme elles avaient filé jusqu’à maintenant, et oublier de donner cet avis sans importance. Surtout que ses lettres du mois d’avril et de mai sont le reflet de ses vraies préoccupations du moment : la fourniture des armées, qui est constamment ralentie par les réticences des munitionnaires, les corsaires qui prennent les barques, ou les paysans qui se mettent désormais à voler le blé destiné aux soldats, alors que l’Espagne prépare son armée navale stationnée en Italie à passer sur les côtes de Catalogne. Le tout était de montrer que « nos soins ont soustenu les affaires jusqu’à la derniere extremité et que la necessité de la retraitte, comme elle ne sera point imputée à la cour, ne pourra non plus estre rejettée sur nous, mais sur l’ordre du ciel »[209].

 

Quand les considérations célestes commencent à s’en mêler, dans l’esprit d’un homme pragmatique comme Marca, c’est que le choses sont vraiment désespérées. Début mai, il informe Le Tellier que le collecteur apostolique Candiotti, qui se plaint publiquement que le gouvernement français ait fait saisir les revenus du séquestre d’Urgell, a pris « ses advantages sur les esprits des juges de l’Audience, leur faisant donner des terreurs par des moines et des religieuses tenues en opinion de saincteté qui disoient que la peste chastioit la ville à cause que les juges seculiers avoient violé l’immunité ecclésiastique en chassant du pais les personnes d’eglise malaffectionnées à l’Estat et troublant la chambre apostolique en la jouissance de ses droicts. Ces messieurs aimerent mieux se persuader que ce fleau les affligeoit plutost pour ces actions la que pour la protection ouverte qu’ils donnent aux criminels convaincus de crimes atroces et pour les trahisons, assassinats, vols homicides, adulteres, concubinages publics et autres exces que commettent ordinairement les habitans de cette ville et de la province ». Evidemment, l’allusion aux poursuites des mal affectes, illégales venant d’une autre justice que l’ecclésiastique, et auxquelles Marca avait donné la main depuis son arrivée en Catalogne, sonne comme une accusation personnelle. Les trois salas de l’Audience délibèrent, en l’absence de Marca, et accordent finalement mainlevée du séquestre à Candiotti[210]. Marca fait observer que, comme on n’a point résolu d’envoyer de vice-roi, que le Gouverneur se trouve dans la ville sans communication direct ave le Consell Reial, et que ce dernier ne communique rien à Marca, le gouvernement politique ne peut plus avoir lieu, les juges en exerçant désormais les résidus : la viceregia comme elle était exercée en 1649 est désormais impossible, ce qui est une nouvelle raison de demander son congé[211] – qu’il obtiendra cette fois[212]. Apprenant l’arrivée prochaine de Marchin, mais aussi le retour d’Ardena et de Fontanella, Marca fait part de sa désolation et de celle de Margarit : ce dernier a voulu quitter le service. « Il croit que la cour apporteroit plus de foi à D. Louis de Haro pour les affaires de Catalogne que non pas à luy ni à moi ». Mais Marca l’a ramené à la raison en le faisant espérer l’arrivée d’un nouveau vice-roi. « Il n’est pas aisé d’obtenir des Catalans qu’ils se reconcilient apres s’estre declarés enemis, puisqu’ils mettent entre les qualités de leur nation, qui les distinguent des autres, celle de ne pardonner jamais et de rechercher le moien de la vengeance. Ils se moquent de la facilité des François sur ce poinct, et plus encore de ce que nous croyons qu’ils sont capables de cette faiblesse. Et sans doute en consequence de cette inclination de la nation, un des grands soins qu’auront ceux que l’on a honnorez de nouveaux pouvoirs, ce sera celuy de s’en servir pour opprimer leurs enemis »[213]. Margarit n’est pas le seul à vouloir se retirer. Saint-Mégrin également demande son congé, car il devra servir sous Marchin, qu’il considère comme son égal, ce qu’il ne peut tolérer.

Par l’intermédiaire de l’oïdor militar de la Generalitat et de l’abbé Montpalau, tout juste arrivés à Granollers, Marca apprend une délibération du Conseil des Cent, probablement datée du début du mois de mai, au même moment que le collecteur Candiotti commençait à répandre par l’intermédiaire d’ecclésiastique le bruit que la peste était un châtiment divin contre le gouvernement français.

« Il y a une religieuse capucine, sœur laye dans le couvent de Barcelone, nommée Geltrudis qui est en opinion de saincteté et d’avoir des revelations. Je l’ay veüe avant que sortir de la ville, et ay recogneu qu’elle avoit de la bonté, mais l’esprit un peu foible. Elle me dict que la peste cesseroit si l’on faisait penitence des pechez et si les juges seculiers ne chastioient point les personnes ecclesiastiques. Je lui dis qu’on devoit avoir du respect pour ceux-cy mais que les juges faisoient bien de les éloigner s’ils vouloient troubler la province comme la maistresse chasse des domestiques qui font du bruict dans la maison.

 

Il y a eu des esprits malicieux qui, se servans de cette opinion et de l’occasion de la peste, qui oblige à rechercher tous les moiens de la faire cesser, ont persuadé cette religieuse d’appeler les conseillers de la ville et de leur declarer que pour arrester la maladie il faloit rappeler tous les ecclesiastiques et pardonner à tous les mal affectionnez. La chose proposée au Conseil de Cent, il fut arresté que l’on feroit instance envers S.M. que les prelats et autres ecclesiastiques chassez pour traitres seroient rappellez, comme aussi tous les seculiers qui avoient esté bannis, et que les biens confisquez seroient rendus à leurs maistres. On n’oublia pas aussi la jouissance de l’eveché d’Urgel par le collecteur, dont j’ai desja escrit. Ils prierent par lettres les deputés de se joindre à eux pour faire cette poursuitte, et presserent aussi le Gouverneur et le Conseil Royal de faire valoir leur resolution, laquelle ceux-ci m’avoient cachée, aussi bien que les deputés, quoi que ni les uns ni les autres ne l’ayent point approuvée. Ce qui n’empeche pas que la deliberation du Conseil de Cent ne soit pernicieuse à l’Estat, puisqu’elle desire que tous les enemis du roy vienent dans la province et que tous les biens confisqués soient rendus, quoi que pour ce dernier poinct, la cholere qu’ils ont contre la distribution qui en a esté faicte si mal à propos les porte à souhaiter qu’ils soient rendus aux anciens maistres »[214].

En l’occurrence, les forces célestes recoupent singulièrement des options politiques bien déterminées. Tout un secteur du Conseil des Cent, recoupant d’ailleurs l’opinion de certains membres de la noblesse fâchés de voir leurs parents exilés, voyait d’un bon œil l’annulation des exils et des détentions, que ce soit dans le cas des ecclésiastiques ou des nobles, dont les peines étaient dans bien des cas fragilisées par les privilèges inhérents à ces ordres. A ce sujet plusieurs ambassades avaient été envoyées au duc de Mercoeur, qui avait cependant tenu bon, ne faisant que quelques rémissions ponctuelles à la fin de sa vice-royauté. Dans cette délibération du mois de mai, un nouveau pas a été franchi : la révocation des dons des biens confisqués n’est plus demandée dans le seul intérêt de la couronne (i.e. française), afin que le roi puisse éventuellement en faire une nouvelle distribution, mais également afin d’annuler les confiscations en elles-mêmes. La restitution aux anciens propriétaires, qu’elle ait été le but explicite ou implicite des demandes du Conseil des Cent, était de toute façon inhérente au retour des exilés de 1649 et de 1650 dont on avait confisqué les biens ; partant, il était très fragile d’empêcher également le retour des exilés de 1641 à 1649… La délibération est un signe assez sûr du retournement politique d’une partie du Conseil des Cent, qui se prépare insensiblement à repasser à l’obéissance d’Espagne – mais cette option ne représente pas, soulignons-le, la totalité des membres, et d’autres options vont encore imposer la résistance à l’intérieur de la ville. L’opposition des institutions à Marca et à Margarit est sans aucun doute un autre moteur de cette délibération : au même moment, les députés de la Generalitat, de Tarrassa, écrivent au prince de Condé pour le féliciter d’avoir fait nommer Marchin. Le consistoire, mené par son président Pau del Rosso, garde alors une dangereuse sympathie pour le prince[215]

Mais Marca, qui doit être présent à une conférence prévue le 13 juin entre le Gouverneur et le Consell Reial (c’est par ce type d’entrevues spontanées que le gouvernement politique vivote à ce moment-là), tente de s’insurger contre la délibération superstitieuse et surtout préjudiciable au bien de l’Etat. En cela, il doit à nouveau rivaliser avec Josep d’Ardena, qui depuis le début du mois est revenu en Catalogne pour prendre son grade de lieutenant-général, accompagné du Régent. En route pour Santa Coloma de Gramanet, lieu de la conférence, il apprend que le comte d’Ille a fait en sorte que les députés demandent au Conseil Royal d’empêcher à Marca d’y assister sous prétexte d’un vice de forme, Margarit et lui ne pouvant s’y trouver à la fois. Finalement, le Consell Reial accepte la présence de Marca, qui finit son voyage.

« Je vins à la Torre Paillarese, à la campagne, où se tenoit la conference soubs des chaisnes, un canal de moulin, entre deux le Gouverneur et les conseillers estant assis d’un costé sur des gerbes de blé, et moi avec les deputés et le Conseil Royal de l’autre ayans le vent en poupe pour eviter le mauvais air, dont l’effect parut en presence de tous […].

 

Estant assis, le conseiller en cap proposa qu’ils avoient desiré cette conference pour representer le mauvais estat où la ville estoit reduicte par la violence de la peste, ni restant pas plus de 8000 personnes en santé qui pouvoient encore estre malades le lendemain. Il demanda secours de medecins et de chirurgiens, et l’autorité du Conseil Royal pour leur faire entrer provision de vivres, se plaignant longuement de ce que l’on ne leur envoyoit point un viceroy, de ce que l’on meprisoit la defense de la ville, et enfin il conclud par le desir du Conseil de Cent qui estoit que suivant l’avis de personnes sainctes qui disoient que la peste cesseroit si l’on rappelloit tous ceux qui avoient esté bannis mesme par sentence comme mal affectionnés au service du roy, le Conseil Royal, les deputés et moi mesme escrivissions à Sa Majesté pour obtenir ce rappel. On desira que je parlasse sur les articles de cette proposition […] ».

Marca s’emploie alors à démolir de fond en comble l’initiative du Conseil des Cent, en montrant tout d’abord que la base sur laquelle on veut la faire passer est une superstition, à laquelle il ne faut accorder aucun crédit dans le gouvernement des affaires politiques, qui est une matière sérieuse. Il use en l’occurrence de ses connaissances en théologie et en patristique, pour lesquelles la postérité le connaît d’ailleurs davantage que pour son intermède catalan…

« Je m’arrestai assez longtemps à faire voir la diference qu’il y avoit à proposer le rappel des condamnés comme une affaire politique, ou bien comme un moien propre pour guerir la peste suivant la revelation d’une religieuse. Au premier cas, on considere s’il est plus utile ou ruineux à l’Estat d’accorder ce pardon, mais que le second estoit une superstition : les Conciles et les anciens Peres nous ayans enseigné que c’est choquer la providence de Dieu que d’adjouter aux principes certains qu’il nous a laissés pour la conduitte de l’Eglise, des Estats et des maisons particulieres celui des revelations, pour saintes que soient les personnes à qui elles sont faites.

 

D’autant plus que l’on a recogneu par l’experience de tous les siecles que ces revelations estoient sujetes à plusieurs tromperies, soit du costé des hommes, soit du costé du diable, qui se transforme souvent en ange de lumiere, suivant l’Evangile, pour tromper soubs pretexte du bien qu’il propose. Par consequent, on a jugé que c’estoit une action contraire à la prudence de fonder les deliberations sur des principes incertains. Cette incertitude et la superstition doivent donc empecher qu’en une affaire qui regarde le gouvernement de l’Estat on ne defere point à cette revelation ».

Il introduit également sa propre conception du rapport entre le spirituel et le temporel. Tout pouvoir temporel est voulu par Dieu, et s’y opposer est comme impie.

« Outre que si elle est examinée comme veut l’apostre qui ordonne qu’on verifie si les esprits viennent de Dieu sans s’engager à rechercher si la religieuse qui a faict la revelation a donné assés de preuves de sa saincteté pour adjouter foi à ce qu’elle dict. Il est constant que la chose revelée ne peut proceder de l’esprit de Dieu, la preuve en est claire : qui resiste à la puissance du Prince resiste à la disposition de Dieu, comme dict Saint Paul. Cette revelation choque et la justice de Dieu et celle du roy. Car, voulant que la peste cesse si l’on rappelle les condamnés, elle signifie que la peste est ordonnée pour chastier ces condamnations, ce qui est contraire à la justice de Dieu qui chastie les pechez, mais non pas les bonnes actions, comme sont celles de condamner les traites au roy et à leur patrie, sinon que l’on veuille insinuer que ces sentences sont injustes, en ce qu’il n’y a point de crime à secouer l’obeissance du roy, dont l’auctorité est receuë par les pactes et par une possession de dix années. Cette proposition seroit contraire à l’auctorité du roy et à la tranquilité de la province. Et partant, la revelation d’où naissent tant d’inconveniens ne peut proceder de l’esprit de Dieu. Elle procede sans doubte d’une intrigue de quelque particulier qui veut favoriser le party d’Espagne, faisant estat ou que l’on accordera le pardon aux traitres, auquel cas le party d’Espagne sera pacifié et la division augmentée dans la province, ou bien l’on refusera ce pardon, auquel cas il espere d’exciter une revolte parmi le peuple de Barcelone, comme si le roi et ses ministres refusoient le seul moien qu’on leur persuade qu’il y a de faire cesser la peste ».

De façon à peine sous-entendue, Marca a répondu directement au conseiller sur le fond de l’affaire : savoir si c’est sa propre attitude (évidemment justifiée comme conforme aux ordre du roi et au bon gouvernement) qu’on entend condamner. La suite de la conférence, qui ne traite que de points militaires, est dans la même lancée : les conseillers remontrent que le roi abandonne Barcelona à son sort, mais Marca pousse les conseillers à accepter enfin que des régiments campent aux portes de Barcelona pour la protection de la ville. Pour lui, le fait qu’ils le refusent est un obstacle à la bonne poursuite des opérations. Après une délibération de toute la nuit, le souhait de la religieuse est rejeté « non seulement par le Conseil Royal, mais encore par les députés ; et les conseillers eurent honte de l’avoir tant pressé […]. De sorte que s’ils continuent à faire aucune instance sur cette matiere, ce sera par ce qu’ils sont engagez par une premiere lettre. Mais en effect ils abandonnent cette affaire ». Seul le doyen Pau del Rosso, ami du Régent, refuse l’entrée des troupes françaises dans la ville, et la résolution passe. Il publie qu’il va faire saisir les hardes de Marca, qui lui doit toujours le 18 000 livres empruntées en mars 1649[216].

Toutefois, la requête du Conseil des Cent, expédiée avant la conférence de Santa Coloma de Gramanet, avait effectivement été reçue à la cour. Si Le Tellier et, a fortiori à ce moment précis de la Fronde où il était dominé par Condé, le Conseil d’Etat pouvaient être en désaccord ponctuel avec Marca, évitant de se rallier à tous ses avis, la demande exorbitante des conseillers ne pouvait être acceptée. Le Tellier, qui assure entièrement les affaires de Catalogne et prend les décisions en l’absence de Mazarin, exilé à Brühl – à cause du décalage causé par le temps des courriers entre Paris, Barcelona et Brühl – statue d’une façon peu surprenante. Il a lu les lettres de Marca dans le Conseil, dit-il, et la reine a entièrement approuvé sa conduite[217]. Cela donne lieu à une réponse solennelle sous forme de lettre missive du roi aux conseillers « sur la contagion estant en la ville et pour leur tesmoingner gré des soins qu’ilz apportent à la conservation d’icelle et pour le service du roi », le 29 juin 1651, qui suit entièrement les raisonnements de Marca et réduit la révélation à une simple « superstition » dont il ne faut pas tenir compte.

« Ayant beaucoup consideré et examiné l’instance que vous nous faites pour le pardon général et le retour en notre ville et dans notre province de Catalogne de tous ceux qui s’en sont retirés volontairement pour aller vers nos ennemis déclarés ou qui en ont été bannis pour les avoir favorisés et servis, soit ecclésiastiques ou séculiers de toutes conditions, nous vous dirons qu’encore que le zèle avec lequel vous recherchez devant Dieu les causes du mal extrême dont il permet que vous soyez assiégés et les moyens d’apaiser son ire soit très louable, que de notre part nous ayons toute l’inclination possible à la clémence, et même pour l’exercer envers nos sujets de notredite province, et que nous tenons avec vous les personnes qui vous ont donné les avis sur lesquels votre demande est fondée aussi pieuses et bien intentionnées qu’il se doit pour y prendre créance, néanmoins comme la prudence ne promet pas qu’aux choses de cette conséquence ou il s’agit de la sûreté et conservation de l’Etat l’on forme des résolutions sur des révélations humaines auxquelles l’on ne se peut arrêter sans superstition et qui sont toujours incertaines, lesquelles même en ce sujet l’on peut avoir raison de soupçonner d’avoir été suggérés, nous avons jugé qu’il n’y avait aucun lieu d’infirmer ni de révoquer sur un fondement si léger des sentences données et prononcées avec toutes les formes par des officiers dont la probité et capacité sont bien connues et contre des gens dont la mauvaise affection a été par eux suffisamment avérée, et qu’il est manifeste que le rappel de ceux qu’ils ont condamnés serait plutôt un moyen de perdre que de sauver notredite ville de Barcelone. C’est pourquoi nous ne pouvons l’accorder, vous assurant qu’au surplus il ne nous sera proposé aucune chose pour la santé et le bien de notre ville que nous ne l’embrassions avec une entière affection, et que si nous pouvions y contribuer par quelque voie que ce soit, nous n’attendrions aucunement d’y être exhortés pour l’employer »[218].

Le Tellier adresse cette missive royale à Marca ouverte pour qu’il la délivre aux conseillers. Il a également la charge d’annoncer la nouvelle que la reine a nommé comme vice-roi le duc d’Elbeuf, mais qu’elle décide de donner « par interregne » la vice-royauté à Marchin. Cette dernière mesure ne sera confirmée, dit-il qu’une fois que les Consistoires auront donné leur avis. En attendant on envoie des médailles au conseillers de la ville[219]… Tout cela n’est qu’une dérobade de plus, car les Consistoires demandent l’envoi d’un vice-roi de toute urgence et qu’on le reporte encore à un avenir incertain. D’autant que, peu après, la nomination d’Elbeuf est abandonnée… De son côté, Mazarin juge que les décisions du Conseil sont regrettables, qu’on n’a pas assez assisté la Catalogne : « il estoit plus à propos […] de retrancher quelque chose des troupes et de la despense en Flandres pour mieux assister la Catalogne ; mais à ce que je vois, tout va comme il plaist à Dieu, et pourveu que M. le Surintendant employe le plus pur et le plus net des finances à la satisfaction de quelques particuliers ». Le surintendant, Charles de La Vieuville, est alors attaché aux princes frondeurs[220]

 

Au cours du mois de juin, les troupes du marquis de Mortara avancent rapidement à travers la Catalogne. La nouvelle se répand que la flotte espagnole est en train d’arriver à tout vent des Baléares et des côtes valenciennes. Les réactions sont rapides, Ardena, Marchin, Margarit et Marcilly se réunissent en urgence, et les 2000 hommes de Saint-Mégrin se déplacent vers Barcelona. Cependant, la communication n’est pas bonne entre Ardena et Margarit, en raison de leur ancienne rivalité. Ardena entretient des rapports directs avec le Conseil des Cent, alors que Margarit est dans Barcelona. Il faut cependant préciser que le Conseil multiplie les efforts pour assurer la subsistance de la ville et des soldats, en envoyant de nombreux agents pour acheter des denrées. De Paris, Le Tellier, qui a eu vent des nouveaux affronts entre Margarit et Ardena, et a reçu de nombreuses lettres plaintives du Gouverneur, répond à ce dernier. Il refuse sa démission, lui apprend qu’on a accordé aucun crédit aux « revelations de cette bonne religieuse », et tente de le rassurer sur les intentions de la cour à son égard, en lui faisant parvenir la provision du gouvernement de Tremp pour son ami Jaume d’Erill… Mais il est difficile de justifier la nomination de tous ses ennemis aux postes clefs.

« Sa Majesté a été vivement touchée, apprennant par vos lettres le mal extrême de la ville de Barcelone, dont Sa Majesté reconnaît que la conservation est dûe après l’assistance divine, à vos soins et à ceux de ses fidèles serviteurs et sujets qui exécutent vos ordres et s’exposent comme vous pour le service de leur roi et pour le salut de leur patrie en cette extremité ou peu de gens sont capables de suivre votre exemple. En quoi l’affection de vos proches et parents qui s’y sont jetés avec vous est fort considérée par Sa Majesté, elle désire savoir particulièrement leurs noms et qualités pour les en reconnaître »[221].

Le ministre conseille à Marchin de lui faire « toutes les advances possibles, que vous uziez envers luy de beaucoup de complaisance, et de defference, et qu’enfin vous n’espargniez rien pour vous le reconcilier, et l’engager à une estroite correspondance avec vous » car les Consistoires se sont plaints des rivalités entre les chefs[222]. Pourtant, localement, les coteries sont plus vivaces que jamais. Le bataillon peine à s’organiser, mais le 13 juillet la vint-i-quatrena de guerra nomme Francesc de Mostaros comme mestre de camp du régiment de la ville, pour lequel elle décide une levée de 2000 hommes aux frais de toutes les villes de la Catalogne. Elle nomme également Francesc Sangenís comme veedor del terç, et Francesc Fontanella, frère cadet du Régent, comme gouverneur de l’artillerie[223]. De toute évidence, ce sont des proches d’Ardena et de Fontanella. Mostaros est par sa mère le neveu de Bosser, beau-frère du Régent, et il a déjà eu des heurts avec des proches de Margarit[224]. Mostaros devait venir avec les troupes de Marchin pour défendre le Pla de Barcelona de l’arrivée des troupes ennemies, mais fin juin toujours aucun secours n’était arrivé. En juillet, aux escadres espagnoles de Majorque et de Valence, commencent à s’ajouter celles de Sicile et de Naples, commandées par Don Juan d’Autriche, ainsi que des galères de Gênes, de Sardaigne, et de l’infanterie venue du Milanais. 8000 hommes en tout[225]. Le Régent Fontanella, lui-même envoyé par le Conseil des Cent en compagnie du gouverneur du Roussillon, Banyuls, afin de faire une levée de 500 hommes en Languedoc[226], écrit à la cour que le problème principal est le manque de crédit : la ville de Barcelona et de nombreux particuliers ont prêté de l’argent avec la promesse des vice-rois et n’ont pas été remboursés. Il faudrait payer la ville en faisant une consignation d’au moins 100 000 livres dont 50 000 seraient à donner à Pau del Rosso, aux héritiers d’Eulàlia de Reguer, et d’autres créanciers particuliers[227]. Dans les 10 derniers jours de juillet, l’armée ennemie s’approche des murailles de la ville.

Marca, après avoir reçu son autorisation de partir, a quitté Granollers pour Hostalrich, mais il attend encore l’arrivée de Marchin pour ne pas augmenter la l’impression d’abandon ressentie par les Catalans. Au cours de son séjour à Hostalrich, il reçoit une série de nouvelles qui augmentent sa hâte de quitter la province, et qui montrent la situation politique très sensible de Mazarin et de ses alliés, qui, rappellons-le, sont ses protecteurs. Le 10 juillet, il écrit que l’arrivée de Marchin est prévue pour 4 ou 5 jours, qui sera le moment exact de son départ. Mais le Régent Fontanella, vicomte de Canet depuis son dernier voyage à la cour, ne s’est pas contenté de revenir en Catalogne, ce que Marca aurait déjà voulu à tout prix éviter : il a encore obtenu une gratification démesurée, le comté de Peralada, confisqué à la famille de Rocabertí. Le fait semble incroyable. C’est là que Marca prend définitivement conscience qu’il ne peut plus rien faire. Mais la lettre qu’il écrit alors à Le Tellier, pleine de fatalisme, est également un renseignement direct sur la position chancelante du ministre. Au cours du printemps, le Parlement, électrisé par Gaston d’Orléans et Condé, n’a cessé de demander le renvoi de Le Tellier et de Lionne, alors qu’au Conseil, le prince détient « le contrôle virtuel […] sur la signature royale ». Dans la nuit du 5 au 6 juillet 1651, Condé quitte Paris dans la peur d’un complot contre lui et se retire dans son château de Saint-Maur, d’où il réclame instamment le renvoi de Servien, Lionne et Le Tellier. La régente obtempère et disgrâcie ces ministres[228] : le 19 juillet, Le Tellier abandonne sa charge de secrétaire d’Etat de la guerre, et Lionne doit se retirer en Normandie le 22. Marca, qui n’a pas encore eu vent de ces nouvelles, interprète cependant l’attitude de Le Tellier, qui a dû consentir à couvrir d’honneurs une nouvelle fois le Régent Fontanella, comme un effet de son affaiblissement, entamé dès l’exil de Mazarin.

« Je ne dois pas vous taire, Monsieur, que le nouveau comte de Peralada publie que vous ayant demandé le privilege de ce comté, vous luy fistes responce qu’il en faloit écrire en Catalogne. Sur quoi il vous repartit que si vous le refusiés, il s’adresseroit à d’autres qui vous le feroient faire, et qu’avec ses bravades il vous reduisit au tres humble. C’est une phrase que les Catalans employent pour se moquer des François, qu’ils disent estre bas d’esprit, et ne parler que de tres humble serviteur. C’est au poinct qu’il dict qu’il vous remit, et que vous l’acompagnates jusques à la porte, et lui envoyates à son logis le privilege demie heure apres. Il a adjouté qu’il ne s’est rien faict à la cour que ce qu’il a proposé, et qu’il a obtenu pour soi, et pour ses amis tout ce qu’il a desiré.

 

Je reçois beaucoup d’honneur de ce qu’il dict que je n’ai d’autre appuy que le vostre, qu’il dict estre bien foible, et il faict eclater bien haut mon congé, qu’il dict avoir moyenné sans peine à cause du peu de satisfaction que l’on avoit à la cour de ma personne. Sur quoi il a faict reproche au Conseil Royal (auquel il a debité ces beaux discours, comme il faict à tous les Catalans) de ce qu’ils m’avoient souffert dans la province qui ne faisois qu’espionner leurs actions et que le Parlement de Toulouse ni aucun autre ne m’eût point souffert dans son ressort.

 

C’est ainsi qu’il s’aquitte de la promesse qu’il avoit faicte à la cour de bien vivre avec moi, et avec le marquis d’Aguilar, duquel il se moque ouvertement. Je suis tres aise de sortir d’une province ou je vois les suspects favorisez et rendus puissans pour opprimer les bons. Je serai tousjours dans le sentiment de Caton qui prefera le party de la republique à celuy de Cesar, quoi que les Dieux se declarassent pour celui-cy. Soufrés s’il vous plaist que j’explique cette pensée et mon jugement sur l’Estat present de la Catalogne par le vers du poëte Lucan : Victrix causa Diis placuit, sed victa, Catoni »[229].          

Cette dernière citation a été immortalisée dans Le Tour de Gaule d’Astérix.

Ainsi se termine la période catalane de Pierre de Marca. La dernière lettre qu’il écrit d’Hostalrich sonne comme un exutoire, un moment de défoulement nécessaire après sept ans d’alarmes. Les paroles prêtées à Fontanella sont-elles exactes ? Il est difficile de l’avancer, et d’en trouver des preuves par ailleurs. Significativement, les archives du secrétaire d’Etat de la guerre sont très lacunaires pour cette période précise de la Fronde, mais les lettres patentes donnant le comté de Peralada à Fontanella semblent avoir existé. On a également deux petits mémoires rédigés par Fontanella et adressés à Abel Servien pour réclamer ce don[230]. La possibilité d’une pression de Fontanella sur le ministre, ayant profité de sa situation de faiblesse, n’est pas totalement à exclure, bien que Le Tellier ait été en 1644 l’ennemi du maréchal de La Mothe membre de l’ancienne clientèle de Richelieu, que Fontanella se soit lui-même placé, depuis l’épisode trouble de son voyage à Münster, sous la protection directe du cardinal, et qu’il ait commencé à correspondre directement avec Abel Servien dès son retour en Catalogne, preuve d’un bon contact noué à la cour[231]. On a vu comment les députés de la Generalitat gardaient leur affection pour le prince de Condé, sous l’influence de Pau del Rosso. Daniel Aznar a bien expliqué que les factions catalanes pouvaient alors trouver de l’intérêt à chercher du côté des frondeurs. Et peut-être Fontanella était-il finalement comme le dépeignait Marca, c’est-à-dire désireux de se ménager tous les parties pour en obtenir le plus d’avantages possibles ? Quoi qu’il en soit, sa stratégie lui réussissait. On voit aussi apparaître, le 15 juillet 1651, quelques jours avant la disgrâce de Le Tellier, des lettres patentes établissant le duc de Rohan comme « sequestre des biens confisqués et à confisquer scitués dans la viguerie de Tortose, Castellenie d’Emposte et autres qui pourroient apartenir aux habitans de ces lieux qui se seront declarez contre le service du roy »[232]. Certes, elles devaient être de peu d’effet, puisque Tortosa et sa région étaient retombées aux mains des Espagnols en 1650 ! Mais, sur le principe, c’était rétablir un client de Condé, frère du défunt comte de Chabot qui avait fait tant d’efforts pour obtenir des biens confisqués en Catalogne, dans les biens qui lui étaient contestés par la Generalitat[233]. Le 13 juillet 1651, Marchin arrive à Granollers, où il s’entretient avec Marca sur l’état militaire et politique du pays, et converse avec les autorités présentes sur place[234], après quoi l’ex visiteur général se diriger vers le Roussillon.

Il n’est pas étonnant que dans sa lettre à Le Tellier contenant la « derniere relation que je vous ferai des interests de ce pais », ses ultimes commentaires concernant les Catalans traitent des questions de confiscations. Sur son trajet, il reçoit encore des plaintes contre les gratifications du Régent…

« Estant à Geronne, je fis les mesmes offices avec les jurats de la ville et le chapitre en leur rendant la visite, et pour cet efect j’y fis du séjour pendant le 17 du mois. Ce fut pour lors que les affectionnés au service du roy me renouvellerent les plainctes contre les graces que l’on avoit fait au Regent du titre de comte de Peralade et de vicomte de Rocaberti. Ils disoient qu’il a esté plus que recompensé par la provision de l’office de Regent des services qu’il avoit rendus au commencement soubs les ordres de Claris et des autres deputés. Que depuis ce temps là, il n’avoit servy qu’a juger des proces, en sorte qu’il n’y avoit eu aucun sujet de luy faire de nouveaux avantages. Que neantmoins ces dons estoient de plus de XXX mille livres en domaine avec titre de comte et deux vois vicomte, quoi que sa naissance fut incapable de les recevoir estant petit-fils d’un cardeur de laine. Que la France tesmoignoit avoir peu d’inclination pour les choses de Catalogne puis qu’elles prodiguoit ce qu’il y a de plus precieux mesme en faveur de ceux que l’on tenoit publiquement pour fauteurs des traistres, et que le dernier viceroy avoit accusé de trahison. Comme les Catalans ayment l’egalité entr’eux, ils ne peuvent souffrir ces elevemens qui les portent tout à faict au desespoir. Je leur ay promis qu’on y apporteroit du remede ».

Lorsqu’il arrive à la Jonquera, il reçoit la lettre du roi l’informant de la retraite du prince vers Saint-Maur, avec ordre d’empêcher en Catalogne les mauvaises impressions qui pourraient naître de cette affaire. Etant « sur le point de passer les monts », il écrit une dernière fois au Consell Reial que Marchin garderait les officiers de l’armée dans la fidélité… Il chargeait Margarit de faire au sein des Consistoires une relation des évènements. Lorsqu’il arrive à Perpignan, ce n’est que pour voir les mauvais offices du gouverneur Banyuls, qui, accompagné d’autres gentilshommes, « avoient sorty tous leurs meubles de la ville, disant que les François se trouvans sur le poinct d’abandonner le païs, saccageroient la ville avant leur depart ». Il apprend que Josep Amat et Jeroni de Miquel, condamnés sous la vice-royauté de Mercoeur à être enfermés dans un château en France, sont dans Perpignan par ordre de Marchin qui les a fait venir de Narbonne où ils avaient eu l’autorisation de rester en attendant leur transfert ; ce retour a été obtenu, dit-il, par Josep d’Ardena[235]. Mais tout cela ne le concerne plus. A son arrivée à Toulouse, il manifeste sa joie d’être enfin « esloigné des chagrins de l’employ de Catalogne ». Cette joie a été vite éteinte par la nouvelle du départ de Le Tellier, qu’il vient de recevoir. Mais il espère que « dans le temps de l’equinoxe prochain, le changement de la saison » lui sera « plus agreable. Ce sera pour lors que, jouissant de la liberté que vous m’avez procurée en me tirant de la servitude de Catalogne, qui m’eut esté tout à fait intolerable sans le commerce des letres que j’avais avec vous, j’auray l’occasion de vous voir à paris ou ailleurs… »[236]. Au moment de « passer les monts » Pierre de Marca pouvait-il imaginer que sept ans plus tard, il serait l’un des grands acteurs du traité qui ferait de ces monts la nouvelle frontière entre les deux royaumes ?

 

 

3.            Les confiscations pendant le siège de Barcelona

 

Au début du mois d’août 1651, les troupes castillanes s’approchent à grands pas de Barcelona, et atteignent tranquillement le Pla de Barcelona depuis Sant Martí de Provençals. Dans le Principat, après le départ de Pierre de Marca dans les derniers jours de juillet, les officiers de l’armée franco-catalane, au premier rang desquels le Gouverneur Margarit dans Barcelona, exercent l’essentiel de l’autorité. A ce moment s’observe une sérieuse désagrégation de toutes les institutions du gouvernement de la province, intensifiée par la rivalité entre les personnes et entre les organismes. Les conseillers de la ville sont de plus en plus tenus à l’écart des affaires militaires, Marchin et Marcilly se réunissant avec Margarit en sa demeure, sans les avertir. A l’extérieur de la ville, certains membres de la Generalitat préfèrent travailler avec le Conseil de Cent par défiance pour Marchin, avec qui ils refusent de correspondre, arguant d’abord qu’il n’était pas Français mais originaire de la ville de Liège, ce qui entraînait l’illégalité de sa nomination comme lieutenant-général… Vaille que vaille, les commandants français et les conseillers organisent l’organisation des magasins de vivres, l’amélioration des fortifications, la construction d’un fortin à Montjuïc appelé « Fort de Marcilly »[237]. A Perpignan, comme a pu l’observer Marca lors de son passage, se déchaîne l’antagonisme entre le gouverneur du Roussillon, Tomàs de Banyuls, et le marquis de Châtillon[238], lieutenant du roi au gouvernement de la citadelle : Banyuls, dit-il, sur les instances du Régent Fontanella, a publié un édit restreignant à la seule citadelle de Perpignan le privilège de sauvegarde, c’est-à-dire l’exemption personnelle accordée selon les Constitutions de Catalogne à un soldat enrôlé pour faire le guet dans la ville. Ce privilège s’étendait à tous les habitants du Roussillon et non seulement ceux de Perpignan, qui pouvaient rejoindre la ville et ainsi échapper à la juridiction ordinaire.

« Je m’informai sommairement de l’usage ancien du temps d’Espagne, qui estoit tel que le Gouverneur de la Citadelle pour avoir des personnes assurées pour renforcer la garnison dans l’ocasion, enrolloit en divers villages des soldats pour le service du Roi lesquels estoient bien aises de s’y obliger en cas de besoin pour l’exemption qu’ils acqueroient de la jurisdiction ordinaire. Que les François avoient continué cet usage sans plaincte, jusques à ce que M. le Regent, picqué comme l’on dict de ce que l’on avoit enrollé quelque homme de son village de Canet, qui donoit avis des embarquements des blés qui s’y faisoient, avoit obtenu une lettre du Roy, qui defend que personne ne jouisse de cette exemption, s’yl ne reside dans la place »[239].

Ainsi, en prenant cette mesure, Banyuls empêche Châtillon de poursuivre le recrutement normal de soldats pour faire le guet dans la citadelle en enrôlant en dehors des limites de cette même citadelle, ce qui est absurde. Il s’agit d’un acte de rivalité personnelle, que la couronne essaiera d’atténuer, le comte de Brienne écrivant dans la province pour entremettre les deux hommes, mais ne pourra pas réellement empêcher[240].

Dans ces circonstances, dès l’approche des ennemis, tous les principes habituels du gouvernement politique sont notablement adaptés à l’état de guerre. Les confiscations, jusque-là, étaient aux mains de particuliers auxquelles elles avaient été accordées, ou bien dans celles du trésorier de Catalogne, Jaume Bru. Désormais, une certaine anarchie s’observe dans leur gestion, ou plutôt une emprise des militaires qui ne va faire que s’accroître durant la dernière année de présence française dans le Principat. Le gouverneur de Salses continue à faire pêcher d’autorité dans la Font de Salses, malgré les instances du Régent Fontanella qui en réclame la possession comme membre de sa vicomté de Canet. L’intendant des finances de l’armée de Catalogne, Simon Arnauld d’Andilly (futur Arnauld de Pomponne), est prié par une lettre missive du roi de faire un procès-verbal de cette usurpation[241], mais il est permis de douter de l’efficacité de cette mesure. Il n’est pas innocent que ce soit le même d’Andilly qui soit chargé d’examiner la requête du chapitre de la cathédrale de Perpignan d’être exempté du droit d’amortissement, le même chapitre se plaignant que son temporel est décimé par la guerre[242]. Les intendants d’armée remplacent Pierre de Marca dans plusieurs de ses anciennes attributions. Mais les institutions catalanes prennent également des décisions de crise : en août 1651, les membres de la vint-i-quatrena de guerra préparent les lieux où les milliers de soldats, qui sont alors en campement dans le Pla de Barcelona, seront logés à l’intérieur de la ville quand le siège commencera. Les soldats de pied seront mis dans des quartiers vidés de leurs habitants en raison de la peste, par mort ou fuite, ou bien dans des couvents ; la cavalerie quant à elle se répartira entre le couvent des Augustins, le collège de l’évêque, le palais épiscopal, mais aussi la maison confisquée aux ducs de Cardona, et la maison de Reguer, semble-t-il réquisitionnée ou proposée pour l’occasion[243]. A l’extérieur de la ville, l’avancée des ennemis fait craindre un véritable danger sur Tarrassa : le 13 août, la Generalitat se désagrège et le Consistoire, qui résidait à Terrassa, se transfère à Manresa[244], à l’exception de l’oïdor real Vicenç Ferriol et du président Pau del Rosso, qui décident de regagner l’intérieur de la ville[245]. Cette duplication de l’institution, ceux de Manresa et de Barcelona s’accusant mutuellement d’illégalité, atténue considérablement, dans les faits, son rôle politique.

Au cours du mois d’août 1651, Anne d’Autriche, poussée par Retz, prend l’initiative et publie une déclaration royale accusant le prince Condé de se préparer à la guerre civile, d’avoir fortifié ses places et d’avoir gardé des liens avec les puissances étrangères – en octobre, il signera des pactes avec Philippe IV. Les séances au Parlement se succèdent, au cours desquelles les partis de Gaston d’Orléans et de Condé s’affrontent pour le contrôle du gouvernement. « Le Conseil d’Etat était devenu une sorte de non-entité en raison de la disgrâce de tous ses membres, à l’exception du chancelier Séguier, rétabli dans ses fonctions mais sans influence, et du surintendant des Finances de Maisons »[246]. Le 11 août, ordre est donné par le comte de Brienne à Marchin de renvoyer à Narbonne les gentilshommes catalans qu’il a autorisés à venir à Perpignan, Josep Amat et Jeroni Miquel, car cela risque de mécontenter les juges de la province[247]. Mais, de toutes les lettres envoyées par l’ambassadeur Pinós, le Conseil des Cent ne tire que de l’impatience et de la défiance pour la cour : la France voulait-elle conserver la Catalogne ou non ? Marchin coordonne alors l’arrivée des troupes vers la ville. Le 19 août, le Conseil des Cent ordonne à tous les officiers et citoyens de Barcelona d’entrer avant le 27, sans quoi on les considèrerait comme traîtres. Beaucoup refusent, en raisons de la peste, mais aussi en désaccord avec la politique de réquisitions et de confiscations du Conseil, qui s’était attribué ce pouvoir dans la ville[248], peut-être avec des fondements comparables à ceux de la Generalitat qui, en 1641, avait décidé de saisir tous les biens des Catalans qui ne viendraient pas aux convocations des braços[249]. Certaines communautés villageoises décident également de saisir les biens de ceux qui abandonnent la défense de la ville contre l’armée ennemie, comme mesure de représaille autant que comme expédient financier[250]. A Barcelona, un duel survient début septembre entre Mostaros, habitué du fait – il s’était mesuré à Josep de Tord en 1647 – et le marquis de Marcilly, probablement en lien avec des intérêts de coteries, Marcilly était lié par sa femme, née Blanes et veuve du comte de Çavellà, à plusieurs familles catalanes[251].

Dans ce contexte, alors que les armées navales espagnoles ferment l’accès à Barcelona par la mer, le marquis de Mortara passe le Llobregat avec les secours tout juste arrivés d’Italie, et les armées espagnols commencent à bâtir des forts autour de la ville. Au tout début du mois de septembre, la rupture est consommée entre la cour et Condé : la veille de la déclaration de la majorité du roi Louis XIV, le prince de Condé quitte Paris pour Bordeaux, où il arrive le 22. Le Conseil des Cent et les membres de la Generalitat restés à Barcelona envoie à Paris un nouvel ambassadeur, Josep Ximenes i de Montrodón, censé obtenir une audience personnelle avec le roi et lui expliquer que les troupes de Marchin (3500 soldats de pied et 1700 cavaliers) n’ont rien d’autre à manger que ce que leur donne le Conseil, et que la cavalerie a dû laisser le Pla de Barcelona à la merci des ennemis. Mais son voyage est extrêmement lent, et on peut imaginer que la situation à la cour l’empêche d’obtenir toute l’attention souhaitée, à l’instar de Pinós[252], qui obtient des promesses d’envoi d’argent (60 000 livres sont prévues mi septembre), demeurées cependant sans réalisation[253]. Les seuls gestes au pouvoir de la cour sont de multiplier les nominations plus ou moins virtuelles : Magí Sivilla, factotum de Margarit et nommé agent général de Catalogne en 1650, est nommé abbé de Saint-Martin-du-Canigou ; le Chancelier Barutell obtient l’évêché d’Urgell – bien que le pape refuse toujours d’accorder les bulles pour les nominations du roi de France –, en conséquence de quoi la charge de chancelier est donnée à l’abbé de Banyoles, Francesc de Montpalau[254]… En conséquence du geste de Condé, sans doute après en avoir reçu la nouvelle, et peut-être sous l’effet d’une concertation plus ancienne avec lui, Marchin décide de quitter la Catalogne pour rejoindre le prince. Le 30 septembre, il se rend à la Seu d’Urgell, dont les consuls lui ouvrent les portes après avoir d’abord cru qu’il commandait l’armée ennemie, puis il passe rapidement en France en passant par l’Andorre. Sa trahison a tout d’abord un aspect matériel : le 19 septembre, les conseillers de Barcelona lui ont livré 1000 quartiers de blé des greniers de la ville et lui ont prêté 10 000 livres supplémentaires, et sans doute aussi du plomb et de la corde. Son départ entraîne donc la perte de ces choses particulièrement rares en la circonstance. Il part également, selon les observateurs catalans, avec plus de la moitié des troupes qu’il commandait. Arrivée à Paris, la nouvelle porte la régente à décider, avec le conseil, l’envoi d’une flotte maritime pour aider Barcelona[255]. Mazarin se désole et insiste sur l’importance de la Catalogne pour forcer l’Espagne à une paix la plus avantageuse possible ; il s’était opposé à la nomination de Marchin, exigence de Condé : « J’escrivis contre l’envoy de Marsin, et je fus au desespoir lorsque j’appris qu’il s’y en alloit, particulierement apres avoir donné la Guyenne à M. le Prince, et si de Lionne vouloit monstrer ce que je luy escrivis, on verroit que je prevoyois tout ce qui est arrivé ». Le 3 octobre, les troupes du marquis de Mortara, après la fuite des troupes de Marchin, s’emparent de l’Hospitalet et de Sans, finissant d’encercler la ville : la manœuvre du lieutenant-général avait été fatale. Dans les jours suivants, les premiers tirs et envois de bombes ont lieu. Un nouveau conseil de guerre se forme à l’intérieur de Barcelona, formé de Margarit, Ardena, Marcilly, l’oïdor reial Ferriol et le baron d’Aletz. Pau del Rosso et Vicenç Ferriol, restés seuls de la Generalitat, reforment autour d’eux un consistoire provisoire avec Josep Fontanella, nouveau comte de Peralada, et plus docteurs de l’Audience, Ginebreda, Rossell, Peralta[256].

Après la trahison de Marchin, la cour décide de nommer comme nouveau vice-roi le maréchal de La Mothe, qui avait déjà occupé cette charge en Catalogne jusqu’en 1644, connaissait particulièrement bien les lieux ainsi que les principales familles catalanes : on pourrait y voir une volonté d’atténuer la rivalité entre Margarit et Ardena, elle aussi intensifiée depuis le départ de Marchin. Pol Meseguer souligne aussi que le maréchal luttait contre la perte la Catalogne, et contre l’Espagne en général, car lui (avec le duché de Cardona) comme son frère (abbé de Corbie, zone harcelée par les forces espagnoles) avaient des intérêts matériels à sauvegarder[257]. Voilà comment un « noticiaires » parisien du temps de la Fronde, transcrit par O. Ranum, résume la situation de Barcelona dans les premiers jours de novembre.

« La semaine passée don Joseph de Pinos, ambassadeur de Catalougne, partit d’icy pour aller à Lisbonne, sollicitter le secours que le roy de Portugal promet pour la Catalougne, d’où l’on mande que les Espagnolz ont investy de tous costé la ville de Barcelonne, despuis le 15 du passé; qu’il y a bonne provision de vivres dedans, mais que les habitans ayant voulu faire quelque fortiffication au couvent des Capucins de Sainte Natronne, qui est scitué au milieu de Montjuic, à la portée du canon de la ville, et ayant voulu mettre quelques pieces de canon pour incommoder les Espagnolz dans la fabrique du fort de Sans, à laquelle ilz font travailler, ceux cy avoint attaqué et pris d’assaut ce poste sur la mesme montagne, d’où ilz sont en estat de battre la ville de Barcelonne, qui en est en grande terreur; qu’on aprehendoit fort que la mesintelligence qui estoit entre don Joseph de Margarit, qui est dans Barcelonne, et le comte d’Isle, qui est dehors, n’apportat rien de bon pour la deffense de la ville; que les bourgs de Terrasse et de Sabadel, à 4 lieues de Barcelonne, s’estoint declarés pour le party d’Espagne; que la deputation envoyoit fort souvent des courriers à la Cour pour solliciter le secours et un nouveau viceroy; que les Cathelans voyantz les longueurs qu’on leur apportoit à leur en envoyer, maudissoint universellement l’heure et le jour auquel ilz s’estoint donnés à la France, et auroint desja fait leur accommodement s’ilz n’aprehendoint les mesmes traittementz que les Napolitains. Le mareschal de la Motte doit partir dans 2 jours, et seroit desja en chemin s’il eut receu les 500 mille livres qu’on luy baille, tant pour le payement de ses troupes que pour le pain de munition. On baille, outre cela, 120 mille livres pour les vaisseaux qui ont esté esquipés à Thoulon, lesquelz escorteront les barques qu’on envoyera en Catalougne chargées de bled, pour l’achapte desquelz on donne aussy 50 mille escus qui se prendront en Languedoch »[258].

Serroni, passé à Girona, continue à correspondre avec Mazarin et confirme cette version : selon lui, Ardena voulait sortir avec la cavalerie, disant obéir aux ordres du roi, mais Margarit et le Conseil des Cent ont fermé les portes pour l’en empêcher et lui ont arraché la promesse de rester à l’intérieur[259].

 

La Mothe arrive en Roussillon le 30 novembre 1651, mais il ne peut pas entrer dans Barcelona, qui est encerclée par les Espagnols, et passe à la fin décembre au campement d’Hostalrich, où il restera jusqu’au mois de janvier 1652. Peu de documents subsistent sur la situation du Roussillon entre 1640 et 1659, particulièrement pour la période contemporaine du siège de Barcelona. Toutefois, quelques vestiges épars permettent de renforcer les quelques éléments introduits plus haut. Le 16 décembre 1651, étant à Perpignan, La Mothe ordonne à Jeroni Vilalta, receveur du patrimoine royal du Roussillon, de dresser un « mémoire de toutes les grâces, pensions et sommes concédées sur lesdits Comtés et sur leurs revenus, en spécifiant les personnes qui les reçoivent et ce que l’on doit à chacune d’elles, et par qui elles ont été concédées », et d’en cesser le paiement jusqu’à nouvel ordre, car cela est conforme au service du roi[260]. En bon connaisseur des lieux, La Mothe savait que le patrimoine royal du Roussillon était très mince et les caisses de son domaine toujours vide, et on peut voir cette mesure comme la volonté de réquisitionner toutes les ressources pour les dépenses indispensables de la guerre – on considère alors que les flottes espagnoles venant de Majorque et mouillant au loin devant Barcelona peuvent tout aussi bien se diriger vers Collioure. On trouve aussi au même moment un important paiement (5837 livres barcelonaises) ordonné par La Mothe au mêle Vilalta en faveur d’un burgès honrat de Perpignan, Josep Montalt i Riu, dont la maison avait été réquisitionnée pour y loger des soldats ; l’acte précise que la maison étant considérée comme utile au service du roi (elle est située près de la porte Notre-Dame, passage stratégique), le vice-roi décide de la conserver, mais s’acquitte des loyers arriérés et de la valeur de la maison[261]. A la fin du mois de décembre, après des années de silence dans la documentation, on retrouve Isidoro de Pujolar qui, depuis son renvoi des affaires des Consistoires à Paris, s’était retiré à Perpignan où il avait obtenu en 1642 la donation des biens confisqués à la famille Xammar. Dès l’origine, il avait eu beaucoup de mal à en prendre possession, étant perturbé par ses ennemis, membres du clan Margarit proche de La Mothe, qu’il ne cessait de dénoncer à la cour[262]. Le retour du maréchal et son passage dans la ville donne un nouveau souffle aux concurrents de Pujolar, qui tentent d’obtenir pour eux-mêmes les anciens biens de la famille Xammar.

« Après l’arrivée en cette ville de Perpignan de monsieur le maréchal de La Mothe, mes adversaires, profitant de l’occasion, ont obtenu sa faveur et ont fait en sorte que monsieur de Châtillon aille à la cour pour demander les biens de trois ou quatre chevaliers tenus pour conspirateurs, et pour demander également ce que Sa Majesté (que Dieu garde) ma donné par l’intermédiaire de Votre Excellence en rémunération de mes services en ce pays. Et comme, Excellence, je n’ai jamais manqué aux obligations de bon vassal, ni démérité en mes services, vu ce qu’ils m’ont fait mériter avant, et considérant qu’il revient aux princes et grands seigneurs de protéger et de prendre sous leur protection ceux que l’on poursuit injustement, cela m’a donné occasion de supplier humblement par la présente à Votre Excellence qu’elle daigne m’honorer comme toujours de sa protection et faveur, intercédant auprès de Sa Majesté pour que l’on ne m’enlève pas ce que l’on m’a donné par intercession de Votre Excellence et que l’on ne prête pas l’oreille à la pétition dudit sieur de Châtillon… »[263].

Il n’est pas étonnant que le retour de La Mothe ait entraîné une reviviscence des anciennes coteries apparues entre 1642 et 1644 ; plus encore, elles n’avaient pas réellement disparu et couvaient sous la cendre. La période de la Fronde était un terrain propice. A son départ de la cour, La Mothe s’était assuré de faire nommer un nouveau maréchal de camp proche de Margarit, comme son beau-frère Francesc Calvo[264] – mesure qui avait soulevé des oppositions en Catalogne et que la cour, après en avoir reçu avis, devait ensuite annuler[265] et rattraper en nommant un proche d’Ardena[266]. Après le départ de Condé pour Bordeaux, la régente a rappellé Mazarin à la cour, le 12 décembre, et les frondeurs se sont à nouveau unis contre le cardinal, le Parlement mettant sa tête à prix. La cour s’était établie à Poitiers, où le cardinal l’avait vite rejointe.

A Barcelona, les bribes d’institutions catalanes tentent de continuer leur mission. Le « consistoire » de fortune formé à Barcelona par la Generalitat ne cesse d’envoyer des anathèmes aux membres restés à Manresa après la prise de Terrassa par les Espagnols. Plusieurs passages des Dietaris montrent que les deux « consistoires » concurrents essayent de s’interdire l’un l’autre la perception des droits et revenus de la Generalitat, y compris dans les baronnies confisquées comme Martorell – mais ces revendications sont de nature symbolique car les Espagnols bloquent la communication[267]. A la fin du mois de décembre, Serroni nous apprend même qu’une nouvelle conspiration castillane visant à débarquer à Palamós ou Perpignan a été découverte par l’interception de lettres venant à Barcelona. Les noms des nobles impliqués sont : le comte de Plasentia, seigneur de Céret, Francesc de Cruilles, Francesc Çacirera, Josep Armengol… Les quelques membres de l’Audience qui sont restés à Granollers ressortent l’ancienne procédure contre les criminels de lèse-majesté : les nommés sont convoqués à comparaître sous dix jours, après quoi on confisquera leurs biens… mais, note Serroni, s’ils comparaissent, ils seront pardonnés[268] ! On peut douter de l’efficacité de ces mesures désespérées, l’Audience étant alors totalement impuissante, la plupart de ses membres ayant été utilisés dans l’urgence, ainsi Francesc de Sagarra, comme intendants d’armée de fortune[269]. Dès son arrivée dans le Principat, La Mothe soulève l’enthousiasme de ces derniers vestiges du gouvernement. En effet, il arrive avec de nouvelles vivres et surtout un substantiel secours de 7000 soldats de pied, 1300 cavaliers et 4000 soldats catalans levés en Empordà, Roussillon, et dans la régions de Vic et Manresa ; mais il ne peut pas rentrer dans Barcelona avant avril[270].

En février 1652, La Mothe, alors au camp de Sant Boi de Llobregat, reçoit un message du « consistoire » de la Generalitat de Barcelona contenant diverses questions sur les vivres qu’il amène et sur ses objectifs militaires. Il envoie une réponse par écrit, qui contient des mesures d’urgence adaptées à l’état de siège. Il propose de remettre les 3 ou 4000 setiers de blé qu’il possède « ez mains du sieur de Saintgenis pour desinteresser messieurs de Barcelonne des avances qu’ils ont faictes à nourrir les trouppes du roy dans la ville. Nous les reservons pour les faire entrer avec l’armée navalle, mais s’ils en font presser, le dit seigneur de Saintgenis les fera passer dans des petites barques». Cela donne une idée du rôle crucial joué alors par les Sangenís. Par ailleurs, La Mothe dit qu’il lui a remboursé la somme de 900 pistoles « tant pour la lettre de change que l’argent qui avoit esté donné aux François à ma priere. J’en ai fait voir la quittance au senyor Bosser […]. Je vous prie de faire donner quatre mil livres catalanes à messieurs les lieutenants generaux pour les faire distribuer aus soldatz, vous promettant que je les rendrai au dit seigneur de Saintgenis ou a celui qui vous bon semblera ». Le Sangenís impliqué dans le transport des vivres semble être Cristòfol, alors que le prêteur des 900 pistoles peut être Francesc, qui avait obtenu sous la vice-royauté de Schomberg un bien confisqué pour rembourser les sommes avancées, semble-t-il sans trop de succès. Ainsi, les premiers moments de La Mothe en Catalogne sont dominés par un souci d’apurer les comptes et de solder les principaux arriérés avec les Catalans qui ont bien servi. Pour le manque de bois, La Mothe prescrit « qu’on demolisse ma maison » (il s’agit du palais des ducs de Cardona) ; « pour le plom il faut prendre les vaisselles ». Il ordonne d’établir des commissaires pour visiter toutes les maisons sans exception afin d’y saisir tous les grains pour les distribuer « à proportion, avec asseurance de le rendre en argent ou en grain », ainsi que toutes les armes. Il donne également des instructions sur les biens confisqués.

« Il est juste et raisonnable de satisfaire ceux qui ont bien servy, tant durant la peste que la guerre, de leur donner des biens confisqués suivant les services qu’ils ont rendus, des le temps que j’estois à Hostalricq »[271].

A côté des ordres visant à rembourser les Catalans, cette résolution montre que pour La Mothe, le temps où la Catalogne sera à Philippe IV n’est pas venu, et qu’il est déterminé à se battre – et donc à récompenser les Catalans qui ont soutenu les armes française, particulièrement menacées à ce moment-là.

Au cours des mois de février et mars, la situation française empire encore. De nombreux renforts arrivent de Flandre pour rejoindre les rangs de Condé. La Mothe attend un éventuel secours de Portugal, dont on espère qu’il a été obtenu par l’ambassadeur Pinós, mandaté par le roi de France à la cour de Lisbonne, avant d’entrer dans Barcelona qui se trouve encerclée par les Espagnols. Mais la nouvelle de l’arrivée prochaine d’une escadre partie de Provence, ainsi que l’inaction provisoire des forces espagnoles, elle aussi très mal payées et désorganisées par des rivalités de commandement avec d’un côté Don Juan d’Autriche et de l’autre le marquis de Mortara, lui redonnent des forces[272]. Fin mars, le corsaire La Ferrière fait savoir au Conseil des Cent qu’il se prépare à faire voile de Toulon vers Barcelona le 15 avril, mais en fait son départ se fera encore attendre jusqu’à la fin du mois de juin… La déception arrive aussi du Portugal quand Pinós informe que le roi de Portugal a fait partir ses escadres vers le Brésil et ne peut donc pas secourir Barcelona. Mais après avoir parcouru le Pla de Barcelona avec quelque succès, La Mothe entre à Barcelona par Montjuïc le 23 avril, suivi par 207 compagnies d’infanterie. Mais peu après, La Mothe et Saint-André tentent des sorties pour prendre le fort de Santa Isabel, tenus par les Espagnols, ce qui est un échec, la maréchal revenant blessé. Lors d’un autre essai contre le fort de Sant Ferriol, c’est Mostaros qui est mortellement blessé. Sur le plan financier, Cristòfol Sangenís continue à assurer son négoce de fournisseur de l’armée française. L’écrasante majorité des envois de marchandises ou de nourriture faits à Barcelona est fait grâce à l’argent avancé par les fournisseurs. Comme le note P. Meseguer, « dans un contexte de si grandes difficultés, les marchands et fournisseurs avaient de bonnes opportunités pour faire de grands bénéfices. Les plus que possibles gains des marchands impliqués avec le Conseil étaient aussi grands que leurs possibles banqueroutes »[273]. La conduite des frères Sangenís pendant le siège de Barcelona, si elle n’est pas l’objet direct de notre étude, doit donc être conçue comme un prolongement de leur implication dans les politiques de confiscations des années 1642-1651, comme un secteur de leur négoce.

Les mois de juillet et d’août sont « le début de la fin » (P. Meseguer). Le 2 juillet, Condé entre à Paris avec ses troupes, deux jours avant que se produise un massacre à l’hôtel de ville. Impossible dans ces conditions d’envoyer un secours à Barcelona, ni au corsaire La Ferrière qui devait atteindre la ville avec son escadre. En août, Mazarin fait mine d’abandonner la partie, et les princes déposent les armes, avant d’obtenir une amnistie royale le 26 août. A Barcelona, Ardena et le chevalier d’Austrein tentent un coup d’éclat en s’attaquant au fort de Sant Joan dels Reis, qu’ils réussissent à prendre. Mais deux jours plus tard, les Espagnols le reprennent, et la retraite franco-catalane tourne de la confusion au massacre, fait qui dégrade notablement les relations mutuelles. A Sant Feliu de Guixols, le blé qui avait été accumulé pour le faire transporter par les navires de La Ferrière, à cause du retard de ce dernier, a fini par moisir et doit être perdu. Alors qu’une autre embarcation de blé s’organise, le Régent Fontanella part de Barcelona sur les ordres de La Mothe pour faire un fonds destiné à la subsistance des troupes. Il écrit à Mazarin qu’il espère pouvoir retourner dans Barcelona pour suivre sa fortune jusqu’au bout, préférant mourir que voir la ville aux mains des ennemis[274]… Mais il ne remettra jamais les pieds dans sa ville natale. Intervient alors une décision bien connue de l’historiographie. La Mothe avait fait savoir quelque temps après son arrivée qu’il attendait que les établissements ecclésiastiques participent à la défense de la ville en donnant ce qu’ils avaient de plus précieux, c’est-à-dire leurs objets liturgiques en argent, afin de les fondre pour frapper de la monnaie. Mi juillet, la résolution est avancée. Le chanoine de la cathédrale Pere Morell y est favorable : selon les mots du chroniqueur Parets, « très affectionné aux choses de France, car par leur effet il occupe le titre qu’il occupe »[275]. La mesure est très impopulaire dans Barcelona, et soulève l’opposition des religieux. Pau del Rosso les approuve, mais la saisie a lieu sous la menace. Le climat délétère dans Barcelona n’épargne pas le Conseil de Cent, où les délibérations sont désormais muselées par la crainte. Toujours selon les mots de Miquel Parets :

« Le Conseil des Cent était arrivé à un tel état que personne ne pouvait dire ce qu’il pensait, sinon, avec violence, on violentait [sic] le cœur des hommes ; ils ne devaient dire que ce qui plaisait aux gros et à ceux du gouvernement, autrement ils étaient malmenés et menacés par de nombreux autres ; et voilà la cause de tout cela : beaucoup s’étaient appropriés des biens confisqués, d’autres des offices royaux, dont ils s’acquittaient mal ; et à cause d’eux, tout le peuple continuait à souffrir »[276].

Les institutions catalanes ne sont plus fortes et organisées à ce moment-là pour s’opposer à la politique d’exception édictée par La Mothe, et le Conseil des Cent s’adjoint finalement aux pressions que La Mothe fait exercer sur les églises, particulièrement le chapitre de la cathédrale, qui cède. Le maréchal fait vendre aux enchères des quantités d’argent, ainsi que plusieurs maisons confisquées au cours de la décénnie[277]

Dans les jours même où il ordonne la saisie de l’argent des églises, La Mothe donne ordre au trésorier Jaume Bru, resté dans la ville, qu’il remette en ses mains tout l’argent qu’il tire des biens confisqués pour les distribuer pour les affaires de la guerre.

« Lo Mariscal de La Motte

Duch de Cardona Loctinent y Capita General

 

Magnifich amat y fael de la Real Magestat Jaume Bru, regent la real thesoraria en los Principat de Cathalunya y Comtats de Rossello y Cerdanya. Perquant per los afers de la guerra necessitam de una bona summa de dinero y aquella de present nos puga treure de altra part sino del que entre en la real thesaureria, perço ab thenor del present de nostra scientia y real auctoritat vos diem y manam que tots los diners que a vostres mans an pervingut y pervindran de las asiendas confiscades los entraguen a nos pera distribuirlos per las cosas sobraditas y en la paga y solucio que de dites cantitats nos fareu cobrareu apocha de rebuda y lo present originalent en virtut del qual y usant de la facultat…

 

Le Duch de Cardonne

 

Nobili Rossell Regens

 

Josephus Fita »[278].

Significativement, il s’agit de l’un des derniers actes du vice-roi enregistrés dans les registres de la chancellerie de Catalogne. En l’absence de documentation précise émanant de la trésorerie, on ne saurait malheureusement dire l’état des caisses gérées par Jaume Bru. On peut imaginer la subsistance, à ce stade, d’un reliquat des revenus (déjà perçus de façon irrégulière et incomplète en raison de la perte progressive du Principat) des années 1650-1652. Peut-être la réunion des biens confisqués confisqués en 1650 sous la vice-royauté de Mercoeur à la trésorerie de Catalogne avait-elle occasioné un léger excédent ? Un autre ordre du 20 juillet 1652 peut le laisser penser : La Mothe commande à Bru de lui donner 3000 livres pour moitié de son salaire de vice-roi, à payer « en particulier des biens confisqués du comte de Santa Coloma la Real olim de Queralt »[279]. Le paiement du salaire du vice-roi sur ce fonds était habituelle avant 1649, date du procès qui avait conclu à la restitution du comté à un membre de la famille de Queralt. L’ordre de juillet 1652 peut s’expliquer par la perception forcée par le trésorier Bru des revenus de Santa Coloma, décidée en contexte de guerre. En donnant un tel ordre à Bru, La Mothe agit sans doute en connaissance de cause, en espérant recueillir au moins une partie de la somme… Tous ces points restent pour l’instant à l’état de questionnement. C’est la dernière mention de Jaume Bru dans notre documentation.

Il est fort possible que les mesures extraordinaires de La Mothe aient été conçues pour payer l’armée navale de La Ferrière, qui mouillait au large de la Catalogne mais menaçait à tout moment de partir si elle n’était pas payée. Un coup effrayée par le nombre supérieur des Espagnols, l’autre par le mauvais temps, elle perdait de jour en jour sa réputation de secours inespéré de la ville. En août, selon une lettre envoyée par Michel d’Aligre, commandant de cavalerie et fils aîné du futur chancelier, au ministre Le Tellier, Josep de Pinós (qui, revenu de la cour, se chargeait de l’organisation des troupes aux côtés de Fontanella) a proposé de se porter personnellement caution pour un nouveau prêt de 100 000 livres de la ville de Barcelona. Mais les conseillers ont refusé. Dans l’impossibilité d’être payée, l’escadre a finalement levé l’ancre pour s’en retourner vers la Provence[280]. Entre août et septembre, les Espagnols reprennent tous les petits ports sur lesquels les Français comptaient pour le ravitaillement : Arenys, Canet de Mar, Blanes, Mataró, Palamós, Sant Feliu de Guixols. Dans les premiers jours de septembre, la dernière tentative militaire française, occuper la zone de Sarrià, échoue devant la supériorité numérique castillane, et les troupes doivent se retirer. Peu après, le sieur de Saint-André, lieutenant-général des forces de terre, déserte et retourne en France avec toutes ses troupes de cavalerie. Mi-septembre, c’est au tour du baron d’Aletz. Chaque nuit, les bombardements espagnols se multiplient sur la ville. Les derniers jours du siège sont l’occasion d’un nouveau commentaire du chroniqueur Parets au sujet des Catalans profrançais : « là, ne régnait plus que la violence et l’ambition, tout cela, pour les uns, afin de s’approprier et de prétendre les biens confisqués, pour les autres, afin qu’on ne leur enlève pas celles qu’on leur avait donné ». Il y avait dans ces derniers combats un mélange d’efforts pour le maintien de l’autorité française et de luttes personnelles pour ne pas perdre, coute que coute, les quelques avantages et améliorations de fortune ou de niveau social obtenues pendant la décennie. Dès le 27 septembre, le Conseil des Cents demande la reddition au vice-roi, parce que depuis 6 jours la ville était sans pain. La Mothe refuse d’abord, croyant pouvoir subsister encore quelques jours avec l’argent des églises, et que le gouverneur de Salses Saint-Aunez lui enverrait des renforts – mais ce dernier avait été acheté par Mortara. Début octobre, la nouvelle arrive que les renforts du comte d’Harcourt, qui devaient arriver de Guyenne, ne partiront pas encore. Le 3, le Conseil des Cent et les députés restant s’accordent sur des pactes de reddition, qu’un trompette fait apporter au marquis de Mortara. Un ambassadeur est envoyé à Don Juan d’Autriche par le Conseil des Cent, Francesc Puiggener, qui avait été envoyé à la cour de France au cours de l’année 1647[281].

Selon les Dietaris de la Generalitat, dans la nuit du 2 au 3 octobre, jour de la délivrance des pactes de reddition, un certain nombre de partisans de la France ont quitté la ville en barque :

« En aquest die, en la matinada, se publicà com aquella nit, a hora cauta, se eren embarcats ab una faluga y fugits d’esta ciutat les personas següents: Lo excel.lentíssim senyor marquès de Aguilar, don Joseph de Margarit y Biure, governador de Cathalunya. Lo molt il·lustre senyor Vicent Farriol, oÿdor real del General de Cathalunya y conseller segon de la dita present ciutat. Micer Gabriel Antoni Bosser, donsell, qui servia lo offici de altre dels magnífichs assessors del dit General. Mossèn Dimas Çafont, ciutadà, ajudant del racional del rey. Mossèn Sever Soler, cavaller, sargento major del batalló. Mossèn T.a… Bassedas, capità de cavalls del regiment de Margarit. Don Emanuel de Sandionís. Don Ugo de Barutell. Aquestos fugiren eren del govern y no’s tingueren pers segurs quant la plassa se rendiria »[282].

La liste n’est sans doute pas complète, et Sanabre ajoute plusieurs autres noms : Joan de Margarit, fils du Gouverneur, Francesc Martí i Viladamor, et le docteur Francesc de Sagarra[283]. Mais il semble plutôt que ce dernier, qui avait dirigé en mai la répression du soulèvement de Puigcerdà[284], se soit trouvé à l’extérieur de la ville à ce moment-là, à l’instar des frères Fontanella, Josep et Francesc, de Josep de Pinós… Dans les jours qui suivent la délivrance des pactes et cette sortie, les négociations continuent : Don Juan d’Autriche impose la solution de deux pactes séparés, l’un pour les Catalans, l’autre pour le vice-roi français. Les Catalans présentent 34 points très ambitieux, comme le maintien de leur honneur, de leurs Constitutions, la promesse de garanties juridiques, personnelles et économiques au partisans du roi de France. La plupart des exigences du Conseil des Cent sont refusées par Don Juan, qui promet cependant, en échange de l’acceptation d’une garnison espagnole à Montjuïc, de laisser certains points importants comme le n°15 (ne pas rembourser au roi l’argent des armes saisies à Barcelona en 1640), le n°21 (ne pas payer aux propriétaires dépossédés après 1640 d’indemnisation pour la confiscation de leurs biens), le n°24 (maintenir le 6e conseiller de la ville, accordé par le roi de France) et le n°25 (avoir un an de marge pour faire circuler les monnaies frappées lors du siège). Le Conseil des Cent décide de capituler, et donne son acceptation le 10 octobre, recevant en retour le pardon du roi Philippe IV pour 12 ans de séparation de la Catalogne de sa couronne. Le pardon s’appliquait à tous les Catalans « même en cas de crime de lèse-majesté, à l’exception de don Josep Margarit qui comme principale cause des dommages qu’ils ont subi et avec l’obstination dans laquelle il persévère en son erreur n’est pas digne de jouir de ce bienfait ». Dans les jours qui suivent, Don Juan d’Autriche dément toutes les rumeurs de répression des Catalans profrançais. Le 11 octobre, Philippe IV donne l’ordre de libérer tous les prisonniers français pour qu’ils puissent rejoindre La Mothe, qui se prépare en compagnie d’Ardena et des officiers catalans à passer en France par le Val d’Aran, itinéraire imposé par Don Juan. Le même jour, le doyen Pau del Rosso et le conseller en cap Casamitjana prêtent serment au roi d’Espagne[285].

 

Le siège de Barcelona sonne la fin de la domination française dans le Principat, qui est également le terme de notre étude. Cependant, il serait inexact de dire que la présence française s’arrête à cette date. Après le départ des profrançais le 3 octobre, une fois le littoral barcelonais repris par les Espagnols, le marquis de Mortara se lance vers Girona, où il a appris que Margarit se trouvait, pour empêcher sa retraite. Il ne le trouve pas, mais entre dans la ville, qui se rend le 10. Du 10 au 20 octobre, Mortara reçoit la soumission des autres villes de l’Empordà, à l’exception notable de Rosas, place forte qui reste tenue par les Français[286]. Le Roussillon, malgré la trahison du gouverneur de Salses Saint-Aunez, reste également aux mains des Français. C’est là que se fixent, dans un premier temps, les exilés profrançais comme Margarit, Fontanella ou Sagarra. Il importe maintenant, avant de mettre un point final à ce travail, d’examiner la situation générale des Catalans profrançais, les principaux bénéficiaires des confiscations de Catalogne entre 1642 et la chute de Barcelona. Sanabre a comptabilisé 700 exilés qui se rendent en Roussillon à cette date, poussés, dit-il, par la propagande (française ?) répandant l’idée que les représailles des Espagnols seront terribles[287]. Cependant, il ne donne ni source ni méthode précises pour appuyer ce calcul. Il a toutefois été repris par l’historiographie depuis la publication de son ouvrage en 1956[288]. D’autres recherches seraient nécessaires pour avancer de nouveaux chiffres, si tant est qu’on le puisse un jour. Par manque d’une chronologie très précise – nous allons tenter de compléter celle qui, à trop grands traits, a été avancée par les historiens –, il faut introduire des nuances au sein du groupe, qu’on pourrait croire uniforme, des profrançais qui sont touchés de plein fouet par le drame de 1652.

Il y a certes ce groupe d’exilés immédiatement après le siège, constitué en gros des derniers membres du gouvernement présents dans Barcelona comme Margarit ou l’oïdor Vicenç Ferriol, à l’exception notables de ceux qui, comme Pau del Rosso ou le conseller en cap Casamitjana, ont décidé de prêter serment à Philippe IV. S’ajoutent rapidement à ce groupe les autres membres du gouvernement qui étaient hors de la ville, Fontanella, Sagarra, Copons, Pinós, le docteur Morell… A l’extérieur, d’autres anciens partisans de la France, comme les membres restants du consistoire de la Generalitat à Manresa, décident au contraire de prêter serment au roi d’Espagne le 15 octobre 1652[289]. Les deux groupes qui ne veulent pas accepter la domination espagnole fuient vers le Roussillon dans la première moitié d’octobre 1652, sans qu’il soit possible de dire exactement dans quel ordre et par quel chemin exact. Toutefois, un certain nombre de personnages influents durant notre période restent dans le Principat en acceptant Philippe IV et ne passent pas en Roussillon, soit par retournement effectif en faveur de l’Espagne, soit pour éviter les prévisibles confiscations de biens : c’est le cas de Francesc de Tamarit, ou encore de Ramon de Guimerà. Pour Tamarit, des documents postérieurs, émanant de son fils Miquel de Tamarit, permettent d’avoir une idée de sa stratégie : alors que le père reste à Barcelona, Miquel se trouve en Roussillon. Francesc de Tamarit déposera chez un notaire de Barcelona un testament en faveur d’un prête-nom, un certain Janer, qui en cas de décès avait pour mission de recueillir l’héritage en faveur de Miquel, ce qui se passera effectivement[290]. La mère de Fontanella, Margarida Garraver, reste à Barcelona pour gérer les biens de son défunt mari, alors que le Régent passe en Roussillon avec l’or et l’argent de la famille. Les filles de Josep, madame Alemany et madame Sala, restent également à Barcelona et ce n’est que plusieurs années plus tard que l’aînée viendra habiter Perpignan, alors que la cadette ne quittera jamais le Principat. Dans les testaments postérieurs de la famille, une habile politique de substitutions se mettra en place afin que les fils Josep et Francesc, passés hors de l’obéissance du roi d’Espagne, soient déshérités, mais que leurs propres enfants puissent recevoir les biens de leurs ancêtres[291]

Il n’y a donc pas un seul groupe cohérent de Catalans passés en Roussillon en 1652, mais plusieurs ; et à l’intérieur même de ces groupes, de nombreuses stratégies et contacts gardés avec des parents dans le Principat, en pleine période de guerre (une guerre qui continuera encore sept ans). D’autres Catalans décideront leur passage plus tard dans l’année 1652, et même en 1653 et dans les années suivantes. Ainsi l’ancien mestre de camp du bataillon, Josep de Tord i de Peguera, qui passe en Roussillon après la fin de l’année 1653, et hérite en 1654 de la charge « fantoche » de trésorier de Catalogne (l’exerçant dans les dernières miettes de la Catalogne française). La partition continuera au moment du traité des Pyrénées en 1660, certains (les plus compromis ? les plus fidèles à Louis XIV ? les plus récompensés ?) comme Fontanella, Copons ou Sagarra, décidant de rester, mais d’autres, comme Tord[292], repassant alors les monts pour rentrer en possession de leurs patrimoines. La situation même des fidèles partis au lendemain de la capitulation mérite d’importances nuances et surtout quelques mises au point chronologique. Sanabre[293], et Jané[294] après lui, ont pu parler d’une distribution des biens confisqués en Roussillon à ces exilés après 1652, pour les récompenser de leurs pertes dans le Principat. On vient de voir que ces dernières pouvaient être compensées par des stratégies. Sur le déroulement de ce « partage du Roussillon » comme un gateau en faveur des nouveaux arrivants, il importe également de se méfier des conclusions trop rapides. En 1652, les éxilés de la première heure ne savent pas exactement quel va être leur avenir, ni comment va évoluer la situation dans le Principat, puisqu’au moment même de la chute de Barcelona Louis XIV entre dans Paris[295], qu’il reprend aux Frondeurs (Condé passe à Bruxelles avec Charles IV de Lorraine), et l’espérance d’un retournement de situation se fait jour, d’autant que l’Espagne est très affaiblie et financièrement ruinée. Le 3 octobre 1652, le jour même de la sortie de Margarit, Josep Fontanella se trouve à Girona, étant sorti de Barcelona au cours de l’été. Ce jour-là, ayant eu vent de la capitulation en cours, il envoie une lettre à tous les personnages de la cour avec qui il a un lien : Mazarin[296], Servien et Le Tellier. Lisons ce qu’il écrit à Servien.

« L’état de cette province […] est tel que si nous ne sommes secourus promptement, et la Catalogne, et le Roussillon, tout est perdu. Et une fois cela perdu, il me reste la charge d’une famille ; je suis obligé à faire l’aumône de porte en porte, car je préfèrerais être sujet à cela plutôt que m’accorder avec l’Espagne, ma résolution étant de mourir vassal de France […]. Je me souviens que Votre Excellence, quand j’étais à Münster, au sujet de certains mauvais succès de Catalogne, craignant sa perte totale, eut la bonté de me consoler en me donnant l’espérance que je pourrais avoir quelque emploi en France. L’occasion, qui ne s’est pas présentée alors, vient maintenant. Je supplie Votre Excellence qu’elle me favorise, s’il lui semble possible de trouver un chemin pour cela ; et je ne demande pas grand chose : seulement de quoi finir misérablement ma vie dans un coin avec ma famille, même si c’est sans être connu de personne, ce qui, pour qui a vécu jusque-là avec quelque considération, est une grande mortification »[297].

Il n’y a là encore aucune revendication concrète, mais on sent que la supplique n’est pas loin, dans cette prose de courtisan aussi aguerri, qui a obtenu par deux fois de grands patrimoines confisqués, la vicomté de Canet (1649) et le comté de Peralada (1651), à chaque fois à un moment où la cour recevait les plus grandes menaces. Il y a de l’espérance, mais pas encore de certitudes. On sent également au ton de cette lettre que Fontanella est très suspecté par le gouvernement français, qui a partiellement cru les allégations de son ennemi Pierre de Marca, de vouloir s’accomoder par ailleurs avec les Espagnols[298].

La réaction de ces exilés-là, en octobre, est immédiate : ils demandent un secours concret, c’est-à-dire financier et patrimonial, car ils savent (c’est la seule chose certaine) que les biens confisqués qu’ils ont obtenus dans le Principat leur échappent définitivement si Philippe IV s’y impose, et peuvent penser avec une certaine raison que leurs biens patrimoniaux leur seront peut-être également retirés. On a une première trace de ce précoce mouvement de suppliques adressées à la cour, en la personne de Magí Sivilla, l’agent de Margarit à la cour, qui défend ses intérêts autant qu’il le peut depuis le début de la période. Sivilla se trouve à Paris, et dès qu’il reçoit la nouvelle de la capitulation de Barcelona, probablement par lettre de Margarit lui-même, il écrit le 25 octobre 1652 à Mazarin afin de lui demander des bénéfices pour les fils du Gouverneur en raison des malheurs de leur père[299]. Le lendemain, le cardinal fait son retour à la cour. En même temps, se mettent en jeu en Roussillon d’autres confiscations, fort opportunes, qui vont permettre de récompenser les exilés. Mais, là encore, ce n’est pas une planification de la part de la cour, une stratégie de cabinet, mais uniquement la réaction naturelle et logique du pouvoir devant un autre phénomène de fuite. Les mois qui précèdent la chute de Barcelona, et la capitulation elle-même, offrent à certains nobles roussillonnais d’une fidélité assez tiède (fragilité pointée durant toute la période par le gouverneur de Perpignan, Noailles) l’occasion d’espérer à nouveau en l’avenir d’Espagne. Ils quittent le Roussillon peu avant, en même temps ou peu après l’arrivée des nouveaux exilés, et leurs biens sont naturellement confisqués, comme l’avaient été ceux des premiers exilés de 1641-1642. Dans les archives du secrétaire d’Etat de la guerre, on trouve la minute d’un brevet de don du 28 octobre 1652 en faveur de l’abbé de La Rivière des terres de Rabouillet, Rasiguères, Trévillach, Séquère, ainsi que tous les biens meubles et immeubles ayant appartenu au vicomte de Joch « le tout acquis à Sa Majesté en consequence de la declaration de la guerre entre cette couronne et celle d’Espagne comme estans au service dans l’obeissance du Roy Catholique »[300]. Le cas est intéressant : le vicomte de Joch, Antoni de Perapertusa, avait été fidèle à la France pendant la décennie, et avait même poursuivi au Conseil d’Etat de Louis XIV la possession de baronnies qu’il possédait à cheval entre le Conflent et le Fenouillèdes, donc à cheval sur l’ancien royaume aragonais et le royaume de France selon la frontière du traité de Corbeil de 1258, qui lui avaient été confisquées lors de la déclaration de guerre de 1635[301]. En 1652, le vicomte décide de rester dans le Principat et de se soumettre à Philippe IV : la confiscation de 1635 est simplement confirmée, et les biens donnés par ce brevet au principal compétiteur du vicomte, l’abbé de La Rivière. La date du brevet (28 octobre 1652) suggère une défection précoce du vicomte de Joch, ou une réaction très rapide de l’abbé de La Rivière.

En novembre, le Roussillon même n’est pas encore totalement assuré. Les Espagnols se sont emparés du Conflent et de la plus grande partie de la Cerdagne, et menacent de passer les monts par le Perthus. C’est pour les exilés avant tout que s’impose la nécessité de faire du Roussillon une base sûre. Ainsi Fontanella écrit-il à nouveau à Abel Servien :

« Dieu a voulu, Monsieur, que les affaires d’ici aillent si mal qu’elles ne pouvaient pas aller plus mal, car nous avons perdu Barcelona et toute la Catalogne (sauf Rosas), la Cerdagne, le Conflent et les monts du Roussillon, par suite de quoi nous en sommes réduits à la seule plaine du Roussillon, qui est une très petite terre. Et si l’ennemi passe le col du Perthus, nous serons réduits aux seules places, et celles-ci sont si dépourvues de gens de guerre qu’elles font peine à voir. Si nous avions promptement un peu d’infanterie, il serait facile de réduire toute l’étendue de ces Comtés, c’est-à-dire Cerdagne, Conflent et les monts de Roussillon, et assurer la plaine. Mais nous n’avons pas un homme d’infanterie. Chaque jour on dit qu’ils arrivent, et nous n’en voyons jamais aucun. J’assure à Votre Excellence que le retard peut être très dommageable. Si l’ennemi envoie des gens dans cette partie, ils ne seront pas faciles à réduire, et il sera très risqué de ne pas perdre le rest […]. Il serait nécessaire de tirer la guerre des Comtés et de la porter en Empordà »[302].

Fontanella a un intérêt particulier pour le Roussillon, étant le seul des exilés qui y était possessionné déjà avant la chute de Barcelona, avec la vicomté de Canet – ce qui n’est pas le cas des autres, dont les biens de l’autre côté des Pyrénées sont théoriquement perdus. Josep de Margarit, quant à lui, décide de se rendre immédiatement à la cour, et il en informe le gouvernement au cours du mois d’octobre. Le 7 novembre 1652, Le Tellier lui écrit une lettre pour lui signaler que le roi approuve sa conduite d’avoir quitté Barcelona quelques jours avant sa chute et de s’être retiré à Perpignan. Il l’autorise à venir à la cour[303], mais en réalité, Margarit est déjà parti en direction de Paris lorsque cette lettre est écrite. Il est déjà arrivé dans la capitale le 23 de ce mois, date où il écrit à Mazarin « me voyant privé de mes fonctions, de ma patrie et de tout mon bien dont jouissent les ennemis, je n’ai pu trouver de meilleure solution à de telles pertes que venir, avec l’autorisation du maréchal [de La Mothe] qui se trouve à Perpignan, me jeter aux pieds de Leurs Majestés en cette cour ». Mais le cardinal se trouve à Sedan pour diriger l’armée contre les frondeurs, ce que Margarit apprend de la bouche de Le Tellier[304]. D’autres Catalans exilés ne se trouvent pas en Roussillon, mais à Foix. C’est le cas de l’ancien Chancelier Llorenç de Barutell, nommé évêque d’Urgell (sans bulles du pape), qui est peut-être passé à Foix en compagnie de l’armée du maréchal de La Mothe, ainsi que plusieurs chanoines d’Urgell. Barutell écrit au roi, et reçoit en réponse une lettre missive disant qu’on le récompensera « des pertes que vous souffrez dans votre bien et que nous ferons aussy tout le bien qui se peut à ceux qui vous accompagnent en cette occasion »[305]. D’autres Catalans écrivent à Le Tellier à ce moment-là : Ardena, Pinós, Caramany… D’autres adressent leurs requêtes à Margarit qui se trouve à la cour : Copons, Rocabruna, Bassedas, Queralt, Sagarra[306]. Insensiblement, ces réseaux de suppliques suivent les anciennes affinités des partis Ardena/Margarit. En réponse, on promet aux Catalans des dédommagements, sans préciser encore exactement de quoi ils seront faits.

Il est important de souligner la présence du maréchal de La Mothe à Perpignan en novembre 1652. Il s’y est rendu après avoir reflué avec son armée par le comté de Foix, et peut-être, nous l’avons dit, accompagné par certains Catalans. La Mothe, établi dans la place forte, y prend un certain nombre de mesures qui tirent conséquence de la nouvelle situation politique des Comtés. Sans doute sur une demande du maréchal lui-même, mi-novembre, la cour lui accorde un brevet de don « du droit du General et de la Boüille, ensemble du revenu et du domaine du Patrimoine Royal au Pays de Catalogne, confisqués au roy par le rebellion des deputez du Principat de Catalogne en prêtant l’obeissance au Roy Catholique »[307]. Malgré la formulation ambiguë, il s’agit, d’une part, des droits perçus par la Generalitat dans toute l’étendue du Principat (le droit de la bolla étant une taxe sur les textiles), de l’autre des revenus du patrimoine royal du Roussillon gérés par la Procuració Reial dels Comtats, qui n’ont pas de rapport avec la Generalitat. Les députés, on l’a déjà dit, s’étaient ralliés à Philippe IV, que ce soit le député ecclésiastique et président Pau del Rosso, resté dans Barcelona pendant le siège, ou les autres députés retirés à Manresa. Seul l’oïdor reial Vicenç Ferriol était passé en Roussillon. Ainsi les députés étaient-ils déclarés criminels de lèse-majesté, permettant opportunément de saisir tous les droits jadis perçus par l’institution en Roussillon. La Mothe – c’est encore une mesure d’exception décidée pour raisons de guerre – s’est fait attribuer à la fois ces droits et ceux du patrimoine royal, pour financer l’armée qu’il a ramenée avec lui de Catalogne, mais aussi les nouvelles forces que l’on attend avec impatience. Les registres de la Procuració Reial dels Comtats enregistrent encore quelques décisions prises par le maréchal, qui montrent la reprise d’un mouvement de confiscations à ce moment précis. Le 19 novembre, il fait donation aux augustins déchaussés du couvent Sainte-Monique des biens que possèdait Antoni Generes à Saint-Estève, ainsi que d’une autre propriété de Generes à Torreilles, et de la maison que possédait Joan Réart à Perpignan, sise rue Saint-Sauveur, pour y établir leur couvent. « Parce que les religieux du couvent […] par charité et amour pour la consolation des soldats et officiers de la garnison du château et ville de Perpignan sont venus habiter dans la présente ville sans avoir rien pour pouvoir se sustenter et presque aucune habitation pour pouvoir demeurer et habiter, et que pendant la campagne deux religieux du même couvent nous ont assisté, s’occupant avec un grand soin des malades qu’il y avait dans ladite armée, qui était nombreuse, de telle manière que s’il n’y avait pas eu ces deux religieux, les pauvres malades restaient sans consolation parce qu’il n’y en avait pas d’autres ordres… ». Evidemment, Antoni Generes et Joan Réart étaient passés du côté espagnol et leurs biens étaient de facto confisqués : « las quals cosas spectan a sa Magestat o a son fisch real per haver comes dit Generes crim de rebeldia y estar y habitar en terras y jurisdictio del Rey Catolich »[308]. Quelques jours plus tard, le 23 novembre, La Mothe fait donation à Antoine Castagnier (« Antoni Castanyer »), tailleur français, des biens de Josep Bartes, batlle du lieu de Pollestres[309]. Castagnier était-il un tailleur au service de l’armée ? Il est permis de le penser. De nouveau, le vice-roi usait de l’autorité souveraine dont il s’estimait dépositaire. La précision du premier acte « las quals cosas spectan a sa Magestat o a son fisch real » est importante et montre peut-être une légère hésitation sur le statut des biens en question. La Real Audiència, comme la Generalitat, avait été écartelée après la capitulation, de sorte que certains membres se trouvaient à Perpignan et d’autres s’étaient soumis à Philippe IV. Une Audience avait-elle alors été reconstituée à Perpignan en novembre 1652 ? Là aussi, l’absence d’archives ne permet pas de trancher. Mais aucune référence à une sentence ou à un jugement ne figure dans les actes ordonnés par le maréchal, contrairement à ceux édictés pendant la décennie précédente (comme ceux de Schomberg, par exemple) ce qui accrédite bien la thèse de la reprise d’une puissance souveraine sans garde-fous judiciaires. L’histoire de 1642 recommençait.

Au cours du mois de novembre, les réclamations des exilés s’organisent et se concrétisent. Margarit écrit à Mazarin, qu’il n’a toujours pas pu voir à la cour puisqu’il en est encore absent, pour lui dire que les Espagnols ont fait de grandes récompenses aux Catalans après la prise de Barcelona, et leur a accordé un pardon général dont ils l’ont excepté : il l’engage à reprendre Barcelona[310] ! Mais les autres exilés ne pouvaient tolérer que Margarit soit le seul Catalan qui aille à la cour pour défendre ses intérêts. Le 6 décembre, Fontanella écrit à Servien depuis sa vicomté de Canet en Roussillon, et l’informe de l’initiative du comte d’Ille « y otros amigos » d’envoyer le docteur Morell à la cour, pour remontrer au roi la perte de leur patrimoine causé par la perte de la Catalogne, et demander un dédommagement…

« Le comte d’Ille et autres amis ont demandé au sacristain Mortell d’aller à la cour pour représenter l’état des choses d’ici, et demander à Sa Majesté qu’elle nous honore de nous mettre en état de pouvoir subsister. Chacun de nous l’a informé de ses intentions. J’ai déjà signifié les miennes à Votre Excellence dans d’autres lettres, et il [Morell] m’a offert de les représenter de nouveau. Mais je laisse tous mes intérêts dans les mains de Son Eminence et de Votre Excellence. Je ne vous assurerai par la présente que d’une chose : je suis avec la ferme et constante résolution de vivre et mourir vassal de France, ce dont rien, dans cette vie, ne permettra de me faire changer d’avis »[311].

Le docteur Morell part de Perpignan le 14 décembre[312]. Avant son départ ou à son arrivée, il rédige de sa propre main un mémoire qui est encore conservé aux archives des Affaires étrangères. Ce document a sans doute été délivré à Abel Servien et/ou à Mazarin. Il s’agit véritablement du « mémoire des amis », pour reprendre l’expression antérieure de Fontanella, puisque Morell y expose les intérêts du Régent, d’Ardena, de Pinós, de Caramany, de Vicenç Ferriol[313], et les siens propres évidemment. On voit bien que les solides factions constituées entre 1642 et 1652 ne s’étaient absolument pas évanouies à la chute de Barcelona, et qu’elles commençaient à préjuger de l’avenir de ces nouvelles élites en Roussillon. Ce mémoire de Morell – nous invitons le lecteur à en parcourir l’édition en annexe[314] – montre bien qu’en décembre, tous les « amis » en question se sont bien exactement informés des biens qui venaient de se libérer en Roussillon par le départ de leurs anciens propriétaires passés au service de Castille.

Examinons-en les principaux. Fontanella, lit-on, ne peut se sustenter avec la seule vicomté de Canet, si on ne lui fait le don de « quelque bien en France ». Il demande concrètement « tous les biens confisqués ou séquestrés (là encore, la distinction est importante), à confisquer ou à séquestrer ou à appréhender à l’intérieur de la juridiction criminelle de sa vicomté de Canet », la seigneurie de Villelongue (de la Salanque) avec juridiction, jadis possédée par Emanuel d’Oms « bien que ce ne soit grand chose, comme c’est très près de sa vicomté, il le désire ». Evidemment, il supplie qu’on ordonne au gouverneur de Salses de le laisser jouir de la Font de Salses. La demande d’Ardena est plus précise : il parle de 8000 livres qu’il a dépensées pendant le siège de Barcelona sans jamais recevoir d’argent du roi, plus tout son argent donné à la ville pour l’entretien des troupes ; il a perdu la baronnie de Darnius, son régiment de cavalerie est décimé. Il demande une récompense « en France, où il puisse tenir en sécurité sa femme et ses enfants », et propose de lui faire un remboursement sur le revenu des gabelles du Languedoc ; enfin, il voudrait passer au grande de lieutenant-général sous les ordres d’un maréchal de France ou d’un duc, au vu de sa conduite exemplaire jusqu’à l’arrivée de La Mothe à Barcelona. Mieux, Pinós, ayant perdu ses biens qu’il estime à plus de 10 000 écus français de rente, demande précisément la vicomté de Joch, Rabouillet à la frontière du Languedoc, disant qu’il l’avait acheté à son oncle Perapertusa, ainsi que la seigneurie de Tautavel, ancienne propriété d’Emanuel d’Oms, « pour pouvoir tenir en ce lieu sa femme et ses enfants, car tout le patrimoine du vicomte de Joch son oncle est sur la frontière et ce n’est pas un lieu sur pour eux ». L’affaire des biens de Perapertusa est à commenter : il s’agit là aussi, sans aucun doute, d’un stratagème imaginé par le vicomte de Joch pour pouvoir rester in fine propriétaire de ses biens tout en restant du côté castillan. Au moment où il décidait de soutenir Philippe IV, Antoni de Perapertusa faisait une vente déguisée à son neveu passé en Roussillon. Le système fait un peu penser à celui opté par Francesc de Tamarit. Mais, comme nous l’avons vu plus haut, le roi venait de faire donation des biens en question à l’abbé de La Rivière, contre qui Perapertusa avait un long et épineux procès. Quant à Josep de Caramany, il demande les seigneuries de Saint-Feliu d’Amont et d’Avall avec toutes juridictions, possédées par les héritiers de Diego de Rocabertí i de Pau, dont il affirme que le maréchal de La Mothe lui a fait grâce – information qui recoupe les observations que nous faisions ci-dessus, à savoir que La Mothe avait recommencé à faire ses propres donations, mais que les bénéficiaires n’étaient pas forcément convaincus par leur validité.

Dans l’autre clan, des réactions se soulèvent contre le voyage entrepris par le docteur Morell, car l’on entrevoit déjà la conséquence qui pourra en arriver, comme cela a eu lieu dans la décennie écoulée : un monopole, facilement obtenu par ignorance des ministres. Le docteur Francesc de Sagarra, qui a montré son zèle et son efficacité lors de la répression des insurgés de Puigcerdà, reçoit les faveurs du maréchal de La Mothe qui utilise ses services. Par opposition avec Fontanella, en raison de sa participation aux répressions organisées après 1646 par Pierre de Marca, Sagarra est resté proche de Margarit. Ce dernier étant toujours à la cour, il lui écrit, le 21 décembre 1652, pour lui donner avis de l’entrée en Conflent des troupes françaises et de leurs exactions. Dans la plaine, le moindre miquelet se fait souverains. Les compagnies ont pillé Saint-Laurent de la Salanque et Saint-Hippolyte, mais elles ont été arrêtées par le comte de Noailles. Le château de Corbère a été pris. Les Catalans à la cour, dit-il, font des demandes excessives dont la formulation est à la limite de l’irrespect envers le souverain. La lettre, originalement en catalan, a été traduite à l’intention des ministres français…

« J’asseure certainement Votre Excellence que tout ce pays icy est perdu et vendu. Et si on ne le veut pas croire, on ne le verra que trop si on ne change de politicque en ce paÿs. Maintenant je croy que le docteur Morel doit estre arrivé à la cour. Il porte de la part de dom Joseph de Pinos et quelques autres des propositions bien extraodinaires. Si on les soufre nous nous devons touts faire aux armes, j’en ay desja adverty Votre Excellence comme il a esté envoyé pour demander au roÿ recompense pour quelques uns, que si en obtiennent [sic] ils demeureront sujets du roÿ et qu’autrement ils s’en passeront aux ennemis en Catalogne. Avec ces façons de faire ces gens icÿ ont leur intelligence et traictez avec les ennemis et ils taschent de se faire puissants pour pouvoir avoir meilleur partÿ. Cependant plusieurs d’entre eux ont leurs femmes en Catalogne lesquelles se promenent librement. Seulement ma femme et mes enfants sont les malheurs [sic], que leur aÿant les ennemis donné liberté, ils ont esté derechef arresté prisonniers par le chemin. Je prie Votre Eminence de considerer leur misere et mon affliction puisque avec tous mes services je me trouve en tel estat… »[315].

Ce n’est pas un autre discours que celui de Pierre Marca un an auparavant. Le clan de Margarit dénonce le clan adverse comme coupable d’un odieux chantage : ou le roi les récompensait, ou bien ils repasseraient du côté espagnol. Et beaucoup d’entre eux avaient déjà pris des dispositions pour laisser leurs femmes dans le Principat. Là encore, l’accusation est en partie infondée, mais en partie seulement. L’habileté des gentilshommes en question est démontrée. Ils ne sont peut-être pas des traîtres dans l’âme, mais regardent plutôt, pour certains d’entre eux, le sens dans lequel le vent va tourner. Ce qui ne les empêchent pas d’être fort « amis » avec d’autres qui ne partagent pas exactement le même état d’esprit. Pour l’heure, la grande vague d’attribution de confiscations en Roussillon n’a pas encore eu lieu. Ce sera, en réalité, le fait propre de l’année 1653 : en janvier, le nouveau vice-roi de Catalogne, le marquis de Mortara, publie une sentence déclarant criminels de lèse-majesté un groupe d’environ 200 Catalans[316]. C’est en réponse à cela que le roi de France, en juillet 1653, après consultation des différentes délégations catalanes comme celle de Morell, fait dresser un état des biens confisqués en Roussillon pour les distribuer à de nouveaux bénéficiaires[317]. C’est là une autre étape de l’histoire, qui verra toutefois la poursuite des querelles qui nous ont occupé au fil de notre travail, au moins jusqu’au traité des Pyrénées. A la fin de l’année 1652, le maréchal de La Mothe publie son intention de nommer Sagarra comme nouveau gouverneur du Roussillon, Tomàs de Banyuls venant de faire défection. L’ayant appris, Fontanella écrit à Servien : il le met en garde contre cette nomination. Il faut un homme de cape et d’épée à ce poste, et non de robe. Cela désespèrera les cavallers qui ont combattu contre l’Espagne et se trouvent maintenant dans cette province : Ardena, Pinós, Caramany[318]… Sagarra aura un rôle déterminant dans l’application des nouvelles mesures royales de gratification. Il allait falloir vivre ensemble.

[1] Voir l’évolution du discours sur la paix et la trêve : supra Deuxième partie, III. 2. II.

[2] AZNAR, Daniel, « La Catalunya borbònica… », p. 273. « L’aparent incoherència de la Cort i dels seus representants a Catalunya respecte a les bandositats catalanes ha inspirat a alguns historiadors la sospita d’una estratègia reial de manipulació premeditada. Sovint la manipulació venia dels mateixos catalans. L’abat de Galligants, diputat eclesiàstic, per exemple, va seduir Harcourt proposant-li demanar en nom de la Diputació el marquesat d’Aytona per al comte de Chabot, que era cosí germà del virrei i el seu lloctinent militar. Una petició tan profitosa per a Harcourt com humiliant per a Margarit, que perdria l’usdefruit del marquesat ».

[3] Voir supra : Troisième partie, I. 2.

[4] AMAE, CP Espagne 25 (fol.176), Lettre de Margarit à Mazarin, 14 novembre 1645.

[5] SHD, A1 121 (n°371), Ordonnance de fonds de 1691 l. pour la pension du nommé de Bas, 7 juillet 1650. Il s’agit d’un ordre à M. Bertrand de la Bazinière de payer comptant au procureur des pères jésuites du collège de Clermont la somme de 1691 l. 2 sols courant depuis le 1er janvier 1648 jusqu’en juin 1649, « pour aucunes memes despenses faictes par lesdits Peres Jesuites pour l’entretenement dud. de Bas ».

[6] AMAE, CP Espagne 30 (fol.354-355v), Lettre de Mazarin à Mercoeur, 10 mai 1650.

[7] AMAE, CP Espagne 30 (fol.413-414), Lettre de Mazarin à Mercoeur, 7 juillet 1650.

[8] AMAE, CP Espagne 26 (fol.387-389), s.d. (vers 1644). Ce document sans date est difficile à identifier mais figure au milieu d’autres documents de 1646. Il semble plutôt dater du tout début de la mission de Marca en Catalogne en 1644.

[9] Voir aussi supra : Première partie, II., 3.

Cavallers (chevaliers) : terme générique comprenant les nobles de sang non titrés, et pas forcément encore adoubés. Parmi les cavallers, se trouvent notamment les donzells (damoiseaux), qui devaient être soit de souche militaire immémoriale, soit fils ou descendants de chevaliers investis du privilège militaire, de seigneurs de vassaux, ou bien par lettre de rescrit.

[10] BNF, Français 4198 (fol.15v-16), Lettre de Le Tellier à La Mothe, 10 mars 1644. « Sa Majesté a aussy agréé la proposition que je luy ay faite de votre part dans le Conseil de faire faire, et vous envoyer des cordons et des croix de l’ordre de St Michel pour en distribuer aux gentilhommes catalans que vous estimerez quil sera a propos d’en gratiffier ».

[11] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.268. Le fait n’est cependant pas pleinement établi.

[12] Voir supra : Deuxième partie, I. 1. et 2.

[13] Aguilar est une baronnie composée de plusieurs lieux : Bancs, Catllarí, l’Hospital del Coll d’Olzina, Valtelles, tous situés dans la vall de Lord, comarca de Solsonès, província de Lleida. Voir Güell i Barcelo, Manuel, « Els Margarit de Castell d’Empordà: família, noblesa i patrimoni à l’època moderna », Estudis, n° 56, Fundació Noguera, 2011. Voir aussi LAZERME, t.II, p.318-319.

[14] Voir supra Première partie II. 3 ; Deuxième partie, I. 1. et 2.

[15] Il s’agit d’Alella dans la province de Barcelona, comarca de Maresme.

[16] Il semble s’agir de la « Casa Gralla », située carrer Portaferrissa à Barcelona, édifice de style Renaissance construit au XIVe siècle pour les Desplà, seigneurs d’Alella, et remanié au XVIe pour les Gralla, avant d’échoir par héritage aux Aitona, puis plus tard aux ducs de Medinaceli. Cette demeure fut démolie en 1856. Voir : VALLÉS, Alba, « L’arxiu de la casa ducal de Medinaceli a Catalunya durant la guerra del Francès » http://www.cch.cat/pdf/alba_valles01.pdf (consulté le 24 septembre 2014).

[17] BNF, Français 4217 (fol.262-266), Lettre de Marca à Le Tellier, 25 mars 1648. Voir édition : Document n°16.

[18] BNF, Français 4217 (fol.313v-317v), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 juin 1648.

[19] SHD, A1 105 (n°487), Don des terres et biens dependants du marquisat d’Ayetonne et autres terres et biens en faveur de don Joseph Margarith, ensemble l’erection de la terre d’Aguilar en marquisat (minute), juin 1648.

Il est intéressant de signaler que la minute n°486 comporte un don qui ne figure pas dans l’autre : « et le jardin de Valfogona scitué aux fauxbourgs de nostre ville de Barcelonne, a nous acquis par la confiscation ordonnée contre le comte de Valfogona ». Preuve supplémentaire du caractère très accidenté de l’établissement de cet acte (ces actes ?).

[20] SHD, A1 105 (n°488), Union au domaine royal de Catalongne des comtez de Cannet et vicomté d’Evol, et des maisons des marquis d’Aytonne et comte de Montagut (minute), juillet 1648. Il a existé en 1648 des lettres patentes expédiées de réunion des vicomtés d’Evol et de Canet, mais elles correspondant à une autre minute (voir cette affaire supra : Troisième partie, I. 2.). Cet acte-là est un pur unicum dont l’oubli rapide s’explique par le changement d’avis de Marca sur la question de la maison des marquis d’Aitona.

[21] BNF, Français 4217 (fol.370-376v), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 septembre 1648. Voir Document n°19.

[22] ACA, Cancilleria, Intrusos 118 (fol.224v-229v), 5 août 1648. Voir supra : Troisième partie, I. 2.

[23] SHD, A1 105 (n°486), Don des terres et biens dependant du marquisat d’Ayetonne et autres terres et biens en faveur de Don Joseph Margarith, ensemble erection de la terre d’Aguilar en marquisat, du mois de juin 1648, à Paris (minute), juin, juillet et août 1648.

[24] ACA, Cancilleria, Intrusos 124 (fol.204-208), Don à Francesc Sangenís de la torre d’Alella, confisquée au marquis d’Aitona, ainsi que 214 livres 16 sous de rente reçues par le marquis de Villasor, 7 octobre 1648.

[25] Celle que nous avons déjà citée plus haut : BNF, Français 4217 (fol.370-376v), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 septembre 1648. Voir Document n°19.

[26] BNF, Français 4218 (fol.48v-50), Lettre de Marca à Le Tellier, 3 février 1649. « J’ay appris que le sieur Mostaros pretend demander le don de la baronnie de la Lacuna. C’est la seule piece qui reste de la maison d’Aytone dont le revenu soit deschargé des debtes de la maison, apres que la jouissance accordée aux creanciers particuliers de cette baronnie sera expirée, qui doibt encore durer neuf ou dix années. Elle est comprise dans le don que S.M. a destiné pour dom Joseph Marguerit. Ce qui a empeché que M. le mareschal de Schomberg n’en fit expedier le don en faveur de Mostaros ».

[27] BNF, Français 4218 (fol.91v-94v), Lettre de Le Tellier à Marca, 20 mars 1649.

[28] BNF, Français 4218 (fol.71v-74v), Lettre de Marca à Le Tellier, 21 avril 1649. Il est permis de croire que l’expédition remise à Margarit par l’intermédiaire du docteur Sivilla a été tirée de la minute la plus récente (SHD, A1 105, n°486), commentée ci-dessus.

[29] SHD, A1 114 (fol.284v-285), Lettre de Le Tellier à Margarit, 23 avril 1649.

[30] SHD, A1 114 (fol.282v-284v), Lettre de la main de monseigneur Le Tellier à monsieur de Marca, évesque de Couserans, touchant le don fait à monsieur Joseph Margarit, 23 avril 1649. Voir édition en annexe : Document n°9.

[31] Nous étudions en détail son interrègne supra, Troisième partie, II. 1.

[32] Voir supra II. 1) B).

[33] Voir infra les demandes de la famille de Reguer.

[34] Pour la gratification de Fontanella, voir supra Troisième partie, II. 1. Minute : SHD, A1 112 (n°351), avril 1649. Enregistrement : ACA, Cancilleria, Intrusos 112 (fol.303v-305v). L’enregistrement semble avoir été fait au cours de l’année 1650.

[35] Martin de Charmoye est le secrétaire particulier du maréchal de Schomberg (voir supra : Troisième partie, I. 2.).

[36] SHD, A1 114 (fol.282v-284v).

[37] BNF, Français 4218 (fol.110v-124v), Lettre de Marca à Le Tellier, 19 mai 1649.

[38] BNF, Français 4218 (fol.121v-126v), Lettre de Marca à Le Tellier, 26 mai 1649. Voir aussi infra.

[39] SHD, A1 114 (fol.455v-456v), Lettre de la main de monseigneur Le Tellier à monsieur don Joseph Marguariht touchant le don qui luy a esté fait des biens du marquis d’Aytonne et de la demande du sieur Francisco Calvo et Joseph Bassedes, 23 juin 1649.

Il y a aussi la minute d’une lettre de Mazarin à Margarit (AMAE, CP Espagne 28, fol.251v-252, 12 juin 1649) : « C’est a la bonté de leurs Majestez et au merite de vostre zele au bien de leur service que vous devez la grace qu’elles vous ont faicte du marquisat d’Aytone, je souhaitterois qu’elle fust encore plus considerable, elle seroit tres bien employée comme je tiendray toujours que seront mes soins quand ce sera pour contribuer de plus en plus a nos advantages […] ».

[40] BNF, Français 4216 (fol.151v-158), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 février 1645.

[41] BNF, Français 4219 (fol.100-112v), Memoire sur les divisions de Catalogne et du remede qui s’y peut aporter, 1650. « D’ailleurs si les factieux n’eussent eu autre mouvement que celui des chefs du party, il eut esté apropos de les dissiper en gagnant les principaux […] ».

[42] AMAE, CP Espagne 29 (fol.246-247v), Lettre de Margarit à Mazarin, 30 juin 1649. Voir édition : Document n°38.

[43] SHD, A1 115 (fol.17v-24), Lettre de la main de monseigneur Le Tellier a monsieur l’évesque de Couzerans sur plusieurs points concernant les affaires de Catalogne, 22 juillet 1649.

[44] Nous n’avons pas trouvé de trace d’enregistrement de ces lettres dans les registres de la chancellerie de Catalogne, mais évidemment cela ne signifie pas qu’elles n’aient jamais été enregistrées car il a pu y avoir des pertes documentaires.

[45] ACA, Cancilleria, Intrusos 122 (fol.161-164), Arbitrage de l’Audiència entre les bénéficiaires de grâces sur les biens du comte de Peralada, 10 juin 1650. « Don Joseph de Margarit y de Biure marques de Aytona y vescompte de Cabrera y Bas, portant veus del general governador de Cathalunya » possède un censal.

[46] BNF, Français 4219 (fol.152-159v), Lettre de Marca à Le Tellier, 2 août 1650.

[47] BNF, Français 4182 (fol.25v-26), Lettre missive du roi aux officiers de l’Audience Royale, 15 janvier 1651.

[48] BNF, Français 4205 (fol.319-322), Lettre de Le Tellier à Marca, 28 avril 1651. « J’ay fait mettre en main dudit sieur Faget les lettres de don que vous avez proposées en faveur des docteurs Queralt et Vidal, pour les desdomager de cui leur avoit esté cy devant accordé dans les biens qui ont esté depuis donnez a monsieur le Gouverneur ».

[49] Il faut aussi signaler, bien que cela ne touche pas directement à notre sujet, l’affaire de la réforme des compagnies du régiment de cavalerie du Gouverneur : en 1650 la couronne, par mesure d’économie, avait décidé d’en réformer deux compagnies, mais dans le contexte que nous avons illustré dans ce chapitre – l’extrême ressentiment de Margarit et son sentiment d’injustice. Il avait fallu que la couronne revienne en arrière et signifie sa décision au vice-roi Mercoeur (BNF, Français 4205, fol.57-58v, Lettre de Le Tellier à Mercoeur, 24 mars 1650).

[50] Voir l’affaire de Cabanyes supra : Première partie, II. 3.

[51] BNF, Français 4182 (fol.172), Lettre du roi à Marchin, 14 mai 1651.

[52] BNF, Français 4182 (fol.241v-242v), Lettre du roi au marquis d’Aguilar, 1er juillet 1651.

[53] LAZERME Inédit (Reguer). Les Reguer, d’origine marchande, sont originaires de La Prenyanosa, un hameau de Cervera, comarca de la Segarra, province de Lleida. Francesc de Reguer acquit la seigneurei de Vilagrassa, fut créé Ciutadà honrat de Barcelona en 1582 puis cavaller en 1599 par lettres de Philippe III.

En 1614 Joaquim de Reguer i Ferrer avait épousé Isabel Despés i de Margarit, issue par sa mère de la branche aînée de cette maison dont la branche cadette s’était détachée au XVe siècle (voir aussi LAZERME, t. II, p. 308-320). Eulàlia de Reguer est leur fille unique (voir note suivante).

[54] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p. 245. « La familia Reguer era una de las más influyentes de Barcelona, su casa había servido para alojar a La Mothe a su llegada a la capital. Los Reguer eran francófilos de la première heure y, lo más interesante, emparentados con los Margarit ».

[55] AMAE, CP Espagne 21 (fol.200), « Noticias de Cataluña », 5 avril 1644.

[56] LAZERME Inédit (Reguer). Eulàlia de Reguer i Despés était la fille de Joaquim de Reguer i Ferrer et d’Isabel Despés i de Margarit. Née vers 1615, elle devait avoir moins de trente ans au moment de l’arrivée de La Mothe à Barcelona. Elle avait épousé vers 1630 son cousin germain Garau de Reguer i d’Erill, fils de Pere de Reguer i Ferrer et de Violant d’Erill i Sarriera.

[57] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p. 245. « Además, para escándalo público, el virrey exhibía abiertamente su relación con Eulalia Reguer, a la que hacía sentar a su lado como si se tratara de su esposa, y que ejercía casi de virreina influyendo en los asuntos más graves del gobierno. La favorita había hecho derramar impúdicamente sobre sus familiares los beneficios de su buena fortuna ».

On trouve cette rumeur reprise dans : AMAE, CP Espagne 21 (fol.497-499v), un mémoire anonyme contre le gouvernement du maréchal de la Mothe. Mais les sources ne sont pas extrêmement nombreuses à ce sujet.

[58] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.322-325v), Mémoire anonyme adressé à Plessis-Besançon, s.d. « Todos estos no son muy amigos del Governador, esto es cierto, ni aplauden sus actiones, y assi mire V.Ill.ma que no tiene tan grande seguito, ni tan calificado, como sus amigos, que el seguito del Governador todo consiste en la casa de Reguer y de Rajadell, y de algunos a quien a hecho bien, y a todos los demas, aunque le respeten, no le aman ».

[59] SHD, A1 88 (fol.357), minute.

[60] BNF, Français 4217 (fol.380-384), Copie de la requête présentée par D. Pedro Reguer et dona Eulalia sa belle fille, avec le decret de Monseigneur le Prince, 7 novembre 1647 (date de la pièce originale) ; 17 septembre 1648 (date présumée de la copie). Le mémoire est en castillan. Voir le texte original en édition : Document n°37.

[61] BNF, Français 4217 (fol.262-266), Lettre de Marca à Le Tellier, 25 mars 1648. Voir édition : Document n°16.

Le mémoire du prince de Condé semble aujourd’hui perdu. Nous avons évoqué cet épisode supra : Deuxième partie, I. 3.

[62] BNF, Français 4217 (fol.313v-317v), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 juin 1648.

[63] BNF, Français 4217 (fol.370-376v), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 septembre 1648.

[64] Il doit s’agir de Les Borges Blanques, comarca de Garrigues, province de Lleida.

[65] La copie jointe à cette lettre : BNF, Français 4217 (fol.380-384), Coppie de la requeste presentée par D. Pedro Reguer et dona Eulalia sa belle fille, avec le decret de Monseigneur le Prince… Voir supra un commentaire, et aussi l’édition : Document n°37.

[66] BNF, Fraçais 4217 (fol.376v-380), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 septembre 1648. On se reportera à l’édition de cette lettre : Document n°20.

[67] LAZERME Inédit (Olzinellas). Joan-Baptista d’Olzinellas i de Reguer, seigneur de Mollerussa (comarca del Pla d’Urgell), Torreserona (comarca del Segrià), La Grallera (ville aujourd’hui disparue de la comarca del Segrià), fils de Miquel-Felip d’Olzinellas i Botella et de Joana Mahull, avait épousé le 26 mars 1622 (contrat devant Anton-Joan Fita, notaire de Barcelona) Maria de Reguer i d’Erill, fille de Pere de Reguer i Ferrer et de Violant d’Erill i Sarriera (sœur de Garau de Reguer et belle-sœur d’Eulàlia). Ils avaient eu trois enfants (connus par le testament de Joan-Baptiste d’Olzinellas, le 16 mars 1645 devant Pau Passoles, notaire de Barcelona) : Francesc, Maria-Ana et Estefània d’Olzinellas i de Reguer. Francesc d’Olzinellas i de Reguer épousa vers 1690 Cecilia de Fluvià i d’Aguilar. Ils eurent eux-mêmes deux enfants, Narcis et Teresa (religieuse) d’Olzinellas i de Fluvià. Narcis se maria à son tour en 1721 avec Josepha de Vilalba i de Fivaller : leur fille unique Maria-Ignàsia d’Olzinellas i de Vilalba épousa Jeroni de Ribas i de Castellbell, marquis d’Alfarràs. Leur descendance se poursuit jusqu’à nos jours dans les marquis de Llupià.

[68] ACA, Cancilleria, Intrusos 128 (fol.247v-249), 26 septembre 1648. Dans sa supplique, Eulàlia avait cependant expliqué qu’une fois payées les charges de ces biens, ils ne « pouvaient rapporter aucune utilité » au fisc royal : « Lo fisch pagats dits credits no pot reportar utilitat alguna ni de la hasienda que fou de don Plegamans de Marimon ans be ha de suportar molts gastos […] los credits exorbexen ditas heretats ». Voir aussi LAZERME Inédit (Marimon).

[69] Voir aussi supra l’habileté et l’efficacité des veuves catalanes, Deuxième partie, II. 1.

[70] SHD, A1 114 (fol.282v-284v), Lettre de la main de monseigneur Le Tellier a monsieur de Marca, évesque de Couserans, touchant le don fait a monsieur Joseph Margarit, 23 avril 1649. Voir édition : Document n°9.

[71] AMAE, CP Espagne 29 (fol.216-221), Lettre de Marchin à Mazarin, 19 avril 1649.

[72] SHD, A1 114 (fol.284v-284), Lettre de Le Tellier à Margarit, 23 avril 1649. Voir supra ce document.

[73] BNF, Français 4218 (fol.121v-126v), Lettre de Marca à Le Tellier, 26 mai 1649.

[74] SHD, A1 114 (fol.455-456v), Lettre de la main de Monseigneur Le Tellier a Monsieur Don Joseph Marguariht touchant le don qui luy a esté fait des biens du Marquis d’Aytonne et de la demande du sieur Francisco Calvo et Joseph Bassedes, 23 juin 1649.

[75] SHD, A1 112 (n°357), Don du jardin de la maison d’Aytonne et d’une petite gallerie y attenant en faveur de don Pedro Reguer, du [« XVe » a été barré] moys de juillet 1649, juillet 1649. Voir Figure n°8.

C’est dans sa lettre du 26 mai 1649 (BNF, Français 4218, fol.121v-126v, voir supra) que Marca signalait qu’il envoyait cette minute en pièce jointe.

[76] BNF, Français 4217 (fol.376v-380), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 septembre 1648. Voir édition : Document n°20.

[77] BNF, Français 4218 (fol.121v-126v), Lettre de Marca à Le Tellier, 26 mai 1649. Voir supra.

[78] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.95-96), Don à Felip de Copons des fruits et droits de la baronnie de Vallfogona et exercice de la juridiction jusqu’à que le roi lui fasse grâce de la propriété (catalan), 10 août 1648.

Voir aussi supra : Troisième partie, I. 2.

[79] LAZERME Inédit (Reguer). Eulàlia de Reguer testa le 13 janvier 1650 devant Francesc-Josep Fontana, notaire de Barcelona, élut sépulture au monastère de Saint-Francesc de Girona et mourut vers le 25 février suivant. Elle laissait deux filles : Maria de Reguer i de Reguer, héritière universelle de sa mère, qui épousera en 1653 Juan-Antonio Fernández de Velasco i de Reguer, son cousin ; et Magdalena de Reguer i de Reguer, qui épousera en 1666 José de Borja Lanzol de Romaní y Mascarell, Barón de San Petrillo y Campo Sobrarbe, gouverneur de Barcelona. Ces filles, sans doute recueillies par un membre de leur famille, ne quittèrent pas le Principat en 1652 et restèrent dans l’obéissance de Castille.

[80] SALES, Núria, Senyors bandolers, miquelets i botiflers : estudis d’historia de Catalunya (segles XVI al XVIII), 1984, (Biblioteca universal (Empúries), p. 13-101.

[81] LAZERME, t. I, p. 114-115.

[82] Voir supra : Première partie, II. 1.

[83] ACA, Cancilleria, Intrusos 145 (fol.160v), Nomination de Tomàs de Banyuls comme gouverneur du comté d’Evol et du comté de Santa Maria de Formiguera, donné à Perpignan, 2 avril 1647.

[84] AMAE, CP Espagne 27 (fol.218), Lettre de Mazarin à Banyuls, 22 septembre 1647.

[85] AMAE, CP Espagne 5 (fol.298-298v), Lettre de fra Lluis Alosi à Pujolar (copie de la main de Pujolar), 29 novembre 1647. Voir édition : Document n°36.

[86] LAZERME, t. I, p.115.

[87] SALES, Senyors bandolers…, p. 13-101.

[88] AMAE, CP Espagne 26 (fol.495), « Noticias de Cataluña », 24 août 1647.

[89] AMAE, CP Espagne 5 (fol.298-298v), Lettre de fra Lluis Alosi à Pujolar (copie de la main de Pujolar), 29 novembre 1647. Voir édition : Document n°36.

[90] BNF, Français 4217 (fol.168v-178v), Lettre de Marca à Le Tellier, 1er décembre 1647.

[91] BNF, Français 4202 (fol.502-504), Lettre de Le Tellier à Marca, 27 décembre 1647.

[92] SHD, A1 105 (n°485), Don des droits seigneuriaux appartenants au roy a cause du rachapt de la terre de Monferrer en Roussillon pour le sieur de Bañuls (minute), 31 août 1648. On trouve également cet acte retranscrit dans un autre volume, à la date fautive de 1650 : SHD, A1 125, n°307.

[93] SALES, Senyors bandolers…, p. 70-71. « el rei de França, amb qui estava encara en excellents relacions, havia renunciat a foriscapis ».

Voir aussi LAZERME, t. II, p. 181 (Guanter) : Lluisa Coli i Duran, veuve de Joan-Miquel, notaire et syndic de Prats-de-Mollo, acheta Montferrer en 1623, que son fils Emanuel Guanter i Coli, après avoir reçu un privilège de noblesse du maréchal de Schomberg en 1648, revendit en 1649.

[94] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.128v-131v), Lettres patentes de don des droits de justice qui appartenaient au roi sur les seigneuries de Nyer, Réal et Odeillo (transcription), avril 1648. Lettres données à Paris et contresignées de Le Tellier.

[95] SALES, Senyors bandolers…, p. 72-87.

[96] Voir supra : Première partie, II. 3.

[97] BNF, Français 4217 (fol.317v-321), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 juin 1648.

[98] SHD, A1 105 (n°434), Brevet portant permission de fouiller des mines et d’en tirer des mettaux (minute), 30 avril 1648.

[99] BNF, Français 4217 (fol.317v-321), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 juin 1648.

[100] Voir supra : Troisième partie, I. 2.

[101] BNF, Français 4217 (fol.312v-321), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 juin 1648. « Outre le profit des mines il y a dans le vicomté les droits seigneuriaux et les dixmes qui valent deux mil livres Barcelonaises, lesquelles estans jointes aux trois mil livres barcelonaises de ferme provenans de la mine qui se delivre pour les forges de dom Thomas de Bagnolz font cinq mil livres barcelonaises. sans y comprendre les deux mil pour le moins que donneront les forges du vicomté […].

Cette relation me descharge aussi envers vous, Monsieur, de ce que j’avois avancé en termes generaux, que le vicomté valoit douze cens pistoles de rente, en sorte que Monseigneur le Cardinal de Sainte Cecile ayant appris l’exces de ce revenu, et me pressant de luy demander ce que je voudrois des biens confisquez pour m’en gratifier, avoit raison de me dire qu’il y avoit en ce vicomté de quoi recompenser deux personnes, et sans doubte je me fusse contenté de la moitié, et de le posseder par indivis avec un autre, si je n’eusse esté si roide pour les interests du public. Je voy bien que ces considerations un peu stoiques incomodent mes affaires domestiques et ne relevent pas ma reputation envers les autres, quoy que j’aye cette satisfaction que vous les avés approuvées  ».

[102] BNF, Français 4217 (fol.317v-321), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 juin 1648.

[103] BNF, Français 4217 (fol.358-364v), Lettre de Marca à Le Tellier, 9 septembre 1648.

[104] AMAE, CP Espagne 29 (fol.291-291v), Mémoire sur la situation du Roussillon (en français), 18 septembre 1649.

[105] SHD, A1 112 (n°346), Brevet de 3000 l. de pention a prendre sur les revenus du viscomté d’Evol pour don Thomas de Bagnols, gouverneur du Roussillon, 28 mai 1649.

[106] Voir supra : Deuxième partie, II. 1.

[107] BNF, Français 4205 (fol.163-164v), Lettre de Le Tellier à Mercoeur, 5 août 1650.

[108] BNF, Français 4219 (fol.221v-251), Estat des affaires de Catalogne (de Pierre de Marca), 2 octobre 1650.

[109] On a l’écho de telles plaintes pour l’année 1651 dans les Dietaris de la Generalitat (vol. VI, p. 1122-1123).

[110] BNF, Français 4219 (fol.275-278v), Lettre de Marca à Le Tellier, 25 novembre 1650.

Francesc de Ros i Joan, fils cadet de Joan de Ros i Giginta et d’Eleonor Joan i Meca, descendant d’une vieille famille de Perpignan issue d’un docteur en droit, fut baptisé le 10 novembre 1611 en l’église Saint-Jean de Perpignan. Partisan de la France, il reçut en mars 1651 la juridiction des localités de Saint-Jean et de Mailloles près de Perpignan. Il demeura fidèle à Louis XIV après la chute de Barcelona, obtint des gratifications sur les biens confisqués du Roussillon en 1654. En 1666, il acheta les seigneuries de Saint-Feliu d’Avall et de Saint-Feliu d’Amont, qui furent érigées en comtés par Louis XIV en 1680. Il mourut à Saint-Feliu d’Avall en décembre 1684. Il s’était marié deux fois, la première avec Maria de Meca i Jorda, la seconde avec sa cousine Joana Ros i d’Ortaffa. De son second mariage vint la lignée des comtes de Ros qui subsista jusqu’au XIXe siècle (LAZERME, t. III, p. 185).

[111] SHD, A1 125 (n°60), 13 août 1651. Le même volume comporte les brevet des maréchaux de camp pour Josep de Pinós et Francesc Calvo (voir infra : Troisième partie, III. 3.)

[112] « Il les exerçait [ses fonctions] encore en 1651, lorsque le gouvernement insurrectionnel de Catalogne s’étant soumis au roi d’Espagne, tous les peuples des trois comtés mécontents des Français s’empressèrent de revenir à leur ancien souverain, partout où ils ne furent pas soutenus par des forces suffisantes. La position de Don Thomas devint très équivoque. Suspect aux Français qui l’accusaient de ne pas s’opposer au mouvement de ses compatriotes, il prit le parti de quitter le service de la France pour se retirer dans des terres occupées par les Espagnols. Peu après, mécontent de la manière dont les Français avaient interprété sa conduite, il prit du service en Espagne, et l’an 1654, lorsque le prince de Conti, après la prise de Villefranche, crut devoir se retirer de ses montagnes. Don Thomas, à la tête d’une partie de la garnison de Puigcerdà et de 500 paysans, attaqua son arrière-garde, fit 600 prisonnier et s’empara des équipages d’un régiment. Ses biens furent aussitôt confisqués ». Tomàs de Banyuls mourut à Barcelona le 5 mai 1659. Il avait testé le 26 décembre 1659 devant Josep Quatrecases-Sala, notaire de Barcelona. LAZERME, t. I, p. 115.

[113] BNF, Français 4216 (fol.307-317v), Relation du 3e Avril 1646, 3 avril 1646 (de Pierre de Marca). Voir supra : Deuxième partie, I. 2. Et édition : Document n°14.

[114] DESSERT, Daniel, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Fayard, 1984, notices biographiques, 4. Amat, Jacques (1660-1683). Les ancêtres des Amat avaient dérogé à la noblesse pendant deux générations, du moins, c’est ce qui fut dit quand leur descendant, fermier général, fut « réanobli » par lettres patentes en 1632…

[115] BNF, Français 4216 (fol.125-127v), Lettre de Marca à Le Tellier, 10 décembre 1644.

[116] La légende des Neuf Barons de Catalogne était mise en avant dans les mémoires catalans envoyés à la cour par les gentilshommes, voir supra : Première partie, II. 3.

[117] « Je me propose d’expliquer l’état de la Province sous les Romains, les Goths, les Sarrasins, les anciens Rois de France avec leurs Comtes : de faire imprimer les fondations des Abbayes de Saint-Benoît et les Eglises Cathédrales, avec les titres et privilèges de nos Rois ; et enfin d’examiner les droits qui appartiennent au Roi sur la Catalogne ». Cité par ISSARTEL, « Pierre de Marca (1594-1662), l’absolutisme et la frontière »…, p. 134.

[118] Nous sommes revenus plus haut en détail sur cette affaire : Deuxième partie, I. 1. et 2.

[119]AMAE, CP Espagne 26 (fol.89-89v), Razones porque los Cathalanes dezean que su Mag.d honre y aga merced al sr Conde de Chabot del Governamiento de Rosas, avril 1645.

[120] ACA, Cancilleria, Intrusos 120 (fol.253v-256), Privilège militaire en faveur de Martin de Charmoye, 24 septembre 1648.

[121] BNF, Français 4217 (fol.84v-85), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 mai 1647.

[122] Gran Enciclopèdia Catalana (version internet : http://www.enciclopedia.cat, consultée le 27 septembre 2014).

[123] ACA, Cancilleria, Intrusos 124 (fol.66v-78v), Lettres patentes de don du comté de Paillars et dépendances à M. de Fimarcon et à son épouse (transcription), avril 1648. Voir édition : Document n°3.

[124] BNF, Français 4202 (fol.230-235v), Lettre de Le Tellier à Marca, 18 juin 1647.

[125] SHD, A1 107 (fol.207v-208), Lettre du roi au Cardinal de Sainte-Cécile pour faire mettre en possession le marquis de Fimarcon du comté de Paillas et la dame de Narbonne de Lomagne sa femme, 4 mai 1648.

[126] SHD, A1 107 (fol.207-207v), Lettre de Le Tellier à Sainte-Cécile, 5 mai 1648.

[127] BNF, Français 4203 (fol.308-311v), Lettre de Le Tellier à Schomberg, 25 juin 1648.

[128] ACA, Cancilleria, Intrusos 124 (fol.78v-80v), transcription, 9 juillet 1648.

[129] ACA, Cancilleria, Intrusos 125 (fol.97-97v), Serment et hommage prêté par M. et Mme de Fimarcon, par l’intermédiaire d’Etienne d’Abbadie, leur procureur (en latin ; transcription), 17 août 1648.

[130] , A1 114 (fol.131v-132v), Lettre du roy a monsieur don Joseph de Marguariht pour faire que monsieur de Fimarcon soit mis en possession du Comté de Paillias, 27 février 1649.

[131] Voir supra Deuxième partie, II. 3.

[132] AMAE, CP Espagne 30 (fol.449), Lettre de Mazarin à Mercoeur (minute), 30 août 1650.

[133] BNF, Français 4217 (fol.43-43v), Lettre de Marca à Le Tellier, 2 mars 1647.

[134] Voir supra Première partie, II, 2.

[135] LAZERME Inédit (Boxadors). Francesc de Boxadors i de Rocabertí, comte de Çavellà, fils de Joan de Boxadors i de Pax, comte de Çavellà, et d’Isabel de Rocabertí i de Pax, avait épousé le 26 avril 1642 (contrat devant Francesc Pons, notaire de Barcelona) Maria de Blanes i de Sentmenat, fille de Ramon de Blanes i de Centellas, 1er comte de Centellas, et d’Ana de Sentmenat i de Lanuza. Il testa le 2 juillet 1643 devant le même notaire de Barcelona.

[136] Généalogie de la Maison des Champs Marquis de Marcilly en Champagne produite par devant vous Mgr de Caumartin, intendant en Champagne, au mois de nov 1670 (dressée par d’Hozier), document conservé à la bibliothèque Carnegie à Reims :

http://fr.wikisource.org/wiki/Généalogie_de_la_Maison_des_Champs_Marquis_de_Marcilly_en_Champagne (consulté le 28 septembre 2014).

[137] Ce groupe de Français proches de Schomberg et leurs donations sont étudiés supra : Troisième partie, I. 2.

[138] AMAE, CP Espagne 29 (fol.262-262v), Lettre de Margarit à Mazarin, 17 juillet 1649. « Considerando ser muy del servitio de su Mag.d Dios le guarde el aparentar con casamientos los Franceses y Cathalanes me obliga a assigurar con esta a V.Emin.a que me ha cabido muy grande parte del buen principio que en esto ha empessado a dar el sr Marquis de Marcili con el casamiento que ha hecho con mi sra. la Condesa de Çavella esperando que a su imitation lo continuaran otros y que a esse exemplo vendran a casar tambien algunas francesas con Cathalanes con que vendremos a renovar los parantescos viejos que tenemos las casas de solar en Francia que por estos respetos y por ser el sr Marques muy apassible y honrado Cavallero me ha cabido muy grande contento deste Casamiento como tambien por pensar sera a gusto de V.Emi.a […] ».

[139] AMAE, CP Espagne 29 (fol.263), Lettre de Fontanella, 17 juillet 1649. « Haviendo advertido el sor. de Marzili marischal de batalla, que imbiava su hermano a la corte no he querido dexar de hazer a V.Em.a estas lineas, para dalle avizo como el sor. de Marzili ha sido el primero que ha pintado sangre francesa con catalana entre personas nobles, que ha casado con la condessa de Çavalla, viuda del conde de Çavalla, que murio en servicio de su mag.d en la batalla que perdio el sr Marischal de la Motte delante Lerida […] ».

[140] BNF, Français 4218 (fol.148-149v), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 juillet 1649.

[141] Voir supra les questions de communautés villageoises, Deuxième partie, II. 2.

[142] AMAE, CP Espagne 30 (fol.281-281v), Lettre de Josep de Orlau à Mazarin, janvier 1650. « El marques de Marcelin ha enseñado pocos dias ha un privilegio, con que su Mag.d (que dios guarde) ha hecho merced a ma dama la señora Marquesa de Marcelin su muger condessa de Çavalla declarando las baronias de Bellpuig y Liñola deste Principado el quien hizo gracia su Mag.d en el año 1643 al conde de Çavalla, su primer marido, esser immunes y francas de los censos y reditus censuales que dichas baronias hazian al conde de sta Coloma, maquesa de Ardales y otros los bienes de les quales han sido confiscados diziendo que le intencion de su mag.d fue hazer merced al conde de Çavalla con la dicha immunidad y franquesa aunque expressamente esto no se dixesse, y concediendole de nuebo en caso fuesse menester, y revocando qualcuier gacias que su Mag.d haya hecho a qualquier persona de los dichos censos ».

AMAE, CP Espagne 30 (fol.275), Memorial de los servicios hechos por el dor. Joseph de Orlau del real consejo de Cathalunya a la Mag.d del Rey nuestro señor, janvier 1650. « De los quales censos el de mas concideracion es uno que las Baronias de Bellpuig y Liñola hazian al conde Sta Coloma, del qual pretende madama la Condessa de Çavalla oy marquesa de Marcelin tener exemption en virtud de la gracia y declaracion que su Mag.d nuevamente le ha hecho, la qual pretende dicho Orlau no haver sido intencion de su Mag.d hazerla en perjuycio de su derecho : los demas censos son inutiles y de muy dificil exaction ».

[143] BNF, Français 4218 (fol.26v-32v), Lettre de Marca à Le Tellier, 9 février 1650.

[144] BNF, Français 4219 (fol.67v-68v), Lettre de Marca à Le Tellier, 25 mai 1650.

[145] BNF, Français 4219 (fol.68v-69v), Mémoire de Marca au sujet de l’affaire entre les époux Marcilly et Josep de Orlau (copie), 25 mai 1625 (date de la lettre).

[146] ACA, Cancilleria, Intrusos 122 (fol.210-213), 15 juin 1650.

[147] SANABRE, p. 497. « Para enmarcar su semblanza moral, haremos mención de dos notas que revelan sus intenciones. Dos de los objetivos de sus maniobras de los últimos años, fueron apoderarse y controlar los dos más ricos patrimonios de Cataluña, intentando hacer contraer matrimonio a su hijo con la hija del conde de Santa Coloma, considerada heredera del patrimonio de aquella casa condal, y que después del asesinato de su padre continuó encerrada en el convento de Junqueras, y conseguir para su secretario y familiar, el sacerdote francés Faget, el cargo de administrador del patrimonio de la poderosa casa del duque de Cardona, que desempeño durante largas temporadas ».

[148] Voir supra : Deuxième partie, II. 1.

[149] Voir supra II.2).

[150] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.109v-110), Ordre au trésorier Bru de payer sur les revenus de la trésorerie et sur les revenus du comté de Santa Coloma le salaire du vice-roi, 26 mars 1648. Le paiement (1000 livees barcelonaises par mois) court pour les mensualités déjà écoulées, et, de façon anticipée, pour celles qui restent.

[151] BNF, Français 4218 (fol.14v-18v), Lettre de Marca à Le Tellier, 13 janvier 1649.

[152]BNF, Français 4218 (fol.148-149v), Lettre de Marca à Le Tellier, 17 juillet 1649.

[153] BNF, Français 4218 (fol.149v-152v), Mémoire de Marca pour le comté de Santa Coloma, 1649 (date de la lettre : 17 juillet 1649).

[154] BNF, Espagnol 337 (fol.342-344), Memoire de Mr de Marca pour faire son fils marquis et luy faire espouser la seur du Sr Comte de Ste Colome, 1649 (la lettre citée deux notes plus haut est du 17 juillet).

Le lecteur trouvera en annexe une transcription de ce mémoire : Document n°22.

[155] ISSARTEL, « Pierre de Marca (1594-1662), l’absolutisme et la frontière »…, p. 133.

[156] BNF, Français 4202 (fol.312-314v), Lettre de Le Tellier à Marca, 10 septembre 1649.

[157] SHD, A1 117 (n°312), Lettre missive du roi à Margarit (minute), 10 septembre 1649. « Et ne voullant pas permettre qu’une damoiselle de cette condition, et a qui les biens de la maison de Sainte Colome peuvent eschoir (son frere venant a manquer ou a faire profession dans ladite Religion sorte de mon obeissance et mesme considerant l’affection que je sçay qu’elle temoigne pour la France et pour sa patrie, si bien que l’on ne pourroit la porter a sortir de Catalogne sans faire violence a son inclination aussy bien que luy prejudicier notablement par la perte des biens qu’elle peut esperer dont je pourois disposer incontinent qu’elle se seroit esloingnée de Catalongne pour aller dans les estatz des ennemis apres quoy elle n’auroit plus de lieu d’y rentrer)… »

On a aussi le texte de la lettre de Le Tellier à Margarit (SHD, A1 117, n°316, 10 septembre 1649) et d’une lettre à Marca (SHD, A1 117, n°317, 10 septembre 1649).

[158] BNF, Français 4204 (fol.310v-312), Lettre de Le Tellier à Marchin, 10 septembre 1649.

[159] BNF, Français 4218 (fol.238-240), Lettre de Marca à Le Tellier, 29 septembre 1649.

[160] ISSARTEL, « Pierre de Marca (1594-1662), l’absolutisme et la frontière »…, p. 132-133.

[161] Jacques de Stuer de Caussade (1612-1652), marquis de Saint-Mégrin, lieutenant-général des armées du roi, capitaine lieutenant des chevaux légers de sa garde, général de l’armée de Catalogne. Il sera tué le 2 juillet 1652 lors du combat de la Porte Saint-Antoine à Paris. Il était marié à Elisabeth Le Féron, nièce d’Abel Servien, et appartenait à la clientèle de Mazarin.

[162] Dietaris…, vol. VI, p. 456.

AMAE, CP Espagne 30 (fol.592), Lette des députés de la Generalitat à Mazarin pour l’informer de l’envoi en toute diligence de Josep de Pinós comme ambassadeur extraordinaire de la Generalitat et de la ville de Barcelona, 24 décembre 1650.                                             

[163] Voir supra II. 1) B).

AMAE, CP Espagne 32 (fol.15-16), Lettre de Margarit à Mazarin, 3 janvier 1651. Dans cette lettre, il se plaint que Josep de Pinós soit parti sans le voir, et attribue cela à une mauvaise intention, afin de rendre de mauvais avis contre lui. Il rappelle qu’il est ami du Régent et du comte d’Ille qui, lorsqu’il était ambassadeur, fit une campagne contre lui sans l’accord des institutions qui l’envoyaient. Il prie le cardinal de les voir comme des personnes qui veulent le perdre.

[164] AMAE, CP Espagne 30 (fol.593-594v), Lettre de Serroni à Mazarin, 27 décembre 1650.

[165] BNF, Français 4219 (fol.374v-377), Memoire de M. de Marca sur la conduitte de M. l’evesque d’Orange, janvier 1651.

Il s’agit de Maria de Lanuza i de Raset (1621-1666), fille du seigneur de Céret, mariée le 9 mai 1643 avec son cousin germain Enrich de Sentmenat i de Lanuza (1603-1652), baron de Dosrius. Par sa famille et son mari, elle est proche parente des Rocabertí, comtes de Peralada. LAZERME Inédit (Sentmenat).

[166] BNF, Français 4219 (fol.341-342), Lettre de Marca à Le Tellier, 3 janvier 1651.

[167] BNF, Français 4218 (fol.287-288), Lettre de Marca à Le Tellier, 1er décembre 1649.

« Monsieur,

Je vous ay representé par diverses depesches les particuliers et recommandables services que dom Philippe Copons a rendus a S.M. soit en la descouverte et chastiment de la premiere conspiration, soit aux procedures qu’il a fallu tenir en celle ci, ou son courage a reveillé celuy de ses compagnons pour les porter a oser entreprendre la capture et l’esloignement des suspects, d’ou a dependu la conservation de cette ville et de la province. Il demande pour recompense le don du bien confisqué dont M. le mareschal de Schomberg luy a accordé la jouissance, et m’a faict voir une de vos lettres qui faict difficulté sur les jalousies, que cette lettre de S.M. pourroit causer aux autres.

 

Surquoy je dois vous representer, Monsieur, que ses services le mettent hors de pair de ses compagnons, et qu’apres le don de M. le Regent, il n’est pas importun, ayant mieux servi, de poursuivre une recompence moindre cinq fois que l’autre. Celle là donne plus de jalousie que ne fera pas celle cy : Et je vous assure, Monsieur, que je ne voÿ point de raison en conservant la plus grande, de refuser la moindre a une personne qui nous est si utile pour la bonne conduite des affaires. C’est ce que je dois a la verité, qui me porte d’acompagner de cette lettre celle que vous escrit dom Philippe Copons sur ce sujet… ».

[168] BNF, Français 4204 (fol.372-380), Lettre de Le Tellier à Marca, 28 décembre 1649.

[169] BNF, Français 4205 (fol.258-260), Lettre de Le Tellier à Marca, 23 décembre 1650.

[170] BNF, Français 4182 (fol.26-26v), Lettre de Le Tellier à Copons, 15 janvier 1651.

« Monsieur,

Je vous envoye lexpedition du comté de Vallfogona, lequel je vous ay mandé avoir esté resolu. Il est en la maniere la plus conforme qui s’est pû a vostre project, et il n’ya rien de differend que ce qui a esté reglé dans le Conseil du Roy pour de pareilz dons. Jay eu beaucoup de joye de voir comme Sa Majesté a parlé de vostre personne et de voz services sur cette occasion, et je vous asseure que s’il s’en offroit quelqu’une de vous donner de plus obligeantes marques de sa bienveillance et de l’estime qu’elle faict de vostre personne, vous les recevriez indubitablement, et je souhaite en mon particulier de vous faire congnoistre comme veritablement, je suis… ».

[171] BNF, Français 4219 (fol.299-301), Lettre de Marca à Le Tellier, 29 novembre 1650.

Francesc de Tamarit i Rifos (1600-1655), veuf de Raymunda Delbosch de Vilagaya, avait épousé en secondes noces le 28 juillet 1623 Maria Amat i Desbosch, puis en troisièmes noces en 1636 Joana del Viver i de Sant Marti. De son second mariage étaient issus trois enfants, dont :

-Miquel de Tamarit i Amat (1632-1709), qui s’établira en Roussillon dès 1652 et obtiendra divers biens confisqués dans la province après cette date. Il épousera en 1663 Magdalena de Sentmenat i Ros (1648-1683), sa descendance restera fixée à Perpignan jusqu’à l’extinction du nom en 1797. Miquel de Tamarit avait obtenu dans les années 1650 la charge de maître des postes du Roussillon.

-Eularia de Tamarit i Amat, mariée le 21 décembre 1648 (Pere-Pau Vivés, notaire de Barcelona, fol.349-353) avec Felip de Copons i de Ayguaviva-Tamarit (1614-1684), docteur de l’Audience. Eularia mourut le 17 août 1666 à Perpignan, paroisse la Réal, et fut inhumée en cette dernière église, chapelle Saint-Alexis.

LAZERME, t. I, p. 334-341. LAZERME Inédit (Tamarit).

[172] RANUM, La Fronde…, p. 314-315.

[173] SANABRE, p. 481.

[174] SANABRE, p. 487 et 490.

[175] MESEGUER i BELL, Pol, El setge de Barcelona de 1651-1652. La ciutat comtal entre dues corones., Thèse de doctorat, Universitat autònoma de Barcelona. Departament d’història moderna i contemporània. Facultat de filosofia i llettres., 2012, p. 40.

[176] Dietaris…, vol. VI, p. 449, Election des conseillers de Barcelona, 30 novembre 1650. Les conseillers sont :

Conseller en cap, lo doctor micer Jacinto Fàbregues, ciutadà honrat de Barcelona.

Conseller 2, lo doctor en medicina Francesch Matheu, ciutadà honrrat de Barcelona.

Conseller 3, mossèn Joan Carreres, donsell.

Conseller 4, Josep Rubió, mercader.

Conseller 5, Josep Païssa, notari real col.legiat.

Conseller 6, Miquel Llargués, argenter.

 

En 1649, Marca avait fait en sorte de s’attacher les services du docteur Francesc Matheu, alors membre du Conseil des Cent, qui louait depuis 1647 par versement d’un cens au trésorier Bru des maisons confisquées à un certain Joan Castelló, en écrivant à la cour pour lui en faire obtenir la propriété, d’où l’établissement de lettres patentes en juillet (SHD, A1 112, n°356), expédiées à Barcelona pour être remises par la main de Marca à son obligé (SHD, A1 115, fol.17v-24, Lettre de Le Tellier à Marca (copie) : « La seconde est pour faire donner au docteur Matheo Medecin la proprietté de la maison qui luy a esté laissé a rente par ordre de Monseigneur le Prince et de descharger de quarante livres de rente qu’il estoit tenu d’en payer. L’expedition en sera cy jointe, si elle peut estre scellée pour parti par cet ordinaire, et il devra entierement cette grace a votre faveur […] »).

[177] En juin 1651, après avoir rendu de « nouveaux services » – à savoir favoriser les entreprises de Marca auprès des conseillers de la ville et du Conseil des Cent – Marca écrira de nouveau en faveur de Matheu pour augmenter sa grâce :

« Le Docteur François Mattheo Conseiller second de la ville de Barcelone sert parfaitement pour la conservation de la Ville, avec danger de sa vie, sa femme ayant esté frapée de la peste. Il desire pour sa recompense une chose qui est facile, s’il vous plaist la luy accorder. Le Roy lui a faict don de la maison scituée en la Ville apartenante ci devant au Docteur Castelhon, et confisquée sur luy pour s’estre retiré vers les enemis. Le don est limité pour en disposer en faveur de ses enfants, qu’il n’a pas. Il demande en consideration de ses nouveaux services qu’il plaise a S.M. luy donner la faculté de disposer de cette maison en faveur de ceux qu’il voudra, sans s’arrester a la restriction portée par les lettres. On pourra lui accorder cette permission par lettres ou par brevet » (BNF, Français 4219, fol.466v-479, Lettre de Marca à Le Tellier, 16 juin 1651). La recommandation sera accordée (BNF, Français 4205, fol.352-354v, Lettre de Le Tellier à Marca, 2 juillet 1651).

[178] BNF, Français 4219 (fol.356v-359v), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 janvier 1651.

[179] BNF, Français 4219 (fol.359v-369v), Lettre de Marca à Le Tellier, 31 janvier 1651.

[180] RANUM, La Fronde…, vol. VI, p. 316-321.

[181] BNF, Français 4219 (fol.379v-382), Lettre de Marca à Le Tellier, 28 février 1651.

Un papier du même genre est également communiqué par Marca et Saint-Mégrin aux députés de la Generalitat (Dietaris…, vol. VI, p. 1121-1122, 27 février 1651).

[182] Voir supra III. 2) A). BNF, Français 4218 (fol.58v-63v), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 février 1649.

[183] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 42. Il ne semble pas, comme le dit cet auteur, que Mazarin ait pu parler des dettes de Catalogne dans le Conseil d’Etat, car il était absent de Paris depuis le 6 février 1651.

[184] Il s’agit de Gabriel-Antoni Bosser i Çafont, fils d’Alvaro-Antoni Bosser i Prats, docteur en médecine, et de Francesca Çafont i de Malla, sœur de l’épouse du Régent Fontanella, Madalena Çafont i de Malla.

LAZERME Inédit (Çafont).

[185] BNF, Français 4219 (fol.384v-396), Lettre de Marca à Le Tellier, 7 mars 1651.

[186] BNF, Français 4219 (fol.26v-32v), Lettre de Marca, 9 février 1650. Au sujet du procès entre Orlau et la marquise de Marcilly pour la possession de certains biens : « […] Je pense que la declaration que M. de Marsilly demande qui ne regarde que l’explication favorable des premieres lettres de don de Belpuig peut estre expediée, d’autant plus qu’elle ne choque que l’avidité injuste du sieur Orlau, docteur de l’Audience qui a obtenu le don de 4000 escus de Rente en Censalz dont celui de Belpuig fait partie ».

[187] Voir supra : Troisième partie, III. 1. AMAE, CP Espagne 30 (fol.275), Memorial de los servicios hechos por el dor. Joseph de Orlau del real consejo de Cathalunya a la Mag.d del Rey nuestro señor, janvier 1650.

[188] AMAE, CP Espagne 30 (fol.83), Lettre de Josep Miquel Quintana au roi pour obtenir les biens confisqués au marquis de Villasor, 1649.

Mémoire joint à cette lettre :

AMAE, CP Espagne 30 (fol.84), Memorial de la hazienda que el marquez de Villasor tiene en Catalunya, 1649.

[189] Dietaris…, vol. VI, p. 458-459, 10 janvier 1651. « En aquest mateix die ses senyories manaren a Miquel Marquès, notari, scrivent extraordinari de la scrivania major de dit General, presentàs a mossèn Joseph Miquel Quintana, ciutadà honrat de Barcelona, la scriptura que·s del tenor següent:

«Los senyors deputats han tingut notícia que vostra mercè, senyor Joseph Miquel Quintana, se és posat en las casas que foren de don Luys de Monsuar que, com a més donant en lo encant públich li són estades liurades, sens tenir pocessió real y actual d’elles y sens pagar lo preu de dites cases, ni lo cuern, diner y salaris de actes y altres, resultant fahedor per dita venda. Per ço, los dits deputats, ab la present requereixen a vostra mercè que pague dit preu y demés gastos, altrament protestan contra de vostra mercè y sos béns, que·s valdran de tots los remeys lícits, comforme de justícia serà trobat fahedor. Requirens scribam majorem, et cetera».

Al qual Quintana fonch presentada dita scriptura per dit Marquès personalment, dins la scrivania major del dit General, còpia de la qual, après de ésser-li estada legida, li fonch entregada en sas mans. Respongué que ell estave prompte y aparellat a fer tot lo que seria de justícia, de tot lo que fonch levat lo present acte per mi, dit Marquès, notari, entrevenint en ell en nom del scrivà major del dit General. Y foren presents per testimonis Joseph Rol, negociant, y Miquel Malet, porter real, ciutadans de Barcelona ».

[190] Dietaris…, vol. VI, p. 463, 31 mars 1651.

[191] Dietaris…, vol. VI, p. 475. Quintana est qualifié d’« exactor del General » dès le 9 juin 1651.

[192] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 47 et 52-53. Quintana sera relevé de ses fonctions dans les derniers jours du mois de mai 1651 pour avoir manqué de respect au député ecclésiastique, qui l’avait accusé de mal tenir ses comptes ; il sera cependant réintégré peu après.

[193] RANUM, La Fronde…, p. 321-322.

[194] En effet, grâce aux travaux de M. Capdeferro (CAPDEFERRO, Joan Pere Fontanella…, p. 151), on sait que Josep Païssa, notaire et conseller quint de Barcelona en 1651 était l’un des notaires habituels de la famille Fontanella. C’est chez lui que la mère du Régent, Margarida Garraver, a fait enregistrer différentes dispositions à la suite du décès de son mari Joan Pere en 1649, qu’on trouve dans le manuel de ce notaire. Ils se connaissaient au moins depuis 1635. Païssa entretenait une correspondance suivie avec les différents membres de la famille (CAPDEFERRO, p. 341, 348…).

[195] BNF, Français 4219 (fol.401-407), Memoire sur la conduite de messieurs l’evesque d’Orange, comte d’Ille et Régent, 14 mars 1651. « On avoit creu gagner le Regent par le don du vicomté de Canet de 24 mil livres de rente. Mais c’est depuis ce temps qu’il s’est declaré plus hautement en faveur des traictres, afin d’assurer sa fortune du costé d’Espagne comme il l’avoit estably du costé de France : son adresse est d’estre bien dans les deux partis. Outre l’engagement qu’il a depuis Munster avec les Espagnols, pretendant que leur recompense luy sera assurée s’ils regagnent la Catalogne au lieu que celle du vicomté luy sera ostée ou par les armes ou par la paix qui remettra les anciens possesseurs espagnols en la jouissance de leurs biens ».

[196] BNF, Français 4219 (fol.412-416), Lettre de Marca à Le Tellier, 27 mars 1651.

[197] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 46.

[198] Dietaris…, vol. VI, p. 1123-1125.

[199] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 47-49.

[200] BNF, Français 4219 (fol.407-411v), Lettre de Marca à Le Tellier, 27 mars 1651.

[201] BNF, Français 4219 (fol.416v-420v), Lettre de Marca à Le Tellier, 12 avril 1651.

[202] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 49.

[203] RANUM, La Fronde…, p. 323.

[204] BNF, Français 4182 (fol.141v-144v), Pouvoir de lieutenant et capitaine-général ès armées de Catalogne pour le sieur de Marchin, 26 avril 1651.

[205] BNF, Français 4182 (fol.144v-147), Pouvoir de Lieutenant général en l’armée de Catalogne en l’absence et sous l’autorité de Mr de Marchin pour Don Joseph Margarit, 28 avril 1651.

BNF, Français 4182 (fol.147-149), Pouvoir de Lieutenant général en l’armée de Catalogne en l’absence et sous l’autorité de Mr de Marchin pour Don Joseph d’Ardena, 30 avril 1651.

[206] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 55.

[207] BNF, Français 4205 (fol.319-322), Lettre de Le Tellier à Marca, 28 avril 1651.

[208] BNF, Français 4219 (fol.431-434), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 mai 1651.

[209] BNF, Français 4219 (fol.430-431), Lettre de Marca à Le Tellier, 6 mai 1651.

[210] BNF, Français 4219 (fol.431-434), Lettre de Marca à Le Tellier, 14 mai 1651.

[211] BNF, Français 4219 (fol.441-442v), Lettre de Marca à Le Tellier, 15 mai 1651.

[212] BNF, Français 4205 (fol.339-340), Lettre de Le Tellier à Marca, 2 juin 1651.

[213] BNF, Français 4205 (fol.339-340), Lettre de Le Tellier à Marca, 2 juin 1651.

[214] BNF, Français 4219 (fol.442v-451), Lettre de Marca à Le Tellier, 27 mai 1651.

[215] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 55.

[216] BNF, Français 4219 (fol.466v-479), Lettre de Marca à Le Tellier, 16 juin 1651.

[217] BNF, Français 4205 (fol.352-354v), Lettre de Le Tellier à Marca, 2 juillet 1651.

[218] BNF, Français 4182 (fol.227-230), Lettre du roi aux conseillers de Barcelona, 29 juin 1650.

[219] BNF, Français 4205 (fol.352-354v), Lettre de Le Tellier à Marca, 2 juillet 1651.

[220] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 55-56.

[221] BNF, Français 4182 (fol.242v-247), Lettre de Le Tellier à Margarit, 2 juillet 1651.

[222] BNF, Français 4205 (fol.354v-356), Lettre de Le Tellier à Marchin, 2 juillet 1651.

[223] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 56-58

[224] Francesc Mostaros i Bosser (vers 1600-1652), fils de Gabriel Antoni Mostaros et de Magdalena Bosser i Prats, était le neveu d’Alvaro-Antoni Bosser i Prats, docteur en médecine, marié à Francesca Çafont i de Malla, sœur de l’épouse du Régent Fontanella, Madalena Çafont i de Malla. LAZERME Inédit (Çafont). Voir aussi supra.

Mostaros a soutenu le premier duel de catalans depuis la soumission à la France, contre Josep de Tord, mestre de camp du bataillon, au sujet de questions de réforme de ce bataillon sous la vice-royauté du prince de Condé (voir supra : Deuxième partie, I. 3.

[225] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 59-63.

[226] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 67.

[227] AMAE, CP Espagne 31 (fol.88-90), Lettre de Fontanella (à Servien ?), juillet 1651.

[228] RANUM, La Fronde…, p. 323-324.

[229] BNF, Français 4219 (fol.492-494v), Lettre de Marca à Le Tellier, 10 juillet 1651.

[230] AMAE, CP Espagne 31 (fol.146), Note de Fontanella à l’attention de Servien, s.d. (1651).

« Del Condado de Peralada se han hecho las gracias seguientes

 

Al Governador de Cathalunya dos mil escudos de renta cada un anyo

 

Al Conde de Illa unas tierras vezinas a las suyas

 

A los d.ores Queralt y Vidal del consejo del Rey en Cath.a mas tierras que importan cada un anyo mas de tres mil escudos,

 

Agora queda en mano de su mag.d la villa de Peralada y algunos derechos de poca concideracion, y esta todo tan cargado de males que no quedan pagados los males quinientas libras de renta ».

AMAE, CP Espagne 31 (fol.147), Note de Fontanella (à l’attention de Servien?), s.d. (1651).

« Suplica el Regente Fontanella al señor conde de Servien le haga merced de supplicar a su Magestad de la reyna nuestra senyora le haga merced de la jurisdiction y rentas de la villa de Peralada, y los demas bienes y tierras que fueron del conde de Peralada y visconde de Rocaberti, y de que no se hecho gracia por su mag.d. Lo recibira a singular gracia y merced ».      

[231] AMAE, CP Espagne 31 (fol.79), Lettre de Fontanella à Servien, 8 juillet 1651 (de Arenys). Il est rentré de la cour, et a trouvé la province en mauvais état, la peste, les gens du Conseil divisés. L’ennemi est entré et marche vers Barcelona. Il écrit à Servien car son intervention auprès du roi est une des plus puissantes, afin d’obtenir des assistances.

AMAE, CP Espagne 31 (fol.82-83), Lettre de Fontanella à Servien, 16 juillet 1651 (de Piera). Il dit qu’il est allé à Piera pour s’occuper de l’organisation de l’armée avec Marchin.

N.B : lui aussi, comme Marca avec Le Tellier, ignore que le moment où ses lettre arriveront à Paris sera postérieur à la disgrâce de Servien.

[232] SHD, A1 124 (n°294), minute.

[233] Voir aussi supra l’affaire du comte de Chabot : Deuxième partie, I. 2. et Deuxième partie, II. 1.

[234] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 54.

[235] BNF, Français 4219 (fol.495-503v), Lettre de Marca à Le Tellier (de Narbonne), 24 juillet 1651.

[236] BNF, Français 4219 (fol.503v-504), Lettre de Marca à Le Tellier (de Toulouse), 30 juillet 1651.

[237] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 73-77.

[238] Il s’agit de Jacques de Souillac d’Azerac, marquis de Châtillon. Issu d’une ancienne famille du Périgord, il fit la plus grande partie de sa carrière en Roussillon comme lieutenant-général pour le roi. En 1664-1668, il participera aux conférences de Figueres pour la restitution des biens confisqués en conséquence du traité des Pyrénées. Il mourra à Perpignan le 26 février 1681. ADPO.

[239] BNF, Français 4219 (fol.495-503v), Lettre de Marca à Le Tellier, 24 juillet 1651. « Cette clause comprend aussi bien la ville que la Citadelle. Neantmoins D. Thomas de Bagnols avec l’avis du Regent lors qu’il est passé a Perpignan a restrainct par son interpretation la place dans la Citadelle, quoi qu’il soit certain que c’est une ville de guerre, ou l’on a tousjours faict la garde avec des soldats de la garnison aux portes de la ville, et ou il y a des François habitués qui pour jouir de l’exemption se tienent en estat de servir avec leurs armes qui seroient detournés de rendre ce service, si le decret avoit lieu ».

[240] BNF, Français 4182 (fol.308v-309v), Lettre du roi à Tomàs de Banyuls, 11 août 1651. On demande à Banyuls d’envoyer l’extrait des Constitutions de Catalogne permettant d’appuyer son décret.

BNF, Français 4182 (fol.386-386v), Lettre de Brienne à l’évêque d’Elne pour le remercier de sa conciliation entre Banyuls et Châtillon, 14 septembre 1651. A présent, il charge Banyuls de remettre lui-même les choses comme elles étaient du temps du Roi Catholique…

BNF, Français 4182 (fol.422-423), Lettre de Brienne à Banyuls, 26 septembre 1651. Il a reçu sa lettre du 15 août avec son mémoire sur la juridiction de la capitainerie générale du Roussillon. Il devra consulter l’intendant qui arrivera comme successeur de Breteuil en Roussillon.

[241] BNF, Français 4182 (fol.175-176), Lettre missive du roi à d’Andilly, 16 mai 1651. « Le sieur don Joseph Fontanella, conseiller en mon Conseil d’Estat, Regent en mon audiance royalle de Catalongne, vicomte de Canet en Roussillon ma’yant representé quacause dudit vicomté duquel je luy ay faict don en l’année 1648 en consideration de ses services il a droict de jouir de la fontaine de Salces et de la pesche dicelle comme ont faict les vicomtes de Canet pendant que la Catalongne et le Roussillon estoyent soubz lobeissance du roi Catholicque sans y avoir esté troublez par qui que ce soit, que lors que ledit vicomté fut confisqué sur le proprietaire diceluy pour s’estre jette dans le party des ennemis le gouverneur du chasteau de Salces pour mon service fist pescher de son auttorité privée ladite fontaine de Salces et en tira les proffictz, ce qui a esté continué depuis jusques en l’année 1649. Que dans le temps de la pesche ledit regent la fist faire a son proffict, celuy qui commandoit alors a Salces y ayant bien faict quelque opposition ; mais apres s’en estant depparty, et que l’année derniere bien que ledict regent eust obtenu une lettre de mon cousin le duc de Mercoeur alors viceroy en Catalongne portant ordre de laisser jouir ledit Regent de ladite fontaine de Salces, le mieutenant au gouvernement dudit Salces ne laissa pas de la faire pescher. Surquoy desirant rendre justice audict Regent, et auparavant estre informé au vray si ladite fontaine est des appartenances dudit vicomté et si la pesche dicelle a esté usurpée par le gouverneur de Salces, ou silz y ont quelque droict, et quel il peut estre, j’ay bien voulu vous faire cette lettre pour vous dire par l’advis de la royne regente madame ma mere que mon intention est que vous vous informiez diligemment et exactement a Barcelonne des officiers qu’il appartiendra de l’usage de ladite fontaine de Salces, et qui a jouy de la pesche dicelle du temps que la province estoit en lobeissance du Roy Catholicque, et en dressiez un proces verbal lequel vous menvoyerez avec vostre advis pour sur iceluy en ordonner ainsy que je verray estre juste et a propos… ».

Voir aussi supra (III. 3) B)) les implications de cette affaire dans les plaintes contre les gouverneurs français des places.

Simon Arnauld d’Andilly (1618-1699) est le neveu de la Mère Angélique et de la Mère Agnès, toutes deux abbesses de Port-Royal, ainsi que d’Antoine Arnauld (1612-1694), prêtre et théologien, dit « Le Grand Arnauld ». Après le retrait de son père Robert Arnauld d’Andilly, ancien intendant d’armée et conseiller d’Etat, à Port-Royal, Simon reprend le titre paternel. Intendant de Casale (Montferrat) de 1642 à 1647, il est un protégé de Le Tellier, qui le nomme en 1651 intendant des finances des armées de Catalogne. Disgrâcié après Le Tellier, il reprendra son rôle d’Etat après la Fronde, se voyant confier des missions diplomatiques. Après son mariage en 1660 il prend le nom de sa terre de Pomponne. Nommé ambassadeur à Stockholm, à la mort d’Hugues de Lionne, il lui succède comme secrétaire d’Etat des Affaires étrangères en 1672, poste qu’il occupera jusqu’en 1679.

[242] BNF, Français 4218 (fol.304v-305), Lettre missive du roi à d’Andilly, 10 août 1651. « Le chapitre de l’église Saint Jean de Perpignan m’ayant fait représenter que les biens et revenus de ladite église sont beaucoup diminués par la guerre, et m’ayant demandé le droit d’amortissement pour les biens et revenus qui pourront être donnés à ladite église sans en déterminer, exposant que pareils dons en termes généraux et par anticipation ont été pratiqués lorsque la province était en l’obéissance du Roy Catholique, j’ai bien voulu vous faire cette lettre pour vous dire que par l’avis de la reine régente madame ma mère que vous ayez à vous informer de ce qui s’est fait en ce temps-là et m’en donner votre avis pour l’ayant vu en disposer selon que je verrai être convenable, ne désirant pas moins gratifier et favoriser l’église audit pays ainsi que partout ailleurs ou s’étand mon autorité qu’elle l’a été par mes prédécesseurs… ».

[243] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 84-85.

[244] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 74.

[245] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 92.

[246] RANUM, La Fronde…, p. 327.

[247] BNF, Français 4182 (fol.312-313), Lettre de Brienne à Marchin, 11 août 1651.

[248] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 86-88.

[249] Voir supra : Première partie, I. 2.

[250] Ainsi, comme l’explique Pol Meseguer, lors de l’attaque de Sabadell, le 20 septembre 1651, un marchand de Barcelona passé dans la ville après la déclaration de la peste, s’apprête à retourner à Barcelona pour participer à la défense de la ville, obéissant aux réquisitions du Conseil des Cent. Les villageois le menacent alors de faire occuper ses propriétés de Sabadell par les soldats logés dans la ville au cas où il persisterait à la quitter. MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 101.

[251] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 105.

[252] BNF, Français 4182 (fol.410v-411v), Lettre missive du roi aux députés de la Generalitat et aux conseillers de Barcelona sur le retour de Pinós, leur ambassadeur, 25 septembre 1651. Ximenes est arrivé à la cour.

[253] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 99-101.

[254] BNF, Français 4182 (fol.369v-370), Provisions pour la charge de Chancelier de Catalogne en faveur de Francesc de Montpalau, abbé de Banyoles et de Saint-Michel-de-Cuxa, 12 septembre 1651. Barutell a été nommé évêque d’Urgell le 4 août 1651 – il n’obtiendra jamais les bulles du pape.

[255] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 104-105.

En septembre 1651, le Régent Fontanella écrit à Abel Servien : « Tres meses ha, senyor, que estamos citiados en esta ciudad, sin que hasta hagora hajamos visto socorro alguno, el sr de Marchin, con algunas tropas, nos han dexado, y la ciudad de Barcelona sustenta lo restante de las tropas del rey, assi infanteria como cavalleria, agora nos hazen esperar un prompto socorro, mas tropas en tiempo, que no podemos hazer estado, sino de lo que vemos, la ciudad haze milagros, poniendo el todo por el todo, mas ella sola puede diferir, no impedir su desdicha » (AMAE, CP Espagne 31, fol.145).

[256] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 111-125.

[257] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p.142.

[258] « The Fronde Newsletters » (BNF, Français 25025), site personnel d’Orest Ranum : http://www.ranumspanat.com/november_1651.htm. Lettre de Paris du 10 novembre 1651.

[259] AMAE, CP Espagne 31 (fol.37-38), Lettre de Serroni à Mazarin, 22 décembre 1651.

[260] ADPO, 1 B 394 (fol.172-172v), Orde y manament a Hyeronim Vilalta perque don raho de certes coses del patrimoni real y no pach ningunas gratias, 16 décembre 1651. « […] un memorial de totas las gratias, pentions, merces sobre dits Comptats y rendes de aquell concedits, specificant las personas que las reban y que es lo ques deu a cada una dellas y per qui son stades concedides manant vos y dient vos que cesseu de pagar las ditas gratias y merces a qualsevol persones que reben aquelles fins a tant que tindreu de nos expres orde en scrits despedit en forma de cancellaria y asso fareu encontinent sens replica ni contradictio alguna que per ser cosa del servey de Sa Magestat be y utilitat dels presents Comptats […] ».

[261] ADPO, 1 B 394 (fol.175-176), Vostra Excelencia mana a Hyeronim Vilalta, receptor del Real patrimoni, que pague sinch mil vuyt centas trenta set lliuras y vuyt sous moneda barcelonesa a Joseph Montalt y de Riu, per lo valor y lloguer de una casa junta al portal de Nostra Senyora que Sa Magestat se reté per lo servey dels soldats y gent de guerra, 18 décembre 1651.

[262] Voir supra : Première partie, II. 3.

[263] AMAE, CP Espagne 31 (fol.170-171), Lettre de Pujolar à Mazarin, 25 décembre 1651. « Despues de aver llegado en esta villa de Perpiñan el señor Mariscal de la Motte, mis emulos valiendose de la ocasion an tomado favor de dicho señor y an tratado quel sieur de Chatillon fuese a la Corte para pedir las aziendas de tres o quatro Cavalleros que dizen an conspirado, y que juntamente pidiese la que su Mag.d (que Dios guarde) me dio por medio de V.Ex.a en remuneracion de mis servicios en este Pais, y como Ex.mo señor yo nunca aya faltado a las obligaciones de buen vassallo, ni mis servicios desmerescan y lo que merecieron antes, y considerando ques de Principes, y señores grandes protejar y tomar baxo su amparo, a los que injustamente persiguen, me a dado ocasion de suplicar con esta humilmente a V.Ex.a se sirve onrarme como siempre con su protection y amparo, intercediendo con su Mag.d para que no se me quite lo que por intercession de V.Ex.a se medio ni dea oydo a la peticion de dicho sor. de Chatillon, que lo estimare a singular gracia y favor de la poderosa mano de V.Ex.a. cuya persona g.de Dios como sus criados tenemos menester ».

[264] SHD, A1 125 (n°86), Brevet de maréchal de camp pour Francesc Calvo (minute), 14 octobre 1651.

[265] SHD, A1 135 (fol.1v-2v), Lettre missive du roi à La Mothe pour ne pas faire servir Francesc de Calvo, 3 janvier 1651. On vient de donner un brevet de maréchal de camp à Calvo, mais on a « trouvé à redire » à cette nomination en Catalogne, et selon les ordres du roi, 2 maréchaux de camp suffisent.

[266] SHD, A1 132 (n°155), Brevet de maréchal de camp pour Josep de Caramany, 19 janvier 1652.

[267] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 173.

[268] AMAE, CP Espagne 32 (fol.39-40), Lettre de Serroni à Mazarin (de Girona), 29 décembre 1651. « […] che in tante espulsione de mal affetti non sono mai cacciate ».

D’après SANABRE (p. 519-520), il y eut également une tentative de soulèvement dans la région d’Arbúcies, de Sant Hilari et Taradell par des habitants de Vic réfugiés sur place, dirigés par Miquel et Diego de Çarriera. La conjuration, découverte le 8 mai 1652, est durement réprimée jusqu’en mai. On a une sentence du 25 mai 1652, signée des docteurs de l’Audience Baltasar Tàpies et Felip de Copons condamnant à mort 12 personnes d’importance de la comarca : Diego et Miquel de Çarriera, Josep Fontanellas, de Roda, Onofre Rexach, de Vic, Anton Baranera, de Gurb, Francesc et Josep Mas, de Sant Quirc, Francesc Angelats, de Vic, Francesc de Vedruna, de Girona, Josep Joffre, de Granollers, Francesc Descallar, de Berga, Miquel Vilossa, de Corsà.

On reviendra aussi infra sur la répression de Puigcerdà par Sagarra.

[269] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 109. Francesc de Sagarra essaye en septembre 1651 d’organiser la cavalerie stationnée dans le Vallés.

[270] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 155-159.

[271] Dietaris…, vol. VI, p. 1197, Réponse de La Mothe au message des députés de la Generalitat (en français), 11 février 1652.

[272] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 167-176.

[273] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 180-211.

P.204 : « En un context de tantes dificultats els mercaders i assentistes tenien bones oportunitats per a obtenir grans beneficis. Els més que possibles guanys dels mercaders implcats amb el Consell eren tan grans com les possibles bancarrotes d’aquests ».

[274] AMAE, CP Espagne 32 (fol.102-102v), Lettre de Fontanella à Mazarin, 16 juillet 1652.

[275] Cité par MESEGUER, p. 237. « […] molt afisionat en les coses de França, que per sos efectes, ocupà lo títol que té ».

[276] Cité par MESEGUER, p. 237. « Sols dich que lo Consell de Sent era arribat a tal estat que ningú no podia dir allò que y sentia, sinó que, ab violèntia, violentaven lo cor dels òmens, que sols avian de dir allò que plauïa als grossos y als del govern, que, altrament, ja eren vituperats y amenaçats de molts ; y assò, ho causave tot : lo tenir, molts, apoderades las aziendas confiscades, y altros, los offisis reals, que eren de molt mal dexar ; y per respecte de aquexos, anave patint tot lo poble ».

[277] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 238.

[278] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.356v-357v), Excelencia mane al mag.ch tresoer entregue en ma de Vostra Excelencia tots los prosehit y prosehidor ede las asiendas confiscades pera distribuhiro per los affers de la guerra, 20 juillet 1652.

[279] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.358), Ordre à Bru de payer à La Mothe 3000 livres en satisfaction de la moitié des 6000 livres de « son sou de virrey y capita general ». Les 3000 autres ont déjà été payés avec un mandement de ce type.

« En particuliar de la asienda confiscada del egregi comte de Santa Coloma la Real olim de Queralt ».

[280] AMAE, CP Espagne 32 (fol.113-116), Lettre d’Aligre à Le Tellier, 22 août 1652.

[281] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 246-264.

  1. 259 : « allà, no regnave sinó la violèntia i anbitió, y tot era : los huns, per la privança y pretentió de les aziendas confiscades ; los altros per a que no’ls llevassen las que’ls avian donades ».

[282] Dietaris…, vol. VI, p. 540, 3 octobre 1652.

[283] SANABRE, p.537.

[284] SANABRE, p. 520. La révolte a eu lieu le 20 mai 1652, dirigée par Jaume Morer, premier consul de Puigcerdà. Les insurgés s’emparent du château, qu’ils tiennent pendant 9 jours, jusqu’à l’arrivée du gouverneur de Perpignan, Noailles, qui y met fin. Sagarra est chargé de la répression de la conjuration, au cours de laquelle il s’illustre la première fois pour sa cruauté, comme le rapportent des suppliques conservées dans les archives espagnoles : le garrot est donné à un certain nombre de chefs de familles distinguées de la ville.

[285] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 271-283.

  1. 278 : Es perdonà a tothom « aunque sea de crimen de lesa magestad. Sinó es a don Joseph Margarit que como principal causa de los daños que se han padecido y con la obstinación con que persevera en su herror no es digno de gozar d’este beneficio ».

[286] SANABRE, p. 543.

[287] SANABRE, p. 549. « Arrastrados por aquella oleada de propaganda, un respetable número de catalanes abandonaron su patria y se trasladaran al Rosellón, a la zona ocupada por los franceses. No tenemos ninguna estadística del número de catalanes que emigraron, pero por diferentes relaciones de gente sancionada por los tribunales españoles y de los agraciados por el Gobierno francés, calculamos que se marcharon alrededor de setecientas personas »

[288] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p. 282.

Oscar Jané (França i Catalunya…, p. 301 et 374) émet un doute sur le calcul donné par Sanabre de 600 personnes (sic, c’est une des erreurs d’O. Jané, Sanabre dit bien 700), estime que le nombre a probablement été supérieur, mais en se basant sur une liste de 1653 (sur laquelle nous revenons infra) qui contient un peu plus de 200 noms (!), en disant que beaucoup de partisans de la France n’y figuraient pas, ce qui signifie, selon lui, que le nombre devait en être supérieur…

[289] MESEGUER, El setge de Barcelona…, p.281.

[290] ADPO, 2 B 1377 (fol.105), se trouve à l’intérieur d’un procès opposant Miquel de Tamarit à sa femme Magdalena de Sentmenat.

Francesc de Tamarit testa le 30 mars 1653 devant Pere Pau Vivés, notaire à Barcelona (fol.152v-155), instituant pour héritier universel Josep Janer. Après le traité des Pyrénées – rétablissant tous les Catalans dans leurs biens – le 25 mai 1660, devant Pere Pau Vivés, le même notaire, Josep Janer fera transfert des biens de Francesc de Tamarit à son fils Miquel, domicilié à Perpignan.

[291] CAPDEFERRO, Joan Pere Fontanella…, p. 427-430.

[292] ADPO, 3 J 359 (fonds d’Oms), Livre de recettes de Josep de Tord i de Peguera, regent la real tresoreria de Catalunya (après 1652).

Voir aussi LAZERME, t. III, p. 330. Josep de Tord avait rejoint Berga dès 1653, où est baptisée sa fille Maria le 27 mars 1653. Il semble être passé en Roussillon après cette date.

Jaume Bru était passé à Perpignan où il se trouvait déjà en novembre 1652 (ADPO, 1 B 394, fol.181v). Bru cessa d’exercer sa charge de trésorier entre le 22 janvier (ADPO, 1 B 394, fol.278) et le 11 juillet 1654, date à laquelle Josep de Tord i de Peguera l’exerçait (ADPO, 1 B 394, fol.279). Il est probable que Bru soit repassé dans le Principat à ce moment-là. Nous n’avons pas trouvé de trace de son décès dans les registres paroissiaux de Perpignan.

[293] SANABRE, p. 550.

[294] JANÉ, França i Catalunya…, p.141.

[295] AZNAR, La Catalunya borbònica…, p. 277.

[296] AMAE, CP Espagne 32 (fol.131-131v), Lettre de Fontanella à Mazarin, 3 octobre 1652.

[297] AMAE, CP Espagne 31 (fol.248), Lettre de Fontanella à Servien (de Girona), 3 octobre 1652.

« El estado de esta Provincia […] el es tal, que si no somos socoridos promptamente, y Catalunya, y Rossellon, todo es perdido. Yo sr perdido esso, quedo cargado de familia, obligado a pedir la limosna de puerta en puerta, que me sujetara primero a esto, que a ajustarme con Espanÿa, que mi resolucion es de morir vassallo de Francia […] Acuerdome que V.Ex.a estando en Munster sobre algunos malos successos de Cath.a temiendo su perdida total, tuvo la bondad de consolarme dandome esperansas que podria tener algun empleo en Francia, la ocasion, que no vino entonces, se presenta agora supplico a V.Ex.a me favoresca si le parece puede haver camino para ello, yo no pido grandes cosas, sino solo con que pueda passar miserablemente mi vida con mi familia en un rincon, aunque sea sin ser conocido de nadie, que para quien ha vivido hasta agora con alguna estimacion, es grande mortificacion ».                                                                

[298] Voir supra : Deuxième partie, III. 3. Dans sa lettre à Servien du 26 novembre 1652 (AMAE, CP Espagne 31, fol.259-260), Fontanella lui fait savoir qu’il a eu avis de certains bruits répandus à la cour selon lesquels il s’apprêtait à passer du côté d’Espagne, et s’emploie à les dissiper.

[299] AMAE, CP Espagne 32 (fol.138-138v), Lettre de Sivilla à Mazarin, 25 octobre 1652.

[300] SHD, A1 132 (n°341).

[301] Voir supra II. 2) C).

[302] AMAE, CP Espagne 31 (fol.254-255), Lettre de Fontanella à Servien, novembre 1652. « Los (negocios) de acà, Senyor, dios ha querido hajan ido tan mal que casi no podia ir peor, pues hemos perdido Barcelona, y toda Cathalunya (quitado Rosas), la Cerdanya, Conflent y los montes de Rossellon, con que venimos a estar redusidos a solo el llano de Rossellon, que es poquissima tierra, y si el enemigo passa el collado del Pertus, seremos redusidos a solas las plassas, y estas estan tan desprovehidas de gente que es lastima de verlas, si promptamente teniamos una poca de infanteria, seria facil reduzir todo lo que es de estos Condados, ço es Cerdanya, Conflent, y los montes de Rossello, y assegurar el llano, pero no tenemos un hombre de infanteria, cada dia dizen nos llegan, y nunca vemos ninguno, y asseguro a V.Ex.a la dilacion puede ser danyosissima, que si el enemigo pone gente en essas partes, no seran tan faciles de reduzir, y lo demas peligrara mucho no se pierda. (…) Seria menester sacar la guerra de los Condados y passarla al Empurdan. (…) ».

[303] SHD, A1 136 (fol.324v-325v), Lettre de Le Tellier à Margarit, 7 novembre 1652.

[304] AMAE, CP Espagne 32 (fol.134-135), Lettre de Margarit à Mazarin (de Paris), 23 novembre 1652.       

[305] SHD, A1 136 (fol.361v-362v), Lettre missive à Llorenç de Barutell (copie), 22 novembre 1652.

[306] SHD, A1 137 (n°511), Lettre de M. de Caramani à M. Le Tellier par laquelle il dit que par la reddition de Barcelonne et de toute la Catalogne il perd tout son bien et que l’on doit avoir soin de lui, 7 décembre 1652.

SHD, A1 137 (n°515), Lettre de Dom Laurens de Barutell à M. Le Tellier accusant la réception de la lettre du Roy dont il se trouve trop honoré pour tous les services qu’il a rendus, 10 décembre 1652.

SHD, A1 137 (n°516), Lettre de Joseph de Rocabruna à M. Le Tellier accusant la réception de la lettre du Roy dont il se trouve trop honoré, il représente les services qu’il a rendus et supplie qu’on le considère comme ayant tout abandonné pour la France, 10 décembre 1652.

SHD, A1 136 (fol.400-400v), Lettre du roi a M. de Pinos pour lui dire de se rendre a la cour pour prendre son avis sur ce qui se peut faire de plus avantageux pour le service du Roy en Catalogne (idem à d’Ardena ; à Fontanella), 12 décembre 1652.

SHD, A1 137 (n°517), Lettre de Joseph d’Ardena à M. Le Tellier accusant la réception de la lettre du Roy et du congé qui lui a été délivré dont il ne peut user quant à présent à cause de sa maladie, 13 décembre 1652

SHD, A1 137 (n°519), Copies des chapitres tirés des lettres de M.M. de Monpalau, Tristany, Noailles, Sagarra, Tramagnac ( ?), Mathieu, Bassedes, et Queralt ; à M. Dom Joseph de Marguerit sur la politique, décembre 1655.

[307] SHD, A1 132 (n°342), minute.

[308] ADPO, A1 B 394 (fol.181-181v), Vostra excelència fa gratia y merce perpetuament de donar als pares Agustins descalsos de la present vila la heretat que Anthoni Generes tenia en St Esteva y lo terço tenia en lo lloch y termens de Torrelles y la casa que Joan Reart tenia en la present vila en lo carrer de St Salvador (fait à Perpignan, visa « Comes Regens » et Bru), 19 novembre 1652.

« Per quant los religiosos del convent de Santa Monica del ordre de Agustins descalsos per charitat y amor per consolatio dels soldats y officials de la guarnitio del castell y vila de Perpinya han vingut a habitar en la present vila sens tenir cosa de que poderse sustentar y casi ninguna habitatio per poder estar y habitar y en la campanya nos han aciscit dos religiosos del mateix convent cuidant en gran manera dels malalts y havia en dita armada que era en gran numero de tal manera que per a no ser estat dits dos religiosos restaven los pobres malalts sens consolatio per no haverni de altra religio… ».

[309] ADPO, 1 B 394 (fol.178-179), Vostra Excelència dona perpetuament per ell y sos succesors a Antoni Castanyer, sastre francés, la azienda de Joseph Bartes, batlle de Pollestres (fait à Perpignan, visa « Comes Regens » et Bru), 23 novembre 1652.

Acte de prise de possession à la suite, 29 novembre 1652 (fol.179-179v), contenant un détail des biens concernés situés à Pollestres et à Pézilla.

[310] AMAE, CP Espagne 31 (fol.150), Lettre de Margarit à Mazarin, (14 ?) décembre 1652.

[311] AMAE, CP Espagne 31 (fol.268), Lettre de Fontanella à Servien, 6 décembre 1652. « El senyor Conde de Illa y otros amigos han rogado al sacristan Morell llegara a la corte a representar algo del estado de las cosas de acà, y suplicarle a su mag.d nos honre en ponernos en estado que podamos subsistir, cada quel le ha informado de sus intenciones, las mias tengo ya significadas a V.Ex.a en otras, y el me ha ofrecido representarles de nuevo, pero todos mis interesses dexo en manos de Su Em.a y de V.Ex.a solo le assegurare con essa que estoy con resolucion firme, y constante de vivir y morir vassallo de Francia, de la qual no hay cosa en esta vida que me pueda hazer retroceder… ».

[312] AMAE, CP Espagne 31 (fol.269), Lettre de Fontanella à Servien, 14 décembre 1652.

[313] On trouve aussi une lettre de Vicenç Ferriol à Le Tellier (SHD, A1 137, n°518, 14 décembre 1652) par laquelle il représente que, ne pouvant subsister en Roussillon où il s’est retiré avec sa femme et son fils, il a besoin d’un dédommagement.

[314] AMAE, CP Espagne 31 (fol.270-271), Mémoire de la main du docteur Pere Morell au sujet des pertes faites par Fontanella, Ardena, Pinós, Caramany, Ferriol et lui-même, décembre 1652. Voir édition : Document n°40.

[315] AMAE, CP Espagne 32 (fol.156-157), Traduction de la lettre de Sagarra à Margarit, 21 décembre 1652.

[316] ACA, Consejo de Aragón, leg.208, Sentència del Marquès de Mortara i la Reial Audiència de Catalunya a VI de genere de 1653, on es condemna en confiscació de béns i declara per traïdors els següents…, 6 janvier 1653. Edité en annexe Par JANÉ, França i Catalunya…, p. 665-667.

[317] BNF, Français 4187 (fol.9-10), Privilège du Roy pour mettre en possession ceux qui sont denommes au dict estat de distribution, 2 juillet 1653. Cité par SANABRE (p. 550).

« Louis par la grace de Dieu, Roy de France et de Navarre, comte de Barcelonne, Roussillon et Cerdaigne, considerants les fidelles et recommandables services que nous avons receuz de nos officiers et de nos subjects de tous les ordres de nostre province de Catalogne, mesmes de ceux qui si sont retirez en Roussillon ou en France, depuis que la ville de Barcelonne est tombée au pouvoir des ennemis declares de cette Couronne, qu’ils ont abandonne leurs biens, et quelques uns leurs propres familles, pour se refugier vers nous et reclamer nostre protection et sur tout avec le dessein de nous continuer leurs services et vivre et mourir soubs nostre obeissance, nous avons un tres grand ressentiment d’une si genereuse et fidelle conduite, et voullant les recognoistre, et attendant que nous le puissions faire soit dans nostre royaume par la paix, soit dans la Catalogne en y portant nos forces, aussy puissamment qu’il est necessaire pour avec l’assistance divine recouvrer une province qui nous est si considerable par sa fidelité et par sa valleur, ainsy que par sa grand consequence, nous avons resolu pour les recompenser d’une partie des pertes qu’ils font de leurs biens dans l’estendue du principat de Catalogne de leur donner ce que nous pouvons presentement de ceux qui sont acquis et confisquez dans le Roussillon et le Conflent qui ont appartenu aux Catalans, les quels sont retirez avec nos ennemis ; et apres avoir examiné autant qu’il nous a esté possible les pertes que ceux qui sont demeurez dans nostre obeissance et service ont soufferts, la charge de famille qu’ont aucuns d’entreux et les despenses aux quelles chacun selon sa condition est necessairement oblige, ayant sur tout apporte la consideration qui se doibt a la qualite des personnes et au merite de leurs services, sçavoir faisons que nous pour ces causes et autres bonnes considerations a ce nous mouvans, ayant faict mettre cette affaire en deliberation en nostre Conseil ou estoyent la Royne, plusieurs princes et officiers de nostre Couronne, et avec grands et notables personnages de nostre Conseil de l’advis de celuy et de nostre certaine science, grace specialle, plaine puissance et auctorite royale, donnons, ostroyons, ceddons, transportons et delaissons par celles presentes signees de nostre main a chacun de nos officiers et subjects de nostre province de Catalogne les biens et fonds, revenus, jurisdictions, seigneuries et tous droits […] ».

[318] AMAE, CP Espagne 31 (fol.273-274), Lettre de Fontanella à Servien, décembre 1652.

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