1. La curieuse administration de Monsieur d’Argenson (mai 1642-février 1643)
Après le départ de Brézé fin mai 1642, la charge de vice-roi reste vacante pendant trois mois. Le maréchal de La Mothe, qui l’obtient, n’en prendra possession qu’en décembre. Cette période d’interrègne voit l’autorité d’Argenson, déjà importante avant cette date, démultipliée : il détient, d’après Sanabre, « le contrôle absolu sur tous les officiers royaux de Barcelona »[1], et reçoit ses ordres directement de Richelieu ; après l’arrivée du vice-roi, jusqu’à son propre départ en février 1643, il restera influent. Tout l’enjeu, et la grande difficulté de cette période, sera pour nous d’y poser un regard neuf et rationnel. En effet, les sources qui subsistent pour l’informer sont, en très large partie, des pamphlets et des lettres de Catalans dénonçant l’administration de l’intendant, pour la plupart postérieurs, et qui donnent une très large place à la façon dont il s’accaparait la gestion des confiscations. Il nous faudra donc enquêter sur ce qui, dans d’autres sources moins polémiques, permet de relayer en totalité ou en partie les abus dénoncés. Nous avons déjà évoqué l’importance des ambassadeurs et leur rôle dans le lien entre les Catalans et la cour de France.
Un personnage, dont la montée coïncide avec le voyage du roi en Catalogne et le début de l’interrègne d’Argenson, va se faire l’instrument de toutes les dénonciations, et contrôlera pendant plus de six ans une grande partie des nouvelles venant de Catalogne : Isidoro de Pujolar[2]. Au départ, son rôle n’est pas bien défini : il a été capità de almogavers (ou Miquelets), mercenaires levés en Catalogne au moment de la révolte contre l’Espagne, a participé au siège de Castelló d’Empúries. Son premier contact avec la cour de France date d’avril 1642, quand il se rend à Narbonne, afin de visiter le cardinal de Richelieu, probablement sur ordre du Conseil des Cent de Barcelona. C’est là qu’il reçoit, le 4 avril, des lettres de noblesse portant le nom du roi, alors que ce dernier se trouve au siège de Collioure[3]. Pendant plusieurs mois, il réside probablement près du cardinal et devient l’un de ses contacts personnels : revenu à Barcelona au cours de l’été, il explique ses ordres aux Consistoires. Pendant cette période, il ne cesse d’accumuler des rancoeurs contre la politique d’Argenson, qu’il dénoncera, longtemps après encore, comme une des causes des malheurs de la Catalogne. Nommé le 2 mai « agent de Catalogne » (ou des Consistoires) à la cour[4], le 29 juin, il remet au nom du roi, dans la localité de Santa Coloma de Queralt, ses pouvoirs de vice-roi au maréchal de La Mothe. Sa nouvelle fonction diffère dès le début de celle d’ambassadeur. Parallèlement à sa présence, les Consistoires enverront régulièrement à la cour des ambassadeurs chargés de porter des demandes particulières, et dont les missions seront plus courtes. La mission de Pujolar quant à elle n’a pas de durée pré-déterminée. Lorsqu’il arrive à Paris, une fois que la cour y est retournée, avant octobre 1642[5], les Consistoires se servent de lui pour les demandes des communautés et des particuliers. Dès l’été 1643, il prend aussi en charge la mission, fondamentale, de centraliser la correspondance de différentes personnes et institutions catalanes (Consistoires, communautés, et plusieurs correspondants privilégiés), qu’il recopie, résume et traduit en espagnol sur de petits feuillets, donnant des informations sur ce qui se passe dans différentes zones de Catalogne (Barcelona, Lleida, Roussillon…), avec la date du courrier contenant ces informations, un peu à la manière d’un journaliste, et non sans y ajouter des avis personnels et commentaires partiaux[6].
Nous partirons de deux mémoires à charge, conservés dans les archives des secrétaires d’Etat aux Affaires Etrangères. Le premier est très problématique, mais son contenu se rattache directement à la période que nous abordons maintenant. Nous l’attribuons à Pujolar, non sans certains doutes ; il est du moins conforme aux idées de ce dernier puisque, quelque temps après, il le recopiera presque mot pour mot (s’il n’en était pas l’auteur au départ) et le livrera à Mazarin ou à l’un des ministres[7]. Le second est postérieur, puisqu’il s’agit d’un résumé de l’état de Catalogne au moment du retour de Plessis-Besançon à Barcelona en 1645, depuis son départ en 1641[8]. Ce dernier document, pour l’interrègne d’Argenson, reprend les mêmes griefs que le premier, avec de fortes similitudes ; d’où l’idée qu’il peut avoir été rédigé à partir de celui-là, et peut-être aussi par Pujolar (Sanabre, quant à lui, l’attribue à Francesc Martí i Viladamor)[9]. Les deux mémoires se rejoignent dans une dénonciation des premiers moments d’Argenson à Barcelona : selon le premier, tous les maux ont commencé après la mort de Claris et le départ de Plessis-Besançon, dont l’action avait été si bénéfique ; Argenson s’est laissé abuser par la noblesse, qu’il a cru gagner par des flatteries et de grands festins, sans pouvoir empêcher que la majorité reste affectionnée à la Castille. A cause de cet aveuglement, en conséquence de la trahison de Jacint de Toralla, 33 villes du Val d’Aran ont été perdues ; et, voyant les mauvais récompensés et les bons méprisés, au moins 300 personnes de la noblesse, qui auraient pu être beaucoup pour le service de la France, dont Aleix de Gelabert et Josep de Pinós, sont passés du côté d’Espagne. Pour l’auteur, Argenson a tissé une étroite amitié avec Josep Fontanella, qu’il fit nommer Régent malgré son jeune âge, distribuant les autres postes et les places de docteurs de l’Audiència selon la volonté de ce dernier, qui se vantait de faire des créatures à son obéissance. Le second mémoire va plus loin encore : les Fontanella, père et fils, ont réussi à faire nommer des gens à leur dévotion, mais surtout à la dévotion de Castille, afin que le Roi Catholique puisse un jour reprendre la Catalogne. Au sujet des confiscations, les deux mémoires sont prolixes. Chacun d’eux reprend trois faisceaux de griefs imputé à Argenson et ses amis : l’un, celui de couper la communication entre la Catalogne et la Cour afin de s’approprier la distribution des biens ; le second, dissimuler la valeur des confiscations afin de s’en réserver plus facilement ; le troisième, avoir nommé pour les gérer des administrateurs amis afin d’en retirer le plus de profit possible.
Sur le premier grief, l’accusation est d’abord générale. Exerçant sur l’Audiència un pouvoir tutélaire, Argenson, dit le premier mémoire, « empêcha autant que possible que la Cour soit informée des choses de Catalogne, donnant à entendre aux ministres supérieurs que les Catalans sont les plus mauvais et difficiles à gouverner du monde, voulant par là accréditer sa politique et augmenter ses services » disant en Catalogne « que si on ne faisait pas ce qu’il voulait, le roi les abandonnerait » et menaçant « ceux qui étaient à la Cour au cas où ils se mêleraient d’informer les ministres supérieurs des affaires du Principat ». Sa dissimulation de l’affaire des confiscations en découle directement :
« Il fait en sorte que toutes les faveurs et grâces se fassent en Catalogne sans dépendance de Sa Majesté et des ministres supérieurs, au risque qu’à la cour on fasse des erreurs pour n’avoir pas eu assez d’informations sur ces choses, car son dessein est que Sa Majesté et les ministres supérieures l’appellent pour cela et le reconnaissent comme nécessaire à l’Etat. Et avec cela, il a espéré qu’on le fasse secrétaire d’Etat pour les affaires de Catalogne »[10].
Cependant, le premier mémoire, bien que plus proche chronologiquement de l’interrègne, ne revient pas sur un fait majeur présenté par le second : la création, sous la houlette d’Argenson, d’un conseil réservé aux affaires de grâce et de patrimoine royal, appelé Junta patrimonial y de Estat. Selon le second pamphlétaire, Argenson et Fontanella ont empêché qu’un tel conseil se réunisse sous la forme traditionnelle de la Junta patrimonial de Catalogne, prévue par les Constitutions, c’est-à-dire avec le vice-roi comme président, le Mestre Racional, le Batlle General, le trésorier, le chancelier et le Régent ; il souligne même que dans ce conseil, traditionnellement, les membres notaient eux-mêmes les délibérations par écrit afin d’éviter le recours à un secrétaire. La forme voulue par l’intendant et son favori est secrète et sans compte rendu, exclut le Batlle General, mais fait entrer le Gouverneur Josep de Margarit, promu par le même Argenson. Dans cette Junta, on traite du patrimoine royal, mais aussi des mérites de chacun, des rémunérations, des punitions, de l’exil des mal affectes sans procès, et surtout des confiscations :
« La répartition des confiscations devait se faire dans la Junta et non pas à la cour, avec motif qu’à la cour le manque d’information ferait commettre beaucoup d’erreurs. Et pour cette raison les grâces et privilèges expédiés de la cour n’ont jamais été mis à exécution ici parce que la Junta en avait résolu ainsi. Par sa résolution, on a toujours reporté la distribution des confiscations jusqu’au moment où on lui commettrait plein pouvoir pour cela ; ce report a été dommageable au point qu’on peut imaginer »[11].
Enfin, cette Junta discrédite l’autorité du roi : voyant que ce n’est pas lui qui concède les grâces, mais la Junta qui les met en exécution ou les annule, les gens essaient de plaire à ses membres, et non au souverain.
Un deuxième grief lancé par les deux textes porte sur la valeur des confiscations. Pour l’auteur du second mémoire, d’Argenson aurait baissé, annihilé parfois, l’estimation des biens pour obtenir plus facilement un plein pouvoir dans leur répartition avec l’autorité de la Junta. Le premier, quant à lui, lie ce désir crapuleux à une ambition particulière :
« Il voulut également faire entendre que les confiscations ne rapportaient rien, valant environ cent mil écus de tente, afin qu’on laisse leur répartition en ses mains, pour s’approprier le marquisat d’Aitona, et à cette fin il a laissé entendre qu’il ne convenait pas de créer des villes royales, alors que c’est pour le plus grand service de Votre Majesté »[12].
Sur l’ambition de s’emparer de ce marquisat, notre second pamphlétaire n’épargne pas non plus d’Argenson. Il montre la stratégie politique de ce dernier comme une sorte d’échelle, par laquelle les Catalans ayant accédé aux offices vénèrent au premier échelon Fontanella comme leur ami, et au second d’Argenson comme l’homme le pluis puissant par qui tout s’obtient. Aimé de tous les officiers, craint par les autres, accrédité à la Cour grâce à son monopole de l’information, il « commença à donner des indices de son intention d’être marquis d’Aitona ou autre grand titre ». Mais, continue l’auteur, ses desseins et les plaintes particulières, ont fini par le faire retirer de la Catalogne.
Le troisième grief concerne l’administration proprement dite des confiscations. Ayant initialement l’ambition de les répartir à sa fantaisie, devant une réticence de la cour, Argenson temporise, demande qu’elles soient réunies au patrimoine royal, ce qui n’empêcherait pas de nommer ses amis « administrateurs » afin qu’ils puissent en profiter :
« Et après, voyant qu’à la cour on ne ratifiait pas la répartition des confiscations comme il l’avait disposée, il laissa entendre qu’il convenait de les unir au patrimoine royal, comme on l’a fait, gardant toujours l’espoir qu’avec le temps, peu à peu, sans que les ministres supérieurs s’en aperçoivent, il les donnerait à qui il voudrait ; et pendant ce temps, ses amis en profiteraient, car il les ferait administrateurs du tout, comme il a fait avec Sangenís au grand mépris du trésorier royal ; il l’a fait trésorier des confiscations, et au préjudice du procureur royal il pousse à ce que Margarit en soit le surintendant, car, comme celui-ci est de sa ligue, il ferait sans doute bien son affaire »[13].
Avec ce grief, c’est le système des séquestres qui est entrevu. Pour le deuxième pamphlétaire, cette astuce a même commencé dès la vice-royauté de Brézé, qui, donnant toute sa confiance à d’Argenson et au Régent, « fit la répartition de tous les offices et charges de Catalogne, et des séquestres des biens confisqués en faveur des personnes voulues par lesdits d’Argenson et Fontanella, sans considération des services et mérites […] les donnant à beaucoup qui n’avaient d’autre service que d’être neutres ou mal affectes ». Chacun des mémoires abonde par ailleurs en accusations très graves contre d’Argenson, comme celle d’avoir fait des bénéfices énormes sur le change des monnaies, et d’avoir fait frapper de nouvelles pièces en détournant les bonnes, envoyées par la cour en Catalogne pour le paiement des soldats, ainsi qu’en conservant dans ses coffres les cent mille livres prêtées au roi par la ville de Barcelona.
D’ores et déjà, pour déterminer si le lien entre la cour et la Catalogne se trouvait médiatisé, voire monopolisé par l’intendant, il faut faire état d’une situation qui était en place avant l’arrivée d’Argenson, et le restera après son départ jusqu’à l’arrivée de Pierre de Marca : une incommunication générale. Le nombre extrêmement réduit de lettres provenant de Catalogne, tant dans les archives des secrétaires d’Etat aux Affaires étrangères que de la guerre, n’est peut-être pas totalement une illusion documentaire. Alors que la présence du roi en Roussillon, attirant de nombreuses requêtes, aurait pu donner lieu comme on l’espérait à une distribution des faveurs – ce qui n’a pas du tout été le cas si on se réfère au nombre très réduit de pensions et de dons –, le souverain a en quelque sorte refusé le contact, en recevant certes les ambassadeurs, les diverses délégations catalanes, en les écoutant, mais ne leur adressant jamais directement de réponse, qu’elle soit positive ou négative. Le roi quitte le camp devant Perpignan le 10 juin 1642, Richelieu ayant lui-même laissé Narbonne depuis mai après la découverte de la conspiration de Cinq-Mars. Le souverain ne reviendra jamais en Catalogne, ni son fils avant longtemps. Lors de la campagne qui conduit finalement à la reddition de Perpignan, signée le 29 août et effective le 9 septembre, Sanabre considère même que les Catalans ont été peu conviés à participer aux opérations : soumettre cette forteresse, réputée imprenable, était le souhait personnel de Richelieu, et fut une entreprise exclusivement française[14]. Un symptome bien visible de cette incommunication est l’opposition qui naît entre Français et Catalans au sujet de la nomination des gouverneurs des places. Selon le traité de Péronne, ils devaient être Catalans naturels. Dès le début du mois de mai, Richelieu écrivait à Noyers : « Les députez de Catalogne se sont plaints civilement de ce qu’on n’a pas mis un gouverneur catalan dans Colioure ; on leur a respondu que le roy le feroit avant que partir du pays et qu’on tiendrait religieusement ce qu’on leur a promis. Cette plainte m’a fait penser qu’il faudra mettre un gouverneur catalan dans Perpignan. Partant c’est un coup de partie absolument nécessaire de choisir un esprit pour estre gouverneur des armes si flegmatique et si destitué de feu qu’il puisse supporter cette supériorité apparente, en sorte que ledict gouverneur catalan demeure content de luy » : en somme, sous la « domination apparente du gouverneur catalan »[15], poursuit le cardinal, on mettra un gouverneur des armes ayant la réalité du commandement… En fait, il n’y aura jamais de gouverneur catalan. Incommunication ne veut donc pas dire absence de communication : les députés et d’autres catalans envoient de multiples mémoires et requêtes, mais, par réelle méconnaissance des institutions, ou par nécessité d’exécuter des desseins préétablis qui n’appellent que l’approbation, on ne veut pas les comprendre.
A côté de cela, il est évident que la cour, que ce soit pendant le séjour en Roussillon ou après son retour à Paris, reste à ce stade dans une ignorance quasi totale de la question des confiscations. Alors qu’au cours de l’année, entre mai et décembre, d’Argenson a déjà pris un certain nombre de mesures concernant leur administration, que nous allons détailler, le 19 décembre, après la mort du cardinal, Chavigny écrit à La Mothe, tout juste vice-roi :
« Sa Ma.té donne charge à M. d’Argenson et a M. des Yveteaux de faire faire un estat des biens de ceux qui se sont retirez avec les ennemis affin de les reunir a son domaine ou les faire administrer ainsy qu’elle avisera pour gratiffier par le moyen du revenu qui en proviendra ceux qui luy sont fideles et affectionnez dans le pays. Quoy qu’il lui soit mandé de comprendre dans cet estat les biens dont Sa Ma.té a disposé et n’est pas pour apporter aucun changement a ce qui en a esté fait mais seulement pour en tenir mémoire et sçavoir entre les mains de qui ilz sont. »[16]
Cette lettre, authentique et significative des plus hautes volontés du gouvernement car émanée de Chavigny, collaborateur particulier du cardinal qui reste surintendant des finances et le plus influent des ministres jusqu’à la mort de Louis XIII, est fort troublante. En effet, elle relaie une grande partie des informations contenues dans les pamphlets évoqués. On y voit tout d’abord que depuis le début de l’interrègne d’Argenson jusqu’à la mort du cardinal, soit entre mai et décembre 1642, aucun état des biens confisqués n’avait été fait, ni prise aucune décision d’ordre général, alors que le vice-roi avait déjà disposé de certains dons dès le mois d’avril. Chose plus remarquable encore, « les biens dont Sa Ma.té a disposé », c’est-à-dire un petit nombre de dons faits par lettres patentes du roi durant l’interrègne, sur lesquels nous allons revenir, ne sont pas connus du roi lui-même, qui demande en quelque sorte, pour prendre le ministre au mot, qu’on lui fasse un rappel de ses propres actions ! Ensuite, c’est le plus troublant, une orientation semble déjà avoir été prise à cette date, celle de « gratiffier par le moyen du revenu qui en proviendra ceux qui luy sont fieles et affectionnez dans le pays », la formulation restant (volontairement ?) assez vague pour ne pas dire si les gratifications devront bénéficier aux Catalans seuls, ou alors aussi aux Français qui servant le roi en Catalogne, comme (par exemple) Argenson… L’alternative entre réunir les confiscations au domaine ou « les faire administrer » rappelle tout autant le contenu des mémoires, le second texte attribuant même à l’intendant cette habileté de laisser le choix au roi de faire l’un ou l’autre, sur sa proposition, sachant que ce choix se résumerait de toute façon à les réunir au domaine royal ET les faire administrer par des personnes. La seule chose que nous ne pouvons trancher, faute de document, est de savoir si d’Argenson a réellement travaillé Richelieu et Chavigny afin de montrer la situation sous ce jour-là. L’ignorance du nombre des biens confisqués, de leur valeur, et des personnes ayant déjà été gratifiées, pouvait cependant conforter, dans une facilité déjà grande pour présenter comme vraie toute information à ce sujet, n’importe quelle personne qui en Catalogne aurait voulu prendre en main cette affaire. D’autant qu’Argenson, après la mort du cardinal, se voyait renouveler toute la confiance du gouvernement.
Mais que s’était-il réellement passé entre mai et décembre 1642 ? Pour y répondre, il va nous falloir être attentif aux moindres traces, aux moindres détails des actes officiels et des minutes. De la Junta patrimonial ne subsiste quasiment aucun témoignage direct, et pour cause, ses délibérations étaient secrètes, et ne furent pas enregistrées. Durant l’interrègne, elle a bel et bien fonctionné, mais on connaît surtout son agissement en matière de politique et de poursuites contre les mal affectes. Les premières informations précises sur ses agissements en matière de confiscations n’apparaîtront qu’au début de l’année 1643, où elle semble déjà avoir un fonctionnement parfaitement huilé[17]. Il est très significatif que les ordres du ministre Chavigny à Argenson, en décembre 1642, ne la mentionnent même pas. Malgré la probable exagération et la partialité manifeste des deux pamphlets que nous avons commentés, une chose est manifeste, Argenson bénéficiait, au moins depuis le départ de Brézé, et probablement dès ses premiers moments en Catalogne, d’une clientèle attitrée. Nous avons fait part, à propos de ce mémoire de fin mars ou début avril 1642 probablement attribuable à Argenson, de sa proximité avec certains catalans. Un autre document envoyé à Paris, probablement à Bouthillier ou à Chavigny, bien qu’à prendre également avec beaucoup de prudence, est une véritable prosopographie de la société gravitant autour de l’intendant et du maréchal de La Mothe, classant tout un chacun par affinité[18]. On y retrouve dans une large mesure les mêmes noms que dans le mémoire attribué à l’intendant.
- Parmi les « Amigos de monsieur de Argenson», on trouve notamment certains membres de la Junta : le Gouverneur Margarit, le Régent Fontanella mais aussi son père, et « casi todos los doctores del Real Concejo ».
- Les « Amigos del mariscal de La Motte » sont à peu près les mêmes : le Gouverneur et Fontanella – ce qui est fort douteux, vu les relations exécrables qu’auront peu après le Régent et le Gouverneur –, Tamarit, et là aussi « casi todos los doctores del Real Concejo »…
- La liste des amis du Régent est bien plus fournie ; mais, suivant nos pamphlétaires, les clients du Régent sont aussi, dans une certaine mesure, ceux de l’intendant. Se trouvent ici tous les nouveaux docteurs de l’Audiència (Narcís Peralta, Balthasar Tàpies, Josep de Orlau, Francesc Vidal, Joan Baptista de Monjo, Hiacint Pallares, Josep Queralt, Montserrat Gilbert), le nouveau chancelier Llorenç de Barutell[19].
- Parmi les amis du Gouverneur, certains docteurs, le chancelier, et des hommes d’épée qui ont déjà bénéficié de nominations : Tomàs de Banyuls, gouverneur de Roussillon depuis 1643, Josep de Rocabruna, gouverneur des armes de Tremp, et Hiacint Ciurana, gouverneur d’Hostalrich.
- Une dernière catégorie attire l’attention : « Personas noticiosas y que daran informaciones verdaderas ». Elle contient surtout des religieux, ce qui fait penser, pour l’auteur du document, à un ecclésiastique. On y retrouve cependant les noms de Ramon de Guimerà, et surtout du trésorier Jaume Bru[20].
Là encore, on ne sera pas surpris de voir, dans les grandes lignes, ces noms recoupés par une autre liste envoyée à Paris, émanée inconstestablement d’une source différente, puisque rédigée en français : « Noms des personnes qui ont le mieux servy le roy en Catalogne et a gratifier de quelques pentions ou autres recompenses »[21]. Nous y voyons une version mise à jour de l’état des nobles catalans à récompenser du mémoire de mars/avril 1642. Là encore, pour ne citer qu’eux, Francesc Joan de Vergós, « qui a este ambassadeur en France », Margarit, Guimerà, « qui fut au premier traité », Bru, le docteur Anglesill « a cause de son afection et capacité » – à savoir sa participation aux premiers procès politiques de 1642 –, Josep d’Ardena mestre de camp de cavalerie catalane, les capitaines d’Aux et Borrell, Caramany, Garau de Alemany (neveu du trésorier Bru)… et aussi « M. le Regent Fontanelle parce qu’il n’est pas riche », affirmation qui amuse au passage, si on considère l’importante fortune foncière et financière accumulée par les Fontanella et récemment reconstituée par Josep Capdeferro[22]. Il est évident qu’un groupe d’hommes assez identifiable a bénéficié des faveurs des gouvernants français en Catalogne – les amis d’Argenson étant ensuite aussi ceux de La Mothe. Ont-ils pour autant monopolisé les dons et l’administration des confiscations ? Sans que cela constitue une preuve assez concluante, précisons qu’aucun acte de don de pension ou de confiscation émanant du souverain n’a été enregistré dans les registres de la chancellerie de Catalogne. Il est toutefois remarquable que le seul bénéficiaire d’un don de biens confisqués de la part du roi, pour cette période, ait été Isidoro de Pujolar lui-même, alors résidant près de la cour… et que son brevet de donation, daté du 10 octobre 1642 au Châtelet en Brie, n’ait été enregistré qu’après le départ d’Argenson, au milieu d’autres actes compris entre mars et août 1643[23]. A l’inverse, l’intérêt de certains semble avoir été favorisé assez tôt, avec par exemple l’évocation à la Reial Audiència en décembre 1642[24] de la cause, alors traitée par une juridiction inférieure, de Josep de Caramany contre le comté d’Empúries. Procès qui, justement, était cité sur le mémoire de mars/avril 1642 comme une raison pour lui en donner certains droits… Enfin, une belle découverte que nous avons faite au milieu d’un ensemble de minutes sales, pliées et déchirées du secrétaire d’Etat de la guerre, constitue une preuve décisive des prétentions d’Argenson au marquisat d’Aitona, tel que le disaient nos deux pamphlétaires pas si mal informés. En novembre 1642, un des commis du bureau a établi une minute de lettres patentes[25] portant, sur son revers, l’inscription suivante :
« Donnation des biens du marquis d’Ayetonne et de la comtesse de Quirre ou Valfogon scituez dans le principat de Catalongne en faveur de monsieur d’Argenson du mois de novembre 1642. A St. G. N’a esté expédié. »
Nous reviendrons sur l’importance diplomatique de cet acte, l’un des premiers du genre. Les biens du marquis d’Aitona venaient tout juste d’être confisqués, puisque la sentence légitimant la saisie avait été rendue le 30 octobre[26]. Nous n’avons malheureusement pas vu de correspondances, envoyées de ou à la cour, mentionnant la genèse de ce don qui semblait en fort bonne route. En se souvenant de la lettre envoyée par Chavigny à La Mothe le 19 décembre[27], qui n’en parle absolument pas, on peut tout de même avancer une hypothèse. L’intendant a peut-être signifié à la cour son désir d’être gratifié du marquisat avant même qu’il soit effectivement saisi ; du moins le mémoire de mars/avril 1642 montre que l’avidité se portait déjà sur les « biens à confisquer ». Ensuite, le marquisat étant disponible depuis le 30 octobre, le secrétaire d’Etat de la guerre Noyers a dû donner l’ordre à un de ses commis de dresser la lettre de don, sûrement sur suggestion de Richelieu. D’ici au 19 décembre, si on compte le temps qu’il faut pour dresser un tel acte – parmi les premiers du genre[28] -, la mort de Richelieu le 4 de ce mois, et peut-être aussi un changement de volonté royale, un contrordre a pu arriver au commis, qui a rangé cette minute dans ses archives, l’empêchant à jamais de devenir une expédition.
Sur le troisième grief que nous avons relevé, celui de vouloir favoriser des amis en leur donnant non pas des biens en propriété – ce qui semble écarté, ou du moins temporisé par la cour entre novembre et décembre 1642 –, mais l’administration des biens, les documents sont un peu plus parlants. Eva Serra, dans son article sur les Guimerà[29], note que dès le mois d’août 1642, en plein interrègne d’Argenson, Ramon de Guimerà rendait déjà des comptes au lloctinent del Mestre Racional, Francesc de Tamarit, pour sa gestion du séquestre du comté de Guimerà, remarquant même que cette gestion officieuse se passait « un avant l’institutionnalisation administrative des séquestres »[30]. Cependant cette dernière déduction est fausse. Si Eva Serra a bien vu que beaucoup de séquestres avaient été établis au cours de l’année 1643, en revanche, c’est bien sous l’interrègne d’Argenson qu’il faut en chercher l’institutionnalisation. Le peu d’actes officiels d’établissement des séquestres (segrestadors) avant 1643 n’empêche que certains aient pu être expédiés en bonne et due forme et enregistrés ; ceux qui ne subsistent pas peuvent avoir été perdus. C’est toutefois avec justesse que l’historienne a avancé que la propre gestion par Ramon de Guimerà du comté éponyme avait un caractère officieux, puisque l’ordre de saisie des biens de la comtesse de Guimerà par le vice-roi, après la convocation judiciaire des coupables pour répondre de leur crime de lèse-majesté, n’interviendra que le 11 avril 1643[31]. On observe à ce propos que l’attribution, au cours de l’été 1642, du séquestre du comté de Guimerà à Ramon de Guimerà correspondait à son souhait, exprimé à la fois par son propre mémoire donné à la cour vers avril de la même année, et par le mémoire de mars/avril 1642 sans doute émané de l’intendant. Obtenir un séquestre signifiait percevoir l’intégralité des rentes et des droits d’un bien exactement comme pouvait le faire son ancien possesseur, sans en avoir cependant la propriété. Moyen de gratifier presque aussi intéressant que la pleine propriété, quoique moins prestigieux, et révocable. Il est certain que les séquestres nommés par Argenson en 1642 l’ont été dans une totale ignorance de la cour. Un des hommes qui figurait dans le mémoire de février/mars 1642, probablement au titre de serviteur d’Argenson, le donzell de Barcelona Rafel Antich, obtient le 30 juillet une provision de séquestre des biens de la comtesse de Quirra, puis des lettres de mise en possession en bonne et due forme et enregistrée dans les registres de la chancellerie[32]. Malgré cela, en novembre, la minute des lettres patentes en faveur d’Argenson porte le don des biens de la comtesse de Quirra[33] ; d’Argenson avait pu les demander en sachant pertinemment qu’il pouvait révoquer comme bon lui semblait chaque séquestre qu’il avait nommé, et que cela ne ferait l’objet d’aucune expédition à Paris. Pour la nomination de Rafel Antich, signée du nom du maréhal de La Mothe, il n’avait même pas attendu que le maréchal soit effectivement présent à Barcelona pour faire dresser l’acte. Francesc Vilalba[34], nommé vers le même moment séquestre royal du duché de Cardona et du comté d’Empúries[35], était lui aussi cité dans le mémoire de mars/avril 1642 parmi les « Personnes d’espée plus considerables qui sont demeurez dans le party du Roy »[36]. Lui comme Antich[37] appartenaient à des familles de la petite noblesse, assez peu illustres, mais alliées de près ou de loin à des personnages comme le chancelier Barutell ou le Gouverneur Margarit. Ils dessinent, avec un Ramon de Guimerà, homme important et symbolique mais en perte de vitesse depuis la fin du Conseil de guerre, le profil principal des séquestres de cette période.
Argenson reste en place après l’arrivée de La Mothe à Barcelona en décembre 1642. Au début de cette vice-royauté, plusieurs décisions relatives au gouvernement politique de la Catalogne ont probablement encore été inspirées par lui. Et peut-être après les clientèles formées sous son intendance gardent-elles tout leur poids, si l’on en croit le premier pamphlet ainsi que la liste des « amitiés », tous deux sûrement datés du courant 1643. Après la mort de Richelieu, de grands changements s’opèrent à la cour, les orientations changent, et les personnes. La cour, explique Sanabre, acquiert la certitude que le gouvernement politique de la Catalogne ne fonctionnait pas correctement. Le nouveau maître, le cardinal Mazarin, décide à la fin du mois de janvier 1643 de rappeler Argenson à Paris, puis, un mois après, de le relever de sa charge. Selon cette habitude qu’il ne quittera jamais, le cardinal envoie cependant aux députés de la Generalitat une lettre fort élogieuse sur le gouvernement du sieur d’Argenson[38]. Si l’on devait faire un bilan de cette période, on pourrait dire qu’elle est avant tout celle de l’incommunication entre la cour et les Catalans, qui commencent à se sentir déçus par le manque d’écoute du souverain, absorbé dans d’autres affaires, et par la stratégie de ses représentants locaux : former sur le modèle de la cour française des coteries et des clientèles assez fermées. Premier symptome de cette rupture, la multiplication des mémoires et des pamphlets. Il est certain, dirons-nous après Sanabre, que ces derniers ont joué un rôle dans le retournement de la faveur au détriment d’Argenson. Malgré quelques exagérations, ils sont dans l’ensemble assez exacts et plaident pour une vision accablante de l’action de ce personnage. A travers les noms listés sur les mémoires français, se profilent selon l’historien les premiers clans rivaux qui se déchireront sous la vice-royauté suivante.
2. Le maréchal de La Mothe entre fidèles, mal affectes et profiteurs
Prestations d’hommage, multiplication des exils et des défiances
Philippe de La Mothe-Houdancourt n’est pas un nouveau venu lorsqu’il reçoit la charge de vice-roi de Catalogne. Nommé général en chef de l’amée française dans la province en janvier 1641, il dut d’abord subir en août un cuisant échec à prendre Tarragona ; durant l’année 1642, alors que le principal objectif était de prendre Perpignan, il eut la charge d’empêcher les espagnols de ravitailler la place. Le 29 mars, il remporta une importante victoire contre le marquis de Povar à Vilafranca del Panadés, décimant les troupes ennemies, et emprisonnant les principaux officiers dont le général ; triomphe qui fut célébré et encensé, et en suite duquel La Mothe obtint le bâton de maréchal de France. Malgré un échec à reprendre Tortosa, La Mothe s’aventura au cours du mois de juin dans la ribera del Cinca, prit les villes de Tamarite de Litera, Monzón le 10, Estadilla, Benabarre et la plupart des villages de la ribera Ribagorzana. Déjà en mai, alors que la présence du roi en Roussillon avait de fait suspendu les pouvoirs du vice-roi Brézé, et que ce dernier avait demandé à être relevé, Richelieu pensa à lui pour lui succéder comme vice-roi[39] : il reçoit ses lettres patentes le 25 juin 1642 alors que le roi rentre à Paris ; nomination qui est une conséquence directe du renouvellement de la confiance de Louis XIII à Richelieu après la découverte du complot de Cinq-Mars[40]. Par la suite, le roi d’Espagne ayant ordonné d’assiéger Lleida, l’armée d’Aragon commandée par le marquis de Leganés se joint aux troupes qui commençaient le siège. La Mothe quitte alors le front d’Aragon pour Lleida, et livre devant la ville une sanglante bataille contre les gardes de Leganés, à 13000 hommes dont 1000 Catalans contre 20 000 du côté espagnol. Ayant perdu 5000 hommes, les Espagnols se retirent le 7 octobre[41]. C’est à la suite de cette victoire, explique Daniel Aznar, que La Mothe reçoit, à la fin du mois d’octobre, la donation du duché de Cardona ; Richelieu lui écrit le 27 en termes élogieux pour l’en informer : « Pour nouvelles marques de sa justice et bonté envers vous, dit-il, (Sa Majesté) vous a donné la qualité de duc et le duché de Cardonne, dont vous tirerez des grands advantages pour supporter les despenses que vous ferez d’orenavant. » ; le même jour le ministre Noyers, son parent, lui écrit aussi pour lui dire qu’il a remis les lettres patentes dans les mains de son frère, Henri de La Mothe, évêque de Rennes[42]. Pour la dimension symbolique de cette nomination, nous reprendrons les observations de D. Aznar : « un grand seigneur français revêtait ainsi la première dignité nobiliaire de Catalogne, se substituant à un lignage, celui des Cardona, dont l’identification avec la province remontait à des temps immémoriaux » ; cette dignité faisait du maréchal un Catalan, moyen de le rendre plus populaire encore aux yeux des naturels ; enfin, c’était révélateur de la politique de Richelieu, désireux d’asseoir un membre de sa famille en Catalogne, en lui donnant « un capital économique et territorial inégalable avec lequel soutenir son action militaire et politique ». En effet « la couronne se déchargeait ainsi d’un poids considérable dans le financement de l’entreprise de Catalogne. Les rentes du duché et particulièrement le sel des mines de Cardona devaient être une des principales sources de financement des armées et de l’administration française »[43]. Malgré tout ce prestige et cette faveur en haut lieu, nous verrons bientôt que là aussi, la prise de possession de ce bien fut à retardement et non sans heurts.
Tout d’abord, la vice-royauté du Maréchal de La Mothe se présente comme une continuation et un approfondissement des tendances observées sous Argenson. En effet, entre la nomination de La Mothe et son arrivée à Barcelona en décembre 1642 Argenson domine, et ensuite il reste intendant et seconde autorité politique française en Catalogne jusqu’à son rappel. Durant toute cette période, les procès politiques, les poursuites contre les biens des criminels et les expulsions se sont poursuivis et multipliés. Dans ce sens allaient les dernières instructions de Richelieu à l’intendant, le 4 août 1642 : chasser de Barcelona tous ceux qui seront suspects, obliger les évêques de Catalogne à prêter serment et exiler du pays ceux qui refuseraient[44]. Devant plusieurs menaces de conspiration, une attaque de partisans de Castille contre le fort de Montjuic en juin, des mesures sont prises. Etrangement Pujolar, qui écrit fin juin à Richelieu que les conseillers ont décidé de chasser plusieurs gentilshommes soupçonnés d’infidélité dont Jeroni de Argensola, Vicenç Magarola, Federich Meca, et quelques serviteurs de la duchesse de Cardona, semble tout à fait favorable à ces méthodes :
« Si on ne fait pas une nouvelle expulsion comme celle des Morisques, ce sera à notre détriment parce que le peu de mal affectes qu’il y a ont si peu de honte qu’ils ne craignent ni Dieu ni le monde, et il est de la première nécessité de leur donner un grand châtiment »[45].
En cela, ce serviteur du cardinal, qui dénoncera plus tard après sa mort tous les excès du gouvernement de Catalogne, flatte ostensiblement la politique commencée par son protecteur. Cette politique trouve son apogée, détonateur de tous les exils et confiscations qui s’ensuivent, dans la commission signée par le roi le 4 août 1642 (le même jour que les instructions de Richelieu au sujet des évêques), pour que le maréchal de La Mothe reçoive à Barcelona, où le roi n’a pu se rendre en raison de sa santé fatiguée au camp devant Perpignan, l’hommage et le serment de fidélité de « tout et un chacun nosdits sujets et vassaux originaires ou habitants desdits principatet comtez ou possedants terres et heritages en iceux » en ses « nom, lieu et place »[46]. La commission est immédiatement enregistrée dans les registres de la chancellerie de Catalogne ; cependant, la réception effective des serments et hommages n’interviendra qu’en janvier 1643. Avant même de recevoir les serments, plusieurs expulsions de grande conséquence avaient eu lieu, comme celle, en octobre 1642, de l’évêque de Barcelona, le castillan García Gil Manrique, ancien vice-roi au service de l’Espagne, décidée par Argenson et confirmée par Paris avant septembre[47]. A cela s’ajoutaient de nombreux départs volontaires, commencés, selon Jordi Vidal[48], dès le soulèvement de la Catalogne : les officiers de l’ancienne administration, d’abord, puis les nobles impliqués dans la résistance armée dans Pyrénées, dirigée par Lluis Descallar, son frère Francesc, et le chevalier Sebastià Duran, accompagnés d’une ribambelle de parents et d’alliés. D’autres avaient quitté Barcelona pour leur opposition directe à la révolution, comme Bernardí de Marimon. Proche de la duchesse de Cardona, il avait reçu d’elle en juin 1640, en tant que surintendant de l’arsenal de Barcelona – les Drassanes –, la mission d’attacher les marins à empêcher un mouvement visant à l’assassiner. D’autres nobles, comme Berenguer d’Oms i de Santa Pau, seigneur de Santa Pau, ou Ramon Dalmau de Rocabertí, comte de Peralada, avaient fui les poursuites des autorité franco-catalanes qui les soupçonnaient de n’avoir pas soutenu la rébellion, parfois soutenues ou aidées par l’indifférence de leurs vassaux.
Après son arrivée effective à Barcelona le 4 décembre 1642, La Mothe fait publier des crides, imprimées chez Pere Lacavalleria, imprimeur officiel du gouvernement français de Catalogne afin d’être plus largement diffusées[49]. Il vient de reprendre possession de l’autorité judiciaire après une période où cette dernière était exercée en intérim (vice regia selon l’expression consacrée) par le Gouverneur Josep de Margarit. Ces cridas à valeur législative sont un véritable code des délits et des peines en 69 articles, au sujet de l’obligation de répondre à la convocation militaire (sometent), des délits de droit commun comme les vols, la prostitution, ou encore la fausse monnaie. On a même des peines contre ceux qui portent de fausses barbes… Les articles 55 à 59 concernent l’interdiction de tout commerce avec l’ennemi : on ne pourra lui porter des victuailles (article 55), faire sortir un bateau sans autorisation du vice-roi (56), faire paître ou transhumer ses animaux sur les terres ennemies (57), lui donner des avis sur l’état de la guerre ou des armées (58), « sots la pena de traydor a Sa Magestad y patria y de mort natural », cette dernière peine s’appliquant aussi à toute personne qui sera trouvée à moins d’une lieue des ennemis, sauf à prouver qu’elle apporte un message de la part des autorités. L’article 60 oblige à dénoncer toute conspiration. Enfin, l’article 61 montre une première réflexion sur la question des récompenses : il prévoit une prime de 100 livres barcelonaises sur la trésorerie royale pour tous ceux qui dénonceront les délits compris dans les articles précédents[50]. Mais la volonté législative du vice-roi ne s’arrêtera pas là. Un an plus tard, alors que l’obligation de prêter le serment a « mis à découvert la position politique de nombreuses personnes » [51] et entraîné, comme nous allons le voir dans un instant, de nouveaux exils et poursuites, La Mothe franchit un nouveau pas et promet, par une nouvelle crida publica du 3 janvier 1644, de donner à tous ceux qui dénonceront les meubles et objets cachés des étrangers, traîtres et sujets du Roi Catholique, le quart desdits biens[52]. Cette mesure sera reprise sous les vice-rois suivants[53]. Le fait d’inciter à dénoncer des meubles et objets « cachés », particulièrement des bijoux d’or et d’argent, montre bien que si l’on confisquait les immeubles avec une relative facilité, en revanche les meubles et objets qui constituaient une bonne partie de la fortune, souvent thésaurisés, pouvaient être laissés à des personnes de confiance restées sur place, ou dissimulés dans l’espoir d’un futur retour, et donc difficilement saisissables par les autorités.
La prestation d’hommage et serment de janvier 1643, trop souvent oubliée[54], est l’événement qui dans les faits engage un vrai tournant politique. Le 6 janvier, appliquant avec un certain retard la commission à lui donnée au cours de l’été précédent, le vice-roi publie une ordonnance mandant à tous les hommes du Principat et des comtés de Rousillon et Cerdagne de se rendre à Barcelona le 26 janvier afin de prêter le serment de fidélité au roi Louis XIII en ses mains, faute de quoi les récalcitrants seront poursuivis[55]. Ce jour-là, la cérémonie commence, en grande pompe. Les premiers défilent devant le vice-roi, groupés par estaments, dans une salle du « palais royal » situé sur la place Sant Francesc de Barcelona, jurant sur les Evangiles et le bois de la vraie croix en présence des principaux officiers. En réalité, la cérémonie durera bien plus longtemps, puisque jusqu’au 8 juin 1643, après même la mort du roi le 14 mai, de très nombreuses prorogations seront faites par le vice-roi, pendant lesquelles de petits groupes de nobles, de moins en moins nombreux, prêteront le serment au compte-gouttes. Sanabre fait observer que le syndic de la Generalitat proteste immédiatement de ce que le serment ne se fasse pas devant le roi-lui même. Se justifiant par cette dernière raison, peu de gens se déplacent[56]. Dans la liste des personnes ayant prêté serment[57], imprimée postérieurement par Pere Lacavalleria et envoyée à la cour, on peut remarquer que plusieurs s’exileront ou seront poursuivies très rapidement après[58]. Le 26 mars, notamment, Ramon Dalmau de Rocabertí, comte de Peralada, est renseigné comme ayant prêté serment ; nous reverrons bientôt, parmi tant d’autres, les noms de Francesc de Toralla, Jaume de Erill, Diego de Sarriera, Lluis de Peguera, Josep Galceran de Pinós – ces deux derniers exilés à Gênes en Italie – dans les listes de personnes poursuivies. Dès le mois d’avril, des cridas du vice-roi s’adressent à ceux qui ne sont pas venus à la convocation, leur ordonnant de comparaître devant la cour sous peine d’être déclarés contumax et de se voir poursuivis dans leurs biens : en premier lieu des ecclésiastiques de grande catégorie comme les évêques de Girona, d’Urgell, de Vic, de Solsona, les abbés de Serrateix et de Sant Pere Besalu[59], et plusieurs nobles comme Ramon Xammar, de Perpignan, Josep de Queralt i d’Erill, Aleix de Gelabert, Cristòfol d’Icart, Bernardí et Joan de Marimon son fils, Ramon de Çagarriga, Garau de Guardiola, Miquel de Çalbá i de Vallgornera[60]… On y retrouve étrangement Ramon Xammar, dont les biens avaient déjà été donnés en octobre 1642 à Isidoro de Pujolar[61]. Mais précisons tout de suite que l’enregistrement de ce dernier don dans les registres de la chancellerie ne s’est fait qu’entre mars et août 1643, soit exactement à la période où les serments ont été reçus.
De cette dernière observation, et d’autres que nous allons présenter maintenant, nous tirons cette hypothèse : les premières grandes opérations de gestion des biens confisqués ont dû être réalisées à ce moment-là, car, du fait de la défection de nombreuses personnes, de grands patrimoines tombaient dans le fisc royal. Le 11 avril 1643, le même jour que la convocation de dernier recours aux nobles de moyenne catégorie (les Xammar, les Marimon), le vice-roi donnait ordre au procureur fiscal d’appliquer la sentence de saisie des biens des ducs d’Albe, de Sessa, de Híjar, marquis de Villasor, de Camarasa, de Orani, de Oropesa y Vilar, comtes de Guimerà et Vallfogona, de Santa Coloma de Queralt, de Fuentes, de Castellflorit, de Formiguera et d’Erill[62]. En réalité, il n’y avait pas un mais plusieurs procureurs fiscaux. En octobre 1643, après quelques mois, des ordres particuliers s’adressent à chacun d’entre eux afin d’exécuter concrètement ces ordres : Joan Deu prendra possession des biens du comté d’Erill et baronnies de Orcau, des baronnies du duc d’Albe, du comte de Castellflorit, du duc de Pastrana et du marquis de Villasor au nom de Sa Majesté[63] ; Joan Curus s’occupera des biens des comtes de Santa Coloma et de Guimerà[64] ; Pau Castello, substitut du procureur, d’autres biens des ducs d’Albe, de Sessa, des marquis d’Oropesa, des comtes de la Formiguera, ainsi que de tous les biens qui étaient de la duchesse de Cardona et de son fils, dont le comté d’Empúries et de Prades et la baronnie de Entença[65].
Un autre épisode important est à l’origine de nombreuses confiscations : les évènements survenus dans le Val d’Aran. En 1640, la vallée, située à la frontière des deux monarchies, adhère à la révolte des institutions catalanes par le biais de sa propre institution représentative (le Conseil général du Val d’Aran) et s’oppose à son gouverneur pro-castillan. Mais un mouvement populaire nommé la germandat et dirigé par un homme de sac et de corde nommé Bartolomeu Espanya s’empare de plusieurs représentants du roi, dont le notaire et consul en chef Joan Pau Brugarol, qui est exécuté. Fin 1640, Espanya, secouru par huit cents hommes du Pallars aux ordres de Josep de Rocabruna envoyés par la Generalitat, et par des Français, fait le siège de la forteresse de Castèth-Leon (Castell Lleó en catalan), qui se rend le 8 février 1641. Espanya obtient de la Generalitat le gouvernement militaire, puis le titre de capitaine du château au nom de Louis XIII quand les institutions catalanes se soumettent à ce monarque ; mais le Conseil Général préfère retirer le grade et condamner la germandat, de même qu’il commence à prendre une tutelle sur l’ancien juge royal, qui est reconduit, Pere Pau Pasqual. Le 13 avril 1641, la Generalitat nomme un nouveau gouverneur du château, Jacint de Toralla, avec comme sergents-majors Pere Amorós et Bartolomeu Benosa. Amorós était lui aussi un officier de fortune qui avait tenté de soulever la vallée dans les années précédentes. Toralla quitte la vallée en janvier 1642 et laisse son fils Lluis comme lieutenant. La période voit de grandes tensions sociales entre les différents pouvoirs. Le Conseil Général confisque en mai 1642 la baronnie de Les à Ramon Joan Cau, et s’en attribue la juridiction. Lluis de Toralla s’oppose rapidement à la vallée, et le Conseil Général refuse de lui envoyer des hommes pour garder le château. Lorsque son père Jacint revient, il augmente son autorité.
Mais les tensions sont telles qu’elles finissent par éclater en 1643, lorsque Jacint de Toralla se range dans le camp pro-castillan et essaie de remetre la vallée dans l’obéissance de Madrid. Au début de l’année, un mouvement populaire aranais se fait jour en faveur des Castillans, en relation avec la duchesse de Cardona et le marquis de Mortara. Toralla fait rentrer dans Castèth-Leon une garnison de 300 Castillans et Wallons. Le bas Aran est favorable l’Espagne, le haut à la France. Le vice-roi délègue l’opération de reconquête à Josep de Margarit. Les combats obligent les partisans de Philippe IV à se replier sur Vielha le 12 avril, où le Gouverneur met le feu, qui cause le massacre des habitants, accompagné d’un pillage par les soldats catalans. Toralla est pris dans une embuscade, et Margarit met le siège à Castèth-Leon, qui tombe le 20 avril, sans doute après le versement d’une somme aux assiégés. La vallée est donc soumise à la France, et les partisans de la Castille prennent la fuite. Margarit remet la baronnie de Les à Bartolomeu Espanya, chef des révoltés aranais, « ce qui montre que Barcelone s’appuie toujours sur la germandat, seule vraiment fiable », note Patrice Poujade. Amóros et Benosa choisissent l’exil[66]. Quelques jours après la victoire de Margarit, la justice prend le relais avec ses procès de légitimation. Le 5 mai, le docteur de l’Audiència Josep de Orlau, après introduction et examen, édicte la première provision afin de citer à comparaître sous dix jours un certain nombre d’habitants de la vallée qui s’étaient retirés –à la tête desquels Lluis de Toralla, suivi d’Amorós, de Benosa et du juge Pasqual, ainsi que de Bartolomeu Amoros, fils du notaire exécuté en 1641 –, suivie d’une crida pública le 11[67]. Leurs biens sont confisqués au profit du roi[68], ils apparaîtront dans l’état des confiscations de 1643[69]. Patrice Poujade, qui a établi le recensement de ces exilés, note que le haut Aran est le bénéficiaire de ces confiscations : des habitants des terçons de Pujòlo et Arties-Garòs, supports de la germandat, reçoivent les bailies de Marcatosa, Vielha et Garòs, et l’escrivania de la Cúria reial du Val d’Aran est donnée aux communautés des terçons du haut Aran[70].
Le 14 mai 1643, Louis XIII meurt après une terrible agonie. Dès le lendemain, une lettre missive du nouveau roi Louis XIV mande au maréchal de La Mothe de prêter en son nom le serment que faisaient les comtes de Barcelona, mais aussi de recevoir les foi et hommages de ses sujets de Catalogne[71]. C’est exactement ce que le vice-roi était en train de faire à Barcelona, depuis plusieurs mois déjà, mais au nom du roi défunt… Officiellement, les ordres étaient formels, le vice-roi devait recommencer la cérémonie avec le nouveau roi. Dans les faits, nous n’avons pas trouvé de trace dans les archives ni dans l’historiographie d’une nouvelle prestation de serment de tous les nobles, ecclésiastiques et représentants des communautés. Ce fait, qui mériterait d’être approfondi, s’explique peut-être par la situation très tendue en Catalogne à cause de la multiplication des plaintes des Catalans contre les Français pour le logement des troupes, la réquisition des récoltes pour ces dernières, et les levées d’impôts contraires aux Constitutions[72]. En 1644, la liste de référence envoyée par le chancelier à la cour était encore celle du serment de fidélité de janvier-juin 1643[73].
A la cour aussi, la situation était très tendue, et inquiétante pour le vice-roi. Après la mort de son parent et protecteur Richelieu, Sublet de Noyers, lui aussi proche allié et soutien, avait été disgrâcié à cause d’une intrigue fomentée par ses collègues et concurrents Chavigny et Mazarin, ce dernier devenu principal ministre dès la mort du cardinal[74]. Maintenu en place par la nouvelle régente, Mazarin fait nommer comme secrétaire d’Etat de la guerre, pour remplacer Noyers, son proche collaborateur Michel Le Tellier. Le 20 mai ce dernier écrit à La Mothe que conformément au désir du feu roi, il avait fait un échange avec M. de Chavigny, ce dernier ayant pris les affaires de Provence qui étaient du département de M. de Noyers, lui-même conservant celles de Catalogne[75]. Les relations de La Mothe avec le nouveau gouvernement vont se déteriorer. La campagne de juin-juillet 1643 est un échec cuisant : les fonds officiellement prévus par Mazarin, en raison de diverses malversations, n’arrivent pas en Catalogne et La Mothe doit abandonner son projet d’invasion de la Navarre, se retirant à Barcelona et décidant de ne rien entreprendre. Cette dernière décision, très mal vue par la cour, lui est hautement reprochée, alors qu’il n’a pas les moyens de faire autrement[76]. Il devient même suspect aux yeux de Mazarin d’appartenir à la cabale des Importants. Le rappel d’Argenson, tout acquis à La Mothe, est un nouveau signe de cette crise de confiance[77]. Après deux disgrâces militaires, la reprise de Flix et celle de Monzón par les Espagnols, en octobre 1643, La Mothe se plaint nommément à Mazarin de Le Tellier. A Barcelona, il doit faire face à plusieurs complots contre sa personne et celle du Gouverneur Margarit, en mai et en août.
Dans cette ambiance les expulsions se multiplient : en juin, le conseil d’Espagne à Gênes écrit à Philippe IV que « chaque jour viennent dans cette ville les expulsés de Catalogne, dépossédés de leurs biens et se trouvant dans une extrême nécessité parce qu’on ne les laisse pas emporter ce dont ils ont besoin pour leur voyage »[78] ; à Madrid, on met en place un conseil spécial afin de recueillir les plaintes des Catalans dépossédés. Lluis de Peguera et Josep Galceran de Pinós, qui avaient prêté serment le 9 février, exilés ensuite, se trouvaient probablement déjà à Gênes en août[79]. Devant la crainte croissante d’une conspiration visant à rendre Barcelona aux Castillans, le 19 novembre, le roi fait parvenir à La Motte cinq lettres en blanc afin d’éloigner de la ville « ceux dont la fidélité vous sera suspecte ez choses qui regarderont le service du roy »[80]. Les ecclésiastiques sont les premiers suspects : cette année sont chassés l’évêque de Girona et de nombreux chanoines, ce qui donne lieu à des plaintes à la Cour, par l’intermédiaire d’ambassaeurs remontrant que c’est contraire aux Constitutions de Catalogne puisqu’un juge laïc ne peut juger des ecclésiastiques. La France n’aura de cesse de demander un bref au pape afin de pouvoir nommer un juge ecclésiastique ; en vain[81]. Si les confiscations des biens ecclésiastiques ne sont pas le centre de notre sujet, il faut dire néanmoins que parmi les temporels des évêchés qui sont saisis figurent de nombreuses baronnies avec des vassaux. D’autres plaintes se forment contre les expulsions des nobles laïcs, par l’intermédiaire d’ambassades envoyées par les députés de la Generalitat au vice-roi, puis à la cour de France, demandant la révocation des expulsions de Peguera, Pinós, etc[82]. Lluis Descallar[83], après avoir œuvré avec ses vassaux en faveur du roi d’Espagne, pendant trois ans, est exilé en Roussillon en 1643. Il est alors considéré comme un « suspect », mais, ne désirant pas rester en Roussillon et décidant de servir le roi d’Espagne par les armes en Catalogne, en 1644 une information est lancée qui le déclare criminel de lèse-majesté[84]. Les cridas tendent à changer, et à s’étendre, acquérant elles-mêmes des mesures incitant à la dénonciation. Pour Descallar, tous les sujets sont expréssément défendus de le soutenir, accueillir, de lui donner conseil, faveur et aide cachée ou manifeste ; ils doivent sous dix jours dénoncer tous les biens meubles et immeubles du criminel, après quoi il sera procédé contre ceux qui n’y satisfont pas. Il faut dire qu’en même temps, le vice-roi donnait l’ordre pressant à son imprimeur officiel de tirer en grand les cridas publiés contre les mal affectes[85]…
Enfin, une autre affaire joue un rôle perturbateur dans le jeu de la fidélité et des récompenses : le retard (volontaire ?) du vice-roi à enregistrer le pardon du roi Louis XIII, édicté le 25 avril 1643[86]. Dans ce édit, le souverain faisait rémission de tous les crimes et délits commis en Catalogne jusqu’au 23 février 1642, jour où le maréchal de Brézé prêta serment au nom du roi. Sans doute à cause de la mort de Louis XIII et des nombreux évènements qui s’ensuivent, il n’est pas enregistré en Catalogne, soulevant de premières réclamations, portées à la cour par Pujolar : en Empordà, la poursuite de plusieurs suspects anciens par un juge criminel dégoûte et incite les gens à rejoindre le parti d’Espagne[87]. Face à cela, le roi d’Espagne a beau jeu de multiplier les offres de pardon général en faveur des Catalans, mettant en avant la dureté et l’injustice du gouvernement français, mais aussi les négociations de paix qui commencent à Münster et où la France est accusée de vouloir abandonner la Catalogne. Aux villes du Principat qui lui ont écrit une lettre de reproche sur ces griefs, La Mothe répond par une lettre imprimée, poussive et peu convaincante, où il accuse les Espagnols de tromperie et argue que la nation castillane sera toujours ennemie de la catalane[88]. Un nouvel écrit politique émané du camp de Castille en réponse à cette dernière lettre, répandu partout sous l’apparence d’une lettre des jurés d’Empúries[89], projette la question des confiscations au milieu de tous les arguments habituels. Premièrement, dit-il, c’est à cause d’une guerre injuste, qui ne peut se finir que sur une paix – négociée par les Français eux-mêmes–, que les naturels sont privés de la jouissance de leurs propriétés et honneurs. Ensuite, en cas de ralliement des Catalans à sa couronne, le roi proclamerait non seulement un pardon général, mais il ne poursuivrait en aucun cas les communautés ou particuliers qui auraient bénéficié de biens confisqués et qui se seraient ralliés à lui :
« De la même façon il épargnerait aux universités, communautés et personnes particulières qui durant ces inquiétudes ou troubles ont occupé et pris en leurs mains des biens, effets ou l’argent de Sa Majesté ou de son Patrimoine, touts actions qu’il pourrait engager pour les recouvrer, et il imposerait le silence perpétuel au procureur fiscal afin qu’on ne puisse jamais rien leur demander ni l’exiger »[90].
Il faut trouver dans cette promesse l’origine de la clause d’indulgence qui apparaîtra plus tard, dans les différents projets de traités entre les deux couronnes, en faveur des confiscataires – entendu que les biens seraient restitués à leurs anciens propriétaires. Avec une certaine facilité, le même écrit représente que les poursuites contre les mal affectes sont seulement des prétextes afin de confisquer leurs biens :
« Confisquer des biens par une accusion d’être mal affecto, on y arrive ; faire taire les très illustres députés et conseillers de Barcelona et autres pères de l’Etat (« padres de republica ») pour pouvoir retirer aux religieux les honneurs de leur état ainsi qu’aux prélats observants, car on veut les corriger et les punir de leurs fautes, en alléguant qu’ils sont mal affectes, on y arrive, et cela décharge la conscience. Ceux qui veulent libérer les pauvres gens oppressés par les vexations des Français et de leurs ministres ont des délateurs qui les dénoncent comme mal affectos : ils n’ont qu’à ouvrir la bouche pour ôter des vies et des honneurs, et se venger. La dénonciation de mal affecto est le seul aussi puissant : il n’y a pas d’état dans le corps ecclésiastique, de la mitre à la coule du plus pauvre frère, qui ne publie cette violence sacrilège ; il n’y en a pas dans chez les nobles, de la couronne ducale à la plus petite famille, car on ne cesse de crier à la conspiration, d’exciter le peuple contre eux, leurs biens, leur réputation et leur vie ; il n’y en a pas dans l’estament reial de la très-noble cité de Barcelona au lieu le plus secondaire, et du marchand le plus riche au plus pauvre, qui ne crie pas au ciel et ne clame pas contre l’oppression qu’ils souffrent injustement en leurs libertés, honneurs, vies et biens de la part des Français et de leurs ministres, demandant contre eux une vengeance efficace »[91].
A l’inverse, les multiples vrais faux pardons du roi d’Espagne qui circulent déjà partout sont montrés comme des forgeries de certains catalans désireux d’obtenir les faveurs royales. L’un d’eux, daté du 14 octobre 1643, est envoyé à la cour sous forme de transcription prétendument fidèle : ce pardon général excepte cependant Josep de Margarit, le docteur Fontanella, Josep de Rocabruna et Francesc de Vergós, comme ceux qui ont « puesto mano en la muerte del conde de Sta Coloma » ; à la fin de la transcription, l’expéditeur a rajouté : « Este ha zido inventado por haver mayores confiscaciones » [92]. Nous ne ferons qu’un commentaire : le pardon a pu être fabriqué par ces personnes pour se faire valoir, aussi bien que par les ennemis de leur clientèle pour les accuser. Face à tout cela, La Mothe fait quelques gestes, comme par exemple accorder pardon et rémission de tous leurs crimes (sauf lèse-majesté) aux naturels et habitants de la baronnie d’Orcau, alors saisie par le procureur fiscal à titre de confiscation[93]. Mais aucun cas n’est fait des mémoires qui arrivent à la cour et demandent le pardon et rappel de tous les exilés afin d’apaiser la situation. Pendant ce temps-là, s’insurge Pujolar, une bonne majorité de la noblesse devient pro-castillane à cause des grandes faveurs faites par les Espagnols, alors que les Français sont avares de récompenses[94]. A Naples et à Rome, Josep de Pinós et Lluis de Peguera reçoivent moultes caresses des Castillans et des Catalans exilés. Les Français, de leur côté, ne savent dispenser leurs faveurs qu’aux « adulateurs » des gouvernants locaux[95].
Enracinement des clientèles « motistes », malgré un début d’abolition des séquestres en faveur d’une administration générale des biens confisqués
Un second aspect de la vice-royauté de La Mothe est la continuation et l’enracinement des clientèles formées sous Argenson, favorisées d’un large contrôle sur la gestion des confiscations. Nous nous souvenons de l’ordre donné le 19 décembre 1642 par le ministre Chavigny au maréchal de La Mothe de faire faire par Argenson et son collaborateur des Yveteaux[96] un « estat des biens de ceux qui se sont retirez avec les ennemis affin de les reunir a son domaine ou les faire administrer ainsy qu’elle avisera pour gratiffier par le moyen du revenu qui en proviendra ceux qui luy sont fideles et affectionnez dans le pays »[97]. Sans pouvoir apporter de preuve formelle que l’ordre n’a pas été appliqué, nous ne trouvons dans les archives aucun document de ce type pouvant se rapporter à la période d’Argenson. Ce n’est qu’au cours de 1643, alors que les procès de la fin 1642 et ceux de 1643 ont permis de saisir un très grand nombre de patrimoines, notamment ceux appartenant aux grandes familles castillanes (ducs d’Albe, de Sessa, etc.), qu’un tel document apparaît, soit probablement sous le mandat du successeur d’Argenson, La Berchère[98]. Il s’agit d’une liste[99], non datée mais pour laquelle une datation peut être proposée compte tenu des biens confisqués qu’elle cite. Nous nous pencherons par la suite de façon approfondie sur ce document capital qui, précisons-le déjà, est le seul de ce genre pour toute la période de la guerre (1642-1659) qui puisse se rencontrer dans les archives françaises, mais n’est absolument pas évoqué dans la correspondance politique. A ce stade, la situation se caractérise par deux traits essentiels : d’une part, pour la première fois, les biens se sont accumulés et forment un ensemble important ; d’autre part, ils n’ont encore été ni distribués ni vraiment réunis au domaine – c’est incontestable – mais plutôt laissés dans une sorte d’entre-deux juridique, à la fois placés en possession du roi mais gérés en attendant une décision de la cour (repoussée le plus possible). Cette gestion est confiée dès 1642, mais surtout en 1643 sur la volonté de La Mothe, à une équipe de personnes intégrées aux cercles de pouvoir[100]. Margarit, comme le dit notre premier pamphlétaire contre Argenson[101], aurait dû être selon la volonté de ce dernier « superintendente » des confiscations ; de fait, aucune administration centrale ne s’en dégagera, mais plutôt une myriade de rôles et de responsabilités se recouvrant parfois.
Un personnage se démarque toutefois, malgré sa (relative) discrétion et son rôle sous-estimé par l’historiographie, qui ne le cite jamais : Francesc Sangenís. Il a le privilège d’être compté, dans notre liste des différents clans du pouvoir en Catalogne[102], à la fois parmi les « Amigos de monsieur de Argenson », les « Amigos del Regente Fontanella » et les « Amigos del Governador » Margarit. L’accès à une telle faveur peut surprendre, si l’on pense à ses origines. L’ascension de Sangenís a dû être fulgurante. Fils d’un marchand de Barcelona, appelé également Francesc Sangenís, et de Candia Mas[103], il prend naturellement la voie paternelle. En 1631, il est dit droguer y perfumer [104](marchand droguiste et parfumeur). Son négoce prend une grande ampleur pendant cette période précédant la guerra dels Segadors[105], parallèlement à celui de son frère Cristòfol Sangenís[106]. Ce dernier, en 1640, figure parmi les quelques marchands influents au Conseil des Cent de Barcelona, au nom duquel il se charge de recruter des mercenaires pour la campagne de Salses[107]. Rapidement, il s’impose comme le principal prestataire auquel la Generalitat confie la subsistance des troupes, et devient, selon l’expression d’Elisa Badosa, « peut-être le plus grand financier de la guerre des Segadors » décrochant successivement tous les contrats de fourniture de blé, armes, munitions et chevaux[108]. Il achète aussi dès 1642 des offices publics, dont certains vendus aux enchères par la Generalitat après la confiscation des biens de Los Velez[109], et obtient en 1643 de La Mothe la concession du moulin à soufre de Barcelona[110]. Francesc, quant à lui, a déjà été conseller quint de Barcelona en 1637[111], conseller quart l’année suivante[112]. En 1640, il participa aux Juntas de Braços si conséquentes dans le grand tournant politique de Catalogne[113]. Ami de Francesc de Vilaplana, noble roussillonnais et premier négociateur avec Sentmenat des rapprochements entre la France et les Catalans, il l’accompagne en novembre 1640 dans sa visite au prince de Condé[114]. Cette amitié avec un personnage appartenant à une catégorie sociale différente a pu se nouer à la faveur des évènements du temps, au cours desquels Vilaplana, neveu de Pau Claris, a effectué des missions pour les institutions catalanes. C’est en 1641 que Francesc Sangenís obtient le titre de Ciutadà honrat de Barcelona qui le propulse socialement de la catégorie des simples marchands à celle des privilégiés. La même année, il est élu visitador de la Generalitat[115]. Tout en appartenant à cette institution, il entre dans les coteries proches de l’intendant Argenson, puisqu’il est l’un des premiers à recevoir, fin juillet 1642, la provision de séquestre d’un bien confisqué, le comté de Santa Coloma de Queralt[116]. Encore une fois, son emploi est à la fois officiel – il est nommé par lettres expédiées par le Gouverneur Margarit exerçant vice regia (en remplacement du vice-roi absent) – et officieux, puisque les biens sont déjà dans les mains des autorités françaises avant même que la sentence de saisie ait été proclamée[117]. En tout cas, il l’exerce ensuite pleinement, puisqu’au cours de l’année 1643, il obtient des députés de la Generalitat de pouvoir récupérer les archives du comte de Santa Coloma relatives à la gestion de ses biens, qui avaient été saisies et déposées à la casa de la Diputació[118].
Le 22 juin 1643[119], comme le rapporte avec aigreur notre premier pamphlétaire (« entre tanto se aprovecharian los amigos haziendoles administradores de todo como lo ha hecho con Santgenis gran menosprecio del Thezorero real, le ha hecho Thezorero de las Confiscationes »[120]), Francesc Sangenís se voit confier non pas une charge de trésorier, mais « la perception, réception, collecte et administration » [121] de tous les biens et revenus confisqués en Catalogne, Roussillon et Cerdagne. Ce privilège ambigu, que nous commenterons par la suite quand il s’agira d’en expliquer l’exercice réel, a été par la suite compris comme la création d’un office particulier de « receveur des confiscations », et cet usage s’est vite imposé dans les registres de chancellerie où Sangenís est ainsi désigné. Le 20 juillet, Sangenís prête serment dans les mains du Régent Fontanella de bien exercer sa charge et d’en rendre les comptes[122], il commence à l’exercer effectivement dans les premiers jours d’août. L’accusation du pamphlétaire que cette nomination se soit faite aux dépens du trésorier de Catalogne, Jaume Bru, soulève des commentaires. Certes, Bru aurait pu se voir confier par La Mothe l’administration de tous les biens confisqués et la perception de leurs revenus ; cependant, comme nous l’avons dit précédemment, ce type de biens était administré du temps de l’Espagne par la Batllia General, et non par le trésorier dont le rôle était principalement de gérer les deniers royaux une fois perçus et d’assurer le paiement des officiers. De plus, aux premiers temps de la charge de Sangenís, Jaume Bru se trouve malade et c’est son neveu, Garau de Alemany, qui exerce sa fonction par intérim. Enfin, le plus important, une fois Sangenís devenu receveur général, Bru récupèrera la perception des revenus du comté de Santa Coloma que Sangenís exerçait en tant que séquestre, ainsi que celle de plusieurs biens confisqués. Il faut dire que le séquestre de certains biens a été de facto aboli par la réunion finale dès l’été 1643, après plusieurs mois d’incertitude, de certains biens au fisc royal : biens de Lluis Descallar et de Cristòfol d’Icart, comté d’Erill et baronnie d’Orcau, comté de Guimerà[123], comté de Santa Coloma, comté de Vallfogona et vicomté de Canet[124]… Ce qui profite finalement au trésorier Jaume Bru et non à Sangenís, et au passage dépossède les titulaires de ces séquestres comme Ramon de Guimerà[125].
Cette nomination ne plaît pas, et soulève rapidement des oppositions. Dès le 27 janvier 1644, les députés convoquent Francesc Sangenís à la casa de la Diputació et lui remettent au nom de leur consistoire un écrit dénonçant l’invalidité de sa provision au nom des Constitutions de Catalogne, interdisant toute création de nouveaux officiers :
« Selon les Constitutions du présent Principat, et en particulier, par les Constitutions posées sous le titre “Que novells officials no sien posats”, toute création de nouveaux officiers est interdite ; et, au cas où on en créerait, ils sont tenus pour révoqués. Que tous ces officiers pourvus soient tenus pour privés de leurs offices, et que tous les actes qu’ils produiront soient nuls. Et comme le sieur vice-roi vous a concédé le privilège de percepteur, receveur, collecteur et administrateur de tout et quants biens, fruits, des rentes et émoluments existant dans le présent Principat de Catalogne et Comtés de Roussillon et Cerdagne confisqués et appliqués au fisc royal de Sa Majesté, avec faculté de créer et de nommer des officiers nécessaire pour cet effet, pour la défense et le maintien des droits et regàlies du roi. Lequel privilège fut concédé le 22 juin 1643. Ce privilège est contre les Constitutions générales du présent Principet. Pour cela, le syndic du General vous requiert et interpelle de ne pas vous faire valoir dudit privilège royal, de ne pas user des facultés et pouvoirs concédés en celui-ci, sous peine de nullité de tous les actes, car les nouveaux officiers sont interdits par les Constitutions »[126].
Il s’agissait de la part des députés, plus encore qu’une attaque ad hominem contre Sangenís, qui avait été l’un des leurs en tant que visitador del General et se trouvait maintenant indéfectiblement attaché au gouvernement français, d’une véritable dénonciation de l’arbitraire du vice-roi et de son irrespect des lois du pays. Epine dans le pied de La Mothe qui, fragilisé à la cour par l’inimitié croissante de Le Tellier, faisait face en Catalogne à une montée des tensions entre troupes françaises et populations catalanes. Quelque temps avant, les députés avaient déjà envoyé une ambassade à la cour de France, sous prétexte de condoléances pour la mort de Louis XIII, avec instruction de dénoncer le gouvernement du vice-roi, le non-accomplissement des pactes signés entre le Principat et la France, l’absence de Catalans nommés au gouvernement des places, entre autres[127]. Lorsque Sangenís prend le papier des députés, il demande qu’on lui laisse un temps pour y répondre[128]. Pour l’instant, nous n’avons pas trouvé de trace de sa réponse. On sait cependant que dans les mois qui suivent, il rencontre quelques difficultés dans l’exercice de sa charge. En février, le vice-roi promulgue un décret afin de confirmer ses provisions du 22 juin, disant que comme elles n’avaient pas été expédiées par la chancellerie royale (c’est-à-dire celle de Paris), la reddition des comptes par Sangenís pourrait être contestée ; le décret s’adressait au lloctinent del Mestre Racional Francesc de Tamarit[129]. Conséquence probable de nouveaux arguments juridiques allégués par les députés devant l’inefficacité de leur première plainte, ou bien de réserves formulées par Tamarit lui-même… De même, dissimulé sous la forme d’un ordre à Sangenís de signer toutes les lettres de change que les anciens séquestres des biens confisqués avaient coutume de signer, se trouve une autre trace d’un probable refus de Tamarit de recevoir les comptes de Sangenís[130].
Nommé séquestre sous Argenson, parvenu à l’amitié de La Mothe et bénéficiaire d’un nouvel office créé pour lui, Sangenís est donc l’exemple même de la vigueur et de l’influence des clientèles. Un autre facteur déterminant de cette façon de gouverner est la persistance de la Junta patrimonial durant toute la vice-royauté de La Mothe. Cette fois, contrairement à la Junta qui agissait quand Argenson était seul aux commandes, encore très mystérieuse, on en trouve davantage de traces. Pour l’instant, elle temporise l’attribution de biens en toute propriété – aucun don de ce type n’est fait par La Mothe en tant que vice-roi avant l’arrivée de Pierre de Marca –, déterminant avec plus moins de liberté l’attribution des pensions sur les biens confisqués. Surtout, elle fait passer, avant les (très nombreuses) autres requêtes, la satisfaction de ses propres membres. Francesc de Tamarit, « suivant la résolution de la Junta patrimonial », obtient le 24 février 1643 un ordre de paiement en sa faveur, d’un seul coup, de toutes les pensions dues et non payées depuis 1640, qu’il percevait sur les biens de Jacint Sala, confisqués et administrés par le trésorier Bru[131]. Quant au chancelier Barutell, il avait reçu le 10 un charmant cadeau de 1000 livres sur le fonds des confiscations confié à Sangenís[132]. Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Laissons maintenant nos précédents pamphlétaires, et examinons un nouveau mémoire postérieur[133], daté de la fin de la vice-royauté de La Mothe, après l’arrivée de Marca et avant la disgrâce du maréchal. Ecrit de la main de Rafel Sitjar, chanoine d’Elne[134], envoyé à Paris, il dépeint une situation qui se mettait en place dès les premiers temps de cette vice-royauté, et dont il accuse la Junta comme premier responsable. Cette dernière, dit-il, auto-proclamée tribunal suprême, décide « de sa propre autorité et juridiction usurpée s’il convient ou ne convient pas de mettre en exécution et obéir aux ordres, grâces et brevets de Sa Majesté », rendant des décrets contre ces derniers s’ils ne leur plaisent pas, et recevant suppliques et mémoriaux de ceux qui demandent leur application afin de la décider en dernière main. Elle a finalement décidé de n’admettre aucun brevet du roi, mais seulement les lettres patentes émanant de la chancellerie de France et scellées du grand sceau. Sitjar explique que cette Junta s’oppose à la fois aux Constitutions de Catalogne (interdiction de créer de nouveaux tribunaux, « Lib. 1. Constit. Cathalo. tit. 60. per tot. ») et à l’autorité royale sous prétexte de veiller au bien public ; elle conserve son secret en prétendant qu’elle connaît les motivations des décisions royales, qui doivent rester cachées, et qu’elle sait ce qui doit être appliqué ou non. Enfin, l’auteur du mémoire donne la nouvelle composition de la Junta en 1644 : le Gouverneur Margarit, Tamarit, le chancelier, le trésorier, le Régent[135], exactement les mêmes qui étaient présents sous Argenson… et un nouveau venu : Francesc Sangenís. Sans que nous sachions la date exacte de son intégration à la Junta, on peut penser qu’il l’ait rejointe après sa nomination comme receveur général des biens confisqués. Si l’on en croit Sitjar, Sangenís se trouvait donc dans une position privilégiée, participant à la fois à l’élaboration des ordres et à leur application, bien que concurremment au trésorier Bru. Malgré le fait que la Junta disparaisse postérieurement à l’arrivée du visiteur général Marca, se trouvent déjà posés les bases et le fonctionnement de cette curieuse administration mi-publique mi-privée des confiscations, telle qu’elle perdurera jusqu’à l’expulsion des Français du Principat.
Mais quels sont la place et les intérêts personnels du vice-roi dans ces confiscations ? Nous avions dit que, après sa brillante victoire devant Lleida, La Mothe avait obtenu fin octobre 1642, grâce au cardinal de Richelieu, des lettres patentes lui donnant le duché de Cardona. La minute originale de ces lettres est encore conservée dans les archives du secrétaire d’Etat de la guerre[136]. Une fois expédiées en grosse et revêtues du grand sceau de cire verte et rouge, elles avait été confiées par Noyers à M. de Rennes, frère du Maréchal, à charge de les lui délivrer. Il ne manquait presque plus rien à La Mothe, qui se voyait gratifier d’un grand honneur, et surtout du premier duché de Catalogne, confisqué depuis l’été 1642[137], dont les revenus devaient servir théoriquement, selon D. Aznar, à supporter ses dépenses personnelles et celles de sa charge, ou bien à financer « les armées et l’administration française »[138]. Pour l’heure, le duché était encore dans les mains de son séquestre, Francesc de Vilalba. On ignore si l’évêque de Rennes a bien accompli sa mission et remis à son frère ses lettres patentes, et quand ce dernier les a réellement reçues. En revanche, les évènements qui suivent sont assez clairs. Richelieu expire le jour même où le maréchal entre à Barcelona, le 4 décembre 1642 ; ensuite, c’est l’accession au pouvoir de Mazarin et la chute de Noyers, parallèlement aux déconvenues militaires de La Mothe en Catalogne. Le fait est que les lettres patentes de don du duché ne sont pas enregistrées avant le courant du mois de mars 1643[139], et que le duc n’est pas encore en possession effective avant le mois d’avril. Ayant nommé le 23 pour procureur son aumônier personnel, issu de l’ancienne noblesse de Languedoc, Louis de Niort de Bélesta[140], par une particularité diplomatique assez amusante, le 25 mars 1643, le vice-roi promulgue en son nom des lettres exécutoires pour que son propre procureur puisse prendre possession du duché[141]… Cette prise de possession semble accidentée, si l’on en croit la multiplicité des personnes qui en ont été chargées : le 23 mars, Louis de Niort de Bélesta ; le 6 avril, Joan Curus, procureur royal[142] ; le 11 mai, Onofre Quintana, substitut de Joan Curus[143]. Les deux derniers procureurs, fait remarquable, sont mandés dans leur commission de prendre possession du duché au nom de Sa Majesté. La simultanéité de tous ces actes, et surtout l’immensité du patrimoine des Cardona, fait penser que le roi devait prendre possession uniquement des territoires appartenant au duc de Cardona mais ne faisant pas partie du duché même, comme le comté d’Empúries, ou la baronnie d’Entença. Néanmoins, diplomatiquement, les actes de chancellerie entretiennent une grande confusion. Le 29 mai, le vice-roi change à nouveau de procureur et remplace Louis de Niort de Bélesta par Pere Roca, notaire et avocat de Barcelona[144]. La grande porosité entre le public et le privé (si tant est que ces sphères aient existé) se manifeste également par le passage de Louis de Niort de Bélesta, homme de confiance et proche de La Mothe, de son procureur pour Cardona à celui de « factotum » pour l’administration des biens confisqués confiée à Sangenís, se chargeant dès le début de l’année 1644 de l’arrendement des biens confisqués de Roussillon et de Cerdagne[145].
Mais en tout cela la volonté du vice-roi de tirer le plus vite possible des revenus du patrimoine de Cardona est indéniable. Elle se manifeste en premier lieu par la spectaculaire saisie le 30 mars 1643 par l’alguazil Ramon Romeu, au couvent des Carmélites déchaussées de Barcelona, d’un magnifique bijou (« una joia de or a modo de aliga, guarnida de diversos diamants entre grans i petits, posada dins una caxeta forrada de vellut carmesi ab galo d’or ») qui y avait été déposé par la duchesse en engagement pour différents crédits envers des marchands de la ville. Le 7 avril, le vice-roi donne ordre au trésorier Bru, qui se trouvait en possession de l’objet, de le lui remettre, s’engageant à payer les charges auxquelles ce joyau était engagé[146]. Pour savoir ce qui revenait exactement au vice-roi dans le patrimoine de Cardona, la frontière entre le duché compris dans les lettres patentes et le reste était là aussi poreuse. La Mothe se considérait cependant lésé par Mazarin sur le fait de la rançon du marquis de Povar. Fils de la duchesse de Cardona, ce dernier avait été fait prisonnier à la bataille de Vilafranca, et le maréchal attendait de la part de la duchesse le paiement d’une énorme rançon en sa faveur, car c’était son prisonnier personnel, et un personnage de haute qualité en tant que grand d’Espagne et gentilhomme de la chambre du roi. Au cours de l’été 1643, La Mothe apprenait du cardinal qu’il devait limiter ses exigences à 40000 écus et terminer l’affaire immédiatement[147]. Il faut dire que le salaire de vice-roi, pourtant assez considérable, est payé de façon fort inégale. Théoriquement, il s’élève à 1000 livres par mois. Dans les faits, les échéances sont réunies, divisées, découpées, et surtout repoussées car la trésorerie royale étant constamment épuisée, le trésorier cherche à chaque fois sur quel fonds tirer cette grande somme, malgré l’espérance initiale de pouvoir profiter à fond des revenus de Cardona. En mai 1643, la décision est prise de payer 2600 livres du salaire du vice-roi sur les revenus des biens du duc de Sessa, confisqués et confiés à un séquestre. Ce dernier reçoit l’ordre de livrer la somme au trésorier pour qu’il la verse finalement à La Mothe[148]. Deux jours après un autre ordre est donné à Sangenís, encore à cette date séquestre des revenus du comte de Santa Coloma de Queralt, afin qu’il dépose à son tour 2000 livres dans les mains du trésorier[149], sans doute pour une autre partie due au vice-roi sur ses appointements, ou bien parce que le 2600 livres initiales attendues des fonds du duc de Sessa n’avaient pu être acquittées. En janvier 1644, on est donc peu surpris d’apprendre que les échéances suivantes n’avaient pas été acquittées, puisque le dernier paiement effectif remontait à juin dernier : le trésorier devait maintenant se débrouiller pour trouver les 7700 livres dues[150]… Dès le mois d’avril, le principe de réalité l’emportait, et on commença à prendre l’habitude de payer systématiquement le salaire du vice-roi sur le fonds général des biens confisqués ou sur le comté de Santa Coloma, quoiqu’avec une alternance assez irrégulière[151].
Le don du duché de Cardona au maréchal de La Mothe a immédiatement rencontré des oppositions en Catalogne. Tous nos pamphlétaires le digèrent fort mal. Celui qui écrit à l’attention de Plessis-Besançon en 1645, bien postérieurement, se souvient : « la provision du duché de Cardona en la personne du maréchal de La Mothe fut par disposition dudit Margarit […] facilitant la provision à la Cour en cachant l’estimation de ce grand titre de Catalogne, et disant que les dettes du duché étaient égales à ses revenus, alors qu’en vérité, une fois payés tous les cens et pensions auxquels est obligé ledit duché, il reste plus de 20 000 livres catalanes par an de profit » sur 60 000 en tout[152]. Les autres emboîtent le pas. Le Maréchal de La Mothe, dès le lendemain de sa prise de possession, doit faire face à de multiples batailles, non pas militaires mais juridiques. La plus importante l’oppose, là encore, aux députés de la Generalitat. Déjà depuis longtemps avant la guerre, les anciens ducs de Cardona avaient d’importantes dettes en faveur des députés. Lorsque la Catalogne se soumit à la France, puis que le duché fut saisi par le roi, le gouvernement français (doit-on comprendre d’Argenson ?) accorda avec les députés qu’ils pourraient se payer – devant satisfaire à des dépenses de guerre – sur les revenus du sel de Cardona. Mais le nouveau duc ne l’entendait pas ainsi…
« Que des revenus qui se dégageraient de la vente du sel de Cardona, on ferait trois parts, dont les deux premières seraient pour les dépenses courantes de Sa Majesté, et la troisième pour payer ce que l’on devait au General de Catalogne jusqu’à paiement de ladite dette de 7375 livres 1 sol.
Et cet accord fut signé par le Chancelier, l’avocat fiscal de Sa Majesté, et un autre nommé Queralt.
Après tout ça, Sa Majesté fit grâce à monsieur le maréchal de La Mothe du duché de Cardona, avec toutes ses dépendances et droits, et en vertu de cette donation ledit sieur prétend faire restituer par le General lesdits 7375 livres 1 sol qu’il a reçus pour paiement de la dette susdite, en prétendant que ladite dette est injuste et n’est pas due au Général ».
Tout cela nous est appris par un mémoire bien senti, envoyé à Mazarin dans le courant de 1643 par les députés[153]. Le cardinal, voyant l’importance de l’affaire – ajoutée aux autres heurts survenus entre le vice-roi et les institutions catalanes –, et retirant peut-être déjà une partie de sa confiance au maréchal, en confie l’examen à son proche collaborateur Hugues de Lionne, associé depuis peu aux affaires de Catalogne, qui annote le document : « Touchant le procez du duc de Cardonne et de la principauté ». La prétention insigne de La Mothe de faire restituer par les députés la somme qu’ils avaient touchée en tant que créditeurs des anciens ducs choque d’abord la parole donnée. Les signataires n’étaient autres que le chancelier Barutell, l’avocat fiscal patrimonial, et un docteur de l’Audiència, Josep Queralt, dont la qualité garantit la véracité de l’accord.
« On peut bien considérer que comme le Chancelier et l’avocat fiscal sont des hommes doctes et si zélés pour le service et les intérêts de Sa Majesté, ils n’auraient pas été ç cet accord s’ils n’avaient pas vu avec clarté la justice des députés. Plus encore, lesdits ministres l’avaient, au nom de Sa Majesté, concerté avec les députés avant que le roi notre seigneur fît grâce dudit duché au sieur de La Mothe. Quand il la fit, cela avait déjà été donné. Et par conséquent, ce ne fut pas l’intention de Sa Majesté de le donner, pas plus qu’il ne pouvait le faire (sauve son autorité royale), ni le sieur de La Mothe en acquérir la possession »[154].
L’argument était lancé, fondamental dans les débats d’idées autour du rapport entre l’autorité du roi et la loi, que le roi pouvait agir sans connaissance de cause en toute liberté (« salva su Real Autoridad ») mais que l’injustice d’une décision – déterminée en fonction de la loi écrite et approuvée par les Corts – l’annulait de facto comme si elle n’avait jamais existé. En revanche, à l’énormité de la prétention de La Mothe répondait une raison un peu excessive, manifeste d’une grande défiance du consistoire envers le maréchal, faisant que la donation entière n’était pas valide du fait de l’existence de dettes précédentes – car il ne semble pas que le duché ait été, comme il est dit, précédemment donné avant les lettres d’octobre 1642 en faveur de La Mothe. Dans tous les cas, le maréchal avait choqué les lois du pays et blessé la Generalitat en son fondement même.
« Il faut ajouter à ce que l’on a dit que c’est vouloir aller contre tout le Principat, et chercher à le dégoûter, que de vouloir faire restituer et dépouiller ce qu’avec l’intervention et le consentement des ministres de Sa Majesté ils ont reçu au titre d’une juste dette. Et en vérité, c’est pinailler beaucoup pour peu de choses, dans une occasion où le Principat dépense tant de millions au service de Sa Majesté, que de vouloir sans une certaine et claire justice l’obliger à restituer la somme ou à entretenir des procès pour des enfantillages de ce genre.
J’ajoute qu’il me paraît mauvais que, le Principat ayant librement donné à Sa Majesté ledit duché pour qu’elle puisse avoir de quoi mieux récompenser en cette province les services de monsieur le maréchal de La Mothe, après avoir eu ce titre et plus de trente mil écus de rente dudit duché, ce seigneur demande avec tant d’insistance sept mil livres à ceux grâce à qui il a eu plus de trente mil de rente »[155].
Les députés ressuscitaient l’état d’esprit dans lequel ils étaient avant 1642, lorsqu’ils avaient mis en œuvre leurs premières confiscations en tant que représentants de l’autorité publique et de la patrie. C’est « librement », selon eux, qu’ils avaient donné le duché de Cardona au roi pour qu’il pût en récompenser La Mothe… Version des faits assurément fausse, puisque le duché avait été saisi sur ordre de roi à l’été 1642, et que la donation avait été réfléchie depuis Paris par Richelieu après son retour de Narbonne pour en favoriser son parent. Il s’agissait surtout de sauver les apparences, et d’entretenir une image que la Generalitat voulait, plus qu’à tout autre, renvoyer au roi et à ses ministres. Portant peut-être avec eux le mémoire que nous venons de commenter, deux ambassadeurs font le voyage à Paris : Francesc de Miquel, commandeur de Saint-Jean de Jérusalem, pour la Generalitat et Jeroni de Gàver pour la ville de Barcelona. Leur ambassade, que nous avons déjà mentionnée, avait pour prétexte de présenter des condoléances pour la mort du roi. En réalité, ils déversent à la cour un lot de griefs contre le vice-roi : non-accomplissement des pactes entre la France et la Catalogne, non-enregistrement du pardon général de Louis XIII, arbitraire des officiers et du gouvernement local emprisonnant et exilant à discrétion, administration des rentes du duché de Cardona au préjudice des intérêts de la Generalitat…[156] Toutes ces choses ne faisaient que conforter Mazarin dans sa méfiance. Le 31 octobre 1643, le roi envoie à La Mothe une lettre missive, très froide, lui disant qu’en considération de l’ambassade, son désir particulier est que le pardon du feu roi son père soit publié et effectif. Quant à la reine, elle a l’intention qu’il termine « les proces cy devant intentés contre (ceux du Principat) par vostre predecesseur au duché de Cardonne aux conditions qui ont esté deja concertées, estant bien apropos que vous leur donniés en cela comme vous faites en toutes autres choses toute occasion de se louer de vous »[157], façon élégante d’approuver largement les arguments des députés, pourtant présentés avec une certaine superbe dans leur mémoire, et de le débouter de ses prétentions. Pujolar, de son côté, se faisait fort de relayer auprès de Lionne, qui était devenu son correspondant particulier, les droits des moines de Montserrat à se faire payer une pension de 4000 livres par an sur les revenus du sel de Cardona que le maréchal cherchait aussi à empêcher[158].
La brigue des biens confisqués prend ses premières formes
Troisièmement, c’est sous la vice-royauté de La Mothe que s’exacerbent deux mouvements de sens contraire, mais étroitement parallèles et liés : d’un côté, une brigue sans précédent, par l’intermédiaire des liens d’homme à homme et de la correspondance, autour de l’attribution des biens confisqués, pas encore faite mais ressentie comme imminente ; d’un autre côté, la montée des plaintes entre les Catalans eux-mêmes, entretenant une impression générale d’injustice fort dangereuse pour le gouvernement français. Contrairement aux préceptes de Richelieu, le cardinal Mazarin commence dès son arrivée au pouvoir à entretenir lui-même une correspondance avec plusieurs personnalités catalanes, au détriment de l’autorité du vice-roi qui, jusque-là, devait être le seul interlocuteur. A côté du canal alternatif de Pujolar, qui reçoit des avis de diverses personnes de Catalogne, les traduit et les trafique avant de les donner à Lionne, cette correspondance, que nous appellerons afin d’en montrer l’importance « le deuxième pouvoir », a un effet explosif. Le Régent Fontanella, choisi au cours du mois d’août 1643 par les Consistoires sur sollicitation du roi afin d’aller aux conférences de paix de Münster pour renforcer l’argumentaire français face à l’Espagne (et de la part des Consistoires pour empêcher la signature d’une trêve qui ne respecte pas l’unité de la Catalogne), prend dès lors l’habitude d’envoyer des lettres à Mazarin, souvent courtes et insignifiantes, mais très régulières, comme pour rappeler constamment son existence. Son voyage à Münster se passera mal, on le soupçonnera d’intelligences avec l’ennemi, mais en passant par la cour, il retrouvera la confiance de Mazarin, dont il ne cessera de se montrer comme la « créature »[159]. L’autre correspondant est Josep de Margarit. Les lettres de ce dernier se multiplient, parallèlement à la baisse générale de popularité et de confiance du vice-roi, dont il a gagné l’amitié personnelle, comme si (de la même manière que le Régent) il voulait montrer au cardinal par sa communication qu’il ne faisait rien sans l’en avertir et qu’il devait se fier à lui. Durant l’année 1643, les rivalités s’éveillent entre Margarit et Fontanella – séparés comme « chefs de clans » ou de clientèles dans la liste d’individus que nous avons déjà commentée – mais tous deux cherchent un appui par la correspondance, et reçoivent les mêmes assurances de considération de la part du cardinal. Le 30 janvier 1644, par exemple, Margarit écrit au cardinal pour défendre Emanuel d’Aux, accusé d’excès contre les populations au cours des opérations militaires par la précédente ambassade ordinaire des Consistoires, par les ambassadeurs ordinaires, et par l’agent Pujolar. Sa défense montre bien l’importance des recommandations de fidélité et de service… même si Margarit a mal saisi que le nom d’Argenson n’était plus vraiment en odeur de sainteté.
« Je serais ingrat pour les bons services qu’a rendus monsieur d’Aux en cette province, dans les occasion qui se sont offertes pour le service de Sa Majesté, que Dieu garde, si je ne donnais pas cette information et certitude à Votre Eminence. Je puis vous assurer que sa condition ne démérite pas de notre nation, autant pour être très aimable que pour être un obligé (« deudo ») de monsieur d’Argenson, maître de nos cœurs, par gratitude pour tous les exploits qu’il a accomplis pour cette province. Je vous assure que tous le respectaient et l’aimaient, et que pour régler et calmer les incidents entre les soldats et les paysans, nul ne peut être mieux indiqué que lui » [160].
Les manœuvres des uns et des autres sont toujours plus ou moins interceptées : ainsi, en mars 1644, une lettre d’un certain Juan del Prado à Margarit, l’avertissant du danger représenté par Pujolar – qui a commencé à travailler la cour de Paris pour faire retirer La Mothe de Catalogne – arrive sur le bureau d’Hugues de Lionne.
« Je sais de source sûre que l’agent que les députés et conseillers ont à la cour de Paris, qui s’appelle Pujolar et qui fut autrefois secrétaire à la cour de Madrid, continue à avoir ici quelque correspondance et que par son intermédiaire on a là des nouvelles de ce qui se passe à Paris. Et dernièrement, je sais qu’il a signalé qu’il y a quelque désunion entre les princes et que l’on espère quelques grandes révolutions entre eux »[161].
C’est une accusation (habituelle) d’être un agent double. Ou plutôt un point permettant à Margarit de renforcer son argumentaire contre Pujolar, qui ne manque pas de l’égratigner dans son accusation du vice-roi. Le plus drôle est que la lettre où Pujolar est accusé d’avoir des correspondances à Madrid vient… de Madrid ! Margarit ne manquera pas de demander à Mazarin le renvoi de Pujolar dès le mois de mars[162], en vain.
Dans ce contexte commence la première vraie grande brigue pour les confiscations. Il est certain que la donation faite au maréchal de La Mothe, et également la donation de l’usufruit des biens du marquis d’Aitona faite par le vice-roi à Josep de Margarit[163] – mais dont nous n’avons malheureusement retrouvé ni la date exacte ni l’acte – ont pu inciter les nobles catalans qui combattaient pour la France ou la servaient dans des emplois politiques à vouloir eux-mêmes obtenir une part du gâteau. Il faut rappeler qu’aucune distribution n’avait encore été faite de la pleine propriété des biens, à l’exception de ceux attribués en Roussillon à Joan Francesc Masdemunt et à Pujolar au cours de l’année 1642, mais dont nous allons bientôt voir que, pour ce dernier, la jouissance allait être difficile. Mais le vrai détonateur semble être le don par le roi, en septembre 1643[164], de la baronnie de Bellpuig au comte de Çavellà, Francesc de Boxadors[165]. Nous ignorons les circonstances exactes de ce don, mais un passage d’un mémoire à peu près contemporain, adressé à la cour par Ramon de Bas, fils d’un autre Ramon de Bas qui avait été gouverneur des comtés de Roussillon et Cerdagne en 1642, permet de les éclairer quelque peu :
« Le seul qui se voit récompensé pour les efforts de la guerre est le comte de Savalla, mais cette récompense est due à la munificence de Votre Majesté, inspirée par M. le maréchal de La Mothe et M. de La Vallée, et non par diligence des ministres de Catalogne, dont la spéculation consiste à chercher le discrédit de ceux qui ont le plus servi en campagne »[166].
Le don aurait donc été diligenté par La Mothe et La Vallée, un militaire français qui était son proche collaborateur et bénéficiait, malgré sa confession protestante, de toute sa confiance[167]. Si l’on en croit ce mémoire, très hostile aux ministres royaux de Catalogne –n’égratignant pas trop La Mothe cependant-, cette grâce serait donc la juste récompense des services militaires et n’aurait pas été obtenue par le clientélisme. Çavellà, militaire valeureux, s’était notamment distingué à la bataille de Montmeló le 28 mars 1642[168]. Les lettres patentes donnent bien sûr le motif des « services que nostre cher et bien amé le comte de Cavella nous a rendus et rend journellement en plusieurs occasions importantes dans le dict pays, desirans faire congnoistre la satisfaction que nous en avons et l’estime que nous faisons de sa personne, et de sa fidelite, et affection pour cette couronne, et pour la patrie mesme le recompenser aucunement des pertes qu’il a faictes en ses biens du coste de l’Espagne. »[169] Ce don, l’un des rares (voire le seul) qui satisfasse à la fois le roi et le maréchal, est donc exécuté très rapidement, puisque les lettres patentes sont enregistrées dès le mois suivant, et que le vice-roi donne au bénéficiaire des lettres exécutoires le jour même où il prête serment dans les mains du vice-roi[170].
Toutefois, la nouvelle est publiée partout dès son arrivée, et provoque un vrai mouvement à l’intérieur de la noblesse. Le départ de la course aux récompenses a été sifflé. Dans celle-ci, Pujolar, de Paris, va occuper une place centrale. Dès janvier 1644, les députés lui font reproche d’avoir abusé de sa position d’agent de Catalogne afin d’obtenir pour lui-même en 1642 le don d’une confiscation. La réponse justificative de Pujolar aux députés, soigneusement recopiée et confiée à Hugues de Lionne avant d’être envoyée en Catalogne[171], éclaire bien sur le rôle qu’il avait acquis dans les brigues de cour.
« Je suis resté plus qu’éhabi de voir qu’ayant toujours reçu des lettres de remerciement de Votre Seigneurie, où vous vous considériez comme bien servie par mes dignes diligences, alors que je continuais mon service avec le même zèle, je reçoive maintenant celle-ci de votre part. Cela m’oblige à vous supplier d’ordonner de réexaminer ce qui vous a si malheureusement informés, en considérant les circonstances et les fins, car d’après ce que je vois des conséquences, qui sont fausses, il est évident que les prémisses étaient basées sur la malice. Comme on accuse que Sa Majesté m’ait fait la grâce du privilège de nobles et d’un patrimoine en Roussillon, sur cela, je déclare que, pour ne pas voir mes services rendus avant d’être Agent de cet illustre Consistoire (qui sont de l’importance et de la nature que Votre Seigneurie et beaucoup d’autres connaissent) mal récompensés, j’ai demandé expressément licence à monsieur le député ecclésiastique et à monsieur le conseller en cap de Barcelona, au mois de septembre 1642 quand je suis allé apporter son privilège de vice-roi à l’excellentissime seigneur maréchal de Brézé La Motte [sic], pour demander quelque récompense, ce qu’ils me firent grâce de me concéder. Et cela seulement pourrait suffire pour me disculper. Mais pour que Votre Seigneurie voie la tromperie de celui qui vous a informé, je déclare que la grâce que Sa Majesté a daigné me faire du patrimoine confisqué eut lieu le 4 avril 1642, au temps où je n’étais pas encore agent de Votre Seigneurie, car vous m’avez fait la grâce de nommer le 2 mai de cette année. Et à la même occasion il me fit aussi grâce de la noblesse : si Sa Majesté l’avait fait d’une autre manière, je n’aurais pas pu l’accepter sans avoir de quoi l’entretenir (« sustentarla »).
[…]
Pour ce qui est de l’accusation d’avoir avancé des affaires pour des particuliers, pour beaucoup, je l’ai fait par ordre de Votre Seigneurie et des sieurs conseillers, et les autres n’ont pas empêcher que Votre Seigneurie soit servie avec une convenable ponctualité et diligence, comme Votre Seigneurie m’a toujours écrit. Je ne vois pas quelle charge ou peut m’imputer pour cela ».
Dans la suite de la lettre, Pujolar se défend d’une autre accusation, celle de parler faussement aux ministres de la cour (« ministros superiores ») des ministres royaux en Catalogne (« ministros de ay »), comme le Gouverneur, et ainsi d’orienter leurs avis et leurs décisions à sa fantaisie. Il s’en justifie non sans habileté en disant que ce serait offenser les ministres de la cour que de les croire aussi influençables et capables de mauvaise intention vis-à-vis de la Catalogne[172]. Ce qui nous retiendra ici, c’est avant tout cette accusation de favoriser les intérêts de particuliers à la cour, alors que sa mission est de servir la Generalitat (ou la ville de Barcelona), c’est-à-dire le général. Nous allons en voir maintenant l’illustration par un exemple bien connu, Ramon de Guimerà. Nous avons vu précédemment son enthousiasme pour obtenir le don d’un bien confisqué. Le 2 novembre 1643, il écrit d’abord une lettre au cardinal Mazarin[173], où il lui remontre ses services depuis le début de la guerre. Il finit par lui glisser deux choses importantes : premièrement, il se sent délaissé et, ayant perdu une partie de son patrimoine au service, il mérite quelque chose. Deuxièmement, il voit que des biens considérables ont été donnés. C’est une allusion évidente à la grâce récente accordée au comte de Çavellà :
« Je ne dois pas cacher les services que j’ai rendus à un si grand monarque, dans la nécessité où je me vois aujourd’hui, retiré et relegué dans un coin pour avoir dépensé une grande partie de mon patrimoine au royal service de Sa Majeste Très-Chrétienne, quand on a commencé à faire des grâces bien considérables, davantage par une bonne étoile ou plus encore que par la crédit des personnes et leurs services ».
Jadis, Guimerà appartenait à la clientèle d’Argenson – ce qu’il fait valoir ailleurs dans la même lettre – et au Conseil de guerre ; maintenant, ne figurant plus au sommet du pouvoir, il voit Çavellà, noble d’aussi ancienne race que lui mais moins distingué dans le service de la France, recevoir un bien confisqué en pleine propriété. Il faut remarquer aussi que Guimerà omet soigneusement de parler du fait que, peu de temps auparavant, on l’a dépossédé du séquestre du comté de Guimerà qui lui avait été donné par Argenson en 1642, en le réunissant au domaine royal et l’intégrant à l’administration générale de Sangenís[174]. Avec un cardinal, premier ministre de France, il fallait ne pas avoir l’air de trop se plaindre et d’insister sur des détails… Mais 14 jours seulement après avoir envoyé cette lettre au cardinal lui-même, Guimerà en envoie une autre à Pujolar, cette fois en catalan[175], où il le remercie de négocier en sa faveur auprès des ministres de la cour, et lui dit qu’il attend « quelque bonne résolution par l’ordinaire qui vient », c’est-à-dire à recevoir une grâce royale par retour de courrier ; mentionnant la lettre qu’il a faite à Mazarin comme bien connue de l’agent, il confirme la grande considération qu’il a pour les ministres, et au passage flatte le vice-roi – qu’il court-circuite néanmoins en faisant de telles brigues à la cour (nous donnons l’édition des deux lettres). Il était donc bien plus efficace de doubler sa requête d’un petit billet à l’agent général de Catalogne, que tout le monde savait en contact direct avec les proches du principal ministre. Pujolar se changeait effectivement – se moquant finalement des reproches de ses maîtres originels, les institutions catalanes – en interprète non seulement linguistique mais aussi des désirs des Catalans, moyen sans pareil pour augmenter son propre prestige loin de Barcelona.
On ne sera pas surpris de trouver le même type de brigue de la part de tous ceux qui avaient joué un rôle important dans les premiers temps de l’alliance avec la France, comme Francesc Joan de Vergós qui, lui aussi, envoie et duplique ses lettres à la cour : le 6 otobre 1643[176], c’est à la reine elle-même qu’il s’adresse, dans une lettre fort vague et générale où il fait un état de ses services, lui rappelant qu’en 1641 il avait pu lui baiser les pieds à l’occasion de son ambassade, et déplorant que le jeune Louis XIV, à cause de son jeune âge, ne puisse diriger ses armées en personne. Il n’omet pas au passage qu’il se tient prêt à servir de nouveau le roi parmi les fidèles vassaux de Catalogne… Lui aussi se trouvait eclipsé et retiré des cercles de gouvernement et aspirait à une nouvelle fortune politique. Le 16 octobre[177], 10 jours après sa lettre à la reine, il s’ouvre cette fois entièrement au ministre Chavigny et demande le comté de Vallfogona et la vicomté de Canet qui en fait partie, ou bien les baronnies de Baga et Castelló de Farfanya, mentionnant nommément le don fait au comte de Çavellà :
« Attendant que Sa Majesté déclarât sa royale intention d’honorer les vassaux qui servent sa couronne royale dans son Principat, je me suis retenu jusqu’à maintenant de me mettre sous la faveur de Votre Excellence. Mais vu que Sa Majesté (que Dieu garde) a déjà fait grâce au comte de Çavellà du domaine de Bellpuig qui fut au duc de Sessa et qui vaut chaque année huit mil cinq-cents écus de rente, et que l’on tient pour la plus profitable de celle qu’avait Sa Majesté en ce Principat, mon esprit m’a porté à supplier à Votre Excellence de bien vouloir me favoriser comme celui qui a le plus besoin de votre faveur. Je veux également mettre sous votre protection mes petits services (qui, sans cela, seront plus infortunés encore) : je crois qu’ils ne doivent pas être des moindres, comme Votre Excellence le sait mieux. Et je me propose donner une entière et authentique information sur tous, s’il paraît nécessaire à Votre Excellence que je l’envoie. Pour cela, j’ai résolu qu’on donne de ma part à Sa Majesté un mémoire dont Votre Excellence pourra ordonner de voir la copie ».
Vergós a donc envoyé un mémorial de ses services à la fois au roi et à Chavigny, pour doubler ses chances. Immanquablement, la demande est transférée dans le bureau d’Hugues de Lionne, devenu spécialiste des affaires de Catalogne. Ce dernier prend alors la plume, et rédige une lettre que nous imaginons signée du cardinal ou de Chavigny[178]. Celle-ci, prototype par excellence de toutes les futures réponses de la cour de France aux suppliques répétées des Catalans, est un chef-d’œuvre de vacuité et de langue de bois que nous reproduisons pour montrer au lecteur l’image que ces gens pouvaient recevoir de la cour de France.
« Monsieur,
La Reyne a veu le memorial que vous m’avez adressé suivant ce que vous m’avez tesmoigné desirer, ell’estoit desja informée de la plus part de vos services et avec quel zele et courage vous vous estes touiours porté des premiers aux résolutions qui ont regardé l’advantage de cette Couronne, aussy vous en scait-elle tres bon gré, et vous pouvez vous asseurer de tirer des effects en toutes rencontres de l’affection qu’elle vous porte. Faites moy seulement scavoir particulierement ce qu’on pourroit faire pour vous et je m’emploiray de tout mon coeur a vous y faire avoir satisfaction. Cependant je demeure… ».
Il est particulièrement remarquable que les ministres, qui ont pourtant vu le mémorial envoyé par Vergós et eu connaissance de ses prétentions (puisque la totalité des pièces sont aujourd’hui encore conservées dans les archives et annotées de la main de Lionne), fassent comme si elles étaient ignorées. La solution adoptée par le gentilhomme pour, coûte que coûte, être satisfait, peut étonner : le 9 décembre, il renvoie une lettre identique, mot pour mot, à sa première supplique[179]… D’autres gentilshommes catalans dont la place avait été essentielle au tout début des évènements de Catalogne, comme Josep Miquel Quintana, ancien diputat militar envoyé en 1641 pour maintenir Tortosa dans l’obéissance, puis ambassadeur à la cour aux côtés de Guimerà, écrivent également. Ils reçoivent des réponses de la même eau, quasiment recopiées, et rédigées au brouillon avec cette écriture fine et serrée, si reconnaissable, d’Hugues de Lionne[180].
Les gentilshommes ne sont pas les seuls à se lancer dans la brigue. Les communautés ecclésiastiques ne sont pas en reste. Dans les archives du secrétaire d’Etat des Affaires étrangères se trouve par exemple un véritable dossier de pièces envoyées par le chapitre d’Urgell. Ces chanoines faisaient partie des ecclésiastiques du XVIIe siècle qui, certes habiles gestionnaires, mais aussi guerriers distingués, pouvaient à titre de seigneurs fonciers commander leurs vassaux en tant que capitaines. Contrairement à l’évêque, retiré dans les terres des ennemis, le chapitre a largement soutenu le roi de France. Il a même profité de la vacance du siège pour acquérir une puissance considérable. Il n’est pas boudé du roi, puisqu’en avril 1643 Louis XIII lui attribue par brevet un don de 2000 livres à raison de 1000 livres par an pendant deux ans[181]. Mais cela ne semble pas lui suffire, puisque dès janvier 1644, le chapitre envoie comme représentant à Paris l’un des siens, Joan-Baptista Chiavari[182]. C’est lors de ce voyage que plusieurs mémoriaux sont délivrés au roi et au cardinal, et qui atterrissent bien sûr dans les mains de Lionne. Dans un premier, de grand format et rédigé en français[183] –dont nous donnons l’édition – le chapitre rappelle au roi son histoire ancienne, lui expliquant que l’église d’Urgell a été fondée par l’empereur Constantin, réédifiée et dotée par l’empereur Charlemagne puis par ses descendants, qu’elle dépendit ensuite de la province de Narbonne et qu’à ce titre elle compta des prélats « de nation françoise ». Ces faits légendaires ne sont pas rappelés de façon innocente, mais doivent être rapprochés de la légende de la soumission de la Catalogne à Charlemagne, fondant la légitime possession de cette terre par le roi de France, exaltée par les propagandistes profrançais comme Martí i Viladamor[184]. Les chanoines présentent leurs services récents, d’autant plus précieux que la situation d’Urgell et de ses possessions est stratégique : ils ont combattu les ennemis, intercepté et emprisonné leurs espions, empêché des conjurations et le passage des ennemis par les montagnes de Cerdagne pour secourir Perpignan. Leur demande précise apparaît enfin : la vicomté d’Evol et Querforadat, confisquée à la comtesse de Guimerà, qui, selon eux, « confine a la partie de Sardagna avec le jurisdiction du mesme chapitre lequel pour ledit voisinage a quantité de proces et inquietudes. ».
Dans un second mémoire, également rédigé en français[185], mais plus court, les arguments varient : les chanoines rappellent que Pau Claris, député écclésiastique de la province et artisan du rapprochement entre la France et la Catalogne, était chanoine d’Urgell ; l’église d’Urgell y est présentée comme « extremement pauvre, et chargée de beaucoup de debtes » faites pour « payer leurs vassaux pour leur faire porter les armes » ; enfin, donner la vicomté au chapitre permettrait « d’empescher que l’ennemy ne puisse corrompre la fidelité de ces peuples, qui habitent dans les montagnes des Pyrenées, et qui sont pour la plus part leurs vassaux ». Evidemment, quoi qu’il arrive, les chanoines « continueront leurs prieres pour la santé, et prosperité de Votre Majesté »… mais peut-être un peu mieux avec Evol et Querforadat ? Pour bien cerner le traitement donné à cette requête, on doit se référer aux annotations manuscrites de Lionne. Sur un autre document émané du chapitre, il inscrit : « Il faut considerer dans ce memorial qu’il est important de ne pas amortir les profits principaux en les donnant a l’Eglise »[186]. Plus intéressant encore, dans la même liasse, on trouve un factum catalan annoté par Lionne : « Raisons pour ne pas accorder les pretentions du chapitre d’Urgel de la viscomté d’Evol ». Ce factum[187], malheureusement anonyme, a été envoyé soit par des adversaires ou concurrents du chapitre d’Urgell, soit par un informateur de Lionne questionné par lui à ce sujet (Pujolar ?). Il vise clairement à empêcher l’attribution de titres et de biens confisqués à des communautés et à des chapitres, en expliquant qu’ils doivent être donnés pour récompenser le mérite au service du roi, les ducs, marquis, comtes et barons étant « les colonnes qui soutiennent le poids d’un royaume ou d’une province, et la force incontestable pour la défendre et la conserver » ; « en voulant obliger beaucoup de gens, personne ne se tiendrait pour obligé », et cela n’inciterait plus les particuliers à se distinguer par des actions d’éclat, qui obéissent d’autant plus au roi qu’ils attendent des récompenses… En 1644, les chanoines d’Urgell reçoivent le don des biens d’un particulier nommé Francesc Frigola[188], mais on ignore si l’acte a été expédié. La difficulté rencontrée pour récompenser le chapitre ne fera qu’augmenter par la suite : la cour acceptera de le faire jouir des baronnies d’Estach et Peramola (quoique sur une simple lettre missive au vice-roi, sans acte valable), ce qui n’empêchera pas que ces baronnies soient ensuite données au noble Josep de Caramany, d’où un large procès sur lequel nous reviendrons[189]. Quoi qu’il en soit, le chapitre n’a jamais possédé la vicomté d’Evol, et les récompenses obtenues l’ont toujours été du bout des lèvres. La même politique royale s’observe dans le cas de la ville de Barcelona, qui elle aussi demandait le don d’une confiscation pour la récompenser de ses nombreux prêts consentis pour la guerre, de ses levées d’hommes pour le bataillon, pour sa fidélité. Elle arguait aussi que la Diputació jouissait déjà des biens du marquis de Los Velez[190]. La monarchie, en refusant, ne souhaitait pas augmenter encore la puissance d’une ville qui aspirait à dominer politiquement tout le Principat.
3. Echec à récompenser le mérite et élaboration d’un discours nobiliaire
Un manque nocif de cohérence entre la politique royale et la politique locale
Après avoir examiné les différentes forces qui agissaient concurremment, en Catalogne et à Paris, nous allons finalement essayer d’entrevoir les véritables résultats de toutes ces intrigues. Nous en voyons deux, simultanés et liés l’un à l’autre : premièrement, un échec général à créer une manne de récompense et de satisfaction dans le pays ; deuxièmement, la naissance, à travers ces évènements, d’une pensée politique nobiliaire, assez diverse, mais dans l’ensemble très prolixe sur la question des confiscations et très proche du « malcontentement » annonciateur, en France, de la Fronde. Le premier aspect naît d’une totale absence de régularité dans la politique royale. Dès le départ, Richelieu avait laissé un grand pouvoir au vice-roi tout en laissant passer quelques dons émanés du roi. Après lui, la situation s’était encore compliquée : d’un côté, le gouvernement ne se décidait jamais à distribuer la totalité des biens confisqués, donnant lieu à des arrangements locaux comme l’établissement des séquestres puis de Sangenís dans sa très étrange fonction. De l’autre, il ouvrait la porte à toutes les spéculations en faisant des donations au compte-gouttes comme celle au comte de Çavellà en septembre 1643, jamais assorties d’aucune décision d’ordre général. Le paroxysme de cette incohérence[191] allait être atteint au début de l’année 1644, et un militaire valeureux, quoiqu’issu d’une famille sans illustration, Francesc Cabanyes, allait en être la victime emblématique. Né à Badalona près de Barcelona, fils d’un pagès originaire d’Argentona (comarca de Maresme, province de Barcelona), il avait d’abord été probablement lui-même mercenaire, avant de devenir capitaine dans le bataillon levé par la ville de Barcelona, et de se faire une réputation dans les combats survenus autour de Tortosa à l’hiver 1640, puis à la prise de Constantí par La Mothe en mai 1641. En raison de sa conduite à Montjuic, il reçoit en mars 1641, de la part du Conseil de guerre, le titre de capità d’almogàvers, et reçoit – fait insigne et inédit pour un catalan – une pension de Louis XIII sur le trésor de l’épargne. Après avoir de nouveau servi sous La Mothe au siège de Tarragona, il est fait par ce dernier gouverneur des armes des baronnies d’Entença, châtellenie d’Amposta et viguerie de Tortosa, zone stratégique du fait de la proximité de la frontière d’Aragon[192]. Après avoir obtenu l’expédition d’un privilège de noblesse en mai 1643[193], c’est avec espoir qu’il envoie en juin une supplique au roi[194], remontrant que s’étant trouvé dans toutes les campagnes, il a payé pour des « cautions, espions et intelligences continuelles qu’il a données au Mareschal de la Motte » la somme de 20000 livres, consumant tout son bien. Malgré l’importance de cette somme, compréhensible par l’héritage personnel d’une famille aisée de pagesos et peut-être l’accumulation des pensions, Cabanyes n’était pas d’une lignée illustre, et il est fort possible qu’une fois ses finances épuisées, son crédit ne lui permettait pas comme à un gentilhomme de tirer de l’argent de ci de là. Dans sa supplique, Cabanyes demande le don de la baronnie de Caldes de Malavella et Llagostera[195] et le transfert de sa pension sur le patrimoine royal de Roussillon. Quelques mois plus tard, cette demande était renforcée par l’envoi à la cour d’un certificat imprimé des services de Cabanyes, signé du maréchal de La Mothe[196]. Privilège que nous n’avons trouvé pour aucun autre catalan. Autant dire que Cabanyes avait toutes ses chances.
Au cours de l’été, la cour semble prendre conscience des difficultés rencontrées pour enregistrer les actes royaux. Le 20 juillet, le roi envoie une lettre missive au maréchal de La Mothe lui demandant d’observer « inviolablement » les privilèges expédiés par le feu roi, et, pour la première fois, mande de s’informer sur la question… après presque deux ans de laisser-aller.
« Je veux que vous vous fassiez bien particulierement informer de toutes les choses qui ont esté autrefois renvoyées a la personne du Roy Catholique et a son conseil et de celles qui ont esté expediées par les Viceroys et par les officiers du pays de Catalongne afin de suivre et observer ponctuellement ce qui s’est praticqué en cela. »[197]
La voie semblait ouverte – croyait-on – à un arrangement de la situation. Plus encore, au début de l’année 1644, le roi semblait enfin décidé à mettre en œuvre cette fameuse distribution générale que tout le monde attendait. Dans une nouvelle lettre missive de Louis XIV au vice-roi, du 29 mars 1644[198], tous les espoirs étaient permis :
« Je trouve bon que vous passies plus outtre a l’endroit de ceux qui sont les capables [sic] de bien prendre mes bonnes volontés pour ladite province leur faisant entendre que chacun réunisse ses affections pour la patrie et seconder les efforts que j’ay resolu de faire en la campagne prochaine et gagner ceux ausquels vous jugerez qu’il sera besoin de faire des graces. Je trouve bon et desire que vous leur distribués une partie des biens confisqués mentionnés au memoire que vous en avez envoyé sans attendre pour cela d’autres ordres de moy ; qu’à ceux qui seront bien aisés d’avoir des titres d’honneur vous donnerés l’ordre de St Michel vous servant a cette fin des expéditions qui vous ont este envoyées et meme si vous estimés qu’il faille donner quelque peu d’argent comptant par forme de pension a ceux dont vous ne pourrés vous asseurer autrement vous fassiés prendre ce que vous Jugeres qu’il conviendra pour cet effet sur les fonds que vous aurés par dela vous asseurant qu’au premier advis que vous donnerés de ce que vous leur aurés fait payer il sera pourveu a le remplacer et je vous feray adresser les brevets de ces pensions pour ceux dont vous envoyeres les mémoires.
Mais j’estime qu’il faut procéder en cela avec grande retenue tant pour l’espargne n’estant pas a propos de multiplier les despenses sans un extrême besoin que pour ne faire pas une ouverture qui pousse en faisant du bien a quelques uns desgouter tous les autres qui ne recevront pas le même bienfait. Que vous fassiez considérer et valoir toutes les graces en sorte que l’on en tire dans la conjoncture presente les advantages nécessaires pour mon service, ayant pour but d’empecher les mauvais effects des praticques des ennemis aussi bien que les dessins qu’ils pourroient faire avec leurs forces estant certain que l’on vous donnera moyen de vous y employer encore plus puissament cette année qu’il n’a este fait par le passé. »
Dans cette lettre, le roi signifiait qu’il avait pris en compte un mémoire envoyé de Catalogne – peut-être l’état d’estimation des biens confisqués dressé au cours de l’année 1643[199] que nous étudierons au chapitre suivant. On pourrait presque croire que Mazarin reprenait confiance en le maréchal. Pourtant, les Catalans allaient vite déchanter d’une telle embellie. Simultanément à l’envoi de cette lettre, après avoir hésité[200], le roi délivre des lettres patentes donnant à Francesc Cabanyes la baronnie de Caldes de Malavella et Llagostera qu’il demandait[201]. Cette nouvelle incohérence, approfondissant l’impression d’un « double discours » (pouvoirs élargis au vice-roi/dons unilatéraux du roi), devait se doubler d’un terrible affront : Francesc Cabanyes n’obtiendra pas avant très longtemps l’enregistrement de ses lettres par la chancellerie de Catalogne. Pas même ses lettres de noblesse, qui seront transcrites en même temps que le don de la baronnie, au cour de l’année 1647…
Comment expliquer une telle avanie ? La réponse nous est suggérée par des documents postérieurs. Fin mai 1644, bien après l’arrivée de Marca en Catalogne, Le Tellier donne à La Motte des instructions qui montrent le revirement effectué entre temps à la cour :
« La royne a aussy trouvé bon que vous fassiez surceoir l’execution du don qui a esté expedié au sieur Cabannes a la solicitation de monsieur de la Vallée, jusques a ce que vous donniez les lettres, qui vous seront envoyées au premier jour de tous les biens confisquez conformememt au memoire que j’ay receu de votre part, sur quoy vous considererez s’il vous plaist, Monsieur, s’il seroit bon d’en differer l’execution jusques a la fin de la campagne ; de crainte de desgoutter ceux qui se trouveront trompez dans leurs esperances »[202].
Cette lettre du ministre montre d’abord une chose : Cabanyes avait bénéficié de la recommandation personnelle de La Vallée, qui avait également profité au comte de Çavellà. La deuxième observation est davantage affligeante : Çavellà, qui avait été recommandé à peu près au même moment et par la même personne que Cabanyes, avait obtenu des lettres de don avant lui ; elles avaient même été enregistrées immédiatement, parce qu’elles survenaient dans une sorte d’ « appel d’air » où aucune décision n’avait été prise. Quant à Cabanyes, jouant de malchance, ses lettres avaient été expédiées dans une période où le roi commençait à hésiter. Après avoir signifié à La Mothe qu’il pouvait distribuer les biens, le souverain revenait maintenant sur ses ordres, et demandait de suspendre le don de Cabanyes. Cette décision subite de remettre la distribution des biens confisqués à après la campagne, motivée de façon peu claire (« de crainte de desgoutter ceux qui se trouveront trompez dans leurs esperances »), devait évidemment n’être jamais appliquée. Sous le vice-roi suivant encore, la distribution est différée, et les lettres de Cabanyes refusées. Nous ne mentionnons cela que pour un détail éclairant les circonstances de ce refus de longue date. En 1645, Le Tellier écrit au successeur de La Mothe, d’Harcourt, revenant sur l’affaire du don à Cabanyes, et de l’aigreur qu’il cause au Gouverneur Margarit :
« Il (Margarit) a escrit pardeça a celuy qui a le soin de ses affaires que si l’on mettoit en possession le sieur de Cabagnies de la baronnie de la Gossera, qu’il ne peut accepter le marquisat d’Aytonne que l’on luy a destiné par ce que ce seroit en desmembrer la meilleure et plus utile partie et favoriser en effect le sieur de Cabagnies plus que luy bien qu’il y ayt beaucoup de difference aussy bien de leur naissance que de leurs services, et que ce ne seroit qu’un tiltre qu’on luy donneroit qui luy seroit plus onereux que proffitable, l’obligeant a plus de despense qu’il n’en fait et ne luy donnant pas le moyen de la suporter.
Je scay bien que le don des baronnyes de Caldes et de la Gossera qui a esté fait audit sieur de Cabagnies vient du Roy et qu’ainsy il semble plus fascheux de luy en refuser la possession, mais aussy il est tres veritable que peu de temps apres que cette grace luy fut faite, comme l’on a esté mieux informé de la condition dudit sieur de Cabagnies et de la nature de la chose que l’on luy donnoist lon a attribué a une espece de surprise la maniere et la presse dont l’on a usé pour l’obtenir de Sa Majesté, et depuis que l’on a sçeu l’interest que ledit dom Joseph y prenoit, et que ces raisons avoyent esté les veritables causes du delay de la mise de possession dudit de Cabagnies l’on l’a aprouvé et l’on na rien voulu ordonner sur ce subiect»[203].
L’affront fait à Cabanyes venait donc, probablement avant même le revirement royal, d’une opposition (secrète ou manifeste) du Gouverneur, qui à notre avis s’était chargé lui-même de « mieux informer » la cour de la « condition dudit sieur de Cabagnies… ». Josep de Margarit, ne supportant pas de voir favorisés des gens de basse naissance, et extérieurs à son cercle d’amis, désirant avoir la pleine propriété des biens du marquis d’Aitona, alors qu’il n’a que le marquisat par usufruit – auquel n’appartient pas la baronnie de Cabanyes –, pouvait sans sourciller aller contre les volontés de son grand ami La Mothe[204].
Pujolar, l’agent de Catalogne à Paris, subit le même type de problèmes, mais en sens inverse. Ce n’est pas l’incurie de la cour qui en est responsable, mais plutôt l’opposition du gouvernement local. Son exemple est très éclairant. Relais/obstacle de l’information entre la Catalogne la cour, il est l’auteur probable de certains pamphlets dénonçant les malversations du gouvernement local – notamment l’empêchement de jouïr des dons faits par le roi. Laïc à l’origine, puisqu’ancien capitaine de miquelets, il entre ensuite dans les ordres et devient, probablement en 1642 sur instigation du roi, chanoine d’Elne. C’est sans doute dans ce chapitre qu’il fait la connaissance du chanoine Rafel Sitjar, auteur d’un mémorial très important que nous avons déjà cité. Il sera même son procureur pour prendre possession de ses propriétés de Perpignan, en 1644[205]. Il n’est donc pas étonnant de trouver, dans le mémorial envoyé à la cour par Sitjar, un important développement sur les problèmes rencontrés, notamment, par son ami[206].
« D’autres, en vérité, bien qu’ils aient rendu de nombreux et très bons services personnels, ne sont ni vus, ni entendus, mais traités et poursuivis comme des ennemis. Ils ne doivent même pas espérer de récompense ni de grâce du vice-roi, ni par l’intermédiaire du Gouverneur, ni des autres ministres royaux d’ici. Ils ne laissent même pas ceux qui ont obtenu des gratifications de Sa Majesté les posséder, plus encore, il les en empêchent, il les discréditent et les écartent injustement et avec passion. Soient des témoins vivants : Pujolar, Vilaplana, Pont, Baldo, Cabanyes, et autres qui n’ont jamais pu posséder les grâces que Sa Majesté leur a fait pour leurs services. Aussi notoires soient-ils, les même ministres d’ici empêchent l’exécution et possession des récompenses : leurs mérites sont la seule chose qu’ils ne leur nient pas, parce qu’ils ne le peuvent pas. Tout cela est une injustice manifeste ».
Formée du chancelier, Régent, Gouverneur, trésorier et Sangenís, la Junta, comme nous l’avons vu, est accusée de tous les maux par le chanoine. Cependant ses méfaits n’ont pas seulement une conséquence néfaste pour les victimes, mais pour le bien public en général, car un grand discrédit naît de tout ce qui vient de la cour, et cela ne peut profiter qu’aux ennemis :
« Ils tournent en dérision et se moquent de ceux qui viennent de Paris avec leurs récompenses, grâces et privilèges royaux que Sa Majesté leur concède ou leur a concédés de sa main libérale en considération des mérites et des services, ainsi que des lettres apportées par les princes et ces messieurs. Cela ne vaut rien, cela ne leur est d’aucun profit s’ils ne sont pas applaudis et approuvés par cette Junta. Et cela donne également aux mal affectes et aux ennemis castillans de se moquer et de rire de notre bon Roi Très Chrétien et de ceux qui l’ont servi et le servent. Car ces mal affectes disent aux autres : “ Regardez ceux qui ont servi et servent le roi de France : on les récompense avec du vent !“ Après avoir consommé leur patrimoine et être allé à la cour de Paris, il rentrent avec leurs brevets, et rien de plus, et les revenus demeurent toujours pour le roi »[207].
Plus encore, non sans une certaine exagération, Sitjar – car il s’adresse à un lecteur proche de la cour, ou à Mazarin lui-même – exalte la justice et la libéralité du roi, ce dernier ne pouvant nécessairement récompenser que des personnes méritantes. On devine derrière tout cela l’exemple de Pujolar, résidant à Paris, ne retournant plus à Barcelona depuis longtemps, dont toutes les grâces en Catalogne viennent de la cour et lui sont attribuées par les Français. Car, finalement, bien qu’envoyé à la base par les institutions catalanes, Pujolar ne sert-il pas autant, si ce n’est plus, les ministres français qu’il entretient constamment sur les affaires du Principat et inonde de documents, que les Consistoires ?
« Cette Junta qui décide que les grâces de Sa Majesté ne s’exécuteront pas avec des brevets, ni ne s’admettront avec des lettres patentes, c’est l’inférieur qui veut faire la loi et commander au supérieur. C’est absurde. C’est accuser calomnieusement ceux qui sont venus de Paris avec leurs brevets d’être des faussaires, ou du moins suspecter les secrétaires du Conseil Suprême de Paris (« Consejo Supremo de Paris ») d’expédier lesdits brevets sans ordre ni mandement de Sa Majesté. C’est vouloir rendre plus difficiles d’accès et coûteuses les grâces et récompenses que Sa Majesté nous fait avec tant de libéralité et de franchise. C’est enfin une invention extravagante de ces messieurs, qui veulent fout faire ici, et que le roi et le Conseil Suprême de Paris ne fassent rien, sinon ce qu’ils veulent. Il n’y a aucun exemple de personne venue de Paris avec un faux brevet, ni avec une grâce faite par Sa Majesté sans mérites et services importants. Mais il y a de nombreux exemples d’offices, charges et récompenses qui ont été donnés ici à des mal affectes, à des ignorants, à des gens inaptes et ne méritant pas ces offices. Parce qu’ici tout se donne ou se vend par complaisance, par intérêt et avec des intentions cachées. Et aucun homme n’ose aller à Paris et y faire des demandes s’il n’a pas de mérite et de services, et s’il n’est pas très fidèle à la France »[208].
Alors que Cabanyes a pâti d’une incohérence de décisions de la cour, Pujolar, à l’inverse, va pâtir d’une impossibilité à mettre en œuvre ce qui y est décidé très clairement et avec bonne volonté. Anobli le 4 avril 1642 lorsqu’il était allé voir le cardinal de Richelieu à Narbonne[209], nommé agent des Consistoires le 2 mai, puis parti à Paris avant l’hiver de la même année, il s’y installe, rue du Foin « sous la statue de Saint Pierre », dans le quartier du Marais[210], mais hante constamment la cour. Le 1er octobre le roi, étant au Châtelet-en-Brie, lui délivre un brevet de donation des biens confisqués à Ramon Xammar, de Perpignan[211]. Nous avons déjà vu que malgré ce don généreux, les biens n’étaient pas encore officiellement en possession du roi, puisque la procédure judiciaire très formelle visant à établir la culpabilité des suspects, puis à condamner les contumax, ne sera faite qu’au printemps 1643[212]. De plus, la forme diplomatique de ce don, le brevet, pouvait prêter à confusion. Aucun brevet, jusqu’alors, n’avait porté le don d’une universalité juridique comme les biens de Xammar, mais seulement des pensions…
Pujolar, désireux d’entrer le plus vite possible en possession, choisit donc rapidement un procureur, alors que son brevet n’a même pas été enregistré en la chancellerie de Catalogne, ni a la Procuració reial de Roussillon. Un passionnant dossier contenant toutes les pièces relatives aux propriétés perpignanaises données à Pujolar subsiste miraculeusement aux Archives Départementales des Pyrénées-Orientales. Il nous permet de retracer plus précisément ce que l’on ne connaît que de façon éparse dans les fonds ministériels. On ne sera pas surpris de voir que Pujolar choisit comme procureur, le 24 octobre 1642, par acte passé devant le notaire épiscopal parisien Delalie[213], le capitaine Miquel Freixa… ce perpignanais qui avait la même année été anobli au camp devant Perpignan et obtenu le don des biens de Joan Francesc Masdemunt[214] ! On reste dans un petit cercle de personnes qui se connaissent bien. Du 13 au 29 novembre, Freixa, sur place, prend donc une première fois possession des biens de Xammar… du moins le croit-il. Il reconnaît tout d’abord une maison dans la ville de Perpignan, et dresse immédiatement un bail de location pour deux ans au procurador reial de Roussillon, don Tomàs de Banyuls ; puis prend possession d’autres propriétés disséminées dans des villages alentour. Mais cette réussite n’était qu’une apparence. En février 1643, Pujolar n’était toujours pas en possession des biens, sans doute car, localement, on ne voulait pas admettre la légitimité de tout cela : brevet délivré alors que les anciens possesseurs n’avaient pas encore été jugés, envoi d’un procureur alors que le brevet n’était pas encore enregistré sur place… Pujolar se plaignant à la cour, un expédient, bien caractéristique du temps, est trouvé afin qu’il puisse avoir le plus de chances de toucher au moins quelque chose : le roi lui délivre deux actes, l’un, une nomination comme séquestre des biens de Ramon Xammar (25 février)[215], l’autre, des lettres patentes lui confirmant pleinement le premier brevet (26 février)[216], ce qui pourrait à première vue apparaître contradictoire… Evidemment, la nomination comme séquestre est enregistrée à la chancellerie de Catalogne, pas les lettres patentes… Mais Pujolar ne lâche pas si facilement. Le 20 avril 1643, il envoie un nouveau procureur, Miquel Bosquets, prêtre bénéficier de Perpignan, prendre possession desdits biens pour la seconde fois. Mais l’acte notarié s’interrompt brusquement à mi-chemin… Entre temps, le roi meurt, le gouvernement change. La sentence confirmant, enfin, la légalité de la saisie des biens de Xammar est rendue le 15 mai 1643. Le 15 juin, Pujolar obtient de nouvelles lettres patentes, cette fois de Louis XIV, confirmant la volonté du feu roi :
« L’institution du roy deffunt nostre tres honore seigneur et pere d’heureuse memoire ayant esté de gratiffier dom Isidore de Pujolar y de Graell gentilhomme Catalan en consideration de ses services, il luÿ auroit fait don de tous et un chacun les biens meubles et immeubles qui ont appartenus a Raymond Xammar de nostre ville de Perpignan avecq touttes les rentes appartenances droictz et tiltres diceux, ainsÿ qu’il est plus completement porté par les brevetz et letres pattentes qui luy en ont esté expediées du premier octobre 1642 et 26 febvrier 1643. Et d’autant que la continuation des services que ledit sieur de Pujolar nous rend tous les jours nous est assez connüe et la confirmation du don susdit qu’il demande est tres raisonnable. A ces causes nous voulans que luÿ et ses successeurs et ayans cause jouissent de la grace a luÿ faitte par le roy notredit seigneur et pere […]. »
Malgré toutes ces circonstances favorables, cet énième acte royal n’est toujours pas enregistré (il ne le sera qu’en 1648 !)[217].
Sans hésiter, il faut lier tous ces faits apparemment érudits et très particuliers à des circonstances politiques plus larges, et fondamentales. Dans le courant de l’année 1643, les oppositions montent contre le gouvernement de La Mothe. Pujolar s’en fait à Paris l’une des plus hautes voix. Il correspond avec tous les adversaires du vice-roi, comme Pont et Vilaplana ; il est accusé de traîtrise par le Gouverneur Margarit, et La Mothe écrit pour demander son renvoi. Il n’est guère étonnant que ses tentatives pour prendre possession des biens catalans soient vaines, et que, s’il l’a même tenté, ses lettres patentes n’aient pas été enregistrées. Après l’enregistrement de la provision du séquestre du 25 février, plus rien. Il n’est pas non plus surprenant que lorsque Pujolar nomme son troisième procureur, Sitjar, afin de prendre possession pour la troisième fois des fameux biens roussillonnais, le 7 mars 1644, ce chanoine écrive en même temps un mémorial si aigre contre le gouvernement local. Il voit, sur place et en direct, les effets du décrochement abyssal entre Paris et la Catalogne. Et les retards subis par Pujolar sont un effet logique de son opposition politique. Pendant ce temps, c’est d’ailleurs Sangenís qui touchait effectivement les fruits des biens de Ramon Xammar. Après le rappel de La Mothe, et bien plus tard encore, il faudrait plusieurs ordres répétés pour que le receveur général arrête de les percevoir[218].
Quoi qu’il en soit, une étude générale et statistique des registres de la chancellerie de Catalogne nous amène à nuancer l’importance des dons de confiscations pendant cette première vice-royauté. Nous y avons relevé seulement 21 actes, en tout, relatif à des donations de confiscations, sous quelque forme que ce soit. Dans ce nombre même, 13 actes sont relatifs à des dons de séquestre, dont 8 sont des séquestres de bénéfices religieux (abbayes, évêchés) donnés à des ecclésiastiques, 4 à des gentilshommes, et un à un non noble. A l’inverse des séquestres, les dons de bien meubles et immeubles et d’usufruit, qui s’élevent à 8 seulement, comprennent 3 dons de meubles (des bijoux, surtout) en faveur du vice-roi, et l’enregistrement des lettres de don de Pujolar (qui émanent du roi). La plupart de ces dons ont été faits après l’arrivée du visiteur général Pierre de Marca. Le grand battage épistolaire et politique fait autour de la distribution des biens ne semble plus qu’un mirage destiné à entretenir l’animosité et la concurrence entre les personnes.
Le fait est qu’au moment où Pierre de Marca arrive comme visiteur général en Catalogne, à la fin avril 1644, les donations de biens en pleine propriété ont été si peu nombreux (et accidentés) que nous croyons en avoir commenté ici l’écrasante majorité, voire la totalité. La plupart des grâces, qu’elles émanent de la cour ou du vice-roi, sont donc dispensées en pensions sur les revenus des biens confisqués, confiés à Sangenís ou, subsidiairement, au trésorier Bru. Nous allons voir que l’attribution et la perception de ces pensions n’est pas pour autant plus facile que dans le cas des propriétés. D’une part, nous trouvons exactement la même réticence de la chancellerie de Catalogne à enegistrer les brevets émanés de la cour. L’exemple de la pension de Carlos de Arismendi est particulièrement éclairant. D’origine basque, probablement né en Aragon, ce dernier avait permis au tout début de la campagne de Roussillon que « la majeure partie de l’infanterie des tercios portugais et wallons, qui se trouvaient à l’ennemi avec d’autres nations » passe au service du roi de France ; après avoir suivi les armées françaises, servi sous La Motte, il avait été appelé près du souverain et de M. de Noyers pour ses capacités linguistiques, et avait été nommé secrétaire du roi dans le Principat de Catalogne, titre apparemment honorifique ; sa fonction fut surtout celle d’interprète et traducteur[219]. Le 9 juin 1642, au camp devant Perpignan, le roi lui délivre un brevet portant don d’une pension de 1200 ducats par an, à prendre sur les revenus du patrimoine royal des comtés de Roussillon[220]. L’acte est le premier à être enregistré, en septembre 1642, dans le registre XL de la Procuració reial des Comtés de Roussillon et Cerdagne, celui qui entame la période de domination française. Mais les revenus du patrimoine royal en Roussillon étaient trop minces pour supporter, en plus des salaires des gouverneurs des places et officiers de la Procuració qui y étaient assignés en priorité, une pension d’une telle valeur. Le 2 novembre, un nouvel acte royal modifiait les prescriptions du premier, ordonnant de payer la pension sur le patrimoine royal du Roussillon « comme sur les biens des rebelles qui appartiennent à Sa Majesté par confiscation »[221]. Un an plus tard, la pension n’avait toujours pas été versée, d’où une lettre missive du roi à l’intendant La Berchère, successeur d’Argenson, afin de pousser au paiement, de préférence sur les revenus des confiscations[222] ; pendant que le vice-roi donnait l’ordre au procurador de ne pas verser la pension « per estar dit patrimoni exausto »… Aux premiers jours de janvier 1644, n’arrivant pas à toucher quoi que ce soit, Arismendi en recourt au vice-roi. Ce dernier tranche un arrangement : revenant sur son ordre précédent, il mande d’un côté au procureur royal des Comtés[223], et, de l’autre, à Sangenís[224] de lui donner chacun 500 ducats par an. Notons au passage que la pension initiale de 1200 ducats a été réduite à 1000 par un tour de passe-passe. Lorsque Marca arrive, en mai 1644, Arismendi n’a toujours rien touché. Après s’être tourné vers le ministre, dans les bureaux de ses commis, se joue une nouvelle plaisanterie épistolaire : on reprend textuellement la minute de la lettre qui avait été envoyée à La Berchère, on remplace « La Berchère » par « Marca », et, dans la marge, on ajoute la mention : « la datter d’aujourd’huy »[225]. Astuce qui aura exactement le même résultat que la précédente…
Une étude approfondie des pensions enregistrées dans les registres de la chancellerie de Catalogne permet cependant d’ébaucher quelques conclusions sur les catégories de personnes qui étaient privilégiées, beaucoup plus significatives que les minces observations sur la (prétendue) distribution des biens. Il faut dire tout de suite que les paiements enregistrés sous la vice-royauté du maréchal de La Motte sont avant tout des paiements sur la trésorerie royale (232 contre 136 sur les biens confisqués), qui concernent les salaires des officiers, des ouvriers employés par l’administration pour des travaux d’entretien, ou les dépenses extraordinaires comme celles occasionnées par le déplacement des docteur de l’Audiència par exemple. En revanche, sur les 136 paiements sur les divers fonds des biens confisqués (Bru et Sangenís confondus), s’observent des tendances qui nous amènent à nuancer la part des membres de la Junta ou de l’entourage proche du vice-roi.
A première vue, les gentilshommes (cavallers nobles) semblent arriver en tête, puisqu’ils obtiennent 30 pensions, soit 22% du total. Les ecclésiastiques (ici non comprises les pensions sur les biens ecclésiastiques, mais seulement les pensions sur les biens laïques données à des personnes ecclésiastiques) arrivent en seconde place, avec 23 pensions, représentant 17% ; quasiment à égalité avec les officiers royaux (alguazils, docteurs, avocats et juges de l’Audiència, chancelier, Régent, trésorier, gouverneur, lloctinent del Mestre Racional…), qui obtiennent 22 pensions, soit 16%. Les particuliers non nobles (simples hommes de loi ou de plume, marchands, ouvriers) ont quant à eux 18 pensions (13%) suivis des femmes ou veuves qui ont 14 pensions (10%). Plusieurs remarques méritent d’être faites : tout d’abord, aucun Français, dans les actes établis ou enregistrés sous la vice-royauté de La Mothe, n’obtient de pension sur les biens confisqués. Ensuite, pour la première et dernière fois, la Generalitat obtient 9 sommes sur le revenu des biens confisqués, dont 8 pour le paiement du bataillon, répartis sur divers fonds de biens confisqués : marquisat de Camarasa[226], biens du duc de Sessa[227], biens du duc d’Albe[228], biens du marquis d’Aitona[229], comté de Vallfogona[230], comté de Guimerà[231], comté de Santa Coloma de Queralt[232], comté d’Erill[233]. La totalité des 6 échéances du salaire du vice-roi est également ordonnée sur les fonds des confiscations.
Cependant, en panachant nos chiffres avec d’autres critères, on voit apparaître des paramètres inattendus. Ainsi, sur la totalité des pensions attribuées à des veuves (14), 12 sont versées à raison de sommes qui étaient dues à leur maris ou à leur pères à titre de créditeurs de biens aujourd’hui confisqués, et qu’il fallait payer en priorité sur les plus clairs deniers avant de pouvoir disposer des fonds[234] ; ou bien à raison de leur dot, qu’elles avaient le droit de récupérer si les biens de leur mari contumax se trouvaient confisqués. Ces deux droits se trouvaient garantis par la Constitution de Catalogne 1481/9, promulguée lors de la même Cort où la peine de confiscation de biens fut abolie en Catalogne à l’exception du crime de lèse-majesté[235]. Le paiement, comme on l’imagine, n’en étant pas forcément naturel, ces femmes présentaient des suppliques au vice-roi afin de faire valoir leurs droits. Il fallait à chaque fois un acte individuel confirmant cette opération, pourtant légitime et garantie par les lois du pays. Mais parfois le vice-roi pouvait, au titre de la plénitude de son pouvoir, accorder de particulières faveurs à des veuves : ainsi en juin 1643, Francesca Ferrer i Fortià, veuve de Pere Joan Ferrer, obtient de pouvoir toucher les fruits des biens confisqués de son mari, à la suite d’une supplique où elle disait qu’elle et ses enfants impubères avaient prêté serment de fidélité au roi[236]. Plus remarquable encore, parmi les paiements ordonnés en faveur des gentilshommes (30 en tout), 23 le sont pour remboursement de sommes qui leur étaient dues par les précédents possesseurs des biens confisqués, ou bien pour satisfaire à des échéances impayées de rentes constituées (censals)[237]. On observe exactement le même phénomène dans la catégorie des particuliers non nobles, à qui l’on donne en fait des salaires (dans le cas des ouvriers du bâtiment par exemple) ou, là encore, des remboursements… Ces paiements-là représentent 100% de la catégorie. On trouve même aussi des cas de vente aux enchères des meubles confisqués pour satisfaire à ces paiements[238]. Quant aux officiers royaux, grands dignitaires et officiers de l’Audiència, sur leurs 22 pensions, 10, tout de même, sont versées afin de les satisfaire de sommes qui leur étaient dues avant la guerre. Les ecclésiastiques, enfin, à 100%, reçoivent des pensions ou paiements sur les biens confisqués valant pour le revenu non perçu d’un bénéfice situé en terre ennemie. Il n’est pas facile de déterminer, à partir des mentions souvent courtes et imprécises de ces actes de chancellerie, la part du « mérite » de chacun dans l’attribution des grâces. Il faut également bien savoir quelle définition on donne à ce concept de mérite, si exalté, comme nous allons le voir, par les nobles catalans – et corollaire du concept de service. Si l’on part d’une définition plus contemporaine, et, dirons-nous, de bon sens, on pourra considérer que le paiement du salaire d’un ouvrier qui a travaillé dur dans la construction ou la restauration d’un bâtiment correspond à un mérite. En revanche, lorsque nous voyons dans un acte qu’un paiement est ordonné « per tantes concernent lo servey de sa mag.at », ou encore « per convenir axi el servey de sa mag.at »[239], nous nous demandons bien en quoi pouvait convenir un tel service. Et pourtant, c’est cette notion, parfois vague et difficile à définir, qui était en vigueur dans la noblesse catalane, et qui pouvait déterminer si des sommes d’argent avaient été données à quelqu’un qui le méritait, à un serviteur du roi. Partant de tout cela, nous établissons un nouveau graphique, qui nous donne cette fois la part supposée des « mérites » (c’est-à-dire les paiements faits pour service du roi) parmi les paiements faits à des individus particuliers[240].
La vision d’ensemble est immédiatement changée. Les gentilshommes sont certes toujours en tête, mais leur pourcentage de « mérite » est bas. Parmi les veuves, 2 touchent des pensions pour le mérite de leur feu mari ; les autres ne font que percevoir des dettes avec intérêt. Enfin, les paiements bénéficient fort marginalement aux militaires non nobles (2 seulement), qui, pourtant, étaient le gros des troupes combattant sur le front. Si l’on en croit ces quelques relevés, les paiements sur les biens confisqués, sous la vice-royauté du maréchal de La Mothe, ont donc avant tout servi à rembourser des dettes et rentes antérieures à la guerre des Segadors, et à payer des salaires qu’on ne pouvait satisfaire en prenant sur le fonds de la trésorerie royale, toujours vide. Il faut mentionner toutes les limites d’une telle étude (pertes archivistiques, actes non enregistrés, actes enregistrés mais jamais appliqués). On peut toutefois observer qu’elle va dans le même sens que les commentaires livrés plus haut sur l’impossibilité pour la plupart des bénéficiaires de dons de les faire appliquer, et pour les impétrants de savoir exactement à qui s’adresser afin d’espérer une issue favorable. C’est-à-dire d’un lourd échec durant cette première période à faire de ces confiscations un vrai moyen de gratification.
Une première inflexion dans le discours politique des nobles
L’époque fut féconde, comme on le voit bien ici, en pamphlets et en suppliques. Nous omettrions un aspect fondamental de notre recherche en n’examinant pas le discours politique de la noblesse au sujet de la distribution des confiscations et de la récompense au mérite. En effet, dans la période que nous étudions, certains gentilshommes catalans ralliés depuis la première heure au roi de France prennent eux-mêmes la plume et écrivent au souverain ou à son principal ministre pour lui présenter les affaires de la province, et lui donner des leçons de bon gouvernement. Ces textes, dont la motivation pourrait paraître orgueilleuse, nous rappellent étrangement les écrits politiques répandus en France à la veille de la Fronde par la noblesse, qui ne sont pas encore des pamphlets ou des Mazarinades, mais plutôt des leçons de juste politique destinés au roi, protestant tous d’une grande fidélité, mais défendant clairement des intérêts propres à l’ordre nobiliaire[241]. Plus encore, nos écrits catalans sont étroitement liés au contexte et aux évènements que nous avons tenté d’illustrer plus avant par des exemples précis, c’est-à-dire une incommunication avec la cour, une défiance générale, et l’impression chez certains – particulièrement la génération de ceux qui avaient servi la France dans les premiers évènements, celle des Vilaplana, Sentmenat, Vergós, Guimera – d’être délaissés et de voir d’autres leur être préférés dans la faveur du roi et/ou du vice-roi. Ce contexte rappelle évidemment le dégoût général qui s’était emparé de la noblesse sous Richelieu, approfondi sous Mazarin, de voir certaines coteries plutôt que d’autres monopoliser les charges et les gouvernements.
En Catalogne, la noblesse est la première concernée par la question des confiscations. Une majorité écrasante des personnes ayant rejoint le camp d’Espagne et ayant leurs biens confisqués est constituée de gentilshommes, catalans ou castillans[242]. Bien que représentant 0,8% de la population du Principat, selon Josep Iglésies[243], l’estament militar détient la jurdiction civile et criminelle sur 45% ou plus des villes et villages[244]. Il a joué un rôle de premier plan dans les évènements et conflits des années 1630-1640. La noblesse catalane est très variée et, à ce stade de son évolution pluriséculaire, très compartimentée et hiérachisée[245]. Le démembrement médiéval du domaine royal en faveur de seigneurs particuliers a donné lieu à la naissance du statut de baró (baron), c’est-à-dire seigneur ayant des vassaux et, surtout, des droits juridictionnels (haute et/ou basse justice). A côté de ce statut essentiel en Catalogne (le fait d’être ou de ne pas être vassal d’un baron détermine, pour les non nobles, l’appartenance au braç reial et donc la participation aux Corts), la noblesse se décline en de nombreuses catégories : les possédant titres (ducs, marquis, comtes, barons au sens limité du terme), les cavallers (ou chevaliers, terme générique comprenant les nobles de sang non titrés, et pas forcément encore adoubés), les nobles de privilège… Parmi les cavallers, se trouvent notamment les donzells (damoiseaux), qui devaient être soit de souche militaire immémoriale, soit fils ou descendants de chevaliers investis du privilège militaire, de seigneurs de vassaux, ou bien par lettre de rescrit. A quoi il faut ajouter les privilégiés comme les ciutadans honrats ou burgesos honrats qui jouissent de privilèges similaires à la noblesse, et prétendent y appartenir, mais ne sont pas acceptés par les nobles de race. L’appartenance à cet ordre s’identifie en effet à des privilèges particuliers, et tout d’abord juridictionnels : ses membres sont « del for i la jurisdicció del Rei »[246], c’est-à-dire jugés par le roi représenté par son viguier dans les causes civiles, et directement par le Reial Consell dans les causes criminelles. Ils ne peuvent être emprisonnés et à l’exception des crimes de lèse-majesté divine ou humaine. Leurs privilèges sont aussi fiscaux[247] (exemption des leudes, péages, mesurages, taxes sur les biens). Enfin ils sont dispensés du logement des gens de guerre, sujet particulièrement sensible durant les conflits des années 1640.
Deux critères cimentent au XVIIe siècle l’ordre nobiliaire : l’appartenance à des corporations, et l’ancienneté des lignées. Contrairement à la tendance en France de réunir la noblesse autour du roi, du moins de la diriger et d’empêcher qu’elle se réunisse hors de l’autorité royale afin d’éviter les éventuelles conspirations (sujet brûlant au XVIIe), la noblesse catalane est organisée en corporation[248], avec depuis 1481 la liberté de se réunir sans demander la permission pour traiter non seulement de leurs affaires propres, mais aussi des affaires du pays. Sur leur proposition, qui fut approuvée en 1602, les nobles purent élire un protecteur (protector ou president). A Barcelona comme à Perpignan existait aussi une Confrérie de Saint-Georges (Confreria de Sant Jordi)[249], association dont chaque noble, à Perpignan, était membre de droit sans avoir besoin de s’inscrire, et dont le but était d’organiser des tournois, des exercices militaires, et de défendre les intérêts de l’estament militar. Les nobles occupent de plus deux des six places de la Diputació del General et assistent personnellement aux Corts Generals. L’appartenance à une lignée ancienne est fondamentale dans la représentation mentale et politique de la noblesse. Durant la période de domination française, on voit comment l’accession de personnes issues de familles obscures, comme Francesc Cabanyes, à des faveurs aussi symboliques que le titre de baron, provoque l’indignation et la colère des nobles de race comme Josep de Margarit. Une légende fondatrice de la noblesse catalane, celle des « Neuf barons de Catalogne » est encore très vivace puisqu’en 1642, le propagandiste Gaspar Sala – en la reliant évidemment à la légitimité de la France à succéder à Charlemagne – la ravive : « Ces empereurs et roys Tres Chrestiens (comprendre Charlemagne) establirent dans la Catalogne neuf comtes, neuf vicomtes, neuf nobles, neuf barons, et neuf vervesors, qui sont les neuf troncs principaux et les plus celebres de la Catalogne, d’où sont yssus les gentilshommes Catalans qui s’estiment les plus anciens »[250]. Parmi les neuf barons de Catalogne, d’importantes familles ayant eu leurs biens confisqués, comme les Çagarriga, ou les Pinós, comtes de Peralada.
Comme le rappelle le mémoire déjà commenté sur l’évolution de la Catalogne entre 1641 et 1645, écrit pour l’arrivée de Plessis-Besançon en 1645, la noblesse est consciente de son rôle politique et de conseil auprès du souverain, présent dans la nature même des personnes par la naissance et l’hérédité, contrairement au peuple qui est changeant et prompt à se révolter.
« Dans la noblesse seule se trouve naturellement l’intégrité et plus fortement enracinée la fidélité. Au début des guerres de Catalogne les chevaliers mal affectes étaient (et encore pas tous) ceux qui tenaient leurs offices et leurs gages du Roy Catholique en Catalogne, parce-que l’intérêt que l’on possède est un puissant moteur. Mais les autres s’étaient retirés en attendant de voir quels seraient les desseins de la province, et ils avaient raison car le noble ne doit pas se précipiter en suivant comme un bouffon les soubresauts d’un peuple révolté, dont les appréhensions sont la plupart du temps sans fondement. Mais quand ils reconnurent aussi fermes qu’ils le sont les fondements de la justice catalane et virent la province, après un mûr accord, résolue à acclamer un nouveau roi, ceux qui ont suivi la voix de la province avec le plus de résolution ont été les nobles, autant en campagne que dans les affaires politiques» [251].
De cet état d’esprit général de la noblesse, sa conscience d’ordre, résulte la vocation naturelle à servir. L’union de la Catalogne à la France, en donnant un nouveau souffle à la fidélité et à l’enthousiasme des campagnes militaires – qui avait été annihilé du temps de Castille lors des très impopulaires levées du ban de 1639 –, semblait au départ donner espoir à la noblesse catalane ; mais il en a été autrement.
« Chaque jour les mal affectes semblent se multiplier parmi les nobles. Les uns le sont vraiment, les autres ne le sont pas et le paraissent parce qu’ils vivent retirés […]. Tous aspiraient à servir dans les campagnes. Ils ont beaucoup servi en deux ou trois campagnes, mais quand ils attendaient une rémunération pour reprendre des forces et continuer leurs servies, leurs espérances se voyaient frustrées et ils devaient se retirer, dans l’incapacité de réagir, obtenant de ceux du gouvernement la réputation de mal affectes parce qu’ils se retiraient. Par là, les désirs que d’autres avaient de commencer à servir dans les campagnes s’éteignaient. Les expulsions, les partialités, les violences, le mépris des services, la défiance avec les gens de guerre, le report de la distribution des grâces, et finalement la souveraineté absolue de ceux du gouvernement (pour lesquels les grâces, pensions et récompenses n’ont pas manqué), ont fait beaucoup de malcontents, et quelques mal affectes, car tous ne savent pas jouer la carte de la patience. Il n’y aurait aucun mal affecte en Catalogne si les causes citées n’avaient pas précédé ; aujourd’hui, il y en a plusieurs. Mais les réduire est facile, parce que, bien qu’ils le soient injustement, ils ont des motifs de l’être, et s’ils cessent, ils reviendront facilement à leur nature, qui est la fidélité. Les malcontents sont nombreux, et presque tous le sont parce que c’est servir le roi et la province que de l’être : les seuls à être contents sont ceux qui par ambition et intérêt ont réduit la province à un état tel qu’ils se mécontentent de ceux qui sont véritablement fidèles »[252].
La théorie qui est présentée (vive le roi sans les ministres) ressemble à s’y méprendre aux revendications montantes de la noblesse française (vive le roi sans Mazarin), sauf qu’ici, ce n’est pas Mazarin qui est accusé, mais les ministres locaux dont l’action commença avec Argenson et se poursuivit – entre Catalans, il faut le signaler – avec la pérennité de la Junta jusqu’à une période postérieure à l’arrivée de Marca. Cette mauvaise politique, allant contre le naturel serviable et bon de la noblesse, la dégoûte en retardant pour des raisons fallacieuses la distribution des grâces, et la dirige inmanquablement, parfois presque contre son gré, vers le camp des mal affectes. Dans cette théorie, apparaît donc la catégorie des « malcontentos »[253], aux limites assez floues et poreuses, d’un côté comme de l’autre. Du bon côté, les nobles servant la France et qui se voient refuser l’accès à la faveur royale. Du mauvais côté, des nobles hésitants (« retirados », en France nous dirions des « rieurs »[254]), qu’un simple événement, un simple froissement d’honneur ou de préséance peut pousser dans l’autre camp. Les premiers n’ont qu’à faire un pas pour devenir « malcontentos », les seconds, pour devenir des traîtres. Cette théorie sera plus tard hautement dénoncée par Pierre de Marca qui niera constamment l’existence en Catalogne d’un parti de « malcontentos », soutenant que la moindre plainte et le moindre manquement aux ordres royaux entraînent la trahison.
Procédant de cette théorie même, que l’on trouve dans de très nombreux mémoriaux, les écrits de deux individus ont retenu notre attention. Ce sont tous deux des gentilshommes, ralliés aux Français dès les premiers jours. Cependant, ils différent par plusieurs aspects. Nous connaissons bien le premier, puisqu’il s’agit de Ramon de Guimerà ; le second, moins connu, est Ramon de Bas. Bien que très proches par l’utilisation des grands préceptes et poncifs de la pensée politique du temps (bon gouvernement, justice du prince, loi naturelle), en version catalane (défense des lois de la terre), la pensée de Guimerà est caractéristique d’un noble de race, justifiant une hiérachie basée sur la naissance, et, en second lieu, le service ; celle de Bas, beaucoup plus originale et variée, propose de nombreux « remèdes » au mal être de Catalogne, concernant principalement la question nobiliaire certes, mais visant à renouveler l’estament militar avec du sang neuf… Pour mieux étudier la pensée de Guimerà, rappelons d’abord sa condition. Il est issu d’une lignée très ancienne, et il le sait. Il dit descendre d’un Ramon de Guimerà l’un des neufs « vervesors » médiévaux[255]. Couramment, il utilise comme nom d’usage celui de « Guimerà Relat i de Abella », plutôt que celui « de Guimerà i de Tamarit » (du nom de ses parents), référence à une alliance de son ancêtre Gispert de Guimerà, au XIVe siècle, avec Isabel de Relat, fille de Bérenger de Relat, chancelier et trésorier de la reine d’Aragon[256]. Les titres de seigneur de Ciutadilla et d’Abella, possédés en droite ligne par les Guimerà au moins depuis cette époque, constituent un élément revendicatif de son identité. Nous avons vu aussi son attachement symbolique à obtenir le titre de comte de Guimerà, qu’il prétend faussement avoir été dans sa famille.
Après plusieurs années de relative importance (ambassades de 1640-1641, appartenance au conseil de guerre en 1641-1642), il se retrouve en 1643 sans poids politique. Le séquestre du comté de Guimerà, qu’il avait fini par obtenir, lui est retiré durant l’automne. Au même moment, le comte de Çavellà obtient en pleine propriété la baronnie de Bellpuig – première seigneurie confisquée donnée à un catalan par les Français. A ce gentilhomme, né Boxadors i de Rocabertí, il ne peut rien contester. Mais le problème est que ce dernier possède déjà le comté de Çavellà par sa famille, et que ses services n’ont pas été si distingués que cela. La réaction de Guimerà ne se fait pas attendre : il écrit à Mazarin le 2 novembre[257] une lettre bien sentie dont nous avons déjà expliqué qu’elle était symptomatique des brigues commençant à cette date. Il y énumère ses services, et fait montre d’une véritable profession d’orthodoxie monarchique, aux ordres du roi Très Chrétien – alors que, quelques années avant, il se trouvait en situation d’opposition ouverte à Philippe IV, ayant refusé de se rendre à la levée d’armes de 1639. Avec la nécessité imposée par la « loi naturelle », il justifie son initiative, car il serait injuste que des services si importants pour la couronne soient cachés. Dans la lettre qu’il envoie quelques jours après à l’agent de Catalogne Pujolar, il se dévoile sur les raisons qui l’ont motivé, principalement le fait de se sentir éloigné du pouvoir et sa conscience profonde – par sa naissance et ses services – d’être fait pour y participer.
« Ce qui est certain, c’est que si j’avais avec messieurs les ministres français la même autorité que j’avais dans les premiers temps, et toute celle que m’offre la province, j’aurais pu rendre de bien plus grands services que ceux que j’ai rendus à Sa Majesté depuis que les affaires sont gérées par messieurs les ministres français – que pour ma part je tiens en grande considérations, en particulier le vice-roi. Mais ils manquent d’information (« faltals la noticia ») et d’une personne qui leur révèle sans ambages les secrètes inclinations des naturels, leurs satisfactions, plaintes particulières et jalousies, ainsi que des règles pour satisfaire tout un chacun de la façon voulue par les circonstances pressantes : de la mesure dans les châtiments et dans les récompenses. Et même s’il est certain qu’ils me font l’honneur de me connaître pour ce que je suis, ils ne me demandent pas, et je n’ai aucun office ni aucun ordre par lequel je puisse m’entremettre pour l’amour et le service de mon roi » [258]..
De cette seule conscience du sentiment de justice, selon lui, naît un droit intrinsèquement « naturel » à réclamer un bien confisqué. S’il se trouve maintenant ainsi éloigné, ce n’est pas la faute des ministres français – qu’il aurait tant pu servir s’il avait été rappelé –, mais plutôt parce qu’ils sont mal informés de ses services. L’ignorance générale des services des individus empêchant de récompenser et châtier justement.
Dans un écrit postérieur, probablement daté de l’année 1644 et non signé – bien qu’on reconnaisse sans aucune erreur possible l’écriture si particulière de Ramon de Guimerà –, intitulé « Breve noticia de las cosas de Catalunÿa y el modo de su conservation »[259], sa pensée politique est présentée de façon beaucoup plus explicite. Nous donnons une édition complète de ce texte. « Ramon de Guimerà, propose Eva Serra, comme les Alentorn, les Sacosta ou Francesc de Gilabert son beau-père, représentait la culture politique du constitutionnalisme contractuel de « sobirania paccionada » (souveraineté consentie, ou participative) et pluralité des pouvoirs, principe affronté à la théorie absolutiste de la souveraineté indivisible, dans laquelle la culture politique nationale et division sociale du pouvoir ne pouvaient se fondre »[260]. Le texte est rédigé dans le contexte général de l’année 1644, où la Catalogne française est menacée par la position des espagnols à Tarragona, port près de Barcelona à partir duquel il est très facile d’envisager un débarquement. Cette situation – bien que le texte semble rédigé avant – va déboucher sur un échec à reprendre Tarragona et, à la fin de la vice-royauté de La Mothe (ce sera l’une des causes de son retrait) sur la perte de Lleida. Les forces françaises se sentent donc en position de faiblesse, le Principat pouvant être perdu à tout moment, par les disgrâces militaires ou par des conjurations tramées par les Espagnols (« tramoÿas y enganÿos »). Guimerà a vécu personnellement les évènements qui ont amené à la révolte de la Catalogne contre les Espagnols – loin d’être seulement « populaire » comme l’explique Eva Serra, cette révolte a clairement reçu la participation de la noblesse. Il prévient donc que le principal danger est que la France reproduise les erreurs des rois de Castille, qui ont laissé en Catalogne l’impression d’une tyrannie. Ils n’ont pas observé les Constitutions de Catalogne (« las Constitutiones y leÿes de la tierra, por tantos reÿes juradas, y observadas por tantos siglos ») et surtout n’ont pas considéré à leur juste valeur les institutions catalanes, ne souhaitant pas écouter les plaintes et les griefs émanant du Principat. Arlette Jouanna montre bien une comparable réapparition en France, dans les années 1640, des arguments constitutionnels : les pamphlets traitent de façon croissante de « la destruction des lois et la rupture des “contrats“ entre le roi et les provinces, c’est-à-dire des textes qui fondaient leurs privilèges particuliers »[261]. Sensible particulièrement à la noblesse très impliquée dans les institutions catalanes – on pense à Tamarit, diputat militar à la Generalitat et cousin maternel de Guimerà, pour ne citer que lui –, l’absence de communication entre la cour et le Principat. Elle crée l’impunité des ministres inférieurs, dont il est impossible de se plaindre, et empêche d’accéder au prince : « peligroso estado quando no es permitido queÿxarse de los ministros inferiores a los de mayor esfera, y aun destos, en casos justos, al principe cuyo oficio y autoridad se estiende igualmente a distribuir mersedes y a consolar oprimidos ». Car accéder à la personne du prince est le seul moyen de pouvoir jouir de tous les bienfaits, dont il est la source et le principe, au sens étymologique du terme.
Guimerà met évidemment en garde le tout nouveau souverain, Louis XIV, comte de Barcelona, devant de telles erreurs, susceptibles de faire revenir les choses à leur état antérieur. L’Etat, d’une forme nouvelle, aux mains d’une nouvelle dynastie, est tout neuf et « ninyo en el sufrimiento » : seule l’expérience d’une bonne politique, qui s’acquerra avec le temps, pourra affermir la nouvelle dynastie. Dans la reconnaissance de cette dernière, la noblesse doit jouer un rôle essentiel. Apparaît en effet une représentation tripartite de la société catalane, non pas orthodoxe car les trois estaments représentés aux Corts sont l’estament eclesiàstic (dans lequel on entre par la réception des ordres mineurs), l’estament militar (noble) et l’estament general où se trouvent toutes les personnes libres, vassaux du roi ou d’un baron, et qui ne sont ni ecclésiastiques ni nobles[262]. Guimerà donne, pour forces majeures de l’Etat, « la Ciudad de Barcelona, la nobleza y las universidades », l’idée d’université correspondant probablement à l’estament general. On sait l’importance qu’avait prise la ville de Barcelona, du fait de la présence dans ses murs du siège de toutes les institutions catalanes. Le gouvernement des ministres d’Espagne, localement représenté par des familles castillanisées (les Cardona, ou les Queralt, comtes de Santa Coloma, dont le dernier comte fut le vice-roi assassiné en 1640 lors de la révolte) a donc courroucé ces trois forces à la fois, ce qui est directement responsable de la révolte. Pour ce qui est de l’attention particulière qui doit être apportée à la noblesse, la pensée de Guimerà épouse entièrement les représentations étudiées par Arlette Jouanna : une élite « naturelle », avec cependant une grande « importance de la reconnaissance sociale »[263] – « el nervio de la provincia y a quien respetan y honran los demas » ; mais, surtout, un ordre défini par la vertu et par l’ honneur, ce dernier devant être récompensé. Entre les nobles mêmes, l’équité apparaît comme le principal commandement à respecter dans la distribution des grâces afin d’éloigner l’envie. Elle procède des pouvoirs que la loi naturelle a donnés au souverain, qui agit nécessairement avec justice s’il le fait selon sa pleine volonté (« lo que su mera voluntad disposiere »). La question est particulièrement sensible car le souverain précédent a pu abuser de cette volonté. Et elle n’est pas plus facilement réglée en 1644, car Louis XIV est un enfant de six ans.
Comme dans la lettre envoyée à Mazarin quelque temps avant, un très fort ressentiment apparaît contre le retardement de la distribution des biens confisqués. C’est clairement à cela qu’il faut relier l’adage « el dar presto es dar dos vezes », car depuis la soumission à la Catalogne à la France, presque trois ans se sont écoulés, et les campagnes militaires se sont succédé sans distribution effective ni perspective de distribution des grâces par la main du roi… L’important, dans cette dernière, est qu’elle soit publique, car elle est persuasive et exemplaire. Ceux qui n’ont encore rien reçu doivent voir qu’il en reste encore à obtenir par le service ; donc, il ne faut pas distribuer tout (« que quedandose de las tres partes la una, los que no an recibido tienen esperansas »). Ceux qui en ont déjà eu, évidemment, doivent voir qu’en continuant à servir, ils augmenteront leur don. Partant, l’intéressement personnel n’est pas conçu comme un mal, ou un péché, mais comme un moyen de persuasion et de récompense, tout en un, puisqu’il tend à la finalité du bien public (« el interéz de no perder lo poseido obliga a la defensa, como quien pelea y defiende su propria casa »). Bien sûr, tout cela se comprend à la lumière de la déflagration provoquée par le don de Bellpuig au comte de Çavellà, sans qu’aucune décision d’ordre général, aucun signe manifeste du roi à l’intention de ses vassaux ne se soit vu. Ainsi, la gradation que présente Guimerà entre les différentes façons de servir le roi est parallèle à celle qui doit être observée dans la récompense. D’abord, dit-il, on trouve les tout premiers soutiens du roi en Catalogne (« los primeros que introdusieron la defensa de las leyes de la patria sin otros interes y a sus propias costas asta ponerla en la obedientia del rey »). Premiers au sens chronologique du terme, c’est-à-dire cette génération de nobles comme Sentmenat, Vilaplana et lui-même, qui ont joué leur existence à quitte ou double, soutenant l’ancien ennemi héréditaire alors que rien n’était encore dit. Ils ont pour ainsi dire donné naissance à la Catalogne française, comme le roi de France est le seul garant de leur subsistance car ils ne peuvent plus retourner à leur ancien maître (« jamas destruÿe el edificio quien le edifico »). Implicitement, ces personnes méritent les plus grandes récompenses. Ensuite seulement viennent ceux qui ont servi dans les campagnes postérieures (« los que en la guerra an servido y hobrado bien »). Comme seul le souverain a le pouvoir de reconnaître cette hiérarchie basée sur la vérité et la justice, il doit être bien informé : « sin exesos es bien queden todos satisfetxos, no pueden ser iguales los premios », évitant cependant à tout pris de commettre des excès qui mettraient à bas tout cet édifice – dans un autre écrit politique de la main du même Guimerà, également conservé dans les archives du Secrétaire d’Etat des Affaires étrangères, quoique moins long, une méthode précise est même proposée pour le partage des récompenses : partager les biens eux-mêmes. « Pueden dividierse los estados conforme el valor dellos en dos, tres y quatro partes, dando a los mas benemeritos propriedades, a otros penciones, o como mejor paresiere a quien distribuÿa las gracias »[264].
Il est évident que, prises au milieu du texte qui nous intéresse ici – dont la suite est une belle harangue pour défendre l’égalité de traitement entre Catalans et Français, et appeler à l’étroite union entre les deux nations –, ces considérations sont des appels à la prudence. Si le mal est déjà fait, puisque les campagnes se sont déjà succédé sans que les nobles soient récompensés, et que les récompenses ont été distribuées d’une façon bien peu conforme à ces prescriptions, peut-être n’est-il pas encore trop tard ? Les ennemis peuvent encore sortir de Tarragona et de Rosas, aucune grande révolte contre les Français n’a encore eu lieu de la part du peuple de Catalogne. La justice peut obtenir « mas que la violentia y valor de las armas » la conservation de l’Etat dans les mains du roi, pour le bien public. Mais déjà dans ces prescriptions on trouve le même ton de mise en garde et de leçon politique que celui avec lequel les nobles des années 1640, en France, « avertissent » le roi que de mauvaises choses pourraient arriver. De cet « appel de l’honneur », qui inspire le texte de Guimerà du début à la fin, les nobles « puisaient le sentiment d’une responsabilité envers leur ordre, envers leurs “amis“ et leurs dépendants, envers leur pays, qui exigeait d’eux qui conseillent le roi et veillent à la légitimité de ses décisions ; ils en tiraient aussi une liberté de ton qui pouvait paraître insolente au souverain » (Arlette Jouanna)[265]. Nous ignorons malheureusement comment ce texte, envoyé probablement à la reine ou à son principal ministre, fut reçu et compris en haut lieu.
Une voix semblable mais divergente, et beaucoup plus originale que celle de Guimerà, est celle de Ramon de Bas. Dans les archives du secrétaire d’Etat des Affaires étrangères, toujours, nous avons trouvé un très long mémorial en espagnol, rédigé d’une écriture que nous n’avons pu voir nulle part ailleurs, et attribué par une écriture différente à un certain « D. Ramon de Vaz ». L’historienne Núria Sales a déjà partiellement étudié ce texte[266]. L’intérêt et la richesse de cet écrit, que nous allons bientôt voir, nous a poussé à enquêter et à essayer de comprendre qui était son auteur. Le texte parle de plusieurs faits que nous avons déjà commentés, et que l’on peut dater précisément : les èvènements du Val d’Aran (mars-avril 1643), l’exil en Italie de Josep de Pinós et Lluis de Peguera (vers août 1643), le don de la baronnie de Bellpuig au comte de Çavellà (septembre 1643). L’auteur semble avoir été marqué par ces faits et en parle comme s’ils étaient récents. Nous pensons donc que le document date de l’extrême fin de l’année 1643, étant donné qu’il ne parle d’aucun des évènements marquants du début de 1644 (décision de l’envoi de Pierre de Marca en janvier/février 1644, puis son arrivée fin avril, par exemple). Il ne peut alors s’agir, comme on aurait pu le croire vu l’importance de sa charge, de Ramon de Bas i de Vilanova, nommé gouverneur (portant veus del general Gobernador) des comtés de Roussillon et Cerdagne le 29 mai 1642, qui prêta sermant le 8 mai[267], mais ne put exercer longtemps puisqu’il tomba malade rapidement, rajouta un codicille à son testament en octobre 1642 parlant de son grave état de santé[268], et mourut vers janvier 1643, Tomàs de Banyuls prenant sa succession comme gouverneur le 3 février[269]. Les recherches de Philippe Lazerme sur les archives notariales de Girona, d’où les Bas étaient originaires, nous apprennent qu’à sa mort, il laissait parmi ses héritiers un fils, né de son mariage avec Hieronima Çaconomina i Bahurt, nommé Ramon de Bas i Çaconomina[270]. Il est fort probable que ce dernier soit l’auteur du mémorial que nous allons commenter. Du moins, l’allusion dans le texte à Jacint de Vilanova, noble roussillonnais et cousin germain de son père Ramon de Bas i de Vilanova, accrédite bien l’identification avec un membre de cette famille. En 1643, une liste de personnes à récompenser, émanant sans doute des autorités françaises et que nous avons évoquée plus haut, mentionne « Le fils de Don Raymond Bas gouverneur de Roussillon mort en servant Sa Majesté »[271]. Il est fort probable que ce dernier soit l’auteur de notre document. Malgré ce signe de l’intention de le récompenser, nous n’avons trouvé aucune autre trace de lui, ni dans les archives françaises, ni dans les registres de la chancellerie, et à ce jour nous ignorons encore son destin après 1643. Il a dû mourir ou tomber dans le même oubli, voire pis encore, qu’un Guimerà ou qu’un Vergós.
Le mémorial[272], dont nous éditons des extraits, est avant tout une puissante diatribe contre le gouvernement d’Argenson, et il n’est pas nécessaire d’en lister ici les griefs. Le plus surprenant est avant tout la vision que l’auteur donne de la noblesse. Cette dernière a pris dès les premiers évènements, à l’intérieur des Braços, un ascendant injustifié, et c’est elle qui a présidé au choix des premiers ministres catalans, empêchant le peuple d’avoir part aux délibérations. S’y trouvait seulement, lit-on, un très petit nombre de syndics d’universités. Elle gardait encore un fort attachement pour l’Espagne, contrairement au peuple, entièrement soulevé contre ses injustices. Les ministres catalans, Régent en tête, clients et obligés de cette noblesse, travaillent donc « a perder el Pueblo su mayor enemigo : que la mayor fuersa de Cathaluña consiste en su Pueblo por ser muchas vezes superior a la nobleza ». Plus encore, le peuple, méprisé par tous ces gens, est sans cesse défavorisé par la justice qu’ils administrent et monopolisent ; c’est lui qui est défavorisé par la non-application du pardon général de Louis XIII. Les laboureurs et les pauvres gens ne sont jamais récompensés pour leur service, quand beaucoup de nobles ne sont pas à la campagne, mais dans des maisons de plaisir, tout en se plaignant de n’être pas assez récompensés : « contan de la guerra como si fuera en los reynos de la China, o de las Indias ». Quant aux gens de guerre de modeste origine, ils sont totalement oubliés. Ce sentiment, il faut l’avouer, est largement vérifié par le nombre ridiculement petit (2) de sommes données à des militaires non nobles[273], et par la radicale absence de tels individus dans les listes de personnes à récompenser. « Que hombre de guerra havemos visto de los ministros aplaudido ? » demande l’auteur, expliquant que ce mépris est une profonde erreur politique, qui rend impopulaires aux yeux du peuple ceux qui sont chargés de dédommager ces combattants des épreuves de la campagne. La récompense donnée au comte de Çavallà, qui, lui, a combattu valeureusement, n’est pas vue, contrairement à l’opinion de Ramon de Guimerà, comme une injustice ou une exagération, puisque la grâce « ha zido munificencia de V.M., por la direction del señor mariscal de la Motte, y monsieur de La Vellée », c’est-à-dire des Français, et « no por diligencia de los ministros de Cathaluña », c’est-à-dire les Catalans si détestés par le mémorial. Ce dernier fait valide presque en lui-même le don en question. Le problème n’est donc pas la grâce en question, mais le fait qu’elle n’ait été assortie d’aucune autre bonne action, et qu’au même moment, le capitaine Cabanyes, poursuit notre auteur, s’est vu frustré dans la jouissance de la sienne malgré l’extrême distinction de ses services. Quand on repense à l’affaire de Cabanyes, dont nous avons traité plus avant, on voit bien que Ramon de Bas ne veut pas accuser la cour – pourtant en large partie responsable – et qu’il rejette la culpabilité sur les seuls ministres de Catalogne d’avoir captieusement dissimulé la valeur de ce militaire (« an sabido los ministros trampear las esperanças de multiplicados meritos »). Suit un long développement, identique dans les grandes lignes à celui de Guimerà, sur l’effet direct de cette mauvaise politique : le retrait du service de beaucoup de personnes valeureuses, et, parallèlement, la disgrâce et oubli de certains soutiens de la première heure comme l’ancien ambassadeur Joan Francesc de Vergós et Francesc de Vilaplana, dont nous avons vu que les suppliques adressées en haut lieu étaient restées vaines. « Mas cruel enemigo de la Virtud politica es el desprecio de ella ».
Dans une seconde partie, l’auteur propose des remèdes aux maux qu’il vient de lister. Pour présenter celui qu’il propose contre les torts de la noblesse, Ramon de Bas part certes de poncifs de la pensée politique du temps, mais il les détourne à sa fantaisie, inventant une sorte de théorie, originale et inédite, de la noblesse catalane renouvelée. Au départ, la métaphore habituelle du corps humain symbolisant le corps politique :
« No puede una Republica sustentarse sin nobleza por que son los nobles las manos de la Republica, y es peligroso el estado en el qual los pies del cuerpo mistico, quedandose pies, han de hazer el officio de las manos como en Cathaluña sucede, pues siendo la nobleza infata del aliento de Castilla, queda la Republica sin manos, cuyas vezes han ocupado siempre los pies del Pueblo quedandose asta agora pies. »
La noblesse ayant gardé son cœur du côté de Castille, bien que résidant dans le Principat, est considérée par notre auteur comme absente, laissant une grande place vide. On déduit aisément que, pour lui, le nombre de nobles réellement et sincèrement attachés à la France était petit, et allait en s’érodant. L’importance de la noblesse, son rôle réel de gouvernement (les mains impulsent le mouvement) ne lui est donc pas dénié, mais, simplement, la place d’une vraie noblesse est vacante – puisque celle-ci a comme justification et raison d’être intrinsèque de servir son légitime souverain. Partant de cette analyse, la noblesse devait être renouvelée. Et pour cela, Ramon de Bas mobilise encore un poncif, cette fois de l’histoire catalane : la création des chevaliers par Charlemagne, corollaire des « neuf barons de Catalogne » : « Trescientos dizen las historias que armó en Cathaluña el señor emperador y rey de Francia Carlo Magno ». 1300 chevaliers issus du peuple, récompensés pour leurs services, et fondateurs des lignées de la noblesse catalane. Ce qu’avait fait autrefois le roi de France pour les ancêtres de ceux qui, maintenant, combattaient contre lui, il pouvait le faire maintenant avec des hommes nouveaux : « mas efficaz remedio sera el constituhir un buen numero de Cavalleros de los del Pueblo que mas se han senelado en el sevicio de V.M. » Cela déracinerait la superbe de la noblesse infidèle, et donnerait au peuple l’espérance de s’élever de sa condition. Cinquante chevaliers, les plus signalés, suffiraient ; et, naturellement, on les rémunérerait avec les biens confisqués…
« Aux cinquante chevaliers dont il a été fait mention dans le “premier remède”, on peut assigner quelque pension de 400 ou 500 écus, perpétuellement ou durant leur vie suivant la qualité des personnes, leur patrimoine et leur sercives, sur les rentes de ladite Batllia General. A ceux qui se seraient le plus signalés au service de Sa Majesté, on peut leur faire concession, ou pure ou par inféodation, de quelque baronnie, domaine ou autre rente ou biens confisqués, selon la qualité et la considération des personnes ».
Ce n’est plus ni moins qu’un projet de renouvellement complet, ou régénérescence de la noblesse catalane par le bas, réactivant la légende de l’origine de l’aristocratie telle qu’elle pouvait se répandre en France et en Catalogne, c’est-à-dire une distinction du souverain (ou de Dieu) basée sur la vertu et les qualités personnelles. Les bouleversements des années 1640 semblaient comparables aux changements sociaux et mouvements de populations de l’époque carolingienne, ayant donné naissance à la noblesse européenne ; et les biens confisqués étaient comme les premiers comtés carolingiens, ou les terres reprises sur l’Infidèle dans la Marca Hispanica.
Pourquoi donc une telle méfiance vis-à-vis de la noblesse catalane ? On est en effet surpris de voir sous la plume de Ramon de Bas une pensée si différente de celle d’un Guimerà, et des prescriptions d’ordre presque utopique, ou alternatives à l’ordre établi. En effet, Ramon de Bas est lui-même issu d’une famille noble, allié par sa grand-mère née Vilanova –fille du fondateur de la Confrérie de Saint-Georges de Perpignan – à plusieurs souches immémoriales[274]. Pour l’expliquer, nous pouvons avancer deux raisons. Tout d’abord, l’oscillation permanente, dans le discours nobiliaire, entre le thème du bien public et celui du soulagement du peuple. Les exemples français qu’Arlette Jouanna donne pour les années 1610-1630 sont dominés par des thèmes semblables aux écrits catalans que nous étudions ici : arguments puisés dans le passé historique national, Bien public (passant, dans le discours des nobles français, par l’attribution des charges à des personnes nobles s’étant distinguées par la guerre, et sur la suppression définitive de la vénalité des offices), justice dans la distribution des grâces. Pour cette dernière clause, certains textes politiques nobiliaires français, à l’instar de Ramon de Bas en Catalogne, précisent même des limites chiffrées et des garde-fous : « que les dons et gratifications excédant la somme de trois mille livres soient vérifiés en la Chambre des Comptes […] et que les donataires soient obligés d’exprimer, en leurs lettres, les autres lettres de don qu’ils auront eues durant les trois années précédentes », revendications exorbitantes et si contraires à l’orientation prise par la monarchie qu’elles ne furent jamais réalisées ; par la suite, le thème du « soulagement du peuple » est repris par la propagande contraire à Richelieu, qui présente la mauvaise politique du ministre, son favoritisme, comme la cause principale de la misère populaire[275]. Abaissement du peuple, donc, pour montrer sans doute en creux une subversion de la noblesse. Sauf qu’en ce cas, c’était une part seulement de la noblesse (minime) qui était comprise dans le camp des bons… Autre explication possible pour l’hétérodoxie apparente de Ramon de Bas : les profondes différences de statut à l’intérieur même de l’estament militar. Si Ramon de Bas descend par les femmes de noblesse immémoriale, il n’en est pas de même de sa propre famille : les Bas sont de noblesse récente. L’ancêtre, Francesc-Rafel Bas, était marchand à Girona quand il reçut au milieu du XVIe siècle le titre de Ciutadà honrat de Girona, dont on sait le mépris qu’il recevait des nobles de race. Une ou deux générations plus tard, son descendant était dit donzell (damoiseau) et pouvait épouser une Vilanova… Ce qui n’empêcherait pas son fils, Ramon de Bas i de Vilanova, de choisir à nouveau une épouse appartenant au monde des riches marchands de Girona, Hieronima Çaconomina. L’entourage proche des Bas est donc un mélange caractéristique des politiques matrimoniales des Catalans d’alors. Il n’empêche que, en ligne directe, Ramon de Bas est d’une noblesse beaucoup moins ancienne, beaucoup moins sûre, que celle de Ramon de Guimerà. Peut-être la mémoire familiale garde-t-elle encore vive l’accession des Bas à la catégorie des privilégiés par l’intermédiaire du titre de ciutadà honrat ? Si l’on se souvient de la terrible colère inspirée à Josep de Margarit par le don à Francesc Cabanyes d’une baronnie confisquée, on peut aisément imaginer la place ambiguë que pouvaient avoir des familles comme les Bas. Et, par là, peut-être des bases à un discours moins fermé et conservateur que celui d’un Guimerà – tout aussi « pactiste » fût-il vis-à-vis des lois de la terre.
Revenons maintenant au fond de notre problème, la perception par Ramon de Bas de la question des confiscations et de la distribution des grâces. Sur ce point, il se fait prolixe, et développe là aussi une vraie théorie de bon gouvernement. Le problème initial, que nous avons amplement commenté, est celui du monopole par la Junta, basée à Barcelona, de la distribution des grâces qui devrait se faire seulement à la cour de Paris. La plainte exprimée contre cet état de fait se base sur une idée déjà sollicitée dans le commentaire du texte de Guimerà : la légitimité du prince et sa situation à la source de tous les bienfaits. La situation à Barcelona n’est donc ni plus ni moins que le monde à l’envers, une inversion exacte de ce qui devrait se passer : Margarit donne des « quexas publicas de que en la corte se huviessen echo algunas mercedes sin consulta de la junta. » A une nuance près, cependant : les grandes ambitions listées par notre auteur (prétention de Margarit pour le comté de Santa Coloma, d’Argenson pour le marquisat d’Aitona, de Fontanella pour les biens du duc de Sessa) ne se sont cependant pas réalisées. Nous avons déjà vu comment l’ambition d’Argenson de devenir marquis d’Aitona avait fait son chemin à la cour de France, mais comme, sans doute, la mort de Richelieu et la précipitation des évènements qui s’ensuivirent empêchèrent la réalisation d’une telle chose. De même, malgré toute la véhémence du présent texte, nous n’avons pas encore trouvé à cette date de bien confisqué donné au Régent Fontanella, en pleine propriété ou en séquestre. La légitimité du prince s’étendant à celle de ses ministres, la mauvaise politique de la Junta, à la suite d’Argenson, n’est que mépris de l’autorité royale, incapable de se tromper. Les factions locales « sirven, mas que al Principe, a la Lisonja, al interes, o a otro qualquier affecto de que se dexan llenar los inferiores ministros ; peligro que falta en los supremos por la distancia, diferencia, y contrariedad. » Les ministres se trouvent ainsi justifiés de toute partialité du fait que la cour joigne à sa supériorité naturelle un éloignement géographique
« L’eau est toujours plus pure et plus douce au jaillissement même de la source. C’est, Majesté, un point d’importance que les grâces se fassent à la source de Paris sans dépendance des ministres de Catalogne ».
Vision divergente, donc, de ce que nous avions vu jusqu’à maintenant : l’éloignement du prince et de la cour ne sont pas nécessairement des obstacles ou des entraves à la justice ; tout repose sur le choix des ministres et le respect des lois. On notera même, dans le texte, l’absence totale d’allusion au fait que le roi ne se rende pas personnellement en Catalogne, alors que ce grief est présent dans toutes les ambassades des institutions catalanes et dans la plupart des pamphlets relayés par Pujolar. A toutes ces importantes variations, s’en ajoute enfin une très singulière : Ramon de Bas propose de donner des biens confisqués en Catalogne à des Français « de los que mas se han señalado en las guerras de Cathaluña», reposant sur l’idée que la nationalité le cède à la grandeur des services (« lo que mas importa es la atencion a los meritos de los que an de gozar las mercedes »). Très peu répandue en Catalogne, cette idée, corollaire de la déconsidération générale de la noblesse catalane qui sous-tend tout le texte, sera largement contredite par la suite des évènements.
Les remèdes préconisés par Ramon de Bas, en plus de celui que nous avons évoqué de créer une nouvelle noblesse et de lui donner des biens confisqués, sont très concrets et relèvent d’une personne parfaitement bien informée du fonctionnement des institutions catalanes. La première revendication est de rendre la gestion de tous les biens confisqués à la Batllia general de Catalunya[276], en la reprenant à la ville de Barcelona qui la possède par engagement du roi d’Espagne. Ce remède serait en même temps un « coup de majesté » propice à réaffirmer l’autorité royale sur le Principat, tout en respectant l’essence de ses institutions. Ramon de Bas se fait peut-être des illusions sur la prétendue facilité avec laquelle cette action serait perçue par la ville de Barcelona : nous avons vu comment, en 1641, elle était capable de s’escrimer contre la Generalitat. On peut penser qu’une telle reprise ne se serait pas faite sans heurts et lenteurs. Pour la faciliter, Bas préconise de confirmer à cette occasion tous les officiers préalablement créés par la ville, et de retirer les comptes de la Batllia du contrôle du Mestre Racional. Il pense aussi à quelques avantges fiscaux en faveur de la ville, ou des Ciudadans honrats qu’il voudrait voir exempt de certains droits royaux… Ces prescriptions ne seront jamais suivies, la Batllia General restant au pouvoir de la ville de Barcelona jusqu’au siège de 1652, et conservant un rôle très limité durant toute la durée de la guerre.
Au sujet des séquestres, donnés par Argenson à toutes sortes de personnes peu recommandables parmi lesquelles des mal affectes, Ramon de Bas expose que ce type d’administration a eu pour seules conséquences de poser encore des obstacles à la distribution générale tant attendue, et de soulever une montagne de litiges dommageables à l’intégrité des biens.
« Cela a donné lieu à l’introduction de nouveaux procès dans lesquels, l’opposition des séquestres étant limitée ou nulle, les poursuivants ont obtenu une sentence favorable en quatre jours, ce qui fait se diminuer en large partie la consistance des biens confisqués ».
Une étude plus approfondie des archives judiciaires de la période devrait permettre de déterminer la réalité de telles affirmations. On observe bien, cependant, dans les registres de la chancellerie, de nombreuses références à des procédures de particuliers visant à réclamer des sommes dues sur les biens confisqués, à être satisfaits sur des droits que les anciens seigneurs leur disputaient. Le changement de situation, et, surtout, d’interlocuteur, ayant rendu possible ou efficace ce type de démarche. Théoriquement réunis au patrimoine royal, bien qu’administrés par des personnes privées, les biens confisqués rejoignaient dans leur malheur le sort de toutes les terres de l’ancien domaine de la couronne, si aliénées et litigieuses que le patrimoine royal était alors considéré comme quasiment épuisé. Cette opposition, ou concurrence ancienne, en Catalogne, entre justice, droit des particuliers et droits royaux, se voyait perpétuée jusqu’en cette période de profonds changements et de subversions, bien que sous de nouvelles formes… La solution imaginée par Ramon de Bas avec la Batllia General éteint naturellement tous les séquestres ; il la définit comme une simple restauration d’un état antérieur et qui n’aurait jamais dû s’interrompre : « quedaran los bienes confiscados mas bien defendidos por el fisco patrimonial que por los sequestradores de los derechos y acciones, que algunos pretenden tener en ellos. » En réalité, au moment où est sans doute écrit ce texte, l’extinction de plusieurs séquestres – dont un qui avait été confié à Ramon de Guimerà – a déjà commencé, afin de les confier à l’administrateur général Sangenís, encore ignoré par notre auteur…
Un aspect important de ce mémorial est sa position sur la question des villes royales. L’auteur, face à l’avidité et à la cruauté des barons qui exercent leur justice sur les habitants de leurs seigneuries, défend l’aspiration de ces derniers à sortir de leur soumission et à devenir vassaux direct du roi en faisant changer le statut de leur ville. A la faveur de la guerre, et du passage aux ennemis de beaucoup des anciens seigneurs, les Catalans pensaient obtenir gain de cause. Ramon de Bas ne se contente pas de défendre leurs aspirations, mais stigmatise, dans le cadre général de sa critique contre la noblesse, les positions contraires de gentilshommes comme Margarit, désireux de se faire attribuer les patrimoines confisqués et de devenir les nouveaux grand seigneurs de Catalogne. Nous reviendrons dans la partie suivante sur ces questions primordiales[277]. Ainsi, loin d’être univoque et linéaire, le discours politique des nobles au début de la guerra dels Segadors montre au contraire une grande variété de thèmes, de figures et d’espérances, comparables avec ceux de la noblesse française au même moment, mais surtout profondément marqués par la culture constitutionnaliste et « pactiste », récupérant au passage le thème du soulagement du peuple. Emanés de fidèles de la couronne de France, ces discours s’accordent cependant sur la plénitude et la perfection de l’autorité royale, l’obéissance et la fidélité qui lui sont dues, particulièrement en ce qui concerne sa fonction de dispensateur des bienfaits. L’état d’esprit de tels individus, décidés à servir leur nouveau souverain, le petit Louis XIV, mais déjà mécontents de plusieurs injustices et infractions, va se dégrader dans les années suivantes, faisant passer certains de malcontents à mal affectes, et fissurant l’union des deux nations.
[1] SANABRE, p.207.
[2] Isidoro de Pujolar i de Graell (né vers 1600) est issu d’une famille aisée mais éloignée des grandes fonctions institutionnelles. Son père, Salvador Pujolar, docteur en médecine de Vic (comarca d’Osona, province de Barcelona), est le fils d’un pareur de draps. Lors de son anoblissement, Isidoro mettra en avant l’origine française de sa famille (ACA, Cancilleria, Intrusos 113, fol.145), précisant que les Pujolar sont originaires de la ville d’Uzès dans le royaume de France ; il est possible que cette famille soit la même que la famille Pujolas qui existait encore dans le Gard au XIXe siècle. Salvador Pujolar avait épousé par contrat du 7 avril 1597 devant Joan Vinyes, notaire de Vic, Magdalena Graell i Despujol, fille d’un cavaller de Vic, sœur d’un chanoine de Vic et d’un chanoine d’Urgell. Isidoro de Pujolar semble être leur seul héritier. LAZERME Inédit (Graell).
[3] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.145-148), Lettres de noblesse en faveur d’Isidoro Pujolar, à Narbonne (transcription), 4 avril 1642.
[4] AMAE, CP Espagne 21 (fol.167v), date mentionnée par Pujolar dans une copie de sa lettre envoyée aux députés le 22 janvier 1644.
[5] SANABRE, p.233.
[6] AMAE, CP Espagne 21 (fol.77bis) « Noticias de Cataluña », 1er juin 1643. Ce feuillet est probablement l’un des premiers du genre rédigés par Pujolar.
[7] AMAE, CP Espagne 21 (fol.154-155), Memoire contre M. d’Argenson. 1643 (titre et date ajoutés). Nous trouvons une autre version de ce mémoire, ou plutôt une copie divergeant en quelques points et probablement postérieure, de la main d’Isidoro de Pujolar (AMAE, CP Espagne 29, fol.25-29). Aucun des deux n’est signé. Les deux versions sont en espagnol. Une autre copie, conforme cette fois, du premier mémoire, est conservée à la BNF, Baluze 255 (fol.79).
[8] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252v). Relation del estado de Cataluña desde la salida hasta a la buelta a su Principado del Illustrissimo señor de Plessis Besançon, s.d.
[9] SANABRE, p.248.
[10] AMAE, CP Espagne 21 (fol.154-155). « Fomenta que todas las mercedes y gracias se hagan en Cattalunya sin dependencia de Su Magestad y ministros superiores, con atchaque que en la Corte se hazen desaciertos por no tener bastanta noticia de las cosas, siendo su intento que Su Magestad y Ministros Superiores le llamaran para esto y le reconoseran por necesario al Estado, y con esto ha tenido confiansa de que le harian secretario de stado dandole las cosas de Cattalunya ».
[11] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252v). « El repartimiento de las confiscaciones se havia de hazer en ella y no en la Corte, con motivo que en la Corte la falta de noticias cometeria muchos yerros, y por este mismo motivo las gracias y privilegios despachados en la Corte jamas se han puesto aqui en execucion por haverlo assi resuelto la Junta ; por su resolucion se ha desviado siempre el repartimiento de las confiscaciones hasta ver si para ello se le cometeria pleno poder cuya dilacion ha sido tan dañosa como se dexa considerar ».
[12] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252v). « Quiso tambien dar a entender que las confiscationes no importavan nada valiendo cerca de cien mil scudos de renda, a fin de que dexaran en sus manos la reparticion dellas para tomarse el marquezado de Aÿtona y a este fin a dado a entender que no convenia que se hiziessen villas reales siendo el major servicio de Su Magestad ».
Voir un développement sur la question des villes royales infra : Deuxième partie, II. 2.
[13]AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252v), « Y despues viendo que en la Corte no se ratificava la reparticion [des confiscations] como el lo havia dispuesto, dio a entender que convenia se agregassen al Patrimonio Real como se ha hecho quedando siempre con speransa que con el tiempo poco a poco, sin que los ministros superiores lo advertieran, les daria a quien querria, y entre tanto se aprovecharian los amigos haziendoles administradores de todo como lo ha hecho con Santgenis gran menosprecio del thezorero real, le ha hecho thezorero de las confiscationes y en perjuisio del Procurador Real fomenta que Margarit sea superintendente dellas, que como este es de su liga sin duda hara bien su negocio ».
[14] « No se habla de cooperación catalana ; solamente hemos encontrado referencias de algunos que asistieron a la entrada de los franceses en Perpiñán. En aquel momento, los catalanes se habían dado cuenta de que aquella acción militar era une empresa exclusivamente francesa, y solamente estuvieron presentes aquellos catalanes que estaban infeudados, o esparaban estarlo, en la nómina oficial de Francia ». (SANABRE, p.234).
[15] RICHELIEU, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’état du cardinal de Richelieu. / Recueillis et publ. par M. Avenel, vol. 6, Imprimerie impériale [puis] nationale (Paris), 1853, p.907-908.
[16] AMAE, CP Espagne 22 (fol.331-331v), Lettre de Chavigny à La Mothe, 19 décembre 1642.
[17] ACA, Cancilleria, Intrusos 127 (fol.15-15v), Ordre au trésorier Jaume Bru de payer à Francesc de Tamarit des pensions dues depuis 1641, qu’il recevait sur les biens confisqués de Jacint Sala, en suite d’une décision de la Junta, 24 février 1643.
[18] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.337-338). La datation de ce document est très difficile : il est postérieur à février 1643, puisqu’il cite Tomàs de Banyuls comme gouverneur de Roussillon, celui-ci ayant succédé à cette date à Ramon de Bas. Si l’on en croit la fonction attribuée à Sangenís de receveur des biens confisqués – il sera nommé officiellement à ce titre le 22 juin 1643 (ACA, Cancilleria, Intrusos 113, fol.154-156v) – le document pourrait même être bien postérieur au départ d’Argenson, qui reçoit sa lettre de rappel fin janvier 1643 selon Sanabre (p.248). L’utilité d’un tel document après le départ d’Argenson, faisant état de coteries installées sous l’interrègne de ce dernier, n’est pas encore totalement claire.
[19] Llorenç de Barutell i de Puigmarí (vers 1594-30 octobre 1658), fils d’Antoni-Joan de Barutell i de Montagut et d’Isabel de Puigmarí i Funes, est issu d’une famille très ancienne de la noblesse catalane. Prêtre, docteur en droits et chanoine d’Urgell, il fera lui-même valoir, dans un mémoire à la cour demandant la charge d’inquisiteur, l’illustration de sa famille en rappelant que dans cette lignée de barons de Puig Barutell et d’Oix, « el rey don Pedro el quarto de Aragon caso con una hermana de Berenguer de Barutell y en las conquistas de Cat. eran balbasores los Barutells ». Il fut convoqué au nom du chapitre d’Urgell aux Juntas de Braços de l’année 1641, fit partie de la Junta de hazienda, puis fut choisi par les Consistoires comme otage garantissant les pactes avec la France, avant d’être transformé en ambassadeur de Catalogne (AMAE, CP Espagne 22, fol.49). Ayant acquis influence et confiance du gouvernement français, il est nommé chancelier de Catalogne au cours de l’année 1642, charge qu’il gardera pendant toute la période, recevant des gratifications diverses et variées, parmi lesquelles sa nomination à l’évêché de Urgell. LAZERME Inédit (Barutell).
[20] Jaume Bru i Granollachs (vers 1570-vers 1652) fils de Jaume Bru et d’Eleonor Granollachs i de Pons, est issu de deux importantes familles de marchands de Vic. Son père a été créé ciutadà honrat de Vic par Philippe III en 1599, quelque temps après son grand-père Granollachs. L’ascension de la parentèle a été déterminée par la carrière de son oncle, Joan Granollachs i de Pons (1557-1609), élu diputat militar à la Generalitat de 1590, emprisonné en raison des dissensions de l’institution avec la couronne, mais revenu glorieusement après 1598 et exerçant pour le compte du vice-roi différentes missions diplomatiques. Sous l’obéissance d’Espagne, le frère aîné de Jaume Bru i Granollachs, Francesc Bru i Granollachs, avait été brièvement trésorier de Catalogne. En 1642, Jaume reçoit cet office des mains du gouvernement français. Par une habile politique matrimoniale les Bru ont réussi à s’allier aux plus influentes familles catalanes, puis profrançaises. Beau-frère du juriste Acaci de Ripoll i Mas, Jaume Bru est allié par ses nièces aux familles Alemany et Orís. Son neveu Josep Bru épouse en octobre 1642 une des principales héritières de Perpignan, Teresa Canta i d’Oms. Jaume Bru quant à lui, uni depuis 1610 à Isabel-Joana Palau, fille d’un cavaller, marie en 1643 son fils Antoni Bru i Palau avec Mencia de Banyuls i d’Oris, propre sœur de Tomàs de Banyuls i d’Oris, gouverneur de Roussillon. LAZERME Inédit (Bru).
[21] AMAE, CP Espagne 23 (fol.432-432v). Document daté postérieurement à février 1643, date de décès de Ramon de Bas, dont le fils figure comme une personne à récompenser pour le service de son père mort. C’est ce dernier, prénommé également de Ramon de Bas, qui adresse à la cour un mémoire important sur lequel nous reviendrons en I. 2) C).
[22] CAPDEFERRO I PLA, Josep, Joan Pere Fontanella (1575-1649), un advocat de luxe per a la ciutat de Girona, Universitat Pompeu Fabra. Departament de Dret, 2010.
[23] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.152v-153), Brevet de don à Isidoro de Pujolar des biens de Ramon Xammar, de Perpignan, 10 octobre 1642 (enregistré entre un acte du 25 mars 1643 et un autre du 5 août 1643). Au passage, cet enregistrement tardif accrédite l’identification de Pujolar pour auteur de nos mémoriaux, car il était un des rares concernés par cette lenteur volontaire d’Argenson et de sa fidèle chancellerie à enregistrer les actes royaux.
[24] ACA, Cancilleria, Intrusos 66 (fol.120-120v), Lettres d’évocation à la Reial Audiència de la cause traitée devant la cour ordinaire du viguier de Besalu entre Josep de Caramany, seigneur du Mas de Caramany au lieu de Sant Pere Pescador, et Francesc Vilalba, séquestre royal du comté d’Empúries ; au sujet de la possession de divers bois au bord du Fluvià à Sant Pere Pescador, 6 décembre 1642.
[25] SHD, A1 71 (n°269), Lettres patentes portant don des biens du marquis d’Aitona et de la comtesse de Quirra ou Vallfogona à M. d’Argenson, à Saint-Germain-en-Laye, novembre 1642 (non expédiées). Nous donnons la transcription de l’acte (Document n°2) et des commentaires diplomatiques infra : Première partie, III. 1.
[26]ACA, Cancilleria, Intrusos 124 (fol.204-208), Don à Francesc Sangenís de la tour qu’avait le marquis d’Aitona à Alella avec toutes ses dépendances (les biens du marquis d’Aitona ont été confisqués par sentence royale 30 octobre 1642, rapporteur Josep Orlau), 7 octobre 1648.
[27] AMAE, CP Espagne 22 (fol.331-331v), Lettre de Chavigny à La Mothe, 19 décembre 1642.
[28] En effet, comme nous le verrons par la suite, les lettres patentes donnant des biens confisqués comportent des clauses nouvelles et particulières que nous ne retrouvons pas dans les lettres habituelles.
[29] SERRA, Eva, « Els Guimerà, una noblesa de la terra », Recerques, n°23, 1990, p. 33.
[30] « Ramon de Guimerà passava comptes amb Francesc de Tamarit de la seva gestió de segrestador ja l’agost del 1642, és a dir, un any abans de la institudonalització administrativa dels segrestaments ». (SERRA, Eva, « Els Guimerà, una noblesa de la terra », Recerques, n°23, 1990, p.33)
[31] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.158v-159v), Ordre du vice-roi, sur supplique du procureur fiscal de la Regia Cort, que la justice soit administrée contre les biens des ducs d’Albe, de Cessa, de Híjar, marquis de Villasor, marquis de Camarasa, marquis de Orani, comtesse de Guimerà, comte de Santa Coloma de Queralt, comte de Fuentes, comte de Castellflorit, comte de la Formiguera, marquis de Oropesa y Vilar, qui ne se sont pas présentés à la convocation pour se justifier de leur crime de lèse-majesté, 11 avril 1643.
[32] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.66-67), Lettres de mise en possession de séquestre pour Rafel Antich, donzell de Barcelona, des revenus des biens et des juridictions appartenant à la comtesse de Quirra dans le Principat de Catalogne, 9 septembre 1642 (précise la date du privilège du 30 juillet 1642).
[33] SHD, A1 71 (n°269), Lettres patentes portant don des biens du marquis d’Aitona et de la comtesse de Quirra ou Vallfogona à M. d’Argenson, à Saint-Germain-en-Laye, novembre 1642 (non expédiées). Voir Document n°2.
[34] Francesc de Vilalba i Fabregues (v.1570-17 avril 1646), seigneur de Guspi et de Montmagastre, issu de la très ancienne mais petite noblesse, épousa en premières noces Mariana d’Oluja, puis Victoria de Malendrich. Ramon de Vilalba i de Malendrich, son fils, mourut avant son père à la bataille de Montmeló le 28 mars 1642. Le père et le fils figurent sur les différents mémoires que nous avons examinés. En 1640, Ramon de Vilalba avait épousé Ana Pol i de Puigmarí, cousine germaine du chancelier Llorenç de Barutell i de Puigmarí. LAZERME Inédit (Vilalba).
[35] ACA, Cancilleria, Intrusos 66 (fol.120-120v), Lettres d’évocation à la Reial Audiència de la cause traitée devant la cour ordinaire du viguier de Besalu entre Josep de Caramany, seigneur du Mas de Caramany au lieu de Sant Pere Pescador, et Francesc Vilalba, séquestre royal du comté d’Empúries ; au sujet de la possession de divers bois au bord du Fluvià à Sant Pere Pescador, 6 décembre 1642. Francesc de Vilalba était aussi séquestre du duché de Cardona depuis juin 1642, voir infra I. 2) B).
[36] AMAE, Mémoires et Document France 1744 (fol.39).
[37] Rafel Antich i Mollet (v.1608-1681), donzell de Barcelona, issue d’une famille de marchands de Barcelona anoblis au siècle précédent, épousa en premièces noces Maria de Sabater i de Sescomes. Une fois veuf, il se remaria, sous la période de domination française, avec Geronima de Calvo i de Gualbes, sœur d’un militaire distingué et serviteur de la France qui, en 1644, épousera lui-même Maria, sœur du gouverneur Josep de Margarit. Rafel Antich, veuf en 1650, épousa en troisièmes noces Maria de Barthomeu. Ayant exercé comme gouverneur de différentes signeuries confisqués, comme le comté de Vallfogona, il demeura à Barcelona après le siège de 1652. LAZERME Inédit (Antich).
[38] SANABRE, p.248.
[39] AZNAR, Daniel, « Gloria y desgracia de un virrey francés de Cataluña: El mariscal De La Mothe-Houdancourt (1641-1644) », dans Pedralbes, n° 26, 2006, p.204-205.
[40] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p.208.
[41] SANABRE, p.213.
[42] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p.210.
[43] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p.210-211.
[44] SANABRE, p.212.
[45] AMAE, CP Espagne 21 (fol.65-65v), Lettre de Pujolar à Richelieu (de Martorell), 25 juillet 1642. « Si no se haze otra expulsion como la de los Moriscos que sera en detrehimiento nuestro porque los pocos mal afectos que ay son tan desvergonsados que nos temen a Dios ni el mundo y assi es prima necessidad hazerne un grande excarmiento ».
[46] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.152-152v), Commission à Philippe de La Mothe-Houdancourt pour recevoir au nom du roi le serment de fidélité des Catalans, 4 août 1642 (transcription).
[47] SANABRE, p.215.
[48] VIDAL i PLA, Jordi, Guerra dels Segadors i crisi social. Els exiliats filipistes (1640-1652), Barcelona, Edicions 62, 1984, p. 43-60.
[49] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.219-239), Edictes e crides fetes, y publicades per manament del Excellentissim senyor Phelip de la Motte Houdancourt Mariscal de França, del Consell de sa Magestat, y son Lloctinent, y Capità General en lo Principat de Cathalunya, y Comtats de Rossello y Cerdanya. Ab Llicencia dels Superiors. En Barcelona, en casa de Pere Lacavalleria, Any 1642 (imprimé ; première page aux armes de La Mothe). Ces cridas ont été affichées et proclamées par crieur public les 17, 18, 19 et 20 décembre 1642.
[50] Id. ref. « Cap. 61 : Premi als qui denunciaran los delictes contenguts en los 55, 56, 57, 58, 59 capitols sobre expressats : Y per quant ab esperança de premi molts solen ser mes promptes en denunciar delictes, considerant la importancia y gravedad de la materia en los precedents capitols contenguda, sa Excelencia inseguint la mateixa conclusio, diu y notifica y ab sa Real paraula promet a quiscu, per cada vegada que denunciarày donarà plena prova que alguna persona ha ja comès algu dels delictes en lo 55, 56, 57, 58 y 59 capitols dels sobre expressats contenguts y entregaràn los culpables a la Regia Cort, se li donarà en premi de diner de la Real Tesoreria cent lliuras moneda Barcelonesa y dos homens fora de mal, com no sien lladres publichs, homicidas, proditoris o assasinos ab que no sien los principals delinquents ».
[51] SANABRE, p.279.
[52] ACA Cancilleria, Intrusos 143 (fol.72-72v), Crida pública attribuant aux dénonciateurs des biens meubles des étrangers, traîtres et sujets du Roi Catholique, le quart desdits biens, 3 janvier 1644. « Ara ojats etc. Que per quant se tem que alguns fills de perditio poc tements a Deu nostre senyor y a la correctio de la justitia temporal no dubtan de tener escondides y amagades moltes haziendes de persones que per la regia cort los son estades confiscades y de gent forastera vassalls del Rey Catolich, conistent en moltes joyes de oro y plata, diners y credits. Desyant Sa Excelència averiguar qui te dits mobles, joyes, diners y credits pera ques puguen aplicar al patrimoni de Sa Magestat ; Ab Tenor de la present publica crida inseguint en asso la conclusio en lo Sacre real Concell feta al primer de mars M.D.CXXXXIIII, Diu y en sa bona fe y paraula real promet a qualsevol persona de qualsevol estament, grau o condicio sie que descubrira algu que tingue mobles alguns, joyes de or y plata, diners y altres cosas semblants de dites persones als quals se li han confiscades les haziendes o de gent forastera vassalls de dit Rey Catolich, las haziendas de las quals puguen esser confiscades, donant plena prova entregants aquells en ma y poder del magnifich Regent la real Thezauraria, y feta la dita confiscatio los manara donar y pagar encontinent la quarta part de dits bens y joyes de or y plata diners y altres credits. E perque les dites cosas etc ».
[53] ACA Cancilleria, Intrusos 143 (fol.121-122), Crida pública attribuant aux dénonciateurs des criminels de lèse-majesté le quart des biens meubles confisqués du coupable, 11 avril 1646 (Henri de Lorraine, comte d’Harcourt) ; décision à rapprocher du contexte de la conspiration de 1645 : voir infra Deuxième partie, I. 2. Sous la vice-royauté du duc de Mercoeur, le 29 octobre 1650, une dernière étape sera franchie en attribuant aux dénonciateurs des meubles 1/8 des revenus des biens meubles ET immeubles (ACA, Cancilleria, Intrusos 143, fol.239v-240). Voir infra : Troisième partie, II. 2.
[54] Jordi Vidal i Pla (Guerra dels Segadors i crisi social…, p.62) parle en premier de la prestation de serment de Louis XIV en 1643, qui ne semble cependant pas avoir eu lieu. Le décès de Louis XIII, quelque mois après le début de la prestation des Catalans en janvier 1643, et avant la fin des cérémonies, obligeait cependant à le refaire pour le nouveau souverain : d’où peut-être la confusion ?
[55] SANABRE, p.273.
[56] SANABRE, p.274.
[57] AMAE, CP Espagne Supplément 4 (fol.466-482), Iuramentum fidelitatis S. Christianissimae Regiae Maiestati Domini nostri Regis, et eius nomine, excellentissimo dominu Locumten. Generali in Civitate Barcinonae praestitum per incolas Principatus Cathaloniae, et Comitatuum Rossilionis et Ceritaniae. Barcinonae, ex Typographia Petri Lacavalleria, Anno M.DC.XXXXIV (imprimé). Les personnes convoquées sont les nobles en leur nom, ou leur procureur, les ecclésiastiques d’importance comme les évêques, abbés et chanoines, et les syndics ou représentants des communautés.
Nous donnons une reproduction de ce document (Document n°27) et un commentaire infra : Deuxième partie, I. 1.
[58] La liste imprimée que nous venons de citer a été annotée de la main du chancelier Llorenç de Barutell, probablement à l’intention d’un ministre français ou du cardinal Mazarin lui-même. Notons d’ores et déjà qu’un grand nombre de personnes portent, ajoutée manuscritement, les mentions « sospechoso » ou « con el enemigo ».
[59] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.156v-158), Ordre de comparaître devant la cour aux évêques de Girona, d’Urgell, de Vic, de Solsona, le châtelain d’Amposta, Antonio Magarola camérier du monastère de Sant Cugat del Vallès, les abbés de Serrateix, et de Sant Pere de Besalu, Melchior Palau archidiacre, légitimement cités et n’étant pas comparus pour prêter le serment de fidélité, sous peine de prononcer contumace et d’administrer la justice contre leurs biens (après supplique du procureur fiscal), 11 avril 1643.
[60] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.158-158v), Ordre de comparaître devant la cour à plusieurs nobles ne s’étant pas présentés au serment de fidélité, sous peine de prononcer contumace et d’administrer la justice contre leurs biens (après supplique du procureur fiscal), 11 avril 1643.
[61] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.152v-153), Brevet de don à Isidoro de Pujolar des biens de Ramon Xammar, de Perpignan, 10 octobre 1642 (enregistré entre un acte du 25 mars 1643 et un autre du 5 août 1643).
[62] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.158v-159v), Ordre au procureur fiscal de la Regia Cort d’appliquer la sentence de saisie aux biens de plusieurs grands seigneurs en Catalogne, 11 avril 1643.
[63] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.253-253v), 9 octobre 1643.
[64] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.252v-253), 10 octobre 1643.
[65] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.259v-261), 14 octobre 1643.
[66] POUJADE, Patrice, Une vallée frontière dans le Grand Siècle : Le Val d’Aran entre deux monarchies, Pyrégraph, 1998, p. 188-202.
[67] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.32v-34), Crida publica à comparaître sous dix jours à différents habitants du Val d’Aran : Lluis de Toralla, fils de Jacint de Toralla, Pere Amoros de Vielha, Barthomeu Benosa dit de Juancich de Bossost, Josep Benosa de Gausach et son frère Joan Benosa de Canejas, Rafel Subira seigneur d’Arros, Ramon Joan Cau de Benosa, baron de Lés et son fils Ramon Cau, Steve Sangermes fils aîné du batlle de Vinya, Barthomeu Brugarol, notaire, Barthomeu de Arnaudet de Vielha, T. Pasqual, juge du Val d’Aran, Blasi Bayxes, T. Pobig, étudiant, Josep Santgermes et Joan de Lusca de Benos, « tots naturals de dita vall de Aran del present Principat de Cathalunya han obrat mal y preses les armes y fetes moltas y diverses hostilitats contra Sa Magestat y del Principat anant y conspirant ab los enemichs de aquells, cometent y perpetrant crim de Leza Magestat en lo primer cap » (suivant provision par Josep Orlau le 5 mai 1643), 11 mai 1643.
[68] ACA Cancilleria, Intrusos 143 (fol.38v-39v), Crida publica contre différents habitants du Val d’Aran, disant que n’étant pas comparus dans le délai de 10 jours qui leur était imparti, par sentence royale et du royal conseil, ils sont déclarés rebelles, traitres et infidèles, criminels de lèse-majesté, et leurs biens confisqués et appliqués aux coffres de Sa Majesté, 16 juin 1643.
[69] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.340-346v). Voir commentaire infra Première partie, III. 3 ; et édition (Document n°26).
[70] POUJADE, Une vallée frontière…, p. 202. Voir la liste des exilés du Val d’Aran aux pages 216-217.
[71] BNF, Français 4168 (fol.21v-22), Lettre du Roy a M. le marechal de la Motte sur le serment du roy et le pouvoir de viceroy de Catalongne, de Paris, 15 mai 1643. Le pouvoir date du lendemain (BNF, Français 4168, fol.20v-21v, Pouvoir a M. le Marechal de la Motte de recevoir le serment de fidellite des vassaux et subjectz du Roy en Catalongne Roussillon et Cerdagne a cause de son advenement a la couronne, de Paris, 16 mai 1643). Daniel Aznar (« Gloria y desgracia… », p.221) explique que, officiellement, La Mothe, confirmé dans l’estime de la régente, entamait un second mandat de vice-roi.
[72] SANABRE, p.277-278.
[73] AMAE, CP Espagne Supplément 4 (fol.466-482).
[74] AZNAR, « Gloria y desgracia… » p.212-216.
[75] BNF, Français 4168 (fol.42-42v), Lettre de M. Le Tellier a M. le marechal de la Motte, de Paris, 20 mai 1643.
[76] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p.223-224.
[77] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p.229-230.
[78] SANABRE, p.279.
[79] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.46-47), Crida pública citant à comparaître sous dix jours Lluis de Peguera et Josep de Pinós afin de répondre de leur crime de lèse-majesté (sur provision de Josep Orlau du même jour), 8 août 1643. Lluis de Peguera est un homonyme et lointain parent du célèbre juriste.
[80] BNF, Français 4199 (fol.1-5v), Memoire envoyé a M. de La Motte, 19 novembre 1643.
[81] SANABRE, p.281.
[82] SANABRE, p.282-283. Ces « expulsions » étaient en fait des départs plus ou moins volontaires, La Mothe attribuant un passeport permettant de sortir de Catalogne pour se rendre dans un lieu, comme Gênes.
[83] Lluis Descallar i Desbach, seigneur de Besora, Montesquieu et autres baronnies situées à mi chemin entre Ripoll et Vic dans la comarca d’Osona, est issu de l’une des plus anciennes et nobles familles de Catalogne. Ancien portant veus del gobernador general de Catalunya, étroitement liées à plusieurs familles prenant notablement le parti d’Espagne entre 1642 et 1643 – il a épousé en premières noces Maria de Rocabertí i de Pax, fille du comte de Peralada, et en secondes noces Alvira de Sarriera i de Sarriera, dont le frère Diego a épousé sa propre fille Cecilia Descallar i de Rocabertí – il mena avec son frère Francesc, marié à Magdalena d’Oms, l’essentiel de la résistance armée à la France dans les régions de Ripoll, Vic et Girona. LAZERME, t.II, p.53.
[84] Après la citation à comparaître du 15 avril 1644 (ACA, Cancilleria, Intrusos 143, fol.78-78v), il est déclaré criminel de lèse-majesté par sentence du 2 mai 1644, et ses biens confisqués ; crida du 6 mai 1644 (ACA, Cancilleria, Intrusos 143, fol.82v-83v).
[85] ACA, Cancilleria, Intrusos 125 (fol.23-23v), Ordre au trésorier Jaume Bru de payer 53 livres barcelonaises 15 sous à Pere Lacavalleria pour 150 copies « de les crides grandes publicades contre los mal affectos », 200 copies de celles contre ceux qui fabriquent de la monnaie, 300 de celles de la prohibition du commerce avec les ennemis, 23 mars 1644.
[86] AMAE, CP Espagne 21 (fol.75-75v), Pardon du Roy en Cataloigne, donné à Saint-Germain-en-Laye, 25 avril 1643 (latin).
[87] AMAE, CP Espagne 21 (fol.83), « Noticias de Cataluña », 8 juillet 1643.
[88] AMAE, CP Espagne 21 (fol.117-118), octobre 1643.
[89] AMAE, CP Espagne 21 (fol.119-125v), Copia de la respuesta an echo los enemigos (en nombre de los Jurados de la villa de Empúries) a la carta enviada a los pueblos de Cathaluna el Sr. Mariscal de La Motte traduzida de Cathalan en Castellano, 2 novembre 1643.
[90] AMAE, CP Espagne 21 (fol.119-125v). « Que assi mismo remetia a las universidades, comunidades y particulares personas que durante estas inquietudes, o turbaciones, an ocupado y tomado a sus manos qualesquier cosas, effectos, o dineros de Su Magestad o de su Patrimonio, toda la accion que le competia para cobrallo, y ponia silencio perpetuo al Procurador fiscal para que jamas se los ne pudiesse pedir quanta ni repetillo ».
[91] AMAE, CP Espagne 21 (fol.119-125v). « Para confiscar haziendas, en oponer ques mal affecto, se alcansa ; para eximirse los religiosos de las obligaciones de su estado, y de prelados observantes, que les quieren corregir o castigar de sus culpas, en allegar que son malaffectos, consiguen en querer hazer callar a los muy Illustros Señores Deputados y Concelleres de Barcelona y ansi mismo otros padres de republica, que descargan sus conciencias ; con querer librar a los pobres gentes opressos de las vexaciones de los franceses y sus ministros, en ponerlos delatores que les conducen por mal affectos, an de serrar [sic] los labios, para quitar vidas, honras, y vengarse ; el medio de mal affecto es lo uniquamente poderoso que no ay estado en el ecclesiastico, desde la mitra a la espargata del mas pobre fraile, que no publique esta sacrilega violencia, no la ay en el militar desde la corona ducal, a la mas pobre salada, que no se aga lenguas, en manifestar la conspiration, excitando el pueblo contra dellos, sus estados, reputacion y vidas ; no la ay en el Real desde la nobilissima Ciudad de Barcelona al lugar mas anejo, y desde el marcante mas rico al mas pobre, que no grite al cielo y clame por la oppresion, que en libertades, honras, vidas y haziendas por manos de los franceses y sus ministros injustamente padecen : pidiendo effectuosamente contra ellos vengansa ».
[92] AMAE, CP Espagne Supplément 4 (fol.297-297v), 14 octobre 1643, Pardon général accordé par le roi d’Espagne aux Catalans, donné à Saragosa, 14 octobre 1643. En effet, ce document semble faux au regard d’un pardon (réel) accordé par Philippe IV aux Catalans le 25 avril 1644, mais non pas général car destiné seulement à ceux qui se soumettront (SANABRE, p.254) ; et si on pense aussi qu’après 1652 aucun pardon général n’aura lieu, contrairement aux pactes de reddition de Barcelona accordés par les Espagnols après le siège ultime (SANABRE, p.552).
[93] ACA Cancilleria, Intrusos 143 (fol.66-66v) , Crida publica du Maréchal de La Mothe accordant aux habitants de la baronnie d’Orcau, saisie suivant la conclusion du conseil royal du 30 janvier 1644, pardon et rémission de touts les crimes et délits « fents en lo mes de octubre proppassat que en nom de Sa Magestat fou presa possessio de aquella, salvo empero y exceptats los crims de leza magestat divina y humana, sacrilegis, assessinos, lladres de pas, fabricadors de falsa moneda, homicidas proditoris y altres qualsevols per generals constitutions y drets del present Principat y Comtats remetrer nos poden », 30 janvier 1644.
[94] AMAE, CP Espagne 21 (fol.171), « Noticias de Cataluña », 3 février 1644.
[95] AMAE, CP Espagne 21 (fol.172), « Noticias de Cataluña », 8 février 1644.
[96] SHD, A1 71 (n°150), Commission d’intendant de Perpignan pour M. des Yveteaux, maître des requêtes, 12 octobre 1642 (minute).
[97] AMAE, CP Espagne 22 (fol.331-331v), Lettre de Chavigny à La Mothe, 19 décembre 1642.
[98] Denis Le Goux de La Berchère (v.1612-1681), maître des requêtes, fils d’un premier président au parlement de Bourgogne et lié par sa mère à la puissante famille Brûlart, arrive en Catalogne en septembre 1643 comme intendant des armées à la suite d’Argenson. Sur place, il se montre plus discret et moins ambitieux que son prédécesseur qui avait transformé sa charge d’intendant des armées en quasi vice-roi ; mais il s’oppose au maréchal de La Mothe, dont il devient l’un des ennemis, et l’historiographie le tient pour l’un des responsables de sa chute. Il quitte la province en avril 1644 avant l’arrivée de Pierre de Marca qui lui succèdera dans une grande partie de ses attributions, bien que portant le titre de « visiteur général ». Par la suite, il exercera différentes intendances, avant d’être en 1653 premier président du Parlement de Dauphiné. AZNAR, « Gloria y desgracia… », p.225, 230 et 233.
[99] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.340-346v), Liste (non datée et anonyme) des biens confisqués en Catalogne et Roussillon. Pour l’explication de la datation que nous proposons (1643) et un commentaire approfondi de ce document, se reporter infra (Première partie, III. 3).Voir son édition en annexe : Document n° 26.
[100] « La perfecta reciprocitat d’interessos entre La Mothe, Margarit, Barutell i els altres personatges que es van integrar en el “partit“ del virrei, constituïa de fet la clau de volta de la unió política francocatalana ». AZNAR, Daniel, « La Catalunya borbònica… », p.268.
[101] AMAE, CP Espagne 21 (fol.154-155), Memoire contre M. d’Argenson. 1643 (titre et date ajoutés). Document commenté au paragraphe précédent.
[102] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.337-338). Le document est aussi commenté au paragraphe d’avant.
[103] LAZERME Inédit (Sangenís). Resté à Barcelona après le siège, le 12 août 1654 Francesc Sangenís i Mas épousera par contrat devant Barthomeu Pla, notaire de Barcelona, Brianda Romeu i Modolell, sans postérité. Il mourut dans les années 1670.
[104] BNC, Saud.Fol.47, 1., Francesc Capdeport, botiguer de robes, contra Mònica Spi y Francesc Santgenís, droguer y perfumer (procès), 1631.
[105] Ses livres de compte en tant que négociant sont conservés à la Biblioteca Nacional de Catalunya, dans le fonds des marquis de Saudín, descendants de la famille Sangenís (BNC, Saud.Fol.243, 245, et 246).
[106] Elisa Badosa, qui a consacré une partie de son article sur les patrimoines barcelonais dans la première moitié du XVIIe siècle à Cristòfol Sangenís, soutient que Francesc et Cristòfol n’ont pas de lien de parenté ; les recherches de Ph. Lazerme à partir des archives notariales de Barcelona montrent qu’ils sont frères. BADOSA i COLL, Elisa, « Negocis, patrimonis, préstecs i rendes a Barcelona entre 1600 i 1652, a partir dels inventaris post mortem », dans EHDAP (Fundació Noguera), XXV, 2007, p.289.
[107] BADOSA, « Negocis… », p.289.
[108] Cristòfol Sangenís épouse en 1647 Maria Borrell, fille d’un riche marchand qui lui apporte 3000 livres de dot en argent, et 2000 en rentes constituées. Sangenís, qui a déjà acheté plusieurs maisons à Barcelona depuis 1642, s’installe avec sa famille dans le prestigieux carrer Moncada. BADOSA, « Negocis… », p.290.
[109] Dietaris…, vol. V, p.1232.
[110] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.27-29v), Donation en franc alleu à Christophol Sengenis, mercader de Barcelona, du moli real de la polvora (« molendinum sive domos in quibus constructum est molendinum ad fabricandum pulveres suplhureos volgo vocatum lo moli de la polvora »), avec toutes appartenances, construit par ordre royal « fora i prop los murs de la ciutat de Barcelona », 15 avril 1643.
[111] Dietaris…, vol. V, p.784.
[112] Dietaris…, vol. V, p.915.
[113] Dietaris…, vol. V, p.998.
[114] SANABRE, p.96.
[115] Dietaris…, vol. V, p.1191. Cette fonction avait pour but d’inspecter périodiquement les officiers royaux au cours d’une « visite » qui se faisait aux dépens de la Generalitat (FERRO, p.507).
[116] Dietaris…, vol. V, p.1344. La provision date du 30 juillet 1642, soit le même jour que celle de Rafel Antich (ACA, Cancilleria, Intrusos 126, fol.66-67, lettres de mise en possession du séquestre précisant cette date).
[117] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.158v-159v), Ordre du vice-roi, sur supplique du procureur fiscal de la Regia Cort, que la justice soit administrée contre les biens du comte de Santa Coloma de Queralt, etc., 11 avril 1643.
[118] Dietaris…, vol. V, p.1344. Il en signera une quittance aux députés le 17 août 1643.
[119] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.154-156v), Etablissement de Francesc Sangenís, Ciutadà honrat de Barcelona, comme recouvreur, administrateur de tous les biens et rentes confisqués dans le Principat de Catalogne, 22 juin 1643.
[120] AMAE, CP Espagne 21 (fol.154v).
[121] « Exactionem, receptionem, collectionem, et administrationem omnium, et quorumcumque bonorum, fructuum, iurium, reddituum, et emolumentorumque in presenti principatu Cataloniae, et comitatibus Rossilionis, et Ceritaniae existentium, regio fisco additorum, confiscatorum, et applicarotum » (ACA, Cancilleria, Intrusos 113, fol.154).
[122] Id. ref., (fol.156v).
[123] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.252v-253), Commission à Joan Curus, procurador fiscal de la regia cort, pour prendre possession des comtés de Santa Coloma, de Guimerà, et de Erill au nom de S.M., 10 octobre 1643.
[124] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.163v-168), Nomination de Miquel Francesc Prat i Senjulià comme gouverneur du comté de Vallfogona et vicomté de Canet, confisqués et attribués au fisc royal, 25 août 1643.
[125] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.244v-245), Mandement à Francesc Sangenís, sequestrador dels bens confiscats, pour donner à Clemencia de Armengol, veuve d’Anton de Armengol, baron de Rocafort, 200 livres, sur les premières sommes qu’il recevra (le 22 juin 1643, Ramon de Guimerà, sequestrador de les rendes i emoluments del comtat de Guimerà, avait reçu un premier mandement afin de payer 300 livres de la pension de la dame, il a donné 100 livres, mais il ne collecte plus ces rentes par abolition du séquestre), 16 décembre 1643.
[126] Dietaris…, vol. V, p.1360. « Per constitucions del present Principat y, en particular, per las constitucions posades baix del títol “Que novells officials no sien posats”, està prohibit tota creació de officials nous, y que, en cas que sien creats, són tinguts per revocats. Y que los tals officials provehits sien haguts per privats de llurs officis, y tots actes que aprestaran sien nul.los. E com per lo senyor virrey sie estat a vostra mercè concedit privilegi de exactor, recepetor, col·lector y administrador de tots y qualsevols béns, fruyts, drets rèdditus y emoluments en lo present Principat de Cathalunya y comtats de Rosselló y Cerdanya, existents al real fisch de sa magestat, confiscats y aplicats, ab facultat de crear y nomenar qualsevols officials per dit effecte necessaris, defensant y mantenint los drets y regalias reals. Lo qual privilegi fonch concedit a 22 de juny 1643. Lo qual privilegi és contra las generals constitucions del present Principat. Per ço, lo síndich del General requereix a vostra mercè y interpella no’s vàlega del dit privilegi real ni use de las facultats y poders en aquell concedides, sots decret de nul.litat de tots los actes, per ésser official nou prohibit per constitucions. Altrament, protesta de tot lo lícit de protestar. Requirens et cetera.
Die martis, XXVII januarii MDCXXXXIIII ».
[127] SANABRE, p.283.
[128] Dietaris…, vol. V, p.1361.
[129] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.293), Confirmation des provisions de Francesc Sangenís par le vice-roi, 15 février 1644.
[130] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.69-69v), Ordre à Francesc Sangenís de signer toutes les lettres de change des créditeurs des biens confisqués comme l’accoutumaient les anciens séquestres, 13 mars 1644. « […] Manant al ill.e mestre racional de la casa i cort de sa mag.at i a son lloctinent i a altro qualsevol che de vos compte oira per rao de les demunt dites firmes, che posant en data de vostres comptes, achells vos pasen, i admetien en legitim descarrec a sola restitucio del present sens mostrar altros recaptes, cho axi come al servey de sa magestat ».
[131] ACA, Cancilleria, Intrusos 127 (fol.15-15v), Ordre à Jaume Bru de payer 21 livre 12 sous à Francesc de Tamarit « de pensions degudes y pagar cessades en los anÿs mil siscents quaranta hu y quaranta dos per raho de un cençal de pençio deu lliures setse sous que dit de Tamarit reb cascun anÿ en lo mes de desembre sobre la heretat y bens de dit Hiacÿntho Sala »., 24 février 1643.
[132]ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.299-299v), Ordre à Francesc Sangenís, receveur des biens confisqués, de payer 1000 livres au chancelier Llorenç de Barutell « per gracia special que delles li haviem feta en part de remuneratio dels serveÿs continuos ha fet y fa a sa mag.t », 10 février 1644.
[133] AMAE, CP Espagne 21 (fol.494-496v), Mémoire de Rafel Sitjar, s.d (daté au début de l’année 1644 vu l’absence de Fontanella en janvier-février 1644, remplacé par Queralt comme Régent) ; voir commentaire de ce texte au paragraphe suivant.
[134] Dietaris…, vol. VI, p. 113.
[135] En l’absence de Fontanella, envoyé par les Consistoires aux conférences de paix de Münster, le docteur Josep Queralt occupe sa place par intérim.
[136] SHD, A1 71 (n°157). Voir édition : (Document n°1).
[137] Le 9 juin 1642, au camp devant Perpignan, Louis XIII ordonnait de confisquer le duché de Cardona ; l’acte original, aujourd’hui perdu, a été transcrit (ou plutôt traduit en catalan) dans les registres de la municipalité de Cardona, dont Serra i Vilaró donne un extrait : la confiscationa lieu « perquè la duquessa de Cardona habita en terres del rei de Castella, i que té al Principat de Catalunya el ducat de Cardona i altres molts llocs i jurisdiccions, béns i drets dels fruits dels quals presta auxili als seus enemics i fasse altres coses contra dit senyor, i dit Principat, i també perquè, l’egregi Pere d’Aragó amb exèrcit, com a enemic, invadeix el Principat i, semblablement, Vicenç d’Aragó i de Cardona ». Par le même acte il nommait comme séquestre Francesc de Vilalba. Ce dernier, le 24 juillet 1642, avait déjà pris possession de ses fonctions, date où il mandait au batlle de la ville de Clariana, dépendant du duché, de comparaître devant lui. SERRA I VILARÓ, Joan, Història de Cardona. Llibre I. Els senyors de Cardona, Tarragona, Sugrañes, 1966, p.513-514.
[138] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.210.
[139] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.86v-87v), Lettres patentes de don au maréchal de La Mothe le duché de Cardona, donné à Versailles, octobre 1642 (enregistré dans les registres de la chancellerie entre un acte du 18 mars 1643 et un autre du 23).
[140] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.84v-85), Fondation de procureur pour prendre possession du duché de Cardona au nom du maréchal de La Mothe (en vertu des lettres patentes d’octobre 1642) et recevoir le serment de fidélité des vassaux en la personne de Louis de Niort de Bélesta, 23 mars 1643.
[141] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.133-133v), Lettres exécutoires pour la prise de possession du duché de Cardona, 25 mars 1643.
[142] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (146-147v), Commission à Joan Curus, procurador fiscal de la regia cort, de prendre possession des états et biens de la duchesse et duc de Cardona, 6 avril 1643.
[143] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.176-176v), Commission à Onofre Quintana, procurador fiscal de la regia cort, substitut de Joan Curus, pour prendre possession du duché de Cardona, 11 mai 1643.
[144] ACA, Cancilleria, Intrusos 129 (fol.182-183v), Provision de mise en possession du duché de Cardona en faveur du maréchal de La Mothe, 21 octobre 1648 (l’acte fait référence à la substitution de procureur qui avait eu lieu le 29 mai 1643 de Louis de Niort de Bélesta à Pere Roca, par acte passé devant Anton Joan Fita, notaire ; Pere Roca était encore le procureur du maréchal de La Mothe en 1648 lorsqu’il revint de sa disgrâce et se vit rendre le duché).
[145] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.313v-314), Ordre à Francesc Sangenís, receveur général des biens confisqués, de payer à Louis de Niort de Bélesta 640 livres 13 sous pour les dépenses du voyage en Roussillon et Cerdagne afin de faire l’arrendement des biens confisqués aux mal affectes, 12 mars 1644.
[146] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.149v-150), Ordre au trésorier Jaume Bru de remettre le bijou saisi le 30 mars au couvent des Carmélites dans les mains du vice-roi, 7 avril 1643.
[147] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p.223-224.
[148] ACA, Cancilleria Intrusos 126 (fol.178-178v), Ordre à Jeroni de Tamarit i Tafurer, séquestre des biens du duc de Sessa, de verser 2600 livres au trésorier (par intérim) Garau de Alemany, pour le salaire du vice-roi, 16 mai 1643.
[149] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.198-199), Ordre à Francesc Sangenís, sequestrador de les rendes y emoluments del comte de Santa Coloma, de donner au trésorier Garau de Alemany 2000 livres monnaie de Barcelona pour le salaire du lieutenenant capitaine général, 18 juin 1643. Ce n’est que plus tard que Sangenís sera nommé receveur général des biens confisqués.
[150] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.56v-57), Ordre au trésorier Jaume Bru de payer 7700 livres au vice-roi pour un an de son salaire impayé depuis le 25 juin 1643, 9 janvier 1644.
[151] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.104-104v), Ordre à Sangenís de payer 2000 livres au vice-roi pour son salaire de 1644, 4 avril 1644.
[152] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252v). Relation del estado de Cataluña desde la salida hasta a la buelta a su Principado del Illustrisimo señor de Plessis Besançon, s.d (fol.247).
[153] AMAE, CP Espagne 21 (fol.477-477v), Mémoire catalan, en castillan, concernant les dettes des ducs de Cardona envers la Generalitat et la saisie du duché (« Touchant le procez du duc de Cardonna et de la pn.pauté », écriture personnelle d’Hugues de Lionne), s.d.
« Que de los dineros que saldrian de la venda de la sal de Cardona se hizieran tres partes, y que las dos fuessen para los gastos vigentes de su Mag.d y que otra tercera parte fuesse por la paga del que se devia al general de Cathaluña asta que fuesse pagada la dicha deuda de 7375 l. 1 s. 4.
Y este concierto firmaron el Chanciller, el Abogado fiscal de su Mag.d y otro llamado Queralt.
Despues de todo esto hizo su Mag.d merced al señor Mariscal de La Motte del ducado de Cardona, con todas sus pertinencias, y derechos, y en virtud desta donacion pretende dicho señor hazer restituir al general las dichas 7375 l. 1 s. 4 que tiene recibidas por paga de la deuda sobredicha, con achaque de que dicha deuda es injusta, y no devida a dicho General ».
[154] AMAE, CP Espagne 21 (fol.477-477v). « Se puede muy bien considerar que siendo el Chanciller, y avogado fiscal hombres doctos, y tan zelosos del servicio, y interes de su Mag.d no huvieron dicho concierto sino huvieran visto clara la justicia de los Deputados. Mas que haviendo dichos Ministros en nombre de su Mag.d concertado con los Deputados antes que el Rey nro. Señor hiziera merced de dicho Ducado al señor de la Motte quando la hizo ya estava esto dado, y por consiguiente no fue intencion de su Mag.d darlo ni podia hazerlo (salva su Real Autoridad) ni el señor de La Motte adquirir el dicho ni dominio de semejante manera haunque de otra manera parteneciera a dicho ducado ; y supuesto que no tiene justicia su peticion, pero ni haun lugar ».
[155] AMAE, CP Espagne 21 (fol.477-477v). « Añadese a lo sobre dicho que esto es querer directamente chocar a todo el Principado, y buscar su disgusto, queriendo hazerle restituir y desembolsar lo que con trato y concentimiento de los ministros de su Mag.d an recibido con titulo de justa deuda, y la verdad es que escrupulear mucho en lo menudo en ocasion que gasta el Principado tantos millones por el servicio de su Mag.d, querer sin cumplida y clara justicia obligarle a que restituya o entretenga en pleytos de niñerias como esta.
Adiuto que parece mal que haviendo el Principado libremente dado a su Mag.d el dicho ducado para que tuviera mejor con que premiar en aquella provincia los servicios del señor Mariscal de La Motte ; despues de tener este señor el titulo, y mas de treinta mil escudos de renta de dicho ducado, pide con tanta instancia siete mil Libras a aquellos que an sido causa que el tuviera mas de treinta mil de renta ».
[156] SANABRE, p.283.
[157] SHD, A1 77 (fol.115-115v0), Autre lettre du Roy audit sieur Marechal de la Motte, 31 octobre 1643.
[158] AMAE, CP Espagne 21 (fol.481-481v0), Supplique des moines de Montserrat demandant l’exécution du don sur les rentes du sel de Cardona (copiée de la main de Pujolar et probablement traduite par lui), s.d.
[159] Voir cet épisode infra : Deuxième partie, III, 1.
[160] AMAE, CP Espagne 21 (fol.170), Lettre de Margarit à Mazarin, 30 janvier 1644. « Seria ser ingrato a los buenos serbicios que ha hecho monsieur Dox a esta Provincia, en las materias que se han ofrecido al serbicio de Su Magd. Dios le guarde si dellos no dava esta noticia, y certitud a V. Em.a como assigurarle que su condicion es muy propria para nuestra nacion, que ansi por ser muy amable, como por ser deudo del sor. de Argenzon dueño de nuestros coraçones, en gratidud de las muchas finezas que ha obrado por esta Provincia, le assiguro que todos lo respetavan y amavan, y ques para tratar, y aquietar disgustos entre los soldados, y paysanos nadie puede ser mas a proposito que el […] ».
[161] AMAE, CP Espagne 21 (fol.186), Copie d’une lettre de Juan del Prado à Margarit, 15 mars 1644, portant l’inscription de la main d’Hugues de Lionne : « Copie de la lettre contre l’agent de Catalongne ».
« Se de cierto que el agente que tienen los deputados y consejeros en la Corte de Paris que se llama Pujolar que antes fue secretario en la corte de Madrid ha quedado aca con alguna correspondencia y que por el tienen aca noticia de lo que se hase en Paris y ultimamente se que ha avisado que entre los principes ay alguna desunion y que se esperan grandes revoluciones entre ellos…. ».
[162] AMAE, CP Espagne 21 (fol.195), Lettre de La Mothe (à Mazarin ?), 30 mars 1644 (jointe à cet envoi, la copie d’une lettre – dont l’original a été envoyé à Le Tellier – censée prouver que Pujolar a des intelligences avec les ennemis).
[163] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.268.
[164] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.208v-209), Lettres patentes donnant à Francesc de Boxadors la baronnie de Bellpuig, septembre 1643 (transcription). Bellpuig, comarca d’Urgell, province de Lleida.
[165] Francesc de Boxadors i de Rocabertí, comte de Çavellà (aujourd’hui Savallà del Comtat, comarca de Conca de Barberà, province de Tarragona) et seigneur de la baronnie de Vallmoll, était le fils Joan de Boxadors i de Pax, comte de Çavella, et d’Isabel de Rocabertí i de Pax, sœur du comte de Peralada qui prit le parti des Espagnols. Il épousa le 26 avril 1642 (par contrat devant Francesc Pons et Pere Llunell, notaires de Barcelona) Maria de Blanes i de Sentmenat, fille de Ramon de Blanes, comte de Centellas. Il mourra en 1644 lors de la perte de Lleida par La Mothe, laissant sa veuve héritière de tous ses biens. LAZERME Inédit (Boxadors).
[166] AMAE, CP Espagne 26 (fol.50-62v), Disposicion del Estado de Catalunya, (1643). Nous estimons cette date mais le texte n’est pas daté. Nous l’attribuons à Ramon de Bas le fils ; voir un commentaire de ce texte infra : Première partie, II. 3. Edition du document en annexe : Document 33.
[167] AZNAR, « Gloria y desgracia… », p.235.
[168] AMAE, Mémoires et Documents France 1744 (fol.212-218v), Relation des combats faits le XXVI et le XXVIII du mois de mars 1642 par M. de la Motte Oudancourt, contre une grande partie de l’Armée de Castille, mars/avril 1642.
[169] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.208v).
[170] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (f207-208), Lettres exécutoires en faveur de Francesc de Boxadors pour prendre possession de la baronnie de Bellpuig, avec transcription du serment prêté par ce gentilhomme, 3 octobre 1643.
[171] AMAE, CP Espagne 21 (fol.167-168), Responce de l’agent a la deputation (inscription de la main d’Hugues de Lionne), 22 janvier 1644 (copie de sa lettre par la main de Pujolar). « He quedado mas que pasmado que haviendo siempre recebido cartas de agradacimiento de V.S. dandose por bien servido digna diligencia en ocasion que con el mismo desvelo estava continuando mi servicio aya recebido la de V.S. cosa que me obliga suplicarlo mande reparar en lo que les ha tan sinistramente informados, en las sircunstancias y este fin, que segun veo las consequensias falsas tengo por evidentes que el formal de las premissas era malicia. Culpandome por haverme echo su Magd. merced del privilegio de noble, y de una hazienda en Rosellon, en esto digo que porque mis servicios echos antes de ser Agente deste Illustro Consistorio (que son tantos y tales quales V.S. y muchos otros saben) no quedasen mal logrados pidi expresamente licencia al Sr. Deputado Eclesiastico, y señor consejo en cabo de Barcelona en el mes de setiembre 1642 quando fui a llevar el privilegio de Virrey al ex.mo Sr Mariscal de Breze La Motte [sic], pera pidir alguno premio dellos, los quales me hizieron merced en consedirmelo, y esto solo podria bastar por disculpa. Y porque veya V.S. el engaño del qui les ha informado digo que la merced que Su Magd. fue servido hazerme de la hazienda confiscada, fue a los 4 de abril 1642 en tiempo que haun no era agente de V.S. pues me hiziera merced de nombrame a 2 de mayo 1642 de dicho año y en la misma ocasion me hizo tambien merced de la noblesa, que de otra manera Su Magd. huviera echa ni yo acseptada por no tener de que sustentarla.
[…] En lo de haver echo negocios por particulares, por muchos lo he echo con orden de V.S. y de los Sres. Conselleres, y pues los demas no an impedido el quedar V.S. servido con la devida puntualidad, y diligencia como V.S. me a siempre escrito, no veo que cargo se me puede hazer desto ».
[172] « Y es muy gravamente ofender la buena intencion y enteresa destos señores ministros superiores imponerles tal cosa que por ser tan afecto al buen govierno y satisfacion conservacion de V.S., no puede ningun buen Patricio ni bien afecto de Cathaluña himaginar que ni por esso ni otros medios quieren corromper la libertad nostra ni de ninguno » (fol.168).
[173] AMAE, CP Espagne 23 (fol.433-433v), Lettre de Ramon de Guimerà à Mazarin, 2 novembre 1643. Voir édition (Document n°32).
[174] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.244v-245), Mandement à Francesc Sangenís, sequestrador dels bens confiscats, pour donner à Clemencia de Armengol, veuve d’Anton de Armengol, baron de Rocafort, 200 livres, sur les premières sommes qu’il recevra (le 22 juin 1643, Ramon de Guimerà, sequestrador de les rendes i emoluments del comtat de Guimerà, avait reçu un premier mandement afin de payer 300 livres de la pension de la dame, il a donné 100 livres, mais il ne collecte plus ces rentes par abolition du séquestre), 16 décembre 1643.
[175] AMAE, CP Espagne 21 (fol.136-137), Lettre de Ramon de Guimerà à Pujolar, 16 novembre 1643.
[176] AMAE, CP Espagne 23 (fol.415), Lettre de Francesc Joan de Vergós à la reine, 6 octobre 1643.
[177] AMAE, CP Espagne 23 (fol.416), Lettre de Francesc Joan de Vergós à Chavigny, 16 octobre 1643. « El aguardar a que Su Mag.d declarasse su Real Animo en el modo de honrar a los Vassallos que en este su Principado sirven a su Real Corona, me ha detenido de no ampararme hasta ahora baxo el favor de V.a Ex.a pero suppuesto que ja Su Mag.d (Dios le G.de) ha hecho merced al Conde de Savella del Estado de Belpuche que fue del Duque de Sessa y vale cada anyo ocho mil y quinientos escudos de renta, y se tiene por la mas probachoza de las que tenia su Mag.d que hazer en este Principado, me ha avivado el animo para supp.car a V.a Ex.a sea servido quererse amparar de mi como a quien mas necessita de su favor y assi mesmo quiera tomar baxo de su protection mis pequenyos servicios (que sino son mas desdichados) creo sin duda que no seran menores como mejor V.Ex.a sabe y jo me offresso a dar entera y autentica informaçion de todos ellos si a V.a Ex.a le parece que necessite de inbiarla, por lo que me he rezuelto que se de a Su Mag.d por mi parte un Memorial cuya copia podra V.a Ex.a mandar verla esse papel ».
[178] AMAE, CP Espagne 23 (fol.441), Minute de lettre (de la main d’Hugues de Lionne) à Francesc Joan de Vergós, novembre 1643.
[179] AMAE, CP Espagne 23 (fol.443-443v), Lettre de Vergós à Chavigny, 9 décembre 1643.
[180] AMAE, CP Espagne 24 (fol.24), Minute de lettre (de la main d’Hugues de Lionne) à Josep Miquel Quintana, l’assurant qu’on prend en compte ses services, 25 mars 1644. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
[181] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.202-202v), Ordre à Sangenís de payer 1000 livres par an pendant deux ans aux chanoines d’Urgell, sur les revenus des baronnies d’Estach et Peramola confisqués à la comtesse de Quirra, 24 septembre 1643 (conformément au brevet donné par Louis XIII à Saint-Germain-en-Laye le 25 avril 1643).
[182] AMAE, CP Espagne 24 (fol.2), Lettre du chapitre d’Urgell (à Chavigny ?) signifiant l’envoi à Paris du chanoine Chiavari comme représentant, 9 janvier 1644.
[183] AMAE, CP Espagne 31 (fol.173), Mémoire des chanoines d’Urgell, (1644). Voir édition (Document n°34)
[184] ANTÓN PELAYO, Javier, et JIMÉNEZ SUREDA, Montsé, « Francisco Martí i Viladamor: un pro-francés durante la Guerra dels Segadors », in Manuscrits : reviste d’història moderna, n° 9, 1991, p.289-304.
[185] AMAE, CP Espagne 21 (fol.480), Mémoire des chanoines d’Urgell, (1644) ; « Chapitre d’Urgel » (inscription de la main d’Hugues de Lionne).
[186] AMAE, CP Espagne 21 (fol.184), Memorial du Chapitre d’Urgel (inscription de la main de Lionne), février 1644.
[187] AMAE, CP Espagne 21 (fol.183), Factum catalan anonyme, (février 1644 ?).
[188] SHD, A1 85 (n°182), Minute de grandes lettres patentes (transformées en petites) donnant les biens de Francesc Frigola au chapitre d’Urgell, 19 mars 1644. Nous commenterons cet acte très curieux infra : Première partie, III. 1.
[189] Voir infra : Deuxième partie, II. 3.
[190] AMAE, CP Espagne 21 (fol.483-484v), Supplique des conseillers du Conseil des Cent de Barcelona, (1644).
[191] Incohérence doublée de grandes hésitations diplomatiques dans la forme des actes, comme nous le verrons au chapitre suivant.
[192] AMAE, CP Espagne 21 (fol.110-111).
[193] ACA, Cancilleria, Intrusos 122 (fol.57v-59v), Privilège de noblesse en faveur de Francesc de Cabanyes, donné à Saint-Germain-en-Laye, 3 mai 1643 (acte enregistré dans les registres de la chancellerie en décembre 1648).
[194] AMAE, CP Espagne 23 (fol.377), Supplique de Francesc Cabanyes pour obtenir la baronnie de Caldes de Malavella, juin 1643.
[195] Comarca de la Selva, province de Girona.
[196] AMAE, CP Espagne 21 (fol.110-111), Certificat de M. de La Motte des services du sieur Cabannas (imprimé), 6 octobre 1643.
[197] SHD, A1 74 (n°785), Lettre du roi au maréchal de La Mothe (minute), 20 juillet 1643.
[198] SHD, A1 90 (fol.106v-109v), Lettre du Roy au Maréchal de La Motte sur les desseins des ennemis estans sur les frontières de l’Arragon et Catalongne, 29 mars 1644.
[199] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.340-346v), Liste (non datée et anonyme) des biens confisqués en Catalogne et Roussillon. Voir commentaire infra (Première partie : III. 3.) et édition (Document n°26).
[200] Avant la minute des lettres patentes, on trouve dans les archives du secrétaire d’Etat de la guerre celle d’un brevet de 1500 livres de pension en faveur de Francesc Cabanyes sur les fruits et revenus des biens du marquis d’Aitona et de Garau de Guardiola (SHD, A1 85, n°259, 15 mars 1644). L’expédition ne semble jamais avoir été faite car immédiatement après, ce don de pension est transformé en pleine propriété ; d’où l’impression d’un changement d’avis très rapide.
[201] ACA, Cancilleria, Intrusos 115 (fol.311-312v), Lettres patentes donnant à Francesc Cabanyes la baronnie de Caldes de Malavella et Llagostera, confisquée au marquis d’Aitona, ainsi qu’une maison à Barcelona confisquée à Garau de Guardiola, donné à Paris, mars 1644 (enregistrement dans les registres de la chancellerie en mars 1647). Minute originale aux archives du département de Le Tellier (SHD, A1 88, n°355).
[202] BNF, Français 4198 (fol.51v-52v), Lettre de Le Tellier à La Mothe, 27 mai 1644.
[203] BNF, Français 4200 (fol.139-144), Lettre de Le Tellier à Harcourt, 8 juillet 1645.
[204] Une notice de Pujolar (15 juin 1644) rapporte que la grâce faite à Cabanyes avait été refusée par la Junta (AMAE, CP Espagne 21, fol.241).
[205] ADPO, 1 J 83/1, Actes de la tercera pocessio de la heretat de don Ramon Xamar presa per lo molt Illustre Reverent senyor Rafel Sitjar canonje de Elna, procurador de Isidoro Pujolar, 7 mars 1644.
[206] AMAE, CP Espagne 21 (fol.494-496v), Mémoire de Rafel Sitjar (1644). Le texte, qui fait allusion aux premiers temps de Pierre de Marca en Catalogne, aux affaires de Pujolar, Vilaplana, et Pont (voir note suivante), date probablement du mois d’avril 1644, du moins du cours de cette année-là.
« Otros con verdad, aunque tegan [sic] hechos muchos y muy buenos servicios personales, ni son vistos, ni ohidos, sino tratados y perseguidos como enemigos, ni tienen que esperar premios, ni mercedes del Virrey, ni por medio del Governador, ni de los demas ministros reales de acá, ni aun las mercedes que su Mag.d ha hecho a algunos dexan posseer, antes las impiden, desacreditan, y desautorizan iniusta, y apassionadam.te. Sean testigos vivos Pujolar, Vilaplana, Pont, Baldó, Cabañes, y otros que jamas han podido posseer las mercedes que su Mag.d les ha hecho por sus servicios, siendo como son tan notorios que los mismos ministros de acá que les impiden la execucion, y possession de los premios, no les niegan (porque no pueden) sus merecimientos. Todo de hecho, iniusticia manifiesta ».
[207] AMAE, CP Espagne 21 (fol.494-496v). « Hazen irrision y burla de los que vienen de Paris con sus gracias y mercedes y privilegios reales, que Su Mag.d les conceda y ha concedido, con su mano liberal attendiendo a los meritos y servicios, y de las cartas que trahen de los Principes y señores. Nada les vale, nada les aprovecha si no son aplaudidos y aprovados por dicha Junta : y dan ocasion tambien a los mal afectos, y los enemigos castellanos, que hazen burla y mofa de nuestro buen Rey X.mo y de los que le han servido y sirven. Porque dizen los tales mal afectos a los demas : “¡ Mirad que bien remunerados saben los que han servido y sirven al Rey de Francia que les hazen mercedes de viento !“. Despues de averse gastado sus patrimonios sirviendo, y aver ido a la Corte de Paris, buelven con sus brevetes y no mas, y las rentas siempre se quedan para el Rey ».
[208] AMAE, CP Espagne 21 (fol.494-496v). « El aver determinado dicha Junta que las gracias de Su Mag.d no se executen con brevetes, ni se admitan sino con Letras, es querer el inferior poner ley y dar forma al superior. Es absurdo. Es calumniar tantam.te de falsarios a los que han venido de Paris con sus brevetes, o por lo menos es sospechar que los secretarios del Consejo Supremo de Paris despachen dichos brevetes sin orden ni mandato de Su Mag.d. Es querer hazer mas dificultosas y mas costosas las gracias y mercedes que su Mag.d nos haze con tanta liberalidad y franqueza, que ni quiere que sus secretarios y ministros tengan otros derechos, ni pechos de lo que cuesta un brevete. Es al fin invencion colorada destos señores, que quieren hazer lo todo aqui, y que el Rey ni Consejo Supremo en Paris hagan nada, sino lo que ellos quieren : no aviendo exemplar que alguno aya venido de Paris con brevete falso, ni con gracia hecha por su Mag.d sin meritos, y servicios muchos. Y de los officios y cargos y mercedes que se han dado aqui ay exemplares muchos que los han dado a mal afectos, a ignorantes, inhabiles, e inmeritos de dichos officios, porque aqui todo se da, o se vende por complacencias, o interesses, o segundas intenciones : y en Paris no hay hombre que se atreva ir, y pedir sin meritos y servicios, y que no sea muy bien afecto a Francia ».
[209] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.145-148), Lettres de noblesse en faveur d’Isidoro Pujolar, Narbonne, 4 avril 1642.
[210] Information donnée par sa procuration donnée pour la possession des biens qu’il a reçus, commentée dans les notes suivantes (ADPO, 1 J 83/1).
[211] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.148-148v), Brevet de don à Isidoro de Pujolar des biens de Ramon Xammar, 1er octobre 1642.
[212] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.158-158v), Ordre de comparaître devant la cour à plusieurs nobles ne s’étant pas présentés au serment de fidélité – dont Ramon Xammar, de Perpignan –, sous peine de prononcer contumace et d’administrer la justice contre leurs biens (après supplique du procureur fiscal), 11 avril 1643. La sentence viendra le 15 mai (voir infra).
[213] ADPO, 1 J 83/1, Procura feta per Isidoro Pujolar y de Graell al capita Miquel Freixa en Paris, 24 octobre 1642 (acte en latin passé devant Jacques Delalie, notaire juré de la cour de l’archevêque de Paris). L’acte précise que Pujolar a rédigé une procuration en langue française que le notaire a traduite en latin pour dresser l’acte.
[214] Voir infra : Première partie, I. 3.
[215] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.92v-93v), Etablissement d’Isidoro de Pujolar comme séquestre des biens de Ramon Xammar en Roussillon, 25 février 1643 (enregistrement dans les registres de la chancellerie, mars 1643). « […] Quapropter, quia nos de nostra certa scientia, regiaque autorithate diebus elapsis, gratiam concessimus, et donationem fecimus Isidoro de Pugolar militi principatus nostri Cataloniae totius domus, et universalis hereditatis, quae fuit domni Ramundi Xammar villa Perpiniani cum omnibus redditibus, pertinentiis, viribus, et honoribus illus, ut latius continetur in literis, quas expidiri iussimus, dictas le brevet. Qua vero nondum debitam executionem gratiae, et donationis sibi factae consecutus est, neque dominium utile praedictae hareditatis. […] »
[216] L’existence de ces lettres patentes sera rappelée dans des lettres postérieures de Louis XIV (ACA, Cancilleria, Intrusos 119, fol.45-46), voir note suivante.
[217] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.45-46), Lettres patentes de confirmation du don des biens de Ramon Xammar à Isidoro de Pujolar, 15 juin 1643 (transcription dans les registres de la chancellerie, entre deux actes du 9 et du 17 avril 1648).
[218] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.45v-46), Ordre à Francesc Sangenís de retenir en son pouvoir tout ce qui procèdera des biens de Ramon Xammar, et de n’en rien dépenser jusqu’à nouvel ordre, le procureur d’Isidoro de Pujolar ayant pris possession de ces biens et ayant rencontré des perturbations qu’il faudra examiner, 29 août 1644.
ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.278v-279), Ordre à Francesc Sangenís de ne pas continuer le recouvrement des revenus des biens de Ramon Xammar pour en laisser jouir librement Isidoro de Pujolar en exécution de la grâce que S.M. lui a faite de ses biens, 16 avril 1645.
[219] SHD, A1 98 (n°117), Lettre de Carlos de Arismendi à Le Tellier, 7 août 1645. Dans cette lettre, Arismendi présente au ministre ses divers services, essentiellement avoir traduit des capitulations et des traités pour les chefs de l’armée française.
[220] ADPO, 1 B 394 (fol.1-2), Gracia y merçe feta per la sacra X.ma y Real Mag.at de Luÿs XIII Reÿ de França y de Navarra comte de Barçelona, de Rossello y Cerdanÿa al noble don Carlos de Arismendi de mil y dos cents ducats quiscun any sobre las Rendas y emoluments del Real Patrimoni y dits Comtats, au camp de Perpignan, 9 juin 1642. L’acte, très curieusement construit, porte à la fois le don de la pension, la naturalisation d’Arismendi comme catalan, et sa nomination de secrétaire du roi en Catalogne.
[221] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.50). Référence à cet acte donnée par un acte postérieur que nous citons infra.
[222] SHD, A1 76 (n°251), Lettre du Roi à La Berchère (minute), 20 novembre 1643. « […] je vous faits cette lettre par l’advis de la Reyne Regente Madame ma Mere pour vous dire que vous ayez a tenir la main a ce que soyent actuellement payés lesdites pensions sur les plus clairs deniers provenants desdites confiscations ».
[223] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.48-49), Ordre au procureur royal du patrimoine royal de Roussillon de payer à Carlos de Arismendi une pension de 500 ducats par an à vie, 4 janvier 1644.
[224] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.50-51), Ordre à Sangenís de payer 500 ducats par an à vie à Carlos de Arismendi, 9 janvier 1644.
[225] SHD, A1 84 (n°554), Lettre du roi à La Berchère – corrigé en Marca – pour faire payer à Arismendi une pension de 3600 livres sur les confiscations de Catalogne (minute), vers mai 1644.
[226] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.160), Ordre à Joan de Luna, sequestrador del marchesat de Camarasa, de payer 100 livres aux députés du general de Catalogne et aux conseillers de Barcelona pour subvention du bataillon, « en compte a part del batallo, cent lliures per rao de la tatxa, que perara si es feta del dit marquesat… », 15 avril 1643.
[227] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.160-160v), (idem) à Jeroni de Tamarit, sequestrador dels estats i bens del duc de Sessa, 15 avril 1643.
[228] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.160v), (idem) à Francesc Catllar, sequestrador dels estats i bens del duc de Alba, 15 avril 1643
[229] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.161), (idem) à Jaume Bru, regent de la real tresoria, « per rao dels bens confiscats del marches de Aytona », 15 avril 1643.
[230] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.161-161v), (idem) à Rafel Amat, sequestrador del comtat de Vallfogona, 15 avril 1643.
[231] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.161v), (idem) à Ramon de Guimerà, sequestrador del comtat de Guimerá, 15 avril 1643.
[232] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.162), (idem) à Francesc Sangenís, sequestrador del comtat de Santa Coloma de Queralt, 15 avril 1643.
[233] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.162-162v), (idem) à Pere Delbosch i de Sant Vicenç, sequestrador del comtat de Erill, 15 avril 1643.
[234] Exemple parmi tant d’autres : ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.137-138), Ordre à Jaume Bru de payer 155 livres à Elena de Llupià i Tamarit pour pensions dues sur un censal qu’elle reçoit déjà sur le lieu de Sant Marçal ; à payer sur les rentes tirées de Sant Marçal que possédait don Daniel de Marimon dont les biens ont été confisqués, 17 mars 1643.
[235] FERRO, El Dret Públic Català…, p.390. RIPOLL, Acaci de, Regaliarum tractatus, Barcelona, Gabriel Nogues, 1644, 18.16 (p.123).
[236] ACA, Cancilleria, Intrusos 127 (fol.40v-41), Sentence en faveur de Francesca Ferrer i Fortià, 12 juin 1643.
[237] Par exemple : ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.206v), Ordre à Jaume Bru de payer à Francesc Xammar, donzell, 39 livres 12 sous « i sis per sinc pensions de censals » que le marquis d’Aitona lui devait depuis 1638, « dels diners a vostres mans pervinguts, o che de procsim pervindran dels bens confiscats del marches de Aytona », 3 octobre 1643.
[238] Par exemple : ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.261-261v), Ordre à Pere Delbosch i de Sant Vicenç et à Francesc Sangenís, ecsactor general dels bens confiscats, de vendre à l’encan au plus offrant les biens meubles de la comtesse d’Erill, sur une sentence en faveur de l’acquittement des 162 livres dues à Josep Ros, tailleur de Barcelona, 16 octobre 1643.
[239] A ce titre, le 5 août 1643, la somme de 1000 livres est donnée au fameux Francesc de Boxadors, comte de Çavellà, sur les revenus des biens du duc de Sessa confiés au séquestre Jeroni de Tamarit (ACA, Cancilleria, Intrusos 113, fol.152v-153).
[240] Nous retirons de ce dernier graphique les communautés et institutions, les ecclésiastiques (pour la raison expliquée ci-dessus, à savoir qu’ils touchent ces paiements pour un bénéfice), le vice-roi et les personnes non identifiées, pour lesquelles nous ne possédons pas de renseignements.
[241] JOUANNA, Arlette, Le devoir de révolte, Fayard, 1989
[242] Le nombre de gentilshommes catalans naturels, et vivant sur place avant la guerre, est plus élevé. Cependant les patrimoines les plus importants, comme nous l’avons vu, sont aux mains de familles castillanes ou « castillanisées » comme les Cardona, Moncada marquis d’Aytona… La confiscation des biens des habitants de Lleida, en 1648, annulera notre remarque sur la part générale de la noblesse. Hors cette exception postérieure, les confiscations des habitants du Val d’Aran en 1643 sont le seul exemple que nous ayons trouvé avant l’arrivée de Pierre de Marca de biens saisis en nombre à des personnes non nobles.
[243] Cité par REGLÀ, Joan, « La época de los tres primeros Austria », Historia social y económica de España y América, Barcelona, 1974. Sur la base du fogatge (état des feux) de 1553 du Principat et des Comtés, à l’exception de Barcelona cependant.
[244] FERRO, El Dret Públic Català…., p. 329.
[245] FERRO, El Dret Públic Català…, p. 325-327
[246] FERRO, El Dret Públic Català…, p.327
[247] FERRO, El Dret Públic Català…, p. 328.
[248] « El braç tenia una estuctura corporativa peranent, amb dret a congregar-se sense llicència especial per tractar els seus afers, caixa comuna i segell »., FERRO, El Dret Públic Català…., p. 195.
[249] HENRY, Histoire du Roussillon…, p.278-279.
[250] SALA, Gaspar, Histoire de tout ce qui s’est passé en la Catalogne depuis qu’elle a secoué le joug de l’Espagnol, Rouen, Jean Berthelin, 1642, p.31.
[251] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252v), Relation del estado de Cataluña desde la salida hasta a la buelta a su Principado del Illustrissimo señor de Plessis-Besançon, (1645). « Siendo la verdad que en la noblesa sola esta naturalmente la integridad y mas fuertamente radicada la fidelidad, y que en el principio de las guerras de Cataluña aquellos cavalleros eran mal affectos (y de estos aun no todos) que tenian officios o gages del Rey Catolico en Cataluña, por que el interez ya possehido aprieta mucho ; pero los demas estavan retirados, y attentos a los designios de la Provincia, y con razon porque no deve el noble precipitarse siguiendo a escuras las pisadas de un Pueblo rebuelto, cuyas apprehensiones son las mas vezes sin fundamento, mas quando reconocieron ser tan firmas como son los fundamentos de la Justicia catalana y vieron a la Provincia con maduro acuerdo resuelta en la aclamacion de nuevo Rey los que mas resueltos han seguido la voz de la Provincia han sido los nobles assi en las campañas como en las resoluciones politicas ».
[252] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.243-252v). « Multiplicandose cadaldia los malaffectos exteriormente entre los nobles, unos lo son verdaderamente, otros no lo son, y lo parecen por que viven retirados […]. Todos espiravan a servir en las campañas, sirvieron muchos dos, y tres campañas, y quando esperavan en la remuneracion recobrar fuerças para proceguir sus servicios, frustrando las esperanças havian de retirarse impossibilidados, alcançando por premio entre los del govierno renombre de mal affectos, porque se retiravan. Con esto se mallogravan los dezeos de otros, que querian dar principio a servir en las campañas : los destierros, las parcialidades, las violencias, el menosprecio de los servicios, el desapego con la Jente militar, la dilacion del repartimiento de las gracias, y finalmente la soberania absoluta de los el govierno (para los quales no han faltado gracias, pensiones y mercedes) han hecho muchos mal contentos y algunos mal affectos, que no todos saben jugar el montante de la paciencia ; no hauria mal affecto alguno en Cathaluña sino huviessen precedido las causas referidas ; algunos ay oy cuya reduction es facil, por que aunque lo son injustamente, tienen motivos de serlo, y cessando estos, bolveran facilmente a su naturaleza, que es la fidelidad ; los malcontentos son muchos, y casi todos, por que el serlo es hazer el servicio del Rey, y de la Provincia, pues solo estan contentos los que por sus ambiciones e intereses han reduzido la Provincia a tal estado que deven des contentarse del los que son bien affectos verdaderos ».
[253] Les « malcontentos » en Catalogne représentent une catégorie de circonstance, sans manifeste ni chef. Elle est d’un autre type que parti des Malcontents dans la France du XVIe siècle, qui, pour sa part, défendait clairement l’idéal d’une monarchie mixte. JOUANNA, Le devoir de révolte…, p.166-168.
[254] JOUANNA, Le devoir de révolte…, p.200.
[255] SERRA, Eva, « Els Guimerà… », p. 16.
[256] LAZERME Inédit (Guimerà).
[257] AMAE, CP Espagne 23 (fol.433-433v), Lettre de Ramon de Guimerà à Mazarin, 2 novembre 1643. Voir édition : Document n°32.
[258] AMAE, CP Espagne 21 (fol.136-137), Lettre de Ramon de Guimerà à Pujolar, 16 novembre 1643.
[259] AMAE, CP Espagne 21 (fol.465-466v), « Breve noticia de las cosas de Catalunÿa y el modo de su conservation », (1644 ?). Voir édition (Document 32).
On trouve en AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.276-276v) un mémoire de la même main (quoique sans identification indiquée) intitulé « Breve discurso en las materias presentes del principado de Catalunya », qui semble une variante du mémoire commenté ici et dont nous donnons l’édition.
[260] SERRA, Eva, « Els Guimerà… », p. 32.
[261] JOUANNA, Le devoir de révolte…, p.361.
[262] FERRO, El Dret Públic Català…, p.324 et 330.
[263] JOUANNA, Le devoir de révolte…, p.18-24.,
[264] AMAE, CP Espagne Supplément 3, fol.276-276v, Breve discurso en las materias presentes del principado de Catalunya, s.d. Ce texte revient surtout sur l’importance de pouvoir juger et punir les manquements des officiers, particulièrement des plus hautes comme le gouverneur, le chancelier et le Régent.
[265] JOUANNA, Le devoir de révolte…, p.51.
[266] SALES, Núria, « La lluita per lluïr : el cas de Santa Coloma de Queralt i el d’Illa », dans ID., VILAR, Pierre, TERMES, Josep, Història de Catalunya / segles XVI-XVIII 4, Els segles de la decadència, Barcelona, Edicions 62, 1991, p.365-373.
[267] ADPO, 1 B 393, Prestation de serment de Ramon de Bas comme portant veus del general Governador de los Comtats de Rosselló y Cerdanÿa (faisant référence au privilège royal le nommant à cette fonction daté de Barcelona du 29 mars 1642), 8 mai 1642.
[268] ADPO, 1 B 393, Codicil de Don Ramon de Bas Governador dels Comptats, devant Joan Albafulla, notaire de Perpignan, 26 octobre 1642.
[269] ADPO, 1 B 394 (fol.34-34v-, Provisio ÿ gratia real de Portant veus de general governador en los Comptats de Rossello ÿ Cerdanÿa per lo sor. Thomas de Banÿuls ÿ de Oriz, 3 février 1643.
[270] LAZERME Inédit (Bas).
[271] AMAE, CP Espagne 23 (fol.432-432v), Noms des personnes qui ont mieux servy le Roy en Catalogne et a gratifier de quelques pentions ou autres recompenses, 1643.
[272] AMAE, CP Espagne 26 (fol.50-62v), Disposicion del Estado de Catalunya, (fin 1643). Voir édition (Document 33).
[273] Voir graphiques supra (Figures n°2 et 3).
[274] LAZERME, t. III, p.367-368.
[275] JOUANNA, Le devoir de révolte…, p.356-359. Il s’agit d’un extrait du manifeste des partisans de Marie de Médicis en 1620.
[276] Sur le rôle traditionnel de cette institution, se reporter à notre premier paragraphe (Première partie, I. 1.).
[277] Voir infra : Deuxième partie, II. 2.