Une administration rationnelle?

1. Minute, expédition, enregistrement : le combat des formes

 

Après avoir trouvé un certain nombre de considérations sur l’implication politique, et même sociale, des confiscations de Catalogne française, le lecteur est encore en droit de se demander comment se passait concrètement l’administration des biens confisqués, comment travaillaient les individus à qui elle étaient confiées, quels en étaient les paramètres économiques, immobiliers, matériels… Nous tenterons maintenant de répondre à ces questions, en signalant d’ores et déjà un obstacle de taille à l’appréhension exhaustive et définitive d’une telle matière : la rareté et l’éclatement extrêmes de la documentation. Autant les correspondances politiques conservées dans les grands dépôts nous permettent de cerner une partie des relations entre la cour de France et la Catalogne, les brigues pour la faveur royale, voire même certains aspects des rivalités locales ; autant elles nous renseignent fort peu sur la gestion des biens confisqués et les personnes – fort discrètes au demeurant – qui se chargeaient réellement de tout ce travail. Les archives catalanes, bien que très variées et très riches pour les périodes précédant et suivant immédiatement la guerra dels Segadors, souffrent d’un certain nombre de pertes, notamment une grande partie des archives judiciaires de la Reial Audiència française installée à Barcelona. Ajoutées à cela les contraintes de temps inhérentes à toute recherche de ce type. Les registres de la chancellerie de Catalogne, que nous avons beaucoup exploités pour illustrer le poids politique du vice-roi et de sa, ou ses clientèles, apportent toutefois les informations les plus satisfaisantes. D’autres, conservés avec, mais en marge par rapport à eux, devront être commentés par la suite. Toutes ces considérations nous montrent l’importance du document, appelé par la suite « d’archives », mais à l’époque de son usage pleinement utile et utilisé, et de la nécessité première de comprendre justement son usage replacé dans son contexte. Aussi, nous avons décidé de présenter tout d’abord les grands types documentaires qui président à la gestion ou à la donation des biens confisqués, car avant quelque action que ce soit, se trouve un acte (ou du moins, s’il n’y en a pas, son absence est aussi significative). Cette question, à première vue ingrate, a peu intéressé les historiens catalans. Peu de chercheurs ont montré la fondamentale coexistence de deux chancelleries, une à Paris, une à Barcelona, toutes deux munies de leur légitimité propre, de leur personnel et de leurs traditions, mais aux attributions et compétences différentes. Très peu ont vu la grande incertitude diplomatique qui préside du côté français, dans les premières années de la guerra dels Segadors, entre un désir de s’adapter aux circonstances présentes, et la prégnance d’anciens formulaires en usage à la cour, pas toujours adéquats. Encore moins, enfin se sont penchés sur l’évolution des différents types d’actes à l’intérieur même de la période. Et pourtant, toutes ces considérations renferment une part non négligeable de la représentation de l’autorité royale.

Il nous faut tout d’abord revenir sur la genèse des actes, dans leur contexte institutionnel. Lorsque le Principat se soumet juridiquement à la France après le traité de Péronne, la chancellerie royale de France se substitue dans ses anciennes attributions à la chancellerie royale d’Aragon. Quelque temps après, en suite de l’arrivée du premier vice-roi Brézé, en février 1642, la chancellerie de Catalogne se reforme à Barcelona. Les deux chancelleries vont coexister durant toute la période, et l’enjeu principal sera le chevauchement de leurs prérogatives. En effet, la soumission de la Catalogne au roi de France entraîne une conservation des institutions de pays, mais ne donne pas lieu à une législation ou des ordonnances particulières, ce qui laisse un grand flou dans le fonctionnement concret de tous les organes. Ainsi, le monopole de l’acte royal et de ses réseaux est immédiatement battu en brêche. Premièrement, à l’intérieur même de la chancellerie française, plusieurs acteurs forment des actes destinés à la Catalogne. Si le chancelier de France est Pierre Séguier, son rôle dans les affaires de Catalogne est peu important, vu que dès le début des négociations avec les institutions catalanes, les relations avec la province sont placées sous la tutelle de deux ministres : le secrétaire d’Etat de la guerre, Sublet de Noyers, qui s’occupe essentiellement des affaires militaires, et le secrétaire d’Etat des Affaires étrangères, Bouthillier, qui travaille en étroite collaboration avec son père Chavigny, et centralise, comme nous avons pu nous en rendre compte dans ses archives, la correspondance avec les institutions catalanes et les nobles affidés. Au début de la période, il faut noter un état de fait qui restera en vigueur jusqu’en 1643 à l’arrivée de Le Tellier : les deux secrétaires d’Etat font établir, chacun dans son département respectif, des actes destinés à la Catalogne. Camille Lefauconnier a détaillé le fonctionnement d’un de ces départements, ainsi que des bureaux et commis qui le composent : celui de Sublet de Noyers. Le Service historique de la Défense, à Vincennes, en conserve d’intéressants vestiges, bien que très épars. Avant même la création du Dépôt de la guerre sous Louis XIV, les archives sont organisées et confiées à un commis. « Le secrétaire d’Etat est encore largement un technicien, un correcteur et un rédacteur d’actes, en plus des lettres personnelles » ; il « donne ses ordres, émanant du roi ou de Richelieu, au premier commis, Timoléon Le Roy[1], lequel semble répartir le travail entre les autres commis. Au total, les bureaux de la guerre comportent une petite dizaine de personnes, auxquelles il faut probablement rajouter un certain nombre de scribes dont il est impossible de déceler la présence. »[2] Ces commis persisteront par-delà les changements de gouvernements, et on retrouvera les mêmes méthodes, les mêmes écritures après la nomination de Le Tellier. Une fois les actes établis sous forme de minute, ils sont recopiés ou mis en grosse, et passent devant le secrétaire d’Etat, qui y appose sa signature, puis en cas d’actes solennels comme les lettres patentes, devant le chancelier qui met son visa et scelle l’acte. Ce dernier peut alors théoriquement être adressé à son destinataire.

Quant à la chancellerie de Catalogne, avant la vice-royauté du maréchal de La Mothe, elle ne semble pas encore totalement bien organisée. Elle est certes sous la tutelle symbolique du chancelier de Catalogne, Llorenç de Barutell, mais les actes y suivent une chaîne d’élaboration codifiée faisant intervenir plusieurs acteurs. Plus encore que pour les bureaux des commis des secrétaires d’Etat, la rédaction initiale est difficile à cerner. Il semble qu’elle soit réservée, du moins symboliquement, à des officiers nommés scrivans de manament, qui reçoivent leurs ordres du vice-roi. La réalisation matérielle des actes pouvant sans doute échoir à ce que l’on appellerait des secrétaires. Une fois établi, l’acte (feuille volante), de façon obligatoire, est signé par le vice-roi et reçoit les visas du chancelier – qui peut être substitué par celui du Régent –, et du trésorier, marqués matériellement par une formule immuable terminant l’acte, du type:

« Signum meum + Antoni Johannis Fita regii mandati scribe, authoritate regia notarii publici Barcinonae, qui nec aliena manu scripta mandato dicti domini locumtenentis generalis subscripsi, et clausi.

 

Fontanella

Bru

Fita »[3].

Anton Joan Fita est un des scrivans de manament, qui sont choisis habituellement parmi les notaires de Barcelona. Ensuite, l’acte est enregistré à l’expédition par des scrivans de registre, dont l’action est très discrète puisqu’ils ne signent pas et n’apportent aucun visa, se contentant de transcrire les actes les uns à la suite des autres. Il n’est pas rare que plusieurs scrivans de registre travaillent sur un même registre.

Nous avons pu au cours de nos recherches identifier, dans chaque chancellerie, l’existence de plusieurs formulaires. Dans le cas de la chancellerie de Catalogne, il est évident que chaque scrivà de manament a ses formulaires propres, puisque selon le nom des scrivans on retrouve les mêmes formules et périodes dans la teneur des actes, selon leur typologie. Par exemple, on peut observer dans l’acte déjà cité ci-dessus (donation à Masdemunt du 5 avril 1642), et édité parmi les documents annexes, les grands traits du formulaire utilisé par Anton Joan Fita. Il a probablement fallu créer sur le moment de tels formulaires, puisque la chancellerie de Catalogne, du temps de Castille, n’expédiait pas de tels actes. On voit que la difficulté a été rapidement levée par les scrivans de manament, puisque chez d’autres, comme Lluis Collell, ou Diego Monfar i Sors, ce dernier à la fois archivaire et scrivà de manament, les formulaires sont très variés et respectivement cohérents. Collell, par exemple, est beaucoup plus pléthorique et multiplie les termes synonymes, allant parfois jusqu’à quatre ou cinq, alors que Diego Monfar est beaucoup plus concis, et parfois moins précis. D’un même type d’acte, et d’un scrivà à un autre, des paragraphes et des dispositions entiers peuvent disparaître. La langue des actes est très figée et obéit à une division fonctionnelle : les actes à portée permanente, comme les lettres de don, les nominations d’officiers, sont toujours en latin ; les ordres de paiement ponctuels et simples mandements sont en catalan. Trois points particuliers sont à signaler, communs à tous les formulaires utilisés pour les lettres de don de biens confisqués. A l’intérieur du discours, dans le dispositif, la référence à la délégation d’autorité donnée au vice-roi est toujours très courte et elliptique :

« tenore praesentis charta nostrae cunctis temporibus firmiter valiturae, donatione pura, perfecta, et irrevocabili inter unos, gratis, et de nostra scientia, et deliberate authem regia, qua fungimur in hac parte, per dictum dominum nostrum regem »

Toujours dans le dispositif, la sentence judiciaire déclarant la confiscation est presque systématiquement exprimée, avec précision de la date :

« […] qua ratione confiscationis de illis regiae maiestatis seu eius regiae curiae factae vigore regiae sententiae inde late die septima mensis Martii proxime dimissi referente mag.co et dilecto consiliario regio Josephum de Orlau, praetextu criminis rebellionis, infidelitatis, et laesa maiestatis in primo capite per ipsum Franciscum Masdemunt in regiam maiestatem, et totum principatum Cataloniae, et comitatus Rossilionis, et Ceritaniae… »

Parmi les clauses finales, une clause injonctive est propre à la chancellerie catalane et énumère les officiers de la cour, qui ont pour mission de ne pas empêcher l’application de l’acte, et de l’observer comme un acte royal, sous peine d’encourir théoriquement une amende.

« Venerabili [sic] propterea, nobilibus, magnificis, dilectis consiliariis, et fidelibus regni ; cancellario ; regenti regiam cancellariam, et doctoribus regiae audientia, gerentibusque vices generalis gubernatoris, magistro rationali, baiulo generali, regenti regiam thesaurariam, advocatis et procuratoribus fiscalibus, et patrimonialibus, vicariis, baiulis, subvicariis, subbaiulis, alguziriis quoque virgariis et portariis, ceterisque demum universis, et singulis officialibus, et personas tam regiis, quam aliis, ad quos spectet, dicimus praecipimus, et iubemus ad incursum regiae indignationis, et ira, paeneque mille librarum Barcinonensium regiis inferendarum aerariis, quatenus donationem et concessionem regiam huiusmodi teneant firmiter, et observent »

Il est à noter que l’exemple que nous avons cité, première lettre de don d’un bien confisqué en Catalogne, a été scellé en présence de témoins, qui sont précisés – en l’occurrence le Régent et l’intendant. Contrairement aux actes solennels émanant de la chancellerie française, les actes catalans sont théoriquement soumis aux mêmes règles de vérification par témoin que les actes notariés. On observera néanmoins que les lettres de don postérieurement émises par la chancellerie de Catalogne abandonneront cette pratique ; peut-être ce premier don, inaugurant une pratique assez hétérodoxe, avait-il besoin d’une confirmation particulière en vue de prévisibles empêchements.

En France, l’élaboration des formulaires au sein des bureaux des secrétaires d’Etat est beaucoup plus accidentée. On peut néanmoins en reconstituer le cheminement grâce à plusieurs intéressantes minutes conservées dans les archives du secrétaire d’Etat de la guerre. Elles se présentent sous forme de feuilles sales, froissées et déchirées, écrites d’une main identifiée par Camille Lefauconnier à celle du commis Timoléon Le Roy. Les deux premières sont les lettres patentes de don du duché de Cardona au maréchal de La Mothe (octobre 1642)[4] et celles de don des biens du marquis d’Aitona et de la comtesse de Quirra à l’intendant Argenson (novembre 1642)[5]. L’état général, graphique et formel, de la première minute, nous montre immédiatement qu’il s’agit d’un prototype. La minute serait donc quasiment un brouillon dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui. Toutes les deux lignes, au moins, la première mouture a été raturée et remplacée par une autre version rendant la lecture difficile. Un examen du document permet d’y repérer au moins trois lectures successives, certains remplacements de parties raturées ayant été faits dans la marge et eux-même repris par des ratures et des ajouts où le scripteur avait encore de la place. Il est significatif de se pencher sur les parties qui, dans la teneur, sont particulièrement retouchées. On en verra un aspect dans l’édition de ce texte, que nous donnons, et où nous avons marqué en italique les parties reprises. Le protocole est évacué d’entrée de jeu par un « Louis a tous presentz etc ». En revanche, le discours fait l’objet de toutes les corrections, et particulièrement l’exposé des motifs. Ces corrections font la différence entre les lettres patentes comme elles sont rédigées selon les formulaires traditionnels, qui ont servi de base à la première rédaction, et ce qu’il faut appeler à présent un nouveau type de formulaire : celui des confiscations de Catalogne.

« Et le duché de Cardonne nous estant acquis et confisqué, en consequence de nos declarations, publiées contre ceux de la dite province, qui sont demeurez avec les Castillans noz ennemis declarez, et a leur service, au preiudice du nostre, et des commandemens que nous leur avons faictz de retourner en la dite province, les duc et duchesse de Cardonne ayans contravenu a nos dites declarations, et encouru les peines de felonnie, et de crime de leze Ma.te pour les quelz le dit duche pourroit estre devolu a nostre couronne. »

Cette première clause semble avoir été inventée pour l’occasion. On y voit apparaître les éléments qui, par la suite, seront figés et utilisés dans toutes les lettres patentes de ce type émanant des secrétaires d’Etat : acquis et confisqué ; déclarations publiées ; seigneurs demeurés avec l’ennemi, refusant de retourner dans la province ; crime de lèse-majesté. Il faut souligner l’absence de toute référence à la procédure judiciaire, à l’inverse de l’exposé des motifs des lettres dressées en la chancellerie catalane. Les lettres patentes françaises mettent uniquement en valeur l’autorité royale et le refus d’obéissance. Une seconde clause a soulevé l’hésitation du scripteur, qu’il a résolue par la simple intégration, au milieu des formules traditionnelles, de la mention « a nous acquis et confisqué, comme dit est » :

« Le dit duché de Cardonne, avec ses appartenances, et deppendances, a nous acquis et confisqué comme dit est, en vertu de nos declarations, pour en jouir par luy ses heritiers, et ayans cause a toujours pleinement, paisiblement, et perpetuellement, comme de leur propre heritage. »

Une troisième hésitation apparaît, la situation juridique du bien donné. Ce passage montre bien la difficulté, à l’époque, pour definir clairement le statut de biens qui avaient été confisqués à des seigneurs féodaux, mais qui étaient destinés à être redistribués par la faveur royale… c’est-à-dire lui appartenir symboliquement pendant un temps – ou au fisc ? – puis le quitter et changer une nouvelle fois de statut… L’aliénation du domaine royal étant d’ailleurs mal vue en France car le roi vit du sien… Le parti pris des rédacteurs français – encore une fois, totalement ignoré de la chancellerie catalane – allait être de déclarer que le duché n’avait jamais été uni au domaine, créant la fiction juridique d’une continuité des seigneurs, « comme de leur propre heritage », entre les anciens (désintégrés par leur trahison) et les nouveaux.

« Et sans qu’au moyen de la dite confiscation, l’on puisse pretendre le dit duché avoir este et estre uny a nostre domaine de Catalongne et estre inalienable d’iceluy, a quoy nous avons desrogé, et desrogeons pour ce regard. »

Quant aux clauses finales, on n’y trouvera pas, dans les actes français, un luxe de précision aussi grand que dans les actes catalans, qui donnent une liste très développée des officiers recevant l’injonction d’exécuter l’acte ; le rédacteur s’étant contenté de citer le Régent et les « conseillers de l’Audience », alors que ce dernier terme, comme nous l’avons vu lorsque nous détaillions la composition de ce tribunal, est ambigu vu que certains officiers peuvent devenir membre du Reial Consell en certains cas, et que ce Reial Consell ne represente pas l’Audience en entier, mais seulement la partie la plus prestigieuse assistant le vice-roi…

« Si donnons en mandement a noz amez et feaux les regent et conseillers de nostre audiance royalle de Barcelonne, et a tous autres noz justiciers et officiers establis audit pays qu’il appartiendra. »

L’enregistrement postérieur dans les registres de la chancellerie de Catalogne, en mars 1643[6], portant transcription minutieuse de l’acte original (aujourd’hui disparu), nous permet de faire une comparaison finale avec l’état de la minute conservée dans les archives du secrétaire d’Etat, et elle montre bien que la version qui fut mise en grosse est bien la version finale de la minute, c’est-à-dire prenant en compte les dernières corrections faites dans la marge, ou ajoutées en sus de celles qui avaient été faites dans la marge. En plus d’être la minute originale, ce brouillon est également un prototype de formulaire. La minute suivante, celle des lettres patentes de don des biens du marquis d’Aitona et de la comtesse de Quirra à d’Argenson, datant de novembre 1642, a été réalisée à partir du premier formulaire. Il suffira de se reporter à notre édtion en annexe pour voir que la minute, beaucoup moins corrigée et raturée, reprend naturellement les formules si travaillées un mois avant.

On peut ensuite continuer à suivre le cheminement de l’acte, qu’il soit issu de la chancellerie de France ou de Catalogne. Dans le premier cas, il doit être envoyé en Catalogne ; la communication entre Paris et Barcelona peut durer entre quinze jours et un mois selon la saison. Les longueurs d’enregistrement des actes royaux ne sont pas imputables à des contraintes de temps, mais à des circonstances politiques et obstacles délibérés que nous avons déjà amplement commentés. L’observation des registres de la chancellerie de Catalogne, à ce titre, informe particulièrement. Il est très marquant que, d’un côté, certains actes, de peu d’importance, rédigés en catalan, soient expédiés sur le champ car ils ne recontrent aucun problème ; alors que, constamment, au milieu de suites chronologiques d’actes, on voit apparaître des actes émanés de la chancellerie royale, datés de plus d’un an, voire de plusieurs années. Le cas extrême est celui rencontré par Isidoro de Pujolar, favorisé en 1643 d’un acte de confirmation de don qui ne sera enregistré qu’en 1648[7]. De façon commode, les actes peu importants et quotidiens permettent de dater approximativement l’enregistrement de titres aussi solennels. Un autre critère peut aussi nous aider à reconstituer les circonstances de ces enregistrements accidentés : les mentions hors teneur, ou « mentions de chancellerie ». Il s’agit essentiellement d’un indicateur afin de dire si le droit du sceau (dret de segell) a été acquitté par le bénéficiaire de l’acte. Les bénéficiaires des actes du vice-roi, comme ceux favorisés de dons de confiscations, se voient quasi systématiquement exemptés de ce droit, d’où l’inscription : « Nihil habuit effectum quod habuit exemptionem ». Malheureusement, on ne peut pas tirer de ces mentions de conclusions générales, car, parfois, certains actes n’en comportent pas alors qu’ils ont été manifestement enregistrés ; à l’inverse, tous les actes pour lesquels le droit du sceau a été acquitté ne semblent pas avoir été appliqués, notamment les ordres de paiement de pensions ou les créations d’officiers, comme celle de Sangenís dont nous avons vu la réticence de la Generalitat à reconnaître la validité de l’acte. En revanche, certaines mentions précisent la date de paiement de cette taxe, ce qui permet d’étoffer la chronologie d’un acte en donnant celle de son dernier passage par l’administration royale avant d’entrer dans le domaine de l’exécution, c’est-à-dire du fait.

L’enregistrement reste l’affaire la plus compliquée et la plus problématique. L’absence de législation sur ce sujet, du côté français, laisse la place à un curieux mélange de coutumes catalanes et de confusion due aux circonstances. Dans les faits, les actes devant être appliqués en Roussillon sont enregistrés deux fois, une première fois à la chancellerie de Catalogne, avec acquittement du droit du sceau, une seconde fois dans les registres de la Procuració reial des comtés de Roussillon et Cerdagne. Exemple, le don fait à Miquel Freixa de biens de Masdemunt en 1642 est enregistré dans les registres de Barcelona en mars 1643 ; curieusement il semble avoir été déjà enregistré un peu avant dans ceux de la Procuració[8]. Peut-être en raison du changement de vice-roi, obligeant à se rendre dans la ville une seconde fois spécialement pour enregistrer l’acte signé par Brézé, le vice-roi précédent ? En la matière, aucune règle ne semble pouvoir être dégagée, puisque jusqu’à l’arrivée de Pierre de Marca, il n’y aura plus aucun autre don sur les biens confisqués en Roussillon, à l’exception de celui fait à Pujolar dont on sait les malheurs. L’enregistrement final, nous l’avons dit, donne lieu à un signe matériel du « visa » du chancelier ou Régent et du trésorier, ainsi que le « signum » original (ou simple nom dans les actes moins solennels) du scrivà de manament et la signature du vice-roi (souvent imitée, avec plus ou moins d’efforts). De la sorte, les actes émanés de la chancellerie française se trouvent revêtus d’une longue suite de noms qui peut paraître excessive tant la jussio initiale de l’acte – l’autorité royale – est filtrée, visée, revue et tamisée avant d’être (peut-être) acceptée. C’est la fusion de la diplomatique française et de la diplomatique catalane.

« Louis

           

            Par le Roy

            Bouthillier

 

            V.t Queralt Rns

            V.t Bru reg.s tres.am »[9]

A quoi il faudrait peut-être rajouter le nom de Séguier, sachant que les scrivans de registre ne copiaient pas les inscriptions présentes sur le revers des actes, si le chancelier avait signé. Les scrivans ajoutaient parfois une description matérielle de l’acte, intéressante preuve de l’apprentissage de la diplomatique française par les officiers catalans : « F.t sigillo regio in cera duabus lingulis pergamenis pendenti munitum ». Pour ce que nous appelons un brevet, le scrivà remarque avec justesse : « f.c exped. in pergameno absque sigillo, ve de more »[10].

 

La différence des types d’acte, voire leur opposition et leur incompréhension de part et d’autre, allait être en effet un des enjeux centraux de la période, particulièrement en ce qui concerne la question des biens confisqués. Nous avons vu en 1642 l’aspect laborieux de l’établissement des lettres patentes, afin de s’adapter à une situation nouvelle, celle de terres confisquées non par le droit de la guerre, mais pour le crime de lèse-majesté, et qui plus est dans une contrée possédant de fortes traditions diplomatiques et institutionnelles. Durant les premières années de la guerre, le bureau du commis de Timoléon Le Roy se fait envoyer de Catalogne et traduire plusieurs exemples d’actes catalans (en latin) émanés de la chancellerie de Barcelona, probablement afin de s’en inspirer et d’établir des modèles[11] ; ce qui manifeste un intérêt (voire une méfiance, du fait de l’incertitude juridique ?) pour cette diplomatique exotique. Les efforts qui ont pu être faits n’empêchent qu’aucune règle prédéfinie ne semble s’imposer. Alors que le brevet, acte sous signature non revêtu de sceau, sera essentiellement utilisé par la suite, vers la Catalogne, pour donner des pensions, on le trouve utilisé une première fois pour donner une universalité juridique : le brevet donné au Châtelet-en-Brie le 1er octobre 1642 à Pujolar[12]. On sait qu’il est enregistré vers mars 1643… Peut-être sa mauvaise fortune par la suite est-elle due en partie à une non-reconnaissance diplomatique, alors que ce type d’acte n’existe pas en Catalogne et que des dons de telle importance doivent, de coutume, faire l’objet de lettres solennelles ? Cela, évidemment, obéissant aux motivations politiques ci-avant détaillées… La réaction du roi est de le nommer séquestre de ces biens, et, pour cela, il fait établir un acte en latin – car la chancellerie catalane est friande de latin. Et on leur explique qu’un brevet, c’est bien…

« Ludovicus dei gratia rex Galliae et Navarre, comisque Barcinonae, Rossilionis et Ceritaniae, parum prodesset beneficia concedere, si ad debitam executionem non pervenirent, minus etiam bonorum dominio frui, si fructibus uti non posset. Quapropter, quia nos de nostra certa scientia, regiaque autorithate diebus elapsis, gratiam concessimus, et donationem fecimus Isidoro de Pugolar militi principatus nostri Cataloniae totius domus, et universalis hereditatis, quae fuit domni Ramundi Xammar villa Perpiniani cum omnibus redditibus, pertinentiis, viribus, et honoribus illus, ut latius continetur in literis, quas expidiri iussimus, dictas le brevet. Qua vero nondum debitam executionem gratiae, et donationis sibi factae consecutus est, neque dominium utile praedictae hareditatis » [13].

Finalement, les lettres patentes restaient le mieux. Nouvelle palinodie royale – à la suite, il est vrai, de la mauvaise volonté locale –, Pujolar reçoit ensuite de vraies lettres, en bonne et due forme, et en français[14]… La teneur « confirmant lesdits brevetz et lettres patentes », y validait en bloc tout ce qui avait été fait. Ce sont ces fameuses lettres qui, malgré tout, seront si insupportables en Catalogne qu’on ne voudra pas en entendre parler avant 1648…

L’exemple le plus intéressant de cette coexistence et incertitude des actes est une pure curiosité diplomatique que nous avons trouvée dans les archives du secrétaire d’Etat. Le 19 mars 1644, après les suppliques éplorées que l’on sait, le chapitre cathédral d’Urgell obtient un don de biens confisqués… même si c’est un autre que celui qu’il désirait au départ (la vicomté d’Evol). La résolution est prise de donner à ce chapitre les biens du nommé Frigola, confisqués pour crime de lèse-majesté. De grandes lettres patentes de don sont alors dressées, et même mises en grosse. Mais au moment où il est prêt à être expédié, l’acte reste dans le bureau du commis. La grosse redevient alors une minute/brouillon[15], puisqu’un second travail de reprise et de rédaction suit. Dans cette seconde étape, le scripteur barre d’un trait lourd tous les signes distinctifs qui en font des grandes lettres patentes (« A tous presens et a venir », « Si donnons en mandement », « Et affin que ce soit chose ferme et stable a tousjours nous avons faict mettre notre seel ausdites presentes sauf en autres choses notre droict et l’autruy en touttes », et surtout « A Paris au mois de Mars »), ajoutant dans la marge une adresse directe à l’attention du vice-roi, le maréchal de La Mothe, remplaçant les indications au passé par des clauses injonctives qui lui sont destinées, et la datation typique des grandes lettres patentes par la datation au quantième : « Le XIXe jour du mois ». En effet, on observe dans la teneur que la première décision avait été, dans la grosse, de donner au chapitre d’Urgell la pleine propriété, perpétuelle, des biens ayant appartenu à Frigola. Dans la nouvelle version, on ne la leur donnait plus que « pendant le temps de dix années entieres a commencer du jour de la date des presentes ». On ignore si l’acte définitif a été expédié, mais ce document très rare, ancienne grosse redevenue minute, permet de voir les hésitations, non pas dans les bureaux des commis qui exécutent, mais au plus haut niveau du pouvoir. L’affaire est à rapprocher des observations données par Núria Sales au sujet de la réticence de l’autorité royale, à la suite du gouvernement français de Catalogne, de donner des biens à des communautés ecclésiastiques[16]. A mi-chemin entre son souhait initial (la vicomté d’Evol en pleine propriété) et rien, ce don temporel, proche d’une emphytéose, ce expédient était peut-être le moyen de ménager les uns et les autres. En tout cas il est certain que l’inflexion brusque du chemin qu’aurait, normalement, dû suivre cet acte est un signe en creux de la jussio présidant à sa naissance, et à ce titre un document d’histoire politique.

Figure n°4 : Détail de grandes lettres patentes corrigées en petites (SHD, A1 84, n°182), minute, 19 mars 1644

Figure n°4 : Détail de grandes lettres patentes corrigées en petites (SHD, A1 84, n°182), minute, 19 mars 1644

 

Il faut dire aussi que beaucoup de formes intrinsèques à la chancellerie de Catalogne échappent au contrôle et aux règles diplomatiques françaises, notamment tous les actes dits « simples » ou non solennels, tels que les ordres de paiements, ou les mandements adressés au trésorier de Catalogne, Jaume Bru. La situation confuse que nous dépeignons ici n’est pas qu’une déduction faite à partir de quelques minutes éparses, mais un réel ressenti exprimé à l’époque. Témoin, le mémorial déjà commenté de Rafel Sitjar, qui, parmi les causes du malaise ambiant entre les Catalans et les autorités françaises, cite des causes « diplomatiques », la Junta, selon lui, ayant délibérément décidé de ne pas accepter les brevets :

« Cette Junta qui décide que les grâces de Sa Majesté ne s’exécuteront pas avec des brevets, ni ne s’admettront avec des lettres patentes, c’est l’inférieur qui veut faire la loi et commander au supérieur. C’est absurde. C’est accuser calomnieusement ceux qui sont venus de Paris avec leurs brevets d’être des faussaires, ou du moins suspecter les secrétaires du Conseil Suprême de Paris (« Consejo Supremo de Paris ») d’expédier lesdits brevets sans ordre ni mandement de Sa Majesté […]. Il n’y a aucun exemple de personne venue de Paris avec un faux brevet, ni avec une grâce faite par Sa Majesté sans mérites et services importants. Mais il y a de nombreux exemples d’offices, charges et récompenses qui ont été donnés ici à des mal affectes, à des ignorants, à des gens inaptes et ne méritant pas ces offices. Parce qu’ici tout se donne ou se vend par complaisance, par intérêt et avec des intentions cachées. Et aucun homme n’ose aller à Paris et y faire des demandes s’il n’a pas de mérite et de services, et s’il n’est pas très fidèle à la France »[17].

Le temps de quelques années, l’adaptation s’était faite, pour les membres de la Junta – il est vrai, jusqu’à son départ dirigés par le français Argenson –, à cette forme spécifique de la résistance politique française : l’obstruction d’enregistrement, surtout connue au XVIIe siècle dans les parlements. Lorsque la cour, devant toutes les difficultés du gouvernement politique de Catalogne, décide au début de l’année 1644 d’envoyer un « visiteur général » en Catalogne, Pierre de Marca, ce dernier reçoit dans ses instructions plusieurs prescriptions visant à la restauration des choses :

« Il prendra aussy une information bien particuliere […] de tous les offices et charges dont la provision deppend de sa Majesté, et comme quoy lesdictes nominations et provisions des ecclesiastiques et officiers ont accoustumé d’estre faictes et de l’expedition des annoblissemens, privileges de communautez et particulliers et toutes autres graces qui sont celles qui doibvent estre renvoyées a Sa Majesté, et esmanées d’elle seulement, et lesquelles peuvent estre expediées dans le pays et du tout en envoyer des bons memoires a Sa Majesté avec les formulaires desdictes provisions et graces, en sorte que l’on s’y puisse conformer a l’advenir avec asseurance qu’il n’y sera rien faict que selon l’usage et les formes ordinaires »[18].

Matière qui, durant tout son mandat, sera une des plaies ouvertes, et un sujet de dissension permanente avec les vice-rois…

 

 

2.            Une multitude d’acteurs et de situations : receveurs, séquestres, procureurs, fermiers…

 

Une fois obtenu le don d’un bien confisqué, il restait encore à entrer réellement en possesion, le gérer et subir toutes les déconvenues que cela pouvait comprendre. Au fil de nos recherches, nous avons pu remarquer que, loin d’être binaire (ancien possesseur/bénéficiare puis roi/bénéficiaire) la question impliquait une multitude d’acteurs très divers et de qualités sociales très variées, du noble au paysan, en passant par – chose essentielle – l’homme de plume ou de justice. Malheureusement, nous n’avons pu pour l’instant réaliser de grandes recherches dans les archives notariales et judiciaires qui nous permettraient de tirer davantage d’informations au sujet des aspects financiers, agricoles, fonciers, de ces confiscations. Nous nous pencherons donc davantage dans cette partie sur les acteurs individuels ou collectifs des changements survenus à cette époque, ce qui n’empêchera pas parfois de glisser quelques pistes concernant des problématiques plus spécifiques. Dans un premiers temps, nous reviendrons sur la composition des patrimoines confisqués et donnés, pour ensuite nous pencher sur leur administration.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une personne qui reçoit la propriété d’un bien confisqué, ou d’un revenu à percevoir, ne reçoit pas qu’une gratification de pur bonheur, une récompense immédiatement profitable et rentable. Les confiscations en Catalogne, cela signifie tout d’abord la continuité : on reconduit les pensions, les rentes constituées, les charités à des établissements écclesiastiques, que les anciens propriétaires versaient et dont la légitimité était prouvée par acte notarié, que les bénéficiaires ou leurs avocats pouvaient produire en justice. Si jamais le bénéficiaire n’est pas, lui non plus, passé à l’ennemi et donc coupable du crime de lèse-majesté, il n’y a aucune raison pour que son droit soit éteint. Or, les patrimoines en Catalogne, particulièrement les patrimoines nobiliaires, sont composés en grande partie de rentes constituées, dont ils sont créditeurs ou débiteurs : selon l’historienne Eva Serra, il s’agit d’un « état endémique d’endettement ». Cette dernière, dans son étude sur la famille de Sentmenat[19], l’a bien montré : au début du XVIIe siècle – après une longue période de baisse générale en Catalogne de la rente seigneuriale par rapport au XVe siècle – le patrimoine des Sentmenat était grevé de treize censals, pour un capital total de 5000 livres barcelonaises, phénomène accentué par l’inflation en temps de guerre[20]. Cette somme représente quasiment le même montant que les revenus annuels de cette famille. Les Sentmenat sont un bon exemple de cette partie élevée de la noblesse catalane, aisée, possédant des seigneuries, comparable aux Llupià, aux Guimerà. Evidemment, sans comparaison possible avec les Cardona qui peuvent s’enorgueillir de revenus de 200 000 ducats annuels[21]. Le censal est une forme d’emprunt, traditionnelle en Catalogne, qui repose sur un contrat passé devant notaire. Par ce contrat, l’emprunteur vend au prêteur, en échange d’un capital, le droit de percevoir une pension annuelle, appelée aussi censal. Un type particulier de censal, appelé « censal mort » n’a pas de terme déterminé : des institutions comme la Generalitat ou des communautés pouvaient en vendre, forme d’emprunt public. Le vendeur conserve le droit de racheter (quitar ou lluïr) l’obligation à tout moment, en rendant au créditeur censaliste le prix du capital et les pensions échues jour après jour[22].

Dans les registres de la chancellerie que nous avons étudiés, et dont nous avons pu tirer un des graphiques, nous avons vu que les ordres de paiements destinés à verser de telles pensions représentaient la majorité. On ne sera d’ailleurs pas surpris, de trouver, parmi les créditeurs, une grande majorité de familles nobles et de veuves, parfois même parentes avec les familles de bénéficiaires de pensions : en février-mars 1643, la famille de Tamarit, qui possédait un censal assis sur le lieu de Sant Marçal, en Vallès, jadis possédé par le noble Daniel de Marimon dont les biens avaitent été confisqués, obtient du vice-roi paiement des pensions qui n’avaient pas été acquittées. On devine aisément que le censal, probablement vendu par le père de Francesc de Tamarit, Pere de Tamarit i de Salbá, avait été partagé entre ses enfants, puisque le 24 février 1643, Francesc de Tamarit i Rifos, son fils, et accessoirement lloctinent del Mestre Racional et de la Junta, obtient un ordre de paiement en sa faveur de 157 livres sur les revenus du lieu de Sant Marçal[23], alors que sa sœur Elena de Tamarit i de Llupià, veuve du roussillonnais Francesc de Llupià, seigneur de Corbera, obtient en mars le paiement de 155 livres sur les revenus du même lieu pour un autre censal[24]. Francesc de Tamarit possédait aussi avant la guerres des censals sur les patrimoines de Jacint Sala, et de Ramon de Calders i Ferran, ancien gouverneur de Catalogne, dont il obtient aussi la régularisation en 1643 ; il est vrai que les pensions n’avaient pas été reçues depuis la terrible année 1641[25]. Les institutions catalanes peuvent également être créditrices : la Generalitat obtient le 23 février de la même année le remboursement par le trésorier, sur les revenus perçus par l’intermédiaire du gouverneur des vicomtés de Cabrera et Bas, confisquées au marquis d’Aitona, le remboursement de 753 livres 2 sous 4 deniers qui étaient dues à la Generalitat par le marquis, et qui devait être fait depuis plusieurs années[26]. En 1644, les créditeurs des biens confisqués étaient si nombreux que le vice-roi fut obligé de donner des ordres répétés[27] à Francesc Sangenís, qui s’occupait de couvrir les revenus de certains biens, de signer toutes les lettres de change que les séquestres des biens, suspendus au moment de sa propre nomination, avaient l’habitude de signer[28]. Dans la liste des biens confisqués et de leur valeur de 1643 – que nous commenterons au paragraphe suivant – on peut voir quelques estimations de la part totale de l’endettement sur les revenus annuels, bien que ces chiffres doivent être pris avec réserve[29]. La totalité des revenus du comté de Vallfogona, selon ce document, s’élève à 3741 l. 10 s., et la totalité des charges, à 1077 l. 10 s. Pour la vicomté de Canet, qui appartient à la même personne, 2006 l. 16 s., pour 444 l. 10 s. de charges. Le marquis d’Aitona, quant à lui, pouvait espérer pour la totalité de ses biens en Catalogne 5999 l. 9 s., dont 3683 l. 9 s. de dettes. Quant au marquisat d’Aitona à proprement parler, le document précise : « Los frutos y rentas del dicho marquezado importan oÿ 3360 l. moneda barcelonesa las quales cobran seys acreadores per concierto echo con el Marquez por satisfaccion de deudas y males atrazados. »

            Mais, à part des dettes, de quoi les patrimoines confisqués se composaient-ils ? La même liste de 1643 nous donne quelques pistes et nous indique les grandes catégories de biens qui composaient les patrimoines des nobles plus ou moins grands qui avaient rejoint le camp d’Espagne avant cette date. En tête, les grands patrimoines comme celui des Castró-Pinós. Ce patrimoine se divise en deux, le comté de Vallfogona[30] en Catalogne, d’une part, et la vicomté de Canet, d’autre part. Le comté proprement dit comprend la ville éponyme, la juridiction de Camprodon, différents cens et loyers de maisons, plus la baronnie de Vidra i Milany. La comtesse possède également plusieurs baronnies : Peramola dans l’évêché d’Urgell, Paracolls en Conflent, La Portella, Grions, le terme de Jafra. La vicomté de Canet, quant à elle, se compose de salins (ce bien est l’un des plus enviés du Roussillon, son revenu annuel est estimé à 1201 l. 6 sous), d’un four commun, d’un domaine appelé « el Hort del comte », d’un diezmo ou droit de pêche perçu sur l’étang de Canet, ainsi qu’un autre du même type sur le poisson de mer pêché dans la vicomté. Le patrimoine du marquis d’Aitona, quant à lui, se compose du marquisat proprement dit[31], d’un palais situé à Barcelona dont le loyer s’élève à 200 livres, d’un domaine situé dans la ville d’Alella de revenu annuel de 570 livres, de la vicomté de Cabrera i Bas, de la baronnie de Caldes i Llagostera, et de la vicomté d’Ille. La vicomté de Cabrera i Bas se divise à son en tour en de nombreux droits perceptibles sur différentes localités : le four de la ville d’Hostalrich, diezmos et tasques du poisson de la conca de Palafolls, droit d’embarquement de la ville et baylie de Blanes, etc. Le revenu annuel de cette vicomté est estimé à 2436 l. 10 s., quand celui de la vicomté d’Ille l’est à 1944 l. Quant aux patrimoines de moindre importance, désignés dans le document par le seul nom de « hazienda », ils peuvent comprendre des seigneuries, mais avec moins de droit et de juridictions que celles possédées par les grands nobles. Hug d’Ortaffa, noble roussillonnais, possédait un bien estimé d’une valeur totale de 25000 livres. Mais « oy como las tierras estan algo arruinadas por rahon de la guerra no se hallan mas de trescientas libras de renta ». On descend jusqu’à de petits patrimoines comme celui de Carles Urgell, pagès de Bages en Roussillon, évalué à 800 livres de valeur totale, et dont les rentes annuelles ne dépassent pas 40 livres. Certains patrimoines sont composés de façon mixte : pour Antoni Despés i Gomar, par exemple, on pourra compter sur 1000 livres de rente annuelle, dont « diferentes censos » pour 374 livres, et le reste « en lo que rentan los terminos de Montoliu y Miravell y alquileres de casas ». D’autres, comme ceux de Felip Vinyes et de Jaume Mir, de Barcelona, tous deux anciens docteurs de l’Audiència, ne sont composés que de rentes perceptibles et de loyers provenant de maisons urbaines. Dans le cas de Jaume Mir, « Consiste en en differentes censos que diversas personas le hazen cada año y no haze cargos algunos; y se advierte que la ciudad de Tortosa le haze 100 l. de renta que por ser en poder del enemigo no se cobra ». Ce dernier point rappelle que tous ces patrimoines ne pouvaient être saisis que partiellement, car beaucoup de Catalans conservaient des propriétés au-delà de la frontière de la zone possédée par le roi d’Espagne. Ainsi, certains personnages cités sur la liste pouvaient avoir d’énormes propriétés de l’autre côté, et seulement quelques loyers du côté possédé par la France, ou l’inverse…

Pour avoir une idée plus précise de ces patrimoines, et de la façon dont on en prenait possession, revenons à un exemple que nous aimons bien, celui d’Isidoro de Pujolar, agent de Catalogne à Paris, qui, depuis sa chambre de la rue du Foin, dirigeait ses affaires du Roussillon (avec plus ou moins de succès). Ayant bénéficié le 1er octobre 1642 par un (fameux et fumeux) brevet du don des biens confisqués à Ramon Xammar, gentilhomme de Perpignan[32], Pujolar choisit le 24 comme procureur le capitaine Miquel Freixa[33], présent sur place, qui, le 13 novembre, commence la reconnaissance des propriétés de don Xammar[34], qui était passé à l’ennemi sans doute depuis 1641 – il avait du moins forcément quitté Perpignan au moment du siège ayant débuté le 4 novembre de cette année. Au moment où Freixa commence la prise de possession, rappelons que le siège de Perpignan vient de terminer, la population reprend à peine ses esprits. Le 13 novembre, donc, Miquel Freixa fait ouvrir la porte de la maison de Xammar, située « al carrer de Espira », confrontant d’un côté avec la « plaça de la Boria », et de l’autre avec la voie commune. Le document ne dit pas si la maison était encore habitée à cette date ou si elle avait été abandonnée pendant le siège. Immédiatement, Freixa signe un bail pour deux ans pour l’intégralité de cette demeure à Tomàs de Banyuls, alors procurador reial des comtés de Roussillon et Cerdagne. Le loyer est perceptible de six mois en six mois (malheureusement le montant du loyer était sur une partie disparue du document), et Banyuls engage son salaire et ses biens propres pour son acquittement. Le lendemain, le 14, Miquel Freixa retourne à la maison en question. Ramon Xammar en partant a laissé un cabinet (arquimesa), que le procureur de Pujolar fait ouvrir par un serrurier[35] en présence de témoins. Le contenu est intéressant, il s’agit peut-être d’effets laissés par les anciens propriétaires partis à la hâte : quelques sous dans un sac, des archives… Dans d’autres caisses éparses, Freixa trouve des tapis, des coussins, des serviettes et draps, tous usés, et un grand nombre de vaisselle cassée ou abîmée… mais aussi une selle de cheval, une épée dorée. Freixa, une fois pris l’inventaire, fait remettre à leur place tous ces objets, fermer les meubles et garde la clef. Le 29 novembre, Freixa se transporte au lieu de Claira, où Xammar possède une maison et des terres (venues de la famille Ballaro) ; arrivé sur place, il ne fait que confirmer les baux conclus précédemment, dont celui de la maison en faveur de Francesc Graner, batlle de la ville. Les différents fermiers se sont réunis en présence du batlle. Ensuite, Freixa reproduit la même opération le lendemain au Soler. Dans ce dernier lieu, par exemple, les propriétés de Xammar se composent :

  • « de la casa, pati y cortal »
  • « un hort de una aiminada devant dita casa »
  • « un camp de 2 aiminadas dit del Cami del ospital »
  • « una colomina dita la Colomina de la Vinÿa de 6 aiminadas »
  • « altre camp de aiminada »
  • « una vinÿa »
  • « altre camp de 2 aiminadas y mitja »
  • « un prat de 7 aiminadas […] agulla al mix »
  • « lo camp del pilo de 4 aiminadas »
  • « altre camp dit la mulla al cami del mas de Ballaro de 3 aiminadas »
  • « altre camp dit a Gallieta de 3 aiminada »
  • « un camp y oliveta, 2 aiminadas »
  • « un bosch de 6 aiminadas »

On remarque rapidement la concentration des deux ensembles fonciers autour d’un même terme, probablement vestige d’une politique patrimoniale des générations précédentes (on apprend que l’un des champs se situe près du « mas Ballaro », famille dont descend Ramon Xammar par sa mère)… Pujolar devra faire procéder trois fois, en tout, à cette opération ; le vice-roi et les ministres catalans feront un tel obstacle à Pujolar qu’il sera ordonné à un roussillonnais, Francesc Vilar, de prendre possession des bien de Ramon Xammar au nom du roi[36] ! Finalement, lors de la troisième prise de possession au nom de Pujolar, par le chanoine Rafel Sitjar, des terres situées dans d’autres localités seront reconnues, qui n’avaient pas été citées lors de la première : d’importantes propriétés dans le lieux de Saint-Nazaire, à Canet aussi, et à Sainte-Marie-la-Mer, c’est-à-dire un triangle dans la Salanque.

 

Quant aux biens confisqués qui ne sont pas donnés en pleine propriété et sont réunis au domaine, c’est-à-dire la majorité dans notre période où aucune distribution conséquente n’a encore eu lieu, ils sont administrés d’une façon très particulière, et dans laquelle rentrent en jeu beaucoup plus d’acteurs que dans les cas cités précédemment. En effet, quand une personne obtient un bien en pleine propriété, elle peut nommer les personnes de son choix pour les gérer, c’est-à-dire, en premier lieu, un procureur ; ensuite, le procureur, avec une plus ou moins grande marge de manœuvre, peut choisir de reconduire ou pas les anciens fermiers des terres comprises dans les propriétés et les locataires des maisons, dans la mesure où les baux sont à renouveler. L’administration des terres réunies au domaine royal par confiscation, en Catalogne, se divise en deux types : d’une part, les séquestres ; d’autre part, l’administration générale confiée à Francesc Sangenís et au trésorier Jaume Bru. Tâchons maintenant d’en dégager les principales caractéristiques. Les séquestres, tout d’abord, ne sont pas une invention des années 1640, ni même une situation propre à la guerre ou à l’état d’urgence. En Catalogne, les abbayes sont habituellement pourvues d’une personne attitrée qui prend soin de prélever les revenus du temporel auprès des fermiers, gère les contrats avec ces derniers de la même façon qu’un procureur pour un seigneur ou propriétaire privé. Il est chargé de livrer ces revenus à l’abbé titulaire du monastère. Le système, qui rappelle celui de la commende en France, est appelé séquestre (segrest), et la personne qui en est chargée est appelée segrestador (curieusement, en français « séquestre »). En 1642, lorsque l’autorité française commence à distribuer les bénéfices, elle ne manque pas de conserver cette tradition, nommant à chaque abbaye à la fois un séquestre, qui est souvent déjà moine de l’abbaye, et un abbé, qui, parfois, possède le séquestre d’une autre abbaye. De tels croisements ont déjà pu être observés plus haut, quand Francesc de Monfar a été nommé abbé de Camprodon avec le séquestre de l’abbaye de Banyoles[37], quand Francesc de Montpalau devenait abbé de Banyoles avec le séquestre de Camprodon[38]. Nommé abbé de Sant Cugat del Vallès, Gaspar Sala, frère augustin et d’obscure origine, fut très mal accepté par les moines bénédictins de l’abbaye, tous issus de haute lignée. En mars 1643, le séquestre de l’abbaye était donné au moine Francesc de Malla, mais sa nomination se double d’un ordre de verser les fruits de l’abbaye à fra Gaspar Sala[39]. On peut considérer que l’institution des séquestres s’est propagée du domaine religieux au domaine laïc. En effet, à de nombreux égards les patrimoines ecclésiastiques ressemblent aux patrimoines nobiliaires présentés ci-dessus : en 1644, Gaspar Sala estimait que les revenus annuels de Sant Cugat s’élevaient à 3000 écus de rente, chargés de 600 de pensions, restant 2000 pour l’abbé une fois payés les faux frais ; il indique que depuis sa consécration il a déjà touché 4000 écus[40].

Les premiers séquestres laïcs, nous l’avons dit, sont nommés au cours de l’année 1642, probablement dès l’été après le passage du roi Louis XIII par le Roussillon : Francesc de Vilalba au duché de Cardona en juin[41], Francesc Sangenís au comté de Santa Coloma[42] et Rafel Antich[43] pour les biens de la comtesse de Quirra/Vallfogona, tous les deux le 30 juillet. Pour mieux comprendre les attributions initiales des séquestres, reportons-nous aux lettres de mise en possession de Rafel Antich, rare exemple de ce type de documents[44]. Par commodité, et habitude installée à l’époque même, nous disons « séquestre du comté de Santa Coloma » ou de tel ou tel endroit, mais la titulature complète est « séquestre des revenus des biens appartenant (à telle personne) ».

« […] Provisus et nominatus in sequestrem jurisdictionibus quibuscumque quam Conmittissa de Quira habet et possidet in dictis principatu Cattaloniae et comitatibus Rosillionis et Ceritaniae cum posse accipiendi et recuperandi omnes fructos, redditus, emolumenta, sensus [sic] et omnia alia bona jura et actiones quae possidet per dictam commitissam in eisdem principatu et commitatibus »

La titulature du séquestre ne comporte donc pas de droit sur la propriété en tant que telle, mais un simple « pouvoir » de recevoir et de recouvrir les revenus, de quelque type que ce soit, ainsi que les droits (actiones, c’est-à-dire les sommes perceptibles par voie de justice). En théorie, le séquestre n’est pas un nouveau seigneur, ou un intérimaire qui remplacerait l’ancien ; il n’a pas le droit de faire de modification dans l’administration générale de la seigneurie, ni de révoquer les anciens baux. Cependant, un premier décrochement a lieu, car la provision comporte un exercice de la juridiction seigneuriale. Les lettres de mise en possession ordonnent ainsi à l’alguazil Josep Tristanÿ d’installer le nouveau nominé dans les fonctions qui lui sont commises (sous peine, pour ceux qui s’y opposeraient, de 500 livres d’amende) :

« Vobis dicimus committimus et mandamus quatinus visis et acceptis presentibus personaliter accedatis ad dicta oppida, villas, loca, castra et alibi quo opportune dictorum principatus et comitatus, et dictum Raphaelem Antich sequestrem praeditum in possessionem dicte jurisdictionis tam civilis quam criminalis et receptionis et collectionis dictorum fructuum et emolumentorum, quorum dicta comitisa de Quirra in dictis principatibus et comitatibus exercet ».

La mise en possession de la juridiction, pour le séquestre, ne comprend pas seulement le droit d’exercer la justice, mais aussi le pouvoir de percevoir, au même titre que les autres revenus de la seigneurie, les droits de justice, au sens financier du terme.

Núria Sales a montré la vigueur des justices seigneuriales catalanes du XVIIe siècle ; évidemment, les séquestres ne vont pas exercer cette charge eux-mêmes. Dès 1643, dans les seigneuries confisquées comportant des justices seigneuriales, sont nommés des gouverneurs (gobernadors), qui sont souvent des hommes de loi et non d’épée, et qui exercent les fonctions de justice. Francesc de Sagarra, docteur en droit de Lleida, commence sa carrière comme gouverneur du duché de Cardona. On le trouve en août 1643, dans le cadre de ses fonctions, conduire un prévenu de sa juridiction dans les prisons royales de Barcelona[45]. Les gouverneurs sont également chargés de recevoir les serments et hommages de fidélité des vassaux, ils ont la capacité de révoquer les batlles, sots-batlles, assesseurs, notaires, en cas de manquement, et de déléguer à des personnes de capacité l’administration de la justice ; de tels officiers sont nommés dans toutes les villes intégrées au fisc royal, comme le comté de Vallfogona et vicomté de Canet, par exemple où Miquel Francesc Prat i Senjulia est nommé, alors que Rafel Antich est séquestre ; il est cependant difficile de déterminer si ce schéma a été général[46]. D’autres acteurs de grande importance peuvent apparaître dans ces fonctions judiciaires : les avocats et procureurs. Ces derniers sont payés avec les revenus du séquestre. Ainsi, en 1643, Sangenís, séquestre de Santa Coloma de Queralt, reçoit l’ordre de payer diverses sommes à des avocats et procureurs de ce comté pour leurs pratiques[47]. Ceux-ci ne sont autres que Joan-Pere Fontanella, illustre avocat et père du Régent, si connu dans les évènements de 1640, mais aussi comme le montre J. Capdeferro, pour sa carrière d’avocat conseil de plusieurs communautés[48] ; Monserrat Gilbert, qui est docteur de l’Audiència ; Pacià Roca, secrétaire du maréchal de La Mothe. Les juridictions des grandes seigneuries ne sont pas de petits tribunaux faméliques ; l’étude de l’impact des confiscations sur ces instances serait à écrire. D’après le peu que nous avons observé, les anciennes équipes d’hommes de loi ont été conservées, dans la mesure où ces derniers n’avaient pas rejoint le parti de l’ennemi[49].

Le système des séquestres a souvent déclenché l’opposition des populations et des nobles piqués de discours politique et de défense du bien public, comme Ramon de Bas. Ce dernier les accuse de recevoir injustement de grosses pensions, et de dilapider le patrimoine des biens dont ils ont la charge ; enfin, dit-il, ils n’ont pas su empêcher la chicane judiciaire néfaste au maintien de l’autorité royale.

« Cela a donné lieu à l’introduction de nouveaux procès dans lesquels, l’opposition des séquestres étant limitée ou nulle, les poursuivants ont obtenu une sentence favorable en quatre jours, ce qui fait se diminuer en large partie la consistance des biens confisqués ».

Cette assertion peut se prêter à plusieurs interprétations. L’une d’elles procède de nos observations précédentes : la possession du seigneurie comporte de nombreux droits, dont la juridiction. Surtout les villes d’importance comme Santa Coloma. La personnalité des séquestres nommés par Argenson et la Junta n’est pas d’assez grande ampleur, comme pouvait l’être celle d’un noble de puissant lignage comme les Queralt ou les Cardona, pour faire face aux mille chicanes des habitants et des débiteurs. Rafel Antich, Francesc de Vilalba, appartiennent à des clientèles, mais ne possèdent ni clientèle propre, ni de clientèle notariale comme les anciens seigneurs. Il y a dans l’essence du séquestre une dimension de faiblesse et d’illégitimité qui fragilise la fonction.

Ainsi, les procès contre les séquestres ou les impliquant sont innombrables à la Reial Audiència. Quelques exemples pourront nous éclairer. Le 10 décembre 1642[50], le séquestre des biens de Ramon de Çagarriga, Rafel Serda, est convoqué à comparaître devant la Reial Audiència en conséquence d’une supplique envoyée au vice-roi par certains fermiers de ces biens, et particulièrement Onofre Aquiles[51] et Martí Capdeaigua. Ce dernier est un boutiquier de la ville de Pontos, seigneurie confisquée à Çagarriga. Nous donnons l’édition de cette intéressante supplique. Nommé depuis peu, dit-elle, le séquestre n’a pas attendu pour imposer ses prétentions scandaleuses et bouleverser l’ordre ancien. Contrairement à l’usage, il veut commencer à signer de nouveaux arrendements au mépris de ceux qui courent encore à cette date : « se jacta, y ja estant le diu y blasona que ha de firmar arrendaments que digan a ellf en dit nom, y que los preus de aquells se li han de pagar a ell y no a las personas que aqui y incolutem datio estan ». Il ne veut pas non plus laisser payer par les fermiers les consignations qui ont été faites par le passé, selon la forme accoutumée, sur les rentes à percevoir. En agissant ainsi, le séquestre mécontente toutes les parties intéressées par le bien confisqué et, surtout, fait passer sa propre autorité, illégitime, avant la légitimité d’actes notariés. Néanmoins, le 23 février 1643, le tribunal tranche en faveur du séquestre : les fermiers reçoivent l’ordre de verser à Rafel Serda les sommes qu’ils lui devaient, le tribunal transformant leurs plaintes en griefs contre eux-mêmes, dans une sentence invalidant simplement leur refus de satisfaire à leur obligation[52]. La difficulté n’allait cependant pas s’arrêter là. Une fois les fermiers mis au pas, c’est le lloctinent del Mestre Racional, Francesc de Tamarit, qui fait obstacle au séquestre. Il refuse de valider ses comptes, prétextant que Serda ne peut pas suffisamment justifier son paiement de 300 livres pour son salaire de séquestre. Le vice-roi tranche le 11 mai, en confirmant qu’il lui a assigné cette somme de façon orale : « nos haia constat que a dit Cerda se li assenyalaren de paraula trescentes lliures cascun any per raho de dit son salari de secrestador », déboutant à peu de frais l’officier trop zélé[53]. Dans un autre cas, c’est le séquestre qui porte lui-même une cause devant l’Audiència : Francesc de Vilalba, séquestre des biens des ducs de Cardona[54], exige des jurés des villes d’Arbeca et Juneda, appartenant au patrimoine de cette maison, qu’ils lui remettent les nombreux bijoux déposés par les ducs à différentes personnes de ces villes pour garantie de leurs dettes. Il y a manifestement un circuit formidable autour des bijoux des Cardona puisque la même année le vice-roi s’en fait remettre qui étaient déposés dans un couvent de Barcelona[55]. Vilalba remontre qu’au titre de ses fonctions il doit s’occuper de satisfaire les nombreux créanciers des Cardona, et que dans ces circonstances il est incompréhensible que de tels bijoux soient encore thésaurisés, et par conséquent demande qu’ils soient vendus. La cause, « per esser de secrest real », est évoquée par le tribunal[56]

Pour voir le centre de toute cette administration, il faut étudier les fameux contrats d’arrendement (ou fermage). C’est là que tout se joue, puisque le séquestre n’étant qu’un lointain percepteur de revenus, des personnes vont être chargées d’amener les revenus de leur source (l’exploitation agricole ou la perception de droits et de cens) jusqu’à sa personne. Les Archives Départementales des Pyrénées-Orientales conservent, parmi d’anciennes archives notariales, une belle série de contrats d’arrendement concernant des salins appartenant à la vicomté de Canet en Roussillon, immédiatement contemporains de la guerra dels Segadors. Ces documents rares méritent un rapide examen[57]. On trouve tout d’abord les premiers contrats d’arrendement consentis par le séquestre Rafel Antich. Sauf découverte de nouveaux documents, il semble que ce dernier ait changé les anciennes habitudes : en 1636, un contrat d’arrendement avait été signé par le procureur du vicomte de Canet en faveur de Francesc Bellabre, bourgeois de Collioure, pour la totalité des revenus de la vicomté, un autre étant signé avec la même personne pour les revenus de tous les salins de Canet, tout cela pour l’espace de quatre ans. Nous ignorons pour l’instant ce qui s’est passé entre 1640 et 1643. Mais cette dernière année, Rafel Antich, nommé depuis l’été 1642 séquestre de tous les biens de la comtesse de Vallfogona, dont la vicomté de Canet, procède à une division des différentes parties de cette dernière : salin dit « sali del compte », dîmes du terme de Sant Jaume à Canet… Pour ce dernier, par exemple, il charge en juin le procureur juridictionnel de la vicomté, Jaume Ballaro, de faire l’arrendement des dîmes (delmes)[58] de cette localité, c’est-à-dire de le proposer à l’encan public. Ballaro devient alors arrendador (arrendateur).

« Jo Antoni Sirvent, nuntio de la Cort del Bescomptat de Canet, fa relatio he ancantat lo arrendament del Delme dels grans del terme de S.t Jaume de Canet de la part que toca al Bescomptat de Canet a la plasa publica de Canet vuÿ moltes voltes, lo qual he lliurat a m.o Jaume Gibern, silurgia de dita vila en preu de noranta lliures moneda de Perpinyà. Vuÿ als 16 de junÿ 1643 ».

Ballaro dresse alors un contrat avec celui qui a remporté l’arrendement (arrendatari), qui peut être appelé fermier en français, bien que le fonctionnement précis de ces fermages soient assez différents de la pratique française. L’acte précise que les dîmes sont en blé, orge et avoine. Le fermier devra donc se charger du prélèvement de cette redevance, et déposer deux fois par an (à la Toussaint et à Noël) le prix de 90 livres perpignanaises en deux payes égales au banch i taula (la banque municipale) à l’intention de Ballaro. A la suite se trouve l’acte (en latin) par lequel le fermier s’engage, devant le viguier de la vicomté, à faire les paiements susdits et à respecter les termes compris dans le contrat. La situation de séquestre, pour résumer, ne fait qu’ajouter un échelon dans la hiérarchie des différents acteurs qui se succèdent jusqu’au seigneur : au lieu d’un seigneur qui s’adresse à son procureur juridictionnel, le séquestre, qui agit pour le nouveau seigneur – le roi – s’adresse de la même façon au procureur.

 

Entre la fin de l’été et le mois de septembre 1643, beaucoup de séquestres sont suspendus, peut-être en raison des nombreuses plaintes qui s’élèvent, et surtout car on veut mettre en place une nouvelle administration ; Rafel Antich, Ramon de Guimerà, pour ne citer qu’eux, se voient retirer le leur. A titre transitoire (durant l’espace de quelques semaines), le trésorier – qui est lui-même transitoire puisqu’il s’agit de Garau de Alemany, neveu de Jaume Bru, qui le remplace pendant le temps de sa maladie –, prend en main l’administration des biens qui étaient anciennement sous séquestre. La collection de contrats d’arrendement de la vicomté de Canet nous permettent de suivre ces étapes. En septembre 1643 est procédé à l’arrendement des dîmes du poisson de l’étang de Canet.

« Tothom qui vulla arrendar per temps ÿ spaÿ de dos anÿs que comensaran a correr die de la lliuransa de la hasta fiscal en avant tot lo delme del peix del stanÿ de Canet tocant al bezcomptat de Canet, lo qual arrendament fara ÿ fermara lo mag.ch doctor Fran.co Flos doctor en quiscum dret ÿ burges de la vila de Pp.a com a procurador llegitim del molt Ill.e S.r Garau de Alemanÿ regent la real thezoraria del principat de Chatalunÿa y pnts. Comptats, del Consell de Sa Mag.t, ÿ aquell fara valer ÿ tenir ÿ ne estara de evictio obligantne los bens de dita thezoraria ÿ no los propris… »

La situation juridique change clairement. Le système du séquestre se trouvant éteint, le trésorier de Catalogne délègue un procureur en son nom, en l’occurrence un juriste de Perpignan, pour aller faire l’arrendement. En théorie, le trésorier fait donc l’arrendement lui-même, puisque l’échelon du séquestre est supprimé. Cependant, dans la pratique, la chose est à peu près la même, puisque ni le séquestre ni le trésorier ne résident sur place, et opèrent à distance par l’intermédiaire d’hommes de loi. Cette situation provisoire cesse rapidement – bien que les contrats signés par le passé demeurent toujours valides selon l’usage.

En juin 1643 a lieu une importante réforme dans l’administration des biens confisqués. Francesc Sangenís est nommé receveur général, ce qui met fin à la gestion provisoire par le trésorier des biens anciennement sous séquestre. Nous allons voir que sa fonction n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air, et que surtout elle n’empêche pas la subsistance de nombreuses situations d’exception. Dans le privilège accordé à Francesc Sangenis le 22 juin par le vice-roi[59], elles sont définies comme la « commission » (committamus) de certains pouvoirs.

« Exactionem, receptionem, collectionem, et administrationem omnium, et quorumcumque bonorum, fructuum, iurium, reddituum, et emolumentorumque in presenti principatu Cataloniae, et comitatibus Rossilionis, et Ceritaniae existentium, regio fisco additorum, confiscatorum, et applicatorum. »

Ses fonctions ne sont pas moindres, mais différentes de celles des séquestres, et cela à plusieurs titres : d’abord, les séquestres sont nommés pour des biens particuliers, alors que Sangenís l’est (en théorie) pour tous les biens confisqués et appliqués au fisc royal ; ensuite, parce que le séquestre avait certes le pouvoir de faire recette et recouvrement des fruits et émoluments (pour Rafel Antich : « accipiendi et recuperandi omnes fructos, redditus, emolumenta, sensus [sic] et omnia alia bona jura et actiones… »), mais il avait aussi un pouvoir de juridiction que n’a pas Sangenís, alors que ce dernier récupère une énigmatique « administration » (« administrationem ») en plus des simples fonctions de collecteur. Enfin, contrairement aux séquestres qui ne pouvaient rien changer ni aliéner aux biens, Sangenís reçoit le pouvoir de vendre les biens qu’il jugera inutiles, et de signer les reçus et les quittances en son nom propre. A cet égard, ses fonctions font penser davantage à celles de tuteur d’un enfant mineur qu’à celles d’administrateur de biens.

« Fructuum tamen, rerum, et bonorum, quae servando servari non possunt, sed de proximo diminui sperantur, venditionem, arbitro tuo faciendam relinquendo, et committendo. Apochas, chirographa, et alias cautelas de receptis facias, et firmes, omniaque, et singula facias, et exerceas, quae ad plenam, et perfectam administrationem rerum consimilium sint necessaria, et opportunt, quae hic haberi volumus pro expressis tanquam si in praesentibus singulariter, et distincte continerentur, et expressarentur. »

La partie la plus litigieuse, dans le privilège de nomination de Sangenís, nous l’avons dit, est cependant celle l’autorisant à créer de nouveaux officiers. Ne pouvant évidemment se rendre lui-même sur place, il reçoit ce pouvoir que même les séquestres n’avaient pas, mais que les gouverneurs ont dans une certaine mesure, vu qu’ils peuvent déléguer des fonctions de justice. Sangenís pourra à la fois créer de nouveaux officiers, et aussi inspecter les anciens déjà présents dans les seigneuries et juridictions, en étant obéi d’eux…

« Officiales quoscumque, ad id necessarios creando, et nommando, et seu iam creatos, et nominatos confirmando.

[…]

Per quas universis, et singulis officialibus, et personis, ad quos pertineat, et spectet dicimus, et mandamus scienter, et expresse, quatenus ad solam praesentium inspectionem, alio mandato minime expectato, tibi tanquam exactori, collectori, receptori, et administratori praefato, et nemini alii, administratione huiusmodi durante, obediant, et respondeant de praedictis, prout solitum est obedire, parere, et respondere, quoniam apsis [sic] tibi solventibus, volumus, et declaramus, bene solvisse. »

La faculté de créer de nouveaux officiers ne sera pas digérée par la Generalitat, conformément aux Constitutions de Catalogne qui l’interdisent même au roi et au vice-roi. Elle tentera en vain de lui faire obstacle. En effet, Sangenís avait comme principal point commun avec les séquestres d’échapper à tout contrôle des institutions catalanes. Il ne devait rendre de comptes qu’une fois par an, au lloctinent del Mestre Rational, et restituer au trésorier royal les deniers qui resteraient en excédent une fois les comptes rendus.

Quel a été, dans la pratique, le rôle de Sangenís ? On ne peut répondre à la question que partiellement. Deux registres conservés dans la série de la chancellerie « intruse » des Archives de la Couronne d’Aragon, qui mériteraient une étude particulière, subsistent de son administration. Bien qu’en mauvais état, ils permettent de voir les différents types d’actes et d’opérations qui pouvaient passer par les mains de Sangenís ou de ses collaborateurs directs. Les deux registres sont appelés chacun « Liber Apocharum et arrendamentorum bonorum confiscatorum »[60]. Le premier va de 1643 à 1646, le second de 1644 à 1651. Les deux registres se chevauchent pour certaines périodes, de plus, on y distingue l’écriture d’au moins trois personnes différentes, parmi lesquelles il ne nous a pas été possible de définir pour l’instant s’il y avait Francesc Sangenís, bien que l’énormité du travail rende évidente la participation de plusieurs secrétaires. Comme leur nom l’indique, ces registres comprennent alternativement des quittances et des contrats d’arrendement. Pour ce qui est des quittances, elles concernent toutes les personnes ayant bénéficié de paiements sur le revenu des biens confisqués confié à F. Sangenís, c’est donc l’application concrète des dons consentis par le vice-roi et que nous avons analysés plus haut. On y retrouve toutes les veuves, les créditeurs des patrimoines confisqués, les bénéficiaires de la pure générosité du vice-roi. Les quittances se présentent toutes invariablement de la même façon, commençant par la formule « Sit omnibus notum », suivi du nom du procureur de la personne bénéficiaire du paiement ou de son propre nom si elle s’est présentée en personne ; ensuite, la délivrance du privilège du vice-roi est rappelée en même temps que la reconnaissance en faveur de Sangenís.

« Recognosco vobis Magnifico Francisco Sangenis fiat ut in aliis q. nu.do realiter et de facto meae voluntati omnino vigore Regi mandati a excellentissimo domino Pro rege locumtenente et capitaneo generali dictorum Principatus et Comitatum emanati subscripti et firmati… »

La quittance précise ensuite sur quel fonds a été pris la somme, est datée, et donne le nom de deux témoins qui donnent foi à l’acte. A côté de sa fonction de receveur, Sangenís avait donc, ce qui n’est pas dans son privilège mais semble encore plus fondamental, celle de payeur. C’est vers lui que devaient se tourner les bénéficiaires des paiements afin de recevoir leur dû, et se retourner en cas de non-paiement. Les présents registres servent donc de mémoire pour prouver que les sommes ont bien été versées, à utiliser en cas de litige ; ils contiennent des copies conformes d’actes ayant matériellement existé, et ayant été délivrés à des particuliers. A côté des quittances, les contrats d’arrendement prennent la même forme que ceux que nous avons évoqués plus haut, sauf que Sangenís délègue là encore, comme le faisait le trésorier juste avant lui, une personne pour se substituer à lui en tant qu’arrendateur. Dans les registres sont donc transcrits des actes ayant été établis par d’autres personnes et ailleurs, mais rapportés à Barcelona auprès de Sangenís qui les centralisait. A ce titre, ces registres ont des aspects de cartulaire. Les contrats d’arrendement sont également des actes authentiques faisant loi et utilisables en cour de justice.

Si Sangenís reçoit par son privilège la capacité de nommer des officiers, il n’en reste pas moins que ceux qui vont se charger d’aller sur place exercer la réalité des fonctions peuvent être choisis par le vice-roi. Ainsi, l’ecclésiastique Louis de Niort de Bélesta, aumônier de La Mothe et qu’il avait nommé début 1643 pour son procureur afin de prendre possession du duché de Cardona[61], reçoit la charge d’effectuer pour le compte de Sangenís les arrendements de tous les biens confisqués en Roussillon qui lui ont été confiés. L’abbé part alors en voyage en Roussillon au début de l’année 1644, et reçoit pour cet effet un paiement de 640 livres 13 sous, bien sûr, tirés sur le fonds de Sangenís[62]. Il reçoit aussi la délicate mission de « fer donar compte y rao als arrendataris del que devien per rao de dits bens, y rendes confiscades », c’est-à-dire, concrètement, vérifier les contrats et obtenir de l’argent des mauvais payeurs. En effet, les problèmes ne se font pas attendre. En avril, le vice-roi ordonne à Sangenís de se transporter sur place en personne afin de dresser solenellement un état général de tous les droits que le roi peut percevoir à titre de confiscataire des biens des mal affectes en Roussillon (capbreu)[63], ce qui signifie que tous ces droit n’étaient pas parfaitement connus et perçus ; nous y reviendrons. On ignore si le receveur général s’est déplacé conformément à son ordre. Cependant, sept jours plus tard, un nouvel ordre du vice-roi, cette fois dirigée au gouverneur du Roussillon, Tomàs de Banyuls, le contraignait à accepter et confirmer tous les officiers que Louis de Niort de Bélesta avait localement nommés pour recevoir les rentes des biens confisqués du Roussillon[64]. On voit bien qu’un nouvel échelon d’exécuteurs s’était créé à l’initiative de l’abbé : des receveurs, qui sous lui, le procureur du receveur général, devaient percevoir les rentes auprès des multiples fermiers. C’est dire si une telle administration était pléthorique et filandreuse. On voit aussi que ces nominations n’étaient pas acceptées localement, probablement sur les mêmes arguments que ceux de la Generalitat pour refuser Sangenís : qui était ce Bélesta pour créer des officiers ?

« Magnifique et amé conseiller de la royale majesté, comme par la lettre par vous écrite en cette ville de Perpignan vous nous avez certifié que tous les officiers créés par Louis de Niort de Bélesta, chapelain majeur de Sa Majesté et notre aumônier, tant en la vicomté d’Ille, de Canet et d’Evol, que dans les autres biens des mal affectes de ces Comtés, sont des personnes méritant bien leurs charges et très affectionnées au service de Sa Majesté, et pour qu’à aucun moment on puisse mettre en doute lesdites créations, tant par défaut de pouvoir qu’autrement, il nous a paru bon de les rectifier. Pour cela, par la teneur de la présente de notre certaine science et royale autorité, nous ratifions et confirmons tous les officiers que Louis de Niort de Bélesta a créés, voulant que les nominations et créations qu’il aura faites aient la même force et valeur que si elles avaient été condédées par nous. Et vous donnerez avis de notre volonté auxdits officiers et autres à qui ce sera nécessaire, attendu que cela convient au service de Sa Majesté ».

Si, du point de vue des fermages, le système d’avant la période des séquestres reprenait puisqu’à titre de « procureur du magnifich Francesc Sangenís » Louis de Niort de Bélesta avait signé un nouveau contrat pour la totalité de la vicomté de Canet[65], néanmoins, ce sont trois marchands de Barcelona, Honrat Pujol, Josep Pasqual et Jacint Viger, et non des particuliers résidant à Canet ou à Perpignan, qui l’obtiennent pour quatre ans.

Parallèlement à Francesc Sangenís, à qui sont confiés les biens qui étaient séquestrés et viennent d’être réunis effectivement au fisc royal, le trésorier Jaume Bru continue à gérer d’autres biens confisqués : le comté de Santa Coloma de Queralt, les biens de Lluis Descallar, de la famille d’Icart, pour ne citer qu’eux, et de plusieurs autres barcelonais. Il est très difficile de faire une liste des biens qui sont respectivement affectés à Bru et à Sangenís, comme de savoir sur quels critères ce partage s’est fait. Quand Sangenís est devenu receveur général et que certains séquestres ont été supprimés, Bru a repris l’administration de Santa Coloma, dont Sangenís était séquestre. Dans le même fonds d’archives que les registres relatifs à l’administration de Sangenís se trouve un registre portant également l’indication « Liber apocharum et arrendamentorum bonorum confiscatorum »[66], mais, cette fois, se rattachant à l’administration des biens par le trésorier, d’abord Garau de Alemany, puis Jaume Bru après son retour vers septembre 1643 ; le registre va jusqu’en 1646. Exactement sur le même modèle que les autres, les quittances et les contrats d’arrendement se succèdent. Les deux administrations devaient être très proches, voire confondues cependant, puisque les scribes ayant travaillé sur tous ces registres sont les mêmes. Plus encore, au sein du registre réservé aux quittances du trésorier ont été glissées deux quittances faites à Francesc Sangenís par Louis de Niort de Bélesta en mars 1644[67]. Cependant, les fonds semblent pour leur part bien séparés, puisque dans le registre de Jaume Bru se trouvent exclusivement des quittances concernant les biens de Santa Coloma[68], Descallar, etc… En plus de ces fonctions « extraordinaires » – mais qui seront reconduites parallèlement à Sangenís jusqu’à la fin de la période française – le trésorier a des attributions réservées, comme celles, par exemple, de pouvoir vendre les biens confisqués aux enchères en cas de nécessité ou sur ordre du vice-roi ; le cas se rencontre particulièrement dans le cas de maisons situées à Barcelona sur lesquelles le trésor espérait récupérer des fonds rapidement[69].

Enfin, il faut préciser, pour ajouter une nouvelle nuance à cette administration déjà si compliquée, que malgré une (probable) volonté de réduire les séquestres observée en 1643 et le fonctionnement effectif, ensuite, de l’administration de Sangenís et de Bru, le système du séquestre n’a pas disparu, bien au contraire. Et le comble est de voir que, dès avril 1644, à peine revenu de son voyage en Roussillon afin de faire l’arrendement des biens pour Sangenís, Louis de Niort de Bélesta est nommé séquestre des biens de plusieurs personnes ecclésiastiques et laïques dans des baronnies de la juridiction de Cardona, dont la baronnie d’Entença. Cette fois, le séquestre était prescrit comme solution pour empêcher que ces personnes puissent profiter de revenus afin d’aider l’ennemi par l’intermédiaire de leur procureur. C’est le contenu de la supplique du procureur fiscal adressée à La Mothe, en tant que vice-roi et duc de Cardona.

« Excellence,

Différents chapitres, communautés et universités, particuliers, personnes ecclésiastiques et laïques sujettes et étant volontairement sous le pouvoir et juridiction ou autrement affectionnées au Roy Catholique de Castille, ennemi en guerre du Roy Très-Chrétien (« enemich guerrejant del Rey Xp.im ») notre seigneur et du présent Principat, reçoivent et sont habituées à recevoir des pensions de nombreuses universités et personnes particulières d’Arbeca, Jimeda, baronnies d’Entença et autres de la juridiction de Votre Excellence comme duc de Cardona […]. Lesquelles rapportent de nombreuses et notables quantités, dont les ennemis, leurs procureurs les percevant en Catalogne, peuvent s’aider et se faire valoir ; en les recouvrant, ils causent dommage et oppressent les débiteurs et le présent Principat, et ils se font plus puissants pour résister à la guerre, d’où s’ensuivent d’autres dommages plus considérables. Et comme il n’est pas juste que les ennemis reçoivent quelque profit des vassaux de Votre Excellence, les vassaux restent pauvres. Pour cela, le procureur fiscal de la Regia cort supplie que lesdites rentes et pensions soient séquestrées, et que pour ce faire on expédie les lettres opportunes… » [70].

En effet, depuis que le même Louis de Niort a pris possession du duché de Cardona, mi 1643[71], puis fait prêter le serment de fidélité aux vassaux du nouveau duc, Philippe de La Mothe Houdancourt, il est possible que les procureurs de certains propriétaires soient restés sur place en continuant à leur verser leur rente du côté d’Espagne. Le séquestre, situation d’urgence mais pas d’exception, n’allait pas disparaître de sitôt.

 

                                                                                         

 

3.            Lister les personnes et les biens

 

Les listes n’ont jamais été une simple suite de données mises bout à bout, un relevé de la réalité. Les tableurs informatiques d’ajourd’hui nous permettent de générer des données automatiquement, ce qui pourrait avoir un semblant de froideur technique. Mais rien de cela pour l’époque moderne, où chaque liste n’est que le reflet d’une personne, d’un milieu, d’une institution, dans, par et pour lesquels elle a été inventée. Cette problématique se pose avec une force particulière en ce qui concerne les confiscations et leur réattribution prévue ou effective. Lorsque la Catalogne se soumet à la France, la France ne connaît rien de la Catalogne. Elle ne connaît ni ses grandes familles, ni ses coteries, ni ses institutions. Elle va apprendre tout cela dans la pression des évènements. De même, la distance entre la cour et Barcelona, la médiatisation des échanges par des clientèles et des forces opposées, agissent comme de formidables perturbateurs dans la perception par le gouvernement de ce que pouvait être la réalité catalane. Les listes ne jouent pas dans ce phénomène un petit rôle. Cependant, au fil de nos recherches en archives, nous rencontrons plusieurs obstacles : d’abord, ce type de document est extrêmement rare. Ensuite, pour les quelques exemples que nous avons trouvés, et sur lesquels nous allons revenir, les références dans la correspondance sont quasi inexistantes. Enfin, ces listes sont souvent, il faut le dire, de qualité fort médiocre, d’une grande imprécision, quand elles ne sont pas totalement erronées. Afin d’essayer de comprendre l’articulation entre ces listes et notre problématique, afin de découvrir à quoi elles ont bien pu servir, et si elles ont réellement servi, il nous faudra donc croiser les sources et user d’arguments contradictoires. Dans la question des confiscations, deux types d’entrée peuvent intervenir : des mots, et des chiffres. Parmi la première catégorie, des noms de personnes, de lieux, des noms communs désignant des types de biens ; parmi la seconde, seulement les montants de sommes d’argent. Ces deux catégories se résument en large partie, sans trop craindre d’omettre un point capital, à cette alternative : on peut lister soit les personnes, soit les biens.

Les listes de personnes sont les plus nombreuses. Elles dépassent en effet largement la question des confiscations, car, destinées à connaître les hommes en connaissant leur nom, elles ouvrent la voie à des considérations politiques de grande ampleur. Il faut donc tout d’abord se demander pourquoi, dans les documents franco-catalans de l’époque, liste-t-on des noms ? Un exemple beaucoup plus ancien, remontant au mémorable siège de Perpignan en 1475 par Louis XI, ouvrira la voie. Ayant officiellement déclaré que les habitants de la ville reprise aux Aragonais ne devraient pas être perturbés dans leur vie et leurs biens, le roi écrit cependant parallèlement à son lieutenant-général :

« Monsieur du Bouchage, mon ami, faites écrire en un beau papier tous ceux qui ont été et seront désormais traîtres dedans la ville, et comme ils sont à mais dedans le papier rouge, et les laissez à Boffile, au Poulailler ou à celui que vous laisserez gouverneur par delà, afin que si d’ici à vingt ans il y en retourne nuls, qu’ils leur fassent couper les têtes »[72].

Ce fut chose faite : le lieutenant général lista environ deux cent personnes, avec la nature du tort ou de la trahison qu’on leur reprochait, et on confisqua leurs biens… Dans le cas de la Catalogne française, l’important est avant tout de savoir sur qui on peut compter. En effet, dès la soumission de la Catalogne à la France les départs ont commencé, que ce soit du côté des anciens officiers n’ayant pas reconnu l’autorité française que de la noblesse castillanisée et proche de la cour de Philippe IV. En plus de cela, les pratiques de Catalans restés dans le Principat mais secrètement fidèles à l’Espagne sont permanentes, et les Français font dès le départ tous leurs efforts pour les contrer. Le premier document comportant une liste de personnes, ce fameux mémoire[73] qualifié par Sanabre de « prévision de la structure politique qui allait s’implanter en Catalogne »[74] se définit donc comme une liste de ce sur quoi et ceux sur qui on peut compter, mais aussi comme une liste de projets, puisqu’elle fait référence à des places « à fortifier », des biens « à confisquer et à donner », des gens à « chasser de Barcelona »… La catégorie des évêchés n’est pas qu’un simple état des sièges ecclésiastiques de Catalogne, mais comme une sorte « feuille des bénéfices » destinée, vu que la plupart des sièges sont vacants et que deux évêques seulement sont fidèles au roi, à savoir à qui les bénéfices pouvaient être distribués. La liste des personnes d’épée étant restées dans le parti du roi, ainsi que celles qui pourraient servir avec des Français ou sous eux et de ceux à qui on pourraient donner des confiscations sont si liées aux groupes de nobles proches de l’intendant Argenson, coteries qui se perpétueront après son départ, et on retrouve les mêmes noms dans tant d’autres évènements postérieurs du gouvernement de Catalogne, que sur l’utilité et les conséquences de ce mémoire, on peut conclure une seule chose : initialement destiné au roi, dans la perspective de son voyage à Perpignan, ce mémoire n’aura aucun impact sur les décisions royales. Il n’est que le reflet d’une prise de conscience, certes importante, de la question des mérites et de leur récompense au début de notre période (en mars 1642), mais en montre une vision biaisée. La liste des biens confisqués à donner maintient encore dans une catégorie vague les « autres biens de personnes mal affectionnées a qui on fait le Proces » alors qu’elle n’insiste que sur les grands patrimoines (Cardona, Aytona, Santa Coloma) ; aucun de ces biens, à l’exception du duché de Cardona à La Mothe, ne sera donné : la demande du marquisat d’Aytona par Argenson était son affaire propre, et on sait la suite qu’elle a eue. Il faut également préciser que cette notion de « biens a confisquer et a donner » ne tient pas compte de la grande diversité de situations et de cas que nous avons essayé d’embrasser au cours de ce travail. On peut se demander si dans l’esprit d’Argenson ou de son collaborateur auteur de ce document, l’idée de départ n’était pas d’inciter à une simple distribution de ces biens, sans même penser à toutes les difficultés que cela rencontrerait. L’idée de la possibilité d’une distribution quasi immédiate et constante, d’une logique apparente mais fausse – idée reprise à tort par les historiens qui ont voulu voir dans les confiscations une manne de présents immédiatement disponibles –, est peut-être celle qui a (captieusement ?) guidé la main de l’auteur de ce document. Sachant que les biens en question n’étaient pas même encore réellement dans les mains du roi, puisque le procès officiel des anciens propriétaires, pour la plupart, n’interviendra que l’année suivante, on est permis de le penser. Enfin, la notion de valeur des biens, dans cette liste, est si vague que sa réelle utilité est battue en brèche. Si l’on tient compte de la composition des patrimoines catalans, sans compter les diminutions de rentes dues à la guerre – et qui seront montrés plus finement par d’autres documents –, les chiffres donnés ici sont fantaisistes et incompréhensibles :

  • Duc de Cardona : « valent 150000 écus de rente »
  • Duc d’Albe : « valent 8 à 9000 livres »
  • Duc de Sessa, « valent 24000 livres de rente »
  • Marquis d’Aitona : « valent 30000 livres de rente »
  • Comte de Santa Coloma : « valent 18000 livres »

Surtout, il n’est pas précisé – ce qui est LA nuance essentielle à connaître et à préciser pour toute évaluation de biens en Catalogne – si les présente évaluations sont faites avant ou après déduction du passif. On ne semble même pas avoir conscience de cette réalité, qui n’est pas qu’un parasite occasionel, mais une véritable part des patrimoines (les censals) qui peuvent représenter plus de la moitié des revenus finaux. La devise n’est pas plus précisée, même si on pense qu’il s’agit de la livre tournois vu que le document est français et s’adresse à des Français… alors que les sommes de ces revenus sont habituellement exprimées en livres barcelonaises et qu’en cette période les conversions peuvent tout fausser.

Ainsi, les autres listes de personnes que nous avons trouvé dans les archives françaises procèdent de ce modèle. On pourrait même dire qu’elles en sont la suite : on trouve ailleurs une liste intitulée « Noms des personnes qui ont le mieux servy Le Roy en Catalogne et a gratifier de quelques pentions ou autres recompenses »[75], qui est peut-être une version mise à jour de l’état des nobles catalans à récompenser du mémoire de mars/avril 1642. On y retrouve en partie les mêmes noms avec le remplacement de Ramon de Bas, mort récemment, par son fils. Cette fois, les personnes ne sont pas simplement listées par leur nom et leur fonction, mais ont chacune un petit commentaire tout à fait curieux :

« Don Jean Vergos qui a este ambassadeur en France

Don Joseph Marguerit gouverneur de Catalogne

Don Raymond de Guimera qui fut au premier traité

Don Pedro Emeric

  1. Le Chancelier Barutel qui a este ambassadeur
  2. Le Regent Fontanelle parce quil nest pas riche
  3. Le Tresorier Bru qui a esté ambassadeur

Le docteur Anglazil a cause de son afection et capacité

Le docteur Monje qui a perdu ses biens en Arragon

Le fils de don Raymond Bas gouverneur de Roussillon mort en servant Sa Majesté

Don Laurens Sinistere mestre de camp

Don Louis de Rajadel aussy mestre de camp

Don Jean Semenat premier mestre de camp d’infanterie des Catalans

Don Joseph Dardennes mestre de camp de la Cavallerie catalane

Don Henrÿ Joan cappitaine de Cavallerie

Don Emanuel Dauche cappitaine de Cavallerie

Don F. de Caramaing cappitaine de Cavallerie

Le cappitaine Boureil de mesme

Don Joseph Amat Id.

Don Francisco Amat qui a este ambassadeur

Le comte de Savillan qui a perdu des biens en Mallorque

Don Garault Raguier a cause de son affection extraordinaire

Le docteur Marsal a cause de son affection quil monstre des le commencement

Le chappitre d’Urgel fort affectionné au service et qui a faict soliciter long temps par l’archidiacre

Le cappitaine Cabagnas qui a bien servy et avec chaleur

Don Garault Alaman

L’apothicaire Bresson du Conseil de Cent

Bisbe Vidal

Don. t. Gavar qui a tant servy Sa Majesté au Conseil de Cent et autres choses d’importance

Le nommé Boldo de Roussillon

Le sieur Florence qui a monstré tres grande afection parmy le [manque]

Le sieur Ciurana gouverneur d’Ostalrich

Le sieur Laurenco Veguier d’Urgel qui a fort bien servy

Pierre La Cavallerie

Francoys et Christofle St Genis

Le sieur Lioubet

Requescens Pugeolart

Le neveu du Pere Pons carme deschaussé qui a tres bien parlé pour le service du roy

Les sieurs Moinac et Molle qui ont fait les premieres ouvertures pour le service du roy en Catalogne

Le sr. »

Encore une fois, l’ordre déroute, mais on peut observer une inflexion notable : les 22 premiers noms ne sont que des nobles. Les nommés ci-après, à l’exception de « Garault Alaman » (Garau de Alemany, qui a fait les fonctions de trésorier par intérim) et de Ciurana, ne sont pas nobles ou ne sont pas issus de familles anciennes. Quant aux commentaires, ils se classent dans trois catégories : les services effectifs (« qui a bien servy et avec chaleur », « qui a fort bien servy », « qui a tres bien parlé pour le service du Roy », « fort affectionné au service »), le crédit dû à l’importance d’une charge (« qui a este ambassadeur en France ») – catégorie surtout représentée par les ambassadeurs, puisque sont cités dans cette liste tous les Catalans qui ont été ambassadeurs à la cour à l’exception du commandeur Miquel –, et, enfin, les pertes subies (« qui a perdu ses biens en Arragon », « qui a perdu des biens en Mallorque »). La liste semble inachevée eu égard à la dernière ligne ; il y a eu confusion entre deux personnes pour ce qui est de « Requescens Pugeolart », qui fait sans doute réféence à Isidoro de Pujolar. Il ne s’agit probablement pas d’un document officiel et solennel comme le premier mémoire dont nous avons parlé, mais d’une feuille volante, peut-être jointe à un courrier. Contrairement à l’autre liste, celle-ci est présentée en hauteur, alors que dans le document de mars 1642, les noms étaient tassés à l’intérieur d’un paragraphe ; de la sorte, l’œil parcourt l’ensemble de façon beaucoup plus rapide et efficace, bien qu’il n’y ait encore aucun effort de classement, ni, par exemple, de mise en colonne ou de rationnalisation.

 

Le besoin naît cependant, à la cour, d’avoir des listes plus précises. Dans le cas des biens confisqués, les demandes vont se suivre et se multiplier, la principale difficulté étant de dire si ces instances ont été suivies des faits, et si des listes ont réellement vu le jour. La première demande émanée des hautes autorités est contenue dans une lettre du ministre Chavigny à La Mothe, le 19 décembre 1642[76]. Dans cette lettre, le ministre dit qu’il a reçu de la part de M. de La Vallée, proche collaborateur de La Mothe qui s’est rendu à la cour, un « Memoire de ceux que vous estimez plus propres pour estre gouverneurs dans Perpignan Colioure et Salses pour lesquelz nous expedierons au plustost des lettres que nous vous envoyerons. » Nous n’avons pas retrouvé ce document, mais sa lecture pourrait renseigner sur l’état d’esprit du commandement Français à ce moment-là, pour savoir si on comptait ou non mettre en lice des Catalans. La demande de mémoires et de listes, par la cour, est le moyen d’avoir une idée de la tenue des affaires ; c’est la forme absolue de communication entre les généraux d’armée et le secrétaire d’Etat de la guerre. Souvent, les lettres sont courtes et de longs mémoires y sont joints. Il n’est pas rare que les plis en comptent plusieurs. C’est donc dans la même logique qu’il faut comprendre la demande de Chavigny :

« Outre cela Sa Majesté donne charge à M. d’Argenson et a M. des Yveteaux de faire faire un estat des biens de ceux qui se sont retirez avec les ennemis affin de les reunir a son domaine ou les faire administrer ainsy qu’elle avisera pour gratiffier par le moyen du revenu qui en proviendra ceux qui luy sont fideles et affectionnez dans le pays. Quoy qu’il lui soit mandé de comprendre dans cet estat les biens dont Sa Majesté a disposé et n’est pas pour apporter aucun changement a ce qui en a esté fait mais seulement pour en tenir mémoire et sçavoir entre les mains de qui ilz sont. »

Il se peut que cette prescription ait été inspirée par la lecture du mémoire d’Argenson de mars 1642 que nous venons de commenter, par d’autres listes de biens confisqués si imprécises qu’on ne pouvait rien en tirer, ou bien encore par la présence sur place du roi qui a probablement été submergé de demandes sans savoir si on pouvait y satisfaire (d’où l’habitude, très mal vue, de tout retarder). L’idée était d’avoir un document de travail permettant, à partir de Paris, de juger de la situation, compte tenu de sa rapide évolution entre mars 1642 et ce mois de décembre, période où avaient eu lieu les procès de nombreux criminels de lèse-majesté, et la confiscation de leurs biens. A ce stade, le contenu réel de cette notion vague de « biens confisqués », maintenue dans l’obscurité depuis la Catalogne, était la chose la moins connue. On peut dire que les personnes – dont le ministre ne demande pas ici la liste, notons-le (mais seulement des biens) – étaient relativement connues, aussi bien qu’on puisse le faire par correspondance et en suivant des avis tels que « qui a bien servy et avec chaleur » ou « a cause de son affection extraordinaire ». Pour cela, on se contentait de suivre les correspondants situés sur place, c’est-à-dire pour les ministres Chavigny et Noyers des hommes de confiance ou des parents tels qu’Argenson cousin de Sublet ou M. des Yveteaux, maître des requêtes. La confiance est la clef pour comprendre la genèse, l’utilité et la conséquence de ces listes. Aussi imprécises et nulles soient-elles, leur principale valeur réside dans le fait qu’elles émanent d’hommes sûrs et bien connus, et, fait non négligeable, que ces derniers aient le monopole de la correspondance directe avec les véritables hommes du pouvoir.

Qu’en fut-il de l’application de cette première directive ? Nous n’avons pas trouvé à l’heure actuelle        , dans les archives, d’état des biens confisqués en Catalogne pouvant correspondre à la période de l’intendance d’Argenson en Catalogne, soit de mai 1642 à février 1643. Au cours de l’année 1643, après un temps de désintéressement, la cour se préoccupe de nouveau de l’affaire des confiscations de Catalogne, sans doute alarmée par les difficultés rencontrées pour enregistrer les (rares) actes royaux et par le mécontentement croissant des nobles catalans devant le retardement de la distribution générale. De la correspondance échangée à ce moment-là par la cour et le vice-roi, très peu de vestiges subsistent, et ils ne nous renseignent pas. Ce n’est que le 29 mars 1644[77], qu’une lettre missive du roi au maréchal de La Mothe nous apprend que ce dernier a envoyé à la cour un document pouvant correspondre à l’ordre datant de fin 1642 : « Je trouve bon et desire que vous leur distribués une partie des biens confisqués mentionnés au memoire que vous en avez envoyé sans attendre pour cela d’autres ordres de moy ». Il est donc probable – mais pas prouvé – qu’un tel document ait été réalisé entre décembre 1642 et mars 1644. Et nous proposons l’hypothèse, encore à confirmer, que ce document puisse être la liste, non datée et anonyme[78], qui est conservée dans les archives du Secrétaire d’Etat des Affaires étrangères (et accessoirement de Mazarin), reprenant la valeur en livres barcelonaises d’un certain nombre de biens confisqués, classés par ancien propriétaire. Nous en donnons la reproduction pour que le lecteur puisse s’en faire une idée, et afin d’en considérer la présentation graphique originale.

Sur la datation de ce document très important, tout d’abord, une proposition assez sûre peut être faire. Il est nécessairement postérieur au départ de l’intendant Argenson en février 1643, puisqu’il contient (aux folios 344-345) une liste des biens confisqués aux criminels de lèse-majesté du Val d’Aran, c’est-à-dire un certain nombre d’habitants qui s’étaient retirés avec les Espagnols après la reprise par le Gouverneur Margarit de la vallée, soulevée contre l’autorité française. Le fort de Castèth-Leon avait été repris le 20 avril 1643, la citation à comparaître des accusés datait du 5 mai[79], et la sentence finale de confiscation de leurs biens, du 16 juin[80]. On peut même observer, sans se livrer à un relevé systématique, qu’un très grand nombre de personnes citées dans cette liste ont vu leurs biens confisqués à la suite des procès de l’année 1643 (Francesc Gassol, Garau de Guardiola, sans compter tous les grands patrimoines Aitona et autres dont les sentences dataient aussi de ce millésime). Nous avançons aussi que cette liste n’est pas postérieure aux premiers mois de 1644, car plusieurs biens qui y sont cités sont concédés : le 15 janvier 1644 le gouverneur de Salses, M. de Prouville, reçoit des lettres exécutoires pour prendre possession de la pêche de la Font de Salses[81] ; on peut même réduire encore la fourchette si on considère comme significatif le fait que n’y figurent pas les propriétés confisquées de tous les exilés de la fin de l’année 1643, dont le départ causa tant de remous en Catalogne et inspira l’ambassade à Paris du commandeur de Miquel et de Jeroni de Gàver : Josep Galceran de Pinós, Lluis de Peguera, Jaume de Magarola, Enrich de Sentmenat[82]

Quoi qu’il en soit, la liste dont nous parlons est un document de grande importance, ne serait-ce que parce qu’il est le premier, le seul et l’unique pour cette période qui reprenne de façon rationnalisée et précise un état général des biens confisqués en Catalogne. Dès le départ, la difficulté d’un tel travail était énorme. Comment évaluer en effet un si grand nombre de patrimoines, composés certes de seigneuries, de maisons, mais aussi de pensions à recevoir et à verser sur d’autres patrimoines, d’oeuvres pieuses, de dettes et de créances ? Comment même les dénombrer ? Le présent document s’y essaye de façon, il faut le reconnaître, méritoire. Chaque propriétaire a une rubrique, avec un développement plus ou moins détaillé – même si ce n’est pas systématique pour chaque propriétaire – de l’actif et du passif. L’ordre de présentation des biens n’a pas encore été totalement décrypté, mais une observation peut-être faite : les 4 premiers biens (ceux d’Antoni Pujol, d’Hug d’Ortaffa, de Gabriel de Llupià, de Mathias Angelet, de Carles Urgell) sont situés en Roussillon et avaient été déclarés confisqués dans la suite de la crida du 11 mars 1642[83], parmi les premiers. Immédiatement après le groupe de roussillonnais, la liste cite les biens de Ramon de Calders i Ferran et d’Anton Despés i Gomar, qui ont été confisqués en suite de la sentence les déclarant criminels de lèse-majesté le 26 avril 1642[84]. Suit Jacint Sala, puis Francesc de Gassol[85]… Sans les détailler tous, il semble que l’état se soit basé sur un relevé plus ou moins chronologique des sentences finales de saisie édictées par l’Audiència. Le document va immédiatement à l’essentiel, c’est-à-dire aux revenus qu’on peut attendre théoriquement des biens. Quand certains patrimoines sont formés de plusieurs seigneuries importantes, comme par exemple celui de la comtesse de Vallfogona/vicomtesse de Canet, il sont présentés de façon divisée :

Dans le comté de Vallfogona

  • Ville et terme de Vallfogona
  • Baronnie de Vidra y Milany
  • Baronnie de Peramola
  • Baronnie de Paracolls
  • Baronnie de Grions
  • Lieu de Las Planas
  • Lieu de Jafras
  • Baronnie d’Estach

Dans la vicomté de Canet

  • Salins
  • Four commun
  • Jardin du comte
  • Lieu et terme de Torreilles
  • Etang et pêche de Canet
  • Dîme de la pêche
  • Fruits du château de Xixa

Et pour chaque partie, un sous-total est donné, avant un total final. Ces divisions semblent évidemment posées pour permettre le partage effectif des patrimoines en lots, afin de gratifier plus de personnes, ou de rendre plus raisonnables les gratifications. Nous ne savons pas quand cette volonté a commencé à s’installer dans l’esprit des ministres, ni si elle a été inspirée par les gouvernants locaux ou par la cour, toujours est-il que lors de l’arrivée de Pierre de Marca, il était acquis qu’on procéderait toujours ainsi sans jamais donner la totalité d’un patrimoine. Une autre preuve du fait que ce document avait été réalisé en vue d’une distribution : l’omission totale des biens ayant déjà été donnés, comme, par exemple ceux de Joan Francesc Masdemunt et de Ramon Xammar, donnés respectivement au capitaine Miquel Freixa et à Isidoro de Pujolar (malgré la difficulté de l’affaire de ce dernier). L’estimation des revenus, enfin, plonge dans une certaine perplexité. Dans un même document en effet cohabitent des sommes visiblement arrondies, à de très nombreuses reprises (100 l. ; 1000 l. etc.), par exemple pour les biens roussillonnais, avec, pour d’autres patrimoines, des montants très précisément donnés, au sou près (exemple : les maisons de Garau de Guardiola rapportent 643 l. 15 s. avec 113 l. 16 s. de charges). Pour plusieurs biens situés dans le Val d’Aran, le montant des revenus n’est pas connu, ou estimé nul (« no se saca nada »). Il semble assez évident que les biens situés à Barcelona ou dans sa proche périphérie sont mieux connus, et leurs estimations plus précises. Toujours dans le Val d’Aran, « Hazienda de Jusepe Sangermes de dicha valle : Tiene casa y heredad que es de su muger y se ha de averiguar lo que tiene suyo. »

Mais comment étaient estimés ces biens ? Comment étaient réunies et centralisées ces informations ? En un mot, qui a réalisé ce travail ? On peut apporter des pistes de façon graduelle. L’hypothèse d’une personne appartenant au milieu proche de l’Audiència est favorisée par l’aspect chronologique de la présentation, peut-être conforme à un relevé des décisions du tribunal suprême. L’hypothèse d’un homme de loi est fort plausible, comme par exemple Pacià Roca, secrétaire particulier du vice-roi, qui, le 31 août 1643[86], est nommé par ce dernier notaire et secrétaire (« notari y scrivà ») de l’administration de la recette des biens confisqués confiée à Francesc Sangenís – sans que l’on sache cependant si Roca a réellement exercé cet emploi. Cela pose, plus encore, la question de savoir si le document émane ou pas de Sangenís… Au stade actuel de nos recherches, il semble pouvoir autant émaner de lui que du trésorier Bru, puisque des biens gérés par l’un et par l’autre y figurent. En fait, il semble exactement contemporain de la mise en route de cette double administration, juste au moment où beaucoup de séquestres sont éteints et qu’à tous les niveaux s’observe une volonté réelle de réformer la gestion des biens confisqués. Dans tous les cas, le document est en espagnol, et, présent dans des archives françaises, semble avoir été envoyé de Barcelona à Paris. Le fait est à signaler : si jamais la liste que nous étudions est bien celle qui avait été demandée par le roi à La Mothe fin 1642, et ce « mémoire » que le roi disait avoir reçu fin mars 1644, l’ordre initial donné à Argenson et à son collaborateur des Yveteaux, a été ensuite transmis à un Catalan – puisque le castillan est la langue de communication entre les Catalans et la Cour… Il n’est cependant pas impossible que le document soit incomplet, ou non original ; sa présence dans les archives de Mazarin (ou de Chavigny) renforce toutefois l’hypothèse qu’il serait ce chaînon manquant, ce document de référence à partir duquel avaient été ordonnées fin 1643-début 1644 toutes ces bévues si mal interprétées en Catalogne, bien que partant d’une très bonne intention. En tout cas, dès l’arrivée de Pierre de Marca, avec la multiplication des nouvelles confiscations dues aux exils de mal affectes, une telle liste allait vite se trouver obsolète…

 

L’exigence de lister et de connaître précisément les biens, si difficilement imposée à la cour de France, n’était absolument pas ignorée en Catalogne. Traditionnellement, les seigneurs, depuis l’époque médiévale, faisaient périodiquement réaliser des capbreus, documents descriptifs des droits reconnus par les vassaux et paysans emphytéotes (rentes, juridiction), puis, de façon élargie, inventaires de rentes et de biens immeubles possédés en fief ou en tenure. Le processus de réalisation du capbreu (la capbreviació) débutait par un contrat « entre le seigneur et son notaire, et l’information des tenanciers. Le notaire reçoit, sous serment, les déclarations de ces derniers et remet enfin au commanditaire » [87] l’exemplaire fini. Un capbreu pouvait autant être dressé par un seigneur que par le roi pour ses seigneuries. Les bouleversements provoqués après 1641 par la confiscation d’un grand nombre de terres, leur réunion passagère ou pérenne au domaine royal, avait changé l’aspect de la carte des seigneuries, et ainsi, des droits, des redevances, des relations féodale. Le 13 février 1643[88], le vice-roi mandait au gouverneur du Roussillon, Tomàs de Banyuls, de faire établir un capbreu des rentes royales et féodales des comtés de Roussillon et Cerdagne. L’ordre est enregistré dans les registres de la Procuració reial des Comtés, dont Tomàs de Banyuls est aussi titulaire, en plus de sa charge de gouverneur… Mais il n’était pas encore exécuté en 1647[89]. Francesc Sangenís reçoit le 11 avril 1644 l’ordre de dresser un capbreu des revenus et autres droits confisqués aux mal affectes en Roussillon [90]… L’acte précise que depuis le moment où Louis de Niort de Bélesta s’était rendu en Roussillon pour y faire les arrendements, de nombreuses rentes n’avaient pas été perçues (peut-être, devrions-nous dire, n’avaient pas été versées)… Et, ce qui est plus intéressant, le mandement donne des instructions quant à la façon dont il faudra dresser ce capbreu :

« […] vos conferian en dit comtat i fusau fer capbrevaçio de totes les rendes, drets, emoluments i altres coses de malafectes confiscades a sa magestat i real patrimoni, fent achelles separades de cada asienda de persi, i los actes autentics aporteu al ofici de mestre racional per ache en tot temps se puga cobrar tot lo che resultara daçavant de dites capbrevacions ».

Muni du document authentique, et par la possession des actes authentiques, Sangenís était censé se trouver renforcé face aux fermiers récalcitrants. Il recevrait, pour récompense de ses peines, une partie des sommes qui restaient à percevoir jusqu’au moment où Louis de Niort avait commencé les arrendements… Malheureusement, nous n’avons pas trouvé de trace de l’établissement d’un tel capbreu, et il est douteux que Sangenís se soit effectivement déplacé sur les lieux. Nous avons aussi noté qu’à la même époque, plusieurs seigneurs fidèles à la France ont demandé et obtenu du vice-roi un territorium, c’est-à-dire une autorisation pour dresser un capbreu de leurs seigneuries. Nous en avons relevé 16 en tout, dont 12 ecclésiastiques, qui venaient d’entrer en possession de bénéfices confisqués, ou obtenaient le droit de dresser ces capbreus au titre de leur séquestre. Parmi les laïcs, le 3 mars 1643, le Gouverneur Josep de Margarit obtient une telle autorisation[91].

A côté de ces capbreus, documents hypothétiques ou rêvés, dont nous avons de premiers signes mais que nous n’avons pas matériellement retrouvés, un autre document perdu, mais dont il convient maintenant de rappeler l’existence, est ce llibre de confiscations, dont la réalisation a bien eu lieu avant le mois de juin 1643[92]. Formé avant l’entrée en fonction de Sangenís, ce livre marque une vraie volonté de rationnaliser cette administration si décriée et si controversée depuis l’intendance d’Argenson. On y trouve en particulier la préoccupation de prouver que les biens ont réellement été confisqués en indiquant la date de la sentence judiciaire. Un certain Francesc Fresch a été chargé de réaliser ce livre, et reçoit 15 livres pour son labeur. Son ordre de paiement décrit de façon intéressante comment devait être matériellement organisé le livre :

« […] doneu y pagueu realment y de fet a mr. Francesc Fresc, quinze lliures moneda barcelonesa per vint y sinch dies ses ocupat per orde vostre en escrivir y continuar en lo Llibre de confiscations per fer orde y rubrica totes les partides dels bens confiscats ço es cases, terres, censals, censos y iurisdictionis de tots los condemnats, ab sententia real per mal affectos a Sa Magestat per lo que han incidit in crim de Lesa Magestat en primer cap ».

L’énoncé montre une volonté d’exhaustivité et d’organisation. Plusieurs mystères entourent ce document aujourd’hui disparu : si la commande, comme on le voit par cet ordre de paiement au trésorier de Catalogne, émane du vice-roi La Mothe, quelle est la motivation originelle de cette commande ? Etait-ce l’exécution des ordres du roi d’établir un état des biens confisqués ? Dans ce cas, ce serait la preuve que l’opération a été confiée à des agents catalans et non Français. Il n’est pas non plus impossible que ce « llibre de confiscations » soit identifiable avec l’état des confiscations de 1643 que nous avons abondamment commenté plus haut et dont nous donnons la reproduction[93]. L’envoi d’un tel document (en original ou en copie) au gouvernement peut signifier sa valeur probatoire, et appuie bien l’idée d’une commande officielle de La Mothe. L’état de la recherche ne permet pas de répondre pour l’heure à ces questions. Quoi qu’il en soit, la fin de la vice-royauté de La Mothe et l’arrivée d’un nouvel acteur en Catalogne, Pierre de Marca, va durablement changer le mode de fonctionnement de ce premier embryon d’administration française en Catalogne, mais sur des bases installées entre 1642 et 1644.

 

[1] SHD, A1 80 (1643. Expeditions faites au Bureau de M. Thimoleon Le Roy Principal Commis de la guerre 3e Vol.) par exemple.

[2] LEFAUCONNIER, Camille, François Sublet de Noyers (1589-1645). Ad majorem regis et Dei Gloriam, thèse de l’Ecole Nationale des Chartes, 2008.

[3] ACA, Intrusos 113, fol.8-11v, Lettres du vice-roi Brézé faisant donation au capitaine Miquel Freixa des biens de Joan Francesc Masdemunt, 5 avril 1642. Voir édition en annexe : Document n°10.

[4] SHD, A1 71 (n°157), Lettres patentes de don du duché de Cardona au maréchal de La Mothe (minute), octobre 1642. Voir édition en annexe : Document n°1.

[5] SHD, A1 71 (n°269), Lettres patentes des biens du marquis d’Aitona et de la comtesse de Quirra à d’Argenson (minute), novembre 1642. Voir édition en annexe : Document n°2.

[6] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.86v-87v), Lettres patentes de don du duché de Cardona au maréchal de La Mothe (transcription entre un acte du 18 mars 1643 et un autre du 23 mars), octobre 1642.

[7] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.45-46), Lettres patentes de confirmation du don des biens de Ramon Xammar à Isidoro de Pujolar, 15 juin 1643 (transcription dans les registres de la chancellerie, entre deux actes du 9 et du 17 avril 1648).

[8] ADPO, 1 B 394, Donatio feta per lo Ex.m sor. lloct. ÿ capita general en lo principat de Chatalunÿa de la universal heretat ÿ bens que foren de Joan Frances Masdemon en favor del capita Miquel Freixa ÿ dels seus, 5 avril 1642 (enregistrement dans les registres de la Procuració reial dels Comtats entre un acte du 3 janvier 1643 et un acte du 14 février).

[9] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.123-124v), Lettres patentes du roi attribuant une pension de 3000 livres par an à l’université de la ville d’Ille, 18 avril 1643 (transcription). Le docteur de l’Audiència Josep Queralt exerçait en l’absence de Josep Fontanella le fonctions de Régent.

[10] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.148-148v), Brevet de don à Isidoro Pujolar des biens de Ramon Xammar, 1er octobre 1642 (enregistrement).

[11] SHD, A1 71 (n°162 et 163), Lettres portant don du baudrier militaire pour Diego Monfar i Sors, scrivà de manament et archivaire royal de Barcelona, 26 novembre 1642 (copie des lettres et en latin et traduction française).

[12] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.148-148v), transcription du brevet.

[13] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.92v-93v), Don à Isidoro de Pujolar du séquestre des biens de Ramon Xammar, 25 février 1643 (enregistrement).

[14] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.45-46), Lettres patentes de don des biens de Ramon Xammar à Isidoro de Pujolar, 15 juin 1643 (enregistrées entre un acte du 9 avril 1648 et un autre du 17).

[15] SHD, A1 85 (n°182), Grandes lettres patentes de don des biens confisqués de Frigola au chapitre d’Urgell, transformées en petites lettres patentes, 19 mars 1644 (minute). Voir figure n°4.

[16] SALES, Història de Catalunya…, p.370.

[17] AMAE, CP Espagne 21 (fol.494-496v), Mémoire de Rafel Sitjar (1644). « El aver determinado dicha Junta que las gracias de Su Mag.d no se executen con brevetes, ni se admitan sino con Letras, es querer el inferior poner ley y dar forma al superior. Es absurdo. Es calumniar tantam.te de falsarios a los que han venido de Paris con sus brevetes, o por lo menos es sospechar que los secretarios del Consejo Supremo de Paris despachen dichos brevetes sin orden ni mandato de Su Mag.d. Es querer hazer mas dificultosas y mas costosas las gracias y mercedes que su Mag.d nos haze con tanta liberalidad y franqueza, que ni quiere que sus secretarios y ministros tengan otros derechos, ni pechos de lo que cuesta un brevete. Es al fin invencion colorada destos señores, que quieren hazer lo todo aqui, y que el Rey ni Consejo Supremo en Paris hagan nada, sino lo que ellos quieren : no aviendo exemplar que alguno aya venido de Paris con brevete falso, ni con gracia hecha por su Mag.d sin meritos, y servicios muchos. Y de los officios y cargos y mercedes que se han dado aqui ay exemplares muchos que los han dado a mal afectos, a ignorantes, inhabiles, e inmeritos de dichos officios, porque aqui todo se da, o se vende por complacencias, o interesses, o segundas intenciones : y en Paris no hay hombre que se atreva ir, y pedir sin meritos y servicios, y que no sea muy bien afecto a Francia ».

Voir aussi un commentaire supra (Première partie, II. 3.).

[18] BNF, Baluze 103 (fol.29-39v), Instruction pour le sieur de Marca s’en allant en Catalogne en qualité de Visiteur general, et en faire les fonctions, 30 janvier 1644.

[19] SERRA I PUIG, Eva, « Evolució d’un patrimoni nobiliari català durant els segles XVI i XVIIIe. El patrimoni nobiliari dels Sentmenat », in Recerques, n°5, 1975, p. 33-71. Un noble catalan pouvait dire : « No hay dos caballeros en la provincia que, pagados sus cargos, les queden 6000 ducados de renta ». A une date postérieure, en 1668, Eva Serra a évalué pour la famille de Meca la part totale des dettes dans les revenus annuels : 53,17% de revenus d’arrendements ruraux, 25,18% de pensions de censals, 14,12% de loyers urbains, 7,58% de sens en numéraire. (Ibid., p.48).

[20] SERRA I PUIG, Eva, « Interpretació de la crisis del segle XVII », in Terra, treball i propietat ; classes agràries i règim senyorial als països catalans, Barcelona, Crítica, 1986, p.230.

[21] En 1644, Eva Serra estime le montant des revenus des Sentmenat à plus de 4500 livres barcelonaises… (« Evolució d’un patrimoni… », p.44).

[22] FERRO, El Dret Públic Català…, p261.

[23] ACA, Cancilleria, Intrusos 127 (fol.13-14). Sant Marçal est sur la commune de Cerdanyola del Vallès, dans la province de Barcelona, comarca del Vallès Occidental.

[24] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.137-138).

[25] ACA, Cancilleria Intrusos 127 (fol.14-14v et 15-15v).

[26] ACA, Cancilleria, Intrusos 127 (fol.12v-13).

[27] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.69-69v), Ordre à Sangenís de signer toutes les lettres de change que les séquestres des biens confisqués avaient commencé à signer, 17 février 1644. (1°)

[28] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.314-314v), Ordre à Sangenís de signer toutes les lettres de change que les séquestres des biens confisqués avaient commencé à signer, 13 mars 1644. (2°)

« Ab altro orde nostro despatxat al deset de febrer proppassat, seus mana firmassen les lletres de cambi acostumaven firmar los possessors dels bens che vuy son confiscats, i aplicats als cofres reals de sa mag.t, i avent representat los acreedors che don Pedre Bosc, i altros sequestradors avian firmat lletres, che solo se eren dexades de firmar algunes fires, empero che avien fets les degudes diligencies per ches firmassen. Perço ab tenor de la present de nostre certa ciencia, i real autoritat vos diem i manam che continuem en firmar totes les lletres de cambi che los sequestradors de dits bens avien començados a firmar, conforme seus era estat ordonat dels possessors dels bens. Manant al ill.e mestre racional de la casa, i cort de sa mag.at i a son lloctinent i a altro qualsevol che de vos compte oira per rao de les demunt dites firmes, che posant en data de vostres comptes, achells vos pasen, i admetien en legitim descarrec a sola restitucio del present sens mostrar altros recaptes, cho axi come al servey de sa mag.t »..

[29] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.340-346v), Liste (non datée et anonyme) des biens confisqués en Catalogne et Roussillon, (1643 ?). Voir édition en annexe : Document n° 26.

[30] Actuellement Vallfogona de Ripollès, comarca del Ripollès, province de Girona.

[31] Aitona, comarca del Segrià, province de Lleida.

[32] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.148-148v), Brevet de don à Isidoro Pujolar des biens de Ramon Xammar, 1er octobre 1642 (enregistrement).

[33] ADPO, 1 J 83/1, Procura feta per Isidoro Pujolar y de Graell al capita Miquel Freixa en Paris, 24 octobre 1642 (acte en latin passé devant Jacques Delalie, notaire juré de la cour de l’archevêque de Paris). Suit l’acte de prise de possession des biens en question.

[34] Ramon Joan Antoni Salvador Honrat Jeroni Francesc Xammar i Ballaro, baptisé à Perpignan le 28 mai 1611, était le fils de Rafel Xammar i de Cardona, cadet d’une des familles les plus illustres de Girona alliée à un rameau collatéral des ducs de Cardona, et d’Isabel Ballaro i Girau, mariés en 1596 à Perpignan. Par ce mariage, Rafel, cadet de famille, était rentré en possession de plusieurs biens de sa belle-famille en Roussillon, s’y était fixé, et avait été nommé alcayt du château d’Elne. Ramon Xammar fut reçu cavaller de Calatrava, ordre militaire très apprécié de la noblesse catalane. Il quitta Perpignan vers 1641, et n’y revint probablement jamais. Il épousera en 1654 à Barcelona Francesca de Corbera de Sant Climent i de Guardiola, fille du baron de Llinàs. LAZERME Inédit (Xammar)

[35] « […] aperte archae sive “las caixas“ per magistrum Raphaellem Cerra siccarium sive serrallerium presentis ville Perpiniani, quibus apertis “dedins de las quals caixas se ha trobat un saquet dins una arquimesa de noguer cenurra ab las calaixas dins lo qual se a trobat tres diners dins de un calaixo y sinquanta set sous y sis diners moneda de Perpinÿa, dich 2 l. 7 s.

Item dins dita arquimesa hia molt papers y actes tant las pocats ( ?) dins de un sach com altrament als calaixos“ » (ADPO, 1 J 83/1)

[36] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.188v-189), Ordre à Jeroni de Tamarit i Tafurer, séquestre des biens du duc de Sessa, de payer 112 livres barcelonaises 6 deniers aux héritiers et successeurs de Francesc Vilar « per lo que paga als officials que anarem a Perpinÿa y a altres llochs de Rossello pera pendre possessio dels bens de don Ramon Xammar y a Empurda per la possessio dels bens de don Barnadi de Marymon y axi mateix per las dietas degudas a dit Mr Vilar per los dias que ocupa en ditas anadas », et 28 livres 4 sous 6 deniers « per lo que dit Mr Vila [sic] paga per la merce que le feu lo espectable portant veus de general governador en lo present principat de sequestrador dels bens de dits don Ramon Xammar, de Ignasi Ferrer y de Fortia, y de don Bernadi de Marimon », 10 juin 1643.

[37] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.6v-7à), Don par Brézé du séquestre de Banyoles à Francesc de Monfar, abbé de Camprodon, 20 mars 1642.

[38] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.7-7v), Don par Brézé du séquestre de Camprodon à Francesc de Montpalau, abbé de Banyoles, 20 mars 1642.

[39] Cancilleria, Intrusos 113 (fol.11v-12v), Mandement à fra Josep de Malla, séquestre de l’abbaye de Sant Cugat del Vallés, de donner les fruits de l’abbaye couverts et à couvrir à fra Gaspar Sala, abbé de Sant Cugat, 23 mars 1643.

[40] AMAE, CP Espagne 24 (fol.212-213v), Noticia de la abadia y abad de Sant Cugat, 1644 (de la main de Gaspar Sala).

[41] SERRA I VILARÓ, Joan, Història de Cardona. Llibre I. Els senyors de Cardona, Tarragona, Sugrañes, 1966, p.513-514.

[42] Dietaris…, vol. V, p.1344. La provision date du 30 juillet 1642.

[43] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.66-67), Lettres de mise en possession de Rafel Antich comme séquestre des revenus des biens appartenant à la comtesse de Quirra dans le Principat de Catalogne, 9 septembre 1642.

[44] Contrairement à ce qu’avait proposé Eva Serra (qui disait que l’administration administrative des séquestres intervenait en 1643), on observe la nominaton de séquestres dès l’été 1642, bien que nous n’ayons pas encore retrouvé de vestige des lettres de nomination de cette époque, hors des lettres de mise en possession en faveur de Rafel Antich, que nous commentons. SERRA, Eva, « Els Guimerà, una noblesa de la terra », Recerques, n°23, 1990, p. 33.

[45] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.208v), Ordre à Garau Alemany, trésorier, de payer au docteur Francesc de Sagarra, « nostre governador en lo ducat de Cardona », 50 livres pour avoir apporté un prévenu aux prisons royales de Barcelona.

[46] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.163v-168), Nomination de Miquel Francesc Prat i Senjulia, donzell et docteur de Sant Feliu de Pallerols et d’Olot, comme gouverneur du comté de Vallfogona et vicomté de Canet, 25 août 1643. Les données manquent particulièrement pour déterminer si, au cours de l’année 1643, l’extinction de certains séquestres a pu laisser la place à des gouverneurs ; cependant, en théorie du moins, les fonctions de ces derniers sont de nature juridictionnelle…

[47] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.163v), Ordre à Francesc Sangenís de payer diverses sommes à des hommes de loi du comté de Santa Coloma, 26 avril 1643.

[48] CAPDEFERRO I PLA, Josep, Joan Pere Fontanella

[49] Pacià Roca, avant la guerre, était déjà avocat du comte et du comté de Santa Coloma, comme le rapporte Ramon de Bas qui l’accuse de n’être pas totalement fidèle à la France (AMAE, CP Espagne 26, fol.50-62v, Disposicion del Estado de Catalunya, 1643, voir Document n°33).

[50] ACA, Cancilleria, Intrusos 64 (fol.214v-216), Convocation de Rafel Serda, séquestre des biens de Ramon de Çagarriga, à comparaître devant la Reial Audiència, 10 décembre 1642. Voir édition (Document 31).

[51] Onofre Aquiles, riche marchand de Barcelona, sera en 1645 impliqué dans une conspiration anti-française pour rendre la ville au roi d’Espagne (SANABRE, p.332 et voir infra Deuxième partie, I. 2.

[52] ACA, Cancilleria, Intrusos 127 (fol.18v-19v), Relevé de sentence de la Reial Audiència en faveur de Rafel Serda, 23 février 1643.

[53] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.23v-24), Ordre à Francesc de Tamarit, lloctinent del Mestre Racional, de passer les comptes de Rafel Serda pour les 300 livres de son salaire, 11 mai 1643.

[54] Francesc de Vilalba, que nous avons déjà évoqué plusieurs fois, a d’abord été pourvu du séquestre du duché de Cardona lorsqu’il fut confisqué en juin 1642. Ensuite, on le trouve « séquestre pour le roi du comté d’Empúries », un comté qui appartenait aux ducs de Cardona mais a été réuni au fisc royal. Il semble qu’après la prise de possession effective par le maréchal de La Mothe du duché de Cardona, Francesc de Vilalba n’ait assuré que le séquestre des biens de Cardona non compris dans le duché.

[55] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.149v-150), Ordre au trésorier Jaume Bru de remettre le bijou (venant de la duchesse de Cardona) saisi le 30 mars au couvent des Carmélites, dans les mains du vice-roi, 7 avril 1643.

[56] ACA, Cancilleria, Intrusos 65 (fol.102-103v).

[57] ADPO, 3 E 3/991. L’ensemble des contrats d’arrendement que nous commentons est contenu dans ce dossier.

[58] En Catalogne, les dîmes sons sécularisées. FERRO, El Dret Públic Català… (p.86-87).

[59] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.154-156v), Etablissement de Francesc Sangenís, Ciutadà honrat de Barcelona, comme recouvreur et administrateur de tous les biens et rentes confisqués dans le Principat de Catalogne, 22 juin 1643.

[60] ACA, Cancilleria, Intrusos 141 et 142. La disparition d’autres registres n’est pas exclue.

[61] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.84v-85), Fondation de procureur en faveur de Louis de Niort de Bélesta pour prendre possession du duché de Cardona, de la part du vice-roi, 23 mars 1643.

[62] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.313v-314), Ordre à Francesc Sangenís de payer à Louis de Niort de Bélesta 640 livres 13 sous pour les dépenses du voyage en Roussillon et Cerdagne afin de faire l’arrendement des biens confisqués, 12 mars 1644.

[63] ACA, Cancilleria, Intrusos 127 (fol.112-112v), Ordre à Francesc Sangenís de dresser un capbreu des droits et possessions des mal affectes en Roussillon, 11 avril 1644.

[64] ACA, Cancilleria, Intrusos 115 (fol.20-20v), Ordre au gouverneur de Roussillon de confirmer les officiers nommés par Louis de Niort de Bélesta pour recevoir les rentes des biens confisqués, 18 avril 1644. « Mag.c y amat conseller de la real mag.t, Com ab la carta per vos escrita en aqueixa vila de Perpinya nos hajan certificat que tots los officials ha criat Luis de Niort y de Ballesta capella major de sa Mag.t y nostron almoyner, tant en lo vescomtat de Illa, Canet, Evol, com en altras haziendas de malaffectes de aqueixos comtats, son personas benemerites per als carrechs y molts affectes al servey de Sa Mag.t, y peraque en ningun temps se puga posar dupte en ditas creations tant per defecte de poder com altrament, nos ha aparagut retificarlas. Perço ab tenor de la present de nostra certa scientia y real autoritat, ratificam y confirmam tots los dits officials que dit Luis de Niort y de Ballesta ha criats volent que las nominations y crations haura fetas tingan la mateixa força y valor com si per nos fossen estades concedides y donareu avis de aquesta nostra voluntat als dits officials y altres a qui sera necessari attes axi conve al servey de Sa Mag.t ».

[65] ADPO, 3 E 3/991.

[66] ACA, Cancilleria, Intrusos 140.

[67] ACA, Cancilleria, Intrusos 140 (fol.98v et fol.99).

[68] ACA, Cancilleria, Intrusos 140 (fol.210v-212), Quittance faite par Francesc Mas, religieux de l’ordre de la Merced, commandeur du monastère de Santa Coloma de Queralt, pour des pensions de censals que font les biens du comte de Santa Coloma audit monastère, 2 août 1645 ; par exemple.

[69] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.136v-137), Ordre à Jaume Bru de réaliser la vente à Joan-Baptista de Monjo, donzell del Real Consell, des maisons qui furent au docteur Felip Vinyes, situées à Barcelona carrer dit la carniceria den Sorts, qui avaient été « subastades en lo publich encant per los llochs acostumatos de la present ciutat per mes de trenta dies y que la utima dita se es trobada en aquells son mil set centes setanta lliures ultra los carrechs y mals en la tabla expressats (celui qui l’a emporté était le docteur de Monjo) », 18 mars 1643.

[70] Cancilleria, Intrusos 127 (fol.159v-163), Ordre de mettre sous séquestre des baronnies de la juridiction de Cardona et nomination de Louis de Niort de Bélesta pour séquestre, 30 avril 1644.

« Ex.m Señor,

 

Differents capitols, comunitats, y universitats y singulars personas ecclesiasticas y laycas subjectes y estant voluntariament en lo domini y jurisdictio o altrament affectes al Rey Catholich de Castella, enemich Guerrejant del Rey Xp.im señor nostre y del pnt. Principat, reben y acostumen de rebre pensions de moltas universitats y singulars personas de Arbeca, Jimeda, Baronias de Entença y altres de la Jurisdictio de V.Ex.a com ha Duc de Cardona, y ses pertinencies, y dependencies mentionades en lo memorial que se exhibeix ut inseratur, y per avant se mensionaran. Les quals importan moltas y notables quantitats, de les quals los dits enemichs, cobrant sos procuradors en Cathalunya, se poden ajudar y valer ab les cobrançes per danyar y oppugnar las matexas debitors, y pnt. Principat. Y se fan mies poderosos per resistir en la guerra, y se sequexen altres danys mes considerables. E com no sie just que los enemichs reban profits alguns de dits vassals de V.a Ex.a y restan los vassalls pobres y la negatio de molts debits, y obligacions, Supp.ca perço lo procurador fiscal de la regia cort que las dites rendes, y pensions sien secrestades y perço de llettres opportunes esser provehit lo offici y altissimus…

 

Vidal fisci advocatus ».

[71] ACA, Cancilleria, Intrusos 113, Fondation de procureur en faveur de Louis de Niort de Bélesta pour prendre possession du duché de Cardona, 23 mars 1643.

[72] Cité par HENRY, Histoire du Roussillon…., p. 147-148.

[73] AMAE, Mémoires et Document France 1744 (fol.36-43). Texte édité dans les annexes (Document n°26) Une (autre ?) copie du texte est conservée à la BNF, Baluze 146 (fol.40-46v). –

[74] SANABRE, p.200.

[75] AMAE, CP Espagne 23 (fol.432-432v), après février 1643.

[76] AMAE, CP Espagne 22 (fol.331-331v), Lettre de Chavigny à La Mothe, 19 décembre 1642.

[77] SHD, A1 90 (fol.106v-109v), Lettre du Roy au Maréchal de La Motte sur les desseins des ennemis estans sur les frontières de l’Arragon et Catalongne, 29 mars 1644.

[78] AMAE, CP Espagne Supplément 3 (fol.340-346v). Voir édition (Document 26).

[79] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.32v-34), Crida pública à comparaître sous dix jours à différents habitants du Val d’Aran : Lluis de Toralla, fils de Jacint de Toralla, Pere Amoros de Vielha, Barthomeu Benosa dit de Juancich de Bossost, Josep Benosa de Gausach et son frère Joan Benosa de Canejas, Rafel Subira seigneur d’Arros, Ramon Joan Cau de Benosa, baron de Lés et son fils Ramon Cau, Steve Sangermes fils aîné du batlle de Vinya, Barthomeu Brugarol, notaire, Barthomeu de Arnaudet de Vielha, T. Pasqual, juge du Val d’Aran, Blasi Bayxes, T. Pobig, étudiant, Josep Santgermes et Joan de Lusca de Benos, « tots naturals de dita vall de Aran del present Principat de Cathalunya han obrat mal y preses les armes y fetes moltas y diverses hostilitats contra Sa Mag.t y del Principat anant y conspirant ab los enemichs de aquells, cometent y perpetrant crim de Leza Mag.t en lo primer cap » (suivant provision par Josep Orlau le 5 mai 1643), 11 mai 1643.

[80] ACA  Cancilleria, Intrusos 143 (fol.38v-39v), Crida pública contre différents habitants du Val d’Aran, disant que n’étant pas comparus dans le délai de 10 jours qui leur était imparti, par sentence royale et du royal conseil, ils sont déclarés rebelles, traitres et infidèles, criminels de lèse-majesté, et leurs biens confisqués et appliqués aux coffres de Sa Majesté, 16 juin 1643.

[81] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.273v-274v).

[82] Ces expulsions datent de septembre-octobre 1643 (SANABRE, p.282-283).

[83] ACA, Cancilleria, Intrusos 113 (fol.2-4).

[84] ACA, Cancilleria, Intrusos 143 (fol.9v-10v).

[85] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.168-169), Sentence déclarant la saisie des biens de Francesc de Gassol…, 22 avril 1643.

[86] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.39).

[87] DELONCA, Marcel, Villelongue de la Salanque au début du XVe siècle, à travers un capbreu de 1416, le territoire, les hommes et leurs biens, mémoire de master, Université de Perpignan Via Domitia, 2011, p.7-8.

[88] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.131v-132).

[89] ADPO, 1 B 394 (fol.77v-78), Ordre du vice-roi, Philippe de La Mothe-Houdancourt, à Tomàs de Banyuls, gouverneur de Roussillon, de dresser un capbreu des rentes royales et féodales en Roussillon, 13 février 1643 (acte enregistré le 20 janvier 1647).

[90] ACA, Cancilleria, Intrusos127 (fol.112-112v).

[91] ACA, Cancilleria, Intrusos 114 (fol.6v-8).

[92] ACA, Cancilleria, Intrusos 126 (fol.187), Ordre à Garau de Alemany, trésorier, de payer 15 livres barcelonaises à Francesc Fresch pour s’être chargé d’établir un llibre de confiscations, 16 juin 1643. Ce livre ne peut en aucun cas être identifié avec les deux « Liber Apocharum et arrendamentorum bonorum confiscatorum » (ACA, Cancilleria, Intrusos 141 et 142), qui sont des registres de quittances de paiements et de contrat d’arrendement et dont la rédaction n’obéit qu’à un ordre de simple recopie successive des actes.

[93] Voir Document n° 26.

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