Quand commencent les confiscations ?

Première partie

Apprentissage de la Catalogne française et installation des clientèles (1642-1644)

1.             Confiscations et patrimoine royal avant 1641 : mises au point juridiques et institutionnelles

 

Quand commencent les confiscations en Catalogne ? A première vue, l’interrogation semblerait vaine, car elle en appelle tout de suite une seconde : qui les a commencées ? Cette dernière est sensible compte tenu de la forte teneur idéologique et nationaliste de l’historiographie catalane. Entrer ainsi en matière nous semble toutefois significatif, pour deux raisons : d’une part, la question des confiscations n’est pas inédite et inconnue pour les contemporains de la guerra dels Segadors. Afférente à celle du patrimoine royal, elle a été incluse, au cours de leur évolution, dans les attributions de diverses institutions spécifiques à la Catalogne ; c’est sur cette base, renforcée par un recours aux lois nationales, que l’envisageront les institutions qui décideront la soumission à la France en 1640-1641, et dans lesquelles après 1642 l’administration française va tenter de se couler avec plus ou moins de succès. D’autre part, la mémoire de l’époque médievale étant encore très vivace, et la noblesse catalane traversée de procès, revendications et représentations médiévales, il ne faudra pas envisager de façon lointaine et détachée les confiscations réalisées au Moyen Âge en Roussillon, lors des guerres entre rois de Majorque et rois d’Aragon, et surtout entre roi d’Aragon et roi de France. Les familles victimes et bénéficiaires sont souvent les mêmes à deux siècles d’écart.

Volume des Constitutions de Catalogne de 1581 (site Ateneu Barcelones)

Volume des Constitutions de Catalogne de 1581 (site Ateneu Barcelones)

L’évolution des institutions et du droit catalans au cours du Moyen Âge révèle une remarquable concomittance entre dispositifs régaliens, défendant la personne et l’autorité du roi, et contre-poids démocratiques et représentatifs. Chaque souverain a superposé ses innovations à celles des précédents, en les conservant et les respectant. La dynastie des rois d’Aragon, maîtres de la Catalogne après 1137, valide les anciennes lois locales (Usatges de Barcelona du XIe siècle, Estils i usatges de Rosselló rédigés sous les rois de Majorque), lançant au XIIe siècle la rédaction des Constitutions de Catalogne[1]. La célébration périodique des Corts de Catalunya avait pour but de faire participer les braços[2], différents états de la société, à l’élaboration des lois (lleis paccionades)[3], qui étaient ensuite compilées ; il fallait célébrer les Corts pour en modifier ou en abroger. Les plus célèbres dispositions de ces Constitutions – et aussi les plus défendues par les Catalans – sont le principe du consentement de l’impôt, ainsi que le droit de ne pas être traduit en justice hors du territoire. Fédération d’Etats, la couronne d’Aragon comptait aussi les royaumes de Valence, Sicile, Sardaigne, avant l’union avec la Castille en 1479, puis le royaume de Naples, mais conservait à la Catalogne l’entière vigueur de ses lois propres, et d’institutions absentes dans les autres couronnes.

A cet égard, la notion de patrimoine royal (Patrimoni Reial) s’impose d’emblée comme centrale et essentielle. Transposition médiévale d’un concept de droit romain impérial, le fisc (fiscus) est la personnification des droits et intérêts économiques du prince en tant que personne publique[4]. Parallèlement à la patrimonialisation, à l’époque féodale, de droits d’origine publique et parfois de droits régaliens (regalias), le concept était devenu synonyme de patrimoine, comprenant tous les droits du prince en dehors de ceux, incomuniquables et liés à la fonction, d’ordre politique et judiciaire. Il n’y eut pas en Catalogne de distinction entre biens patrimoniaux du fisc et biens domaniaux inaliénables ; en revanche le domaine public s’était différencié très tôt du patrimoine privé de l’Etat, comme en témoigne la Lex Stratae[5] des Usatges de Barcelona (droits de passage des communautés sur les voies et cours d’eau publics). Dès les lois palatines de 1344, la principale autorité de l’administration financière des revenus royaux est le Mestre Racional de la Reial Casa i Cort. Le lloctinent del Mestre Racional[6] exerce ses fonctions, l’office en titre étant détenu de façon honorifique par la famille des marquis d’Aitona. Il entend, voit et reçoit les comptes de toutes les rentes et de l’administration de tous les biens du patrimoine royal en Catalogne ; contrôle la gestion financière de tous les officiers royaux, avec pouvoir de les contraindre à la réparation des malversations. Pour le contentieux, il est à la tête d’une juridiction, la cort ou consistori del Mestre Racional. Enfin, ses coadjuteurs forment et expédient les mandements et provisions pour le recouvrement des droits et rentes patrimoniales, qui sont versées à la Trésorerie Royale. En principe, les rentes du patrimoine royal sont destinées avant tout, et en priorité, à payer les salaires des officiers royaux comme les castellans ou alcayts dels castells (gouverneurs des châteaux), et les pensions ou dettes assises auxquelles il est obligé, ainsi que l’entretien normal des biens patrimoniaux comme les ponts.

Sous le Mestre Racional, l’administration du fisc est exercée par des représentants du roi, appelés batlle general de Catalunya[7] au Principat, depuis 1347, et procurador reial dels comtats en Roussillon depuis 1341, selon Andreu Bosch[8]. Leur fonction, originellement limitée au prélèvement des revenus du patrimoine royal, y compris les dîmes (sécularisées en Catalogne), prit ensuite toute son étendue, avec l’administration des droits de supériorité féodale, du dominium direct des biens cédés en emphytéose, et l’administration immédiate des baronnies dont le roi était seigneur direct[9]. Chacun devait citer périodiquement les feudataires et emphytéutes a capbreviar (faire état de ses biens soumis à une reconnaissance féodale envers le roi), percevoir les droits de vente à chaque aliénation de seigneurie (foriscapis), les cens, et droits d’amortissement des communautés laïques ou religieuses ayant acheté des biens féodaux ; il validait chaque aliénation du patrimoine royal. Le batlle general, comme le procurador, reçut également des attributions dérivées de droits régaliens[10], telles que l’occupation des biens vacants, qu’il avait à charge de concéder en emphytéose – c’est-à-dire les biens sans seigneur légitime, à commencer par les plaines que la mer et les rivières inondent habituellement, mais aussi les biens matériels comme les trésors, les épaves. Ajoutée à cela, une attribution sur laquelle nous reviendrons amplement, celle de saisir les biens et marchandises pris sur les ennemis et les rebelles en temps de guerre[11]. Sa cour de justice (Reial consell de la Batllia general), a priorité sur les autres juridictions dans les cas relatifs au patrimoine royal ; celle du procurador reial en Roussillon l’emporte même sur la juridiction militaire, Capitania militar[12]. L’importance de cette institution détermina très tôt la conservation très attentive d’archives[13] : en Roussillon par exemple les services de la Procuració Reial réunirent ainsi toutes les pièces justificatives existant déjà afin de défendre les droits royaux, et continuèrent la tenue de registres telle qu’elle avait été entamée sous les rois de Majorque, marquant une brève relation de toutes les décisions, relatant la correspondance avec le souverain et ses représentants. Les différentes ordonnances des rois d’Aragon fixant les attributions du batlle general reviennent sur l’interdiction formelle de diminuer ou d’aliéner le patrimoine royal, le batlle devant empêcher et punir tout acte qui y contreviendrait et reviendrait à le léser.

Les organes dépendant du batlle general, ses collaborateurs directs ainsi que sa cour de justice avec ses assesseurs, avocats et procureur fiscal, notaires et escrivans, personnel auxiliaire, forment la Batllia General de Catalunya ; elle dispose de collaborateurs immédiats ou locaux pour ses fonctions administratives, dont un lieutenant général, et des lieutenants estacionaris répartis entre différentes estacions divisant le Principat. Dépendent aussi du batlle general les arrendadors, arrendateurs des biens royaux, qu’il nomme et contrôle, ainsi qu’une partie des officiers de police des villes royales[14]. Les historiens ne se sont pas suffisamment penchés sur un fait, à notre avis très important, et sur lequel nous allons maintenant revenir : en 1631[15], la Batllia General de Catalunya fut engagée par le roi d’Espagne à la ville de Barcelona, probablement en raison de dettes. La soumission de la Catalogne à la France ne modifia pas cette situation, et cela se poursuivit sans interruption sous l’administration française, jusqu’à la perte de Barcelona en 1652[16]. Dans les faits, cela signifie que le Conseil des Cent se chargeait de pourvoir les offices de la Batllia General comme le faisait le roi avant 1631, et qu’il en percevait toutes les rentes[17]. Cette situation ne signifiait pas que la fonction de la Batllia General était mal ou non exercée. Simplement, n’étant plus dans les mains du roi, l’institution n’avait ni le même prestige, ni les mêmes pouvoires effectifs. Cette relative absence se révèle totale dans le cas des biens confisqués sur les ennemis des Français en Catalogne, que la Batllia General ne gère absolument pas, contrairement à ses attributions d’origine.

Autres institutions intrinsèquement liées à l’exercice et à la représentation du pouvoir royal en Catalogne, la Chancellerie et la Trésorerie royales, ou plutôt, devrions nous dire, les chancelleries et trésoreries. Comme Marca, nommé visiteur général de Catalogne, l’expliquera plusieurs fois à Le Tellier[18], deux strates institutionnelles existent parallèlement. A l’échelon supérieur se trouve le Conseil d’Aragon (Consejo Supremo Supremo de la Corona de Aragón), fondé en 1494, qui est l’instance suprême[19] pour les regnes d’Aragon, Valencia, Majorque, Naples, Sicile et Sardaigne, et où se traitent toutes les affaires de grâce pour ces royaumes ainsi que pour la Catalogne. Au sein de ce conseil siègent notamment le vice-chancelier, chef de la Chancellerie royale d’Aragon et le Trésorier général, chef de la Trésorerie générale. La chancellerie royale expédie les pragmatiques, privilèges, lettres et provisions pour les différents royaumes, exerçant ainsi une fonction d’ « assesseur du roi » (M. Ferro)[20]. Quant à la Trésorerie royale d’Aragon, elle reçoit certaines impositions et droits dûs à la Couronne[21]. A l’échelon inférieur, dans chaque royaume, à partir de l’époque où le roi cessa d’y résider et de s’y déplacer fréquemment, ont été créées des chancelleries particulières, comme la Cancilleria de Catalunya, ainsi que des trésoreries. En Catalogne, le chancelier dirige l’Audiència, tribunal de dernière instance et première juridiction du Principat. C’est lui qui conserve le sceau royal de Catalogne, appose son « visa » aux actes les plus importants expédiés par le vice-roi, comme des citations à comparaître. Au XVIIe siècle, la nécessité de trois signatures, celle du chancelier, du trésorier de Catalogne, et du Regent la Real Cancelleria[22], s’est imposée ; ces offices étaient pourvus à vie. Néantmoins, comme le précise bien Marca[23], était réservée exclusivement à la chancellerie d’Aragon l’expédition des nominations aux bénéfices du patrimoine royal, offices importants, et lettres de grâce, privilèges, comme les dons de terres ou les anoblissements ; actes dûment rédigés par le soin d’escrivans de manament et enregistrés par des escrivans de registre. Le détachement de la Catalogne de la monarchie espagnole, et donc de la couronne d’Aragon en 1641, crée une situation sans précédent institutionnel, la coupant du Conseil d’Aragon, et créant plusieurs difficultés qui nous occuperont au cours de ce travail.

Le vice-roi, premier représentant du roi en Catalogne en tant que comte de Barcelona, Roussillon et Cerdagne, est la clef de voûte de tout ce système. Ses provisions le disent « lloctinent general nostre […], alter nos i representant de la nostra persona » (notre lieutenant général, autre nous-même et représentant de notre personne). Du fait de l’éloignement de la personne du souverain, son pouvoir est énorme, bien qu’il soit contrebalancé par la puissance des institutions locales, et souvent par la vigueur des prérogatives de l’autorité royale que nous venons de lister. Nous avons pu remarquer dans ces institutions catalanes une certaine séparation entre la sphère politique et judiciaire et l’administration financière royale. Un essai de coordination de ces pouvoir est cependant à signaler, très lourd de conséquences pour la période que nous allons aborder : la Junta Patrimonial[24], conseil présidé par le vice-roi, composé du lieutenant du Mestre Racional, du chancelier de Catalogne, du Regent la Real Cancelleria, du trésorier, du secrétaire du vice-roi et de l’avocat fiscal patrimonial (l’avocat qui défend les intérêts du fisc royal dans tous les procès). Ce conseil, à la fois contraignant pour le vice-roi et d’un genre nouveau dans le paysage institutionnel, n’a pas eu de grande action avant le début de l’administration française, en 1642. C’est toutefois sous ce nom qu’un conseil (de type bien différent) verra le jour après cette date, s’occupant, avec participation des responsables politiques français, des questions de patrimoine royal et de confiscation.

Il convient de revenir enfin sur un aspect fondamental du droit catalan, fort éloigné des coutumes et des peines en usage en France : nul ne peut être privé de sa propriété, corporelle ou incorporelle, sauf expropriation pour utilité publique avec compensation. La peine de confiscation de biens, courante en France – le roi ayant pouvoir de jouir des biens des condamnés et de les redistribuer à qui bon lui semble –, est abolie en Catalogne[25] par la Constitution 1481/10[26], à deux exceptions près : contre l’officier royal ayant fraudé, et dont le Mestre Racional peut faire saisir les biens afin de rembourser le montant de la fraude[27] ; et dans les cas de crime de lèse-majesté in primo capite[28] et d’hérésie déclarée par juge ecclésiastique. Víctor Ferro met cela en parallèle avec le principe important que nul ne pouvait être puni à la fois d’une peine corporelle et pécuniaire. Certains droits attachés aux biens confisqués pour ces crimes graves sont même conservés dans leur intégralité : les droits des créanciers, qui doivent continuer à toucher leurs rentes ou rentrer en possession des sommes dues, ainsi que ceux de l’épouse compris dans sa dot. La confiscation des seigneuries aux barons est prohibée par les Constitutions, seule restant possible le séquestre des juridictions en cas d’abus, c’est-à-dire de négligence des devoirs juridictionnels ou de persécution des sujets[29]. Toutes ces prescriptions sont intrinsèquement liées aux garanties de la personne et des biens essentielles aux Constitutions de Catalogne, et ignorées en France ; d’où la nécessité récurrente, pour les Catalans, de les exposer et de les expliquer aux Français, à travers de nombreux mémoriaux ou suppliques envoyées à la Cour.

 

 

La mémoire de ces évolutions antérieures, et des guerres qui traversèrent les siècles précédant la révolte de 1640, est constamment présente à l’esprit des Catalans. Ramon Sala a montré la force du souvenir de l’annexion française du Roussillon et du terrible siège de Perpignan en 1475[30]. Plus encore, l’historienne Núria Sales a pu nous écrire au sujet des conflits autour de la baronnie de Conat : « Le procès […] ne commence nullement avec les confiscations et annulations de 1643-1660. Déjà au XVe siècle et début du XVIe, les « dotze parts de la baronia de Conat » sont disputées par quatre ou cinq familles successivement lésées ou bénéficiaires, tant des confiscations de Louis XI que de celles de Jean II dès les années 1460 »[31]. Cette suggestion montre la pertinence d’un bref parallèle avec les confiscations du Roussillon à cette époque, qui, comme nous le découvrons[32], remontent en fait bien avant, au XIIIe siècle.

Les premières confiscations de grande ampleur, rationalisées et confiées à des services compétents, sont orchestrées pendant la guerre opposant le roi d’Aragon Pierre III – dont le pape avait proclamé la déchéance après l’épisode des vêpres siciliennes – à son frère Jaume II, roi de Majorque et allié du roi de France Philippe III le Hardi. Les Roussillonnais qui avaient pris le parti d’Aragon sont déclarés « émigrés en pays ennemi, traîtres, rebelles et coupables du crime de lèse-majesté, et leurs biens sont confisqués au profit du domaine royal, sur lequel les sentences ordonnent le payement de diverses dettes ou créances »[33]. Deux templiers sont nommés comme procureurs chargés des confiscations. Ils établissent une longue liste à double entrée, d’un côté les noms des créanciers, de l’autre les noms des débiteurs qui ont été déclarés ennemis et sur qui porte la confiscation. Certains créanciers apportent des documents pour prouver leurs droits à être dédommagés sur les biens confisqués. La qualité sociale de ces individus, de part et d’autre, est variable : apparaissent des noms de grands seigneurs, dont les noms se retrouveront dans chaque conflit : Berenguer d’Oms, allié du roi de Majorque et créancier du vicomte de Castellnou ; mais aussi des juifs, bénéficiaires de confiscations faites sur les chevaliers. Toutes les requêtes de dédommagement sont soumises à un juge qui rend la sentence finale entraînant le paiement. Berenguer d’Oms finit par jouir, dès 1293, des seigneuries de Jaspert V, vicomte de Castellnou[34]. Elles sont finalement restituées à leur possesseur originel en 1298 lors de la trêve conclue entre les rois de Majorque et d’Aragon. D’autres familles possèdent plus durablement des seigneuries confisquées : ainsi les Llupià faisaient encore reconnaissance en 1299 de la seigneurie de Maureillas confisquée à Bernat de Maureillas[35].

Lors du retour effectif des Comtés à la couronne d’Aragon après la chute du royaume de Majorque en 1344, ce sont cette fois les partisans de l’ex-roi de Majorque déchu, Jaume III, qui se retrouvent victimes de confiscations de la part du roi Pere el Ceremoniós (IV d’Aragon et III de Catalogne). Profitant de la création récente de la Procuration royale, institution régalienne, il fait établir en son sein une commission spéciale à la suite de la saisie des Etats de Jaume II, afin de juger, là encore, les réclamations de divers particuliers. Ainsi les premiers registres conservés pour cette institution sont largement marqués par les confiscations et réattributions, avec les procédures associées. Plusieurs nobles formulent des réclamations sur des biens confisqués, y compris des demandes relatives aux précédentes confiscations de 1285 : des marchands de Morella et de Manresa demandent dédommagement des pertes subies par leurs facteurs de Perpignan lorsque l’ex-roi de Majorque avait fait saisir dans ses Etats les biens des sujets aragonais. En 1345, le commissaire du roi, devant un faisceau de requêtes spontanées, publiait une déclaration accordant, aux créanciers de 44 individus déclarés traîtres ou rebelles dont les biens avaient été confisqués, un délai de trente jours pour présenter leurs titres et réclamations[36]. Parmi les rebelles, on retrouvait Bernat d’Oms, fils de Berenguer, bénéficiaire des confiscations des années 1290… alors que ses deux frères, Berenguer II et Francesc, figuraient parmi des fidèles de Pere III[37]. Même remarque pour la famille de Llupià, dont Ponç, possesseur du fief éponyme, partisan de l’ex-roi, sait cependant retrouver les faveurs du nouveau souverain et bénéficie de donations, alors que son frère Arnau, donzell de Clairà, sanctionné plus longtemps, voit ses biens confisqués en 1345, et attribués par parties à des chevaliers proches du roi. Selon la décision de la Procuration, des dettes sur les biens doivent être acquittées, mais ils ne peuvent être vendus sans autorisation royale durant une période de vingt ans. Les documents postérieurs montrent qu’Arnau de Llupià, qui avait quitté le Roussillon, y était rentré dès 1351 et avait recouvré au moins une partie des biens[38].

De 1463 à 1493, le Roussillon demeure sous l’autorité française[39]. Les confiscations de cette période, plus durables, ont des conséquences sur le long terme ; elles peuvent être aussi qualifiées de « répétition générale » de celles que nous observerons après 1642, et, à la lumière des réflexions de Julie Claustre-Mayade[40] sur d’autres confiscations de Louis XI, celles des biens du cardinal Balue en 1461, dessinent une politique et une typologie plus large, celle de la faveur royale et de la redistribution des bienfaits. La première action des Français lors de leur entrée en Roussillon, après la capitulation de Perpignan en janvier 1463, est de saisir les biens des habitants qui avaient tenté de défendre la ville. Ensuite, « chaque gouverneur, dit Gazanyola, sut découvrir, dans son ressort, quelque rebelle dont il put se faire donner les biens, ou, à défaut de rebelles, il y levait des contributions. » [41] La politique royale est de récompenser les serviteurs précieux dans les opérations en Catalogne ; l’effet, un transfert de dignités et de seigneuries en faveur de nouveaux venus français. Le moyen, une reprise dans ses attributions et la plénitude de ses pouvoirs de la Procuration royale, mais aux mains des français ou de roussillonnais ralliés : tous les titulaires de la procuration, intéressés à leur charge, bénéficient de seigneuries extraites des confiscations[42]. En 1464, une lettre royale ordonne que tous les biens « appartenans aux Cathalans, nos ennemis, qui seront trouvés en nos dits comtés » soient donnés à Jean de Foix, comte de Candale, lieutenant général en Roussillon, pour qu’il puisse acquitter la somme de 4000 livres tournois empruntées à des roussillonnais par les gens de guerre. Obéissant relais de l’autorité souveraine, le procureur Pierre Granier rend la sentence établissant juridiquement les confiscations, suivie évidemment d’une très longue liste des personnes saisies[43].

En 1475, après être retombée quelque temps aux mains des Aragonais, Perpignan subit un nouveau siège mémorable par les Français. Favorables aux perpignanais, la capitulation défendait la confiscation de leurs biens , et ils avaient quatre ans pour les vendre s’ils voulaient rejoindre l’Aragon[44]. Mais la réalité fut autre : le nouveau lieutenant général, Imbert de Batarnay, sire du Bouchage, arrivé avec des instructions secrètes du roi ordonnant d’expulser tous les nobles qui se sont armés contre le roi et de donner « leurs héritages, quelque appointement qui ait été fait » à son favori, le « Poulailler » (Etienne de Poisieu) « et à tous les autres qu’il verra qu’ils seront bien aigres, pour garder que les gentilshommes ne retournent plus au pays » [45]. Sur un ordre royal, du Bouchage établit une liste d’environ deux cent traîtres, avec la nature de leur trahison, « afin que si d’ici à vingt ans il y en retourne nuls, qu’ils leur fassent couper les têtes »[46]. Mais le nouveau vice-roi, Boffile de Juge, s’oppose à cette politique et refuse d’appliquer les ordres, considérant que ce serait affaiblir Perpignan, et qu’user de clémence attirerait la fidélité et la reconnaissance des habitants ; il finit par être disgrâcié. Durant cette période, la situation des grandes familles roussillonnaises a pu varier du tout au tout. Bernat d’Oms, seigneur de Corbera, est d’abord fidèle au roi de France ; il est nommé sénéchal de Beaucaire et gouverneur du Roussillon. Le sort des armes se trouvant souvent indécis entre le roi de France et le roi d’Aragon, Bernat d’Oms, devant la forte probabilité d’un retour de ce dernier, prend possession en 1472 de plusieurs places en son nom. Capturé par le roi de France, assassiné en 1474, ses biens sont mis sous séquestre[47]. De son côté, Joan, seigneur de Llupià, figure dès 1476 sur la liste dressée par le procureur royal : ses seigneuries de Llupià et du Vilarmilar sont données à un français capitaine d’un des châteaux de Perpignan. Le portier royal en prend possession en son nom, posant au nom du nouveau seigneur les mains sur les gonds des portes (enfoncées lors de la prise du château). Joan de Llupià ne récupère ses seigneuries qu’en 1486, après avoir adressé une supplique à Charles VIII, plus clément que son père[48]. Ironie du sort, Nicolau de Llupià, rallié d’abord à Louis XI qui le nomme même commissaire chargé des biens confisqués aux partisans du roi d’Aragon, change ensuite de camp, et ses propres biens, figurant sur la liste des saisies établie en 1478 par le procureur royal, sont attribués au capitaine du château royal de Perpignan[49].

La « circulation » mise en route par ces confiscations « affecte les biens, leur valeur, leur nature »[50] : les seigneuries peuvent aussi changer de statut, de situation féodale. Parallèlement à des attributions massives à des fidèles, le souverain ordonne des réunions au domaine : Canet et Ille. Les deux vicomtés médiévales, réunies au XIVe siècle dans la famille de Fenouillet[51], passées ensuite chez les Pinós, avaient été fortifiés au cours du XVe, à la faveur de différents privilèges fiscaux et juridictionnels attribués par le roi, afin de participer à la défense des Comtés ; au moment de l’entrée des Français, Canet était dotée d’une enceinte de 14 tours et de trois portes. Lors de la conquête du Roussillon en 1462, « les revenus et droits des vicomtés d’Ille et de Canet » sont confisqués, puis réunis au domaine : les seigneurs tenant des fiefs du vicomte de Canet les reconnaissent désormais directement au roi[52]. Les registres de la Procuration royale montrent, certes, qu’une grande diversité de situation persiste à travers l’occupation française, certaines seigneuries restant tenues en alleu, libres d’hommage, et d’autres le devant directement au souverain. Toutefois la réunion de seigneuries se fait plus courante, y compris celles qui étaient tenues en alleu, élargissant, avec l’étendue du domaine, le groupe des vassaux. La question des confiscations acquiert finalement une grande importance politique : Charles VIII, projetant dès les années 1490 la restitution du Roussillon, trouve obstacle en la personne du lieutenant du gouverneur du Roussillon, Guillaume de Carmaing, seigneur de Venez, marié à une catalane, Aldonsa de Torrelles, à qui avaient été constituées en dot les seigneuries confisquées de Céret et Millas. Préoccupé par leur potentielle perte, « l’intérêt privé se colorant ici du prétexte de bien général »[53], il fait tout pour empêcher la restitution des comtés, empêchant l’élection de nouveaux consuls et tentant de persuader les commandants des places fortes ; en vain.

Ce n’est donc pas sur des bases historiques et institutionnelles vierges que se posent les protagonistes des évènements des années 1640, responsables, bénéficiaires ou victimes de confiscations de biens. Comme celles que nous allons étudier maintenant, les confiscations médiévales n’obéissent pas au seul droit de la guerre et du plus fort. Le rôle des intérêts particuliers, en amont ou en aval, n’est certes pas à négliger. Elles se conçoivent toutefois au sein de procédures traditionnelles et encadrées par le droit, que les institutions catalanes, comme la Generalitat, souhaitent voir respectées, malgré les vides juridiques et les conflits de pouvoir qui surgissent d’emblée.

 

 

2.            Les premières confiscations de la Generalitat

 

Après les évènements du Corpus de Sang et l’assassinat du vice-roi, en mai 1640, l’appareil institutionnel royal disparaît de Catalogne, qui se retrouve sans vice-roi, sans armée puisque celle du roi est réfugiée en Roussillon, militairement menacée et socialement bouleversée. La responsabilité politique passe entièrement aux mains des institutions du pays[54], c’est-à-dire principalement la Generalitat de Catalunya et la ville de Barcelona, à travers le très puissant Conseil des Cent[55]. La Diputació del general de Catalunya, communément appelée la Generalitat[56], était une commission permanente des Corts qui assurait, en raison de l’espacement des sessions, leur préparation ou la continuité des décisions rendues. Elle se composait de quatre organes : le President de la Generalitat, charge occupée par le député du Braç Eclesiàstic ; le Consistori, formé de trois députés, un de chaque braç et de trois auditeurs des comptes ; le corps des officiers de la Diputació, avec les avocats fiscaux, syndics et autres gens de plume ; enfin les députés locaux aidés de leur propre équipe, dans les vigueries les plus importantes[57]. Avant 1640, son rôle principal était d’organiser la levée de l’impôt voté, réalisant ponctuellement des opérations financières pour la couronne comme l’emprunt. Elle revendiqua constamment, face aux réformes de la maison d’Autriche, un rôle dans l’interprétation et la défense des Constitutions ; et les Braços un haut degré de détermination, à travers la réunion d’assemblées, les Juntes de Braços, convoquées par la Generalitat afin de décider de questions stratégiques ou de haute politique en consultant les représentants des Braços qui avaient été présents aux dernières Corts et se trouvaient à Barcelona. C’est le cas le 10 septembre 1640, quand les députés convoquent une telle Junta, dans un contexte d’urgence, afin de prendre une décision devant la menace des deux armées française et espagnole et la peur d’une sanglante révolte populaire ; par la suite se forment des Juntas particulières pour les sujets de gouvernement, et chaque jour, les députés assemblent les Braços en leur consistoire. Pour Eva Serra, on passe alors d’une situation de souveraineté blessée à une option révolutionnaire[58].

Pendant une période, qui dure jusqu’à la soumission de la Catalogne au roi de France, la Generalitat de Catalunya ordonne en son nom de premières confiscations[59], dont la décision est prise à l’intérieur du Consistoire en collaboration directe avec les Braços. Elles naissent de deux impératifs énoncés par ces derniers : la nécessité de combattre les traîtres, et l’impératif de financer l’effort de guerre afin de se protéger des troupes militaires espagnoles du marquis de Los Velez, avançant en Aragon. Pour le premier objectif, les Braços décident de créer un tribunal ayant une ample juridiction contre ceux qui n’obéiraient pas à leurs ordres[60]. Le 22 septembre, les députés, ayant assemblé les Braços, leur demandent quelles procédures ils doivent observer à l’encontre de ceux qui, dans Barcelona ou hors de la ville, ont été convoqués aux Braços et ne s’y sont pas rendus. Leur résolution est la suivante : tous ceux qui, ayant eu avis de la convocation, ne s’y sont pas présentés, doivent comparaître devant les Braços sous vingt-quatre heures, sans quoi ils seront déclarés ennemis de la patrie, et comme tels, leurs biens seront appliqués aux dépenses de la défense de la province[61]. Eva Serra commente cette décision comme une prise de conscience, et une revendication de la part des Braços de leur importance politique, la trahison contre eux devenant égale à ce qui, pour le roi, était assimilé à un crime de lèse-majesté ; c’est alors que se situe le basculement qui légitime la disposition des biens, situant la patrie au niveau de la majesté[62]. Le lendemain, en conséquence des lettres du député Quintana, envoyé pour s’assurer l’alliance de la ville de Tortosa[63], les Braços décident que tous les habitants de la ville qui n’obéiront pas aux ordres du député et ne l’assisteront pas contre les ennemis, verront tous leurs biens confisqués pour les dépenses de guerre, et seront désinsaculés (retirés des listes de personnes éligibles) pour la députation, ainsi que leurs descendants[64]. Le 26, toutes les personnes des trois estaments participant aux Juntas doivent prêter un serment personnel d’union et d’obéissance aux résolutions qui seront prises par les députés sur la délibération des Braços[65]. Les nombreuses listes de personnes ayant prêté serment, transcrites dans le dietari, démontrent pour Lluís Palos Peñarroya une « volonté de porter un contrôle exhaustif sur les affinités de chacun »[66]. C’est du moins dans ce sens que va la nouvelle résolution des bras du 30 septembre de nommer six personnes afin de poursuivre ceux qui ont refusé de se rendre à la convocation des Braços, et/ou de prêter le serment, en informant contre eux et leurs biens[67].

Alors que les pressantes mobilisations décrétées par la Generalitat ont rencontré une grande réticence, et que la Generalitat a déjà résolu un rapprochement avec Louis XIII et une intervention des troupes françaises, l’armée du marquis de Los Velez entre en Catalogne par Tortosa le 23 novembre 1640[68], qui s’était préalablement remise sous l’obéissance du roi d’Espagne[69], et avance ensuite jusqu’au Campo de Tarragona à la tête de 30 000 hommes et 4000 chevaux. Pedro Fajardo y Pimentel (1602-1647), cinquième marquis de Los Velez, était issu par sa grand-mère, née Mencia de Requesens, d’un grand lignage catalan de ceux qui avaient choisi de suivre les desseins de la maison d’Autriche hors du Principat, et, pour cela, avaient précocément noué des alliances prestigieuses avec la noblesse castillane[70]. Par ce mariage, la maison des marquis de Los Velez se trouvait en possession de baronnies de Castellví de Rosanes, Sant Andreu et Molins del Rey, toutes trois situées dans le Baix Llobregat et très proches de Barcelona[71]. Vice-roi depuis le 23 octobre 1640[72], les institutions catalanes refusent d’emblée de le reconnaître dans sa charge[73]. Le 4 décembre, les députés assemblent les Braços, et leur lisent différentes lettres de syndics d’universités rapportant que Los Velez leur mande de se rendre sous trois jours à Tortosa afin de prêter obéissance, sous peine de tout passer à feu et à sang ; on apprend qu’il a déjà envahi et brûlé le lieu de Xarta. Cette cruauté inspire aux Braços une nouvelle résolution de confiscation, qui débute par le particulier et continue sur le général : confisquer tous les biens que Los Velez possède en Catalogne, les appliquer aux dépenses de la guerre, le déclarer ennemi de la patrie ; faire faire par les députés des procédures contre tout ceux qui seront « mal affectes a la pàtria »[74]. Il est significatif que l’une des premières occurrences du terme de mal affecte, que nous trouverons abondamment employé durant toute notre période, se trouve dans un ordre de confiscation.

A côté de la confiscation des biens de l’évêque d’Urgell, Pau Duran, ordonnée le 5 janvier 1641, et de ceux de Josep de Rocabertí, le 23[75], celle des biens du marquis de Los Velez est un exemple de poursuite nominative et individuelle avant la soumission à la couronne de France. Quant aux dispositions générales, il est difficile de déterminer si elles ont été largement appliquées. Ces évènements peuvent paraître marginaux mais c’est à ce moment-là qu’apparaît un élément essentiel : l’adaptation d’une procédure de confiscation. Sous la monarchie espagnole, nous l’avons dit, cette procédure était prise en charge par des institutions régaliennes. Cependant, la déclaration du crime de lèse-majesté qui, à lui seul, légitime toute la procédure, émanait du roi, ou du vice-roi son représentant, par l’intermédiaire d’une crida (proclamata en latin), proclamation d’un édit par voie d’un crieur public qui, en partie contre les principes pactistes des lois catalanes, avait fini par avoir force de loi[76]. La Generalitat avait la capacité de faire certaines crides ; en aucun cas celles déclarant une personne criminelle. La reprise d’un tel pouvoir par la Generalitat est un corollaire de sa nouvelle accession – dans les faits – à la « majesté ». Le 6 décembre 1640, dans les lieux accoutumés, est publiée la crida déclarant ennemi de la patrie le marquis de Los Velez et appliquant ses biens à la Generalitat. Le dietari nous précise même que la crida a été enregistrée dans les registres du consistoire[77]. On a aussi un bel exemple plus tard dans l’année 1641 avec une crida publiée à Barcelona le 14 juin par les soins de la Generalitat, déclarant « ennemis de la patrie » un groupe de Roussillonnais parmi lesquels le seigneur de Millas, Felip Albert, ou les bourgeois perpignanais Francesc Jahen et Agosti Oriola.

« Son restats dins la vila de Perpinÿa ÿ altros llochs del comptat de Rossello ocupats per lo enemich, ÿ han fets diffarents officis en favor dels enemichs, que han invadit dits Comptats, ÿ fetas moltas ostilitats contra los naturals… ».

Tous leurs biens sont confisqués et appliqués aux dépenses de la guerre. La crida a été publiée à Ille en Roussillon le 16 juillet 1641, ce qui montre à ce stade la bonne volonté de cette communauté, que nous allons retrouver dans la suite de notre travail – elle est la première à s’ouvrir à la France et à résister à plusieurs sièges de la part des Espagnols. Une fois la crida envoyée de Barcelona en Roussillon, sous format papier, sa publication a été faite par le batlle Josep Viader, qui a ordonné le crieur public de la proclamer au son de la trompette. Le batlle était un officier nommé par le seigneur, mais à Ille le seigneur étant un allié de Philippe IV (marquis de Moncada), le batlle a immédiatement pris fait et cause pour la révolte[78].

Rapidement, des avis contraires s’affrontent, à l’intérieur même des institutions catalanes, au sujet de ces confiscations. Le 18 février 1641, les députés signalent aux Braços qu’au cours de conférences avec la Junta de Justicia, les assesseurs et l’avocat fiscal de la Diputació, la légitimité des confiscations a été mise en doute, en raison des délais trop courts impartis pour se rendre aux convocations ; ils leur proposent de faire une nouvelle crida qui les élargirait à 26 jours. La réponse des Braços est essentielle : considérant l’immensité du problème, il faudrait le réexaminer avec la Junta de justicia, afin d’être plus précis sur les types de personnes passibles de cette peine, certaines pouvant se rendre à Barcelona, d’autres non. Il faudrait aussi « davantage étudier la rigueur de la peine de confiscation, si détestée par les Constitutions de Catalogne » en déterminant si elle s’applique encore à ceux qui ne se sont présentés qu’au bout de la deuxième convocation. En un mot, il faudrait individuer les peines[79]. Cette modération est attribuée par Palos Peñarroya à la perspective d’un changement de souveraineté, présenté par les autorités catalanes comme une libération des difficultés économiques et une protection nouvelle : à ce stade, les Braços ont sans doute cru à la possibilité d’arrêter de telles mesures d’exception[80].

Au cours de l’année 1641, avant la soumission effective à Louis XIII mais parallèlement aux négociations franco-catalanes, apparaissent aussi les premiers mouvements d’une opposition entre Generalitat et ville de Barcelona au sujet de la Batllia General. Cette dernière, comme nous l’avons vue, était possédée par la ville. Mais certains offices (particulièrement celui de notari major de la Batllia General) y étaient pourvus par le marquis de Los Velez, en vertu d’un droit, dont il avait probablement hérité, sur les scrivanias et notarias (ensemble juridique des offices des escrivans et des notaires avec les rentes et droits perçus)[81]. Disposée à exercer ce droit par l’effet de la confiscation de tous les biens du marquis, la Generalitat rencontre immédiatement l’opposition des conseillers de Barcelona, qui, en tant que possesseurs de la Batllia, le revendiquent aussi. Le 27 février, après avoir tenu plusieurs conférences stériles à ce sujet avec les avocats de la ville, les députés envoient une ambassade au Conseil des Cent, où ils viennent d’apprendre qu’on traitait de cette affaire : ils n’entendent pas, disent-ils, que la Generalitat pourvoie à tous les offices, mais que chacun pourvoie là où il a droit[82]. Ils veulent que les conférences reprennent, ou qu’en cas d’inefficacité on nomme d’autres personnes pour résoudre le contentieux. L’affaire traîne jusqu’à la fin de l’année, quant l’alliance avec les Français est déjà conclue. Le 25 septembre, les assesseurs du General, à la tête desquels Josep Fontanella, et ceux de la ville donnent aux députés le résumé de leurs tractations, transcrit dans le dietari avec de très riches citations des différents actes utilisés pour la justification des droits. Face aux prétentions des députés, les conseillers élaborent deux fondements juridiques, qui, tous deux, dérivent de la possession légitime de la Batllia General par la ville en raison d’une hypothèque du roi Philippe IV[83] : tout d’abord, la pragmatique de Philippe II datée de Valladolid du premier octobre 1553, établissant que les biens vacants et des rebelles, ennemis et transfuges, viennent en main et pouvoir du Batlle General. A cette occasion, les conseillers déploient un argument majeur, pour l’instant dans le simple cas des biens de marquis de Los Velez, mais dont on devine aisément qu’il a vocation à être généralisé : ces biens ne doivent en aucun cas entrer dans le fisc du General, mais dans les mains de la Batllia[84]. Le second fondement, de moinde importance, est que, si la seigneurie utile était bien possédée par le marquis de Los Velez, la seigneurie directe demeurait à la ville. Le premier se voit balayé avec une remarquable concision par les députés : il y eut certes une pragmatique attribuant la saisie des biens des rebelles à la Batllia General, mais elle ne fut jamais appliquée. Dans les faits, les biens furent saisis par le vice-roi, exerçant la charge de capità general del Principat[85]. Pour le second fondement, ils se contentent de répondre que chacun a sa partie de la seigneurie, et qu’aucune ne l’emporte, la Generalitat n’ayant rien réclamé sur la seigneurie directe que possède la ville. Tout cet argumentaire, de même que le rôle et la puissance des institutions catalanes, va alors être profondément réorienté, alors que ses initiateurs même, comme Josep Fontanella, vont se rapprocher significativement du pouvoir français.

 

 

Dans un second temps, la Generalitat perd progressivement son pouvoir, et doit réduire ses prétentions au profit des Français, alors que le gouvernement et l’exercice du pouvoir ne sont pas encore clairement définis, puisque le premier vice-roi français arrivera bien plus tard. C’est le recours, puis sujétion à Louis XIII qui, selon nous, constitue la vraie rupture. Plusieurs personnages issus de la noblesse terrienne engagée dans la Junta de Braços de 1640, se détachent dans les premiers rapprochements entre France et Catalogne ; par la suite ils seront au centre des luttes et querelles pour les faveurs et les récompenses. Le rôle de Francesc de Tamarit[86], député militaire, fut fondamental, à la base des évènements de 1640, pour avoir été emprisonné par les Espagnols et libéré par un mouvement populaire le 22 mai 1640. De premières négociations avaient été commencées fin mars après l’entrée des Segadors à Barcelona et la libération de Tamarit, sur ordre des députés, par Francesc de Vilaplana[87], noble roussillonnais et proche parent de Pau Claris, et Aleix de Sentmenat[88], qualifié par Eva Serra de « baró de la frontera » mais dont l’identité semble plus complexe[89] ; Sentmenat parvient à signer un accord avec d’Espenan le 15 août 1640, mais, à la fin du mois, il est fait prisonnier par les Espagnols[90] et voit Ramon de Guimerà[91] prendre sa place. Esquissé par Guimerà et le Français Plessis-Besançon[92] en août, puis à Céret le 24 septembre 1640, l’accord est lent à venir. Guimerà est plus prudent que Vilaplana, et douteux sur les garanties à apporter à la France en matière de places, laissant encore, selon Sanabre, une porte ouverte à la réconciliation avec l’Espagne[93]. Il pose un contretemps en disant que le pouvoir accordé à Plessis-Besançon était sur les précédentes propositions de Vilaplana et de Sentmenat. La Catalogne étant encerclée de toutes parts et menacée, Claris finit par presser l’accord. Après plusieurs hésitations, et des allers-retours du représentant français[94], les Braços acceptent le 17 janvier la proposition de Plessis-Besançon, contenue dans ses pouvoirs, de constituer la Catalogne en république sous la protection du roi de France. Mais devant les exigences imposées par Plessis-Besançon – personnellement défavorable à cette forme de gouvernement –, l’endettement et surtout la défaite récente des Catalans devant les Espagnols à Martorell, les Braços, réunis le 23, optent finalement pour une soumission pure et simple à Louis XIII ; après l’envoi d’une ambassade de la Generalitat menée par Tamarit et Guimerà, le Conseil des Cent donne son assentiment[95]. La Generalitat va se trouver ensuite affaiblie, du fait de la mort de Pau Claris le 27 février, et de la formation d’un conseil de guerre dominé par des officiers français, malgré la présence du conseller en cap Joan Pere Fontanella, de Guimerà, et de Tamarit[96]. Ce dernier, désireux de voir des Catalans garder le commandement des opérations militaires, se démet de sa charge à l’arrivée du maréchal de La Mothe en février 1641[97].

Rappeler ces évènements nous semblait important afin de mieux comprendre les bases (et les vides) juridiques de la future politique des confiscations telle qu’elle va se définir dès lors. De la soumission du 23 janvier, procèdent une série d’accords bi-latéraux, conçus de Paris à Barcelona, et vice-versa. Revenons maintenant sur les points qui, à l’intérieur des textes mêmes, peuvent la déterminer. Un document envoyé de Barcelona à Paris, daté du 3 mai 1641[98], résume les conditions que les Braços ont consenti pour soumettre le Principat à la France. Ces articles sont évidemment conçus en vue d’un accord formel. Ils sont quasiment repris à l’identique dans le traité de Péronne[99], signé le 19 septembre 1641 par Louis XIII, le numéro des articles ayant changé, et certains d’entre eux ne reprenant que partiellement le texte écrit à Barcelona. Nous n’étudierons pas tous les articles, abondamment glosés par les historiens. Voici ceux qui nous sont essentiels : l’article 1, confirmant la conservation des Constitutions de Catalogne ; l’article 2, décidant que le roi ne présentera que des Catalans aux bénéfices ecclésiastiques ; l’article 7, conservant à la maison de la Députation toute sa juridiction civile et criminelle « aux choses dont elle a accoustumé de congnoistre » ; l’article 8, établissant que seuls des « Catalans naturels » seront nommés capitaines et gouverneurs des places ; l’article 9, confirmant que le Principat et les Comtés seront régis par un vice-roi auquel on délivrera la minute de son pouvoir ; l’article 11, sur lequel nous allons revenir, concernant les villes de Tortosa et Tarragona ; l’article 13 promettant de ne pas séparer la Catalogne des comtés de Rousillon et de Cerdagne. Après réception à Barcelona de la nouvelle de la signature du traité, les Braços sont à nouveau réunis le 7 octobre, approuvant les pactes avec les modifications apportées par les Français, principalement, que le roi ne viendra pas en personne jurer les Constitutions mais agira par l’intermédiaire d’un procureur[100].

D’ores et déjà, nous remarquons qu’aucun article, aucune disposition spéciale ne concerne la question des confiscations, qui s’est pourtant posée avec force, comme nous venons de le voir, non sans soulever des problèmes. Les dispositions concernant l’exigence de nationalité ne s’appliquent qu’aux charges militaires et aux bénéfices ecclésiastiques, même si on peut penser qu’elles ont été inspirées par une opinion plus générale, peu encline à laisser les Français disposer de toutes les charges[101]. Un article surtout, l’article 11, est porteur de lourdes conséquences pour l’avenir. Le traité de Péronne vient couronner les longues négociations franco-catalanes commencées depuis plus d’un an, et en donnant le dernier coup à l’entière sujétion du Principat à l’autorité royale de Louis XIII, enlève tout doute sur la nature du pouvoir politique. Ainsi, l’intégralité du territoire de la Catalogne lui est soumis, à la fois au sens « réel », c’est-à-dire les lieux possédés par les armes du roi de France, et « symbolique », les lieux compris à l’intérieur des limites anciennes du Principat, mais encore possédées par le roi d’Espagne. Ces lieux ont vocation à rejoindre la mère patrie. Une différence essentielle est introduite par cet article 11[102] : le cas particulier des villes de Tortosa et Tarragona, tenues par les ennemis, mais par une soumission du plein gré des habitants, introduit une décision d’ordre général. Toutes les villes ayant suivi cette voie, une fois reprises par les armes (légitimes) du roi de France, pourront jouir de tous les privilèges généraux et des Constitutions de Catalogne, mais leurs privilèges particuliers ne leurs seront restitués qu’en fonction de leur attitude postérieure – la référence restant les pactes de capitulation consentis par l’assiégeant. De cette décision sont clairement exceptées Perpignan, Collioure et Rosas, « tenus de force par les troupes des ennemis contre la volonté des habitants », et, par le même mouvement du particulier au général, toutes les villes réputées être tenues par les Espagnols contre le gré des habitants ; avec la même réserve de leur attitude postérieure vis-à-vis du roi de France. La fin de l’article, bien que ne parlant pas directement de confiscations, sous-entend tout un arrière plan juridique qui les comprend naturellement : les juridictions et les revenus des ecclésiastiques seront conservés, de même que « demeureront comme auparavant, ensemble ceux des barons laiques qui n’ont esté et qui ne seront infideles a Sa Majesté et a leur patrie ». Ces deux derniers termes, formule puissante et concise de tout le contenu politique de la soumission de la Catalogne, seront sans cesse réutilisés dans tous les documents concernant de près ou de loin des confiscations. A la période précédente, la Generalitat représentait le légitime pouvoir de la « Majesté » accolé à la patrie ; désormais, cette majesté, qui lui demeure lié, représente la personne du souverain. Ainsi, les terres des barons laïques pourront être saisies si leur titulaire est infidèle au roi de France, avec la même justification utilisée pour imposer des conditions drastiques aux villes qui s’étaient soumises au roi d’Espagne. En 1648, lors du siège de Tortosa par les Français, nous verrons l’importance capitale de l’interprétation de cet article 11, les généraux appliquant à ce type de ville – et à elles seules – le droit de la guerre, avec un genre propre de confiscation.

Malgré un affaiblissement, noté par Eva Serra, la Generalitat restait combattive. Le 10 octobre 1641, les députés, arguant toujours de la validité de la confiscations des biens du marquis de Los Velez, nomment Pere Pau Vives et Miquel Serra, notaires de Barcelona, à l’office de scrivà major de la Batllia General, chacun devant l’exercer une semaine sur deux[103]. Ils prêtent tous les deux serment aux députés de l’exercer comme de bons officiers, et d’observer les Constitutions de Catalogne. La réaction de la ville ne se fait pas attendre : le lendemain, les conseillers envoient une ambassade demandant de suspendre l’affaire jusqu’à ce que le Conseil des Cent prenne une décision[104]. Réponse du berger à la bergère, les députés renvoient deux ambassades. Une première, disant que dans la précédente délibération des avocats et assesseurs respectifs des deux Consistoires, l’affaire était comme résolue, et que le Conseil en était bien informé. La seconde, du 13, plus mordante, disant que lorsque les députés du précédent triennat avaient nommé quelqu’un à cet office, aucune plainte n’avait été faite, et qu’il ne s’agissait là que d’un simple changement de personne, dont ils se déclarent surpris que le Conseil soit fâché[105]. Le même jour, le Conseil demande à nouveau que deux docteurs en droit soient nommés par chaque partie afin de régler le problème. Réunis les jours suivants, ils rendent leur réponse le 17[106], confirmant la précédente délibération, avec les mêmes arguments, la voix de l’avocat fiscal de la Batllia y étant seule opposée. Les conseillers tardant à se conformer à la décision, un nouvel avertissement, cette fois plus véhément et solennel, est envoyé par les députés, le 24 du mois, où ils en appellent à leur patriotisme, et à la nécessaire union des Consistoires nécessaire en ces temps difficiles. Au mois de décembre, les députés semblent avoir obtenu gain de cause, mais ils renoncent à pourvoir la charge en question en faveur de ceux qu’ils avaient choisis, et la vendent aux enchères publiques de Barcelona ; elle est achetée par un riche marchand, Cristòphol Sangenís[107].

Après la soumission à la France, la Generalitat a-t-elle continué à disposer des confiscations ? La question est difficile à résoudre, faute de documentation. Plusieurs pistes s’offrent néanmoins à nous qui, malgré leur caractère ténu, méritent d’être signalées. La suprématie de la Generalitat a été fortement affaiblie par trois évènements : la mort de Pau Claris, l’entrée de l’armée française, suivie de la victoire de Montjuic, et la disparition de l’idée de république causée par les pactes franco-catalans. Jusqu’à l’arrivée effective du vice-roi français, le maréchal de Brézé, en février 1642, l’autorité des institutions catalanes s’effrite, par la constitution du conseil de guerre et la présence de l’intendant français d’Argenson[108]. De plus, elle doit compter avec l’opposition des nobles du braç militar, qui, dès les négociations des pactes, l’accusent de les en avoir écartés, et de ne pas suffisamment relayer leurs revendications traditionnelles[109], Tamarit, notamment, ayant été éloigné par Pau Claris au moment de la résolution de la soumission[110]. Ils parviennent à perturber la nomination des officiers de justice de la Generalitat, affirmant qu’elle profitait de l’absence de vice-roi pour placer ses clients aux postes stratégiques. Envoyé comme ambassadeur de la Generalitat auprès du roi de France, en visite à Perpignan, en avril 1642[111], Ramon de Guimerà profite sans doute de cette occasion pour lui adresser une supplique, afin d’obtenir le don du comté de Guimerà[112]. Nous reviendrons bientôt sur ce type de documents, qui se multiplie au lendemain du traité de Péronne. L’important pour nous, à ce stade, est l’un des services qu’il s’attribue afin de montrer qu’il mérite ce don : « Il a rendu un signalé service à Sa Ma.té destournant M.rs de la Deputation, de la resolution qu’ils vouloient prendre de disposer des confiscations des rebelles».[113] Si le document, comme nous le proposons, est bien daté de l’ambassade de Guimerà, réalisée au nom de la Generalitat, l’ambassadeur agit un peu contre les intérêts de ceux qui l’envoient, les accusant d’un mal auprès du souverain. Malheureusement, nous ne trouvons dans le dietari de la Generalitat aucune trace de ladite résolution, ni du rôle que Ramon de Guimerà aurait eu en cette affaire. On peut voir dans son affirmation signe de l’opposition qui avait lieu entre le braç militar et les députés, autant qu’une simple manière de se faire valoir auprès du roi. Toutefois, dès le début de 1642, la Generalitat fait inventaire de tout ce qu’elle possède et qui est susceptible d’être vendu afin de financer les opérations militaires, sa principale préoccupation : le 22 mai, les livres saisis à l’évêque d’Urgell, Pau Duran, sont vendus aux enchères publiques, et achetés par Llorenç de Barutell[114], chancelier de Catalogne, lui-même chanoine d’Urgell et futur évêque… qui les convoitait peut-être depuis longtemps. Plus tard encore, le 26 novembre, c’est le tour de la maison de don Bernardí de Marimon, située au carrer Ample de Barcelona[115]. Ce dernier fait montre bien que les résolutions initiales des Braços, le 4 décembre 1640, de poursuivre tous les mal affectes avaient été suivies, au moins partiellement, et que des biens avaient été saisis par la Generalitat. De même, les confiscations de l’évêque d’Urgell et de Josep de Rocabertí, respectivement du 5 et du 23 janvier 1641, avaient pu entrer en exécution au cours de cette année, et dépasser même, compte tenu de la longueur de toute prise de possession, la date de la soumission du Principat, devenant de fait moins légitimes et, peut-être, moins tolérables aux yeux d’une noblesse désireuse de s’en emparer.

 

3.            Les Français commencent « leurs » confiscations ?

 

Les Français entrent militairement en Roussillon dès septembre 1640, avant même la signature d’accords : la participation d’officiers à la défense d’Ille contre les tercios espagnols, le 25 septembre, est considérée comme la première intervention française ; l’armée entre ensuite en Catalogne au mois de décembre : bien que les différents accords la qualifient d’ « armée auxiliaire » venue au secours des Catalans, elle prend rapidement le pas[116]. En février 1641, le maréchal de La Mothe[117] est nommé général en chef de l’armée de Catalogne, et le 25 mars, René de Voyer d’Argenson arrive à Barcelona avec le titre d’ « intendant général des armées »[118] ; il prend dès lors une importance qui ne cessera de croître et que nous allons suivre, ainsi résumée par Sanabre : « il remplit le vide laissé par Claris »[119]. Les opérations militaires dominent alors. L’essentiel du pouvoir tombe dans les mains d’un Conseil de guerre constitué lors de la résolution des Braços du 23 janvier, que d’Argenson rejoint dès son arrivée : dans cette période sans vice-roi ni Audiència, les institutions catalanes n’osent plus prendre de décision sans en référer à lui. Dans la suite du traité de Péronne, comme prévu par les articles, est nommé un premier vice-roi français, Urbain de Maillé-Brézé, marquis de Brézé, maréchal de France et beau-frère de Richelieu[120]. S’il part de la cour dès le mois d’octobre 1641, une fois arrivé en Roussillon, il décide d’y rester, car l’état de l’armée est déplorable, et on redoute des attaques sur la côte. Le 30 décembre, c’est à la Junquera, à la frontière entre Roussillon et Catalogne, pour ne pas s’éloigner, qu’il jure les Constitutions. A Paris, l’ambassadeur des Consistoires, Barutell, reçoit des mémoires des Consistoires, le priant de faire toutes les instances possibles afin de presser le départ de Brézé pour Barcelona : en effet, selon les Constitutions du pays, le vice-roi dispense en Catalogne la justice royale, seul moyen de châtier les mal affectes, et, pour cela, il doit présider en personne le tribunal suprême de Catalogne, la Reial Audiència, ce qui ne peut se faire qu’en résidant dans la ville. Les Français et leurs alliés ne dorment plus tranquilles : les Espagnols, depuis Rosas et Lleida, déploient une forte propagande, multipliant les promesses et les dons.

Urbain de Maillé-Brézé, premier vice-roi français de Catalogne et beau-frère de Richelieu (base Joconde)

Urbain de Maillé-Brézé, premier vice-roi français de Catalogne et beau-frère de Richelieu (base Joconde)

Nous ne trouvons encore aucune mention dans la correspondance française des confiscations de Catalogne. Quant aux mémoriaux catalans que nous trouvons à ce stade, ils font des requêtes vagues, ou bien demandent clairement des pensions sans préciser l’origine ou le fonds sur lequel les tirer. Le pouvoir français semble encore ignorer la question. A cela, plusieurs explications probables. Tout d’abord, les confiscations de la Generalitat, évoquées avant, sont encore en possession de l’institution. Les revenus déjà touchés ont été appliqués aux dépenses de l’armée, et les revenus en fruits ne sont pas encore perçus[121]. De plus, l’ampleur de ces confiscations, malgré quelques baronnies et livres de prix, nous a semblé limitée. Enfin, raison sans doute prépondérante : pour que les confiscations aient lieu, il faut qu’il y ait des traitres. Et les premières actions contre les partisans de Castille, précédées ou suivies de leur exil dont la chronologie a été esquissé par Jordi Vidal Pla[122], débutent au mois de janvier 1642, avant même l’arrivée de Brézé, sous la houlette d’Argenson, qui utilise pour les éliminer des gentilshommes catalans affectionnés à la France pendant qu’un docteur en droits de Lleida nommé Onofre Anglesill fait leur procès pour crime de lèse-majesté[123]. Ces procès manquent assurément de légitimité. Sanabre considère que, d’une part, la majorité des docteurs et juges de l’Audiència avaient été nommés durant la période où dominait le Conseil de Guerre composé d’Argenson, de plusieurs officiers français, de Guimerà, Tamarit, et surtout du conseller en cap Joan-Pere Fontanella[124] (le père), sur proposition de ce dernier. Il avance d’autre part que le nouveau Régent Josep Fontanella[125] (le fils), homme de confiance d’Argenson, avait été nommé avant même l’arrivée du vice-roi en Catalogne[126]. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé d’archives judiciaires se rapportant à ces premiers procès et nous serons obligés de débuter avec les registres de la chancellerie.

Quand le vice-roi doit finalement transiger, passe la frontière, et arrive dans la ville comtale le 23 février[127], s’ouvre une période très complexe sur le plan politique et, ce que les historiens n’ont pas suffisamment considéré, documentaire. Dans le cadre de la présente étude, il va nous falloir d’ores et déjà clairement séparer les étapes de ce que, jusqu’à maintenant, nous avons appelé les « confiscations ». Les confiscations de la Generalitat, faites entre septembre 1640 et la toute fin de l’année 1641, étaient surtout renseignées par les dietaris, registre de comptes rendus des réunions des députés et des Braços. La Generalitat tirait sa légitimité à confisquer du caractère révolutionnaire du gouvernement : le 6 décembre 1641, c’est elle qui proclama la crida déclarant le marquis de Los Velez ennemi de la patrie, et rendant possible la confiscation[128]. L’institution prenait donc en charge à la fois la constatation publique du crime (crida), l’ordre de saisie ci-inclus, la saisie effective, la perception des revenus (s’il y en eut), et la vente éventuelle de certains biens. Mais elle n’en attribua aucun, ni à un groupe, ni à un particulier. A présent, dès l’arrivée du vice-roi, le 23 février, l’ordre politique et judiciaire change – c’est d’ailleurs la raison principale de sa venue. Il pourvoit très rapidement, sans doute le 24 ou le 25, à la totalité des offices de justice, et refonde une chancellerie de Catalogne : les registres commencent dès le 26, avec le « visa » des nouveaux dignitaires chargés de valider les actes[129]. L’observation de ces registres, appelés par les archivistes postérieurs « Registros de monarcas Intrusos » (« Registres des rois Intrus »), est essentielle afin de dater précisément les évènements de la période. Sanabre en a eu l’intuition, en attirant l’attention sur l’importance du registre n°113, cependant, il a éludé un détail primordial, inhérent aux archives des chancelleries : s’agissant de registres, la date donnée par les actes ne correspond pas à la date de délivrance de l’acte, théoriquement identique à celle de l’enregistrement, mais à celle de la rédaction de l’acte, d’où d’importantes erreurs de chronologie, perpétuées par plusieurs historiens ; de même, l’enregistrement de l’acte ne signifie pas que l’acte en question ait été établi par cette chancellerie. Aussi nous pouvons lire sous sa plume que la distribution des biens confisqués débute dès l’arrivée du vice-roi, décidée par lui, et se poursuit dans les mois suivants – témoin le fameux registre n°113[130] – alors que, nous allons le voir, il s’agit minoritairement d’actes de 1642, non émanés du vice-roi sauf exception, et seulement enregistrés (la plupart en 1643).

Il nous faut donc premièrement évoquer une étape désormais assurée par l’ordre judiciaire (la Reial Audiència), en la séparant clairement de la suite du processus de confiscation : la déclaration du crime de lèse-majesté. La Reial Audiència, premier tribunal de Catalogne, créée par Ferran II aux Corts de Barcelona en 1493, a pour président-né le roi, et en son absence le vice-roi ; ses décrets ont qualité de sentence royale, sans appel possible, et sont édictés par le vice-roi. Elle comprend le chancelier et le Regent la Real Cancelleria[131], qui, chacun, président une chambre appelée sala composée de cinq docteurs. Une troisième chambre (tercera sala) est présidée par le doyen des docteurs. La tercera sala, assemblée avec le Chancelier et le Régent, ainsi que le trésorier, et trois juges appelés jutges de cort, sous la présidence du vice-roi et en son absence celle du Régent, forme le Reial Consell ou Reial Consell Criminal, francisé en Conseil Royal[132]. Alors que les deux salas du chancelier et du Régent, en matière criminelle, ainsi que la tercera sala, en matière civile, sont de simples tribunaux d’appel des tribunaux inférieurs, le Reial Consell juge les causes criminelles qui arrivent à la Reial Audiència en première ou en seconde instance, et sert d’ « organe consultatif par excellence du vice-roi en matière de gouvernement et de grâces »[133] : ses membres, en plus des jutges de cort, sont pour cela appelés ministres reials (ministres royaux). Il n’est pas nécessaire de revenir ici sur toutes les catégories d’affaires qui se traitent par telle ou telle sala, selon le montant de la somme en jeu ou la qualité de la personne. L’important pour nous est de dire qu’elle s’occupe des cas royaux (regalies), comme les délits contre l’administration et la justice, les affaires concernant des personnes munies de privilèges de sauvegarde ou la protection des lieux saints, les crimes de fausse monnaie, et ceux commis sur les chemins publics et les routes. Sous le gouvernement d’Espagne, les crimes de lèse-majesté, les affaires de grâce, de privilèges royaux, et les affaires venant en appel de la juridiction de la Batllia General avaient l’habitude d’échoir au Conseil d’Aragon. De fait, sans être connues par le conseil royal de France, ces affaires, à partir de la nomination de la nouvelle Audiència en février 1642, lui échoieront directement.

peguera

Dans un pays aussi attaché à ses lois et au légalisme que la Catalogne – ce que savaient fort bien les Français[134] – le respect de la procédure a une dimension essentielle. Les juristes n’innovent jamais, et utilisent scrupuleusement les auteurs de doctrine. Parmi ceux-ci, retenons deux noms : Lluis de Peguera[135], et Acaci de Ripoll[136]. Le premier, mort depuis trente ans, restait la référence absolue en matière de droit public, ses ouvrages étant constamment réédités. Le second, vivant et âgé de 62 ans en 1640, a un rôle central en tant que juriste (officiel ?) du nouveau régime, publiant en 1644 chez Gabriel Nogues, en plein débat sur les exils des mal affectes, un Regaliarum tractatus, véritable traité des cas royaux, où il ventile sur plusieurs chapitres le crime de lèse-majesté in primo capite. De ses notes personnelles sur l’œuvre de Peguera, la Practica criminalis et ordinis iudiciarii civilis (1603), il tire une réédition fondamentale, Nobilis D. Ludovici de Peguera Regii Senatoris in Supremo Cathaloniae Senatu Praxis Criminalis et civilis, haec additionata iuribus decisionibusque diversorum senatuum, qu’il publie en 1649 chez Antoni Lacavalleria, mais dont l’élaboration est contemporaine des années 1640[137]. Il y revient amplement sur le même sujet, mais de façon plus pédagogique, au chapitre 19. En Catalogne, même avec des criminels de lèse-majesté, on ne confisque pas comme on veut, ni sur qui on veut. Théoriquement, les biens sont considérés comme confisqués du moment même où ce crime est commis ; dans une certaine mesure, la notion même de confiscation échappe au juge ou à l’autorité temporelle, car elle est inhérente à la loi[138]. Cependant, la confiscation ne peut avoir aucun effet si une sentence n’a pas déclaré que l’accusé est tombé dans le crime de lèse-majesté (principe fondamental du droit : nulle peine sans sentence)[139]. Démarre alors la procédure :

  1. Pour pouvoir poursuivre qui que ce soit, il faut commencer par une procédure sur l’instance du procureur fiscal de la Regia Cort[140], dont Acaci de Ripoll montre la forme précise (« forma sequenti ») à travers un exemple. Le texte dont il donne la transcription anonymisée est la supplique du procureur fiscal, adressée au vice-roi (Votre Excellence), où il fait la dénonciation des crimes commis, en montrant la justification d’une information contre les auteurs, demandant que les lettres « opportunes et nécessaires selon le style de la Regia Cort» soient expédiées (ouverture de l’instruction).[141]
  2. Une fois cette première étape passée, un décret du vice-roi ordonne au juge de reconnaître la supplique et de lui donner suite en bonne et due forme[142].
  3. Le juge doit alors recevoir l’information de ce qui est contenu dans la supplique par voie d’enquête, et, une fois qu’il conste de ce qui a été dit, édicte une provision (provisio judicis) afin que les accusés soient cités à comparaître personnellement sous dix jours « devant Son Excellence et la Regia Cort» pour se justifier de leur crime[143].
  4. Interviennent alors les lletres citatories (litterae citatoriae), expédiées en vigueur de la précédente provision, au nom du roi, du vice-roi, et adressées personnellement à chacun des accusés dans le lieu de leur habitation[144]. Elles reprennent à peu près les termes de la supplique du procureur, en disant qu’elle a été acceptée, que l’information a été ouverte, et signifient la citation à comparaître. Elles portent la signature du vice-roi, sont munies du visa du Régent, du trésorier, de l’avocat fiscal, et du juge. Acaci de Ripoll ajoute que cette citation peut aussi se faire par voie de proclamation publique, ou crides (praeconium)[145]. Il donne un exemple de crida: cette forme est toujours rédigée en catalan, car elle est affichée dans des lieux publics, prononcée par un crieur public, et doit être comprise de tous ; elle porte les mêmes visas, et doit être revêtue du petit sceau royal. Les dix jours courent à partir de l’expédition des lettres ou de la proclamation de la crida.
  5. Une fois passé le délai de dix jours, si les accusés ne se sont pas présentés, le procureur fiscal procède à l’accusation de contumace. Il s’agit d’une supplique au vice-roi de faire procéder contre les accusés, après une constatation de la non comparution[146].
  6. Un nouveau décret du vice-roi renvoie la cause à son rapporteur[147].
  7. Le juge fait une nouvelle provision recevant et admettant la contumace[148].
  8. Après une intimation « aux portes de la Regia Cort» (« in valvis Regiae Curiae »), l’information doit être fortifiée « autant qu’il est possible »[149].
  9. Le procureur fiscal fait une dernière supplique au vice-roi, cette fois afin de pousser à la sentence[150].
  10. Le vice-roi donne un dernier décret pour confirmer l’intention du procureur.
  11. Nouvelle provision du juge déclarant que la contumace étant reçue, après assignation à la sentence, on fera une nouvelle intimation, avant de rendre la sentence le lendemain.
  12. La sentence est enfin proclamée, au nom du vice-roi, avec visa du Régent, de l’avocat fiscal, du juge[151].
Figure n°1 : Procédure de poursuite des criminels de lèse-majesté

Figure n°1 : Procédure de poursuite des criminels de lèse-majesté

 

La question principale est de savoir si cette procédure, longue et très formelle, a été respectée en cette année 1642, où la Reial Audiència était restée vide tant de temps, et où les événements politiques et militaires pressaient tout un chacun. Les exemples utilisés par Ripoll, tirés de deux procès de 1603, permettent de voir qu’entre le décret du vice-roi admettant la première supplique du procureur, et la provision du juge (après première information) débouchant sur la citation à comparaître, 19 jours s’étaient écoulés. La première trace de procédure que nous trouvons est dans un registre de crides, proclamations et édits des vice-rois à caractère général. Le 7 mars 1642, une sentence déclare définitivement criminels de lèse-majesté un groupe de roussillonnais : Joan Francesc Masdemunt dit lo pubill, Hug d’Ortaffa, Gabriel de Llupià, Julià Jordi, capità de cavalls, Lluis son lieutenant, tous de Perpignan ; Matheu Angelet, T. Llobet, de Céret ; et Carles Urgell de Bages[152]. Si l’on compte au moins le délai légal de 10 jours avant la contumace, avant le 7 mars, on arrive à une date approximative de publication de la première crida le 24 février, soit un jour après l’arrivée de Brézé à Barcelona[153]. Un exemple plus précis est la première crida faite le 27 mars 1642[154] contre Ramon de Calders i Ferran[155] et Anton Despés i Gomar les assignant à comparaître sous 10 jours pour répondre de leur crime. Nous en donnons l’édition en annexe. Dans la teneur, les 3 premières étapes préalables à la crida sont indiquées comme ayant été franchies. La provision du juge (étape 3) est datée du même jour que la crida. Le délai des dix jours est ensuite probablement respecté : on trouve une seconde crida, datée du 26 avril, soit environ un mois après la première, faisant mention de la suite de la procédure. Les accusés ne se sont pas présentés, il a été procédé contre eux, jusqu’à une sentence du 26 avril qui a donné lieu, le jour même, à cette crida.

Le signe le plus particulier de cette année 1642 est la multiplication des cridas. Dans la procédure présentée par Ripoll, une crida « peut »[156] être faite à côté des llettres citatories (étape 4). Ici, de nouvelles cridas viennent renforcer la sentence de l’Audiència, qui, rappelons-le, a déjà en elle-même force de décret royal. Dans le second exemple cité et édité (Calders et Despés), une seconde crida, de forme très comparable à la première, signifie à tout un chacun le contenu de la sentence : les accusés ont commis le crime de lèse-majesté, et leurs biens ont été confisqués et « appliqués aux coffres de la Regia Cort ». Le passé fait sens, puisque la confiscation a théoriquement eu lieu dès le moment du crime, et que la sentence ne vient que la confirmer. Cependant, ce respect des formes ne doit tromper personne : la crida, moyen de communication par excellence – feuilles parfois imprimées et affichées dans la ville[157] –, est faite pour notifier à tous que la justice se fait, et que le châtiment des traîtres n’attend pas. La peine de confiscation est utilisée comme une menace dissuasive. A l’appui de cette dernière affirmation, l’exemple que nous citions en premier, ce groupe de roussillonnais condamné par une sentence du 7 mars. Nous calculons par déduction la date de la première crida aux alentours 24 février, mais l’étape suivante, elle, est enregistrée : une nouvelle fois, une seconde crida asseoit la sentence, cette fois datée de 4 jours après cette dernière, le 11 mars[158]. Mais le vice-roi y utilise pleinement la valeur législative de la crida, puisqu’une fois rappelées la procédure et la sentence, après avoir défendu formellement de donner toute aide ou refuge aux coupables, il en profite pour lancer une seconde convocation, incitant cette fois à dénoncer les biens meubles et immeubles des coupables, dans un délai de dix jours après lequel ceux qui les cacheront seront poursuivis ainsi que leurs biens.

« Mais Son Excellence, en exécution de ladite sentence royale, dit et ordonne par la même teneur de la présente crida pública à toutes et quantes personnes, de quelques estament, grade ou condition qu’elles soient, que dans dix jours après la publication de la présente crida pública à compter de cette date, de dénoncer et d’avoir dénoncé à la Regia cort touts et quants biens meubles et immeubles, or, argent, joyaux, monnaies, robes, vêtements, noms, droits et autres biens desdits Joan Francesc Masdemunt dit « lo pubill », don Hugo d’Ortaffa, don Gabriel de Llupià, Julià Jordi, maître T. Luis, Matia Angelet, T. Llobet et Carles de Urgell, où qu’ils se trouvent et peu importe en quoi ils consistent. Une fois passé ledit terme on procèdera contre ceux qui tiendront ou auront caché et connaîtront lesdits biens et ne les auront pas dénoncés, comme il est dit, à la Regia cort, comme sachant et ne dénonçant pas ceux-ci, à la mesure du remède de justice et de droit que l’on trouvera à appliquer ».

Sans pouvoir conclure pour l’instant sur l’instrumentalisation des procès de 1642, il faut néanmoins en limiter la portée et en rappeler le sens. Si des poursuites ont pu être faites et, nous le verrons, seront faites contre des gens soupçonnés de traîtrise, accélérant leur condamnation à mort ou leur exil, celles que nous trouvons cette année-là, et une grande majorité de celles que nous verrons par la suite, concernent des personnes ayant déjà quitté le Roussillon et la Catalogne, ou ayant déjà manifestement rejoint les armes ennemies, et donc exilées de fait. Ainsi, ces procès ne sont pas vraiment des procès politiques, ou plus précisément des procès de haute politique, mais des moyens de donner leur assise légale et traditionnelle aux confiscations, et surtout de montrer que désormais, après une période de sommeil, la justice royale fonctionnera sans concession.

 

 

Les procès légitimant les confiscations ont commencé. Mais quand commence leur distribution ? Sanabre l’a rattachée à la volonté du vice-roi Brézé dès son arrivée à Barcelona en février 1642, se basant sur les registres de la chancellerie[159]. Nous présenterons cela autrement, en parlant d’abord d’une prise de conscience de la question par les différentes autorités. A la base de tout, un mémoire fondamental, dont Sanabre a bien montré l’importance, le qualifiant de « prévision de la structure politique qui allait s’implanter en Catalogne »[160]. Il l’attribue de façon fort convaincante à d’Argenson. Cependant, pour lui, son destinataire est le vice-roi, à qui il aurait été donné au début de son mandat. A l’appui de cette hypothèse, il dit que le document se trouve au milieu du dossier de la correspondance de Brézé, ce qui est inexact. Le document[161], que nous éditons, figure dans une collection factice de mémoires et copies de correspondance d’époque, portant le titre de « Roussillon 1639 à 1642 ». Il a été probablement été élaboré dans la perspective prochaine du voyage du roi, qui est encore en Roussillon pour le siège de Perpignan, vers la Catalogne. Parmi les prescriptions du mémoire, rédigé par une personne connaissant bien les plaintes et les craintes des institutions catalanes, comme d’Argenson, « faire entendre aux depputez et conseillers que le principal sujet du voiage du Roy en ces quartiers a esté de les deslivrer entierement de leurs ennemis tant dans le Roussillon que dans la Catalogne » et non pas uniquement prendre Perpignan pour ses propres intérêts. D’Argenson y est montré comme la personne capable de rendre ce service, et il est aussi conseillé de lui remettre le fonds de l’armée de Catalogne. Le mémoire ne s’adresse donc sans doute pas à Brézé, mais au roi – ou à son princial ministre, dans l’intention –, c’est-à-dire à la personne détenant la puissance de choisir en haute main à qui confier les fonds des armées, à qui attribuer les principaux bénéfices, « à qui on peut faire part des confiscations ». Faisant mention d’hommes qui mourront à la bataille de Montmeló le 28 mars 1642[162] ou de la suite de leurs blessures (Gaspar de Llupià[163], Joan de Copons), qualifiant Ramon de Bas de « gouverneur de Roussillon » (dont le privilège de gouverneur date du 29 mars 1642)[164], le document doit être daté des derniers jours du mois de mars ou des touts premiers jours du mois d’avril, quand la nouvelle des décès de la bataille de Montmeló n’était pas encore arrivée (et non pas d’avant l’entrée en fonction de Brézé)[165]. Il s’agit tout bonnement du premier texte politique, tant du côté français que catalan, mentionnant des confiscations, ce qui permet d’avancer qu’avant cette date, elles n’avaient pas été distribuées. Hypothèse du moins corroborée par le fait que nous n’ayons trouvé aucun don de confiscation, ni de pension sur des biens confisqués, avant le mois d’avril.

Dans sa présentation et son contenu, ce mémoire montre une volonté d’expliquer la situation catalane, très complexe, et de la ranger par catégories afin de pouvoir mieux la contrôler. L’essai est toutefois, il faut le dire, assez rudimentaire. Une catégorie est consacrée aux « Personnes d’espée plus considerables qui sont demeurez dans le party du Roy », contenant une liste de noms sans classement ni hiérarchie, dont certains ont leurs titres (« Gouverneur de Catalogne », « Gouverneur de l’Ampourdan »), d’autres des grades militaires (« cappitaine de cavalerie »), alors que d’autres ne les ont pas, et que la notion de « plus considerable » serait assez difficile à expliquer. En effet la liste ne tient pas compte des grandes différences de niveau entre un Josep Amat, un Gaspar de Llupià ou un Ramon de Guimerà, chefs des plus anciennes lignées catalanes, et un Emanuel d’Aux[166] ou un capitaine Borell, tout juste anoblis en récompense de leurs services militaires. Dans la marge, une inscription a évidemment attiré l’attention de Sanabre : « Il y a deux partis en Catalogne : celui des Gnaires et celui des Cadelles ». L’orthographe francisée, « Gnaires » pour Nyerros et « Cadelles » pour Cadells, fait rire ; mais ce petit détail montre que l’auteur était au courant des querelles de clans nobiliaires du siècle précédent, indiquant même – mais pour un individu seulement, alors que tous les autres auraient pu être rattachés à tel ou tel camp selon les atavismes familiaux – que Tomàs de Banyuls était « chef des Gnaires ». Núria Sales, spécialiste de ces querelles au XVIe siècle[167], s’est demandée dans sa réflexion sur le XVIIe siècle si tout cela avait encore cours, en questionnant le personnage de Josep de Margarit, qui se trouve aussi le premier individu cité par notre document. Elle remarque que malgré sa réputation d’appartenir au camp ancien des Cadells, il est ami avec Tomàs de Banyuls. Plus encore, ce dernier apparaît sur d’autres documents comme chef des Cadells ! Par la suite, dénoncer l’appartenance à tel ou tel clan, pour l’historienne, n’équivaudra plus qu’à « banaliser des rumeurs de conspirations, ou à disculper des accusés de trahison » [168]. Survivances marginales, donc, mais dont l’information a dû être donnée à d’Argenson comme un fait de premier ordre, probablement par des Catalans. Autre signe des relations de l’intendant avec les naturels, cette obscure catégorie : « Personnes propres a servir avec des françois ou sous eux ». Au vu du futur rôle de Rafel Antich, cité parmi ces personnes (il sera nommé parmi les premiers séquestres des biens confisqués pendant l’interrègne d’Argenson), on devine qu’il faisait déjà partie des proches serviteurs de l’intendant[169].

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Nous serons surtout sensibles à cette liste, très partielle (et partiale) des « Biens à confisquer et à donner ». Soulignons la nuance de futur proche : les biens cités (ceux du duc de Cardona, du duc d’Albe, du duc de Sessa, du marquis d’Aitona, du comte de Santa Coloma), ne le sont pas encore effectivement à cette date. Les biens du duc d’Albe, du duc de Sessa, et ceux du comte de Santa Coloma, par exemple, seront déclarés confisqués en avril 1643, après la procédure habituelle[170] ; ceux du marquis d’Aitona l’étaient depuis le 30 octobre 1642[171]. Il s’agit des biens les plus importants et les plus voyants, en raison de la haute noblesse des possesseurs, tous issus de lignées de grands d’Espagne à l’exception du comte de Santa Coloma. La phrase laconique « Il y a outre cela divers autres biens de personnes mal affectionnées a qui on fait le Proces » dissimule notamment les biens qui ont déjà été confisqués depuis la sentence du 7 mars sur divers roussillonnais dont le noble Gabriel de Llupià[172]. La liste des « Gens a qui on peut faire part des confiscations » appelle autant de commentaires. D’abord, ils ne sont que quatre, ce qui est peu comparé à la liste des gentilshommes servant la France. Ils sont tous nobles de race. Guimerà est évidemment évoqué, puisqu’ancien membre du premier Conseil de guerre qui domina à Barcelona durant l’année 1641, et dont d’Argenson était aussi membre. Pour Caramany et lui, des seigneuries identifiées sont même proposées, reflet certain des propres souhaits des intéressés : « a Carman, il luy faut donner quelques terres du comté d’Empurias qu’il pretend luy avoir esté usurpé par les ducs de Cardonne ». Possessionné dans l’Empordà depuis des générations, Josep de Vilanova-Caramany devait y avoir des procès[173]. Quant à Guimerà, un mémoire déjà évoqué, que nous donnons cette fois en transcription car il est le premier mémoire rencontré demandant nommément une terre confisquée, montre clairement que d’Argenson se faisait le relais des requêtes de certains Catalans.

« D. Ramon de Guimera l’un des ambassadeurs de Catalongne represente :

Que d’abord comme les Catalans prirent les armes contre les Castillans il fut envoyé comme mestre de camp vers Tortose pour s’opposer à l’arméé du marquis de Los Veles quil soustint sur cette frontiere.

Il a esté l’un des premiers qui se sont portez au traité de protection lequel il a signé pour la Deputation.

Il a tesmoigné la mesme affection et zele pour celuy de suietion.

Il a rendu toutes sortes de services dans les occasions de la guerre.

Il a rendu un signalé service à Sa Majesté destournant messieurs de la Deputation, de la resolution qu’ils vouloient prendre de disposer des confiscations des rebelles.

Pour recompense de tout ce que dessus il desireroit que le roy le gratiffiat du comté de Guymera qui est sorty de sa maison et qui est detenu par la comtesse de Guimera qui est hors de la province avec les ennemis, il vaut trois mil ducats de revenu.

Ou bien il demande la baronnie de Belljuia [sic], de quinze centz escus de revenu toutes charges faites »[174].

Ayant, ou prétendant avoir défendu une des prérogatives de l’autorité royale, le droit de confisquer[175], quoi de plus naturel que de demander un bien ? La fin de la lettre montre un réel calcul : le demandeur a scrupuleusement étudié, avant d’envoyer sa demande, les biens qui étaient à confisquer (la sentence de saisie du comté de Guimerà n’interviendra, comme pour les biens d’Albe, Sessa et Santa Coloma, qu’en avril 1643[176]). Il semble même que sous sa première demande, on aperçoive une revendication bien antérieure à la guerre… D’après lui, ce comté est « sorty de sa maison » et « detenu par la comtesse de Guimerà qui est hors de la province avec les ennemis ». Le rapprochement est trop beau… pour être vrai. Le comté de Guimerà, que Ramon de Guimerà aurait volontiers vu sur sa tête, n’était en réalité absolument pas un bien de sa maison. Il avait été concédé en 1599[177] à Gaspar Galceran de Castro i d’Aragó et à Isabel Agnès d’Erill i de Sentmenat par le roi Philippe III, la famille de Castro-Pinós possédant la seigneurie de Guimerà, venue des Alemany, depuis le XIVe siècle ; puis transmis à l’héritière de cette famille, la comtesse de Guimerà et de Vallfogona, mariée au duc de Híjar.

Ces documents posent deux questions que nous allons reprendre séparément. Tout d’abord, celle de la communication entre les Catalans et les autorités françaises. Entre le traité de Péronne et l’arrivée de Brézé, le roi devient un interlocuteur, réel ou virtuel, sa cour une fin en soi, et son autorité, une référence ; d’où les premières brigues pour la faveur et la récompense. Le contact se forme en premier lieu par l’envoi d’ambassadeurs. Depuis le tout début de l’année 1641, Francesc Amat i Gravalosa, baró de Castellar, Jaume Bru i Granollachs, ciutadà honrat de Barcelona, et Llorenç de Barutell, chanoine d’Urgell, représentent à la Cour les intérêts de la Catalogne[178]. Apparaît dès lors ce qui restera un leitmotive de toutes les ambassades, durant toute la période : les demandes de récompenses, pour soi et pour les autres, dont les ambassadeurs sont chargés dès leur départ, et qu’ils reçoivent constamment. Sanabre porte un jugement très dur sur ces documents : c’est un « spectacle déprimant »[179], dit-il, sans voir qu’ils dénotent de profonds changements. Les ambassadeurs n’en ont pas le monopole, même si le fait de leur confier son écrit peut renforcer sa force et sa légitimité. A côté d’eux, divers Catalans se rendent à la cour, à titre plus ou moins privé. Leur mission est souvent difficile à définir, et leurs traces sont fugaces. Francesc Joan de Vergós[180], personnage important du Conseil des Cent, écrit au secrétaire d’Etat des Affaires étrangères, Léon Bouthillier[181], afin d’obtenir une récompense en faveur d’un protégé, probablement son neveu Diego de Vergós, qui se rend personnellement à la cour[182]. Faire le voyage est réputé plus efficace que recourir à un ambassadeur. Dans le cas présent, Vergós a déjà écrit à Bouthillier pour cette affaire, et n’en a reçu qu’une promesse. Il revient à la charge et munit son protégé d’une lettre de recommandation et de mémoires, qui ajoutent à son crédit. La participation de ce dernier à la Junta de Braços de septembre 1640[183], ainsi que sa conduite méritoire à la tête d’une compagnie de miquelets à la bataille de Martorell, malgré la défaite qui a suivi, a pu lui valoir le qualificatif hyperbolique de « principe et origine de l’union de la Catalogne et de la France »[184]. La langue privilégiée restera l’espagnol durant toute la période (souvent fort mâtiné de catalan). Le style de référence sera toujours cette curieuse alliance de concision – où on ne manque jamais d’exprimer clairement les requêtes, contrairement aux circonlocutions de la correspondance de cour castillane –, et d’exagération. De fait, beaucoup de Catalans appartenant à cette génération, née entre 1590 et 1610, les Tamarit, Guimerà, Sentmenat, pourront se prétendre le « principe et origine de l’union de la Catalogne et de la France », et ne s’en priveront pas. Francesc de Vergós lui-même finit par être nommé ambassadeur de la ville de Barcelona à la cour, partant le 22 décembre 1641[185] aux côtés de Josep de Margarit[186], nommé par la Generalitat, dans le but principal de presser l’envoi du vice-roi. Ils furent les premiers ambassadeurs envoyés au roi en tant que souverain.

La seconde question soulevée par l’écrit émané de Guimerà est celle de l’exercice du pouvoir, et de sa représentation. Dès les premiers moments la politique de Richelieu, qui sera par la suite celle de Mazarin, est un curieux mélange, abandonnant de nombreux et grands pouvoirs au vice-roi, et, par moments, encourageant des sursauts d’autorité royale. Le 20 décembre 1641, Bouthillier prévient le nouveau vice-roi, pas encore arrivé en Catalogne, que les ambassadeurs ont proposé de donner des bénéfices et des pensions à des particuliers. La volonté de Richelieu est que le vice-roi devienne le relais entre les Catalans et l’autorité royale, biais nécessaire pour obtenir toute grâce. Daniel Aznar appelle cela l’« intégration à la française »[187] . Ainsi, au lieu de donner directement suite à la requête des ambassadeurs, le cardinal préfère donner au vice-roi « des expeditions en blanc avec le memoire (des ambassadeurs) affin que vous ayez agreable de les remplir ainsy que vous estimerez apropos »[188]. Il n’est pas impossible que ce soit d’Argenson, présent depuis février, qui détermine cette politique : un mois avant, peu après la nouvelle de la nomination de Brézé, il avait demandé l’envoi au vice-roi de pouvoirs afin de pourvoir aux offices et recevoir serments de fidélité et hommages, « necessaires pour l’affermissement du service du roy, et de l’authorité de monsieur le vice roy et pour fermer la bouche a tous ceux qui voudroient chercher des difficultez pour favoriser les reliques de Castille en Catalogne et par tout ailleurs »[189], mais peut-être aussi afin d’asseoir sa propre autorité. A côté de cela, Brézé, débordé par les questions militaires, se déclare incapable d’occuper à la fois la charge de général d’armée et celle de vice-roi : « Il est vray, dit-il, que je suis tellement estourdy d’un nombre infini de memoriaux que je reçoy tous les jours, des centaines de proces, que je ne say de quelque costé me tourner, joint que je suis fort peu stilé dans telles natures d’affaires. Et ces peuples ici sont si chatouilleux et si pres de leurs interets, que des qu’ils veulent parler, on ne les escoute, ils s’en vont malcontents. Il fault respondre a tous leurs memoriaux : pour cela seul, il faudroit un homme tout entier »[190]. Parmi ces mémoriaux, à coup sûr, la vague de demandes de récompenses qui a commencé à déferler après la soumission à la France.

Vue de Perpignan en 1642 (Wikipédia)

Vue de Perpignan en 1642 (Wikipédia)

Dans les faits, l’exercice du pouvoir de distribuer les grâces royales ne se passe sans doute pas selon les volontés du cardinal. Richelieu est alors obsédé par le siège de Perpignan, qui avait commencé avec la campagne de Condé en Roussillon en 1641, repris avec Brézé entre novembre 1641 et janvier 1642. Afin de donner un tournant décisif à l’entreprise, il prépare une armée de 20000 hommes, ainsi que, pour insuffler une force symbolique à l’entreprise, la venue au siège du souverain, de la cour et de tous les ministres. Tout ce monde quitte Fontainebleau le 27 janvier, et arrive à Narbonne le 10 mars. Le 16 mars, devant le projet espagnol de ravitailler Collioure, le siège de cette place est commencé en premier ; elle finit par se rendre, aux dernières extrémités, le 16 avril. Louis XIII se transporte alors au camp devant Perpignan, et commence le blocus de la ville qui, imprenable, ne pouvait se réduire que par la faim. Le roi va rester sur place jusqu’au 10 juin[191]. La présence du souverain en personne dut soulever à la fois un mouvement d’espoir et d’attraction. Alors qu’il n’avait pas encore quitté Narbonne, fin mars, il reçoit une délégation de la ville d’Ille, en Roussillon – première ville qui s’était soumise à la France et qui avait vaillamment résisté aux ennemis à plusieurs reprises –, lui demandant l’attribution de terres confisquées en faveur de la communauté. Le roi transfère immédiatement la demande vers le vice-roi :

« Mon cousin,

Sur l’instance qui m’a esté faite par les sindics de la ville d’Ille en Catalongne de leur accorder la confiscation d’une partie des biens de ceux de ladite province malaffectionnés a leur patrie et qui sont au service des ennemis, comme pour les desdommager de s’acquitter des debtes que ladite ville a contractées pour l’advancement de mon service, et bien du pays, lesquelles ils affirment monter a plus dix mil sous, que pour avoir moyen de reparer leurs murailles et les tours que les ennemis ont minées avec leurs batteries en deux fois qu’ils l’ont en vain assiegée, me suppliant aussy de leur accorder l’exemption de logement de gens de guerre, lorsque les affaires du Roussillon le pourront permettre et qu’ils pourront revenir des pertes et dommages qu’ils ont souffert, J’ay bien voullu vous renvoyer les demandes donnees de ladite ville et vous dire que mon intention est que vous y ayez tout esgard, leur accordant les confiscations que vous verrez estre apropos et ladite exemption de logement au temps et selon que vous verrez qu’il se debvra, les favorisant au surplus autant qu’il se pourra »[192].

Le siège de Perpignan, peint à la Galerie des Glaces du château de Versailles (Rmn)

Le siège de Perpignan, peint à la Galerie des Glaces du château de Versailles (Rmn)

Du passage du roi en Languedoc puis en Roussillon subsistent de très rares documents, d’un côté pour le département de Bouthillier, de l’autre côté pour le département de Noyers[193] ; cette minute, issue du dernier département, en est un vestige. Bouthillier reçoit quelques jours après une lettre du vice-roi l’informant que le capitaine de cavalerie Emanuel d’Aux a « désiré d’aller saluer le Roy » et prépare son voyage pour Narbonne, priant le ministre de le présenter au souverain sur sa recommandation, comme un homme brave et assuré au service[194]. A la fin du mois, le doyen du chapitre de Barcelona Pau del Rosso, Ramon de Guimerà et Josep Miquel Quintana, ciutadà honrat de Barcelona et ancien diputat militar, se rendent près du roi, qui est à la frontière du comté de Roussillon, afin de lui baiser les mains et de lui souhaiter la bienvenue au nom de la province[195] ; le 31, le roi renvoie une lettre aux députés de la Generalitat pour leur exprimer sa satisfaction des ambassadeurs[196]. Nous pensons que c’est durant cette ambassade que Ramon de Guimerà a présenté son mémoire au roi ou au ministre Bouthillier – parmi les archives duquel il est conservé ; du moins, sa qualification d’ « un des ambassadeurs de Catalogne » tendrait à le confirmer, car il ne sera plus jamais chargé de cette mission par la suite. Le fait qu’il soit en français suggère peut-être qu’il a été traduit par quelqu’un sur place afin d’être compris du ministre et du souverain.

Pendant ce temps-là, alors que Brézé était à Barcelona depuis le 23 février, il avait commencé à interpréter de façon élargie ses pouvoirs de vice-roi. Il est difficile de déterminer si ses premières distributions de grâces, dont on trouve des échos dès la fin février, et des preuves dès le mois de mars, étaient approuvées par la cour. On peut d’ailleurs émettre l’hypothèse que le long voyage effectué par la cour, ainsi que sa totale concentration sur les opérations militaires, ont pu faire écran entre les actions du vice-roi à Barcelona, et le souverain, en route puis arrivé au camp devant Perpignan. Toujours est-il que Brézé a commencé à distribuer des faveurs aux ecclésiastiques, nommant le frère augustin Gaspar Sala, le plus célèbre publiciste catalan favorable à la France, abbé de Sant Cugat del Vallès[197], et Francesc de Montpalau abbé de Banyoles. De leur côté, Francesc de Monfar, abbé de Camprodon, s’est vu attribuer le séquestre de l’abbaye de Banyoles[198], quand Montpalau recevait le séquestre de Camprodon[199] ! Sur l’importante notion de séquestre, moyen notamment de gratifier des personnes par des revenus ecclésiastiques, nous reviendrons par la suite. C’est en avril que le premier pas est franchi vers la distribution des biens confisqués. Le 7 mars, une sentence que nous avons déjà commentée déclarait criminels de lèse-majesté un groupe de roussillonnais qui avaient rejoint les armes du roi d’Espagne en début d’année[200], parmi lesquels Joan Francesc Masdemunt dit lo pubill, issu d’une importante famille de Perpignan[201]. Le 5 avril, le vice-roi fait don au capitaine Miquel Freixa des biens de ce dernier, premier acte de ce type d’après nos recherches, et première donation de confiscations par les Français, dont nous donnons l’édition. Le bénéficiaire, issu d’une simple famille de pagesos de Montesquieu des Albères, en Vallespir, venait d’être nommé lieutenant du procureur royal des comtés de Roussillon et Cerdagne. Il faut déjà préciser que l’acte sera enregistré plus tard, puisque dans les deux registres où il est transcrit, celui de la chancellerie de Catalogne à Barcelona d’une part[202] (dont il émane) et celui de la Procuració reial de Roussillon[203] d’autre part, il figure au milieu d’actes de 1643 ; peut-être parce que, du côté français comme du côté catalan, on ne s’attendait pas à ce que le vice-roi exerce un pouvoir qui du temps de Castille l’était par le roi après traitement par le Conseil d’Aragon. Les réactions ne se font pas attendre. Dès le 25, Brézé adresse de vives récriminations à Bouthillier. L’ordre de Saint Benoît n’a pas accepté la nomination du frère augustin Gaspar Sala à l’abbaye de Sant Cugat, et, selon lui sur l’instigation des Espagnols, plusieurs abbés bénédictins se sont réunis afin de décider de l’envoi d’une députation au roi afin de faire révoquer cette nomination :

« Vous jugez bien, Monsieur, que si cela avoit lieu que je serais entierement deshonoré. C’est pourquoi je prends la liberté de vous dire qu’il est du service du roy comme de mon honneur, que S.M. ne voye ni n’escoute ceste desputation qui est faite contre son autorité, en blessant celle de celluy qui represente ici sa personne, et qu’elle me les renvoye pour les entendre et leur faire justice. (…) Or est-il, Monsieur, que l’aprehension qu’ils surpresnent le roy s’il est en Roussillon allant droit a sa personne m’a fait prandre la liberté de luy en escrire. Si en cela j’ay failly c’est sans mauvais dessein »[204].

Il faut reconnaître à Brézé qu’il avait agi en pleine conformité avec la grande indépendance que lui laissait Richelieu. A cela, il faut donc rattacher directement la décision royale du 31 mai, que l’on retrouve encore dans les rares minutes subsistant du camp de Perpignan : par ordonnance[205], Louis XIII confirmait « toutes et quantes les ordonnances, commandements, proclamations » rendus par le maréchal de Brézé depuis qu’il était en Catalogne, et qui suivant son témoignage rencontraient « difficulté d’obeissance ». Toutefois, dès le mois d’avril, Brézé, en perpétuelle défiance avec les institutions catalanes, avait demandé à être relevé de sa charge. Fin mai, il part de Barcelona, et gagne rapidement le Roussillon puis le Bourbonnais : il devait survivre huit ans encore, retiré sur ses terres d’Anjou, à ses perpétuels accès de goutte…

Que faut-il retenir de cette première vice-royauté, et de cette première étape dans la prise de conscience et la distribution des confiscations ? Un seul fait, annonciateur de toute la difficulté postérieure : alors que le vice-roi, de son côté, donnait les biens de Joan Francesc Masdemunt à Freixa – homme d’origine obscure qui n’était pas compté dans le mémoire d’Argenson au nombre de ceux qui méritaient des confiscations –, anoblissait Emanuel d’Aux[206], et autres hauts faits, le roi donnait l’ordre au procureur royal du patrimoine royal de Roussillon de payer à Carlos de Arismendi, sur les revenus dudit patrimoine royal, une pension de 1600 ducats par an[207], premier don royal en Catalogne, et tout premier acte enregistré sur les registres de la Procuració reial des comtés. La rapidité avec laquelle l’acte a été enregistré, sans doute liée à son prestige (il est signé Louis et Sublet), n’empêchera pas, comme nous le verrons, qu’il ne soit jamais appliqué… Dans la période qui s’ouvre maintenant, celle de l’enracinement d’une administration française en Catalogne, cette simultanéité des actes royaux, qui émaneront alors de Paris, et des actes sortis de la chancellerie de Catalogne, fera loi, avec toutes les confusions, lenteurs et dégoûts qui s’ensuivront.

[1] Codifiées pour la première fois aux Corts de Barcelona de 1282, les Constitutions de Catalogne avaient dû attendre le retour du Roussillon dans la couronne d’Aragon en 1344 pour y prendre leur vigueur. Elles furent compilées en 1413-1422 (compilation imprimée en 1495), en 1585 (publiée en 1588-1589), et en 1702. L’édition de 1588-1589 faisait référence à l’époque que nous étudions. Ferro,Víctor, El Dret Públic Català: Les institucions a Catalunya fins al Decret de Nova Planta, Eumo Editorial, 1987, p. 295-298.

[2] Les trois braços, états de la société catalane, sont : l’estament eclesiàstic (dans lequel on entre par la réception des ordres mineurs), l’estament militar (ou nobiliari), et l’estament general, où se trouvent toutes les personnes libres, vassaux du roi ou d’un baron, et qui ne sont ni ecclésiastiques ni nobles – avec de naturelles différences économiques et professionnelles mais pas d’inégalités en terme de privilèges personnels. FERRO, El Dret Públic Català…, p. 324 et 330.

[3] FERRO, El Dret Públic Català…, p. 231.

[4] FERRO, El Dret Públic Català…, p. 88. Il faut ajouter aux biens fiscaux, patrimoniaux ou domaniaux, la substantia privata ou biens particuliers du prince, soumis au droit commun.

[5] Usatges de Barcelona, article 72.

[6] FERRO, El Dret Públic Català…, p.87-88.

[7] Pour comprendre l’origine et le sens de la fonction du batlle general, il faut le comparer, à un échelon plus élevé, aux batlles nommés par chaque baron pour administrer ses biens, couvrir ses rentes dans un terme donné, et exercer la juridiction. FERRO, El Dret Públic Català…, p.91-94.

[8] Bosch, Andreu, Summari, Índex o Epítome dels admirables i nobilíssims Títols d’Honor de Catalunya, Rosselló i Cerdanya, Perpinyà, Pere Lacavalleria, 1628, Lib. II., XXXVI, 18, « Del origen y creacio dels officis de Balle General de Cathaluya, y Procurador Reyal dels Comtats de Rossello, y Cerdanya, y dels demes officis que a ells estan encorporats » (p.250-252). L’office de batlle general de Catalunya fut créé à la suite de celui de batlle general del regne de Valencia (1340), les premières instructions adressées à un tel officier datant de 1347. En Roussillon, deux offices de procureurs furent créés en 1341 par Jaume I, roi de Majorque, réduites à une seule à partir de 1361 sous les rois d’Aragon.

[9] Bosch, Summari…, Lib. II., XXXVI, 20, p. 254. « Castells, Viles, Llochs, termens, rocas, montanyes, jurisdiccions, feus, pasquers, boschs, senyories directes y drets feudals y dominicals, cases, palaus, plasses, escrivanies, rendes, censos, censals, endecimes, lleudes, cises preus, arrendaments, drets de naus, patronats, y rendes en beneficis, emoluments de les corts, poenes, bens vagants, bens de rebelles, drets de quint de host y cavalcades, drets de amortizacions, y altres molts ».

[10] Bosch, Summari…, p. 255-257.

[11] Bosch, Summari…, p. 257. Une pragmàtica du roi Don Fernando donnée à Barcelona le 15 octobre 1493 et confirmée par une autre de l’année 1509 prescrit que le batlle general « pot, y deu (peut et doit) fer aprehensio de […] los bens dels rebelles y enemichs ». Cela fut confirmé par une autre du roi Philippe II datée de Valladolid 1er octobre 1553.

[12] Bosch, Summari…, p. 259. La provisio de Monzón du 10 novembre 1547 prescrit notamment qu’en temps de guerre le Capità General, celui qui détient la juridiction sur les militaires en Roussillon, ne devra pas s’emparer des droits fiscaux patrimoniaux sur les biens saisis aux rebelles et aux ennemis.

[13] Les archives de la Procuració Reial dels comtats relatives à la période médiévale jusqu’à Louis XI, extrêmement bien conservées, se trouvent actuellement classées, aux ADPO, sous les côtes de 1 B 1 à 1 B 280.

[14] Bosch, Summari…, p. 258. La tutelle sur les officiers des universités des villes royales s’exerce sans préjudice à la juridiction des clavaires (clavaris).

[15] Nous n’avons pas à ce jour trouvé de trace, dans l’historiographie, de ce fait majeur de l’histoire institutionnelle de Catalogne. Toutefois, sa véracité semble confortée par le fait qu’il se trouve rapporté dans plusieurs sources différentes, émanées d’auteurs bien distincts. Un mémoire écrit vers 1643 par l’agent de Catalogne à Paris, Isidoro de Pujolar, probablement pour expliquer à Mazarin les caractères essentiels des institutions catalanes (AMAE, CP Espagne 26, fol.245-253) le rapporte : « Empeñose el año 1631 a la Ciudad de Barcelona de todas las rentas Reales por cien mil Libras Barcelonasas y agora in estas alteraciones la Ciudad a tomado posecion del Tribunal y cobra las rentas y provehe los officios como lo hazia el Rey » (fol.246). Ramon de Bas, fils du gouverneur des Comtés après la soumission à la France, est également revenu sur le fait, dans un très ample mémoire adressé au roi au cours de l’année 1642 ou au début de 1643, Disposicion del Estado de Catalunya (AMAE, CP Espagne 26, fol.50-62v), sur lequel nous reviendrons. Pour lui les confiscations doivent être confiées à la Batllia General, après l’avoir remise aux mains du roi : « recobrir la Baylia general de Cathaluña, que oy la possee la Ciudad de Barcelona por algunos creditos del Rey de Castilla ». (fol.60). Par la suite, il propose la solution de confirmer les offices créés antérieurement par le Conseil des Cent de Barcelona, d’exempter la ville de certains droits afin d’obtenir plus facilement la restitution. Ramon de Bas montre une pensée légaliste et favorable aux droits du roi, afin de restaurer les institutions traditionnelles dans leurs forme d’origine. Dès 1641, une querelle entre Generalitat et ville de Barcelona au sujet de la provision des offices de la Batllia montre également la perturbation causée par cet engagement à la ville (voir infra Première partie, I. 2.).

[16] En 1649, le duc de Mercoeur recevait dans ses instructions l’interdiction de pourvoir à certains offices, comme celui « de Bayle General et de ses lieutenans en cas que la Bailye generale vienne a estre racheptée de la ville de Barcelonne et remise ez mains de Sa Majesté » (BNF Baluze 245, fol.135v).

[17] En 1647, Marca précise à Le Tellier que « la Bailie generale aiant esté engagée a la Cité les conseillers font la charge de Baile general, outre lequel y a en ce corps les lieutenans de Baile, assesseurs, advocat fiscal, et le secretaire » (BNF Français 4217, fol.100).

[18] Il est vrai afin de défendre la création d’un Conseil Royal de Catalogne sur le modèle de l’ancien Conseil Royal d’Aragon, et d’en obtenir la présidence. BNF, Français 4126 (fol.373v), Memoire de ce qui s’expedioit a Madrid en la Chancellerie d’Arragon, Pierre de Marca (1646).

[19] Sur le plan judiciaire, le tribunal de dernière instance demeurait la Reial Audiència.

[20] FERRO, El Dret Públic Català…, p. 56.

[21] Ainsi que les théoriques excédents des trésories des royaumes. Mais cela n’arrivait jamais avec la Catalogne car la trésorerie de Catalogne, une fois les salaires et les dettes payées, était constamment vide.

[22] FERRO, El Dret Públic Català… Ce dernier officier, créé en 1409 pour se substituer au chancelier en cas d’absence, a pris une telle importance qu’il se substitue à lui en plusieurs fonctions, et a un grand poids judiciaire. (p.59) Le trésorier (Regent la Real tresoreria) doit depuis la pragmatique du 30 janvier 1426 intervenir avec son « vidit », abrégé en V.t, dans l’octroi des rémissions, concessions d’impôts aux communautés, pour ainsi dire, toute grâce affectant le Real patrimoni (p.95).

[23] BNF, Français 4126 (fol.373v), Id. ref.

[24] Banacloche Giner, Leonardo, « Un estudio de la Junta Patrimonial », Estudis : Revista de historia moderna, n° 29, 2003, p.131‑177.

[25] FERRO, El Dret Públic Català…, p.390.

[26] « Statuim et ordenam que nos e successors nostres, e officials nostres o de aquells, per qualsevol crim o delicte, essent la persona criminosa presa, no pugan inventariar ne pendre bens de algu ; pero volem en crims de lesa Magestat in promo capite e de heretgia declarada per jutge ecclesiastic hajan loc confiscations, aprehentions e inventoriations, encara quen sie pres lo delat, e que en altres cims no hajan los confiscations, essent pres lo delat o no ; entes empero que per lo present capitol no sie fet prejuy algu als processos de regalia », Constitucions y altres drets de Catalunya, Lib. VIII, De bens dels condemnats, tit. XXXII, « Fernando segon en la primera Cort de Barcelona Any M CCC LXXXI, Cap. X ».

[27] FERRO, El Dret Públic Català…, p. 88. Pujolar, dans son mémoire à Mazarin cité plus haut (AMAE CP Espagne 26, fol.246-253), lui livre des réflexions juridiques et institutionnelles tout à fait comparables, plusieurs siècles avant, à celles que pourra faire l’historien Víctor Ferro : « En Cathaluña no ay confiscacion de bienes por ningun crimen, sino por el de Lesa Mag.d in primo capite pero quando se haze resistencia a algun official Real se procede haziendo un processo que llaman Laudamentum curiae, en el qual se haze estimacion del agravio segun la calidad de la resistencia y del delinquente y del official resistido y se haze execusion en los bienes del delinquente por la cantidad en que se haze la estimacion ». (fol.247v)

[28] Nous reviendrons amplement sur ce cas infra (Première partie, I. 3.).

[29] FERRO, El Dret Públic Català…, p. 146.

[30] SALA, Raymond, « La Catalanité par les Roussillonnais de la fin du XVIe siècle à la première moitié du XVIIe siècle », dans Le Roussillon de la Marca Hispanica aux Pyrénées-Orientales (VIIIe-XXe siècles), Perpignan, Société agricole scientifique et littéraire des Pyrénées Orientales, 1995. L’auteur montre la récurrence des récits (plus ou moins réalistes) de la période française en Roussillon au XVe siècle, dans les mémoires et écrits du for privé roussillonnais du XVIIe siècle.

[31] Lettre de Núria Sales à Sylvain Chevauché, Massy, le 9 juin 2012.

[32] Par un examen de la série 1 B des Archives des Pyrénés-Orientales (ADPO), celle des archives de la Procuration Royale (de Majorque puis des comtés de Roussillon et de Cerdagne).

[33] ADPO, 1 B 19, Processos antichs del patrimoni III. D’après Alart, Bernard, Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790. Archives civiles. Série B. C., Paris, Imprimerie et Librairie administratives de Paul Dupont, 1868, p. 17-18.

[34] Capeille, abbé Jeanictionnaire de biographies roussillonnaises, Perpignan, Imprimerie-Librairie Catalane de J. Comet, 1914, p.407.

[35] CATAFAU, Aÿmat, « Una família aristocràtica en la historia dels comtats nord-catalans, segles XI-XV », Història dels Llupià (1088-1771) i dels seus llinatges incorporats : Icard, Roger i Vallseca, Trabucaire, 2007, p. 43 et 53.

[36] ADPO 1 B 96. D’après ALART, Inventaire…, p. 51-52.

[37] CAPEILLE, Dictionnaire…, p. 407.

[38] CATAFAU, Aÿmat, « Una família… », Història dels Llupià …, p. 43 et 53., p. 55.

[39] Louis avait accordé son aide militaire à Jean II d’Aragon, alors menacé par la révolte de la Catalogne, en échange d’une hypothèque sur les revenus des Comtés avec la prise en gage des châteaux de Perpignan et de Collioure (traité de Bayonne, 9 mai 1462). Parallèlement à la révolte dans le Principat, les Français allaient profiter du non remboursement et de la faiblesse aragonaise pour se maintenir trente ans en Roussillon, jusqu’à sa restitution par Charles VIII en 1493.

[40] Claustre-Mayade, Julie, « Esquisse en vue d’une anthropologie de la confiscation royale. La dispersion des biens du cardinal Balue (1469) », Médiévales. Langues, Textes, Histoire, n° 56, 30 juin 2009, p.131-150.

[41] Gazanyola, Histoire du Roussillon, éd. Raymond Marc Antoine Guiraud de Saint Marsal (baron), J. B. Alzine, 1857.

[42] CAPEILLE, Dictionnaire…, p. 667. Pierre Granier, premier nommé, reçoit Tresserre, confisqué à Garau de Queralt. Miquel dez Vivers, roussillonnais qui lui succède, reçoit les biens et l’héritage d’une noble de Bagà.

[43] ADPO 1 B 286. D’après ALART, Inventaire…, p. 199-200.

[44] Henry, Histoire du Roussillon…, Imprimerie Royale, 1835, p. 618-627 (édition et tradition du traité de capitulation de Perpignan, le 10 mars 1475).

[45] Mémoires de Commynes citées par Henry, Histoire du Roussillon…, p. 140-142.

[46] Henry, Histoire du Roussillon…, p.147-148.

[47] MARCET, Alice, « Le crépuscule catalan (1410-1516) », dans Le Pays catalan, dir. Jean SAGNES, Pau, 193, t. I, p.446.

[48] ADPO 1 B 323. D’après CATAFAU, Aÿmat, « Una família… », Història dels Llupià …, p. 65.

[49] ADPO 1 B 302. D’après CATAFAU, Aÿmat, « Una família… », Història dels Llupià …, p. 61.

[50] Claustre-Mayade, Julie, « Esquisse … », Médiévales…, p. 2-3.

[51] Saut, Robert, « Histoire du vieux Canet », dans C.E.R.C.A., n° 35, 1967, p. 24-25. La vicomté de Canet, brièvement occupée par le roi d’Aragon au moment de la chute de Majorque, était demeurée ensuite dans la famille qui le détenait depuis sa création en 1322, puis passée dans la famille de Fenouillet qui possédait déjà la vicomté d’Ille. En 1424, à l’extinction de cette famille, elle fut attribuée par le roi à Bernat Galceran de Pinós.

[52] ADPO 1 B 284. D’après ALART, Inventaire, p. 197. Plusieurs hommages de vassaux de la vicomté de Canet sont consignés dans les registres de la Procuration dès 1464.

[53] HENRY, Histoire du Roussillon…, p. 179.

[54] SERRA, Eva, « Una revolució política. La implicació de les institucions », La revolució catalana de 1640, Barcelona, Editorial Crítica, 1991, p.43

[55] SERRA, Eva, « Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.46. La Generalitat et le Consell de Cent, appelés ensemble les Consistoires, étaient les deux institutions les plus puissantes. La ville de Barcelona possédait de nombreuses prérogatives administratives sur les autres villes. Cette puissance, explique Eva Serra, fait que « les options des deux consistoires décident de la situation politique de Catalogne ».

[56] Il faut souligner que l’expression catalane general de Catalunya désigne ici l’ensemble du peuple catalan, c’est-à-dire symboliquement les différents estaments réunis aux Corts afin de le représenter, et non une fonction traduisible en français par « général ». Cf Ferro, El Dret Públic Català…, p. 198.

[57] Morales Roca, Francisco José, Próceres habilitados en las Cortes del Principado de Cataluña, siglo XVII (1599-1713), Ediciones Hidalguía, 1983, t. 1, p. 33-36.

[58] SERRA, Eva, « Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.46.

[59] Dietaris de la Generalitat de Catalunya, vol. V (Anys 1623 a 1644), Barcelona, Generalitat de Catalunya, 1999, p.909. Avant 1640, comme on le voit à de nombreuses reprises dans le Dietari de la Generalitat de Catalunya, la Generalitat se chargeait uniquement de confisquer les marchandises saisies sur des voleurs ou des contrebandiers, au profit du General de Catalunya, en assurait l’appréhension, l’estimation et la vente. Par exemple, en 1638, la Generalitat fait instance afin que la Capitania General lui livre des vêtements de contrebande saisis à Mataró afin d’en faire confiscation.

[60] PALOS PEÑARROYA, Joan Lluís, « Una lectura de la Guerra dels Segadors (1638-1644) » (« Pròleg : De la defensa de les lleis al canvi de sobirania »), Dietaris…, vol. V, p. XXIV.

[61] Dietaris…, vol. V, p.1082. « Que als renitents, tant als que assisteixen en la present ciutat com fora d’ella, tenint attendència als que havian tingut notícia de aquesta convocació y ab just títol dexen de acudir a ella que sian publicats, si dins vintiquatre horas no hauran comparegut en los brassos sien declarats per enemichs de la pàtria y com a tals se’ls fassa comminació que sos béns seran aplicats al gasto de la defensa que fa esta província, en servey de sa magestat y beneffici de la pàtria ».

[62] SERRA, Eva, « Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.51. « Amb la iniciativa d’inhabilitació política i la confiscació la Junta General de Braços actuava amb la potestat plena d’un sobirà. Tenint en compte que la confiscació de bens només s’admetia a Catalunya per crim de lesa majestat divina o humana això implicava implicitament situar la noció de pàtria al nivell de la de majestat » (Avec l’initiative d’inhabilitation politique et la confiscation, la Junta General de Braços agissait avec toute la puissance d’un souverain. Tenant compte de ce que la confiscation de biens ne s’admettait en Catalogne que pour le crime de lèse-majesté divine ou humaine, cela impliquait implicitement de situer la notion de patrie au niveau de celle de majesté)

[63] SANABRE, p.78.

[64] Dietaris…, vol. V, p.1084. Le 3 novembre, les Braços, devant l’impossibilité de s’assurer la ville de Tortosa, ordonneront que les biens de tous les habitants de Tortosa soient confisqués ; et qu’ils soient tous désinsaculés ainsi que leurs descendants (Dietaris…, vol. V, p.1112).

[65] Dietaris…, p.1087-1088. Voir aussi SERRA, Eva, « Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.49-50 : le 27, 320 personnes prêtent le serment, dont 223 du braç reial, et plus de 800 personnes en tout entre septembre et octobre.

[66] PALOS PEÑARROYA, Joan Lluís, « Una lectura de la Guerra dels Segadors (1638-1644) » (« Pròleg : De la defensa de les lleis al canvi de sobirania »), Dietaris…, vol. V, p. XXIV.

[67] Dietaris…, vol. V, p.1092.

[68] SANABRE, p.113-116.

[69] SERRA, Eva, « Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.56.

[70] NEGRE PASTELL, Pelayo, El linaje de Requesens, in Anals del Institut d’Estudis Gironins, 9 (1954), p.112.

[71] Actuellement, Castellví et Molins del Rey font partie de la comarca de Barcelona ; quant à Sant Andreu, il s’agit d’un quartier de Barcelona.

[72] Dietaris…, vol. V, p. 1953, lettre du roi aux députés de la Generalitat.

[73] PALOS PEÑARROYA, Joan Lluís, « Una lectura de la Guerra dels Segadors (1638-1644) » (« Pròleg : De la defensa de les lleis al canvi de sobirania »), Dietaris…, p.XXX.

[74] Dietaris…, vol. V, p.1124 : « Que perço sia per vostra senyoria promptament confiscats tots los bens y jurisdiccions y demés coses que dits senyor marquès té en Cathalunya y aplicat tot als gastos de la guerra per defensa de la província, y que ab crida sia públicament cridat per enemich de la pàtria. Y que los senyors deputats amb la junta de justícia obren y fassan semblants procehiments contra tots aquells que constarà ésser mal affectes a la pàtria, y que ab parer de dita junta manen capturar totas las personas que en la junta de las trenta-sis personas se’ls és aconsellat ».

[75] SERRA, Eva, « Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.52.

[76] FERRO, El Dret Públic Català…, p.305.

[77] Dietaris…, vol. V, p.1126 : « En aquest die, entre las vuit y nou hores de la matinada, fonch publicat per los lochs sòlits y acostumats de la present ciutat ab veu de pública crida per enemich de la pàtria lo excel·lentíssim marques de los Veles y sos béns y lochs que té en Cathalunya, confiscats per gastos de la guerra y aplicats a la Generalitat com largament està contengut en dita crida. La qual és en registre ».

[78] ADPO, 3 E 1/4223. Crida de la Generalitat contre divers roussillonnais, publiée à Barcelona le 14 juin 1641 et à Ille le 16 juillet. Avec attestation de publication par Estève Delajus, d’Ille, déposée chez le notaire Thomas Ferriol, de Perpignan. Le document, trouvé par M. Francis Jampy aux Archives départementales des Pyrénées-Orientales, nous a été aimablement signalé par M. Alain Ayats. Nous en donnons l’édition : Document n°29.                                          

[79] Dietaris…, vol. V, p.1145 : « […] també se haurà de premeditar més lo rigor de la pena de confiscació, tant detestada per las generals constitucions de Cathalunya […] y axí se aconsella a sa senyoria que en lo primer cap torne a posar la proposició en lo consell de justícia, per a que·s torne a repenser lo negoci en ell ab estos advertiments y altres que·s consideraran ab una proposició nova ab tota claredat, distinguint los casos y personas, nomenant aquellas y individuant las penas ».

[80] PALOS PEÑARROYA, Joan Lluís, « Una lectura de la Guerra dels Segadors (1638-1644) » (« Pròleg : De la defensa de les lleis al canvi de sobirania »), Dietaris…, vol. V, p.XXVI.

[81] Il possédait ainsi le « domini útil (seigneurie utile) de las ditas notarias y scrivanias ab la facultat de elegir y anomenar scrivans per lo regimen de aquella », qui avait été engagé le 5 mars 1390 par le roi Jean (soit plus de 200 ans avant l’engagement de la Batllia à la ville), pour un cens de 5 morabatins, à un certain Guillem de Lledó, son ancêtre ou prédécesseur probable (Dietaris…, vol. V, p.1205).

[82] Dietaris…, vol. V, p. 1200-1201 : « […] no entengan sia intenció de vostra senyoria provehir, en cars toquen a provehir a dits deputats, ni sia la lur provehir-los en cars toquen a vostra senyoria, sinóa que la intenció de uns y altres és que·ls provehesca aquell a qui toca ».

[83] Dietaris…, vol. V, p.1205 : « En rahó de la pocessió que té presa la present ciutat de la dita Ballia General, ab tots los drets directa, senyoria, sensos y emoluments, en virtut de la especial obligació y hipotheca feta per la magestat del rey don Phelip, ab expressa facultat de elegir, crear y anomenar tots los officials necessaris per lo consistori de dita Ballia general »

[84] Dietaris…, vol. V, p. 1205 : « Segons la qual disposició, se entén que los béns del dit marquès de los Vélez se havian de confiscar a la Ballia General y no al fisch del General ».

[85] Dietaris…, vol. V, p. 1205 : « Y no obsta la dita real pragmàtica del rey don Joan [sic, en fait Felip], perquè no ha constat ni consta que la disposició d’ella, en quant a la aprehensió de béns dels rebeldes y trànsfugas, hage tingut exequució ni sia estada may en ús y observança. Ans bé, en casos consemblants, se és vist practicar que la dita aprehensió de béns la feya lo capità general del present Principat y per lo tribunal de la Capitania General ».

[86] LAZERME Inédit (Tamarit). Francesc de Tamarit i Rifos (1600-1655), seigneur de Monclar, l’Espunyola et Montmayor, fils d’un cadet d’une prestigieuse maison possessionnée dans la comarca du Panadés qui avait été conseller en cap de Barcelona, fut membre du braç militar de la Generalitat, et combattit pour le roi d’Espagne lors du siège de Salses en 1639. Après avoir eu un rôle primordial dans tous les évènements de 1640, et avoir participé à la négociation avec les Français, ainsi qu’à la bataille de Montjuic, il sera nommé en 1643 lloctinent del Mestre Racional, ayant une action plus discrète et de second plan sur laquelle nous reviendrons dans la suite de notre étude. En 1652, il restera à Barcelona alors que son fils gagne le Roussillon, et y mourra le 20 janvier 1655, étant enterré dans la sépulture de ses ancêtres en l’église Sant Miquel.

[87] LAZERME, t. III, p. 375, et LAZERME Inédit (Agullo ; Claris). Francesc de Vilaplana i de Agullo (1597-1649), seigneur du Soler (Roussillon), petit-fils par sa mère de Geronima Claris, tante de Pau Claris, faisait partie de ces nobles terriens qui, après avoir servi pour les espagnols au grade se sergent major sous les ordres du comte de Santa Coloma, en 1639, répondit présent en 1640 à la convocation de la Junta de Braços de la Generalitat, probablement autant en raison de sa parenté avec le président de la Generalitat que pour le dégoût des Espagnols qui pouvait toucher tous les autres nobles de sa catégorie. Sanabre (p.93) rappelle qu’il avait passé une bonne partie de sa vie dans les prisons espagnoles pour ses délits. Il le qualifie de « lien entre Pau Claris et les Français ».

[88] LAZERME Inédit (Sentmenat). Aleix de Sentmenat i de Requesens (v.1600-1674), issu d’une branche cadette d’une des plus importantes familles du Principat – la branche aînée, celle des seigneurs de Sentmenat, étant plus oscillante et finalement plus proche de l’obéissance de Castille – était fixé à la fois en Roussillon, comme tenant l’héritage de sa mère, Stasia de Requesens i Ros, de Perpignan, et à Barcelona, où il exerçait la fonction de sergent major de la ville en 1640, et où le liaient les intérêts de sa première épouse, Mariana Doms i de Vilarig. Marié en secondes noces le 5 mai 1642 à Prades (Conflent) avec sa cousine Maria Ros i de Alemany, il ne semble cependant pas avoir opté immédiatement pour le Roussillon, en 1652, restant à Barcelona au moins jusqu’en 1659, ses biens outre Pyrénées étant confisqués depuis 1654 (selon ADPO 1 B 394) ; ayant finalement rejoint Perpignan, c’est là qu’il meurt le 30 avril 1674, enseveli le lendemain en la chapelle du Dévôt Christ de cette ville. Nous reviendrons par la suite sur son rôle entre 1642 et 1652.

[89] SERRA, Eva, « Una revolució política… », La revolució catalana de 1640…, p.57.

[90] SANABRE, p. 93.

[91] Ramon de Guimerà i de Tamarit (v.1590-1654), seigneur de Ciutadilla, issu d’une très ancienne famille de noblesse terrienne fixée au château de Ciutadilla (province de Lleida), était le fils de Dionisa de Tamarit i de Torrelles, cousine germaine de Francesc de Tamarit. Son profil est très comparable à celui de Sentmenat et de Vilaplana, mais Eva Serra, dans son article « Els Guimerà, una noblesa de la terra » (in Recerques, n°23, 1990, p.9-36), a montré qu’il se rattachait davantage à la catégorie des « senyors bandolers ». Sa famille fut impliquée dans les luttes du XVIe siècle entre les nyerros et les cadells, groupes nobiliaires opposés qui se combattaient violemment et en bande organisée, pour des raisons mêlant querelles de propriété, de limites entre baronnies, et d’héritages. A cette occasion, le père de Ramon de Guimerà, Bernat de Guimerà i de Rosanes, fut déclaré ennemi du roi et vit ses châteaux et terres séquestrés – épisode très dur et marquant pour la famille – avant d’être sans doute pardonné et rétabli.

Comme le Montre Eva Serra, Ramon de Guimerà n’est ni pauvre ni ruiné : veuf de Victoria de Vilanova, fille d’un noble roussillonnais dont il conserve de force la dot de 10 000 livres, sa seconde épouse Isabel de Gilabert i de Maya lui en apporte 9000 ; il sait financièrement tirer parti de la difficulté de ses vassaux. Cependant, politiquement, il n’a plus de crédit, se voit refuser la procuration royale des comtés de Roussillon et Cerdagne, et accumule de la rancœur contre une couronne lointaine, étrangère et ennemie. Contrairement aux autres nobles précités, il refuse de participer à la campagne de Salses en 1639, et se rend à la Junta de septembre 1639.

Après son rôle important dans les négociations franco-catalanes de 1640, la soumission à Louis XIII et l’arrivée des vice-rois, il ne sera plus qu’une des figures marginales de noble malcontent. Ses mémoriaux envoyés à la cour et à Mazarin, que nous commenterons amplement, montrent la vision de cette noblesse sur elle-même, ses désirs de reconnaissance et de récompenses.

Après 1652, Ramon de Guimerà ne quittera pas la Catalogne, mais résidera dans son château de Ciutadilla où il mourra le 8 janvier 1654, enterré dans le couvent Saint-Dominique de cette ville. LAZERME Inédit (Guimerà).

[92] Bernard du Plessis-Besançon (1600-1670), seigneur du Plessis, présent au siège de Salses en 1639, de Rivesaltes, exerça différentes missions militaires et diplomatiques aux ordres de Richelieu et de Mazarin. Il sera fait gouverneur d’Auxonne en 1644, avant d’être rappelé en Catalogne. Fidèle à Mazarin pendant la Fronde, il sera ensuite ambassadeur à Venise.

[93] SANABRE, p.100.

[94] SERRA, Eva, « Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.58.

[95] SANABRE, p.133-134. Eva Serra (« Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.60) parle aussi, parmi les raisons ayant provoqué cette décision, des rumeurs persistantes que le roi d’Espagne voulait unifier les royaumes et annihiler les lois catalanes, et du refus de l’idée impériale d’Olivares par la noblesse terienne et les élites citadines. Les publicistes réactivent la conception de la monarchie contractuelle, le peuple pouvant se choisir un autre souverain.

[96] SANABRE, p. 135 et 140.

[97] SERRA, Op cit., p.62.

[98] AMAE, CP Espagne 20 (fol.168-175v), Articles des conditions soubs lesquelles les Estatz generaux du principat de Catalogne tenus et assemblez le 23e janvier dernier ont soubmis et donné au Roy tres chrestien ledict principat avec les Comtez de Roussillon et de Sartaigne et que lesdits Estatz desirent estre Incerees dans l’acte de jurement a faire par Sa Ma.té tant pour elle que pour ses successeurs au consentement de son gouvernement, 3 mai 1641.

[99] AMAE, CP Espagne 20 (fol.206-226v), Traicté de Louis XIII avec les Etats generaux de la Principauté de Catalogne et des Comtez de Roussillon et de Cerdagne, par lequel ils reconnaissent Sa Majesté pour leur seigneur soubz certaines conditions. A Peronne l’an 1641 le 19 septembre., 19 septembre 1641. Il s’agit d’une copie d’époque, sur laquelle nous nous baserons. L’édition du traité donnée en 1700 par Amelot de La Houssaie dans son Recueil des traitez de paix… (t. III, p.419-422) est extremêment fautive.

[100] AMAE CP Espagne 20 (fol.276-276v), Resoluçio dels braços generals del principat de Catalunya, i comtats de Rosello, i Çerdanya, tinguts a 7 de octubre 1641, 7 octobre 1641.

[101] Pour Eva Serra (« Una revolució política… », La revolució catalana de 1640, p.63), la réclamation de la condition catalane pour accéder aux dignités ecclésiastiques et aux gouvernements des places était récurrente depuis la fin du XVIe siècle.

[102] AMAE CP Espagne 20 (fol.214-215) : « XI. Que les villes et citez de Tortose et de Tarragone et autres lieux et villages de ce Principat et des dits Comtez de Roussillon et Certaigne qui sont tenus par les ennemis du consentement des habitans jouiront seulement des graces et privileges, constitutions, exemptions et libertez generales de toute la province comme partie d’icelle. Et pour les privileges particuliers des dittes villes et communautez et des personnes particulieres, elles en jouiront selon que les habitans d’icelles se comporteront envers Sa Majesté et leur patrie, ainsy qu’il sera convenu par les capitulations particulieres lorsqu’ils seront reduits en l’obeissance de Sa Majesté, laquelle n’entend pas comprendre en cecy les villes ou villages de Perpignan, Collibre et Roze, et autres lieux qui sont tenus de force par les troupes des ennemis contre la volonté des habitans d’iceux que Sa Majesté desire faire jouir de tous les privileges, uz et coustumes du pays comme toutes les autres citez, billes et communautez de la province, si ce n’est qu’ils se monstrassent cy apres infideles a sa dite Majesté et a leur patrie. Et quant a la jurisdiction temporelle et aux revenus de l’église metropolitaine de Tarragone et des autres églises et jurisdictions des barons ecclesiastiques, ilz demeureront comme auparavant, ensemble ceux des barons laiques qui n’ont esté et qui ne seront infideles a sa Majesté et a leur patrie ».

[103] Dietaris…, vol. V, p.1212.

[104] Dietaris…, vol. V, p.1213.

[105] Dietaris…, vol. V, p.1214-1215.

[106] Dietaris…, vol. V, p.1215-1217. Notons que parmi les docteurs nommés de la part des députés figure Narcís Peralta, qui, une fois nommé docteur de l’Audiència après 1642, aura un rôle important dans les procédures de confiscation de biens.

[107] Dietaris…, vol. V, p.1232.

[108] SANABRE, p. 199.

[109] PALOS PEÑARROYA, Joan Lluís, « Una lectura de la Guerra dels Segadors (1638-1644) » (« Pròleg : De la defensa de les lleis al canvi de sobirania »), Dietaris…, vol. V, p. XXV.

[110] SANABRE, p.174.

[111] Dietaris…, vol. V, p.1253.

[112] Supplique en français, émanée de Ramon de Guimerà, mais peut-être traduite par un secrétaire (sur ses ordres ou ceux de Richelieu ?), conservée dans les archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE, CP Espagne 20, fol.324-325v. D. Raimon de Guimera l’un des ambassadeurs de Catalongne represente…, s.d.). La titulature qui lui est donnée accrédite la date d’avril 1642 pour ce document non daté.

[113] Id.ref., fol.324-325.

[114] Dietaris…, vol. V, p.1253.

[115] Dietaris…, vol. V, p. 1281.

[116] SANABRE, p.108-109.

[117] Philippe de La Mothe-Houdancourt (1605-1657), issu d’une famille de l’ancienne noblesse de Picardie, fils d’une cousine de Richelieu, doit à cette dernière parenté un accès précoce à de hautes dignités. Sa proche parenté avec le secrétaire d’Etat à la guere, Sublet de Noyers, joue également. Il s’illustre en Piémont aux sièges de Casal et de Turin, contre l’armée de Philippe IV. En Catalogne, Plessis-Besançon avait réussi à renouer l’accord entre les Catalans et les Français, compliqué par la honteuse retraite du maréchal d’Espenan ; Richelieu voulait changer le haut commandement afin de refonder les bases de l’action française en Catalogne, d’où sa nomination comme général en chef. Cette nomination est, dès le départ, critiquée, notamment par Plessis-Besançon, comme l’effet de la faveur et du népotisme. AZNAR, Daniel, « Gloria y desgracia de un virrey francés de Cataluña: El mariscal De La Mothe-Houdancourt (1641-1644) », dans Pedralbes, n° 26, 2006, p.189-261.

[118] René de Voyer d’Argenson (1596-1651), apparenté au secrétaire d’Etat de la guerre, Sublet de Noyers, avait exercé différentes fonctions diplomatiques, et avait été plusieurs fois intendant, notamment en l’amée d’Italie. Nommé intendant de l’armée de Catalogne, il reçoit surtout la mission de favoriser la prise de possession des places d’armes par les Français, et d’achever le processus de soumission. SANABRE, p. 148.

[119] « Llenó el vacío dejado por Clarís » (SANABRE, p. 149).

[120] AZNAR, Daniel, « La Catalunya borbònica (1641-1659), viregnat i dinàmiques de poder durant el govern de Lluis XIII i Lluis XIV de França al Principat », dans Del Tractat dels Pirineus a l’Europa del segle XXI, un model en construcció? / Du Traité des Pyrénées à l’Europe du XXIe siècle, un modèle en construction ? [Oscar Jané, ed.], Generalitat de Catalunya-Museu d’Història de Catalunya, Barcelona, 2010, p.265-278. Selon Daniel Aznar, c’est le prince de Condé qui propose à Richelieu le maréchal de Brézé (1597-1650) comme vice-roi, afin de favoriser la réconciliation de ce dernier avec le cardinal (qui l’avait disgrâcié depuis 1638), dans le but d’un prochain mariage entre son héritier le duc d’Enghien et la fille du maréchal, moyen pour le prince d’entrer dans le cercle de confiance du ministre. Richelieu y avait aussi intérêt, qui se trouvait depuis 1640 en froid avec une grande partie de la haute noblesse. Comme l’explique Sanabre (SANABRE, p. 191), la nomination avait été décidée antérieurement, dès avant le 5 mai 1641, mais la décision finale tombe le 19 septembre 1641, le jour même de la signature du traité de Péronne. Il faut aussi signaler que les Catalans demandaient instamment un vice-roi, et que le récent échec militaire des Français à prendre Tarragona rendait nécessaire une remontée dans leur estime (SANABRE, p. 163).

[121] Dans une période allant de la publication du traité de Péronne après fin septembre 1641 à l’arrivée du vice-roi en février 1642, partant du principe que la récolte du blé a lieu en été.

[122] VIDAL I PLA, Jordi, Guerra dels Segadors i crisi social. Els exiliats filipistes (1640-1652), Barcelona, Edicions 62, 1984.

[123] AMAE, Mémoires et Documents France 1744 (fol.137-139v), Lettre d’Argenson à Bouthillier, 29 janvier 1642 : « Les gentilshommes qui sont a Barcelonne et que le sieur Tamarit et moy congnoissons affectionnez au service du roy s’en vont aussy dans les terres et chasteaux qu’ils ont en ces contrées de Paillas pour faire armer leurs vassaux et destruire par leurs intelligences autant qu’ils pourront les pratiques des Castillans et resister mesmes s’ils veulent venir ou entrer par force pendant que de son costé le docteur Anglezil faict le procez a ceux qui seront trouvés coulpables de trahison et d’intelligence avec les emmemys ».

[124] Joan Pere Fontanella (1575-1649), issu d’une famille aisée de marchands d’Olot (comarca de Garrotxa, province de Girona), se fixa précocément à Barcelona pour y étudier le droit et devint docteur en droit civil. Marié en 1598 à Margarida Garraver, fille unique et héritière d’un riche marchand de Perpignan, il profite de la parenté de cette dernière avec l’abbé de Besalu pour exercer comme avocat de l’abbaye, puis de la Generalitat après la nomination de cet abbé comme diputat eclesiàstic. Assessor ordinari de la Diputació après l’élection de son propre frère Benet Fontanella comme diputat eclesiàstic, il exerce aussi comme avocat conseil pour plusieurs villes importantes comme Vic, Girona et Tortosa. Dans un contexte de montée des tensions entre la couronne et les institutions catalanes, il fait office de conciliateur pour les questions fiscales, et conseille aux municipalités de choisir la voie de l’obéissance au roi dans ses levées de soldats et d’impôts. Pour Capdeferro, Fontanella, âgé de 65 ans au moment des évènements du Corpus de Sang, a été emporté sur la voie révolutionnaire dans le sillage de ses fils Josep et Francesc, et non l’inverse : il n’a pas participé significativement à la décision de la Junta de Braços de Claris. Elu conseller en cap de Barcelona en décembre 1640, il le reste jusqu’en novembre 1641, et exerce par intérim la fonction d’assessor ordinari de la Diputació, ordinairement tenue par son fils, pendant le voyage de ce dernier pour acueillir le maréchal de Brézé à Perpignan. A ce titre Fontanella approuve les opérations d’épuration de la Generalitat. Par la suite, il montre sa méfiance face à l’irrespect des Constitutions par les Français, et ne joue plus de rôle politique de premier plan. Juriste distingué, ses ouvrages (principalement De Pactis Nuptialibus, sive Capitulis Matrimonialibus tractatus, 1612, et Sacri Senatus Cathaloniae Decisiones, 1639) sont devenues des références communes du droit catalan. CAPDEFERRO I PLA, Josep, Joan Pere Fontanella (1575-1649), un advocat de luxe per a la ciutat de Girona, Universitat Pompeu Fabra. Departament de Dret, 2010.

[125] Josep Fontanella i Garraver (1606-1680) est une, si ce n’est la figure centrale de notre travail. Aussi nous ne revenons dans cette aparté que sur ses détails biographiques avant 1642, et sur son entourage familial. Baptisé le 23 janvier 1606 en l’église Sant Jaume de Barcelona, il est le fils aîné de Joan Pere Fontanella, qui le fait entrer à la Generalitat à l’âge de dix-sept ans avec un office subalterne. Il obtient le doctorat en droit canon et droit civil, enseigne le droit canon à l’université de Barcelona. Marié en 1627 avec Magdalena Çafont i de Malla, il est investi assessor ordinari de la Diputació le 18 avril 1640, à l’âge de 34 ans. Sa montée en puissance est ensuite fulgurante, alors que Pau Claris est tombé malade et que Tamarit est fait prisonnier. CAPDEFERRO, Joan Pere Fontanella

[126] SANABRE, p. 199. Cette opinion est relayée par CAPDEFERRO, Joan Pere Fontanella, p.404, citant une lettre de la Generalitat à Brézé, datée du 5 janvier 1642, où elle remercie le vice-roi des nominations qu’il vient de faire ; et une autre de Brézé à d’Argenson, du même jour, où il le félicite pour son influence dans ces dernières. Les nominations auraient donc été faites dans les derniers jours de 1641.

[127] SANABRE, p.193-198.

[128] Voir supra (Première partie, I. 2.)

[129] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.2v-3v), Licence condédée par le vice-roi Brézé à Pere Lacavalleria, imprimeur, pour imprimer un livre intitulé « Diccionari de tres lenguas Castellana, Francesa i Catalana », avec privilège de deux ans, 26 février 1642. Visa Fontanella, Regent la Real Cancelleria, et Bru, Regent le Real Tresoreria. Nous allons revenir sur le rôle central de cet imprimeur.

[130] SANABRE, p.200.

[131] Nous abrègerons et franciserons dorénavant cette longue titulature de la même façon que le faisaient les contemporains, en disant : « Régent ». Cette francisation est cependant sans doute impropre, car cette fonction proprement catalane ne peut pas se traduire par ce qui, en France, est appelé « régent ». Nous avons déjà présenté plus haut (cf supra Première partie, I. 1.) son rôle, primitivement limité à remplacer le chancelier en son absence, mais qui progressivement s’était élargi jusqu’à en faire un des dignitaires qui devait apposer son « visa » sur les actes de chancellerie aux côtés du chancelier et du trésorier. Nous abrègerons aussi la fonction de Regent la Real Tresoreria en « trésorier », comme il est aussi appelé dans la documentation du temps.

[132] Il est important de noter que, dans la documentation française, elle sera le plus souvent appelée : « Conseil Royal » – comme le remarque FERRO (El Dret Públic Català…, p.61), par « antonomase ». Il faut éviter toute confusion avec ce qu’en France on peut appeler le conseil du roi.

[133] FERRO, El Dret Públic Català…, p. 110-115.

[134] Une considération de Plessis-Besançon, bien que postérieure, le montre bien : « Humeur des Catalans en general : Ils aiment et craignent extremement la Justice, portant grand respect a ceux qui l’administrent, et ne trouvans a redire a quoy que l’on puisse faire par cette voie, ce qui n’est pas un petit advantage pour ceux qui gouvernent, bien que d’ailleurs leurs conditions et privileges semblent traverser toute force de chastiment, et qu’ils y soient tellement attachez qu’il n’y a point d’extremité ny de violence qu’ils n’entreprennent pour les conserver ». (AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.254-259), Mémoire de M. du Plessis-Besançon sur l’état d’esprit et d’humeur des Catalans, mars 1645)

[135] Lluis de Peguera (1540-1610), docteur de la Reial Audiència, a joué un grand rôle dans les Corts de Montsó et de Barcelona au XVIe siècle, comme homme de confiance du roi Philippe II, défendant les prérogatives royales face aux prétentions de la Generalitat. Il a laissé plusieurs œuvres de référence parmi lesquelles Aurea et elegans repetitio… (1577), traité des relations entre seigneurs et vassaux, et Practica criminalis et ordinis iudiciarii civilis… (1603), fondé sur les décisions de la Reial Audiència et où il donne pour la première fois les grandes lignes de l’ordre judiciaire de Catalogne, de façon pédagogique. Son œuvre la plus célèbre, Practica, forma y stil de celebrar Corts Generals en Catalunya, recueil de droit parlementaire catalan au sujet du cérémonial observé lors des Corts, sera éditée après sa mort en 1632. (DE MONTAGUT I ESTRAGUES, Tomas, « Lluis de Peguera i el seu pensament jurídic », Pedralbes, n° 18, 1998, p.53 67)

[136] Acaci de Ripoll i Mas (juin 1578-après 1655), issu d’une famille de juristes, se pourvut à la fois du doctorat en droit civil et en droit canon, mais aussi en philosophie, au sein de l’Universidad Sertoriana à Huesca en Aragon, après quoi il exerça comme professeur à l’université de Barcelona. Il épousa en 1604 Magdalena Bru i Granollachs, et soutint l’autorité française, dont son beau-frère, Jaume Bru i Granollachs, nommé trésorier de Catalogne en 1642, était l’un des hauts dignitaires. Il publia ses deux ouvrages majeurs, que nous commentons dans ce travail, en 1644 et 1649. Après 1652, il ne quitta cependant pas Barcelona et continua sa carrière de juriste, publiant un De magistratus Logiae Maris antiquitate en 1655, date après laquelle on perd sa trace. LAZERME Inédit (Ripoll).

[137] ACA, Cancilleria, Intrusos 122 (fol.80v-82), Licence condédée par le vice-roi Brézé à Acaci de Ripoll d’imprimer « La practica de Lluis de Peguera » revue et augmentée, 14 décembre 1648. Le caractère simultané des ouvrages de Ripoll et de la période que nous étudions nous permet de les citer plutôt que l’œuvre originale de Peguera, mais nous ne voulions pas passer sous silence ce précédent fondamental.

[138] « Statim enim quod perpetuum est hoc delictum illius rei dominium, et administrationem bonorum suorum amittunt quia a lege dicta bona ipso jure confiscantur ». RIPOLL, Acaci de, Nobilis D. Ludovici de Peguera Regii Senatoris in Supremo Cathaloniae Senatu Praxis Criminalis et civilis, haec additionata iuribus decisionibusque diversorum senatuum, Barcelona, Antoni Lacavalleria, 1649, Cap. 19, « De processu in crimine laesae Maiestatis in primo capite », p.449.

[139] « Licet confiscatio non sortiatur effectum, nisi secuta sententia hominis per quam declaretur reum incurrisse in crimen laesae Maiestatis » (RIPOLL, Nobili…, p.449).

[140] « Et dato quod contra aliquem impetitum de hoc crimine procedendum sit, curabis formare processum, instante fisci Procuratore, modo et forma sequenti » (RIPOLL, Nobili…, p.449).

[141] « Idcirco et alias, fisci Procurator Regiae Curiae praedicta omnia et singula Excellentiae vestrae humiliter exponendo, supplicat de praedictis omnibus et singulis inquiri […] tanquam rebelles et delatos de crimine laesa Maiestatis in primo capite procedi, et enantari : personas, et bona capiendo et puniendo et Regiis erariis dicta bona confiscando et rigide procedendo, prout in crimine laesa Maiestatis in primo capite solitum est fieri et puniri debent. Ac etiam supplicat quod pro his expediantur et fiant litterae opportunae et necessariae, juxta stylum Regiae Curiae ». (RIPOLL, Nobili…, p.450)

[142] RIPOLL, Nobili…, p.450

[143] « Providet quid N. et N. citentur et compareant personaliter intra decem dies coram sua Excellentia et Regia Curia ad dandum rationes de crimine lesae Maiestatis in primo capite, de quo impetuntur per fisci Procuratorem regia curia, quid alias elapso termino procedetur contra eos et quamlibet ipsorum et eorum bona » (RIPOLL, Nobili…, p. 450-451).

[144] RIPOLL, Nobili…, p.451-452.

[145] « Potest etiam fieri supradicta citatio per edictum seu praeconium, et casu quo fiat est facienda sub forma sequenti » (RIPOLL, Nobili…, p.452)

[146] RIPOLL, Nobili…, p.453.

[147] RIPOLL, Nobili…, p.454.

[148] RIPOLL, Nobili…, p.454.

[149] RIPOLL, Nobili…, p.454.

[150] RIPOLL, Nobili…, p.454.

[151] RIPOLL, Nobili…, p.454-455.

[152] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.2-4), Crida pública contre un groupe de roussillonnais, obligeant à dénoncer tous leurs biens en Catalogne sous dix jours (donnant la référence de la sentence du 7 mars), 11 mars 1642. Voir infra pour le commentaire de cet acte.

[153] Si tant est que la procédure n’ait pas débuté avant l’arrivée effective du vice-roi… (voir infra).

[154] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.4v-5), Crida pública contre Ramon de Calders i Ferran et Anton Despés i Gomar les assignant à comparaître sous dix jours, 27 mars 1642. Texte édité dans les annexes (Document n°11)

[155] Ramon de Calders i Ferran, oïdor de comptes del General de 1620 à 1623, nommé trésorier en 1629, finit par être nommé en 1639 portantveus del general gobernador (gouverneur de Catalogne), charge qu’il exerçait encore au moment de la révolte catalane. MOLAS RIBALTA, Pere, « Abans, durant y després de Corts inacabades (1623-1638) » (« Pròleg : De la defensa de les lleis al canvi de sobirania »), dans Dietaris…, vol. V, p. XIV.

[156] « Potest etiam fieri supradicta citatio per edictum seu praeconium » (RIPOLL, Nobili…, p.452).

[157] D’autres cridas insérées dans le même registre sont sous forme imprimée, les responsables des registres s’étant contentés d’agrafer un exemplaire « specimen » du feuillet.

[158] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.2-4), Crida pública contre un groupe de roussillonnais, obligeant à dénoncer tous leurs biens en Catalogne sous dix jours (donnant la référence de la sentence du 7 mars), 11 mars 1642. « Mes havent sa Excelència per execucio de dita real sententia diu y mana ab lo mateix tenor de la present publica crida a totes qualsevol persones, de qualsevol stament grau o condicio sien que dins deu dias apres de la publicatio de la present publica crida, en havant comptadors, denuncien y haien denuncias a la Regia cort tots y qualsevols bens mobles y immobles, or, argent, joyes, diners, robes, vestits, noms, drets y altres qualsevol bens de dits Joan Francesc Masdemunt dit lo pubill, don Hugo de Ortafa, don Gabriel de Lupia, Julia Jordi, mestre T. Luis, Matia Angelet, T. Llobet y Carles de Urgell hont se vulla que sien y consistesquen. Altrament passat dit termini sera provehit contra los que tindran y hauran amagats y sabran dits bens y nols hauran denunciat, com est dit, a la Regia cort, com a sabent y no denuntiants aquells segons que per remeys de justicia y de dret sera trobat fahedor ».

[159] SANABRE, p.200.

[160] « Estos primeros decretos [ceux de la chancellerie] y un interesante documento anónimo, que suponemos redactado por d’Argenson y que, por haberlo encontrado en el legajo de la correspondencia del marqués de Brézé, creemos le fué entregado al entrar en funciones de Virrey, constituen un avance de la estructura política que iba a implantarse en Cataluña ». (SANABRE, p.200).

[161] AMAE, Mémoires et Document France 1744 (fol.36-43). Texte édité dans les annexes (Document n°25) Une (autre ?) copie du texte est conservée à la BNF, Baluze 146 (fol.40-46v).

[162] PÉREZ LATRE, Miquel, « Els Llupià i la política a l’Edat Moderna », Història dels Llupià (1088-1771) i dels seus llinatges incorporats : Icard, Roger i Vallseca, Trabucaire, 2007, p.163

[163] PÉREZ LATRE, « Els Llupià i la política a l’Edat Moderna », Història dels Llupià…, p.162-163. Gaspar de Llupià i de Vilanova (1625-1642), fils aîné et héritier de Gaspar de Llupià i Pagès, seigneur de Llupià et de Castellnou, aîné de l’une des plus puissantes lignées du Roussillon, fit partie dès l’âge de 16 ans de l’armée française de Condé. Il fut l’un des senyors de vassalls (seigneurs avec vassaux) nommé mestre de camp des tercios des vigueries puis après leur réforme capità de coraças, menant ses troupes à travers la plaine de Roussillon afin de réaliser des incursions contre Perpignan, participant après décembre 1641 au siège de Collioure. Servant ensuite aux ordres du maréchal de La Mothe, il fut blessé dans une bataille contre les hommes du marquis de Povar près de Montmeló le 28 mars et mourut deux jours après. Sa mort, déplaçant l’héritage des Llupià sur la tête de son frère cadet Carles, alors âgé de 11 ans, eut d’importantes conséquences dont particulièrement la perte pour les Français du soutien d’une lignée importante, les autres branches de la famille rejoignant le roi d’Espagne.

[164] ADPO, 1 B 393, Prestation de serment de Ramon de Bas comme portant veus del general Governador de los Comtats de Rosselló y Cerdanÿa (faisant référence au privilège royal le nommant à cette fonction daté de Barcelona du 29 mars 1642), 8 mai 1642. Sur la biographie de ce personnage, nous reviendrons infra en Première partie, II. 3.

[165] Brézé, quant à lui, fera au ministre Bouthillier une relation de ladite bataille, mentionnant le décès des nobles catalans, dans une lettre datée du 1er avril 1642. AMAE, CP Espagne 22 (fol.156-157v).

[166] Emanuel d’Aux (parfois orthographié d’Auch ou Dauche, du fait de la prononciation catalane), fils du marchand Vidal d’Aux, était originaire de Perpignan. Il servit dans les premières campagnes de Catalogne et Roussillon en 1641-1642. Lors de l’entrée de Condé en Roussillon en juin 1641 il était l’un des capitaines de compagnies catalanes, avec Francesc de Vilaplana et Gaspar de Llupià, participant notamment au siège d’Elne (SANABRE, p.165). Il avait épousé en 1638 à Perpignan Maria Momir i Carbonell, fille d’un marchand perpignanais (LAZERME, t.III, p.290). Il fut anobli le 9 février 1642 par un privilège de noblesse, donné par le vice-roi Brézé à Elne (enregistré dans les registres de la Procuració reial dels Comtats de Rosselló y Cerdanya, ADPO, 1 B 394 (fol.44-44v). Ce privilège fait référence à sa participation au siège d’Ille, aux combats de Cornella del Vercol, Montjuic, aux sièges d’Argelès, Elne, Millas.

[167] SALES, Núria, Senyors bandolers, miquelets i botiflers : estudis d’historia de Catalunya (segles XVI al XVIII), 1984.

[168] SALES, « La lluita… », Història de Catalunya, p.373-376.

[169] Sur le rôle de Rafel Antich et des séquestres, voir infra Première partie, II. 1. et III. 2.

[170] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.158v-159v), Ordre du vice-roi, sur supplique du procureur fiscal de la Regia Cort, que la justice soit administrée contre les biens des ducs d’Albe, de Cessa, de Híjar, marquis de Villasor, marquis de Camarasa, marquis de Orani, comtesse de Guimerà, comte de Santa Coloma de Queralt, comte de Fuentes, comte de Castellflorit, comte de la Formiguera, marquis de Oropesa y Vilar, qui ne se sont pas présentés à la convocation pour se justifier de leur crime de lèse-majesté, 11 avril 1643.

[171] ACA, Cancilleria, Intrusos 124 (fol.204-208), Don à Francesc Sangenís de la tour qu’avait le marquis d’Aitona à Alella avec toutes ses dépendances (les biens du marquis d’Aitona ont été confisqués par sentence royale 30 octobre 1642, rapporteur Josep Orlau), 7 octobre 1648.

[172] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.2-4), Crida publica contre un groupe de roussillonnais, obligeant à dénoncer tous leurs biens en Catalogne sous dix jours (donnant la référence de la sentence du 7 mars), 11 mars 1642.

[173] Josep de Vilanova-Caramany était le cousin germain de Beatriu de Biure i de Vilanova, mère de Josep de Margarit, lui aussi possesseur de vastes domaines dans l’Empordà. LAZERME, t. III, p.372.

[174] AMAE, CP Espagne 20 (fol.324-325v), D. Raimon de Guimera l’un des ambassadeurs de Catalongne represente…, s.d.

[175] Sur cette question, voir supra I. B).

[176] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.158v-159v), Ordre du vice-roi…, 11 avril 1643.

[177] DUCH I MAS, Joan, « La baronia i el comtat de Guimerà », Urtx, n° 19, 2006, p.83-104.

[178] AMAE, CP Espagne 20 (fol.278), Memoire des Ambassadeurs de Catalogne. 1641, avril 1641. Avant d’exercer la fonction d’ambassadeur, les trois personnages avaient été choisis en novembre 1640 comme otages de la Generalitat à Toulouse. Nous reviendrons sur Barutell et Bru, personnages de premier plan dans notre sujet, puisqu’ils seront nommés respectivement chancelier et trésorier de Catalogne en 1642. Llorenç de Barutell demeure seul à Paris après le printemps 1641, jusqu’à l’arrivée de Margarit et de Vergós début 1642.

[179] DUCH I MAS, Joan, « La baronia i el comtat de Guimerà », Urtx, n° 19, 2006, p.609.

[180] Francesc Joan de Vergós i de Sorribes (v.1580-1645), fille de Joan-Ramon de Vergós i Sacosta, seigneur de la Parna i del castell de Meya, appartenait à une famille de la petite noblesse. Marié en 1614 à Francesca de Peguera, il figura précocément dans plusieurs Juntas de Braços, et fut nommé en 1630 viguier de Barcelona (Dietaris…, vol. V, p.331). Il se chargea dans les années 1630 de nombreuses ambassades du braç militar auprès des députés de la Generalitat, puis, après 1638, assura les mêmes missions pour les députés auprès des conseillers de Barcelona – exerçant même cette année-là la fonction d’exactor del General (receveur des créances en faveur de la Generalitat) (Dietaris…, vol. V, p.876) – puis enfin pour le Conseil des Cent de Barcelona, qu’il intègre. En 1639 il s’oppose au déplacement du conseller en cap au siège de Salses (SERRA, Eva, « Els Guimerà, una noblesa de la terra », Recerques, n°23, 1990, p. 32). Présent aux Juntas de Braços du début de 1640, le vice-roi comte de Santa Coloma le fait emprisonner en mars peu avant Tamarit (Dietaris…, vol. V, p. 1016). Il est libéré le 22 mai lors de la première entrée des Segadors à Barcelona, et figure naturellement dans la primordiale Junta du mois de septembre, assurant toujours, à travers ses ambassades, une communication entre les deux Consistoires (SERRA, Eva, « Una revolució política. La implicació de les institucions », La revolució catalana de 1640, Barcelona, Editorial Crítica, 1991, p.41 et 48). Après avoir eu un rôle remarqué en 1640 et 1641, il se manifeste surtout après 1642, à l’instar d’un Guimerà, par de nombreuses suppliques envoyées à la Cour pour se plaindre de l’oubli dont il est victime. Il meurt le 16 janvier 1645 à Barcelona, sans enfants, léguant ses biens à son neveu Diego de Vergós i de Sorribes. LAZERME Inédit (Vergós).

[181] Léon Bouthillier (1608-1652), fils de Claude Bouthillier, comte de Chavigny, ami de Richelieu, a succédé à son père en 1632 comme secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Le père et le fils exercent une grande influence à la cour jusqu’à la mort de Richelieu, et il est souvent de difficile de distinguer ce qui vient du fils et ce qui vient du père. En 1641-1642, c’est lui qui traite les courriers venant de Catalogne et adressés à Richelieu, dont subsistent des traces dans les archives du Ministère des Affaires étrangères. Il devra renoncer à son office après la mort de Louis XIII, et se rapprochera du prince de Condé pendant la Fronde.

[182] AMAE, CP Espagne 20 (fol.312), Lettre de Francesc de Vergós à Bouthillier, s.d.

[183] Dietaris…, vol. V, p.1070.

[184] La bataille de Martorell, immédiatement contemporaine de la décision des Braços le 23 janvier, a été présentée comme une étape décisive dans leur décision d’accélérer la soumission. Le rôle de Diego de Vergós est cependant controversé, et sa venue à la cour s’explique peut-être aussi par le besoin de redorer son blason. RUBÍ DE MARIMÓN, Ramon, Relación del levantamiento de Cataluña 1640-1642, Barcelona, Fundación Pere Coromines, 2003.

[185] Dietaris…, vol. V, p.1205. Il faut signaler que dans les dietaris, le terme d’ambassadeur (embaxador) est employé autant pour désigner des personnes envoyées par les deux consistoires pour leur communication respective, que des envoyés extraordinaires à la Cour. Le terme s’applique aussi à ceux qu’ils envoient ponctuellement pour accueillir, féliciter, ou exprimer obéissance à de hauts personnages.

[186] Josep de Margarit i de Biure (1602-1685), fils de Felip de Margarit i Sunyer, de la lignée des seigneurs de Castell d’Empordà, et de Beatriu de Biure i de Vilanova, d’une illustre famille de l’Empordà fixée aux alentours de La Bisbal, était déjà, dans les années 1630, un cavaller rebelle à l’autorité royale espagnole, puisqu’il refusa de coopérer afin de lever des hommes pour les guerres d’Italie (SANABRE, p.20). Appartenant en septembre 1640 à la Junta de Braços de 1640, il est mestre de camp lors de la campagne de janvier 1641, acquérant une grande réputation dans la région du Campo de Tarragona, ensuite sous les ordres du maréchal de La Mothe (SANABRE, p.154). Durant cette période, il développe sans doute avec lui une amitié personnelle. Nommé gouverneur de Catalogne en 1642, il occupera l’un des tous premiers rôles jusqu’à la perte de Barcelona en 1652, après quoi il gagne Perpignan. A la fin de sa vie, il obtiendra du roi la concession de terres en Languedoc, et mourra à Durban (Aude) le 23 juillet 1685. De son mariage avec sa cousine Maria de Biure i de Cardona, fille unique et héritière, dont il géra les biens et hérita de la baronnie d’Aguilar –érigée pour lui en marquisat –, il eut une nombreuse postérité demeurée au service de la France. LAZERME, t.II, p.318-319.

[187] AZNAR, « La Catalunya borbònica… », p.266.

[188] AMAE, CP Espagne 20 (fol.351-353), Lettre a M. de Breze (de Bouthillier), 20 décembre 1641.

[189] AMAE, CP Espagne 20 (fol.293-293v), Lettre d’Argenson à Bouthillier, 15 novembre 1641.

[190] AMAE, CP Espagne 22 (fol.7-9), Lettre de Brézé à Bouthillier, 5 janvier 1642.

[191] SANABRE, p.223-227.

[192] SHD, A1 69 (n°25), Lettre du roi au maréchal de Brézé (minute), 4 avril 1642. Voir infra la place de la communauté d’Ille : Deuxième partie, II. 2.

[193] François Sublet de Noyers (1589-1645), créature de Richelieu, proche des Jésuites, succède à Servien en 1636 comme secrétaire d’Etat de la guerre. Après 1640 il est avec Chavigny, et son fils Bouthillier, un des collaborateurs privilégiés du cardinal et de Louis XIII. Le temps étant à une « systématisation de l’emploi de créatures et de familiers à tous les niveaux », il fait nommer à l’intendance des armées de Catalogne son parent René de Voyer d’Argenson. Sous son ministère on assiste à une démultiplication de l’écrit à travers un réseau de commis, sur laquelle il nous faudra revenir. Après la mort de Richelieu, victime d’une cabale formée par Chavigny et Mazarin, il est disgrâcié. LEFAUCONNIER, Camille, François Sublet de Noyers (1589-1645). Ad majorem regis et Dei Gloriam, thèse de l’Ecole Nationale des Chartes, 2008.

[194] AMAE, Mémoires et Documents France 1744 (fol.231), Lettre de Brézé à Bouthillier, 8 avril 1642.

[195] Dietaris…, vol. V, p.1249. Ils partent de Barcelona le 21 avril 1642.

[196] Dietaris…, vol. V, p.1253. La lettre du roi, datée du 31 avril 1642, est transcrite dans la Dietari au jour du 21 mai 1642 : «De part del rey. Charíssims y ben amats: Com lo acercar-nos a vostras parts y lo que havem entreprés aci contra nostres enemichs, principalment, és per vostra seguretat y per assegurar-nos, en lo esdevenidor, una perfecta quietut dins nostre principat de Cathalunya, és estat particular lo contento que havem tingut de oÿr, per la boca del degà Pau del Rosso, don Ramon de Guimerà y Miquel Joseph Quintana, vostres embaxadors, la alegria que’n teniu. Havem-los vist de molt bon ull y estam molt satisfets de tot lo que.ns han dit de vostra part sobre assò. Estigau assegurats que, com fins vuy, hi havem aportada molta afició per lo bé d’esta província, de la mateixa manera continuarem y la lliurarem de totas las forsas dels enemichs, a què tenim molt gran satisfacció de veure-us contribuhir ab tant zel com feu. Pregant sobre aço a Déu, charíssims y ben amats, (us tinga) en sa sancta guarda. Dada en lo Camp de Perpinyà, al últim abril 1642. Louis. Bouthilier».

[197] SANABRE, p.200. Jusqu’à preuve du contraire, les lettres nommant Gaspar Sala à l’abbaye de Sant Cugat del Vallès n’ont pas encore été retrouvées par les historiens, et l’information se rencontre dans des correspondances ou des récits (AMAE, CP Espagne 22, fol.191-192, Lettre de Brézé à Bouthillier au sujet de l’opposition fomentée par l’ordre de Saint-Benoît à sa nomination de l’abbé Sala en mars 1642 à l’abbaye de Sant Cugat, 25 avril 1642). Il se trouvait néanmoins titulaire de cette qualité au début de l’année 1643 (ACA, Cancilleria, Intrusos 113, fol.11v-12v : mandement au séquestre de l’abbaye de Sant Cugat del Vallès d’en verser les revenus à l’abbé Gaspar Sala, 23 mars 1643).

[198] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.6v-7à), Don par Brézé du séquestre de Banyoles à Francesc de Monfar, abbé de Camprodon, 20 mars 1642.

[199] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.7-7v), Don par Brézé du séquestre de Camprodon à Francesc de Montpalau, abbé de Banyoles, 20 mars 1642.

[200] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.2-4), Crida pública contre un groupe de roussillonnais dont Joan Francesc Masdemunt, obligeant à dénoncer tous leurs biens en Catalogne sous dix jours (donnant la référence de la sentence du 7 mars), 11 mars 1642.

[201] Joan Francesc Masdemunt i Reynalt, donzell de Perpignan, était le fils de Francesc Masdemunt i Soler et d’Antonia Reynalt. Son père, fils de Marti Soler i de Armendaris assesseur du gouverneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne anobli par Philippe IV en 1623, avait repris le nom de Masdemunt conformément au testament de sa grand-mère maternelle Guiomar Masdemunt, pratique courante en Roussillon. Il est à noter que le grand-oncle de Joan-Francesc Masdemunt, Melcior Soler i de Armendaris (1572-1658), abbé de Saint-Martin du Canigou, avait prêté hommage à Louis XIII en mai 1642. LAZERME, t. III, p.285 et 288.

[202] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.8-11v), Vos ecselènciaa fa donaçio al capita Michel Frexa i als seus perpetuament de tots los bens que foren de Juan Francesc Masdemunt, 5 avril 1642. Texte édité dans les annexes (Document n°10).

[203] ADPO, 1 B 394 (fol.9-11), Donatio feta per lo Excelentissim senyor lloct. y capita general en lo principat de Chatalunÿa de la universal heretat ÿ bens que foren de Joan Francesc Masdemon en favor del capita Miquel Freixa y dels seus, 5 avril 1642.

[204] AMAE, CP Espagne 22 (fol.191-192), Lettre de Brézé à Bouthillier, 25 avril 1642.

[205] SHD, A1 71 (n°109), Ordonnance portant confirmation de celles rendues par le maréchal de Brézé depuis qu’il est en Catalogne, au camp devant Perpignan, 31 mai 1642.

[206] Il fut anobli le 9 février 1642 par un privilège du 9 février 1642, donné par le vice-roi Brézé à Elne (enregistré dans les registres de la Procuració reial dels Comtats de Rosselló y Cerdanya, ADPO, 1 B 394 (fol.44-44v).

[207] ADPO, A B 394 (fol.1-2), Gracia y merçe feta per la sacra X.ma y Real Magestat de Luÿs XIII Reÿ de França y de Navarra comte de Barçelona, de Rossello y Cerdanÿa al noble don Carlos de Arismendi de mil y dos cents ducats quiscun any sobre las rendas y emoluments del Real Patrimoni y dits Comtats, au camp de Perpignan, 9 juin 1642.

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